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Mondialisation, institutions et développement économique de l’Afrique Rapport de la Conférence économique africaine 2008 Banque africaine de développement et Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique BAD/CEA Mondialisation, institutions et développement économique de l’Afrique

Mondialisation, institutions et développement … · Design et mis en page Banque africaine de développement ... particulier leurs effets sur le commerce, l’investissement, la

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Mondialisation, institutionset développement économique

de l’Afrique

Rapport de la Conférence économique africaine 2008

Banque africaine de développementet Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique

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Mondialisation, institutionset développement économique

de l’Afrique

Rapport de la Conférence économique africaine 2008

12-14 novembre 2008

Tunis, Tunisie

Banque africaine de développementet Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique

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La Banque africaine de développement (BAD) et la Commission économiquepour l’Afrique des Nations Unies

Ce document a été préparé par le Banque africaine de développement (BAD) et la Commission économiquepour l’Afrique. Les dénominations employées dans cette publication n’impliquent, de la part des deuxinstitutions, aucune prise de position quant au statut juridique ou au trace des frontières des pays. Aprestant d’efforts déployés pour présenter des informations aussi fiables que possible, la BAD et la CEA sedégagent de toute responsabilité de l’utilisation qui pourra être faite de ces données.

Publié par :

La Banque africaine de développement (BAD)Agence Temporaire de Relocalisation (ATR)B.P. 323-1002 Tunis-Belvedere, TunisieTél: (216) 7110-2876Fax: (216) 7110-3779

&

La Commission Economique pour l’AfriqueB.P. 3001, Addis Abeba, EthiopieTél: +251 11 544 3409 Fax: +251 11 551 3038 (direct) or +251 11 551 2233Email: [email protected]

Design et mis en pageBanque africaine de développementUnité des relations extérieures et de la communication (ERCU)Yattien-Amiguet L.

ImpressionFinzi Usines Graphiques

Droit d’auteur © 2009 La Banque africaine de développement et la Commission Economique pour l’Afrique

Email: [email protected] Site web: www.afdb.org

ISBN 978-9973-071-31-6

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Remerciements

Ce rapport synthétise les messages essentielsdes allocutions et des articles sur lesquels ont

porté les discussions de la Conférenceéconomique africaine 2008, organisée à Tunis, enTunisie. Le thème de cette année était « Mon -dialisation, institutions et développementéconomique de l’Afrique ». Le rapport a été élaborépar le professeur Mwangi Kimenyi (BrookingsInstitution, États-Unis), rapporteur principal, avecl’aide du professeur Sylvain Dessy (Université deLaval, Canada) et du Dr. Audrey Verdier-Chouchane, qui a également assuré lacoordination du rapport à la Banque africaine dedéveloppement, en Tunisie. En outre, nous tenonsà remercier les nombreux participants auxdiscussions et les autres rapporteurs qui ontrésumé les principaux points soulevés au coursdes débats. Ce rapport a été traduit en françaispar Architexte (Paris, France) et relu par DieudonnéToukam, Consultant de la BAD.

Pour les autorités et les analystes, y compris pourla diaspora, la Conférence économique africaine2008 a été une opportunité unique de travaillerensemble et de débattre des différents problèmesauxquels l’Afrique est confrontée. Le rapport meten lumière les principales recommandations quis’en dégagent pour l’élaboration de politiques.

Cette conférence n’aurait pu se tenir sans le soutienplein et entier et le leadership du Président et duConseil de la Banque africaine de développement,ainsi que du Secrétaire exécutif de la Commissionéconomique des Nations Unies pour l’Afrique.

Nous exprimons notre reconnaissance auxnombreux universitaires et représentants desinstances décisionnaires qui ont rédigé descontributions, fait des présentations et stimulé lesdébats de la Conférence. Grâce à eux, celle-ci apermis à tous les participants de recueillir deprécieuses informations.

Beaucoup de membres du personnel de la Banqueafricaine de développement et de la Commissionéconomique des Nations Unies pour l’Afrique ontconsacré leur temps et leur énergie à organiser laConférence. Le travail considérable qu’ils ontaccompli est très apprécié.

Enfin, nous souhaitons remercier l’ensemble duréseau de recherches sur les politiques et tous lesacteurs de l’élaboration des politiques pour lesoutien enthousiaste qu’ils ont apporté à laConférence. Nous espérons avoir l’occasion de lesrencontrer à nouveau lors de l’édition 2009.

Louis KasekendeÉconomiste en Chef

Banque africaine de développement

Abdoulahi Mahamat,Directeur par intérim,

Division du Commerce, de la Financeet du Développement économique

Commission économique pour l’Afriquedes Nations Unies

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Liste des acronymes

ACP Afrique, Caraïbes et PacifiqueAED Aide effective au développementAFP Allocation fondée sur la performance AGOA Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique [États-Unis]APCI Accords préférentiels de commerce et d’investissementAPD Aide publique au développementAPE Accord de partenariat économiqueBAD Banque africaine de développementBMD Banque multilatérale de développementCAE Communauté de l’Afrique de l’EstCCNUCC Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiquesCEA Commission des Nations Unies pour l’AfriqueCECAFA Fonds pour l’énergie propre et l’adaptation aux changements climatiques en AfriqueCEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’OuestCEMAC Communauté économique et monétaire d’Afrique centraleCFC Chlorofluorocarbures CLUSA Cooperative League of the USACMS Cameroon Maize SeriesDEA Analyse d’enveloppement des données DSRP Document de stratégie pour la réduction de la pauvretéFAD Fonds africain de développementFEM Fonds pour l’environnement mondialFIDA Fonds international de développement agricoleFMI Fonds monétaire internationalGCB Ghana Commercial BankGIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climatHRV Modèle de Hausmann, Rodrik et VelascoIDE Investissement direct étrangerIFD Institutions de financement du développementISEME Indice synthétique de l’émergence économiqueKEFRI Kenya Forestry Research InstituteMCGA Modèles de circulation générale de l’atmosphèreMENA Moyen-Orient et Afrique du Nord MMG Méthode des moments généralisés NCRE National Cereals Research and ExtensionNCT Nourriture contre travailNEIO Nouvelle organisation industrielle empirique NPF Nation la plus favorisée

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OCDE Organisation de coopération et de développement économiquesOMC Organisation mondiale du commerceOMD Objectifs du Millénaire pour le développementONG Organisation non gouvernementalePIB Produit intérieur brutPMA Pays les moins avancésPME Petites et moyennes entreprisesPPTE Pays pauvres très endettésPSA Programmes de sécurité alimentairePTF Productivité totale des facteursSADC Communauté de développement de l’Afrique australeSCP Structure-comportement-performanceSPG Système de préférences généraliséesTBI Traité bilatéral d’investissementTICAD-IV Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’AfriqueUA Union africaineUE Union européenneUEMOA Union économique et monétaire ouest-africaineVAR Méthode de l’autorégression vectorielle

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Sommaire

Synthèsei. Introductionii. Crise financière et politiques publiquesiii. Marchés financiersiv. Flux internationaux de capitauxv. Reconstruction post-conflitvi. Commerce et intégrationvii. Infrastructureviii. Activités manufacturièresix. Agriculture et developpement ruralx. Changements climatiquesxi. Capital humainxii. Marché du travail, pauvreté et genrexiii. Institutionsxiv. Planification et politiques publiquesxv. Défis et perspectives de la mondialisationxvi. Conclusion

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Synthèse

Organisée conjointement par la Banque africainede développement (BAD) et par la Commission

économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA),la Conférence économique africaine permetl’échange d’idées entre économistes et instancesdécisionnaires. Elle vise à encourager la productiond’informations dans le cadre du processusd’élaboration et de mise en œuvre des politiquespubliques, ainsi qu’à promouvoir et faire avancerl’analyse des questions économiques liées audéveloppement des pays d’Afrique.

La Conférence est aussi l’occasion, pour lesorganisations régionales et infrarégionales, dediffuser les résultats de leurs travaux de rechercheet de partager des informations pertinentes avecles autorités africaines. Le présent rapport synthétiseles actes de la troisième Conférence économiqueafricaine, qui s’est tenue du 12 au 14 novembre2008 à Tunis, en Tunisie.

Le thème de l’édition 2008 est « Mondialisation,institutions et développement économique del’Afrique ». En ce qui concerne la mondialisation,les contributions à la Conférence se sont penchéessur l’interdépendance croissante qui existe entreles économies de cette région, ainsi qu’avec lemonde extérieur. En témoignent l’essor ducommerce transfrontier de produits et de services,l’intégration commerciale et monétaire, lesmigrations internationales, l’investissement directétranger, l’aide et les transferts de fonds desmigrants.

Les discussions ont notamment porté sur uneévaluation de la capacité des pays d’Afrique àmettre à profit les opportunités résultant de lamondialisation. Les contributions ont également

mis en évidence les différents problèmes que lamondialisation engendre dans cette région.S’agissant des institutions, les contributions et lesdiscussions ont adopté une perspective large,englobant la gouvernance, la corruption, les droitsde propriété, le climat de l’investissement et ladécentralisation. Elles ont souligné l’importance desinstitutions pour le développement économique, enparticulier leurs effets sur le commerce,l’investissement, la paix et la stabilité, et l’accès auxservices publics.

Même si un grand nombre de contributions à laConférence sont spécifiquement axées sur lesquestions relatives à la mondialisation et/ou sur lesinstitutions, beaucoup traitent de divers autresaspects des économies africaines, notamment desmarchés financiers et du développement, du capitalhumain, de la santé et de la pauvreté, deschangements climatiques, des structures deproduction et des politiques économiquesnationales. Les débats sur tous ces thèmes ontconvergé vers la question du développementéconomique de l’Afrique, en termes d’accélérationde la croissance et du développement humain.

La Conférence s’est déroulée au moment oùcommençait une crise financière mondiale qui a prisnaissance aux États-Unis mais s’est propagéerapidement à d’autres économies, y compris enAfrique. Cette crise représente un nouveau défi pourles pays d’Afrique et menace d’éroder les avancéesdu développement que ce continent a réalisées aucours de la dernière décennie. Elle appelle desmesures d’urgence afin aider ces pays à affronterla tempête. C’est pourquoi deux sessions plénièresont été consacrées à l’analyse de son impact, avec,notamment, un discours du Président de la Banque

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africaine de développement et des allocutions parles gouverneurs de plusieurs banques centralesafricaines. Les contributions se sont intéresséesaux canaux par lesquels la crise s’est propagée àl’Afrique, à l’incidence potentielle de la crise sur leséconomies de cette région et aux ripostesenvisageables. Le présent rapport éclaire lesquestions fondamentales liées à la crise, qui ontété débattues lors de la Conférence.

Les contributions portent sur une grande diversitéde thèmes, de pays et de régions, et recourent àdifférentes méthodologies. Afin de permettre letraitement et la synthèse de ces questions, lerapport comprend plusieurs axes thématiques :commerce et intégration, marchés financiers, fluxinternationaux de capitaux, institutions etperformances économiques, reconstruction post-conflit, changements climatiques, agriculture etdéveloppement rural, capital humain, marchés dutravail, genre et pauvreté, politiques économiquesnationales, défis et perspectives de lamondialisation. Néanmoins, la plupart descontributions couvrent plusieurs de ces aspects.Le rapport présente les principales questions depolitique publique qui s’en dégagent, ainsi que lesdiscussions qu’elles ont suscitées.

Globalement, et comme le montre le rapport, mêmesi les pays d’Afrique ont accompli des progrèsremarquables, cette région reste confrontée à desobstacles considérables qui entravent sondéveloppement. Certes, on constate des avancéesdans plusieurs domaines, tels que l’intégrationrégionale, grâce notamment à l’élimination de

nombreux obstacles aux échanges. On observe enoutre une nette amélioration des institutions degouvernance et de l’investissement dans le capitalhumain. Il est toutefois manifeste que l’Afrique ne tirepas encore pleinement parti des opportunités quidécoulent de la mondialisation. Sa part dans lecommerce mondial est toujours relativement faible,y compris compte tenu de l’accès préférentiel de larégion à certains marchés étrangers. Les contributionsà la Conférence révèlent que, malgré certainescontraintes extérieures qui empêchent cette régiond’exploiter les effets bénéfiques de la mondialisation,nombre de problèmes sont de nature endogène.

Il ressort également des actes de la Conférenceque l’Afrique n’est toujours pas compétitive àl’international. Ses structures de production restentdominées par le secteur primaire. Parmi les freinsinternes à la croissance et à la transformation deson économie, figurent notamment la fragilité deses institutions, les conflits, un climatd’investissement peu propice et le manqued’infrastructures. Ces difficultés sont aggravées parde nouveaux problèmes, tels que ceux induits parles changements climatiques.

Conformément aux objectifs de la Conférence, lescontributions présentées sont le fruit de recherchesapprofondies, qui reposent sur diverses approchesthéoriques et empiriques. Ce rapport ne s’attardepas sur les aspects méthodologiques. Toutefois, laConférence étant destinée à faciliter l’élaboration depolitiques via l’analyse, elle met en lumière lesrecommandations qui émanent des contributions,ainsi que des suggestions pour des travaux ultérieurs.

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I. Introduction

La troisième Conférence économique africaineorganisée conjointement par la Banque africaine

de développement (BAD) et la Commissionéconomique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA)s’est tenue à Tunis, en Tunisie, du 12 au 14novembre 2008. Les participants ont été invités àdébattre sur le thème « Mondialisation, institutionset développement économique de l’Afrique ». Outreles quatre sessions plénières, des présentationsont porté sur plus de 60 contributions débattueslors de 30 sessions. Le présent rapport proposeune synthèse des présentations et des discussionsqui ont eu lieu lors de cette conférence. En plusdes aspects analysés dans les contributions, il meten lumière les principales recommandations depolitiques publiques qui ont émergé desdélibérations.

Les articles présentés lors de cette conférence ontcouvert un large éventail de sujets ciblant des paysou des groupes de pays spécifiques et faisantintervenir une grande variété d’approchesméthodologiques théoriques et empiriques, quireflètent dans une large mesure l’état actuel de larecherche économique. Néanmoins, tous ont traitéau moins l’un des thèmes retenus pour laConférence. Nonobstant les domaines couverts ouleur approche méthodologique, ces articles ontconvergé dans la description des stratégies dedéveloppement économique pour l’Afrique. Qu’ilss’intéressent à la mondialisation, à travers lesinterdépendances internationales, ou à la qualitédes institutions, tous suggèrent des politiquespubliques visant à remédier aux problèmesspécifiques du développement.

Dans le cadre des grands thèmes sélectionnés pourcette conférence, plusieurs contributions ont

souligné l’importance croissante de lamondialisation dans le développement de l’Afrique.La mondialisation, telle qu’analysée dans cescontributions, désigne les interrelations de plus enplus nombreuses et poussées entre les pays, quece soit pour la circulation des biens et des services(commerce), des personnes (migrations) ou desressources financières et de l’investissement (IDE,aide, envois de fonds des migrants). Si la prioritéest de trouver des stratégies permettant d’exploiterles bienfaits de la mondialisation, il ressort desprésentations et des discussions que lamondialisation s’accompagne aussi de plusieursdéfis pour les pays d’Afrique.

Le rôle des institutions dans le développementéconomique de l’Afrique occupe également uneplace de premier plan dans ces articles. Dans unelarge mesure, les présentations ont évoqué desaspects institutionnels non négligeables, qui influentimplicitement ou explicitement sur les effets dudéveloppement.

Cette conférence sert plusieurs objectifs. Toutd’abord, elle donne l’occasion d’affirmer que lespolitiques publiques saines doivent reposer surdes constats de recherche bien étayés. En leurqualité d’institutions du savoir, la Banque africainede développement (BAD) et la Commissionéconomique des Nations Unies pour l’Afrique(CEA) encouragent vivement les chercheursafricains à contribuer par leurs connaissances àl’élaboration des politiques publiques en menantdes recherches qui répondent aux critèresd’exigence les plus poussés. Ensuite, cetteconférence offre aux décideurs et aux chercheursl’occasion d’échanger et de débattre sur lesdifférents enjeux des politiques publiques sur le

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continent. Ces interactions contribuent àaméliorer les politiques grâce à des travaux derecherche pertinents.

Le présent rapport s’efforce de restituer l’esprit desdiscussions, mais veille bien à ne pas les présentercomme s’il s’agissait de recommandations déjàévaluées. À de nombreux égards, les délibérationsfont ressortir des domaines importants qui doiventretenir l’attention des décideurs et des chercheurs.

Dans le passé, c’étaient des non-Africains et desorganismes de développement qui effectuaient laplupart des recherches sur les politiques publiquesen Afrique. La Conférence économique africaine avocation à associer les chercheurs africains à ceprocessus et à établir un lien entre eux et la sphèredes gouvernants. Il s’agit là, en soi, d’une réussitemajeure de cette conférence. De plus, cetteconférence est unique dans le sens où elle favorisela participation de la diaspora aux débats sur lespolitiques publiques en Afrique.

Enfin, il est aussi très important que les travaux derecherche menés sur les questions africainesrépondent aux critères professionnels les plusexigeants. Au vu des présentations faites lors decette conférence, il est évident que les argumentsont été longuement étudiés. Ils répondent à descritères élevés de rigueur, à la fois théorique et

empirique. De plus, tous les articles traitent dequestions relatives aux politiques publiques.

Tout en gardant à l’esprit les grands thèmes de laConférence, ce rapport est articulé autour des axesthématiques suivants :

• Crise financière et politiques publiques• Marchés financiers• Flux internationaux de capitaux : aide,

investissement direct étranger, envois defonds des migrants et rapatriement descapitaux

• Reconstruction post-conflit• Commerce et intégration• Infrastructure• Activités manufacturières• Agriculture et développement rural• Changements climatiques • Capital humain• Marché du travail, genre et pauvreté• Institutions• Planification et politiques publiques• Défis et perspectives de la mondialisation

Cette répartition des présentations permet simplementde synthétiser les principaux aspects traités par grandsthèmes. En réalité, la plupart des contributionscouvrent plusieurs aspects et ne peuvent pas êtrerattachées précisément à tel ou tel thème.

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II. Crise financière et politiques publiques

Au moment où s’est tenue la Conférence,l’économie mondiale entrait dans les premières

phases d’une crise financière qui avait prisnaissance aux États-Unis. Cette crise avait étédéclenchée par les saisies de logements résultantdes prêts hypothécaires (sub-prime) accordésimprudemment aux États-Unis. Elle s’est traduitepar des problèmes de liquidité dans le secteurbancaire, puis par une crise du crédit et par unerécession qui s’est rapidement propagée aux autresrégions du globe, mondialisation oblige.

Au moment où se tenait la Conférence 2008, leseffets de la crise financière s’étaient déjà propagésrapidement et largement. On cherchait alors àanalyser l’impact possible de cette crise sur leséconomies africaines afin de débattre des politiquespubliques à mettre en œuvre pour le contrer. Cesquestions ont fait l’objet de deux sessions plénièreslors de cette conférence.

La première session plénière a eu pour thème «Gérer un paysage économique incertain – À larecherche d’une solution globale et inclusive ». Ellea servi de session d’ouverture à la Conférenceéconomique africaine ainsi qu’à la Conférenceministérielle organisée par la Banque africaine dedéveloppement en collaboration avec l’Unionafricaine (UA) et la Commission économique desNations Unies pour l’Afrique (CEA). Dans sonallocution d’ouverture, Donald Kaberuka, lePrésident de la BAD, a observé que ces réunionsse tenaient à un moment critique. Le monde étaitalors en pleine crise financière et la confiance sedétériorait sur les marchés financiers, en particulieraux États-Unis, en Europe et dans les économiesémergentes. L’Afrique avait toutefois été épargnéepar les premiers effets de la contagion. Selon Donald

Kaberuka, les établissements financiers africainsavaient fait preuve d’une relative résilience, limitantainsi leur exposition à la crise. M. Kaberuka aattribué cette bonne tenue aux réformeséconomiques et financières qui avaient étéengagées au cours des deux dernières décennies,et qui avaient renforcé les systèmes financiers etbancaires en Afrique.

Donald Kaberuka a fait savoir aux participants que,dès le déclenchement de cette crise, la BAD avaitmis en place un groupe de surveillance de la crisefinancière chargé d’évaluer à intervalles réguliersles évolutions sur les marchés financiers ainsi queles conséquences pour le travail de la Banque etde ses pays membres. Cette évaluation a révéléque les économies africaines devaient déjà faireface à un resserrement de l’accès à la liquidité età un renchérissement du financement. Ons’attendait à ce que ces conditions entraînent unecontraction de l’activité du secteur privé et desfaillites d’entreprises, surtout dans les secteurstributaires de la demande internationale. Une telleévolution était amenée à nuire à la santé du secteurbancaire, sous l’effet de la multiplication des défautsde paiement. Donald Kaberuka a également notéqu’avant la crise, les économies africaines étaientparties pour enregistrer une croissance annuellemoyenne de 6,5%, mais que les estimations avaientdû être révisées à la baisse. Il a exposé certainesdes voies par lesquelles la crise mondiale toucheraitles économies africaines, et notamment le recul dela demande d’exportations, des flux d’aide, del’investissement et des transferts de fonds desmigrants.

Concernant les politiques publiques à mettre enœuvre pour contrer les effets de cette crise, le

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Président de la BAD a souligné l’importance decontinuer à appliquer une politiquemacroéconomique saine. Il a expliqué que si lespays riches devaient continuer de venir en aide auxpays africains, il importait également que cesderniers consolident leurs réformes. De fait, DonaldKaberuka considère plus prudent que les paysd’Afrique approfondissent leurs réformes au lieu deles alléger, et qu’ils adoptent des stratégies lespréparant au pire, à la fois à court et à moyen terme.

Donald Kaberuka a noté que, bien que l’on aitbeaucoup parlé des inconvénients de lamondialisation, les économies qui sont actuellementen train d’émerger sont celles qui sont le plusétroitement associées à ce processus. Selon lui, lespays d’Afrique doivent donc rester engagés dansce processus et tirer parti des opportunités qu’iloffre, en particulier de faire reculer la pauvreté et defaire entendre leur voix dans les débats sur lesmeilleurs moyens de gérer le capitalisme mondial.Du point de vue de Donald Kaberuka, ce n’est pasle moment d’asphyxier l’innovation financière, maisplutôt de veiller à la stabilité des systèmes financierset à l’existence de conditions égales pour tous.

Lors de sessions plénières distinctes, un panel degouverneurs de banques centrales africaines ontdiscuté de l’impact de la crise financière sur leséconomies africaines et des différentes mesures deriposte mises en œuvre par les pays. NjugunaNdung’u (Central Bank of Kenya), Benno Ndulu(Central Bank of Tanzania) et Caleb Fundanga(Central Bank of Zambia) ont décrit lesrépercussions de la crise financière dans leurséconomies respectives, sur un horizon à la foisproche et lointain. Les gouverneurs se sontnotamment préoccupés du crédit bancaire, destensions inflationnistes, du ralentissement del’économie réelle, du tourisme, des transferts defonds des migrants et des budgets publics. Ils ontévoqué les différentes mesures instaurées par lespouvoirs publics de leurs pays respectifs afin deminimiser les effets de cette crise, et ont soulignéqu’en raison de leurs capacités limitées, leséconomies africaines auront du mal à résister auxeffets d’une récession mondiale prolongée. Ils ontainsi appelé à la coordination des efforts déployésà l’échelle du continent et de la planète pourconcevoir une riposte rapide et efficace, de natureà atténuer le plus possible l’impact de la crise.

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III. Marchés financiers

Le rôle des marchés financiers dans ledéveloppement économique continue de

susciter l’intérêt des chercheurs et des décideurspolitiques. Les domaines d’étude couvrent aussibien des aspects microéconomiques quemacroéconomiques, comme l’offre et la demandede crédit, l’efficience des processus ou encore ledegré d’intégration. Si l’on s’attache ainsi auxmarchés financiers, c’est parce qu’il est désormaisacquis que leur bon fonctionnement est essentielpour faire progresser l’économie de marché, laproduction, la croissance et la lutte contre lapauvreté.

Plusieurs documents présentés lors de laConférence traitent spécifiquement de l’influencedu développement financier sur la croissanceéconomique et sur la productivité totale des facteursen Afrique subsaharienne. Ces relations font l’objetd’une analyse à la fois théorique et empirique.

Brou Emmanuel Aka a étudié la relationqu’entretient le développement financier avec lacroissance économique, d’une part, et avec laproductivité totale des facteurs, d’autre part. Il atesté ces interactions en appliquant la méthode del’autorégression vectorielle (VAR) sur un échantillonde 22 pays d’Afrique subsaharienne. Ledéveloppement financier est défini comme leprocessus d’amélioration continue des mécanismesde mobilisation de l’épargne permettant uneallocation plus efficiente de ressources dans diverssecteurs, ainsi qu’une meilleure gestion du risquepar les investisseurs de portefeuille. Les résultatsmontrent que le développement financier a un liende causalité avec a) l’expansion économique, etb) avec la croissance de la productivité totale desfacteurs. La principale recommandation qui se

dégage de cette présentation est la nécessité, pourles pays d’Afrique subsaharienne, de poursuivredes réformes financières afin d’améliorer l’efficiencede l’intermédiation et de favoriser l’affectation ducapital aux activités les plus productives.

L’analyse faite sur des séries temporelles par payset concernant la relation qui existe entredéveloppement financier et croissance économiqueproduit des résultats similaires. L’étude réalisée parThomas Bwire et Andrew Musiime sur lesinteractions entre développement financier etcroissance révèle que la valeur passée du PIB réel,le ratio de profondeur financière, le déficitbudgétaire, le crédit total à l’économie, le taux dechange et le total des exportations figurent parmiles éléments déterminants de la croissance du PIBréel en Ouganda. Ces données renforcentl’hypothèse selon laquelle le secteur financier estessentiel pour la croissance de l’économie, etplaident en faveur de la mise en place de politiquesvisant à favoriser le développement financier et del’intermédiation.

L’influence des marchés financiers sur la pauvretéconstitue un autre thème d’étude important. Dansune analyse sur le développement financier auCameroun, Corine Sandra Kendo Tchakounte,Francis Menjo Baye et Fondo Sikod se sontpenchés sur l’influence de l’expansion du secteurfinancier sur la pauvreté ventilée par sexe. Les auteursont évalué l’incidence du développement du secteurfinancier sur la réduction des inégalités et de l’écartde richesse entre les sexes, en exploitant desdonnées portant sur les zones rurales du Cameroun.Leur étude établit un lien entre les disparités entrehommes et femmes en termes de niveau deproduction et de revenus et la discrimination sexuelle

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pour l’accès aux services financiers. La principaleconclusion de ce rapport est que sur le court terme,le développement du secteur financier n’exerced’influence positive sur aucun des deux sexes. Enrevanche, à long terme, il profite à la fois aux hommeset aux femmes vivant en zone rurale, ces dernièresrecueillant des bénéfices plus importants que lespremiers. Les résultats de l’étude semblent doncindiquer que le développement financier peut fairela différence en faveur des femmes et contribuer àla réalisation des OMD.

Dans le cadre de la réflexion sur les marchésfinanciers, une attention particulière est portée aurôle joué par le crédit agricole. Étant donnél’importance de l’agriculture dans le développementde l’Afrique, rendre le crédit accessible auxpopulations rurales constitue un objectiféconomique essentiel. Des marchés du créditopérationnels favorisent la production, soutiennentla création d’emplois et contribuent à la lutte contrela pauvreté.

Edward Asiedu et K.Y. Fosu ont examinél’influence du crédit agricole au Ghana. Leur analyseétablit que la part représentée par le financementde l’agriculture dans le total des crédits octroyéspar la Ghana Commercial Bank (GCB) s’estcontractée au cours de la période qui a suivi lalibéralisation. De même, cette part et le volume réelmoyen des crédits agricoles accordés par la GCBse révèlent plus faibles après la phase delibéralisation financière que pendant celle-ci.

Dans la mesure où l’agriculture constitue l’épinedorsale de la plupart des économies africaines etoù le manque d’accès au crédit a été identifiécomme l’un des obstacles majeurs à l’intensification

de la production agricole sur le continent, cetteévolution est préoccupante. En effet, elle signifieraitque la libéralisation des marchés financiers n’auraitpas amélioré l’accès au crédit. Or, sans crédit, lesproducteurs se retrouvent souvent dans l’incapacitéd’investir dans les intrants nécessaires pour leurpermettre de sortir d’une agriculture de subsistance.

Néanmoins, ces résultats ne sont peut-être passuffisants pour tirer des conclusions sur l’influenceexercée par la libéralisation des marchés financiers,car cette étude ne s’est pas intéressée aux autresacteurs. L’Agricultural Development Bank a établide nombreux partenariats avec la BAD pouroctroyer des microcrédits dans le secteur del’agriculture. En outre, beaucoup d’ONG s’occupantde microfinance dans les zones rurales sontrécemment apparues, à l’instar de Self HelpInternational. La baisse de la part représentée parle crédit agricole dans le portefeuille de la GCBlaisse à penser soit que cette banque n’est pasadaptée au secteur, soit qu’elle ne s’y intéressepas. Les prêts accordés à l’agriculture peuvent êtreconsentis par d’autres acteurs plus spécialisés danscette activité, c’est pourquoi il est nécessaired’effectuer une analyse plus complète de l’offre decrédit au cours de la période qui a suivi lalibéralisation.

Les résultats indiquent que la microfinance est uninstrument utile dans la lutte contre la pauvreté.Cependant, dans de nombreux pays, lespopulations pauvres ne bénéficient que d’un accèslimité aux services financiers. Dans un articleconsacré au crédit rural en Ouganda, Paul Mpugaa analysé la demande de crédit au niveaumicroéconomique, et en a conclu que celle-ci étaitfortement influencée par l’emplacement

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géographique et le profil de l’emprunteur, etnotamment l’âge, le niveau d’instruction, laprofession, la valeur des actifs personnels ou encorele type de logement occupé. En comparant lesdonnées pour les deux sexes, Paul Mpuga a établique les femmes avaient tendance à éviter des’endetter et qu’elles demandaient des montantsmoins élevés que les hommes. L’étude révèleégalement que les principales sources definancement dans les zones rurales de l’Ougandasont les ONG, les coopératives, les programmespublics, la famille, les amis, les caisses d’épargneet de crédit et enfin les groupements de citoyens.

L’analyse montre qu’il est nécessaire d’engagerdes politiques visant à rendre les marchés financiersplus efficients, afin de stimuler plus efficacement lacroissance économique via la mobilisation deressources et l’investissement, la facilitation deséchanges et la diversification des risques. Lespopulations pauvres peuvent bénéficier d’unmarché financier efficient à travers l’accès àl’épargne, au crédit, à l’assurance et à d’autresservices financiers. Il convient de veiller toutparticulièrement au développement de marchésfinanciers inclusifs, de manière à ce que les plusdémunis puissent disposer d’une gamme étenduede services. Le microcrédit ne peut toucher unemajorité de clients pauvres que s’il est intégré ausecteur financier. En outre, toute réforme législativedoit inclure des lois visant à émanciper lespopulations rurales pauvres, afin de couvrir lesecteur du crédit informel, qui domine le marchédu financement rural. Enfin, la formationprofessionnelle et le développement descompétences, qui permettent d’optimiser laproduction, ainsi que la préparation à une bonneutilisation du crédit, constituent également des

facteurs déterminants pour la réussite d’unestratégie de microfinance.

Pour ce qui est de l’accès au crédit des populationspauvres ou rurales, plusieurs recommandations depolitiques publiques peuvent être adressées à laBAD et à ses partenaires du développement, etnotamment les propositions suivantes :

La BAD et ses partenaires du développementdoivent souligner les succès obtenus par desinstitutions telles qu’Equity Bank Limited au Kenyaet la Cooperative League of the USA (CLUSA) auMozambique afin d’encourager l’adoption destratégies similaires ailleurs sur le continent.Les États africains doivent intégrer le microcréditau secteur financier et aider à la mobilisation deleviers financiers en faveur du développement, afinde créer des effets de démonstration forts par lebiais de nouveaux mécanismes inédits et d’unsecteur financier structuré et innovant.

Les banques multilatérales de développement(BMD) telles que la BAD doivent pénétrer plus enprofondeur dans le marché, avec pour objectif depréparer les institutions émergentes à accéder auxinstruments locaux et internationaux aux conditionscommerciales.

Le renforcement des capacités et la gestion du savoirconstituent les deux remèdes essentiels à cettelimitation fondamentale. Les donateurs peuventapporter leur soutien dans ces domaines pardiverses initiatives, telles que le financement decentres locaux de formation, l’octroi de subsidespour des études à l’étranger, l’organisationd’événements locaux de partage des connaissanceset le renforcement des intermédiaires locaux.

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Le développement des marchés financiers sur lecontinent peut également être favorisé parl’intégration des marchés d’actions africains, entreeux et avec les économies mondiales. L’intégrationboursière joue en effet un rôle essentiel dans ledéveloppement, car il permet un partageinternational du risque. Les marchés d’actionsintégrés sont plus efficients que ceux qui sontsegmentés, ces derniers ayant tendance àprésenter plus de risques. Paul Alagidede a étudiéle degré d’intégration des marchés d’actionsafricains avec le reste du monde. Il a, pour ce faire,analysé l’évolution de l’interdépendance dynamiquedes principaux marchés d’actions du continent(Afrique du Sud, Égypte, Nigeria et Kenya) à l’aidede données mensuelles portant sur la période 1990-2007. Ces quatre pays représentent les plus grosmarchés d’Afrique et partagent une expériencecoloniale commune. Tous ont ouvert leurs marchésà l’investissement étranger, ont mis en place desmesures de libéralisation et ont connu deschangements considérables au cours des dixdernières années, en raison de vastes réformes.

Cette étude montre que les rendements sur lesmarchés d’actions africains sont plus élevés quedans d’autres régions. En outre, les marchésd’Afrique affichent une corrélation plus faible avecceux du reste du monde : 13% avec les paysdéveloppés et 14% avec les économiesémergentes. L’analyse de l’intégration boursièrerévèle que les actifs africains bénéficient d’unevalorisation attractive et que leur faible niveau decorrélation et de perméabilité vis-à-vis du reste dumonde peut leur conférer un rôle significatif dansla diversification internationale des portefeuilles(élargissement des possibilités de placements etréduction des risques).

La contribution de Rose W. Ngugi et Justus Agotiporte sur les caractéristiques relatives à lamicrostructure du marché obligataire kenyan et apour objectif d’évaluer les effets des diversesinitiatives qui ont été prises pour développer cemarché. Les auteurs évoquent les élémentsfondamentaux du marché kenyan, tels que lessystèmes de négociation et le cadre réglementaire,en s’intéressant en priorité à la capacité à vendreet à acheter des obligations à court terme sansentraîner de mouvement significatif des prix(liquidité), à la capacité des prix à refléterrapidement les nouvelles informations (efficience)et à la fréquence et à l’amplitude des mouvementsde prix (volatilité).

Cette étude souligne les succès obtenus par lespouvoirs publics kenyans à la suite de l’allongementdu profil de maturité des obligations en circulation,avec l’introduction de titres à 7, 8, 9 et 10 ans. Ceprocessus a prolongé la pente de la courbe destaux au Kenya. Les bons du Trésor kenyan (à longueéchéance) sont passés d’une part de 55,8% de ladette intérieure en juin 2003 à 61,6% à 2004, tandisque les emprunts d’État à court terme sont passésde 35,6% à 32,5% sur la même période.

Les résultats de cette étude révèlent unedifférentiation des principales caractéristiques dela microstructure selon les catégories d’obligations.Les données indiquent que le marché des bons duTrésor à longue échéance affiche une liquidité etune efficience supérieures à celles du segment desobligations d’entreprise. En revanche, la volatilité yest aussi plus forte. Globalement, les bons du Trésorà long terme dégagent de meilleures performancesque les obligations d’entreprise pour ce qui est deséléments de microstructure analysés.

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La principale recommandation politique qui ressortde l’analyse consiste à répondre à la nécessité a)d’accroître l’offre d’emprunts publics à longueéchéance ; b) d’augmenter le nombre d’instrumentsdisponibles afin de diversifier les possibilités deplacement et d’améliorer la liquidité ; c) d’intensifierl’automatisation de la négociation à la Bourse deNairobi ; d) d’améliorer de manière générale le niveaude connaissances financières des investisseurs.

Said M. Moufti a présenté un document traitantde l’incidence de la refonte du secteur financier auMaroc. Ce pays a en effet engagé d’importantesréformes structurelles afin d’établir un cadre solide,nécessaire à une croissance économique forte etdurable. Ces changements ont permis de renforcerla stabilité macroéconomique globale, d’améliorerle climat des affaires et l’ouverture aux échanges,et se sont accompagnés d’une libéralisation dessecteurs productifs clés.

Le système financier marocain, en particulier lesecteur bancaire, a été placé au cœur des réformes.Ainsi, outre la privatisation des banques publiques,la restructuration de certaines institutionsspécialisées et le développement des marchésboursier et obligataire, le secteur financier marocaina subi d’importantes transformations de son cadreréglementaire et institutionnel afin d’être conformesaux normes internationales. Le secteur bancaire,qui constitue la principale composante des activitésfinancières au Maroc, possède une structurediversifiée qui lui permet de ne pas souffrir de lacomparaison avec celui de certaines économiesémergentes comme le Mexique ou la Corée du Sud.La diversification s’est accompagnée d’unaccroissement de la profondeur financière plusimportant que la moyenne régionale.

Le secteur financier marocain se présenteaujourd’hui comme l’un des plus structurés et desplus développés dans la région sud-méditerranéenne, même s’il doit encore faire faceà plusieurs problèmes. Les nouvelles opportunitésd’activités potentielles, telles que les servicesbancaires extraterritoriaux, constituent un puissantfacteur d’attraction des ressources, à la fois sousla forme de coopérations financières etd’investissement direct étranger (IDE).

Mohamed S. Ben Aissa, Imed Drine, etMahmoud Sami Nabi se sont penchés sur lesvertus d’une élimination progressive (par oppositionà une suppression immédiate) des barrièresfinancières, en comparant les performances dequatre pays du bassin méditerranéen à celles d’unéchantillon de pays développés. Contrairement auxDragons du Sud-Est asiatique, les quatre Étatsétudiés (Algérie, Égypte, Maroc et Tunisie) ontadopté une stratégie de levée progressive derestrictions à la mobilité internationale de capitaux.Les données empiriques montrent que, par rapportau groupe de référence composé de paysdéveloppés, l’Algérie, l’Égypte, le Maroc et la Tunisieconnaissent un ralentissement de leur productivitéet subissent donc un décrochage relatif au niveautechnologique. Les résultats obtenus par MohamedBen Aissa et al. laissent ainsi à penser qu’unelibéralisation financière progressive n’est peut-êtrepas efficace pour combler le fossé technologiqueentre pays industrialisés et économies endéveloppement.

L. Kasekende, K. Mlambo, V. Murinde et T. Zhaoont abordé la question de la compétitivité du secteurfinancier en Afrique. Ils ont principalement axé leurstravaux sur l’examen de la littérature consacrée à

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la méthodologie et aux données relatives à lamesure de la compétitivité dans les servicesfinanciers, et ont identifié les principaux cadresthéoriques, modèles empiriques et instruments demesure, ainsi que les conclusions qui en ont ététirées.

Les auteurs se sont intéressés aux principalesdifficultés que pose le fondement théorique deplusieurs approches axées en priorité surl’identification des liens entre concentration etpouvoir de marché. Cette étude s’appuie sur unlarge corpus de références actuelles : a) les modèlesstatiques de concurrence, et notamment leparadigme structure-comportement-performance(SCP), l’approche dite de la « nouvelle organisationindustrielle empirique » (modèle NEIO), la méthodede Panzar et Rosse et celle des variationsconjecturelles ; b) les modèles dynamiques decompétitivité, incluant la littérature sur la persistancede la rentabilité (persistence of profitability) et lesversions dynamiques de l’approche de Panzar etRosse ; c) le modèle des variations conjecturellesappliqué aux quantités. Les hypothèses surlesquelles reposent plusieurs de ces méthodologiessont, pour la plupart, fortes et restrictives par nature.Elles sont toutefois assez satisfaisantes pourpermettre de tenter de modéliser le comportementdes banques dans le cadre des relations et des jeuxde concentration et de pouvoir de marché.

Les auteurs présentent des preuves empiriques del’existence d’une relation entre concentration etpouvoir de marché. Celles-ci sont toutefois en demi-teinte et parfois un peu maigres, notamment en cequi concerne le comportement des banques. Dansplusieurs cas, la littérature présentée jette mêmede sérieux doutes sur la solidité des résultats. En

l’état, il existe donc une marge de manœuvre pouraméliorer les modèles existants et les appliquer aucontexte africain, qui se caractérise par un accèsrestreint aux services bancaires pour une majoritédes habitants du continent, et surtout pour lespopulations pauvres vivant en milieu rural.

Les auteurs proposent une autre méthodologie demesure de la compétitivité afin de pallier lesfaiblesses des précédentes. Cette méthodologieest décrite dans la section de l’étude consacréeaux questions générales de méthodologie, etnotamment au modèle d’ajustement partiel tiré dela littérature sur la persistance de la rentabilité. Cetteautre approche possible consiste à évaluerl’incidence des réformes sur la compétitivité dumarché du crédit. Elle a pour objectif d’analyserl’évolution de la compétitivité au cours du processusde transformation lui-même et de vérifier si lacompétitivité s’est renforcée lors de la secondevague de réformes, parallèlement à l’instaurationde normes et de réglementations prudentielles plussévères. Les auteurs en tirent une conclusionimportante : le phénomène de surtarification s’estatténué dans les pays étudiés entre 1998 et 2004par rapport à la période 1992-1997, ce qui traduitune augmentation de l’intensité concurrentiellependant la mise en place des réformes.

Cette étude a eu le mérite d’avancer plusieurs pistesde recherche, et propose notamment d’examinerles points suivants :

1. la construction de modèles pour évaluer lacompétitivité financière des quatre plusgrandes économies du continent, c’est-à-dire l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria etl’Algérie. Ces quatre pays recèlent le potentiel

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pour devenir les moteurs de la croissanceet du développement de l’Afrique, surtouts’ils parviennent à être compétitifs et àdéclencher des effets d’entraînement depuisle secteur financier jusqu’à leur économieréelle, puis jusqu’au reste du continent ;

2. les conditions auxquelles les pays africainsdoivent ouvrir leur secteur bancaire auxétablissements étrangers ;

3. les conséquences de l’entrée de banquesétrangères au sein du marché intérieur desquatre plus grandes économies et lesenseignements à en tirer pour la politiqueéconomique et les potentielles interventionsdans le secteur bancaire ;

4. l’ampleur, le cas échéant, des bénéfices àtirer de l’entrée de banques étrangères surle continent. Par exemple, l’arrivée d’unétablissement étranger stimule-t-ellel’investissement intérieur brut, et dans quellemesure ;

5. les grandes mutations structurelles subiespar les intermédiaires financiers au sein desquatre grandes économies dans le contextede la mondialisation, ainsi que les principauxfacteurs internes qui encouragent ouentravent les transformations qu’il convientd’apporter au secteur ;

6. l’incidence d’une revitalisation des marchésfinanciers sur leur microstructure dans lesquatre grandes économies, afin d’éclairer lapolitique de réforme des marchés africains ;

7. les grands changements, en termes de tailleet de structure, apportés aux marchésfinanciers, ainsi que les mutationsstructurelles et les difficultés internes propresaux quatre principales économies face à lamondialisation ;

8. les différents types de pressionsconcurrentielles auxquelles les marchésfinanciers doivent faire face, à la fois à causede la transformation des marchés desvaleurs mobilières des autres régions dumonde (qui ont constitué des alliances ouont développé leurs capacités techniques)et en raison des accords visant à définir leursmarchés de niche, en particulier dans lecontexte de la crise financière actuelle.

9. la manière dont les pouvoirs publics africainsdoivent s’efforcer d’améliorer laréglementation des marchés et de renforcerles règles d’information financière ainsi queles mécanismes d’intervention de l’État pourendiguer les crises financières et préserverle fonctionnement des systèmes bancaires.

Une analyse des marchés financiers sur lesquels laconcentration du secteur bancaire a déjà eu lieupourrait être étendue aux économies africainesengagées dans un processus de réforme afind’évaluer le comportement des banques avant etaprès le changement de structure du marché. LeNigeria, où la concentration du secteur bancaires’est produite après 2005, pourrait constituer unbon exemple. En outre, cette approche pourraitêtre généralisée afin d’évaluer les conditions demarché et de produire des données ex-antedestinées à éclairer l’élaboration des mesures deprotection de la concurrence lorsqu’il est questionde fusions et acquisitions dans le secteur bancaire.

Cette autre méthodologie possible permet une plusgrande rigueur et offre tout un éventail d’outilsanalytiques à destination des décideurs dans ledomaine de la politique de la concurrence. Toutefois,elle présente aussi des faiblesses. Les données

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détaillées et affinées qu’elle requiert peuvent s’avérerdifficiles à recueillir dans le contexte africain et sesrésultats économétriques sont plus difficiles àinterpréter. Il est donc important que les analystesen charge de la politique antitrust aientconnaissance des insuffisances de cette approcheet prennent des mesures pour y remédier afin deprocéder à une double vérification en comparantles résultats du travail économétrique effectué avecceux d’autres méthodologies visant également àétablir une projection du comportementconcurrentiel des banques sur le marché, même sicelles-ci s’avèrent moins rigoureuses.

D’autres questions ont également été soulevées lorsdes discussions. Les participants ont noté que lastructure oligopolistique du secteur bancaire dansde nombreux pays africains limitait la concurrenceet imposait aux clients de grands écarts de tauxd’intérêt (taux de prêt élevés et taux de rémunérationde dépôts très faibles). Il s’agit là d’un problèmemajeur, qui nuit au développement du secteurbancaire sur le continent. Ainsi, les réformes visantà éliminer les banques les plus faibles via laconcentration du secteur sont peut-être bieninspirées dans le sens où elles garantissent la stabilitédu système financier. Il y a donc un arbitrage àeffectuer entre compétitivité et stabilité du système.La modélisation et la mesure d’un tel arbitrageconstituent un enjeu central. Les résultats serviraientà éclairer les décisions de politiques publiques visantà optimiser la compétitivité du secteur bancaire.

Les débats sur les marchés financiers ont égalementporté sur l’évaluation de l’efficience de ce secteur.Malak Reda a présenté une contribution fondéesur les indices de Malmquist dans le cadre d’uneanalyse d’enveloppement des données (DEA), afin

d’évaluer l’évolution de la productivité totale desfacteurs dans les banques commercialeségyptiennes entre 1995 et 2003. Cette contributionétudie notamment les variations observés del’efficience (rattrapage ou décrochage) et lestransformations technologiques (innovation ou choc).Elle décrit également les facteurs qui sont à l’originede la variation de l’efficience dans les banqueségyptiennes : changements purement techniques(amélioration de la gestion) ou rendements d’échelle(évolution vers une taille optimale). L’étude évalueles rendements d’échelle dégagés au fil du tempspar les banques égyptiennes, selon leur taille et leurstructure d’actionnariat.

Les résultats révèlent que la plupart des banquesd’Égypte sont confrontées à d’importants problèmesd’échelle. Celles qui dégagent des rendementsd’échelle croissants pourraient réduiresignificativement leurs coûts et enregistrer des gainsd’efficience en augmentant l’échelle de leursactivités.

En l’absence d’une véritable concurrence, lesbanques inefficientes peuvent demeurer sur lemarché malgré leurs carences ; c’est pourquoi despolitiques visant à encourager la concurrence sontessentielles pour améliorer les performances dusystème bancaire égyptien. Cet objectif passe deplus en plus par une amélioration et une supervisionde la gouvernance d’entreprise dans l’ensemble desbanques, par l’autorisation de nouveaux entrants etpar la mise en place de mesures significatives derestructuration des établissements bancaires publics.

Bashar Al-Zu’bi et Victor Murinde ont étudié lademande d’actifs financiers de la part des ménagesdans sept pays d’Afrique, en utilisant des données

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annuelles portant sur la période de réforme financière1981-2004. Ils montrent que les élasticités croiséessont la plupart du temps très faibles, ce qui indiqueque les pouvoirs publics africains peuvent recourirefficacement au levier des taux d’intérêt, car leseffets n’en seront pas atténués par la réaction desménages aux variations des prix. Les auteursobservent également que dans la plupart des paysétudiés, le taux bancaire n’exerce qu’une influencerelativement marginale sur les pratiques de crédit.De nombreuses banques affichent toutefois un tauxélevé de prêts improductifs et beaucoup d’entreelles peuvent être techniquement considéréescomme insolvables. Les auteurs n’ont observéaucun effet du taux de change sur la demande en

actifs financiers, ce qui signifie que le continent n’estpas ouvert aux flux financiers internationaux.

Il faut tirer plusieurs enseignements de cetteétude : il convient : a) de renforcer le systèmebancaire et de garantir l’indépendance de la banquecentrale par rapport au gouvernement ; b) d’instaurerune réglementation et une supervision du systèmebancaire plus efficaces ; c) de procéder à larecapitalisation ou à la liquidation des banques àproblèmes ; et d) de développer un système debanque commerciale compétitif. Sur le long terme,les marchés d’actions vont accroître la liquidité dustock de capital de l’Afrique et permettre un partagedes risques dans les portefeuilles.

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IV. Flux internationaux de capitaux

Àmesure que les interactions entre les paysprogressent au rythme de la mondialisation,

les flux internationaux de capitaux s’étoffentégalement. Étant donné la relative rareté du capitalqui caractérise les pays africains, ces flux jouent unrôle essentiel dans le développement. Plusieursaspects des mouvements internationaux decapitaux ont été évoqués, dont l’aide internationale,l’investissement direct étranger et enfin les transfertsde fonds des migrants et le rapatriement descapitaux. Le thème qui a dominé les débats estcelui des stratégies visant à augmenter les flux decapitaux vers l’Afrique.

Aide

La Conférence a permis de prolonger le débat surl’efficacité de l’aide en examinant l’incidence decette dernière sur la croissance économique engénéral ou sur des éléments plus spécifiques telsque la formation du capital humain. Les discussionsont également porté sur la pertinence desapproches adoptées pour l’allocation de l’aide.

La question de l’efficacité de l’aide demeure pourl’essentiel sans réponse. Les travaux antérieurs ontconclu à la fois à des effets positifs et négatifs, enfonction des échantillons, de la période et de laprocédure empirique retenus.

Lors de la troisième session plénière, CalebFundanga, gouverneur de la banque centrale deZambie, a présenté une contribution sur l’efficacitéde l’aide, l’appropriation et la réduction de lapauvreté. Il a estimé, en conclusion, qu’unemeilleure coordination des efforts était nécessaire,à la fois de la part des donateurs et des paysbénéficiaires, si l’on voulait améliorer l’efficacité de

l’aide. À cet égard, les pays et les populationsbénéficiaires doivent s’approprier les programmesde développement pour que l’aide puisse exercerl’effet désiré sur la lutte contre la pauvreté. L’aideseule ne représente pas la panacée face auxdifficultés économiques rencontrées par lecontinent. Si elle demeure cruciale pour ledéveloppement de l’Afrique subsaharienne, uneaugmentation des flux d’investissement privéconstituera un socle plus stable et plus durable pourla croissance économique et la réduction de lapauvreté. Il est également essentiel d’améliorer lafacilitation des échanges afin d’élargir l’accès auxmarchés mondiaux en vue d’assurer undéveloppement pérenne pour l’Afrique.

La contribution de Mina Baliamoune-Lutzs’intéresse aux réformes des politiques publiqueset à l’efficacité de l’aide, tout en prenant en comptela question de la cohésion sociale. Elle évaluel’incidence de l’aide dans un groupe de paysafricains au moyen de données et de méthodesd’estimation précédemment utilisées, mais enplaçant son analyse sous l’angle de l’influence dela cohésion sociale sur l’efficacité de l’aide, et plusparticulièrement des conséquences de lafragmentation ethnique.

Cette étude parvient à la conclusion que lespolitiques publiques exercent un effet positif directsur la croissance, indépendamment du niveau del’aide. L’un des enseignements à en tirer est lanécessité, pour les donateurs, de trouver desmoyens plus efficaces d’allouer des fonds et d’aiderà la gestion de ces deniers dans les pays où lacohésion sociale est faible. Ils peuvent y parveniren ciblant les secteurs de l’éducation et de la santé,ainsi qu’en soutenant d’autres projets visant à

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atténuer les effets négatifs de la fragmentationethnique.

Joseph Baricako s’est intéressé au lien qui existeentre l’aide et la croissance en utilisant diversesmesures de la dépendance à l’aide. La littératureexistante semble montrer que l’aide estnégativement corrélée à la croissance. Ce résultatest toutefois sensible à la méthode d’estimation età la base de comparaison retenue. L’auteur aexploité des données de panel portant sur 43 paysd’Afrique subsaharienne entre 1960 et 2003, etutilisé plusieurs bases de référence. En analysantles chiffres de l’aide publique au développement(APD) et de l’aide étrangère, Joseph Baricakoconstate que l’aide affiche une corrélation positiveavec la croissance. En revanche, l’autre base deréférence, c’est-à-dire l’aide effective audéveloppement (AED), mène à la conclusion inverse.Le principal message qu’il faut retenir de cettecontribution est que l’aide risque de décourager lesdépenses publiques comme privées et de favoriserl’émergence d’un syndrome hollandais.

Kwabena Gyimah-Brempong et ElizabethAsiedu ont présenté un article évaluant l’efficacitéde l’aide en étudiant son incidence sur la formationdu capital humain. Leur travail cherche à détermineravec quelle efficacité l’aide peut améliorer les tauxde diplômés et les effets sur la santé. Elle examineégalement le rôle joué par les politiques publiques,ainsi que l’influence de l’aide extérieure sur laformation du capital humain dans les pays les moinsavancés (PMA), ce à travers l’analyse de donnéesde panel portant sur un grand nombre de pays endéveloppement sur la période 1990–2004. Elleporte une attention particulière à l’influence de l’aidesur l’enseignement primaire et le secteur de la santé

dans les pays bénéficiaires. L’analyse empiriqueinclut l’évaluation de la correspondance entre lesrésultats obtenus pour l’éducation et la santé etl’aide extérieure apportée à ces secteurs. Elle isoleles effets de l’aide sur ces secteurs de ceux liés auxdépenses intérieures et à d’autres variables. Outrel’aide ciblant spécifiquement ces secteurs, lesauteurs identifient plusieurs covariables qui affectentles résultats dans les domaines concernés. Voiciun aperçu des conclusions générales de l’étude :

i) l’aide en faveur de l’éducation et de la santéexerce un effet positif statistiquementsignificatif sur les taux de diplômés del’enseignement primaire et réduitsignificativement la mortalité infantile dansles pays en développement ;

ii) le cadre des politiques publiques estimportant pour l’efficacité de l’aide dansl’éducation et la santé ;

iii) il existe des différences régionales dansl’incidence de l’aide sur les taux de diplômésde l’enseignement primaire et sur les tauxde mortalité ;

iv) si l’aide ciblée spécifiquement surl’éducation primaire et la santé a un effetsignificatif sur les résultats obtenus, l’aidede portée plus générale n’exerce pasd’impact significatif dans ces secteurs ;

v) il n’existe aucune preuve de la fongibilité del’aide dans les domaines de l’éducationprimaire et de la santé.

Les critères d’allocation de l’aide ont également étéévoqués. Patrick Guillaumont les a analysés d’unpoint de vue normatif et en a étudié les principesdans le but de les adapter plus précisément auxobjectifs de développement.

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Le principal modèle d’allocation de l’aide estl’allocation fondée sur la performance (AFP), uneprocédure utilisée par plusieurs organismesmultilatéraux et donateurs bilatéraux. L’AFP a desconséquences pour la détermination des flux d’aideau développement. Sa formule actuelle prend encompte le revenu moyen, la taille de la populationet les performances. Elle repose sur les principesd’efficacité, d’équité et de transparence. Elle faitnéanmoins l’objet de critiques au motif qu’elleprivilégie l’équité au détriment des besoins et desperformances plutôt que l’efficacité. De surcroît,bien que cette procédure soit très répandue, ellen’est pas universellement adoptée et même lorsquec’est le cas, elle n’est pas appliquée dans sa totalitéet s’accompagne d’exceptions, de plafonds et devolets spéciaux, ce qui explique un certain manquede cohérence.

Si les politiques publiques et la gouvernance setrouvent au cœur de l’AFP, des doutes demeurentquant à la pertinence de ces éléments pourl’efficacité de l’aide. Le poids important conféré àces deux facteurs s’explique par la volonté d’inciterà une amélioration des politiques menées. PatrickGuillaumont estime que des indicateurs tels quel’indice du capital humain (humain assets index,proche de la composante non liée au revenu del’indice de développement humain) et l’indice devulnérabilité économique, mis au point par leComité des politiques du développement en vuede l’identification des PMA, conviennentparfaitement à l’application de ces principes. Cetteapproche apporte également une réponse partielle,dans un cadre général et cohérent, aux problèmesinhérents à certaines catégories spécifiques depays à risques, tels que les États fragiles et lespetits États vulnérables.

Les participants ont souligné que l’allocation del’aide devrait être mieux adaptée aux engagementspris pour atteindre les OMD. Bien que lessimulations montrent que c’est à l’indicateur de lavulnérabilité qu’il convient d’accorder le plusd’importance, il est utile de noter quel’investissement, l’infrastructure et les technologiesde l’information ne sont pas prises en compte parla formule, bien que ce soient des éléments moteursdu développement. Par ailleurs, le volume de l’aideau développement est insuffisant (et inférieur auxengagements des pays développés). Il s’agit là d’unsujet dont il serait intéressant de débattre.L’intégration régionale et le rôle des migrations etdes envois de fonds des migrants doivent aussiêtre pris en considération.

Il serait plus utile d’envisager d’adopter une formuleparticulière d’allocation de l’aide, qui serait adaptéeaux spécificités de l’Afrique. Les institutions definancement du développement (IFD) doiventtoutefois respecter le principe d’équité envers tousles pays bénéficiaires sur tous les continents. Enrevanche, cette proposition est plus pertinente pourune institution régionale telle que la BAD. La formuleretenue par la Banque mondiale (Associationinternationale de développement) n’est pasnécessairement celle qui convient le mieux aucontinent. Par exemple, en Afrique et pour la BAD,l’intégration régionale constitue un enjeu central,ce qui doit se refléter dans les modalités de l’aide.De surcroît, la vulnérabilité est particulièrementimportante dans le contexte africain. On peut sedemander si l’aide affecte la gouvernance (surtoutlorsqu’elle est conditionnelle). Même si cetteaffirmation peut être justifiée, l’effet sur lesindicateurs de la gouvernance utilisés dans le cadredes modalités actuelles d’allocation de l’aide ne

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devrait pas être conséquent. La déclaration de Parissur l’efficacité de l’aide doit être intégrée dans laformule d’allocation.

De plus, le fait que les donateurs aient recours àplusieurs stratégies d’allocation génère des effetsincitatifs contradictoires et ce problème doit êtrerésolu. Par exemple, en prenant en compte lavulnérabilité dans la procédure d’allocation, on créeun effet pervers du type de l’aléa moral, puisqu’onfait apparaître un intérêt à demeurer faible etvulnérable.

La contribution de Théophile Dzaka évaluel’approche déployée par la Chine pour soutenir lesprojets, et notamment l’aide publique audéveloppement (APD) qu’elle fournit aux payspétroliers et miniers d’Afrique centrale. C’estl’ampleur de la contribution de l’APD chinoise, quiest dominée par la composante « aide projet », audéveloppement durable de ces pays qui constituel’enjeu principal. Théophile Dzaka part del’hypothèse que l’APD de la Chine représente,comme pour les autres donateurs, un moyen derenforcer sa présence économique internationaleet son influence géopolitique. Cependant, si lespays bénéficiaires exercent une bonne gouvernanceéconomique, cette aide peut contribuer à leurdéveloppement durable, en dynamisant notammentla croissance économique et la formation du capitalhumain. Cette étude confirme l’influence trèspositive de l’APD chinoise sur la croissanceéconomique, les biens collectifs, le capital humain,l’assistance technique, l’infrastructure et lestransferts de connaissances.

Cependant, l’auteur identifie des effets négatifs surl’environnement, ainsi que sur la responsabilité

sociale. Les principales propositions qu’il aformulées sont notamment liées aux politiquesd’amélioration de la gestion des ressourcesnaturelles et à la nécessité de renforcer les systèmeséducatifs, afin d’optimiser les transferts deconnaissances vers les travailleurs africains. Lesparticipants ont déploré la rareté des donnés et lemanque de transparence des pratiquescommerciales chinoises, et ils ont pointé du doigtun risque de spécialisation des pays africains,destinés à être exportateurs de matières premièreset non de biens manufacturés comme c’est le casavec la Chine. Ils ont enfin exprimé leur inquiétudequant aux répercussions des prêts établis sur le «modèle angolais » et de la ruée vers les ressourcesnaturelles. Ils ont également noté qu’unecomparaison avec d’autres donateurs bilatérauxou multilatéraux permettrait d’isoler les spécificitésde l’assistance chinoise et d’en tirer desenseignements pour les autres pourvoyeurs d’aide.Une tendance vers la spécialisation géographiquea aussi été observée. Environ 75% de l’APD de laChine se concentrent en effet sur cinq paysseulement. Enfin, les participants ont mis enévidence l’incompatibilité du « développementdurable » avec le bilan négatif de l’APD chinoise surla protection de l’environnement, en raison de sesretombées sur les générations futures.

Investissement direct étranger

L’investissement direct étranger (IDE) est ledeuxième aspect des flux internationaux de capitauxqui a été abordé à la Conférence. Steve Onyeiwua présenté un article s’intéressant au rôle moteurque le savoir et la technologie jouent dans l’IDEdans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique duNord (MENA). Il part de l’hypothèse selon laquelle

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l’investissement dans le savoir et la technologieexerce un pouvoir attractif sur l’IDE.

Cette étude révèle que la plupart des pays du MENAne parviennent pas à attirer un niveau d’IDEcorrespondant à leur potentiel. Le savoir et latechnologie n’ont pas été identifiés comme unobstacle aux flux d’IDE dans ces pays. En revanche,l’ouverture de l’économie, le niveau des revenus etles risques politiques se révèlent plus déterminantsà cet égard.

Les données obtenues portent à croire que pouremporter le statut de « favoris » en termesd’attractivité pour l’IDE, les pays du MENAgagneraient à ouvrir progressivement leurséconomies.

Abiodun S. Bankole a évalué l’incidence des traitésbilatéraux d’investissement (TBI) sur les flux d’IDE,en se concentrant sur les États membres de laCEDEAO. Entre 1960 et 1980, les pays de l’Afriquede l’Ouest ont infléchi leur politique d’investissementau bénéfice d’une relative libéralisation dont l’objectifétait d’autoriser les participations étrangères dansde nombreux secteurs de leurs économies enencourageant, puis en protégeant, l’investissement.Ces pays ont conclu des accords bilatérauxd’investissement avec des États d’autres régions.Ils négocient également des accords de partenariatéconomique (APE) avec l’Union européenne (UE)afin d’introduire de la réciprocité dans leurcoopération régie par la convention de Lomé.

L’auteur s’est attaché à évaluer de manièreempirique les résultats obtenus par les TBI signésindividuellement par les pays d’Afrique de l’Ouestavec les États de l’UE et par les accords

préférentiels de commerce et d’investissement(APCI) conclus conjointement dans le cadre desConventions de Lomé.

Les résultats de cette étude révèlent que les TBIinfluent fortement sur les flux et les stocks d’IDEdans les pays de l’Afrique de l’Ouest. Cet effet estencore plus marqué pour les stocks d’IDE que pourles flux. À l’inverse, les Conventions de Lomé n’ontexercé d’incidence significative sur aucun de cesdeux indicateurs. Ces constats plaident pour uneréévaluation des accords, afin de déterminer lesraisons pour lesquelles les flux d’IDE sont plusréactifs aux TBI.

Lors des discussions, les participants ont soulignél’intérêt de cette étude du point de vue despolitiques publiques. De plus, cette étude a étéprésentée à un moment opportun, puisque desnégociations pour les APE entre pays de l’Afriquede l’Ouest et États membres de l’UE sontactuellement en cours. Une meilleure connaissancedes résultats obtenus par les anciens traitésd’investissement pourrait aider ces pays à mieuxnégocier le contenu des APE puisque certainesdispositions de ces derniers sont susceptiblesd’avoir des conséquences sur les flux d’IDE.

Ghazi Boulila s’est penché sur l’intensité des fluxde capitaux entre les pays de l’Afrique du Nord,ainsi que sur les avantages et les inconvénients liésà l’ouverture des marchés financiers dans ces pays.Dans sa présentation, l’auteur a mis en balance leseffets de croissance positifs liés à la libéralisationdes marchés financiers et ses aspects négatifs, quisont induits par la forte volatilité de l’IDE et du PIBet par l’occurrence des crises financières. D’aprèslui, chaque pays qui met en œuvre ce type de

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libéralisation peut s’attendre à une augmentationde ses flux entrants de capital, les investisseurs deportefeuille en quête de placements lucratifs etdésireux de minimiser les risques souhaitant profiterdes bénéfices de la diversification. Une analysecomparative portant sur l’expérience des pays del’Asie de l’Est et d’Amérique latine permet de tirerdes enseignements utiles pour la libéralisation desmarchés en Afrique du Nord. L’auteur formule desrecommandations de politiques publiques etobserve que la réforme des institutionséconomiques est essentielle si l’on veut exploiterles avantages de la libéralisation des marchésfinanciers. Il ajoute que chaque pays doit planifierle calendrier de celle-ci en fonction de son degréde stabilité macroéconomique.

Transferts de fonds des migrantset rapatriement de capitaux

La migration des Africains vers d’autres paysconstitue une caractéristique importante ducontinent dans le contexte de la mondialisation.Nombre de ces migrants se sont installés dans despays développés, où ils exercent une activitérémunérée. Sous l’effet de l’élargissement de ladiaspora africaine, les flux de capitaux en directiondu continent ont également augmenté sous la formed’envois de fonds. Ces derniers constituent unesource de capital d’une importance croissante pourl’Afrique. Plusieurs articles présentés lors de laConférence ont évoqué ce sujet, ainsi que le rôlejoué par les phénomènes de fuite et de rapatriementde capitaux.

Les envois internationaux de fonds des migrantsvers les pays en développement suscitent uneattention de plus en plus soutenue en raison de

l’augmentation de leur volume et de leur influencesur les États destinataires. En 2007, certainesestimations ont évalué le montant des transferts defonds vers les pays en développement à 240milliards de dollars EU, sur un total de 318 milliardsde dollars EU. Plusieurs aspects inhérents à cesenvois de fonds ont été étudiés dans descontributions rédigées à l’occasion de la Conférence.John C. Anyanwu et Andrew O. Erhijakpor sesont intéressés à l’incidence des transfertsinternationaux de fonds sur la lutte contre la pauvretéen Afrique.

Leurs premières conclusions font état d’uneinfluence marquée et statistiquement significativedes transferts internationaux de fonds sur le reculde la pauvreté en Afrique. Une recommandationvisant à accroître le volume de ces envois proposedonc d’axer les mesures sur la réduction du coûtde ces envois.

Sur le même sujet, Ameth Saloum Ndiaye aanalysé les conséquences du développementfinancier sur l’influence des transferts de fonds desmigrants et sur la croissance économique. L’objetétait de déterminer si le développement financier enavait amélioré les effets et si ces envois favorisaientl’expansion de l’économie dans un système financierpeu profond. C’est l’exemple du Sénégal, entre 1974et 2005, qui a été retenu pour répondre à cettequestion.

L’analyse empirique révèle une interaction positiveet significative entre les envois de fonds et lesinstruments financiers, et montre que ces transfertsfavorisent la croissance économique, ce qui indiqueune complémentarité entre ces derniers et lesinstruments financiers.

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Abdelkader Elkhider, Abdelhamid El Bouhadi etEl Mustapha Kchirid ont présenté un articleanalysant les facteurs macroéconomiques qui ontdéterminé les envois de fonds internationaux desmigrants marocains sur la période 1970-2006. Lesauteurs ont observé que la production agricole etles taux de change constituaient les principauxfacteurs déterminants de ces transferts. Ils ont établique, sur le court terme, la production agricoleexerçait une influence positive sur les envois defonds alors que les taux de change avaient un effetnégatif. En revanche, à long terme, les deux facteurssemblent perdre de leur importance, l’altruismeenvers les membres de la famille et d’autresconsidérations d’ordre social s’imposant commemotivations de ces envois. Afin d’accroître le volumede ces flux, les auteurs ont formulé plusieursrecommandations, et notamment l’amélioration del’infrastructure financière du Maroc. Certainscommentaires émis à l’occasion de la présentationont souligné la faible corrélation qui existe entrel’analyse empirique et les recommandations émises.

Hippolyte Fofack et Léonce Ndikumana ontétudié la question du rapatriement des capitaux enfuite et ses bénéfices potentiels dans les paysd’Afrique subsaharienne. L’objet de cette analyseétait de découvrir les moyens par lesquels lerapatriement des capitaux en fuite pourrait se traduirepar une croissance économique plus forte dans lesÉtats africains.

Les auteurs défendent l’idée selon laquelle lerapatriement des capitaux en fuite devrait occuperune place bien plus importante dans les débats surla mobilisation des ressources qui doivent financerle développement économique de l’Afrique. Ilsestiment que certains principes moraux de base

plaident de manière évidente en faveur de cettesolution, et notamment le fait qu’une partconséquente des capitaux détenus à l’étranger pardes Africains a été obtenue par le biais d’undétournement des ressources nationales ou d’uneutilisation frauduleuse de fonds empruntés. Cescapitaux appartiennent donc, en toute légitimité,aux populations des pays africains, auxquelles ilsdoivent être restitués.

Leur autre argument repose sur des principeséconomiques : plutôt que de continuer à dépendrede formes de financement génératrices de dette,assorties de conditions directement ou indirectementcontraignantes, les pays africains auraient tout àgagner à puiser dans les stocks de fonds détenusdans des pays occidentaux sous la forme decapitaux en fuite. En effet, contrairement à l’aide età la dette, cette source de financement n’induitaucun engagement de remboursement futur devantêtre assumé par les populations africaines.

Quelques scénarios établis à titre d’illustrationdécrivent l’ampleur potentielle des bénéfices à tirerd’un rapatriement des capitaux en fuite, qui seraientréinvestis à l’échelon national. L’analyse effectuéesur un échantillon représentatif de 40 pays d’Afriquesubsaharienne montre que sur la base du stock decapitaux en fuite existant en 2004, et compte tenudu lien empirique identifié entre l’investissement etl’épargne, si seulement 25% de ce stock étaientrapatriés dans les États africains concernés etinjectés dans le système sous forme d’épargne, leratio moyen d’investissement par rapport au PIBpasserait, dans ces pays, de 18,5% à 29%. Nonseulement ce phénomène propulserait l’Afriquesubsaharienne devant les autres pays endéveloppement en termes d’investissement, mais

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il permettrait également à de nombreux États de larégion d’atteindre le niveau d’investissementnécessaire pour maintenir une croissance durableet suffisamment élevée pour réaliser les Objectifsdu millénaire pour le développement (OMD).

Les auteurs estiment qu’une hausse du rythmed’accumulation de capital et de rapatriement descapitaux en fuite engagerait les pays africains sur lavoie de la croissance économique et permettrait, aufinal, d’accélérer le recul de la pauvreté. Ces Étatsseraient ainsi libérés des contraintes liées auxemprunts à l’étranger et aux autres formes definancement génératrices de dette, sur lesquels ilsse sont traditionnellement reposés.

Cependant, pour que ces bénéfices potentiels sematérialisent, il est nécessaire d’élaborer desstratégies à la fois au niveau national et international,afin de favoriser le rapatriement des actifs détenuslégitimement à l’étranger et de saisir ceux qui ontété soustraits illégalement du continent, ce quirequiert une action de la part des pouvoirs publicsafricains et occidentaux, ainsi que des banquesinternationales.

Les États africains ont un rôle important à jouer pourdéclencher et pérenniser le rapatriement descapitaux en fuite, et doivent notamment :

i) améliorer le cadre réglementaire et le climatgénéral de l’investissement afin d’attirer desactifs privés qui ont été acquis légalementet qui ne sont détenus à l’étranger qu’auxseules fins de la maximisation desrendements et de la réduction des risques ;

ii) améliorer leur gouvernance : les pouvoirspublics doivent prouver aux détenteurs

d’actifs que les capitaux rapatriés ne ferontpas l’objet d’une confiscation par unetaxation discriminatoire et excessive ou, pire,d’un détournement.

Les États occidentaux doivent également agir pourfaciliter le rapatriement des capitaux en fuite ; ilsdoivent notamment :

i) faire respecter la transparence du systèmebancaire ;

ii) utiliser leurs services de renseignementéconomique et financier pour mettre à jourles dépôts de fonds acquis illégalement,notamment par les leaders politiques et leurscomplices ;

iii) coordonner les efforts au niveau international,notamment par la ratification et l’applicationde conventions spécifiques contre la fraude,la corruption et le blanchiment d’argent.

Pour que cette stratégie fonctionne, les banquesoccidentales doivent également la soutenir. Sansleur complicité, il serait quasiment impossible pourles leaders politiques africains corrompusd’acheminer et de dissimuler à l’étranger des fondsvolés. Il est donc nécessaire que les Étatsoccidentaux et les institutions financièresinternationales établissent des mécanismes deréglementation qui prévoient des sanctionsappropriées et symétriques visant à la fois lesAfricains qui détournent des fonds et leurs banquiers.

Les débats ont principalement porté sur lesstratégies visant à garantir le bon usage de ces fluxde capitaux. Les participants ont suggéré qu’il seraitutile d’examiner certains cas spécifiques, commecelui du Nigeria, et de réfléchir à la manière dont les

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ressources rapatriées seraient utilisées pour le biendes populations pauvres. Ils ont également expriméleurs craintes de voir les fonds rapatriés de nouveauredirigés vers des régions plus développées. En

outre, ils ont remarqué que la question durapatriement des capitaux en fuite pourrait se révélerplus complexe et requérir des engagementsinternationaux.

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V. Reconstruction post-conflit

La guerre civile est l’un des grands obstacles audéveloppement de l’Afrique. Elle a souvent des

origines multiples, mais peut s’expliquer dans tousles cas par la fragilité des institutions. Il s’agit d’unproblème urgent à résoudre au Soudan, un paysqui reste pauvre malgré des ressources naturellesabondantes. Amin Salih Yasin a étudié lesinstitutions de gouvernance dans ce pays, étudequi a pour principal objectif d’évaluer la capacitédes transferts inter-administrations à atténuer lestensions génératrices de conflits.

L’auteur décrit de manière détaillée l’évolutionhistorique du conflit soudanais. Dès l’indépendanceacquise dans les années 1950, le sud du pays aété le théâtre d’une guerre civile. Par la suite, descombats ont également éclaté dans l’est et l’ouest(Darfour), ainsi que dans les montagnes Nouba(Kordofan méridional). Le point commun des zonestouchées par ces violences est le sous-développement, qui a provoqué le mécontentementde certaines populations rurales.

En associant fédéralisme politique et budgétaire, leSoudan a commencé à mettre en place desdispositifs budgétaires censés contribuer àl’apaisement des conflits et soutenir directement leprocessus de pacification. Ces mesures sont axéessur la création d’un système de transferts inter-administrations, par lequel l’exécutif central allouedes ressources financières aux autorités locales.Celles-ci se sont engagées à utiliser ces ressourcespour financer des activités de développement,notamment la fourniture de services de base.

Cette étude a également pour objectif d’évaluer siles transferts inter-administrations sont efficacespour empêcher des conflits d’éclater et pour

soutenir le processus de pacification. Amin SalihYasin défend l’hypothèse selon laquelle ladécentralisation budgétaire peut aider à atteindreplusieurs objectifs. Une plus grande efficacité etune meilleure réponse aux besoins locauxfaciliteraient l’amélioration du bien-être despopulations rurales. Ainsi, il est essentiel que lespouvoirs publics nationaux définissent l’ensembledes dispositions institutionnelles nécessaires pourgarantir une décentralisation budgétaire fiable etdes systèmes efficaces de partage de revenus entrel’exécutif central et les autorités locales.

Dans un pays qui sort d’un conflit, les systèmes detransferts entre administrations jouent un rôle crucialdans le financement des actions menées au niveaudes États dont certaines peuvent panser lesblessures de la guerre.

L’étude souligne que ces transferts peuventcontribuer à la stabilité et à la péréquation au niveaurégional. Ils permettent de corriger les déficitsbudgétaires des exécutifs locaux, surtout lorsqueles dépenses régionales sont trop élevées parrapport aux ressources propres. Ils peuvent aussiatténuer les disparités interrégionales et protégercontre les chocs asymétriques. Ils peuvent en outreêtre utilisés dans un but de péréquation descapacités budgétaires, avec des redistributionsdepuis les régions affichant un revenu par habitantélevé vers celles où ce dernier est faible et où lesdépenses par habitant sont, à l’inverse, importantes.

En 1989, le Soudan a engagé des négociationsavec les divers groupes armés du sud du pays, puisavec ceux de l’est et de l’ouest. En 2005, lesautorités ont signé des accords de paix avecl’Armée populaire de libération du Soudan (SPLM)

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à Nairobi, au Kenya, et avec les mouvements armésprésents au Darfour à Abuja, au Nigeria. En 2006,des accords ont également été conclus à Asmara,en Érythrée, avec les groupes armés de l’est duSoudan, Chacun des ces trois compromiscomporte une entente et des mécanismes departage de richesses.

Globalement, les transferts budgétaires actuelspeuvent être classés en trois catégories :

a) Les transferts conditionnels : en spécifiantles conditions relatives aux dépenses, legouvernement central impose auxbénéficiaires de respecter certaines règleset recommandations ;

b) Les transferts non conditionnels : lesbénéficiaires utilisent comme ils le souhaitentles fonds qu’ils reçoivent ;

c) Les transferts pour le développement desÉtats : cette catégorie regroupe les projetsde développement financés en monnaielocale et par des prêts étrangers, et qui sontaffectés au compte des acquisitions d’actifsnon financiers du budget national.

Le système de transferts inter-administrationsadopté a de nombreux effets positifs, mais imposeégalement :

a) De coordonner les politiques budgétairesde l’État central et des autorités régionales,afin de garantir leur cohérence avec lesobjectifs macroéconomiques au niveaunational ;

b) D’encourager les autorités régionales àrépondre aux besoins et aux attentes descitoyens, à la fois pour l’allocation des

ressources budgétaires et pour la fournitureefficace et économique de biens et deservices ;

c) De pratiquer une gestion financière sainedes opérations à chaque échelon exécutif.

Malgré l’importance des accords et leur rôleessentiel dans la redistribution budgétaire et lesefforts de développement, des inquiétudesdemeurent. Ainsi, les divergences économiquespourraient ne plus être supportables à l’avenir sielles ne sont pas traitées de manière appropriée,et il n’est pas certain que ce schéma dedécentralisation soit viable dans les pays qui nepossèdent que de faibles capacités institutionnelleset de gouvernance.

Janvier D. Nkurunziza s’est penché sur lareconstruction post-conflit en Afrique. Les objectifsde son étude sont les suivants :

i) Actualiser les analyses quantitativesprécédentes portant sur l’évolution del’incidence des guerres civiles sur lecontinent ;

ii) Aborder la reconstruction post-conflit enAfrique sous l’angle de ses modalités definancement.

Janvier D. Nkurunziza note que les guerres civilesdétruisent l’infrastructure ainsi que d’autres typesd’actifs. Par conséquent, la reconstructionconsidérée en termes d’accumulation de capitalconstitue une étape cruciale pour le redressementde l’économie. Cet auteur décrit notamment lamanière dont la reconstruction devrait être financée.L’épargne intérieure étant l’élément qui déterminele plus systématiquement l’investissement, un État

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qui sort d’un conflit doit avoir notamment pourpriorité de rebâtir son système financier. Cettestratégie encouragerait les agents économiques àépargner et à investir dans l’économie locale afinde permettre le retour à la stabilité politique.Toutefois, ce processus prend du temps.

Janvier D. Nkurunziza fait remarquer que, pourdynamiser l’épargne nationale, il faut en particulierlutter contre la fuite des capitaux et tenter derapatrier les actifs détenus à l’étranger. Pour yparvenir, il faut en finir avec les pratiques decorruption qui se sont répandues pendant la guerre,rétablir l’État de droit et donner du pouvoir auxautorités de contrôle et de surveillance. Si l’épargneintérieure reste insuffisante, l’aide demeure laprincipale source de financement. Elle peut êtremobilisée pour financer la reconstruction post-conflitimmédiatement après la fin d’une guerre civile.D’après l’auteur, les pays sortant d’un conflit ontbesoin d’une aide substantielle lors de la phaseinitiale de la reconstruction afin de reconstruire leursystème financier et mobiliser une épargne plus

importante à moyen et long terme. L’efficacité dela reconstruction post-conflit nécessite donc unvolume d’aide significatif, proportionnel aux besoins.Ainsi, l’aide à la réparation et à la reconstruction del’infrastructure peut encourager le secteur privé àinvestir davantage, car l’injection de fonds publicsattire dans son sillage les capitaux privés.

L’auteur souligne qu’il faut attribuer l’aide avecdiscernement afin qu’elle ne soit pas captée, à lasortie d’un conflit, par des groupes de pression etpar les élites politiques. Utilisée de manièreadéquate, dans le but de consolider le processusde rétablissement économique, l’aide peutrenforcer la crédibilité de la transition vers la paix.En outre, si la reconstruction reflète rapidementles effets positifs de l’arrêt des combats (les «dividendes de la paix »), il y a de fortes chancespour que le pays s’engage durablement sur la voiedu développement. À l’inverse, une transition malgérée à la sortie d’un conflit n’est pas crédible etpeut rapidement dégénérer, entraînant denouvelles violences.

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VI. Commerce et intégration

Le thème général de la conférence étant lamondialisation, les présentations et discussions

ont été axées sur le rôle des échangesinternationaux et de l’intégration régionale dans ledéveloppement économique de l’Afrique. Même sila part de l’Afrique dans le commerce internationalaugmente, elle reste néanmoins extrêmement faible.Or, pour que ce continent parvienne à accélérer lerythme de sa croissance économique, il doitaccroître le volume de ses transactions sur lemarché mondial. Les contributions et les débatsqui ont suivi visaient à analyser cette participationde l’Afrique aux échanges. Elles ont mis en exergueles perspectives d’expansion commerciale au-delàdes frontières nationales, mais aussi les obstacles.

L’augmentation de la part de l’Afrique dans lecommerce mondial dépend de deux facteurscruciaux : la compétitivité et l’accès aux marchés.Il est évident que les pays africains ne pourront pasaccroître significativement leur présencecommerciale sans une amélioration de leurcompétitivité, à la fois dans l’agriculture et dans laproduction manufacturière. Or, la productivité estune dimension centrale de la compétitivité. Parconséquent, les pays africains ne peuventaugmenter le volume de leurs exportations qu’enaméliorant leur productivité, ce qui est tout à faitpossible moyennant l’adoption des nouvellestechnologies et le renforcement du capital humain.

L’autre préalable à la compétitivité est le climat del’investissement. Un environnement défavorabledécourage les investisseurs et rend les produits noncompétitifs sur les marchés extérieurs.

L’accès aux marchés est lui aussi au centre despréoccupations. Globalement, il désigne les

possibilités de pénétrer sur le marché d’autres pays.L’une des stratégies destinées à accroître le volumedes échanges consiste à éliminer ou à abaisser lesbarrières commerciales, telles que les obstaclestarifaires ou non tarifaires, le plus souvent à traversl’intégration régionale ou par d’autres accordsbilatéraux ou multilatéraux. Les analyses présentéeslors de la conférence ont évoqué des dispositifsspécifiques permettant de favoriser les échangeset l’investissement entre l’Afrique et les paysdéveloppés, grâce à un accès préférentiel auxmarchés extérieurs.

Hilary Nwokeabia a étudié les problèmes liés àl’accès aux marchés et évalué la manière dont lesinitiatives visant à l’améliorer influent sur lesexportations et sur la compétitivité. D’après cetauteur, depuis le début du cycle de Doha, l’Afriquea vu apparaître des schémas d’accès préférentielqui n’ont apparemment eu que des bienfaits limitéspour les pays en développement, les reléguantpeut-être même encore davantage en marge dusystème d’échanges multilatéral. L’auteur établitune distinction entre marge intensive et margeextensive, et montre que toute croissancedynamique associée à un accès préférentiel n’induitpas nécessairement une progression quantitativedes exportations, mais plutôt un essor qualitatif.Les conditions préférentielles peuvent contribuerà l’expansion économique si elles transforment lesressources des pays bénéficiaires, en les faisantpasser de secteurs à faible productivité à desactivités plus rentables.

L’une des principales conclusions de l’étude estque les conditions préférentielles ne sont passuffisantes pour accroître significativement l’accèsde l’Afrique aux autres marchés. De fait, si l’on

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compare la croissance des exportations des paysd’Afrique et de ceux d’Asie, il apparaît clairementque l’accès aux marchés ne peut générer à lui seulla capacité d’offre nécessaire pour soutenir lacroissance économique ou augmenter la margeextensive de la croissance du commerce. Sous leurforme actuelle et dans le contexte africain, lessystèmes de préférences généralisées (SPG) nepeuvent être efficaces que si les pouvoirs publicscréent les conditions permettant aux entreprisesprivées de prospérer, notamment dans le secteurmanufacturier. On constate malheureusement quele continent africain ne parvient pas à attirer lesinvestisseurs étrangers dans ce secteur, et, donc,à améliorer sa compétitivité. Les pays de cetterégion doivent donc repenser leurs politiquespubliques pour attirer davantage d’investissements,surtout des flux susceptibles d’avoir des effetsd’entraînement substantiels. En outre, l’Afrique doits’attacher à renforcer ses capacités de production,notamment son capital humain et son savoir-faire.

Les politiques destinées à attirer les capitaux étrangersdoivent également aider les pays africains à diversifierleurs investissements, de manière à ne plusconcentrer ceux-ci exclusivement sur l’exploitationdes ressources naturelles. Les petites et moyennesentreprises (PME) pourraient notamment donner auxpays africains qui les accueillent des occasionsd’apprentissage et faciliter ainsi leur entrée rapidedans un tout nouveau processus de développement.Les États africains doivent donc chercher à releverleur compétitivité commerciale en améliorantsimultanément les niveaux de scolarité et dequalifications afin de devenir plus compétitifs. Pourfinir, l’étude rappelle l’importance de la formation etde l’innovation intégrées dans un processusendogène de croissance des exportations.

S’ils ne prennent pas d’engagements pour instaurerun climat favorable aux entreprises, les paysafricains ne récolteront pas les bénéfices desaccords commerciaux préférentiels. Ainsi, bien quedes initiatives telles que le SPG ou l’AGOA (loiaméricaine sur la croissance et les opportunités enAfrique) aient procuré à certains pays des avantagesde coûts atteignant jusqu’à 30%, ces conditionspréférentielles n’ont pas permis de diversifier laproduction ni les exportations comme en Asie del’Est. Pour que ces accords préférentiels génèrentune croissance économique durable, ils doiventdonc non seulement augmenter à court terme lamarge intensive des échanges, mais égalementcontribuer à long terme à un effet catalyseur, quistimulera la compétitivité des facteurs et la margeextensive des exportations.

Des gains durables ne peuvent donc être obtenusau moyen de conditions préférentielles que si celles-ci s’accompagnent de mutations technologiquesaméliorant la productivité. Cet élément confirmeque les accords préférentiels ne peuvent débouchersur une croissance économique que s’ils vont depair avec un transfert des ressources des secteursà faible rentabilité vers ceux à forte productivité. Lesdispositifs préférentiels se révéleraient plusavantageux s’ils se traduisaient par deschangements technologiques. C’est pourquoi il fautse demander, lors de l’évaluation de ces accords,s’ils ont entraîné ou non des mutationstechnologiques dans certains secteurs, et si cesdernières auront des retombées sur l’ensemble del’économie.

Plusieurs commentaires importants ont été formulésau cours des discussions. Le premier concerne lanécessité de distinguer l’effet sur les prix de l’effet

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sur les volumes. Les bienfaits de l’accès auxmarchés étrangers résultent des prix plutôt qued’une augmentation quantitative des exportations.Il est donc intéressant de décomposer les donnéesportant sur les échanges entre effet de prix et effetde volume (et de les ventiler par secteur). Hormisl’effet de prix, la seule évolution qu’elles indiquentest celle de la composition de la production sousl’influence de l’AGOA : les pays se spécialisent dansles produits qui correspondent davantage à lademande des consommateurs américains qu’à lademande intérieure.

C’est donc principalement par les termes del’échange que l’accès préférentiel aux marchésinflue sur le revenu. Il conviendrait d’étudierl’évolution des termes de l’échange, ce qui, avecl’effet de volume, donnerait des informationsessentielles sur la capacité de l’AGOA à améliorerle bien-être en Afrique subsaharienne.

Il serait également intéressant d’examiner toutélément susceptible de montrer l’importance desretombées technologiques. L’étude rappellel’importance des changements technologiques quiaccompagnent parfois les accords préférentiels. Ilpeut s’avérer utile de poursuivre cette analyse pourdéterminer l’ampleur des retombées technologiquespossibles sur le secteur textile, via l’apprentissagepar la pratique ou via des processus similaires. Onpourrait alors savoir si les conditions préférentiellessont appliquées à un secteur en croissance ou àun secteur traditionnel.

Il a en outre été constaté que malgré les bienfaitssignificatifs que peut apporter l’accès préférentielaux marchés, comme c’est le cas avec l’AGOA, lesgains d’efficience obtenus grâce à la spécialisation

reposant sur un avantage comparatif sont avanttout la conséquence de la libéralisation opérée surle marché intérieur, et non des conditionspréférentielles accordées sur le marché international.Face au mouvement considérable de libéralisationentraîné par la clause de la nation la plus favoriséeintroduite par l’OMC, la marge préférentiellesusceptible d’être obtenue sur les marchés del’OCDE est plutôt faible. De surcroît, les conditionspréférentielles sont temporaires et peuvent êtrerévoquées unilatéralement, à l’entière discrétion dupays qui les octroie. Les bienfaits les plus notableset les plus durables, associés à des effets positifssur la consommation des populations pauvres,viendront plus certainement de la libéralisation deséconomies d’Afrique subsaharienne.

D’autres intervenants ont évoqué les accordsspécifiques visant à favoriser le commerce etl’investissement entre l’Afrique et les paysdéveloppés. Parmi ces mesures figurent la quatrièmeConférence internationale de Tokyo sur ledéveloppement de l’Afrique (TICAD-IV), dont l’objectifest de renforcer les échanges avec le Japon etd’attirer les investisseurs, et les accords de partenariatéconomique (APE) conclus avec les pays de l’UE.

Nicholas Gouede a étudié les stratégies visant àaccroître les échanges et l’investissement entre leJapon et l’Afrique dans le cadre de TICAD-IV. Ilrappelle les trois grands objectifs qui sont au cœurdes accords TICAD-IV : a) stimuler la croissanceéconomique ; b) garantir la sécurité humaine, parexemple grâce à la réalisation des OMD, à laconsolidation de la paix ou à la démocratisation ;c) faire face aux problèmes environnementaux etaux changements climatiques. L’accent est mis surl’établissement de liens commerciaux entre les PME

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africaines et asiatiques et sur l’amélioration del’infrastructure dans le but d’instaurer unenvironnement propice au secteur privé. Cettestratégie assure aux entrepreneurs locaux unmeilleur accès au crédit afin qu’ils puissentdévelopper leur activité et créer des emplois. Enoutre, un environnement plus favorable pour lesentreprises est susceptible d’attirer les investisseursjaponais, qui pourraient ainsi contribuer àl’amélioration de la compétitivité de l’Afrique grâceaux transferts de technologie.

Dans la même optique, Stephen N. Karingi etLaura Deotti présentent une analyse détaillée desAPE intérimaires qui ont été proposés par l’UE à laCommunauté de développement de l’Afriqueaustrale (SADC), à l’Afrique orientale et australe, auGhana, à la Côte d’Ivoire, au Cameroun et aux paysde la CAE (Communauté de l’Afrique de l’Est). LesAPE intérimaires sont des accords internationauxcomplets et contraignants, conformément aux règlesde l’OMC, qui ne peuvent pas être remis en causepar les membres de l’OMC. Ils s’appuient sur lesprécédents accords ACP-UE, notamment pour cequi est des échanges régionaux, de l’intégration etde la coopération commerciale et économique. Leprincipal objectif des APE est de favoriser l’accèsaux marchés, l’intégration régionale, le commerceet l’investissement. Leur fonctionnement est guidépar les principes suivants :

i) Développement : les APE doivent contribuerau développement durable et à la réductionde la pauvreté ;

ii) Réciprocité : toutes les restrictionscommerciales entre les parties doivent êtreprogressivement éliminées afin de créer unezone de libre-échange ;

iii) Régionalisme : le renforcement del’intégration régionale dans les groupes depays ACP est considéré comme une étapeimportante vers une plus grande intégrationdans l’économie mondiale. Ce principe aincité plusieurs pays ACP à se regrouperpour négocier avec l’UE ;

iv) Différenciation : les APE accordent une placeimportante au traitement spécial etdifférencié, et prennent en compte lecontexte spécifique et les différents stadesde développement des pays ACP.

Néanmoins, les auteurs ont fait remarquer quechaque APE intérimaire est unique, car il est négociéavec une zone ACP spécifique, qui ne comportepas uniquement des PMA et qui a des intérêts etdes programmes d’intégration particuliers.L’étendue de la couverture régionale est variable,ainsi que le degré d’exhaustivité.

Si le commerce international ouvre des perspectivespour l’Afrique, on peut craindre néanmoins que lesystème mondial d’échanges mette en péril lasécurité alimentaire de ce continent. William A.Amponsah et Victor Ofori-Boadu se sont penchéssur cette question. Ils ont évalué l’incidence dusystème d’échanges mondial actuel, et plusparticulièrement le rôle des politiques agricoles, surla sécurité alimentaire de l’Afrique. Il semble queles récents échecs des négociations multilatéralesportant sur le commerce agricole et la volatilité desprix sur les marchés mondiaux aient desrépercussions négatives sur les pays d’Afrique quidépendent de l’agriculture. Il est important dedéterminer si les négociations actuelles en vue d’unelibéralisation des échanges, dans le cadre du cyclede Doha, sont en mesure d’atténuer les effets de

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la crise alimentaire et de garantir la sécuritéalimentaire, ainsi que de réduire la pauvreté sur lecontinent.

Il apparaît que la volatilité des prix peut avoir unimpact différent selon que le pays est exportateurou importateur net de produits alimentaires. Laplupart des États africains se classe dans cetteseconde catégorie. Face à la rareté des ressources,nombre d’entre eux ne disposent pas de l’apporten capitaux ni des institutions qui leur permettraientd’atteindre un niveau suffisant de productionalimentaire. Les conséquences sur la sécuritéalimentaire, la nutrition et la progression par rapportaux Objectifs du millénaire pour le développement(OMD) en termes de pauvreté et de famine peuventse révéler dramatiques.

Les participants à la Conférence ont égalementtraité de l’unification monétaire. Les unionsmonétaires sont considérées comme un moyend’améliorer la stabilité politique, d’assainir lespolitiques macroéconomiques et de générer unecroissance économique durable. Parmi les aspectsessentiels qui ont été évoqués à ce sujet figurentl’influence des unions monétaires sur lasynchronisation des cycles d’activité, surl’expansion économique et sur le volume deséchanges. L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économiqueet monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC)constituent deux bons exemples pour analyserl’incidence d’une unification monétaire.

S. Jules-Armand Tapsoba s’est intéressé à l’effetde l’unification monétaire sur l’intensité deséchanges et sur la synchronisation des cyclesd’activité en Afrique. L’auteur évalue la pertinence

des unions monétaires à la lumière de la théorie deszones monétaires optimales. Selon cette théorie,la condition fondamentale pour l’efficacité d’uneunion monétaire est la symétrie des chocs, c’est-à-dire des chocs affectant les pays de manièreidentique. D’après les résultats de cette étude,nombre d’unions monétaires en développementsur le continent n’afficheraient pas une symétriesuffisante pour remplir cette condition. Par exemple,divers indicateurs révèlent que la synchronisationdans les pays de la CEMAC est globalement faible,bien qu’elle tende à s’améliorer. Par conséquent,s’ils veulent optimiser les bienfaits potentiels del’intégration monétaire, les pays de la CEMACdoivent poursuivre leur harmonisation de leurspolitiques et améliorer leur connectivité physique,de manière à activer les canaux à travers lesquelsles cycles d’activité sont susceptibles d’êtresynchronisés.

L’auteur conclut à l’absence d’effets positifssignificatifs des unions monétaires sur la croissanceéconomique. S’agissant des pays d’Afriquesubsaharienne en général, les États membres dela CEMAC ont enregistré des taux de croissanceplus élevés au cours de la période 1999-2007. Àl’inverse, les pays de l’UEMOA ont enregistré uneexpansion économique plus lente, ce qui sembleindiquer que l’intégration régionale par l’euro n’estpas forcément bénéfique pour la croissance.

Ces résultats s’expliquent peut-être parl’interdépendance des pays de l’UEMOA, sous laforme d’une union commerciale régionale : laCommunauté économique des États de l’Afriquede l’Ouest (CEDEAO). Étant donné quel’appartenance à un bloc commercial régionalentraîne une hétérogénéité et une différenciation

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des exportations, la volatilité des taux de changepeut avoir davantage d’effets négatifs sur laproduction. Par exemple, si le fait d’être membrede la CEDEAO génère des réseaux commerciauxplus coûteux pour l’UEMOA que pour la CEMAC,la réponse à la volatilité des taux de change dansles pays de l’UEMOA pourrait être de plus grandeampleur. En effet, l’existence de ces réseauxcoûteux exerce une influence plus directe sur larentabilité des entreprises, ce qui accentue lasensibilité de la production au risque de change.

Concernant les unions monétaires en Afrique,l’expérience de la CEMAC montre que leurendogénéité n’est pas nécessairement optimale,même après une longue période. Cependant, lesunions monétaires peuvent se maintenir malgré cemanque d’optimalité, et elles ont effectivementtendance à générer des cycles un peu mieuxsynchronisés au fil du temps. Il n’est doncprobablement pas nécessaire d’attendre que lespays remplissent l’ensemble des critèresd’optimalité avant de constituer des unions, oumême d’envisager une union à l’échelle de tout lecontinent. Le processus d’unification doit toutefoisêtre progressif et une attention particulière doit êtreportée à la conception des instrumentsinstitutionnels régissant la stratégie de change etla politique monétaire, à la consolidation de lavolonté politique et à l’élaboration d’un cadrecrédible, de manière à encourager une convergencede facto des instruments macroéconomiques.

Fabrizio Carmignani a étudié la synchronisationdes cycles à la lumière de trois approchesstatistiques. Il montre que la synchronisation estdemeurée faible tout au long de la période 1960-2007, mais qu’elle s’est marginalement améliorée

au fil du temps. Ces conclusions sont d’une grandeimportance pour la conception d’un processusd’intégration économique en Afrique. Unechronologie des cycles d’activité sur le continentest également présentée. Sur le plan des politiquespubliques, les pays de la CEMAC doivent poursuivrel’harmonisation de leurs stratégies et améliorer leurconnectivité physique, de manière à dynamiser lescanaux à travers lesquels les cycles d’activitépeuvent se synchroniser davantage et afind’optimiser les bénéfices potentiels de l’intégrationmonétaire. Une révision des critères de convergenceactuels pourrait ainsi s’avérer nécessaire. Les Étatsconcernés doivent aussi profiter de l’accroissementdes revenus tirés du pétrole (et des autresressources naturelles) pour accroîtrel’investissement public dans l’infrastructure,notamment dans des projets de transport à l’échellede la région. Pour ce qui est des unions monétairesen Afrique, l’expérience de la CEMAC montre queleur endogénéité n’est pas toujours optimale, mêmesur le long terme. Néanmoins, l’unification doit êtregraduelle et il faut veiller à l’élaboration desmécanismes institutionnels qui régissent la politiquede change et la politique monétaire, au renforcementde la volonté politique et à l’instauration d’un cadrecrédible, afin de permettre la convergence effectivedes politiques macroéconomiques.

Juliet Elu et Gregory Price ont étudié les effets del’intégration régionale par l’euro sur la croissanceéconomique en Afrique subsaharienne. L’estimationdes paramètres du modèle de croissance de Solowmontre que l’appartenance à une union régionalearrimée à l’euro influe sur l’expansion économiquede l’Afrique subsaharienne. En Afriquesubsaharienne, les pays membres de la CEMACont affiché une croissance plus forte sur la période

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1999-2007. À l’inverse, les membres de l’UEMOAont vu leur économie se développer plus lentement,ce qui semble indiquer que l’intégration régionalepar rattachement à l’euro n’a pas nécessairementdes effets bénéfique pour la croissance. Cependant,les unions monétaires régionales arrimées à l’euro,

à l’instar de la CEMAC, peuvent exercer un impactpositif sur la production, peut-être en raison de l’effetd’atténuation du risque de change, qui réduit laprobabilité et l’ampleur des chocs. En conséquence,l’intégration monétaire régionale peut avoir desrépercussions bénéfiques en Afrique subsaharienne.

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VII. Infrastructure

L’infrastructure, tant par sa qualité que par sonvolume, est l’un des grands préalables à la

croissance économique d’un pays. Sa qualité, enparticulier, joue un rôle crucial dans l’abaissementdu coût de la production et des échanges. Uneinfrastructure médiocre dans un pays d’Afrique etentre des pays de ce continent est considéréecomme une entrave majeure à la croissance et aucommerce régional intra-africain. Deux contributionsspécifiquement axées sur l’infrastructure ont étéprésentées lors de la Conférence.

Afeikhena Jerome examine le rôle joué par lesecteur privé dans le développement del’infrastructure. Il commence par dénoncer une «erreur de politique » qui repose sur l’un des dogmesdes années 1980/1990, selon lequel l’infrastructuredevrait être financée par les entreprises privées. Or,pour diverses raisons, qui ont principalement trait auclimat de l’investissement et aux taux de rendement,l’investissement privé reste faible en termes devolume, ainsi que dans les différents secteursd’activité et pays : grosso modo, seule une économieen développement sur trois peut faire appel à desprestataires privés pour la fourniture d’électricité, lesadductions d’eau ou le transport ferroviaire.

La part du secteur privé dans les investissementsréalisés dans les pays en développement au coursdes quinze dernières années atteint globalementjusqu’à 25%. En Afrique, cette participation aprobablement permis de couvrir moins de 10% desbesoins. D’après l’historique des investissementsdans cette région, il est peu probable que le secteurprivé pourra apporter à lui seul le financement àcourt terme manquant. Étant donné le faible niveaude développement de l’infrastructure etl’accroissement rapide des besoins sur ce

continent, il ne pourra financer qu’une fraction desmoyens supplémentaires nécessaires (5 à 12milliards de dollars par an, d’après les estimations)dont l’Afrique a besoin afin d’atteindre les Objectifsdu millénaire pour le développement concernantl’infrastructure.

L’auteur indique que ces ressources financièresdoivent provenir de l’État, d’organismes publics et,de plus en plus, des marchés de capitaux privés.Pour s’attaquer aux problèmes d’investissementdans l’infrastructure en Afrique, il faudra égalementlancer une vaste réforme des institutions, coupléeà un engagement financier plus important de l’Étatet du secteur privé. Cependant, ce dernier ne devrapas se contenter d’une participation financière. Ildevra aussi, et surtout, aider à renforcer lescapacités, à transférer des technologies plusavancées et des innovations, ainsi qu’à remédierau manque de capacités qui entrave la mise enœuvre. De son côté, le secteur public devradéployer une réforme budgétaire et améliorer sagestion. En outre, il faudra prêter attention à laconception des projets et, en particulier, identifieret répartir les risques tout en veillant à ce que lesprocédures de passation des marchés publicssoient saines. On constate néanmoins que laparticipation du secteur privé ne donne pas toujoursde bons résultats dans tous les secteursd’infrastructure, ni dans tous les pays endéveloppement.

Le même auteur note que les approches régionalesdu développement de l’infrastructure ontprobablement plus d’importance qu’on ne l’avaitadmis jusqu’alors. L’Afrique est une région trèsfragmentée, qui compte un grand nombre de petitspays, dont beaucoup sont enclavés. Les projets

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d’infrastructure régionaux permettent de réduire lescoûts grâce à des économies d’échelle, ce quirendra les investissements d’infrastructure plusabordables. Cependant, ces projets se révèlentdifficiles à réaliser, notamment en raison de l’ampleurdu financement requis et de la complexité desopérations, qui font intervenir plusieurs pays.

Ochozias A. Gbaguidi s’intéresse aux facteurs quidéterminent la demande d’énergie au sein de laCEDEAO. Son analyse livre de précieusesinformations sur les facteurs qui influencent cettedemande au niveau régional. Il en ressort que lesstructures agricoles et industrielles exercent unimportant effet positif à long terme. Cet auteurappelle à une politique énergétique régionale etécologique efficace.

Cette étude a suscité plusieurs commentaires. Eneffet, si elle présente un vaste panorama de lalittérature traitant des modèles économétriques etdes méthodes permettant d’estimer la demanded’énergie, en revanche, elle n’examine pas lesproblèmes du secteur de l’énergie dans les paysde la CEDEAO, en particulier le manqued’infrastructures appropriées, l’écart entre lademande et l’offre, et leurs conséquences. Il fautégalement noter que la CEDEAO compte 15 paysmembres qui diffèrent par un certain nombred’aspects. Il aurait donc été judicieux que cette

étude classe ces pays d’après leurs caractéristiquescommunes, par exemple en tant qu’exportateursou importateurs d’électricité et d’hydrocarbures.Une analyse et des recommandations de politiquereposant sur ce type de catégorisation auraientabouti à des résultats plus utiles sur le plan pratique.

Cette étude aurait également pu explorer l’impactdes questions liées à la gestion de la demande,telles que la tarification et l’efficience de l’utilisationde l’énergie. Malgré les difficultés à trouver desdonnées agrégées pertinentes, il aurait étéintéressant de déterminer l’adéquation entre lademande d’énergie et la structure tarifaire en placedans la CEDEAO. L’efficience et l’efficacité desmécanismes de surveillance et de régulation sontessentielles pour un marché intégré. Cette étudeaurait pu recommander des politiques permettantla coordination et la régulation du pool énergétiquerégional.

Faute d’indicateurs des prix de l’énergie, la mêmeétude a utilisé comme variables de substitution lesindices des prix à la consommation, ce qui témoignedu manque d’accès à des données de qualité pourdes travaux de recherche en Afrique. On peut ainsiregretter que cette étude ne propose pas deméthodologie pour la coordination de la collecte,du regroupement et de la gestion des données dansle secteur de l’énergie.

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VIII. Activités manufacturières

La transformation des économies africainesrepose en premier lieu sur l’encouragement de

leurs activités manufacturières. C’est le thème dedeux contributions à la Conférence.

Dans le cadre d’une session plénière, Arne Bigstena dressé un état des lieux du secteur manufacturieren Afrique à l’heure de la mondialisation. Il a toutd’abord analysé la situation de cette région et notéque, malgré une libéralisation significative deséchanges commerciaux, les capacités d’exportationet la diversification de la production restentlocalement limitées. Cet auteur remarque que laconcentration des exportations s’accentue mêmedepuis 1995, et que le boom des matières premièresa eu des répercussions importantes. Les activitésmanufacturières de l’Afrique stagnent en grandepartie, comme en atteste leur faible part dans le PIB,qui n’a quasiment pas évolué depuis longtemps.Néanmoins, la libéralisation a (lentement) chassé lesentreprises protégées par des droits de douaneélevés. Plusieurs raisons ont été avancées pourexpliquer le faible niveau d’investissement, maisArne Bigsten réfute l’argument le plus courant, selonlequel le principal obstacle est le manque definancement. Une autre raison plausible a trait àl’avantage comparatif : le fait que l’Afrique soit richeen matières premières (rapportée au nombred’habitants, cette richesse est supérieure à celle detoute autre région du monde) affecte son avantagecomparatif. De plus, il se pourrait que le syndromehollandais ait, lui aussi, des répercussions.

Arne Bigsten s’est ensuite demandé pourquoi lesecteur manufacturier n’investit pas en Afrique. Il aainsi mis en évidence les freins pour les entreprises,notamment un environnement risqué, des coûtssubstantiels et des problèmes logistiques, tant pour

les importateurs que pour les exportateurs, et untaux élevé de rejets de production. Il faudrait donccréer une infrastructure permettant de soutenir lesexportations, en particulier grâce à de bons réseauxde transport, d’électricité et de télécommunications,d’assurer la sécurité, de rendre la réglementationdes échanges et les services douaniers plusefficients, de raccourcir les délais detransbordement portuaire, d’accélérer les formalitésdouanières, de simplifier les procéduresd’exportation, d’améliorer les mécanismes deristourne des droits de douane et de tirer parti destechnologies de l’information et descommunications.

En outre, Arne Bigsten souligne l’importance deséconomies d’agglomération. Il constate que laproximité d’autres entreprises engendre des gainsde productivité et de compétitivité. Les économiesd’agglomération nécessitent une infrastructure degrande qualité, un management performant et desinstitutions efficientes.

La principale conclusion de cette étude est que lacompétitivité de l’Afrique passe par l’élimination desrisques et des coûts qui empêchent cette régiond’attirer les investisseurs locaux et étrangers. ArneBigsten note que des capitaux seraient disponiblessi l’environnement était stable, le cadre institutionnelapproprié et l’infrastructure d’exportation fiable,efficiente et peu onéreuse. Il pourrait également êtreutile d’aider les entreprises à pénétrer sur lesmarchés d’exportation. Il faudrait aussi s’attacherà apporter les compétences nécessaires,notamment techniques (ainsi que pour les activitésde recherche et développement) dans certainssecteurs. Pour s’intégrer à des chaînes de valeur,les entreprises doivent être en mesure de satisfaire

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aux normes internationales, ce qui montrel’importance d’élaborer des programmespermettant la mise en place de ces compétences.Enfin, les politiques d’implantation jouent, elles aussi,un rôle essentiel, d’où la nécessité de créer despôles d’excellence industriels.

Adam B. Elhiraika cherche, lui, à déterminer sil’augmentation de la production manufacturièrepar rapport à la production totale est associée àdes taux de croissance supérieurs et à une stabilitéplus grande. Il s’interroge également sur lesprincipaux facteurs de cette hausse de laproduction manufacturière, et analyse les grandsaxes d’une politique industrielle permettant auxpays d’Afrique de promouvoir les activitésmanufacturières en tant que puissant moteur deleur transformation économique.

En outre, Adam B. Elhiraikia observe que la repriseéconomique qui s’est amorcée au début du XXIesiècle est tirée par les produits de base, ce qui nepourra pas constituer une tendance durable dansla plupart des pays. Pour encourager unecroissance générale et améliorer sa productivité,l’Afrique doit impérativement engager deschangements sectoriels et un processus dediversification. L’auteur souligne que cette régiondoit se doter d’une politique industrielle qui permettede repérer plus facilement de nouvelles activitésproductives dans les différents secteurs (industrie,agriculture et services), même si, pour de nombreuxpays, ce sont les produits manufacturés qui offrentles meilleures perspectives à long terme.

Cette contribution montre que la transformationde l’économie par le relèvement de la part de lavaleur ajoutée manufacturière dans la productiontotale peut accélérer la croissance et réduire savolatilité. Étant donné les interdépendances enamont et en aval qui existent entre le secteurmanufacturier et les autres activités, les mesuresqui soutiennent ce secteur peuvent en outreencourager la mutation de l’économie, l’emploiet la création de richesse, et, ainsi, faire reculerla pauvreté.

Adam B. Elhiraikia affirme que la politiqueéconomique ne doit pas cibler certains secteurs,mais doit plutôt chercher en permanence desactivités nouvelles et très rentables, de façon àpermettre une diversification productive dans lesecteur manufacturier, l’agriculture ou les services.Au lieu de se focaliser sur les résultats, elle doits’attacher à mettre en place un processus assurantune collaboration continue entre les entreprisesprivées et l’État, afin que les obstacles à latransformation structurelle, et des remèdes,puissent être identifiés. Cet auteur considère queles stratégies destinées à accélérer et à soutenir lacroissance à long terme en Afrique ne doivent pasavoir une portée uniquement nationale. Encouragerles chaînes de valeur et les marchés intégrés auniveau régional peut constituer un puissant levier,qui aidera l’Afrique à élargir le champ desopportunités d’investissement rentables, à réaliserdes gains de productivité grâce aux économiesd’échelle et à devenir plus compétitive àl’international.

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IX. Agriculture et developpement rural

L’agriculture constitue la principale source desubsistance dans la plupart des pays d’Afrique.

Même si la part de ce secteur dans le PIB ne cessede diminuer, une majorité d’Africains vit toujoursdans des zones rurales et travaille dans l’agricultureou exerce des activités connexes. L’agriculture restedonc essentielle pour le développement de cetterégion du monde. Trois contributions présentéeslors de la Conférence traitent directement del’agriculture et du développement rural.

L’une des préoccupations que suscite l’agricultureen Afrique a trait à son manque de productivité, quis’explique par le faible taux d’utilisation destechnologies de production modernes :mécanisation, irrigation, engrais et pesticides,notamment. De surcroît, les semences et variétésculturales nouvelles sont peu adoptées. Deuxcontributions sont spécifiquement axées sur lesproblèmes de productivité.

Nombre de pays d’Afrique dont l’économie reposesur l’agriculture ont récemment élaboré desprogrammes visant à diversifier les sources derevenus des paysans en encourageant ces derniersà de meilleures pratiques. La contribution de SabineM. Ntsama Etoundi et B. Kamgnia Dia seconcentre sur les facteurs qui déterminentl’adoption des variétés de maïs améliorées auCameroun. Elle montre que le maïs est la céréalela plus cultivée dans le monde, après le blé et le riz,et qu’il joue un rôle fondamental dans la sécuritéalimentaire. Leur étude se penche sur les facteursqui sous-tendent l’adoption des variétés de maïsaméliorées, et tout particulièrement de la «Cameroon Maize Series (CMS) » 8704. Cettenouvelle variété a été introduite et diffusée dans lecadre du projet NCRE (National Cereals Research

and Extension) en vue d’accroître le rendement decette culture.

Ces auteurs ont recouru à un modèleéconométrique Probit et mené leur étude dans 100exploitations agricoles de la province du centre-Cameroun. D’après leurs estimations, les principauxpréalables à l’adoption de nouvelles variétés demaïs sont la zone géographique, le niveaud’instruction, l’appartenance à une organisationpaysanne et l’orientation marchande. En revanche,l’âge, la superficie de l’exploitation, le sexe et lerisque ne semblent pas avoir d’effet. On peut tirerde ces observations plusieurs enseignementsimportants. Premièrement, la hausse du tauxd’adoption dépendra des possibilités d’accès desagriculteurs aux instances décisionnaires. Celles-ci pourraient, par exemple, mettre en place desinfrastructures propices au développement descultures commerciales. Deuxièmement, si le mondeagricole parvient à mieux s’organiser (par exemple,à la faveur de mesures incitant à la créationd’associations paysannes), le taux d’adoption denouvelles variétés est aussi susceptibled’augmenter. La mise en place de services devulgarisation apportant une assistance techniqueaux agriculteurs pourrait avoir le même effet. SelonSabine M. Ntsama Estoundi et B. Kamgnia Dia, despolitiques qui cibleraient différemment les exploitantsagricoles selon qu’il s’agit d’hommes ou de femmesne sont pas forcément nécessaires pour promouvoirde meilleures pratiques agricoles.

Olajide A. Ajao examine les déterminants de laproductivité agricole en Afrique subsaharienne. Ilconstate que la productivité totale des facteurs (PTF)a augmenté dans tous les pays, sauf en Côted’Ivoire et en Sierra Leone, et que le progrès

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technologique est source de croissance plutôt qued’efficience.

Cette étude s’est également penchée sur l’influenceexercée par la qualité des terres, le paludisme,l’éducation et certains indicateurs, tels que la luttecontre la corruption et l’efficacité de l’administrationpublique, sur les gains de productivité. Elle conclutqu’à l’exception de l’efficacité de l’administrationpublique et de l’ouverture de l’économie, toutes lesvariables incluses dans le modèle ont un impactsignificatif sur la PTF. Par conséquent, si l’on parvientà lutter contre la corruption, la guerre et lepaludisme, on pourra atténuer leurs répercussionsdélétères sur la croissance.

Colin Kirk, Luciano Lavizzari et Detlev Puetzont présenté une contribution destinée à mettreen lumière le nouveau cadre des partenariatsstratégiques au profit de l’agriculture et dudéveloppement rural. Leur étude a pour thème «les nouvelles pratiques commerciales » ou « lanouvelle architecture des partenariatsstratégiques » pour la planification et l’élaborationde programmes axés sur l’agriculture et ledéveloppement rural.

Ces auteurs considèrent qu’il faut définir unenouvelle approche de la planification et del’élaboration de programmes soutenant l’agricultureet le développement rural en Afrique. Le cadreproposé imposerait aux agences internationales dedéveloppement d’exercer des fonctions nouvelles,plus ciblées et plus spécifiques, outre leurspécialisation et la mise à profit de leur avantagecomparatif, et de les compléter par des partenariatsstratégiques au niveau mondial, national et local.Ce cadre repose sur une meilleure harmonisation

des activités des agences avec celles de leurspartenaires à l’échelle nationale, compte tenu despriorités du pays et des systèmes locaux en place.D’après ces auteurs, les partenariats antérieursn’ont guère fait avancer le développement del’agriculture et d’autres secteurs. Cette situation estdue à de nombreux facteurs, qui laissent à penserque l’on pourrait l’améliorer en appliquant quelquesprincipes prudents :

i) Les partenariats doivent reposer sur desbases solides et réalistes, mettre en œuvrede bonnes pratiques et des principes sainset prendre en compte les leçons à retenir etles considérations théoriques.

ii) Pour que les partenariats aient uneorientation solide, ils doivent s’appuyer surun ensemble différent de structuresorganisationnelles, de modèleséconomiques et de processus, plutôt quesur une approche indépendante, danschaque agence de développement et entreles différentes agences.

iii) Il faut laisser aux partenariats le temps dese développer, avec une combinaisonadéquate de systèmes d’appui et derelations individualisées qui permettront decréer un climat de confiance.

Pour que les partenariats soient fructueux, le Fondsinternational de développement agricole (FIDA) etla BAD devront :

i) Améliorer et compléter ou remplacer lesactivités de projet par des activitéssectorielles bien ancrées au niveau régionalet local, de préférence en coopération et enpartenariat avec d’autres acteurs ;

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ii) Améliorer la mise en relation du secteurprivé, de la société civile, des associationsde producteurs et de la population avecl’État central et les autorités locales ;

iii) Assurer la coordination avec d’autresacteurs, afin de renforcer les capacitésnationales et régionales ; et

iv) Constituer des partenariats, des allianceset des réseaux stratégiques quicontribueront à de meilleurs résultats et qui,à long terme, pourraient se révéler moinscoûteux que des programmes individuels.

Un suivi et une évaluation à intervalles régulierspermettront de faire avancer les partenariats :

i) En examinant leur pertinence et en veillantaux bonnes pratiques ;

ii) En vérifiant que les résultats des partenariatssont ceux attendus au niveau des institutionset des pays ;

iii) En examinant l’efficience des partenariatsen termes de coûts de transaction et devaleur ajoutée ;

iv) En évaluant les nombreuses expériencesd’apprentissage par la pratique, quiprocurent à la population, aux autoritéslocales, aux associations paysannes et auxacteurs du secteur privé des opportunitéset des moyens de piloter eux-mêmes leurdéveloppement ; et

v) En analysant l’efficacité des stratégiesd’assistance conjointe aux pays.

Les discussions sur cette contribution ont montréque les différents accords et processus avaientpermis de définir le nouveau cadre de partenariatsstratégiques pour l’agriculture qui a été adopté par

la communauté internationale. Les difficultés ontrésidé dans la mise en œuvre.

Des propositions visant à améliorer la nouvellearchitecture des partenariats stratégiques ont étéprésentées :

Relation entre les programmes sectorielsglobaux et les documents de stratégie pour laréduction de la pauvreté : Les récentesévaluations des documents de stratégie pour laréduction de la pauvreté (DSRP) et des programmessectoriels globaux montrent qu’il faudra largementaméliorer ces cadres, ainsi que les interactions entreeux. Dans certains pays, ces interactions sontaujourd’hui solides et les programmes sectorielsglobaux s’inscrivent en droite ligne du DSRP. Dansd’autres, en revanche, il est difficile de trouver desinteractions tangibles. Ce problème est imputableen partie au DSRP lui-même. Un DSRP est censépermettre « l’intégration » (mainstreaming) de tousles secteurs, mais la signification du terme «intégration » est loin d’être comprise de la mêmefaçon par tout le monde. L’intégration des échangescommerciaux dans les DSRP pose des difficultésanalogues, notamment parce que les DSRP étaientinitialement axés sur les secteurs sociaux (santé etéducation) et non sur les secteurs productifs.Cependant, la situation est en train d’évoluer.

Divergence des points de vue des donateurs etdes acteurs nationaux à propos du rôle de l’Étatdans l’agriculture : Pendant le Consensus deWashington, on considérait que l’État devait peuintervenir dans l’agriculture. Ce n’est plus tout à faitle cas. Le Rapport sur le développement dans lemonde 2008, qui a pour thème l’agriculture,reconnaît qu’il n’existe pas de politique universelle

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et souligne la nécessité d’une différenciation du rôlede l’État en fonction du type d’agriculture.

La différenciation suppose celle des politiquespubliques. Ainsi, dans les économies agricoles,l’État doit prendre une part beaucoup plus activeet ne pas se contenter de procurer des biens publicset un cadre réglementant la fourniture des facteursde production et des services (semences, engrais…)jusqu’à ce que le marché privé soit opérant. Ladifférenciation doit encourager un consensus entreles donateurs, ainsi qu’entre les acteurs nationaux,ce qui améliorera nettement la qualité des DSRPet des programmes sectoriels globaux dansl’agriculture.

Affirmation du rôle essentiel des produits etdenrées alimentaires de base dans les échangescommerciaux, les stratégies agricoles et lesDSRP : Malgré des améliorations dans ladéfinition des priorités sectorielles, lesprogrammes nationaux tels que le DSRPn’accordent pas suffisamment d’importance auxproduits et denrées alimentaires de base. La plupartdes DSRP sont axés sur les exportations et sur lespolitiques privilégiant les produits importables ou leremplacement des importations. Or, on sait que lesproduits de base ont souvent bien plus d’impactque les exportations sur la croissance et la luttecontre la pauvreté. Il est par conséquent urgent dereconsidérer cette question.

Processus participatif et inclusif pour laformulation des stratégies nationales relativesau commerce/à l’agriculture et des DSRP :Nombre de commentateurs notent que lesrecommandations uniformes énoncées dans lesdocuments d’orientation (DSRP, DTIS/étudesdiagnostiques sur l’intégration des échanges, etc.)des différents pays (politiques axées surl’exportation et libéralisation des produitsimportables et des denrées alimentaires de basesuivant une approche unique) s’expliquent par unprocessus de formulation qui n’est actuellementni participatif ni inclusif. Or, dans un même pays,les points de vue divergent souvent sur cesquestions, particulièrement entre les acteurs nonétatiques (organisations syndicales, ONG,associations paysannes...). Cette situation estégalement en contradiction avec les positionsfermes prises par les autorités nationales dans lesnégociations commerciales au sein de l’OMC etdans les accords régionaux portant sur certainsaspects, tels que les produits spéciaux et lesmécanismes de sauvegarde spéciale. Il est doncimpératif que la formulation des politiquespubliques repose sur la participation et l’inclusion,qu’elle tienne compte de la diversité des pointsde vue et qu’une analyse et une argumentationsolides permettent d’étayer les politiques (ou aucontraire de les rejeter). Il importe aussi que lesdonateurs parviennent à un consensus sur unappui extérieur à l’agriculture.

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X. Changements climatiques

Même si la contribution de l’Afrique auxchangements climatiques est infime par

rapport à celle des pays développés, ce continentrisque d’être plus touché que les autres. Leschangements climatiques risquent en effet de pesersur le niveau de vie de la population, d’aggraver lapauvreté et d’affecter la production agricole.

Les changements climatiques, qui ont globalementtrait à l’évolution des schémas météorologiques etqui sont responsables du réchauffement de laplanète, prennent une dimension de plus en pluspolitique. La prise de conscience que l’activitéhumaine actuelle aura des conséquences délétèressur le climat génère un débat sur les politiquespubliques que les différents pays doivent adopter.La question est complexe car elle implique desexternalités internationales : les effets des actionsd’un pays ont des retombées dans d’autres pays.C’est pourquoi une coordination mondiale despolitiques publiques s’impose. En outre, leschangements climatiques posent des problèmesintergénérationnels. Les actions d’une générationont une incidence sur le bien-être des générationsfutures. Les contributions présentées lors de laconférence étaient généralement axées sur lesconséquences possibles des changementsclimatiques et les mesures qu’il convient de prendre.

La contribution de Sebastian Veit sur lesconséquences des changements climatiques enAfrique et le rôle de la BAD souligne que la variabilitéclimatique, et les risques qu’elle induit, exerce déjàun impact négatif sur les efforts de développementet de réduction de la pauvreté en Afrique. Lesperformances économiques globales des pays endéveloppement en souffrent particulièrement, enraison, d’une part, de la forte dépendance de ces

pays vis-à-vis des ressources naturelles, etnotamment de l’agriculture non irriguée et irriguéeet, d’autre part, de leur accès limité aux ressourceséconomiques et technologiques. Un climat incertainet imprévisible peut constituer un obstacle majeurà l’investissement et in fine à la croissanceéconomique, même durant les années où lesconditions météorologiques sont favorables.

En outre, les migrations internes et transfrontièresimputables aux pressions croissantes qui s’exercentsur les ressources naturelles peuvent créer destensions entre catégories de population et entrepays. L’étude indique, par ailleurs, que ce sont lesfemmes africaines qui sont les plus touchées, carelles constituent l’essentiel de la main-d’œuvre dansl’agriculture et les secteurs des ressourcesnaturelles.

Sebastian Veit décrit la trame de fond des initiativesde la BAD sur les changements climatiques : lorsdu sommet qui s’est tenu à Gleneagles en juillet2005, face aux preuves de plus en plus nombreusesqui attestent des causes et des effets deschangements climatiques, les chefs d’État et degouvernement des pays du G8 ont demandé à laBanque mondiale et à d’autres banques dedéveloppement multilatérales de rédiger despropositions spécifiques pour réaliser trois objectifsinterdépendants : (i) élargir l’accès à une offre fiable,en particulier pour les pauvres ; (ii) promouvoirl’investissement dans les énergies propres et ledéveloppement économique à faible consommationde carbone ; et (iii) aider les pays en développementà prendre des mesures concrètes pour s’adapteraux changements climatiques et renforcer leurscapacités à gérer une variabilité climatique croissanteet des événements météorologiques extrêmes.

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L’exposé présentait un cadre complet pour releverce triple défi en Afrique : élargissement de l’accès àl’énergie, développement d’énergies propres, gestiondu risque climatique et adaptation aux changementsclimatiques. Selon Sebastian Veit, la BAD est en trainde mettre au point une stratégie de gestion du risqueclimatique et d’adaptation sur la base de deux grandsprincipes de mise en œuvre :

i. L’intégration de la gestion du risqueclimatique dans les projets du Groupe de laBanque et dans la planification par pays etpar secteur, compte tenu du devoir dediligence.

ii. Le soutien des pays membres régionaux àla gestion du risque climatique.

Pour mettre en place le Cadre d’investissementdans l’énergie propre et les stratégies de gestiondu risque climatique, la Banque s’appuiera sur sesressources habituelles que sont les prêts à desconditions de faveur et les prêts au taux du marché.Des moyens supplémentaires sont disponiblesauprès du Fonds africain de développement (FAD),dont les ressources ont été reconstituées endécembre 2008 pour un cycle de trois ans, jusqu’en2012. Par ailleurs, la Banque envisage d’établir unefacilité couvrant à la fois les stratégies d’atténuationet d’adaptation aux changements climatiques : leFonds pour l’énergie propre et l’adaptation auxchangements climatiques en Afrique (CECAFA).

L’Afrique ne contribue qu’à hauteur de 4% auxémissions de gaz à effet de serre, mais elle pourraitêtre la région la plus vulnérable aux changementsclimatiques. Les options actuelles pour la productiond’énergie sont plus coûteuses. Ainsi, si elle optepour des énergies plus propres, l’Afrique risquerait

de perdre toute compétitivité sur le marché mondial.Ce continent doit procéder à des arbitrages difficilesentre son industrialisation et les problèmesenvironnementaux que soulève la productiond’énergie. Les échanges de droits d’émission neconstituent pas une approche vraiment fructueusecar les cadres de compensation ne semblent pasprésenter des avantages évidents aux yeux desacteurs mondiaux, qui ne sont donc aucunementmotivés à y participer.

L’un des principaux problèmes tient au fait que lesmilieux politiques et les décideurs africainss’intéressent peu aux changements climatiques.Le débat sur ce sujet semble largement mené parles donateurs, notamment parce que l’étude deschangements climatiques demeure un domainespécialisé. Par conséquent, il est nécessaire queles économistes s’attachent à quantifier les effetsdes changements climatiques et présentent cetteinformation de manière compréhensible pour legrand public.

En détruisant ses forêts, l’Afrique contribuedirectement aux changements climatiques. Dansune étude consacrée à la gestion forestière et auxchangements climatiques dans cette région, DanielGbetnkom avance qu’étant donné que ladéforestation constitue un problème localisé, dontchaque facteur identifié a un effet et une ampleurdifférents d’un pays ou d’une région à l’autre, il estabsolument nécessaire de déterminer de façonempirique dans quelle mesure ces facteurs influentsur la disparition progressive des forêts. Une telleapproche aiderait à formuler des politiqueséconomiques et environnementales aptes àatténuer, si ce n’est à enrayer, les conséquencesd’une conversion non tenable des forêts.

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L’analyse de Daniel Gbetnkom montre que le prixde production du cacao, du café, du bois d’œuvreet des cultures vivrières pèse, à des degrés divers,dans la décision de couper davantage de bois pourl’exportation et de transformer les forêts en terresagricoles. La valeur ajoutée agricole par hectare aune incidence positive sur la couverture forestière.L’indice des prix des engrais, les prêts accordésaux agriculteurs et le PIB par habitant n’ont aucuneffet sur la déforestation. L’étude indique par ailleursque le boum pétrolier, les politiques d’ajustementstructurel et la dévaluation du franc CFA ontfortement accéléré la déforestation au Cameroun.

Selon cette étude, dans ce pays, les changementsclimatiques, qui sont révélés par les variations detempérature, sont négativement corrélés à ladéforestation. Cette étude comporte unenseignement important : les mesures prises endehors du secteur forestier formel constituent un panessentiel du problème de la déforestation en Afrique,et par conséquent, un pan essentiel de la solution.

Jane Kabubo-Mariara s’est intéressée auxconséquences économiques du réchauffementclimatique sur l’élevage du bétail au Kenya. L’objectifpremier de sa contribution était d’estimer lesconséquences marginales des changementsclimatiques sur le revenu de l’élevage. Elle s’estappuyée sur les résultats du modèle ricardien pourprévoir l’impact de divers scénarios de changementsclimatiques uniformes et de modèles de circulationgénérale de l’atmosphère (MCGA).

L’analyse fait apparaître que, au Kenya, la productionde bétail est très sensible aux changementsclimatiques et qu’il existe une relation non linéaireentre ces derniers et le revenu net de l’élevage. Les

conséquences marginales estimées deschangements climatiques sur la valeur nette desstocks indiquent que l’impact global de l’élévationdes températures se traduirait par une augmentationtrès modeste de la productivité du bétail. Lesprévisions des scénarios uniformes font apparaîtrequ’une hausse des températures et desprécipitations induit un recul de la valeur du bétail.Selon cette analyse, à long terme, les éleveurskenyans risquent de subir de lourdes pertes du faitdu réchauffement de la planète.

Le débat sur la question du réchauffement climatiquese concentre sur les stratégies d’atténuation etd’adaptation. Concernant l’atténuation, les pointssuivants méritent d’être soulignés :

• Les changements climatiques constituentun problème mondial qui appelle desstratégies mondiales et nationales. Au niveaumondial, on convient qu’une action urgenteest nécessaire pour que, dans la mesure dupossible, la hausse des températures soitinférieure à 2°C. Les pays industrialisés,historiquement responsables des émissionsnocives pour le climat et ayant la capacitéd’agir, doivent montrer l’exemple enréduisant leurs émissions en premier et leplus rapidement possible.

• On ne peut peut-être pas influer sur la teneuren dioxyde de carbone dans l’atmosphèreet sur le trou dans la couche d’ozone. Enrevanche, on peut tout à fait stopper et/ouréduire au minimum la production à venir dedioxyde de carbone en excès, ainsi quel’utilisation de chlorofluorocarbures (CFC),responsables de la destruction de l’ozone.Voici comment y parvenir :

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i) mettre un terme à l’augmentation prévue de30% des gaz à effet de serre due à ladéforestation et à l’utilisation decombustibles, ou enrayer cette tendance.On pourrait par exemple recourir davantageà l’énergie géothermique et solaire, présenteen abondance en Afrique, au lieu d’abattredes arbres et de brûler le bois ;

ii) lancer de vastes programmes dereboisement et d’agrosylviculture. Cesderniers pourraient être encouragés afin depermettre une reconstitution suffisante de lavégétation pour qu’elle absorbe l’excès dedioxyde de carbone. Les arbres qui serontplantés peuvent a priori absorber le gazcarbonique atmosphérique et le transformeren tissus ligneux, comme l’a exposéGreenpeace, une organisation internationalede protection de l’environnement, au Marocen 2001.

• Un certain nombre de conventions ont déjàété adoptées afin de lutter contrel’amenuisement de la couche d’ozone :

i) La Convention de Vienne pour la protectionde la couche d’ozone, en 1985.Le Protocole de Kyoto pour limiter lesémissions des CFC, en 1992.

iii) Le Groupe d’experts intergouvernementalsur l’évolution du climat (GIEC).

En réponse aux menaces dues aux changementsclimatiques au Kenya, l’Institut kenyan de rechercheforestière (Kenya Forestry Research Institute –KEFRI) a entrepris diverses activités, notamment :(i) le reboisement pour le rétablissement descaptages d’eau et des zones sèches, (ii) un

programme d’agroforesterie pour la remise en étatdes terres agricoles, et (iii) la conservation des forêtsnaturelles indigènes (par exemple, conservation etpréservation de la biodiversité dans les forêts deNandi, Tinderet, Chepalungu et Mau).

Au Kenya, les terres sèches et les terres humidesétaient traditionnellement distinctes. Pendant lasaison sèche, le bétail paissait à proximité de pointsd’eau permanents et était déplacé vers des pâturesfraîches créées par les précipitations durant lasaison des pluies. Avec l’introduction d’unprogramme de développement pastoral destiné àcapter les eaux souterraines dans certaines zones,comme par exemple le district de Wajir, dans lenord-est du Kenya, toutes les zones sont devenuespâturables toute l’année grâce à la présencepermanente d’eau. On a abouti à un surpâturagegénéralisé, qui est néfaste pour l’environnement.

D’après les études, les déplacements contribuentà la remise en état de l’environnement, car ilspermettent aux prairies de repousser. Cependant,ces adaptations traditionnelles n’ont pas été prisesen compte lorsque l’on a conçu des mesures visantà remédier aux changements climatiques et à lesatténuer. On observe toutefois aujourd’hui dessuggestions faites dans ce sens. La réponseadaptive aux changements climatiques sera trèscertainement localisée, et doit par conséquent êtreintégrée aux politiques et pratiques dudéveloppement au niveau local, sectoriel et national.

Au niveau local, il faut, par exemple, mener desrecherches sur des espèces de substitutioncapables de mieux résister aux conséquences deschangements climatiques. Au niveau sectoriel, ilfaudra intégrer les changements climatiques à la

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conception et à l’entretien de l’infrastructure, afinqu’elle résiste à des événements climatiquesextrêmes, comme les crues soudaines. Au niveaunational, il conviendra d’intégrer les processusnationaux de planification et de budgétisation. Auniveau international, l’adaptation pourrait êtreintégrée à des accords internationaux, comme lesObjectifs du millénaire pour le développement, etaux pratiques de prêt des organismes d’aidemultilatéraux et bilatéraux.

Trois fonds ont été créés aux termes de laConvention-cadre des Nations Unies sur leschangements climatiques (CCNUCC) et du Protocolede Kyoto afin de gérer les questions d’adaptation :le Fonds pour les pays les moins avancés, le Fondsspécial pour les changements climatiques (quidépendent tous deux du CCNUCC) et le Fondsd’adaptation du Protocole de Kyoto. Le Fonds pourl’environnement mondial (FEM) doit égalementétudier la question de l’adaptation du financement,même s’il devrait pouvoir être possible d’employerdes fonds nouveaux plutôt que les fonds du FEM.

Joseph Atta-Mensah s’intéresse aux principauxproblèmes et opportunités induits par leschangements climatiques, ainsi qu’au rôle quepourraient jouer les obligations catastrophe

(weather-indexed bonds) pour atténuer les risquesfinanciers associés aux changements climatiques,en particulier dans l’agriculture. Ces obligationspermettent aux entreprises et aux pays, ou auxgroupements régionaux, de mettre à profit desinnovations financières pour se protéger contre lesaléas météorologiques. Si elles sont bienstructurées, elles peuvent s’intégrer aux titres decréances du marché car elles associent le risquecommercial et le risque financier que l’on rencontredans la production agricole comme dans les autressecteurs de l’économie touchés par leschangements climatiques.

Par l’émission d’« obligations climat », les marchésfinanciers s’intègrent aux solutions permettantd’atténuer les changements climatiques et d’y faireface. À l’aide de techniques de fixation des prix desoptions, Joseph Atta-Mensah avance que cesobligations équivalent à des obligations classiques.

La détermination du prix de ces obligations posenéanmoins problème, en raison de la faiblesse ducadre institutionnel de nombre de pays africains,marqué par une forte corruption et par l’absencede marchés secondaires. Ces conditions risquentde rendre la détermination du prix des obligationsdifficile et d’éroder la confiance de leurs détenteurs.

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XI. Capital humain

Cette section s’intéresse aux aspects dudéveloppement économique qui dépendent

du capital humain. Ce dernier constitueprobablement le facteur le plus important duprocessus de croissance. Les débats de laConférence se sont essentiellement concentrés surdeux dimensions du capital humain : l’éducation etla santé. Même si rares ont été les contributions àtraiter de ces sujets directement, l’importance ducapital humain est apparue dans nombred’exposés. La nécessité d’accroître et d’utiliser lecapital humain constitue l’une des propositionstransversales. Comme nous l’avons déjà mentionnédans ce rapport, le capital humain a une incidencesur l’efficacité de l’aide.

L’importance et la priorité accordées à l’éducationont été mises en exergue par Albert-Enéas Gakusi.Sa contribution s’intéresse aux défis éducatifs del’Afrique et aux réponses qu’y apporte la BAD. Elles’appuie sur une analyse approfondie desproblèmes éducatifs de l’Afrique et du rôle de laBAD. Albert-Enéas Gakusi a observé que,conformément à son mandat, qui est de contribuerau progrès économique et social des pays africains,la BAD a commencé à financer le secteur del’éducation en 1975. La Banque a adopté sapremière politique éducative en 1986, et l’a réviséeen 1999. En mars 2008, elle a adopté une Stratégiepour l’enseignement supérieur, la science et latechnologie.

Albert-Enéas Gakusi passe en revue les raisonsd’investir dans l’éducation et celles pour lesquellescet investissement est important. Son exposéprésente les différents défis que l’Afrique doit releverdans le domaine de l’éducation, une analyse de lapertinence des mesures éducatives adoptées au

niveau du continent et l’évaluation du degré depertinence et d’efficacité de la stratégie de laBanque pour résoudre les problèmes éducatifs del’Afrique. L’auteur fait observer que l’éducationcomporte des externalités sociales positives pourles défis économiques, sociaux et politiques àrelever.

Le niveau de vie est essentiellement déterminé parla façon dont un pays parvient à développer et àmettre à profit les compétences, le savoir, la santéet les habitudes de sa population. Les donnéesempiriques montrent que le capital humain etl’efficacité des institutions économiquesconditionnent les performances économiques. Lespays dont les habitants sont instruits ontgénéralement une population en bonne santé, quivit plus longtemps et a des enfants en bonne santé.Pour être efficace, l’éducation doit interagir avecd’autres secteurs de l’économie.

Albert-Enéas Gakusi affirme que les principaux défisque doit relever l’Afrique dans le domaine del’éducation sont l’accès, l’équité, la pertinence etle financement, auxquels vient s’ajouter l’efficiencedes services éducatifs. Le problème de l’accès estcritique à tous les niveaux d’enseignement. Il setraduit par de faibles taux bruts de scolarisationdans le primaire, le secondaire et le supérieur. Letaux de scolarisation des filles est nettement inférieurà celui des garçons, à tous les niveaux. Dans denombreuses communautés pauvres, les fillessouffrent toujours de discriminations.

Nombre de systèmes éducatifs africains mettentl’accent sur l’expansion de l’enseignement sansprêter suffisamment attention à sa pertinence. Ceproblème se pose plus particulièrement dans le

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deuxième cycle du secondaire, et dansl’enseignement professionnel, où il est encore plusimportant que les programmes correspondent auxbesoins du marché du travail. Ainsi, la plupart desécoles d’Afrique subsaharienne ne produisent pasdes diplômés disposant des connaissances etcompétences recherchées.

Albert-Enéas Gakusi a également analysé lefinancement de l’éducation. Pour lui, si nombre depays africains ne parviennent pas à financercorrectement l’éducation, c’est parce qu’ils ont desdifficultés à lever des impôts pour financer desbesoins d’investissements économiques et sociauxqui ne cessent de croître. Si les dépenses publiquesd’éducation peuvent sembler substantielles enpourcentage du PIB, les dépenses par habitant sonttrès faibles en valeur absolue.

Cette contribution s’intéresse à un autre grandproblème, celui du cadre institutionnel del’enseignement. Les systèmes éducatifs africainssont, dans l’ensemble, centralisés et caractériséspar des déficiences au niveau de la gestion, de laplanification, de l’évaluation et des structuresd’incitation. La plupart des pays ne disposent pasde systèmes d’information fiables qui faciliteraientla planification, le suivi, l’évaluation, la formulationde politiques et l’allocation de ressources. La fortecentralisation de l’enseignement dans la plupartdes pays africains empêche la participation locale,alors que cette dernière pourrait résoudre certainsproblèmes de mobilisation de ressources, degestion, de responsabilité et de pérennité dusystème éducatif.

Par ailleurs, cette contribution souligne le manquede clarté dans le contenu de l’enseignement de

base et de l’alphabétisation dans de nombreux paysafricains. Les termes d’enseignement de base etd’enseignement primaire sont utilisés de manièreinterchangeable, et l’alphabétisation est souventconfondue avec la formation des adultes.Fondamentalement, l’enseignement de base,contrairement à l’enseignement primaire, ne se limitepas aux enfants. L’alphabétisation englobel’enseignement dispensé aux enfants et aux jeunes.Les enfants comme les adultes ont besoin d’unenseignement de base ou général pour pouvoirparticiper pleinement à la vie de la communauté.

L’autre défi relève de la planification del’enseignement. En raison de l’absence deplanification stratégique de la part des ministèresen charge de l’éducation, les partenaires audéveloppement ont du mal à déterminer les besoinsidentifiés par les pays africains. Ces derniers sontlents, voire réticents, à exprimer clairement leuropinion sur les mesures et approches proposéespar les partenaires au développement.

Le rôle de la diaspora constitue un aspect importantde la mondialisation et du développement enAfrique. D’un côté, la migration d’Africains vers lespays développés est traditionnellement considéréecomme néfaste au développement économique,en raison de la perte de capital humain de valeur(fuite des cerveaux). D’un autre côté, la diasporacontribue au développement via les envois de fondsdes migrants vers leur pays d’origine. Comme nousl’avons déjà observé, les envois de fonds sontdevenus une source de plus en plus importante definancement du développement. Dans la littératuretraditionnelle, ces deux facteurs (fuite des cerveauxet envois de fonds) impliquent des arbitrages dontles effets nets restent indéterminés.

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William Easterly et Yaw Nyarko étudient les coûtset les effets bénéfiques de la fuite des cerveauxsous l’angle théorique et empirique. Cettecontribution se donne pour objectifs :

i. de replacer dans le contexte l’ampleur dela fuite des cerveaux en Afrique.

ii. de délimiter les conséquences de la fuitedes cerveaux en fonction d’hypothèsessimples.

iii. de présenter un cadre théorique généralpermettant d’évaluer les effets de la fuitedes cerveaux sur les individus concernés.

iv. de réaliser des exercices à titre d’illustrationen calibrant les paramètres du modèle.

v. de vérifier empiriquement les prévisionsrelatives aux conséquences de la fuite descerveaux sur l’accumulation decompétences et la croissance économique.

Contrairement au postulat mercantiliste de la théoriedu développement qui veut que l’objectif principalsoit la maximisation du développement des États-nations, William Easterly et Yaw Nyarko s’intéressentau bien-être (et aux droits) des individus. Selon cesauteurs, les effets positifs et les coûts nets de lafuite des cerveaux doivent par conséquent êtreconsidérés du point de vue des individus, y comprisde ceux qui migrent. William Easterly et Yaw Nyarkone constatent aucun effet négatif de la fuite descerveaux sur le stock de compétences restant dansle pays d’origine. Ils en concluent que les incitationsà l’acquisition de compétences contrebalancentexactement la perte de compétences. Ils nedécèlent pas non plus de conséquence négativesur la croissance. En réalité, ces auteurs trouventde nombreuses raisons de penser que la fuite descerveaux a des effets positifs pour les individus,

qu’il s’agisse des migrants ou de leur famille dansle pays d’origine. Cette contribution indique doncque la fuite des cerveaux est bénéfique pourl’Afrique, un résultat controversé qui appelle unapprofondissement de l’analyse empirique.

La relation entre mortalité infantile et féconditéconstitue un aspect important du développementdu capital humain. C’est le thème qu’ont choisiDavid Bloom, David Canning, Isabel Guentheret Sebastian Linnemayr. Leur contributions’intéresse à la relation causale entre la mortalitéinfantile (comme indicateur de la santé) et lafécondité. Elle s’appuie sur des données émanantde 165 enquêtes démographiques et sanitaires(EDS) menées dans 65 pays à bas revenu. Selonles auteurs, l’impact de la mortalité sur la féconditédoit être mesuré au niveau régional ou national, carc’est là que l’effet d’assurance du remplacementd’un enfant peut être pris en compte.

Cette étude analyse la relation causale entre la surviedes enfants et la décision de procréer. Elle estimepour ce faire l’effet de remplacement de la mortalitéinfantile sur la décision de procréer, à différentsniveaux d’agrégation. La question de savoir si lecomportement procréateur est déterminé par lasociété ou par l’individu constitue un important filconducteur de la littérature portant sur la théoriede la transition démographique. Ce sujet estparticulièrement important pour l’Afrique, carnombre de pays de ce continent se sont enlisésdans une crise de type malthusien, avec unemortalité élevée et une fécondité élevée, et unecroissance démographique rapide quis’accompagne d’une pauvreté extrême etchronique. Les auteurs recourent à une méthodefondée sur la variable instrumentale pour isoler le

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lien de causalité entre mortalité infantile et décisionde procréer, afin de surmonter l’endogénéitépotentielle entre fécondité et mortalité.

Les résultats indiquent qu’en tenant compte del’endogénéité potentielle entre fécondité et mortalitéinfantile, on ne peut exclure qu’une diminution dela mortalité infantile entraîne un recul de la fécondité.Les constats de l’étude sous-entendent que le tauxde fécondité élevé s’explique en partie par un tauxde mortalité infantile élevé, et qu’une solutionenvisageable pour accélérer la transition

démographique d’un pays de manière à ce qu’ilatteigne son « bonus démographique » (recul desratios de dépendance, augmentation de laproportion de la population en âge de travailler etaccroissement du revenu par habitant) consiste àinvestir davantage dans des mesures qui améliorentla survie des enfants. Cependant, les donnéesémanant de l’Afrique subsaharienne indiquent quela forte fécondité est principalement imputable ausouhait d’avoir un grand nombre d’enfants, de façonque, dans certains pays de la région, la féconditévoulue est supérieure à la fécondité effective.

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XII. Marché du travail, pauvreté et genre

Cette section s’intéresse à trois sujetsétroitement liés : le marché du travail, la

pauvreté et le genre. Il est important pour laproduction et pour l’amélioration du niveau de viede sa population qu’un pays dispose d’un marchédu travail qui fonctionne. Deux contributions ontété présentées sur différents aspects des marchésdu travail en Afrique, l’une s’intéressant à un seulpays et l’autre à un groupe de pays.

Marco Stampini analyse l’ampleur de la segmentationdes marchés du travail en Afrique du Sud au moyend’un vaste ensemble de données longitudinales. Ildétermine si le marché du travail est segmenté ounon, et si certains individus en sont exclus. Il évalueles profils de mobilité en termes d’intensité de transitionpour les individus âgés de 15 à 64 ans, selon le typed’activité qu’ils exercent (par exemple, des sans-emplois à ceux qui possèdent des compétencesformelles, de ceux qui possèdent des compétencesinformelles aux travailleurs indépendants, etc.), à partirdes données d’enquêtes longitudinales sur la main-d’œuvre, qui contiennent environ 200 000observations. Pour chaque profil, il calcule l’écart derémunération. Voici ses principaux constats :

1. La mobilité n’est pas le fruit du hasard : elleconcerne généralement les travailleursindépendants, les travailleurs salariés et ceuxqui se trouvent entre le travail indépendantet l’inactivité.

2. L’emploi salarié formel est associé auxrevenus les plus élevés.

3. Les Noirs et les femmes sont moinssusceptibles d’occuper un emploi formel.

Tout en reconnaissant l’importance de lasegmentation du marché du travail et de ses

conséquences, il est nécessaire de replacerl’analyse dans le contexte historique général, entenant compte du fait que les effets de l’apartheidn’ont pas disparu. Une femme noire a 10% demoins de probabilité de travailler dans le secteurformel, un chiffre inférieur aux prévisions. Pourdéterminer s’il y a eu une amélioration, il seraitintéressant de comparer la situation actuelle à cellequi prévalait il y a cinq ans. En outre, le contextemacroéconomique peut également avoir del’importance. La période de forte croissance dontle pays a bénéficié est susceptible d’avoirconsidérablement réduit les inégalités. Il seraitintéressant d’effectuer la même étude dans lecontexte d’une récession potentielle (ou effective).Enfin, la variabilité observée entre activités agricoleset activités informelles peut être imputable aucaractère saisonnier des activités répertoriées. Lapériode de six mois qui sépare deux observationsplaiderait d’ailleurs en faveur de cette hypothèse.Dans les zones rurales, les individus travaillent dansl’agriculture pendant la saison des cultures et dansle secteur informel pendant le reste de l’année. Parailleurs, il faut discuter des mesures spécifiques,comme la discrimination positive et d’autrespropositions concrètes, pour traiter des problèmesidentifiés qui se posent sur le marché du travail.

Paul Winters et al. étudient le rôle de l’emploirémunéré en zone rurale et sa capacité à améliorerle bien-être des populations rurales dans trois paysd’Afrique : le Ghana, le Malawi et le Nigeria. Elleexplique aussi ce qui différencie ces pays de ceuxsitués dans d’autres régions en développement.L’analyse s’appuie sur des données émanant de14 pays en développement et répertoriés dans labase de données RIGA (activités ruralesgénératrices de revenus).

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L’emploi rémunéré constitue une composanteimportante des stratégies employées par lesménages ruraux pour maintenir et améliorer leurbien-être. Cependant, le taux de participation aumarché du travail rural varie considérablement d’unpays en développement à l’autre. De plus, lestravailleurs ruraux occupent plus souvent un emploioccasionnel ou saisonnier qu’un emploi permanent.C’est particulièrement le cas dans les trois paysafricains étudiés par Paul Winters et al. Dans cestrois pays, les ménages sont plus spécialisés dansles activités agricoles et les marchés du travail rurauxsont moins développés, et la dynamique sous-jacente dans chaque pays est en outreremarquablement similaire.

Tandis que les pauvres et les travailleurs non qualifiéssont majoritaires dans les activités agricolesoccasionnelles et saisonnières, un nombresignificatif d’individus aux revenus plus élevés sontemployés dans l’agriculture. De même, un nombrenon négligeable de travailleurs non agricoles sontpauvres. On peut en conclure que l’emploi salariéagricole n’est pas uniquement réservé aux pauvres,de même que l’emploi salarié non agricole n’estpas uniquement réservé aux riches.

Qu’un ménage ait ou non des activités diversifiéesou spécialisées, les activités agricoles et nonagricoles semblent jouer un rôle analogue. Lesménages spécialisés dans l’emploi salariéchoisissent cette voie car elle leur donne accès àun travail caractérisé par un niveau de productivitétrès élevé. Le secteur de l’emploi et la stratégieglobale des ménages semblent moins déterminerle fait qu’un ménage se sert ou non de l’emploisalarié pour sortir de la pauvreté. Les actifs sous-jacents du ménage et de ses différents membres

semblent plus déterminants. L’éducation constituel’actif le plus important, qui conditionne à la fois laparticipation au marché du travail et le salaire querapportent les activités marchandes. Ce sont lesinvestissements consacrés à l’éducation dans leszones rurales qui sont les mieux à même depermettre aux ménages de faire des choix, dansquelque secteur que ce soit.

Selon cette étude, l’infrastructure et la proximitéavec les centres urbains donnent aux marchés dutravail davantage d’opportunités pour contribuer àla lutte contre la pauvreté. Il existe également desécarts de participation et de revenu entre hommeset femmes. Les femmes sont moins susceptiblesde participer au marché du travail. La contributionmet en lumière une cohérence remarquable entreles résultats de l’Afrique et ceux de 11 pays endéveloppement. En particulier, la sortie de lapauvreté dépend des actifs clés comme l’éducationet l’infrastructure.

En 1978, Ravi Kanbur a publié un article trèscomplet qui présentait un panorama de la littératuresur la pauvreté et la distribution du revenu. Dansune session plénière, Ravi Kanbur a présenté unecontribution sur ce sujet, mais axée sur lesévolutions qui s’étaient produites depuis lapublication originale vingt ans auparavant. RaviKanbur adopte le stratagème de Rip Van Winkle,qui consiste à demander quelles différencesobserverait, concernant la pauvreté et la distributiondu revenu, quelqu’un qui se serait endormi en 1987et ne se serait réveillé qu’en 2007, au moment dela rédaction de la présente contribution.

En un sens, Ravi Kanbur observe une formidablecontinuité. Le discours sur les seuils de pauvreté,

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la mesure de la pauvreté, la relation entre inégalitéset croissance, l’équilibre budgétaire, le coût del’inflation, les grands travaux publics, les subventionsà l’alimentation et à l’énergie, etc., semblerait trèsfamilier à un visiteur d’il y a deux décennies. D’autrepart, il observe plusieurs évolutions, qu’il classeselon trois grandes rubriques :

i) Éléments factuels et éléments empiriques,ii) Concepts et théories,iii) Politiques publiques et interventions.

Concernant les éléments factuels et empiriques,Ravi Kanbur note une augmentation considérabledes informations émanant des enquêtes auprès desménages dans les pays en développement, enparticulier pour l’Afrique, ce qui a permis des étudesapprofondies sur la pauvreté. Il existe aujourd’huiune plus grande somme de connaissances sur lapauvreté dans les pays en développement qu’il y avingt ans. Pendant cette période, avance RaviKanbur, on a observé une forte progression desinégalités dans la plupart des pays. Enfin, il note queles études sont davantage dominées par desrégressions macroéconomiques transversales et deplus en plus par des évaluations microéconomiquesaléatoires, et moins par des modèles d’équilibregénéral informatisés et des évaluations des projets.

S’agissant des concepts et des théories, ons’intéresse davantage à la dynamique de la pauvretéet au risque de pauvreté, au rôle du genre et auxinégalités au sein des ménages. Les études sur lapauvreté et la distribution du revenu ont gagné enmultidisciplinarité.

Enfin, concernant les politiques publiques et lesinterventions, Ravi Kanbur souligne les quatre points

qui ont été mis en exergue : (i) une utilisation accruedes transferts monétaires conditionnels, (ii) le rôlede la gouvernance et des institutions, (iii) le rôle descrises macroéconomiques et (iv) l’analyse des bienspublics mondiaux.

Autre aspect de la pauvreté : les effets de lamondialisation sur l’égalité entre hommes etfemmes. Dans sa contribution, Margaret C.Mashinkila explique que l’amélioration de l’équilibreentre les sexes et du statut social des femmesconstitue un impératif économique, étant donné lepotentiel économique du travail des femmes et del’entreprenariat féminin. En conséquence, MargaretC. Mashinkila avance que la levée des obstaclesjuridiques, culturels et structurels à la participationdes femmes à l’activité économique et à la prisede décisions politiques doit constituer un élémentcentral de la politique du développement et de labonne gouvernance. Elle fait par ailleurs observerque l’on admet de plus en plus que les pays doiventconserver une marge de manœuvre politiquesuffisante pour poursuivre des stratégies spécifiquesafin d’accélérer leur croissance, d’encourager undéveloppement socialement inclusif et d’améliorerla concurrence, en tenant compte de la situationéconomique mondiale.

Cette contribution souligne combien il importe dedéployer des efforts encore plus concertés etd’analyser la relation entre genre et mondialisationen Afrique. Elle préconise les actions suivantes :

i) Intégrer systématiquement une analyse etune perspective axée sur les genres dansles politiques commerciales des États etdans les programmes de renforcement descapacités commerciales des institutions

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financières internationales, des donateursbilatéraux et des organisationsintergouvernementales.

ii) S’appuyer sur les mécanismes existantspour le suivi des conséquences despolitiques publiques et des accords demondialisation sur les questions de genre,et demander aux pouvoirs publics de rendrecompte de leurs promesses concernantl’égalité entre hommes et femmes etl’autonomisation des femmes.

iii) Encourager la participation des femmes etdes spécialistes des questions de genre auxforums sur la mondialisation, et en particulieraux processus de décision et de négociationdes politiques commerciales, à tous lesniveaux. Des mécanismes regroupant demultiples parties prenantes doivent êtreinstaurés afin de réorienter l’agendacommercial de manière qu’il soutienne uncadre de développement favorable auxpauvres et tenant compte de laproblématique hommes-femmes.

iv) Il faut également s’appuyer sur la dynamiquecréée par la mobilisation mondiale contre lapauvreté.

v) Des stratégies à facettes multiples et àniveaux multiples, ainsi que des alliancesstratégiques entre défenseurs de l’égalitédes sexes et principales parties prenantes,doivent être élaborées afin de traiter lesnombreuses dimensions des questionsrelatives au genre et aux échanges au niveaumacro, méso et micro dans les différentssecteurs.

Il est indispensable de tenir compte des différentesconséquences des migrations pour les femmes.

Ces dernières sont moins libres de migrer pourtravailler, elles risquent d’être exploitées et pousséesvers l’industrie du sexe. Il arrive aussi qu’elles seretrouvent seules à la maison à s’occuper de leurfamille alors que leur époux migre (ou même qu’ellessoient abandonnées lorsque leur mari trouve unenouvelle compagne). Si leur mère émigre, les petitesfilles risquent aussi de devoir rester pour s’occuperde leurs frères et sœurs plus jeunes. Il fautpromulguer une loi sur l’égalité des chances. Lesinégalités de salaires entre hommes et femmestiennent au fait que davantage d’hommes occupentdes postes de direction et que les métiers àdominance masculine sont généralement mieuxrémunérés que ceux exercés par des femmes. Ilest donc nécessaire d’adopter une législation enfaveur de l’égalité de salaire, de manière à ce queles employeurs rémunèrent autant les femmes queles hommes lorsque ceux-ci occupent des emploisidentiques ou fortement comparables.

La contribution de Fredu Nega et al. sur ladynamique de la pauvreté rurale et l’impact desprogrammes de lutte contre la pauvreté en Éthiopieévalue le niveau de la pauvreté chronique ettransitoire, ainsi que l’importance des programmesNourriture contre travail (NCT) et des Programmesde sécurité alimentaire (PSA) pour les ménagessouffrant de pauvreté chronique ou transitoire. Cetteétude constate que la pauvreté dans la région duTigray est essentiellement chronique. Les résultatsindiquent que le programme de sécurité alimentaireréduit fortement la pauvreté totale et la pauvretéchronique. Cependant, ils montrent aussi que laparticipation au programme NCT n’exerce pasd’effet puissant et significatif sur la pauvretéchronique et transitoire. Cela peut s’expliquer parle fait que ce sont les ménages des déciles supérieur

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et intermédiaire qui profitent le plus de ceprogramme.

L’analyse de la dynamique de la pauvreté aide àcomprendre l’impact de tous les typesd’interventions, comme par exemple les programmesNCT et PSA dans le nord de l’Éthiopie, qui seront

évoqués dans cette contribution. Et, sous leursdifférentes formes, les programmes de protectionsociale évoluent également pour passer de laprévention et de l’atténuation des conséquencesdes chocs économiques et non-économiques àl’encouragement de la croissance, de la cohésionsociale, des droits de l’homme et de l’équité.

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XIII. Institutions

Le rôle des institutions dans la promotion dudéveloppement économique constitue l’un des

sujets de vaste portée étudiés lors de la Conférence.Beaucoup de présentations, à savoir celles sur ledéveloppement financier, les flux de capitaux,l’efficacité de l’aide ou le climat d’investissement,entre autres, ont abordé cet aspect. Dans cettesection, le rapport n’évoque que les contributions quitraitent directement des institutions de la gouvernanceet de leur influence sur le climat d’investissement.

Les institutions et la qualité de la gouvernance

Dans une allocution d’ouverture, Mustapha Nablia souligné les obstacles aux changementsinstitutionnels et au développement du secteur privédans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique duNord (MENA). Pour Mustapha Nabli, il est impératifd’améliorer la gouvernance si l’on veut faire avancerdes réformes plus difficiles. Cependant, desréformes économiques plus profondes ne peuventpas faire l’impasse sur la reconfiguration de lastructure des incitations dans laquelle elless’inscrivent. De plus, il faut considérer les réformesde la gouvernance comme un objectif à part entière,qui doit progresser à son propre rythme. Il convientde s’attacher avant tout aux institutions garantesde la responsabilité publique et à celles qui sontchargées de renforcer la crédibilité desengagements.

Sanjeev K. Sobhee a présenté une contributionqui cherche à déterminer si la qualité institutionnelleinflue sur la croissance de l’État en Afrique sub-saharienne. Plus précisément, Sanjeev Sobhee sedemande dans quelle mesure la qualité desinstitutions peut exercer un effet sur la disciplinebudgétaire, laquelle influe sur la taille de l’État. Étant

donné les nombreuses dimensions qui définissentla qualité institutionnelle, il s’efforce d’identifier lesaspects institutionnels qui sont les mieux à mêmede favoriser la discipline budgétaire. Cette étudepart du principe que la qualité des institutions influesur les dépenses publiques, dans la mesure oùl’État, en quête de rente, a pour objectif demaximiser les avantages tirés des dépensespubliques pour les « initiés ». Il s’appuie sur lalittérature sur les choix publics et sur l’analysed’économie politique pour justifier cette explication.Pour l’essentiel, la contribution de Sanjeev Sobheese guide sur une analyse de « l’échec de l’État ».

En se fondant principalement sur le rôle dedifférentes mesures de la qualité des institutions,cette étude examine le cas de 42 pays d’Afriquesub-saharienne sur la période 2000-2006, etapplique un modèle d’optimisation formel. Il ressortdes estimations que le revenu réel par habitantconstitue un bon moteur pour la croissance desdépenses publiques, contrairement à l’ouverture.Les équations de régression, qui incluent desvaleurs retardées des indicateurs de la qualité desinstitutions, permettent de mieux expliquer lacroissance des dépenses publiques que leséquations fondées sur les valeurs contemporaines.Plusieurs facteurs influent sur l’augmentation desdépenses publiques : la possibilité pour les citoyensde faire entendre leur voix et la reddition descomptes, l’instabilité politique, la lutte contre lacorruption et l’État de droit. La lutte contre lacorruption, en particulier, constitue une variable trèssignificative, car c’est elle qui produit l’impact leplus fort sur le volume des dépenses publiques.

Cette étude constate tout d’abord qu’en Afriquesub-saharienne, l’État est trop étendu par rapport

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à celui d’autres catégories de pays, par exempleles pays à revenu élevé et les pays endéveloppement (hormis la Chine, probablement enraison du statut transitoire de son économie), etque cette taille résulte de la piètre qualité desinstitutions.

Dans les discussions qui ont suivi, les participantsont observé que les dépenses publiques en Afriquepourraient « naturellement » être plus élevées, pourdeux raisons : tout d’abord, l’Afrique possède desressources abondantes et dépend, dans une largemesure, de ses activités extractives, qui affichentsouvent une forte intensité de capital, mais pas demain-d’œuvre. Comme l’indiquent des travauxantérieurs, cette abondance justifie que l’État joueun rôle plus important dans la redistribution de larichesse, ce qui n’est pas le cas en Asie où lesressources naturelles sont plus rares. Ensuite, lesdonateurs bilatéraux et multilatéraux sont très actifsdans ces pays, ce qui constitue un facteurd’augmentation des dépenses publiques, car le PIBdans les pays concernés est assez peu élevé. Cesdeux raisons peuvent influencer la taille de l’État.

Les participants ont également suggéré que bienque cet article s’attache aux variablesmacroéconomiques, il importe de renforcer lesarguments d’économie politique justifiant l’existenced’un État en quête de rente, au sens où une moindrequalité des institutions multiplierait les opportunitésde recherche de rente, que l’État pourrait maximiseren augmentant les dépenses publiques. On peutpour ce faire s’intéresser à la répartition desdépenses publiques. Par exemple, dans denombreux pays, la santé et l’éducation constituentles principaux postes de dépense. Dans un tel cas,il est difficile d’affirmer que l’État recherche une

rente visant à maximiser les avantages pour lesinitiés. L’argument politique serait plus solide si, parexemple, les dépenses militaires étaient supérieuresaux dépenses sociales.

D’autres ont suggéré que l’analyse serait plus richeen enseignements si l’on comparait les pays à faiblerevenu et les pays pauvres très endettés (PPTE)aux pays dotés de ressources abondantes,considérés comme une catégorie. En effet, cesderniers peuvent aussi se caractériser par unsecteur public étendu. Cette prise en comptepermettrait de déterminer plus facilement l’impactde la variable « Instabilité politique et violence » ainsique ses conséquences sur la croissance. Cetteétude serait également davantage étayée si l’onexaminait les élections, ainsi que leurs effets surl’augmentation de la taille de l’État.

La décentralisation constitue un autre aspectimportant de l’étude des institutions. D’un point devue théorique, la décentralisation est perçue commeune stratégie permettant de mieux allouer lesressources, mais elle joue aussi un rôle critique dansl’amélioration de la prestation des services.

Pierre Valère Nketcha Nana a présenté un articles’intéressant aux conditions propices à la réussitede la décentralisation. Cet article part du principequ’une décentralisation excessive n’est pas efficace,puis avance que la décentralisation peutprobablement accélérer la croissance et contribuerà réduire la pauvreté. Il expose certaines desconditions qui sont jugées nécessaires pour que ladécentralisation conduise à de meilleurs résultatsdans un système centralisé. Ces conditions sontl’hétérogénéité ethnique et un niveau modéré dedéséquilibres verticaux concernant la part des

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dépenses par rapport au PIB, de manière à ce queles autorités locales contrôlent une plus grande partdu revenu et rendent des comptes à leursadministrés.

Pierre Valère Nketcha Nana vérifie la principaleproposition relative à l’efficacité de ladécentralisation au moyen de deux hypothèses.Tout d’abord, il pose l’hypothèse que ladécentralisation est plus bénéfique lorsque lasociété est ethniquement fragmentée. En secondehypothèse, il part du principe que la décentralisationest plus bénéfique lorsque les autorités localescontrôlent une plus grande part des dépenses,exprimée en pourcentage du PIB, que les autoritésnationales. Cet article s’appuie sur des régressionsde panel en utilisant la mortalité infantile pour variabledépendante. Les principaux éléments déterminantssont la part des dépenses de l’État central et celledes dépenses des autorités locales par rapport auPIB. Il se fonde sur des données concernant 54pays à faible revenu. Les intuitions de départ decette étude se trouvent confirmées et les résultatsindiquent que la décentralisation est plus propiceau développement (dans ce cas, à la réduction dela mortalité infantile), lorsque la société estethniquement hétérogène et que les autoritéslocales contrôlent une part plus large des recettespubliques.

L’auteur admet les principales faiblesses de cetteétude, et notamment le fait qu’elle se fonde sur unmodèle de régression linéaire. Ses résultatspourraient donc être sensibles à la forme de lafonction. L’autre faiblesse réside dans le choix desinstruments dans l’estimateur MMG (méthode desmoments généralisés), qui pourrait produire desrésultats différents. Cette étude pourrait également

se caractériser par un biais de sélection, car elleest tributaire de la disponibilité des données.

Les discussions ont mis en évidence les limitationsdes données. Les participants se sont demandé sila décentralisation serait aussi efficace pour d’autreseffets du développement, par exemple l’inscriptiondans l’enseignement primaire et secondaire.Certains ont observé que même au niveau desautorités locales, des formes de prestation deservices différentes pouvaient aboutir à des résultatsdifférents. Il faudrait donc procéder à des tests derobustesse avant de généraliser l’affirmation selonlaquelle la décentralisation serait toujours plusefficace pour faire avancer le développement (mêmedans des sociétés ethniquement hétérogènes, etc.).Du point de vue des politiques publiques, on aconstaté que les régressions sur plusieurs pays neconstituent pas toujours la méthode adéquate. Onpourrait donc utiliser des études de cas, beaucoupplus précises, pour repousser les limites del’évaluation de l’efficacité des programmes dedépenses et observer si les effets sur ledéveloppement sont vraiment supérieurs lorsqueles institutions sont décentralisées.

Les participants ont spécifiquement recommandéà la BAD de faciliter la collecte des données quipeuvent servir à l’analyse de la décentralisation. Lesdonnées constituent naturellement un problème detaille dans ce genre de travail. La BAD, ainsi queses partenaires, et en particulier la CEA, pourraientformer le projet de collecter davantage de donnéesà utiliser dans des travaux connexes. Cette étudeexpose également une conséquence évidente pourla BAD du point de vue de sa politique definancement des pays : tandis que la Banque atendance à s’attacher à son engagement d’échelle

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nationale auprès des pays, elle devrait aussi tenircompte du rôle que jouent les autorités locales dansl’exécution des programmes auxquels elle apporteson soutien.

Le degré de corruption constitue un aspectimportant de la qualité des institutions. Il existe unlarge consensus autour du constat selon lequel lacorruption freine gravement la croissanceéconomique. Comme l’avancent plusieursinstitutions internationales (le FMI et la Banquemondiale, notamment), la corruption constitue l’undes pires fléaux des économies en développement.En raison de la nature cachée de ce phénomène,les économistes ont du mal à le comprendre et àélaborer des parades efficaces. Récemment, lesmicro-déterminants de la corruption, ainsi que depossibles mesures de lutte contre ce phénomène,ont été testés lors d’expériences en laboratoiremenées dans les pays développés. Un articled’Olivier Armantier et Amadou Boly traiteessentiellement du bien-fondé de l’étude de lacorruption en laboratoire.

Les auteurs suggèrent que si l’on pouvait prouverque les expériences en laboratoire se vérifient dansle monde réel, elles pourraient devenir l’un des outilsles plus efficaces pour l’étude de la corruption. Onpeut toutefois se demander si les informationsobtenues en laboratoire dans un pays développépeuvent être extrapolées sur le terrain dans les paysen développement.

Pour tenter de répondre à cette question, OlivierArmantier et Amadou Boly réalisent sur le terrain,à Ouagadougou (Burkina Faso), une expérience surla corruption qui avait été menée en laboratoire àMontréal (Canada). La grande différence entre ces

deux environnements réside dans le fait que sur leterrain, les acteurs ignoraient qu’ils participaient àune expérience.

Cette expérience a été conçue pour reproduire unscénario de corruption dans lequel un candidatpropose un pot-de-vin à un correcteur afin d’obtenirune meilleure note. Quatre traitements différentsont été menés, en laboratoire comme sur le terrain,pour faire varier successivement :

i) Le montant du pot-de-vin ; ii) Le salaire versé aux correcteurs, et iii) Le niveau de surveillance et de sanction.

Une analyse économétrique des données collectéesen laboratoire et sur le terrain met en évidenceplusieurs micro-déterminants de la corruption. Enparticulier, la probabilité d’accepter un pot-de-vindiminue avec l’âge du correcteur, la force de sa foireligieuse et ses compétences pour remplir samission de notation. De plus, les résultats laissentpenser que les femmes pourraient être plussensibles à la surveillance et à la sanction.

Lorsqu’on neutralise l’effet des caractéristiquesindividuelles, on observe que la direction et l’ampleurdes effets de plusieurs traitements sontstatistiquement impossibles à distinguer entreexpérience en laboratoire et expérience sur leterrain. Ainsi, augmenter le salaire du correcteurréduit la probabilité qu’il accepte le pot-de-vin dansces deux environnements. On peut en conclureque, pour certaines dimensions du moins, lesrésultats des expériences sur la corruptionconduites en laboratoire dans un pays développésont analogues à ceux des expériences menéessur le terrain dans un pays en développement.

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Toutefois, les résultats de l’expérience diffèrent pourcertaines dimensions selon que l’expérience a étémenée en laboratoire ou sur le terrain. Ainsi,multiplier par deux le montant du pot-de-vin offertau correcteur ne produit aucun effet en laboratoire,mais renforce le degré de corruption du correcteursur le terrain.

Pendant les débats, les participants ont observéqu’en mettant en évidence les micro-déterminantsde la corruption, les auteurs avaient souligné lanécessité d’adopter une approche complète,passant par la création non seulement d’incitationsinstitutionnelles et de contre-pouvoirs normatifs,mais aussi de mesures visant à faire évoluer laperception et les capacités de la population. Leconstat selon lequel le salaire du correcteur et sespropres capacités peuvent réduire sa propensionà accepter des pots-de-vin peut sembler évident,mais il nous rappelle l’importance de déployer desefforts concertés dans la lutte contre la corruption.Ce constat appelle à réformer le secteur public età rechercher des solutions s’adressant à la main-d’œuvre souvent peu motivée et peu qualifiée.Certains participants ont également suggéré deveiller à intégrer davantage de femmes dans lafonction publique, car elles sont moins corruptiblesque les hommes.

Malgré leurs limitations, soulignées à juste titre parles auteurs, le succès des simulations en laboratoireet sur le terrain inspire confiance dans l’approcheempirique de la corruption. On a également notéque dans de nombreux pays africains, la corruptions’exprime de diverses manières, par exemple pardes échanges de faveur, des incitations via descadeaux en nature, ou est influencée par les liensfamiliaux ou les affiliations politiques.

Le climat d’investissement

Le climat d’investissement désigne les opportunitéset les incitations offertes aux entreprises pourqu’elles investissent de manière productive, créentdes emplois et développent leur production. Leclimat d’investissement englobe des facteurs quiincitent, ou non, à créer et à exploiter une entreprise,parmi lesquels les services financiers,l’infrastructure, la gouvernance, la réglementation,la fiscalité, la main-d’œuvre et les conflits. Un climatde l’investissement propice permet d’améliorer laproduction et la productivité des entreprises, quiont toutes le potentiel de stimuler l’emploi et defaire reculer la pauvreté. Un climat del’investissement favorable est indispensable si l’onveut attirer les flux d’IDE.

Deux contributions présentées lors de la Conférencese sont attachées au climat de l’investissement enTanzanie. Celle de Marion J. Eeckhout examinele rôle des institutions formelles et informelles etleur influence sur les performances des entreprises.

Marion J. Eeckhout part du principe que lesenquêtes auprès des entreprises se fondant surune évaluation du climat d’affaires national ne sontpas à même d’expliquer l’hétérogénéité desperformances entre les entreprises. Certainesentreprises parviennent en effet à s’en sortir, voireà prospérer, pendant un épisode difficile, tandis qued’autres font faillite. Ces disparités ne sont pasfaciles à expliquer. Il faut donc disposer d’un cadreplus étendu qui mette en perspective les élémentséconomiques et sociologiques. Ces facteurs sontdes valeurs communes, des normes collectives, laconfiance, des réseaux, une action collective engrappes, l’exécution des contrats et la propension

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à innover. De plus, le secteur des petites entreprisescrée ses propres arrangements de gouvernanceinformels qui pallient l’absence de droits de propriétéet de dispositifs d’exécution des contrats. Dans cesens, les institutions formelles accusent un certainretard par rapport aux dispositifs informels.

Marion J. Eeckhout fonde son analyse sur plusieurscadres théoriques, dont la théorie des grappes, lathéorie organisationnelle, l’école du capital socialet l’économie institutionnelle. Sa présentationcomprend une discussion poussée sur la manièredont le capital social influe sur les performancesdes entreprises. Dans le cas de la Tanzanie, l’analyseporte principalement sur les petites entreprises (oujua kali). Plutôt que de couvrir tout l’éventail descaractéristiques des relations sociales, cette étudese concentre sur quelques indicateurs de la qualitéde ces relations, dont l’instauration de la confiancedans les réseaux et les mécanismes informelsd’exécution des contrats entre entreprises.

L’auteur suggère que pour faire face à l’absencedes institutions formelles que constituent les droitsde propriété et l’état de droit, les entreprises créentun système d’autogouvernement qui dépend deson application volontaire à l’intérieur de réseauxétroitement définis. Il en résulte un processus simplede conclusion des contrats, une intégration verticaleet une aversion pour le risque. Cette situation freinetoutefois le développement des activités à uneéchelle supérieure ainsi que l’innovation technique.

Cette contribution s’intéresse aux facteurs quidéterminent les performances des entreprises quel’on peut situer dans l’environnement institutionnelet social dans lequel opèrent ces entreprises. MarionJ. Eeckhout explique que si l’on veut que les

entreprises améliorent leur productivité, il estimpératif d’élargir le soutien à leurs activités, qui nedoit plus se cantonner au renforcement desinstitutions formelles telles que les organisationsprofessionnelles pour englober aussi des institutionsinformelles que constituent les normes, la confiance,les réseaux, l’action collective et la propension àinnover. En d’autres termes, il faut s’attaquer à laconstruction d’institutions formelles, ce qui doitaussi être fermement ancrée dans la structuresociale du secteur des entreprises. La contributionde Marion J. Eeckhout conclut en observant qu’iln’existe pas de moyen de faire l’impasse sur unenvironnement propice si l’on veut que lesentreprises améliorent leurs performances.

Les discussions ont fait apparaître plusieurs défisà relever du côté des politiques publiques. Lepremier porte sur la nécessité de trouver commentaméliorer l’environnement d’affaires en tenantcompte des relations sociales. On se demandeaussi si l’on peut utiliser efficacement les relationssociales pour combler les lacunes ou se substitueraux institutions publiques chancelantes s’agissantdes droits de propriété et de l’exécution descontrats. L’autre difficulté mise en évidence par lesdébats a trait à la manière dont les entreprisespourraient concrétiser les avantages théoriques duregroupement en grappes pour l’accès au marchéet les possibilités d’action collective. De même, ilfaut déterminer comment favoriser l’instauration dela confiance afin d’améliorer la productivité desentreprises et de promouvoir l’innovation.L’instauration de la confiance au niveaumacroéconomique, ou de la confiance généraliséeau sein de la population et de la fonction publiquedans des domaines tels que les mécanismesd’exécution des contrats susceptibles d’améliorer

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le climat d’affaires, pose en effet particulièrementproblème.

L’autre étude consacrée au climat d’investissement,celle de Tidiane Kinda et Josef L. Loening,s’intéresse aussi aux petites entreprises en Tanzanie,mais surtout dans les zones rurales. Les auteursnotent l’importance des entreprises rurales pour lacréation d’emplois et de revenus. Ces entreprisesapportent des biens et des services et paientsouvent des impôts et taxes qui financentl’investissement public. Cependant, l’ampleur deleur contribution dépend, dans une large mesure,de l’environnement dans lequel elles peuvent opérer.En effet, des risques et des obstacles peuvent saperl’entreprenariat rural. Il importe donc de comprendreles conditions nécessaires au développement desentreprises non agricoles en milieu rural.

Tidiane Kinda et Josef Loening notent que la majoritédes études portant sur le climat de l’investissementne tiennent pas compte de l’hétérogénéité desconditions entre les régions et les entreprises rurales.L’approche standard est considérablement biaisée enfaveur des entreprises enregistrées (et plus grandes)du secteur manufacturier, généralement implantéesdans les zones urbaines. Or, les auteurs s’intéressentexplicitement aux petites entreprises rurales informelles.

Cette étude s’appuie sur une enquête unique surle climat de l’investissement en zone rurale (RuralInvestment Climate Survey, RICS) menée par leNational Bureau of Statistics (NBS) en janvier etmars 2005. Les données ont été collectées lorsd’entretiens en face-à-face avec des membresdes ménages ruraux sélectionnés, des chefslocaux, et des propriétaires ou dirigeantsd’entreprises non agricoles. Elle s’attacheessentiellement aux facteurs qui déterminent lacroissance des entreprises rurales et au climatd’investissement dans les zones rurales.

Les principaux constats de cette étude suggèrentque les limitations auxquelles se heurte le secteurprivé dans les zones rurales de Tanzanie seconcentrent du côté de l’offre. En particulier,l’amélioration de l’accès au financement, àl’infrastructure et à la communication partéléphonie mobile est étroitement corrélée à laprogression de l’emploi dans les entreprises. Ducôté de la demande, les limitations sontrelativement moindres en raison des bonnesperformances du secteur agricole sur la période2000-2005. La principale conclusion de cetteétude est que l’amélioration du climatd’investissement dans les zones rurales joue unrôle dans la croissance.

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XIV. Planification et politiques publiques

Un certain nombre de contributions présentéeslors de la conférence étaient spécifiquement

axées sur les stratégies de planification et lespolitiques économiques nationales. Elles se sonten général efforcées d’expliquer et de mesurer lesperformances économiques.

La présentation de Ferdinand Bakoup porte surles ingrédients de la fructueuse politique dedéveloppement de la Tunisie afin d’en tirer desenseignements pour les pays d’Afriquesubsaharienne. L’approche déployée par la Tunisiepour sa politique économique constitue une réussiteà maints égards, et surtout en raison de la fortecrédibilité dont bénéficient désormais les pouvoirspublics tunisiens lorsqu’ils définissent des cibleséconomiques. Cette crédibilité découle de la rigueurdu cadre de formulation des politiques publiquesmis en place par l’État afin d’identifier la meilleurestratégie de développement et la manière la plusefficace de la mettre en œuvre. Ce processussuppose une large collaboration entre les brancheslégislative et exécutive de l’État, ainsi que laparticipation active de la société civile. SelonFerdinand Bakoup, les pays subsahariens peuventtirer parti de l’expérience de la Tunisie lorsqu’ilsconçoivent leurs propres politiques, en tenantcompte du contexte qui leur est spécifique.

Dans une autre étude, Moubarack Lo s’est attachéà la définition et à la mesure de l’émergenceéconomique. Les économistes scindenttraditionnellement les nations du monde en deuxgroupes : celui des pays développés et celui despays en développement (ou du tiers monde).Parfois, un sous-groupe de pays moins avancésest identifié au sein du second groupe et concerneles pays les plus pauvres parmi les pauvres, qui

sont caractérisés par un revenu par tête faible.Récemment, les termes de « pays émergent » etde « marché émergent » ont également fait leurapparition dans la littérature, désignant les pays lesplus dynamiques parmi les pays en voie dedéveloppement et les mieux intégrés dansl’économie désormais mondialisée, sans qu’unedéfinition exacte soit élaborée à cet effet, encoremoins des éléments de mesure discriminants.

Bien cerné, le concept d’émergence viendraitapporter une grande contribution à la théorie dudéveloppement. Car, jusqu’ici, le seul but fixé auxnations pauvres est de chercher à converger avecles pays riches. Or, la convergence est un chantierde longue portée (des dizaines, voire des centainesd’années), comme en atteste l’histoire économiquecontemporaine. Et ne retenir comme cible que cethorizon lointain conduirait à inclure, pour longtemps,dans le même ensemble de « pays endéveloppement » des nations aux trajectoires etaux perspectives fort divergentes. Une classificationnette des nations en développement, identifiant desstrates plus fines de pays, s’avère doncindispensable afin de tenir réellement compte de laréalité. Après avoir analysé la littérature sur lacroissance économique et sur la convergence,Moubarack Lo esquisse une définition du conceptd’émergence, en se fondant sur la nouvelledynamique créée par la mondialisation. Sacontribution élabore un indice synthétique del’émergence économique (ISEME), combinant desvariables relatives au PIB, à l’investissement et àl’exportation, testé sur un échantillon de 46 paysd’Afrique, d’Asie, d’Amérique et d’Europe.

Le principal constat de Moubarack Lo est qu’undécollage réussi n’est pas lié à l’abondance des

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ressources matérielles ou à d’autres conditionsinitiales. Il dépend plutôt de changementsstructurels, tels que ceux induits par une politiqueéconomique saine. Les cas de la Corée du Sud,du Botswana, de la Malaisie, de la Chine et deMaurice viennent corroborer ce constat. L’autregrande contribution de cette étude est la conceptiond’un indicateur de mesure de l’émergenceéconomique, qui constitue un instrument puissantpermettant de guider les politiques et réformeséconomiques. Cette analyse offre une leçonimportante : les conditions initiales d’une économien’entravent en rien sa capacité de déclencher sonprocessus de croissance par elle-même. Seulesdes institutions et des politiques déficientes peuventconstituer des entraves à cet égard. En d’autrestermes, l’étude de Moubarack Lo suggère que l’onne doit peut-être pas invoquer l’argument de latrappe de la pauvreté quand il s’agit de l’aideétrangère pour les pays pauvres.

Lors de la conférence, certains intervenants ontnéanmoins déploré que cette contribution ne traitepas des mérites de cette nouvelle mesure parrapport à la littérature existante, comme Barro(1992) et Kauffman (2005).

Une étude présentée par Eric Ramilison évalue leMadagascar Action Plan. Elle s’appuie sur unmodèle d’équilibre général calculable à partir desOMD afin d’évaluer certaines des mesuresproposées par le Madagascar Action Plan. Étantdonné l’importance accordée à la dimension dudéveloppement humain dans cette étude, elle utilisecertains indicateurs découlant du modèle d’équilibregénéral, tels que l’égalité entre les sexes, le tauxde pauvreté, l’accès à une eau salubre, etc., poursaisir l’incidence des politiques analysées sur le

développement humain. Cette contribution présenteun scénario de base, qu’elle compare avec l’impactdes politiques mises en œuvre suivant leMadagascar Action Plan. Sur le planmacroéconomique, cette étude simule unrelèvement du taux de pression fiscale à 15% duPIB à partir de 2012 et l’entrée en vigueur desaccords de libre échange au sein de la SADC(exprimée par une réduction des droits de douanes),entre autres. En ce qui concerne les questionssociales, le scénario envisage une hausse del’emploi dans la santé et l’enseignement.

Fait intéressant, par comparaison avec le scénariode base, le PIB recule avec la mise en œuvre de lastratégie de développement. Ce mouvements’explique par la montée de l’inflation, qui est due àla hausse de la fiscalité destinée à financer lesdépenses sociales dans l’éducation et la santé.L’analyse conclut donc qu’il est nécessaire que lespouvoirs publics soient prudents, notamment en cequi concerne le type de politiquesmacroéconomiques qu’ils choisissent, étant donnéles résultats indésirables qui pourraient en découler.En revanche, s’agissant de la dimension dedéveloppement humain, les indicateurs enregistrentdes résultats positifs, qui demeurent toutefois encoreloin des cibles internationales que Madagascar aspireà atteindre. Cette étude démontre qu’une politiquemonétaire saine, combinée à un investissementpublic soutenu dans les infrastructures physiquesessentielles, peut permettre à Madagascard’atteindre les OMD en temps voulu (c’est-à-dired’ici 2015). Mais en l’absence d’aide étrangère,l’investissement public adéquat dans l’instaurationd’infrastructures physiques essentielles ne peut êtreenvisageable sans une hausse significative des tauxd’imposition et de l’effort de recouvrement fiscal.

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Dans leur contribution, Tonia Kandiero, IzaLejarraga, Gaston Gohou et Alfie Ulloaincorporent une dimension régionale dans le modèlede diagnostic de la croissance. Si le modèle deHausmann, Rodrik et Velasco (HRV) est largementutilisé pour la conception des stratégies nationales,on n’a encore guère exploité les possibilités demodeler des approches régionalescomplémentaires dans certaines circonstances. Lemodèle HRV permet d’identifier et de hiérarchiserles limitations contraignantes d’un pays donné. Maisil existe une question à laquelle ce modèle ne répondpas : comment remédier à ces limitationscontraignantes ? Cette étude permet d’avancer surcette question en sortant des frontières pour trouverune solution à une limitation contraignante. Lemodèle ici proposé suggère que, lorsque tous lespays d’une région auront identifié leurs limitationscontraignantes, le diagnostic régional pourracontribuer à définir les priorités au niveau régionalqui soutiendront les réponses nationales à ceslimitations. En outre, les pays seront ainsi incités àremédier à leurs limitations contraignantescommunes à l’échelon régional.

Un certain nombre de questions se sont fait jourlors du débat. Premièrement, tout comme le cadreHRV (2005), cette version étendue pâtit elle aussid’un déficit de procédures de mise en œuvre. Deplus, des extensions pourraient également êtreincorporées à la version étendue de l’arbre dedécision dans l’approche originale. Deuxièmement,l’extension ne définit pas de région optimale, oualors permet de dégager plusieurs régions optimalesqui se chevauchent ou s’excluent mutuellement.Celles-ci, d’après cette étude, dépendront deslimitations prises en compte, et éventuellement dubon vouloir de l’analyste. Ainsi, la région optimale

pour les facteurs complémentaires pourrait êtredifférente de celle pour les externalités, laquelle àson tour pourrait ne pas être la même que cellepour les distorsions. Pour trouver un compromis, ilfaudrait peut-être faire coïncider la région optimaleavec les communautés économiques régionalesexistantes.

Néanmoins, il faut tirer une leçon importante decette étude : il convient d’inclure les considérationsrégionales dans l’identification des limitationscontraignantes dans le cadre du diagnostic de lacroissance. La limitation contraignante d’un payspourrait se situer en dehors de ses frontièresnationales. Ces considérations ont spécifiquementtrait aux externalités, aux distorsions et auxéconomies d’échelle.

La question de la vulnérabilité est un axe d’étudede premier plan pour les chercheurs quis’intéressent au sujet de la pauvreté, surtout dansles économies émergentes. L’étude présentée parRichard Schiere touche à la mesure de lavulnérabilité régionale en Chine, et en tire quelquesenseignements pour l’Afrique. La vulnérabilité desrevenus au niveau régional est définie comme lerisque de survenue d’événements dont une issuedéfavorable pourrait pousser les ménages dans lapauvreté au niveau régional. Cette approche doitpermettre de cerner quelles sont les régions lesplus vulnérables. L’objectif de cette étude estd’analyser la composition des actifs en Chine etde présenter l’évolution de la vulnérabilité parrégion. Cette démarche est appliquée à desdonnées à l’échelon des provinces datant de 1985à 2001. L’étude constate que les actifs liquides etle capital humain contribuent à la réduction de lavulnérabilité et que :

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i) Les régions intérieure et occidentaleaffichent une plus grande vulnérabilité étantdonné leur plus forte probabilité de devenirpauvres, alors que la région orientaleprésente une vulnérabilité moindre.

ii) Les inégalités à l’intérieur des régions (c’est-à-dire entre les provinces constitutives d’unerégion) participent pour environ 5-10% à lavulnérabilité, tandis que les inégalités entreles régions (c’est-à-dire entre les troisrégions) comptent pour 90-95% de cettevulnérabilité.

En conséquence, toute politique visant à réduire lavulnérabilité en Chine doit chercher à soutenirl’accumulation de capital humain et d’actifs liquideset à remédier aux inégalités à l’échelon régional.

Richard Schiere suggère que l’analyse de lavulnérabilité pourrait contribuer à une meilleureplanification en Afrique. La stabilité politique etéconomique constitue une condition indispensableau développement d’un continent prospère. Dansune première étape, on pourrait s’intéresser auxdonnées panafricaines portant sur la composition desactifs au niveau des ménages et au niveau régionalou infranational. On pourrait ainsi identifier les régionsles moins résilientes et donc les plus vulnérables, etpartant, les zones géographiques d’intervention.Concrètement, ce processus pourrait permettre derepérer les zones qui sont plus vulnérables que lesautres. Ces résultats pourraient être mis à profit dansla répartition des interventions publiques, de façon àaméliorer les prestations publiques dans les domainesde la santé et de l’éducation.

Lors de son allocution d’ouverture, AliouneBadiane a mis en lumière un certain nombre de

questions relatives à l’urbanisation rapide del’Afrique. Alioune Badiane note que malgré unralentissement mondial de la croissance urbaine,les projections indiquent que la population urbainede la planète, qui comptait 3,3 milliards depersonnes en 2007, devrait doubler d’ici 2050. Poursa part, la population urbaine africaine devrait plusque doubler par rapport à son niveau de 2007(373,4 millions d’habitants) d’ici 2030. Selon lesprojections, on dénombrera alors 759,4 millions decitadins africains, soit davantage que le nombretotal de personnes vivant actuellement en ville danstout l’hémisphère occidental.

Alioune Badiane a observé que, sur les cinqdernières années, la croissance économique a étérelativement soutenue sur tout le continent africain,quoique suivant une distribution inégale. En dépitde ces avancées économiques, 40% des Africainsvivent toujours en dessous du seuil de pauvreté,avec moins de 1 dollar EU par jour. Malgré l’énormepotentiel de développement économique ducontinent, si le problème de la pauvreté n’est pasrésolu, l’urbanisation de l’Afrique pourrait avoir desconséquences catastrophiques sur le planhumanitaire. En outre, à la combinaison des défisdémographiques et économiques auxquels estconfrontée l’Afrique viennent s’ajouter la menacede l’insécurité alimentaire et énergétique à venir, etl’élévation du niveau de la mer, qui pourrait toucherles 12% de la population urbaine habitant dans deszones côtières de faible altitude. Les mutationsurbaines dans le monde en développement nesuivent pas toujours les mêmes schémas ou lesmêmes tendances. L’urbanisation en Afrique secaractérise par des concentrationsdisproportionnées d’individus et d’investissementdans la plus grande ville (la plupart du temps, dans

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la capitale) et par un taux de croissance très rapidedes bidonvilles, supérieur à 4%.

L’auteur fait état d’une inquiétude concernant lasituation inégalitaire dans les zones urbaines. Dansbien des pays, le gouvernement central concentredavantage de ressources sur des régionsparticulières afin de réorienter le développementnational ou régional. Il se sert également de la villecomme d’une interface avec l’espace mondialisédes affaires et des flux financiers, tout en utilisant cesmêmes villes pour imprimer une direction particulièreau changement social. En Afrique, les inégalités derevenu en ville sont les plus marquées dans la partieaustrale du continent. Les villes sud-africaines etnamibiennes affichent en effet des niveaux d’inégalitéurbaine qui rivalisent avec ceux des villes d’Amériquelatine. De manière générale, les inégalités urbainesdans les pays d’Afrique ont tendance à être plusmarquées que les inégalités rurales. Les villesd’Afrique du Nord se caractérisent globalement pardavantage d’égalité que les villes subsahariennes.

Un autre sujet est source d’inquiétude dans le cadrede l’urbanisation de l’Afrique : le changementclimatique. Alioune Badiane note qu’il est nécessairede tenir de plus en plus compte des questionsenvironnementales dans la planification et la gestionurbaines. Il observe que, bien que la proportion etle nombre de citadins résidant dans des villescôtières d’Afrique soient relativement moindres que

dans les villes asiatiques, les villes africainespourraient être parmi celles qui subiront les plusfortes répercussions de la montée du niveau de lamer, parce qu’elles sont mal équipées pour faireface à ses conséquences.

Enfin, Alioune Badiane s’arrête sur le rôle de l’ONU-Habitat dans le soutien des partenaires qui œuvrentà relever le défi du logement des pauvres. Il souligneque, même si de nombreuses banques et autresétablissements financiers situés en Afrique et dansles pays en développement en général ne semblentpas directement impliqués dans les spéculationset pratiques bancaires répandues dans les paysdéveloppés ni affectés par elles, ils doiventnéanmoins essuyer les conséquences d’unediminution de la liquidité à l’échelle mondiale, effetsecondaire de la crise du crédit. En tantqu’organisme des Nations Unies pour le logementet le développement urbain ayant pour mission derépondre aux besoins d’abri des pauvres, l’ONU-Habitat procurera une aide active aux payspartenaires en Afrique de sorte qu’ils apportent desréponses à ce besoin via l’action publique et mettenten place des institutions pour relever les défis dela demande de logements et de l’urbanisationrapide. Dans le contexte de la crise actuelle, l’ONU-Habitat travaillera avec des partenaires tels que laBanque africaine de développement à l’élaborationde stratégies visant à remédier aux répercussionsdélétères de la crise financière actuelle.

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XV. Défis et perspectives de la mondialisation

Même si la plupart des sessions de laConférence se sont penchées sur la

mondialisation, certaines contributions traitentspécifiquement de ce phénomène et des problèmesqui en résultent pour les économies africaines.Hippolyte Fofack analyse les facteurs quidéterminent la mondialisation et les perspectivesde croissance en Afrique subsaharienne. Son étudea plusieurs objectifs :

i) Procéder à un examen détaillé de cesfacteurs sous un angle historique et aumoyen d’un modèle séquentiel utilisant despseudo-panels.

ii) Mettre en lumière les obstacles que les paysd’Afrique subsaharienne doivent surmonterpour mieux s’intégrer à l’économie mondialeet permettre à leur revenu de converger avecle revenu mondial, tout en atténuant lescoûts liés à cette interdépendance accrueet à la propagation des risquesinternationaux dans un monde où lacirculation des produits et des servicesdépend de moins en moins de facteursgéographiques et temporels.

D’après les résultats empiriques de cette étude,les variables technologiques (en premier lieu lenombre de chercheurs résidents et la part desproduits de haute technologie et des biensmanufacturés dans le total de la production etdes exportations) jouent un rôle déterminant dansle commerce mondial. La même étude exploreégalement un certain nombre de politiquesenvisageables, en évaluant un certain nombred’hypothèses pour déterminer si la croissance etla mondialisation pourraient combler le fossétechnologique entre pays d’Afrique subsaharienne

et économies industrialisées. Elle souligne ainsiles effets bénéfiques importants, en termes decroissance et d’amélioration des conditions devie, d’une expansion des capacitéstechnologiques en Afrique subsaharienne. Enparticulier, si le nombre de chercheurs résidentsou la part de la haute technologie dans laproduction totale rejoignait les niveaux de la zoneOCDE, la part de l’Afrique subsaharienne dansles échanges mondiaux augmenteraitspectaculairement. La mondialisation aurait deseffets positifs analogues si le stock de capital fixeet les structures de gouvernance de cette régionpouvaient rejoindre ceux des pays de l’OCDE.

Cependant, cette étude illustrative de scénariosrevient à effectuer une analyse en équilibre partielsur la base de l’hypothèse ceteris paribus. Dans laréalité, la part de la haute technologie dans le totalde la production et des exportations dépend dunombre de chercheurs résidents, et, parconséquent, des structures universitaires et duclimat des affaires. Dans le même ordre d’idées,l’amélioration de la gouvernance devrait attirer lesinvestissements directs étrangers (IDE) et étoffer lestock de capital national dans un contexte demondialisation des flux financiers. Les principauxconstats sont les suivants :

1. Sur la durée, la croissance économique variefortement d’un pays à l’autre, maisbeaucoup moins que le niveau d’instruction.Sur la période 1980-2000, l’ensemble de lazone OCDE a continué d’afficher le mêmerythme de croissance, en moyenne, que sur1960-1980, alors que l’on constate unebaisse générale du nombre moyen d’annéesde scolarité.

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2. Le PIB par habitant varie bien plus fortemententre les pays que le niveau d’instruction.Par exemple, les pays de l’OCDE affichentdes niveaux d’études très comparables, quin’ont quasiment pas évolué au cours des20 dernières années. En revanche, cesécarts sont peu corrélés au taux decroissance économique sur la mêmepériode.

3. Les performances de certains pays sontmanifestement atypiques, de sorte que leschangements dans les variables desubstitution relatives au capital humain,telles que la scolarité, n’influent guère surle PIB par habitant. Ainsi, l’Union soviétiqueaffichait en son temps l’un des niveauxd’études les plus élevés au monde, maisaprès son effondrement, elle n’a jamaisrenoué avec le même niveau de PIB ou decroissance.

En ce qui concerne le rôle du capital humain, lesdonnées recueillies laissent à penser qu’il estsouvent surévalué ou estimé de façon simpliste.Même si, pour les dragons asiatiques, la croissanceéconomique rapide s’est à l’évidence accompagnéed’importantes avancées éducatives avec le soutiende l’État, il existe de nombreux cas dans lesquelsles progrès de l’éducation n’ont pas été associésà une croissance durable.

Une autre question plus pertinente se pose alors :quel est le type d’environnement ou d’institutionpermettant au capital humain de soutenir lacroissance, ou quel est le type de capital humainessentiel à la croissance, étant donné que leséconométristes persistent à ne pas tenir comptede nombreuses formes de capital humain ?

Du point de vue de la politique publique, dans lamesure où la plupart des États décident eux-mêmesde la part à allouer à l’éducation, quel niveaud’enseignement serait le plus important ?L’enseignement tertiaire, l’enseignement secondaireou l’enseignement primaire ? A-t-il une orientationmarchande ? Il faut examiner de près toutes cesquestions afin de définir une stratégied’accumulation de capital humain apte à soutenirune croissance durable.

L’une des préoccupations que suscite lamondialisation est son impact sur la lutte contre lapauvreté. C’est le thème de la contribution présentéepar S. Tapsoba, Y. Baldeh et N. A. Alolo. Lamondialisation induisant des changements dans lapolitique publique depuis quelques années, le discoursactuel sur le développement est centré sur les liensentre réduction de la pauvreté et mondialisation. Il estadmis que les qualifications et le savoir sontfondamentaux pour la croissance économique, lacompétitivité, l’employabilité et l’intégration sociale.

La mondialisation est source d’opportunités pourles pauvres et les catégories de populationvulnérables telles que les femmes, via la créationd’emplois, la protection sociale de base, lareconversion des travailleurs au profit des secteursen croissance, ainsi que l’accès à l’éducation et aucrédit. Néanmoins, des données empiriquesrécentes montrent que l’Afrique ne profite pasencore pleinement des effets positifs de lamondialisation, même si ses marchés sontaujourd’hui intégrés dans l’économie mondiale (2%des flux commerciaux et d’IDE à l’échelle du globe).

Selon cette étude, malgré la baisse des coûts detransport et de communication, la libéralisation des

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Mondialisation, institutions et développement économique de l’Afrique - Rapport de la Conférence économique africaine 2008

marchés et la rapidité des mutations technologiques(associées à la mondialisation), l’Afrique n’a toujourspas tiré complètement parti des possibilités offertespar la mondialisation pour faire reculer l’extrêmepauvreté sur son sol. Cette situation pourrait, enpartie, être due au fait que la corrélation entremondialisation et réduction de la pauvreté dépendlargement du volume des échanges et des IDE.Cependant, l’accroissement de ce volume est lui-même fortement tributaire de la compétitivité àl’international, laquelle est à son tour fonction duratio salaires/productivité. Si la productivités’améliore, les salaires sont susceptiblesd’augmenter, ce qui fera reculer la pauvreté.

Ces auteurs s’intéressent de près à la façon dontles autorités et les donateurs mettent à profit lesbienfaits de la mondialisation pour lutter contre lapauvreté en Afrique. Voici leurs conclusions :

a) Les pays d’Afrique doivent miser sur unecroissance tirée par la productivité.

b) L’Afrique doit exploiter le potentiel offert parles travailleurs migrants.

c) L’Afrique doit devenir plus compétitive àl’exportation et attirer les IDE par desinvestissements dans l’infrastructure.

Plusieurs constats se dégagent de cette analyse.Premièrement, la fuite des cerveaux est un problèmemajeur en Afrique, où elle entrave manifestementle développement des qualifications. Aujourd’hui,les Africains étudient dans leur pays et à l’étranger,mais l’économie de leur pays a le plus grand malà les retenir. De surcroît, par certaines de ses

politiques, le monde développé encouragel’immigration sélective des travailleurs étrangersqualifiés. On observe toutefois des changements.Par exemple, de plus en plus de Sénégalais qui ontfait leurs études à l’étranger retournent dans leurpays d’origine pour y créer leur propre entreprise,car l’environnement éducatif et commercial localest devenu plus propice.

Deuxièmement, la plupart des pays continuent dedonner la priorité à l’enseignement primaire. Ils’écoulera donc beaucoup de temps avant quel’enseignement secondaire ne soit généralisé dansles zones rurales, où les adolescents sont considéréscomme une main-d’œuvre précieuse et nécessairepour les travaux agricoles. Quant à l’enseignementtertiaire, c’est un investissement de long terme pourl’État, qui préfère souvent se consacrer à des projetsd’infrastructure dont les effets sont clairement visiblesà court terme (l’infrastructure, par exemple). Il fautdonc changer la vision des instances décisionnairespour que le développement des qualificationsdevienne pour elles une priorité.

Enfin, les IDE n’engendrent pas toujours uneexpansion du capital humain. Depuis peu, en effet,les investisseurs étrangers ont tendance à apportereux-mêmes les moyens intellectuels et matérielsnécessaires à la mise en œuvre d’une activité ouau développement d’une infrastructure. Dans cesconditions, les Africains ne profitent pas dutransfert de technologie attendu. Il est doncintéressant de se demander comment les autoritésafricaines peuvent influer sur les IDE en vued’inverser ce mouvement.

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XVI. Conclusion

Ce rapport met en lumière quelques-unes desgrandes questions soulevées par la Conférence

économique africaine 2008. Comme le montrentles actes de la Conférence, les obstacles quel’Afrique doit surmonter pour se développer sontnombreux et complexes. Seuls des effortsconcertés et déployés par les différents acteurspermettront d’y remédier.

Les universitaires africains doivent entreprendre uneanalyse rigoureuse de ces obstacles et proposer dessolutions appropriées. De leur côté, les autoritésdoivent engager des politiques tenant compte desfaits constatés et qui permettront de résoudre lesproblèmes actuels de l’Afrique. Les actes de laConférence doivent permettre d’ouvrir des débatssur ces questions. Si les contributions présentéesénoncent un large éventail de politiques

envisageables, elles font également apparaître denombreuses lacunes dans les connaissances, etappellent par conséquent à des analyses plus ciblées.

L’un des objectifs de la Conférence économiqueafricaine est de constituer un espace d’échangesentre analystes et autorités. La Banque africainede développement et la Commission économiquedes Nations Unies pour l’Afrique espèrent que laConférence et ses actes permettront d’avancerdans la réalisation de cet objectif, mais, surtout,que les interactions entre les différents participantsamélioreront l’élaboration des politiques publiquesen Afrique. C’est grâce à ce vaste processus deproduction d’informations et d’analyse rigoureusede leurs problèmes que les Africains pourrontrelever plus efficacement les défis auxquels ilssont confrontés.

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