Montres d’exception

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La taille, un standard e

HM1, MB&F.Dimensions : 64 mm x 41 mm.

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par Laurent Picciotto

Depuis une dizaine

d’années, la mode

horlogère fait visiblement

la part belle aux gros

calibres. Diamètre ou

épaisseur, le volume des

montres actuelles mise

sans complexe sur la

tendance over size.

Nouvelles tailles biggest

ou anciens formats XS,

Laurent Picciotto décrypte

l’évolution des standards

pour Patrimoine Privé.

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Si l’on remonte ne serait-ce qu’auxannées 40, la forme des montres etles montres de forme d’ailleurs

étaient de moindre taille. Les pièces hor-logères affichaient des dimensions bieninférieures à celles qui paraissent ordinairesaujourd’hui, oscillant généralement entre 36et 39 mm.Ce « petit » diamètre correspondait alorsà la norme du moment, sans que ce stan-dard ne pose de souci à qui que ce soit…

Les prémicesQuand les premières montres de sport sontarrivées, elles étaient un peu plus épaissespour répondre à un problème d’étan-chéité, tout en restant sur un diamètre rai-sonnable. A l’époque, certaines marquesproposaient même des tailles dites « junior» avec un diamètre compris entre 36 et 38mm. Dans les années 70-80, leur vocationétait de couvrir les marchés asiatiques où lespoignets sont nettement plus fins, sanschercher à lever une certaine ambigüité :montre pour femme ou pour homme,elles étaient volontairement « unisexe »,comme la mode.

Montrée ou cachée ?Avec ces objets considérés de nos joursde faible volume, la montre, pour paraîtreélégante, se devait de rester un accessoireassez discret. Cette taille était évidemmentmoins démonstrative que ce que nousconnaissons. Ces objets de mesure, avantde devenir les vecteurs d’une certaine dé-mesure, se portaient alors plutôt sous lachemise que devant. Ce phénomène de statut-symbole de lamontre n’est pourtant pas nouveau. Dansles années 40, on avait tout autant le choixd’acheter une montre suisse sans marquemais de bonne facture que de s’offrir unePiaget ou une Vacheron Constantin…Mais l’aspect démonstratif, très psy-

chologique, semblait probablementplus délicat parce qu’on ne voyait pastoujours la montre se découvrir. On avaitalors coutume de l’habiller plutôt que dela mettre à nu, poignet découvert.

Concentré de technologieSans être le seul, Panerai a été l’un desgrands éléments déclencheurs de l’aug-mentation du volume des boîtiers. Avec ses montres étanches utilisées his-toriquement par les nageurs de combatitaliens et issues d’un cahier des chargesstrictement militaire, la marque proposaitdes diamètres de 44 mm qui passaientpour des sortes d’ovni dans les années 90. Parallèlement au développement de cesgammes sportives, la haute horlogerie estrevenue à des pièces compliquées quicompilaient différentes fonctions en jouantla surenchère et les superpositions :montres à calendrier perpétuel, chrono,répétitions minutes et tourbillon réunis enune seule pièce…

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L’Egiziano, PANERAI. Boitier en titane de 60 mm.Mouvement Panerai :P2002/7 calibre.

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Si une montre classique 2 aiguilles -ni extra plate, ni énorme - possède unmouvement qui contient en moyenne120 pièces, une montre compliquéepeut présenter 600 pièces, d’où lebesoin de l’accroissement de la tailledu boîtier pour loger ce mouvementplus conséquent.

De la fonction à la formeCe paramètre factuel, dicté par desimpératifs purement techniques, adonné une nouvelle impulsion àtoute une partie du marché. Grâce auxleaders d’opinion que représentent lescollectionneurs, traditionnellementfriands de ces montres hypertechniques, les marques et les clientsont progressivement acceptéd’évoluer vers des pièces toujoursgrandes, plus exubérantes. C’est donc d’abord la technique quia porté la tendance vers une nou-

velle esthétique horlogère. Ce glis-sement de forme – et plus tard defond – s’accompagne d’un change-ment progressif des habitudes. De fa-çon assez naturelle, entre 1995 et ledébut des années 2000, de nom-breuses maisons ont augmenté sen-siblement – et parfois même beau-coup plus que cela – le diamètre deleurs montres. Même pour des piècesqui ne le nécessitaient a priori pas, defaçon à suivre ce courant. Pour autant, l’amateur ou le noviceéclairé ne sont pas dupes devant dessupercheries marketing qui relèventde l’habillage pur, avec des carruresde petit mouvement reposant sur du« remplissage ». Si j’ouvre une montrede 44 mn et que son calibre n’occupeque la moitié de son boîtier, c’est unpeu comme si j’achetais un tracteurdont les pédales seraient cachéesderrière un faux moteur.

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BB King All Black Blue,HUBLOT. Diamètre : 48 mm.Big Bang Blanche baguette,HUBLOT. Diamètre : 38 mm.

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A contrario, des fabricants de mouvementet des manufactures se sont efforcés deréaliser des calibres adaptés au boîtier etn’ont justement pas voulu tomber dans cetravers.

Marquage identitaireDans le même temps, à partir de 1990, unedimension supplémentaire s’est greffée àces courants. C’est le côté démonstratif voiretapageur dont la montre bling de rappeurà 50, voire 55 mm, full sertie, est l’exemplele plus extrême. Une manière de s’assurerqu’on « ne puisse pas ne pas voir » l’objetde sa reconnaissance sociale, de sa réussite. Dans ces années florissantes, l’afflux d’unenouvelle clientèle issue de pays émergentsa contribué aussi à changer la donne. Leluxe tapageur ou le relatif mauvais gout deporter des montres à 50 ou 55 mm dediamètre sans autre véritable justificationque de ne pas passer inaperçu se sontrépandus, même si c’est finalement assezcontreproductif : pour des amateurs d’unautre niveau, cela a longtemps représentéle signe du degré zéro de culture horlogère.

Limites physiquesAssez vite, on a craint de tomber dans l’ab-surde. Les acheteurs professionnels se sontposé des questions sur certaines piècescompliquées, certes géniales mais ergo-nomiquement et surtout anatomique-ment importables, se privant de 98% du po-tentiel d’une clientèle dont le bras ne peutsupporter ces objets hors norme. Quand,pour célébrer son 150e anniversaire, PatekPhilippe réalise la Calibre 89, la montre depoche la plus compliquée du monde, ellerelève plus d’une performance, d’un objetde maîtrise ou de compagnonnage. Sonpoids excède le kilo (1728 composants pour33 complications) et ce n’est plus une pochequ’il faut, mais un sac à dos. Une réalité effective, incontournable, fait queles personnes qui ont un poignet de 12 cmde diamètre ne peuvent pratiquementpas porter une montre qui fait 60 mm.

Admirals Cup Chrono50 LHS, CORUM.Diamètre : 50 mm.

C1 Biretrograde,CONCORD. Dimensions : 44 mm.14.60 mm d’épaisseur.

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LGenève

Avancé depuis cette année enjanvier, le Salon de Genève m’asemblé un peu flottant. Son am-

biance, sensiblement plus calme, tra-duisait la situation, avec la crise en toilede fond. Toutes les grandes marques duSIHH (groupe Richemont, AudemarsPiguet, Girard-Perregaux…) y ont pré-senté leurs nouveautés, avec plus oumoins de conviction. Alors que d’autresronronnaient un peu, des marques gé-nériques comme Jaeger-LeCoultre,IWC… et surtout Cartier ont su tirer leurépingle du jeu lors de la premièregrande manifestation horlogère de2009.

Avec le recul, Cartier est l’une decelles qui m’a laissé la meilleureimpression. J’ai le sentiment que

Cartier a réalisé que, sur le segment deHaute Horlogerie, sa présence n’étaitpas suffisante malgré les complicationsproduites. Et que son absence d’enga-gement réel laissait la part belle àbeaucoup de monde, alors que lamarque est un des acteurs prédomi-nants du marché, ses moyens étant su-périeurs à ceux de bien des marques.

Sur le salon, avec cette fois-ci unevolonté de pérennité sensible etclairement affirmée, Cartier a pré-

senté différentes pièces compliquées,toutes sur le haut de la pyramide, no-tamment un tourbillon produit en toutepetite série, voire pièce unique, et réa-lisé par les ateliers de Renaud & Papi. Surcette montre, les chiffres romains sontla platine du mouvement posé sur untourbillon vraiment squelette d’un nou-veau genre. Cartier a aussi dévoilé unetank américaine tourbillon typée années30 dont l’esthétique m’a fait penser auChrysler building, avec un cadran à 3 ni-veaux avec des obliques et des chiffresromains en applique. Cartier a aussi in-nové avec un type inédit de chrono-graphe à affichage par disque central.

En revanche, chez Jaeger-LeCoultreet IWC, pas de nouveautés bru-tales, mais la continuation au de-

meurant probante ce qu’on a déjà fait.Idem chez Lange & Sohne qui proposaitune ou deux pièces et annonçait pourle mois de mai le lancement d’unemontre particulière : la Lange Zeitwerk,qui vient d’être présentée ces derniersjours et qui est enfin une nouveautédigne de Lange.

Dans ce sens, l’Egyptienne de Panerai enor gris, pièce historique créée pourl’Armée Egyptienne en 1956, estdavantage une pièce de collection, doncde vitrine.

Vers un nouveau standardCe sujet est difficile à analyser parce qu’iltouche aux habitudes, au même titre quela mode qui revient à des cravates plusfines typées 30 ou 50 alors que dans lesannées 70 elles n’étaient pas loin d’êtredes bavoirs. C’est une question de schéma visuel,d’habitude esthétique. Si je porte desbottes pointues pendant quelque tempset que je remets ensuite des chaussuresà bout rond, j’ai le sentiment de ne plusme reconnaître dans ces lignes parce quemon regard sur le style a changé. D’une même manière, au gré desnouveautés proposées par les salons, lamajorité des clients s’est progressivementaccoutumée à des montres d’un diamètrecertain, entre 42 et 44 mm minimum. Lesstandards masculins ont muté etmaintenant, quand on leur présente desmodèles entre 39 et 41 mm, leur reflexeest de trouver cela intéressant… mais troppetit, fluet. Cela est explicité uniquement

par l’habitude du porté des autres.Certains expriment leur ressenti en faisantle parallèle avec une montre d’enfant,dans une logique de déclassement.

Boîtier slim ou extra large ? Pourtant, dans le même temps, descourants divergents travaillent sur leclassicisme ultime. Revenant nettementen arrière, ces indépendants prétendentque les plus beaux calibres vont dans desboîtes de 36 à 38 mm. Ce débat n’est pasloin d’illustrer un vrai duel d’opinion.Montres de femme, d’enfant, troppasséistes, de taille ridicule… les montresde petit calibre ne sont le plus souvent pasperçues comme l’expression de la créationd’aujourd’hui. Sur le sujet, les polémiques se font etchacun détient sa vérité… Reste quequand on revient à des tailles de montrede moindre importance après avoir portéune montre de grande taille -représentative de la majorité des pièces du marché -, l’amateur a une impressionun peu désuète. Ce sentiment de malaiseest comparable à celui ressenti parquelqu’un qui quitterait un 200 m2 pourretourner vivre dans un 50 m2.

Nurse, ALAIN SILBERSTEIN. Diamètre : 22,5 mm. Hauteur : 9,4 mm.

iKRONO, ALAIN SILBERSTEIN. Diamètre : 47,5 mm. Hauteur : 19,6 mm.

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L’essayer, c’est l’adopterÉvidemment, pour une frange de client- ceux qui ne sont pas des clients récur-rents mais des acheteurs plus ponctuelset ne s’offrent pas une (ou plusieurs)montre tous les ans (ou tous les mois) -, l’évolution des tailles de montre inter-pelle. Au bout d’une dizaine d’années,ces clients ont subitement envie dechangement, influencés ou non par l’ac-tualité horlogère… Ils arrivent en bou-tique pour découvrir les nouveautés etsemblent parfois affolés par les « objets »présentés. Ils ont perdu pied avec la ten-dance et réalisent soudainement qu’iln’existe presque plus de montres aux di-mensions de ce qu’ils venaient chercher. Ce désarroi ne peut être définitif (ou pas)que si on va jusqu’au bout de ladémarche. De même qu’on n’achète pasdes vêtements en se contentant de lesregarder, sans les essayer. Au poignet, onpeut avoir des surprises dans un sens,comme dans un autre. Par rapport àl’appréciation en vitrine ou d’après lesphotos publiées dans les magazines, lerendu est toujours différent, en terme detaille et d’ergonomie. Toutes les donnéesne sont pas visuellement interprétables.La question du confort est essentielle etdépend par exemple, outre l’épaisseur,du degré de l'angle d’attache dubracelet. En modifiant cet angle, unemême montre peut passer d’importableà très portable, et inversement. Le poidsn’est pas non plus appréciable d’emblée.

Critères sensiblesCe coté « sensation » ne peut être inter-prété qu’au moment de l’essayage. Il gé-nère souvent des surprises. Les deux pre-miers modèles de Max Busser &Friends, la HM1 et la HM2, s’apparententplus à des tableaux de bord qu’à une taillede montre conventionnelle. De visu en vi-trine, une grande majorité de personnesles imagine « importables ». On s’est renducompte, de façon assez cocasse, que laplupart du temps, il faut simplement queles clients acceptent de les essayer et dene se prononcer qu’au bout d’un courtmoment pour être convaincus. Nousavons vendu notre première Machine

RM 025, RICHARD MILLE.Diamètre : 50.70 mm. Epaisseur (au plus épais) : 19.10 mm.

HM2, MB&F.Dimensions : 59 mm x 38 mm.

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Horlogère N°1 de cette façon là. Un couplede Thaïlande s’offrait une Richard Millechacun, à l’occasion de son voyage denoces. Alors que nous préparions les diffé-rents papiers, l’homme a demandé, très in-trigué, quel était cet objet curieux. Lui ex-pliquant que c’était une montre à tourbilloncentral en forme de huit, avec les heures d’uncôté, les minutes de l’autre, nous lui avonsproposé de tester au poignet une autre fa-

çon d’aborder le volume de sa montre, avecplus de 6 cm de large. Au bout d’une dizainede minutes, le temps de préparer lesmontres, de les enregistrer, nous lui avonsalors demandé son avis. Ce petit laps detemps écoulé, le client, conquis, a voulu lagarder !

New generationLa liberté des montres de forme estintéressante aussi. Les montres de formeclassiques ont été rectangulaires, carrées,triangulaires pour les francs maçons ouovales pour être travaillées à l’horizontaledu poignet… Comme Max Busser a su lefaire, on peut effectivement avoir unemontre importante si on la travaille dansson horizontalité. La totale liberté de ces dernières annéesa engendré des ovnis. En réalité, cesdimensions de hauteur et de reliefimportants sont une nécessité pour reculerles limites de la créativité.

En parallèle, on peut parler du combat deshorlogers pour faire de l’extra-plat, dans unecourse de toujours à la miniaturisation,comme Jaeger-LeCoultre qui a réalisé uncalibre qui fait le tiers d’une allumette.Paradoxalement, cette tendance auxmontres plates rejoint celle des très grandsdiamètres. Sur ce terrain, Guy Ellia produitdes pièces intéressantes de 45 mm dediamètre, extra plates.

Le prix de la légèretéUn assez grand nombre d’amateursreproche aux montres de moindreépaisseur leur manque de caractère… Ladifficulté réside dans la diversité dusentiment de chacun, dans la perceptiondu Beau. L’invention des formes a permis de canaliserun certain nombre de mouvements. Enmatière de poids, plusieurs écoles sedistinguent. Pour certaines, le titane est unmatériau génial qui permet de faire descadrans légers toujours plus volumineux,avec à la clef avec une sensation deconfort qui rend les montres plus faciles àporter. Pour d’autres, comme il a été martelédurant des années, une montre de prix,c’est une montre lourde. A 310 000 eurosles 43 grammes, l’Alusic de Richard Milleaffiche un prix inversement proportionnelà son poids. Et c’est encore un frein pourcertains acheteurs.

L.P

Romvlvs, CORUM.Modèle historique 1966 :diamètre 12 mm.

Chinese Hat, CORUM.Modèle historique 1958 :diamètre 11 mm.

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