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Images en Ophtalmologie Vol. XI - n° 2 mars-avril 2017 56 Tumeur oculaire • Métastase choroïdienne • Énucléation. Ocular tumor • Choroidal metastasis • Enucleation. Cas clinique Légendes Figure 1. Rétinophotographie de l’œil gauche montrant une masse choroïdienne achrome située en inférieur, associée à un décollement de rétine exsudatif. Figure 2. En échographie oculaire, la masse choroïdienne est hypoéchogène et a une forme de champignon. Figure 3. Aspect macroscopique de la lésion intra-oculaire sur le globe énucléé. Métastase choroïdienne évoluée : corrélation anatomoclinique Advanced choroidal metastasis: anatomoclinical correlation S. Lemaitre, G. Bataillon, C. Lévy-Gabriel (Institut Curie, Paris) U n homme, âgé de 66 ans, ayant comme antécédent un carcinome pulmo- naire traité par lobectomie supérieure droite consulte pour une baisse d’acuité visuelle progressive de l’œil gauche évoluant depuis 15 jours. Observation L’examen ophtalmologique de l’œil gauche retrouve une acuité visuelle à “voit bouger la main”. Au fond d’œil, il existe une masse choroïdienne achrome en relief associée à un décollement de rétine total (figure 1) . En échographie oculaire, la lésion choroïdienne est en forme de champignon ; son épaisseur est mesurée à 6,7 mm pour un diamètre de 10 mm (figure 2) . L’examen de l’œil controlatéral est normal. Le bilan d’extension par scanner cérébral, scanner thoraco-abdomino-pelvien et scintigraphie osseuse ne retrouve que la lésion intra-oculaire gauche et les stigmates de la chirurgie pulmonaire. Dans ce contexte, les 2 hypothèses diagnostiques principales sont une métastase choroï- dienne du cancer pulmonaire connu ou un mélanome choroïdien achrome. Du fait de l’évolution rapide en glaucome néovasculaire 2 semaines après la consultation initiale, aucun traitement conservateur n’est envisageable et une énucléation primaire de l’œil gauche est réalisée. L’examen histologique retrouve une localisation choroïdienne d’un carcinome peu différencié évoquant en premier lieu une métastase d’un carcinome neuroendocrine à grandes cellules d’origine pulmonaire (figures 3 et 4) . Le patient est adressé en onco- logie médicale pour la suite de la prise en charge. Discussion Devant une lésion choroïdienne achrome ou peu pigmentée unique chez un patient de plus de 60 ans, l’anamnèse, à la recherche d’un antécédent de cancer connu, et l’aspect de la lésion au fond d’œil et en échographie oculaire suffisent dans la plupart des cas à faire la différence entre une métastase choroïdienne unique et un mélanome choroïdien achrome. Il existe cependant des situations dans lesquelles le diagnostic différentiel entre ces 2 entités est difficile uniquement sur ces arguments cliniques. En particulier, un antécé- dent de cancer n’exclut pas toujours le diagnostic de mélanome choroïdien. Par ailleurs, certaines métastases choroïdiennes de tumeurs carcinoïdes ou d’adénocarcinome pulmonaire peuvent avoir un aspect légèrement pigmenté au fond d’œil. Parfois, seule une analyse cytologique (par ponction transsclérale ou transvitréenne de la lésion) ou histologique (sur la pièce d’énucléation lorsque celle-ci est indiquée) permet de trancher sur la nature de la lésion choroïdienne. II Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Métastase choroïdienne évoluée : corrélation anatomoclinique · des palissades avec des secteurs de nécrose. Les cellules tumorales sont de grande taille avec un noyau volumineux,

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Page 1: Métastase choroïdienne évoluée : corrélation anatomoclinique · des palissades avec des secteurs de nécrose. Les cellules tumorales sont de grande taille avec un noyau volumineux,

Images en Ophtalmologie • Vol. XI - n° 2 • mars-avril 201756

Tumeur oculaire • Métastase choroïdienne • Énucléation.

Ocular tumor • Choroidal metastasis • Enucleation.

Cas clinique

Légendes

Figure 1. Rétinophotographie de l’œil gauche montrant une masse choroïdienne achrome située en inférieur, associée à un décollement de rétine exsudatif.

Figure 2. En échographie oculaire, la masse choroïdienne est hypoéchogène et a une forme de champignon.

Figure 3. Aspect macroscopique de la lésion intra-oculaire sur le globe énucléé.

Métastase choroïdienne évoluée : corrélation anatomoclinique Advanced choroidal metastasis: anatomoclinical correlation S. Lemaitre, G. Bataillon, C. Lévy-Gabriel (Institut Curie, Paris)

U n homme, âgé de 66 ans, ayant comme antécédent un carcinome pulmo-naire traité par lobectomie supérieure droite consulte pour une baisse

d’acuité visuelle progressive de l’œil gauche évoluant depuis 15 jours.

Observation L’examen ophtalmologique de l’œil gauche retrouve une acuité visuelle à “voit bouger la main”. Au fond d’œil, il existe une masse choroïdienne achrome en relief associée à un décollement de rétine total (figure 1) . En échographie oculaire, la lésion choroïdienne est en forme de champignon ; son épaisseur est mesurée à 6,7 mm pour un diamètre de 10 mm (figure 2) . L’examen de l’œil controlatéral est normal. Le bilan d’extension par scanner cérébral, scanner thoraco-abdomino-pelvien et scintigraphie osseuse ne retrouve que la lésion intra-oculaire gauche et les stigmates de la chirurgie pulmonaire. Dans ce contexte, les 2 hypothèses diagnostiques principales sont une métastase choroï-dienne du cancer pulmonaire connu ou un mélanome choroïdien achrome. Du fait de l’évolution rapide en glaucome néovasculaire 2 semaines après la consultation initiale, aucun traitement conservateur n’est envisageable et une énucléation primaire de l’œil gauche est réalisée. L’examen histologique retrouve une localisation choroïdienne d’un carcinome peu différencié évoquant en premier lieu une métastase d’un carcinome neuroendocrine à grandes cellules d’origine pulmonaire (figures 3 et 4) . Le patient est adressé en onco-logie médicale pour la suite de la prise en charge.

Discussion Devant une lésion choroïdienne achrome ou peu pigmentée unique chez un patient de plus de 60 ans, l’anamnèse, à la recherche d’un antécédent de cancer connu, et l’aspect de la lésion au fond d’œil et en échographie oculaire suffisent dans la plupart des cas à faire la différence entre une métastase choroïdienne unique et un mélanome choroïdien achrome. Il existe cependant des situations dans lesquelles le diagnostic différentiel entre ces 2 entités est difficile uniquement sur ces arguments cliniques. En particulier, un antécé-dent de cancer n’exclut pas toujours le diagnostic de mélanome choroïdien. Par ailleurs, certaines métastases choroïdiennes de tumeurs carcinoïdes ou d’adénocarcinome pulmonaire peuvent avoir un aspect légèrement pigmenté au fond d’œil. Parfois, seule une analyse cytologique (par ponction transsclérale ou transvitréenne de la lésion) ou histologique (sur la pièce d’énucléation lorsque celle-ci est indiquée) permet de trancher sur la nature de la lésion choroïdienne. II

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Cas clinique

Légende

Figure 4. Analyse histologique et immunohistochimique de la lésion choroïdienne : il s’agit de la localisation choroïdienne d’un carcinome peu diff é-rencié dont l’aspect morphologique et le profi l immunohisto chimique (TTF1+, synaptophysine+) évoquent en premier lieu la métastase d’un carcinome neuroendocrine à grandes cellules d’origine pulmonaire. La prolifération tumorale est peu diff érenciée, constituée de nappes et de cordons formant des palissades avec des secteurs de nécrose. Les cellules tumorales sont de grande taille avec un noyau volumineux, irrégulier en taille et en forme fi ne-ment nucléolée avec un cytoplasme éosinophile abondant au sein d’un stroma lymphocytaire richement infl ammatoire. On observe de nombreuses mitoses (a) [coloration HES, ×10]. Les cellules tumorales expriment diff usément TTF1 (nucléaire) [b] , la synaptophysine (cytoplasmique et membra-naire) [c] et focalement la cytokératine AE1/AE3 (granulaire cytoplasmique caractéristique des proliférations neuroendocrines) [d] .

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