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M É T H O D E S DE RECHERCHE

EN SCIENCES SOCIALES

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C O L L E C T I O N

j4FS

AMÉLI François : Droit civil - Introduction, biens, personnes, 2e éd., 1997.

AMÉLI François : Droit civil - Les obligations, 1997.

BOURREAU René f Sociologie. générale, 1996.

CHAREILLE Pascal, PINAULT Yves : Statistique descriptive, 1996.

FREYSSINET-DOMINJON Jacqueline : Méthodes de recherche en sciences sociales, 1997.

GÉLARD Patrice, MEUNIER Jacques : Institutions politiques et droit constitutionnel, 2e éd., 1997.

HOANG-NGOC Liêm : Politiques économiques. À paraître.

JOLIVET-ROCHE Elisabeth avec la collab. de Sabine MONNIER : Problèmes économiques contemporains, 2e éd., 1997.

MILLS Catherine : Économie politique, 2e éd., 1997.

PEYRICAL Jean-Marc : Droit administratif, 1997.

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a d m i n i s t r a t i o n é c o n o m i q u e e t s o c i a l e

MÉTHODES DE RECHERCHE

EN SCIENCES SOCIALES

J a c q u e l i n e F R E Y S S I N E T - D O M I N J O N

Maître de conférences

à l'Université Paris 1

Panthéon-Sorbonne

D . . .

m é t h o d e s cours exercices

corrigés lexique

Montchrestien

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Mes vifs remerciements à Christine Barats-Malbrel, Jean-Gabriel Contamin, Anne-Catherine Wagner, ainsi qu 'à Marielle, Jacques et Louis-Noël pour leurs relectures critiques et leurs remarques pertinentes. Soutenue dans la curieuse entreprise de mettre noir sur blanc un enseignement de méthodes de recherche, j ' a i également profité des nombreuses discussions dans le cercle universitaire qui réunit enseignants et étudiants.

C Montchrestien, E.J.A., 1997

31, rue Falguière, 75741 Paris Cedex 15 X ISBN : 2.7076.0692.8

V

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SOMMAIRE

Avant-propos 3

Introduction 5

PREMIÈRE PARTIE : La démarche de recherche 7

Chapitre 1. Principes Les points de repères méthodologiques 9

Chapitre 2. Pratiques Trois approches de la rumeur 29

DEUXIÈME PARTIE : L 'enquête par ques t ionnai re 57

Chapitre 3. Le questionnaire Élaborer et poser les questions 59

Chapitre 4. L'échantillon Choisir la population d'enquête 89

Chapitre 5. Le traitement des données Produire des résultats ........... 111

TROISIÈME PARTIE : L 'enquête par entretien de recherche 141

Chapitre 6. La réalisation de l'entretien Travail de terrain 143

Chapitre 7. L'exploitation de l'entretien Mise en forme des résultats ................... 165

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QUATRIÈME PARTIE : Communicat ion et ana lyses d e s communica t ions 185

Chapitre 8. La communication au regard des sciences sociales Principes et concepts 187

Chapitre 9. Analyses du discours Étudier la mise en mots dans l'espace public 219

Chapitre 10. Analyses de l'image Principes généraux, application à l'image fixe 267

Fiche-conseil 315

Sujets corr igés 319

Bibliographie 331

Lexique 335

Index 343

Table d e s mat ières .................................................................. 347

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AVANT-PROPOS

Ce manuel s'adresse aux étudiants en sciences sociales, spécialement les étudiants de la filière pluridisciplinaire Administration économique et sociale, avec un double objectif théorique et pratique. • Il présente les principes généraux qui sous-tendent la démarche méthodologique des chercheurs - sociologues, psycho-sociologues, politistes, ethnologues, sémiologues - dans leurs travaux d'analyse, de compréhension et d'explication des phénomènes sociaux. • Il donne des outils immédiatement utilisables par les étudiants dans les travaux de recherche universitaire (dossiers, rapports, mémoires) qui leur sont demandés en travaux dirigés, conférence de méthode ou séminaire.

L'unité de conception de l'ouvrage résulte du fait qu'il correspond au programme d'un enseignement de deux semestres donné en amphithéâtre et prolongé en travaux dirigés où, conformément à une des missions majeures de l'Université, les étudiants s'initient « à la recherche par la recherche ».

Les sujets abordés répondent à des besoins précis et des demandes exprimées par les étudiants en position d'apprentis-chercheurs et les enseignants qui les encadrent et les forment.

Ses limites pratiques relèvent du même type de raisons conjoncturelles. Tout ne peut pas être enseigné en une année1. Il faut choisir en tenant compte des intérêts intellectuels, des possibilités d'investissement pratique et de la variété des projets de formation des étudiants. La gamme des méthodes exposées est le reflet de ce choix.

1. Comme le cours de « Méthodes de recherche en sciences sociales » auquel il se refère, l'ouvrage participe à un ensemble disciplinaire plus large. Le lecteur aura intérêt à compléter son information en consultant les autres manuels de la collection, en particulier Sociologie générale. Introduction aux théories classiques de René Bourreau et Statistique descriptive, de Pascal Chareille et Yves Pinault.

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INTRODUCTION

La méthode n'est pas susceptible d'être étudiée séparément des recherches où elle est employée ou du moins ce n 'est là qu 'une étude morte incapable de féconder l'esprit qui s'y livre.

Auguste Comte, Cours de philosophie positive, 1830

La formule énoncée par l'un des fondateurs de la sociologie à propos de l'étude de la méthode éclaire d'emblée la démarche résolument pragmatique suivie dans ce manuel d'initiation aux recherches en sciences sociales.

Le développement diversifié de ce champ d'investigation scientifique du réel rend difficile et sans doute prématurée toute tentative de synthèse. Aussi, la perspective adoptée est moins celle d'un exposé systématique de la méthodologie propre aux sciences sociales que la présentation ordonnée d'une palette de méthodes appuyées sur des exemples empruntés à plusieurs champs disciplinaires : psychologie sociale, ethnologie, sociologie, sociolinguistique, science politique, etc.1

Destiné comme son nom l'indique à être bien en main et utilement manipulé, ce manuel est composé de dix chapitres, articulés en quatre parties autonomes et consultables indépendamment les unes des autres.

La première partie présente les traits généraux de la démarche de recherche en sciences sociales, considérée d'abord dans la généralité de ses principes puis dans la variété de ses pratiques constatées à propos d 'un exemple , l ' ana lyse de la rumeur. Elle se présente comme une sorte d'introduction aux trois autres qui peuvent être abordées dans n'importe quel ordre.

La deuxième partie porte sur la forme extensive et quantitative de l'enquête : l'enquête par questionnaire, présentée dans les principales étapes de son déroulement : élaboration et utilisation de l'outil d'investigation, choix de la population interrogée, traitement des données.

La troisième partie forme une sorte de contrepoint de la précédente en présentant une forme intensive de l'enquête : l'enquête par entretien, dans sa phase de préparation et de réalisation sur le terrain puis dans sa phase de transcription et de traitement.

La quat r ième part ie est en t iè rement consacrée à l ' ana lyse des communications dans le cadre de l'espace public. Après une présentation

1. Les étayages historiques, théoriques et épistémologiques des méthodes en sciences sociales sont présentés dans l'ample ouvrage fondateur de Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, 1996 (101 édit.).

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générale des pr incipes et concepts en j eu dans ce c h a m p de la recherche en sc iences sociales, sont présentées des mé thodes d ' ana lyse des formes verbales puis des formes iconiques de la communica t ion .

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PREMIÈRE PARTIE

LA DÉMARCHE DE RECHERCHE

L'objet de cette première partie est de présenter les principes communs à toutes les recherches engagées avec un objectif de connaissance objective et d'explication du réel, systématisés dans le cadre des recherches en sciences de la nature et transposés dans les sciences sociales (chapitre 1).

La diversité des méthodes d'approche et des processus d'analyse des phénomènes sociaux est illustrée dans une présentation comparée des pratiques de recherche à propos d'un même fait social, la rumeur publique (chapitre 2).

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CHAPITRE 1

P r i n c i p e s L e s p o i n t s d e r e p è r e

m é t h o d o l o g i q u e s

1. La notion de méthode

2. Le cycle de la connaissance scientifique

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Le désir d'apprendre et le plaisir de comprendre sont au fondement de notre activité intellectuelle sous toutes ses formes, courantes ou savantes. Pourtant ces puissants ferments de la pensée ne suffisent pas à rendre celle-ci automatiquement efficace. Dans les processus d'acquisition des connaissances et dans la participation, même modeste à leur élaboration par la recherche, se fait sentir un impérieux et constant besoin de méthode.

Après avoir clarifié la notion (section 1) ce chapitre introductif présente les principes communs à toute recherche scientifique (section 2) dont des exemples contrastés de la mise en œuvre font l'objet du chapitre suivant.

S E C T I O N 1 LA NOTION DE MÉTHODE

De manière générale, une méthode est une démarche consistant à suivre avec application un chemin qui mène à un but fixé en respectant les étapes intermédiaires1.

§1 m DÉFINITIONS

A. Méthode de travail et méthode de recherche

Une marche à suivre est « méthodique » en ce qu'elle refuse le cheminement à l'aventure et les errements source d'erreurs. En ce sens il s'agit d'une méthode de travail dont le respect évite de perdre du temps et augmente les chances de qualité des résultats.

1. J.-M. Nicolle, Histoire des méthodes scientifiques. Du théorème de Thalès à la fécondation in vitro, Bréal, 1994, p. 31.

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Prendre des notes, établir une bibl iographie , t rouver un plan d ' exposé , c o n d u i r e u n e d é m o n s t r a t i o n s o n t a u t a n t d ' o p é r a t i o n s n é c e s s i t a n t de la

m é t h o d e d o n t l ' a p p r e n t i s s a g e se f a i t t o u t au l o n g du c u r s u s s c o l a i r e et universi taire.

Le p o i n t de v u e de la r e c h e r c h e s c i e n t i f i q u e es t un peu d i f f é r en t . Or ien tée vers la p roduc t ion des conna issances , la sc ience a pour objec t i f la

découver te du caché sous le réel, du vrai derrière les apparences . Dans ce sens la m é t h o d e es t l ' e n s e m b l e des o p é r a t i o n s in te l l ec tue l l e s p a r lesquel les u n e d i sc ip l ine , o u b r a n c h e d e la c o n n a i s s a n c e , c h e r c h e à a t t e i n d r e les v é r i t é s

q u ' e l l e p o u r s u i t , les d é m o n t r e , les vér i f ie .

C o m m e le note Made le ine Grawi t z dans ouvrage Méthodes des sc iences

soc i a l e s , ce t te dé f in i t i on p h i l o s o p h i q u e et géné ra l e décr i t une pos i t ion de

l ' e sp r i t h u m a i n devan t la réali té , du sujet devan t l 'objet2. El le dés igne une p rocédure logique et désintéressée, c o m m u n e à toute démarche scientif ique et ar t iculée en un e n s e m b l e de règles d ' app l i ca t ion générale.

B. D e la m é t h o d e o u d e s m é t h o d e s ?

D ' u n po in t de vue pra t ique - po in t de vue qui est pr ivi légié dans ce

manue l - le respect de ces règles définit alors l 'a t t i tude concrète adoptée par le su j e t - che rcheur ou l ' é q u i p e des su je t s -chercheurs à l ' éga rd de l 'ob je t de

r e c h e r c h e et les cho ix por tés sur des m é t h o d e s au sens plus p rosa ïque du te rme : t e c h n i q u e s d e r e c h e r c h e , ou p r o c é d é s a u se rv ice de la m é t h o d e .

Ces c h o i x s ' o p è r e n t c o m p t e t enu des con t r a in t e s ma té r i e l l e s ( cad re

ins t i tu t ionnel , type de f inancemen t , délais) , concep tue l l e s (théQrie, modèle , hypothèses ) ainsi que des pra t iques et tradit ions disciplinaires.

En effet, en tant que b ranches du savoir et vecteurs de la recherche, les

d isc ip l ines s ' o r g a n i s e n t en d o m a i n e sc ient i f ique au tour d ' u n obje t et d ' u n e m é t h o d e . P a r e x e m p l e , l ' h i s t o i r e , c e n t r é e s u r le p a s s é , p r i v i l é g i e la

consul ta t ion d ' a r c h i v e s et l ' ana lyse de documents . L ' a p p r o c h e e thnolog ique des socié tés é lo ignées repose sur p lus ieurs outi ls d ' obse rva t ion du terrain :

j ou rna l de bord, relevés d 'ob je t s , enregis t rements f i lmiques, entret iens auprès d ' i n fo rma teu r s clés. La sociologie s 'es t long temps dis t inguée par l ' u sage du

q u e s t i o n n a i r e s t a n d a r d i s é , a d m i n i s t r é à d ' i m p o r t a n t s é c h a n t i l l o n s d e

populat ion.

(2) M.Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, 1996, p. 317. En choisissant d'utiliser le mot méthode au pluriel, l'auteur marque la diversité des approches possibles de l'homme dans son environnement social. En outre, de façon pragmatique et convaincante, elle récuse les distinctions inutiles entre « sciences humaines » et « sciences sociales » que par ailleurs, le Centre national de recherche scientifique en France (CNRS), classe dans une même rubrique, celle des « sciences de l'homme et de la société ».

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W,W RELATIONS ENTRE MÉTHODES ET DISCIPLINES

Pour autant, les relations entre méthodes et disciplines ne sont ni exclusives ni fatales. Dire que les disciplines s'organisent autour d'un objet et d'une méthode est sans doute vrai à leurs origines, ne serait-ce que pour se distinguer et se légitimer par rapport aux autres branches de la connaissance. Par la suite, chaque discipline s'épanouit en débordant de ses frontières primitives et en forgeant de nouveaux outils de recherche.

Le résultat de ces évolutions est que d'une part, plusieurs méthodes s'affrontent ou se complètent au sein d'une même discipline (au sens institutionnel et universitaire du terme), d'autre part, une même démarche méthodologique est utilisée dans des contextes disciplinaires différents.

A. Le pluralisme des méthodes dans une même discipline

Plutôt que d'employer l'expression de querelle de méthodes en sciences sociales (écoles de pensée et laboratoires de recherche s'affrontent parfois violemment) nous préférons celle de pluralisme méthodologique présenté à partir des exemples de deux disciplines, la psychologie et la sociologie.

1. Approche objectiviste ou subjectiviste ? L'exemple de la psychologie Une manifestation exemplaire et ancienne du pluralisme des méthodes

au sein d'une même discipline est donnée par la psychologie, étude scientifique des faits psychiques. Centrée sur l'individu, elle s'est construite et développée autour de deux méthodes : expérimentale et clinique.

• Les tenants de la psychologie expérimentale étudient les comportements de l'être vivant, animal ou humain - l'apprentissage, la perception, la mémoire, le conditionnement -, pour en établir les lois générales de fonctionnement. Leur méthode est celle de l'expérimentation en laboratoire menée selon des opérations techniques strictement prévues et objectivement contrôlées (voir infra, section 2).

Ils adoptent une démarche dite objectiviste qui pose que les conduites observées chez les individus et dans les groupes peuvent être saisies et comprises indépendamment de la subjectivité du chercheur.

• Les tenants de la psychologie clinique n'adoptent pas cette distanciation stricte par rapport à leur objet de recherche. Au contraire, ils exploitent le fait que, contrairement aux sciences de la matière, l'observateur est de même nature que l'observé. À l'inverse des tenants de la psychologie expérimentale, ils s'appuient sur les interactions de la relation personnelle entre le sujet chercheur et le sujet-objet de la recherche. À leurs yeux, ce champ de l'intersubjectivité relève de la connaissance et se trouve ainsi crédité d'un statut de scientificité.

Le psychologue clinicien (ce n'est pas nécessairement un thérapeute) utilise d'autre moyens d'investigation et d'analyse du fait psychique.

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Contrairement à l'expérimentaliste qui procède à des expériences et organise des observations systématiques sur des échantillons de population dont il analyse statistiquement les résultats, le clinicien procède à l'étude prolongée de cas individuels, abordés selon une méthodologie subjectiviste, dont l'entretien fournit une forme exemplaire.

2. Enquêtes extensives ou interventions sur le terrain Deux méthodes de la sociologie

Le sociologue s'affronte à des problèmes analogues. Dans un passage célèbre de son ouvrage Les Règles de la méthode sociologique (1895), Émile Durkheim pose en principe que la première règle et la plus fondamentale est de considérer les faits sociaux comme des choses.

• Toujours provocante, un siècle après son énonciation, cette formule lapidaire marque le projet durkheimien d'installer la sociologie comme discipline scientifique au même titre que les sciences de la nature, spécialement la biologie, dans leur quête de lois générales d'explication du réel. Non pas que les faits sociaux (les institutions, l'organisation du travail, les systèmes de parenté, etc.) soient pour Durkheim assimilables aux faits de la nature : ils ne sont pas des choses mais comme des choses. En outre, contre le psychologisme et l'idéalisme dont il se méfie, il défend l'idée qu'un fait social ne peut être expliqué que par un autre fait social.

La spécificité des faits sociaux, qui réside à ses yeux dans leur caractère d'extériorité par rapport aux sujets conscients et de contrainte à leur égard, autorise légitimement l'adoption de cette posture objective de distance scientifique dans l'observation, le traitement et l'explication.

Notons pourtant que cette adoption ne va pas sans adaptation. En effet, contrairement aux objets matériels ou naturels, les phénomènes sociaux ne se prêtent pas à l'expérience savante comme celle du chimiste dans son laboratoire ni même à l'observation à distance de l'astronome. Le fait social ne peut pas être découpé en tranches, placé entre deux lamelles de verre et observé au microscope. Le sociologie doit rassembler des données à partir de documents déjà existants (par exemple les statistiques officielles pour Le suicide de Durkheim) ou d'enquêtes systématiques.

De la méthode expérimentale, une partie des sociologues et plus généralement des social scientists conservera les principes généraux de recherche des causes explicatives, mais leur démarche opératoire sera différente. Ne pouvant procéder à une expérimentation directe dans un dispositif d'isolement et de contrôle des variables qui fait apparaître qu'un phénomène X produit un phénomène Y, il procède indirectement en usant de la méthode comparative (covariation ou variation concomitante) : « opération réfléchie par laquelle sont établies les ressemblances et les différences entre deux faits ».

« Nous n 'avons qu 'un moyen de démontrer qu 'un phénomène est cause d'un autre, c'est de comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents et de chercher si les variations qu 'ils présentent dans ces différentes

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combinaisons de circonstances témoignent que l'un dépend de l'autre. Quand ils peuvent être artificiellement produits au gré de l'observateur, la méthode est l'expérimentation proprement dite. Quant au contraire, la production des faits n 'est pas à notre disposition et que nous ne pouvons que les rapprocher tels qu'ils se sont spontanément produits, la méthode que l'on emploie est celle de l'expérimentation indirecte ou méthode comparative ».

Émile Durkheim, Le suicide (1897), PUF, 1981.

• Une autre façon d'analyser le fait social est de l'aborder en intériorité, s'appuyant sur le fait que l'acteur social (individuel ou collectif) pris dans des rapports sociaux (de coopération, de conflit, ou de domination selon les diverses problématiques) adopte une stratégie et joue un rôle social qu'il est capable, dans certaines conditions, de rapporter et d'analyser.

Dans une étude sur le groupe social des étudiants, les chercheurs justifient leur préférence pour ce type d'approche interne sous la forme de l'intervention sociologique (D. Lapeyronnie, J.-L. Marie, Campus blues, les étudiants face à leurs études, Seuil, 1992).

• Le cadre de base

La méthode dite de Y intervention sociologique a été mise au point par Alain Touraine et l'équipe de chercheurs travaillant avec lui dans le cadre d'une sociologie de l'acteur social et des rapports sociaux considérés sous l'angle des nouveaux mouvements : luttes étudiantes, combats féministes, engagement militants contre le nucléaire etc.3

• La justification de principe

Le choix de cette méthode est lié à une conception particulière de l'approche sociologique des conduites sociales. Les recherches en sociologie du monde étudiant sont orientées selon deux grande tendances. La première part d'un point de vue strictement externe et considère que les conduites des étudiants sont commandées par la recherche de l'intérêt ou par des stratégies de classement. Dans ce cas, « l'important est de mettre en évidence les grandes régularités et les correspondances existantes entre les choix individuels et des facteurs objectifs comme l'origine sociale ou des probabilités de succès ou d'échec. Les enquêtes statistiques et les sondages sont tout à fait appropriés » 4. La seconde tendance considère les étudiants d'un point de vue interne dans leur situation vécue et leur expérience spécifique d'étudiants. Elle part du principe que les conduites sociales ne sont purement réactives et contraintes mais sont le fait d'acteurs sociaux, qui ont les capacités positives « de

3. A. Touraine, La voix et le regard, Seuil, 1978 ; Le retour de l'acteur, Fayard, 1984. 4. D. Lapeyronnie, J.-L. Marie, Campus blues, les étudiants face à leurs études, Seuil, 1992, pp. 251-255.

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construire leur propres significations, de produire du changement , ou de changer de références culturelles ». Dans ce cas, la mission du sociologue est de faire émerger ces significations en créant les condit ions de leurs émergence dans le discours des représentants des acteurs eux-mêmes, réunis dans ce but.

• La procédure prat ique

Cette méthode consiste à créer des groupes de 10 à 15 personnes relevant du m ê m e c h a m p social d ' a c t i o n , obje t de la recherche . Ces dern iè res se rencontrent régul ièrement (une douzaine de fois environ) pour échanger leurs réflexions sur leur expérience commune. Les séances de discussion sont fermées ou ouvertes à des interlocuteurs extérieurs. Dans l 'esprit des praticiens de la méthode, « l ' idée est de disposer d 'un espace expérimental où le poids des contraintes est aussi réduit que possible et dans lequel les sociologues "interviennent". Leur travail consiste à tirer les participants au- delà des attitudes et des opinions vers l 'analyse de leur expérience et des rapports sociaux dans lesquels ils sont engagés ».

• Les groupes étudiants de Campus blues

Malgré les difficultés au départ pour convaincre des étudiants de l 'intérêt de la démarche, les chercheurs ont réuni trois groupes d' intervention sur trois sites universitaires (Villetaneuse, Bordeaux, Paris) et mené à bien les débats longs et toujours passionnés de la série de séances prévues.

Il faut préciser que la recherche est complétée par une série d 'entret iens classiques auprès d'étudiants, de lycéens et d'universitaires.

B. L e s u s a g e s t r a n s v e r s a u x d ' u n e m ê m e a p p r o c h e

m é t h o d o l o g i q u e

Au-de là des querel les d ' é co l e s et des effets de mode, on constate que

chaque science sociale puise la rgement dans le lot c o m m u n et transversal des techniques et des mé thodes du c h a m p scientif ique c o m m u n . En conséquence ,

un m ê m e outil d ' inves t iga t ion est utilisé dans des discipl ines distinctes.

Un exemple parmi d ' au t re s illustre le fait : celui des usages mult iples de

l' a p p r o c h e b i o g r a p h i q u e des p h é n o m è n e s sociaux. R e n o u a n t avec la tradit ion de l 'Éco le de Ch icago au début du siècle, les histoires de vie collectées sous

fo rme de récits o raux ou écrits fournissent , depuis une quinzaine d ' années , un matér ie l r e n o u v e l é p o u r des é tudes axées sur l ' ana ly se des p roces sus et la

compréhens ion du changement .

En sc iences sociales , la m é t h o d e repose sur un p a r a d o x e pu i squ ' e l l e

s ' a t t ache à comprend re le col lec t i f à t ravers l ' individuel , et le social dans le

particulier. Pourtant , cet te apparen te contradic t ion se dénoue si on accepte le pr incipe selon lequel apparaî t dans chaque personne la synthèse individual isée et act ive d ' u n e société et que chaque individu représente la réappropr ia t ion

s ingul ière de l 'un iverse l social et h is tor ique qui l ' envi ronne .

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L'École de Chicago (1915-1940)

Sous l'expression « École de Chicago », on entend un ensemble de travaux de sociologie urbaine - spécialement sur l'immigration et l'assimilation des migrants - menées au cours des années 1915-1940 dans le cadre de l'Université de Chicago et qui se caractérisent par le primat de la recherche empirique appuyée sur une méthodologie originale et multiple.

L'approche qualitative de la société urbaine se fait à partir d'études de cas décrits dans des monographies de terrain ou de recherches documentaires faisant appel à un matériel varié de « documents inhabituels c'est-à-dire des lettres, des articles de journaux, des archives de tribunaux, des sermons de prêtres, des brochures de partis politiques, des notes provenant des société d'agriculture,... » *

L'étude emblématique The polish peasant in Europe and America de W. Thomas et F. Znaniecki parue en 1918 repose sur cet éventail de documents, en particulier des lettres écrites par des immigrés polonais aux États-Unis à destination de leurs parents restés en Pologne et « récupérées » auprès de ceux-ci.

Les études quantitatives, quoique moins typiques des travaux de ce courant, furent utilisées en particulier pour l'étude du comportement électoral des communautés ethniques étudiées.

'Lettre de W. Thomas (1912) à S. Harper, fondateur de l'Université de Chicago : cité par A. Coulon, L'École de Chicago, PUF, 1992, p. 84.

De toute façon, cette pratique n'est la propriété d'aucune discipline. Elle est aussi bien le fait de l'ethnologue à défaut d'autres données que de l'historien ou du politiste désireux de renouveler leurs sources et leur angle d'analyse).

SECTION 2

L E C Y C L E D E L A C O N N A I S S A N C E S C I E N T I F I Q U E

La démarche de recherche scientifique s'inscrit dans un processus de découverte symbolisé par la figure du cycle qui met en valeur son caractère circulaire et répétable.

Le cycle de la connaissance scientifique peut être décomposé en quatre temps principaux : théories et formulation d'hypothèses (§1) ; production de données et généralisation de résultats (§2).

5. J. Peneff, La méthode biographique, Colin, 1990 ; G. Pineau, J.-L. Legrand, Les histoires de vie, PUF, 1993 ; D. Bertaux, Les récits de vie, Nathan, à paraître ; V. Milliot, E. Neveu, « Les "mémoires de la politique" », Mots, 32, 1992.

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§ 1 m

LA R E C H E R C H E E N P R O J E T

Tou te r echerche sc ient i f ique s ' inscr i t dans un p rocessus cumula t i f de produc t ion de connaissances . Ses premières phases s ' inscr ivent dans l 'o rdre

d e la r é f l e x i o n , e t d u q u e s t i o n n e m e n t i n t e l l e c t u e l . O n p e u t d i r e qu ' exp l i c i t emen t ou impl ic i tement elle me t en jeu une théorie dont il s ' ag i t de vérif ier la validité, à part ir de la fo rmula t ion d 'hypo thèses .

Le cycle de la connaissance scientifique 1. Composants

Source : inspiré de W.Wallace, The logic of Science in Sociology, Chicago, 1971, adapté par A.P.Contandriopoulos et al., Savoir préparer une recherche,

Presses de l'Université de Montréal, 1990, p. 26.

À la différence du schéma original, et pour éviter la confusion d'un terme exagérément polysémique, nous nommons « données » plutôt qu'« observations » le moment de recherche empirique qui suit l'élaboration des « hypothèses » et précèdent les « généralisations ».

A. Les t h é o r i e s

La recherche scientifique vise à mettre à l'épreuve des théories ou, à défaut de théories achevées, au moins des modèles théoriques partiels.

1. Définition

Une théorie est un système élaboré à par t i r d 'une conceptualisation de la r é a l i t é p e r ç u e ou obse rvée et cons t i t ué p a r un ensemble de propositions dont les termes sont rigoureusement définis et les relations entre les termes posées pour être confirmées ou infirmées.

La théorie demande à être vérifiée quant à sa force d'explication de la réalité. Dans ce sens, ou peut dire avec P. Bourdieu que « les théories sont des programmes de recherche qui appellent non le « débat théorique » mais la

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mise en œuvre pratique capable de les réfuter ou de les généraliser, ou mieux, de spécifier ou de différencier leur prétention à la généralité » 6.

2. Exemple

Les analyses sociologiques du comportement électoral en démocratie pluraliste offrent plusieurs modèles explicatifs du vote, dont un des plus célèbre est celui de l' électeur rationnel. A l'opposé des théories déterministes p roposant une vision de « l ' é l e c t eu r cap t i f », cond i t ionné par ses appartenances géographiques, biographiques et sociales, on construit un modèle stratégique de l 'électeur calculateur. Devant une certaine offre politique affichée avant le scrutin (candidats, partis, programmes), l'électeur opère un calcul rationnel et adopte une stratégie de vote selon le principe du rapport coût/avantage. Pour ce faire, il faut qu'il « identifie ses intérêts et puisse les classer sur une échelle de préférence... {et} aussi qu'il bénéficie d 'une information fiable sur le bilan des sortants et la crédibilité des promesses de leurs opposants » 7.

Une théorie se juge à ses fruits. Si le modèle de l'électeur rationnel ne rend pas compte de la totalité des motivations de vote, il présente l'avantage de bien rendre compte de l'existence des « indécis » en période préélectorale - qui attendent d'être suffisamment informés pour se décider - ainsi que de celle des électeurs « volatiles » qui, d'une consultation à l'autre, changent de camp. Ces deux catégories d'électeurs sont en effet, bien identifiées et caractérisées grâce aux enquêtes par questionnaire avant et après les élections8.

3. Remarques

Pratiquement, les théories et modèles théoriques sont plus ou moins élaborés, les concepts clés plus ou moins définis et les propositions plus ou moins articulées. Dans tous les cas de figure, la tâche préalable du chercheur est de faire le point sur l'état du savoir dans le domaine étudié en passant en revue les travaux sur la question ou des questions similaires et sur les méthodes employées dans ces recherches. Le résultat de cette investigation préalable se matérialise en bibliographies, notes de lecture, synthèses et bilans critiques.

6. P. Bourdieu, (avec L.J.D. Wacquant), Réponses. Pour une anthropologie réflexive, Seuil, 1992, p. 57. (7) P. Braud, Sociologie politique. L.G.D.J., 1994, p. 300. (8) Dans la discussion de ce modèle stratégique systématisé par l'américain A. Downs, (An american theory of democracy, New York, Harper, 1957) P. Braud émet des réserves sur deux points. La nature des discours politiques de « séduction tous azimuts » n'est pas très favorable au sérieux et à la rationalité du choix des citoyens. En outre, est critiquable la notion même de marché, lieu symbolique où s'ajusterait l'offre des professionnels de la politique et la demande des électeurs. L'analogie est de l'ordre de la métaphore plutôt que de celui des concepts savants. (P. Braud, op. cit., pp. 301-303).

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B. Les hypothèses L'étape de la formulation d'une hypothèse ou d'un faisceau

d'hypothèses, quelle qu'en soit la forme plus ou moins rigoureuse, est un moment crucial de la démarche de recherche scientifique.

1. Définitions • En toute rigueur, l'hypothèse est l'énoncé d'une relation de cause à

effet entre deux ou plusieurs phénomènes sous une forme permettant la vérification dans la réalité.

Dans cette perspective stricte, les hypothèses sont des transpositions directes d'une proposition théorique et spéculative dans le monde empirique et pratique. En appelant variable tout caractère ou facteur susceptible de varier, l'hypothèse se définit techniquement comme un énoncé formel des relations attendues entre au moins une variable indépendante (considérée comme éventuellement explicative) et une variable dépendante (ou variable à expliquer).

• Plus largement, l'hypothèse est une proposition supposée dont les origines ne découlent pas nécessairement d'une théorie strictement constituée. Elle peut être le résultat d'observations pratiques de la vie courante. Par exemple, des observations pratiques faites sur « la liaison apparente entre les résultats scolaires obtenus par un enfant et le niveau socio-culturel de la famille » peuvent susciter des hypothèses liées au niveau d'attente des parents (plus élevé dans le cas où ceux-ci sont plus haut dans l'échelle socio- culturelle ?), des enseignants (plus exigeants avec certains enfants ?), ou des enfants eux-mêmes (désireux de se conformer à une norme familiale ?)9.

Elle peut également être le fruit de découvertes fortuites non directement liées à l'objet principal de certains travaux scientifiques. Les fameuses analyses de Pavlov sur le conditionnement animal ou humain ont été menées après que ce dernier ait supposé que certaines sécrétions peuvent être déclenchées non par la nourriture elle-même mais par une stimulation quelconque régulièrement associée pendant un certain temps à cette nourriture et que cette hypothèse ait été vérifiée par la suite10.

2. Qu 'est-ce qu 'une bonne hypothèse ?

Une bonne hypothèse de recherche présente trois qualités. Elle est valide, précise et provisoire.

• Dans la terminologie savante, la validité est la propriété requise pour qu'un instrument de mesure corresponde à la fonction qui lui est assignée et mesure bien ce qu'il est censé mesurer. Toute hypothèse n'est pas recevable. En tant qu'énoncé permettant à terme une mesure, l'exigence de validité d'une hypothèse correspond au caractère plausible et cohérent de sa formulation dans un cadre théorique donné.

9. M. Reuchlin, Les méthodes en psychologie, PUF, 1988, p. 37. 10. M. Reuchlin, op. cit., p. 38.

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• Une hypothèse de recherche r épond à l ' ex igence de p réc i s ion quand elle est formulée de façon claire et non ambiguë. Dans bien des cas il ne peut

pas s ' ag i r d ' u n e précision mathémat ique , à la fois concise et modél isée , mais s e u l e m e n t d ' u n e p r é c i s i o n d é t a i l l é e d a n s la d é f i n i t i o n des n o t i o n s e t la

descript ion des objets. • Enfin, toute hypothèse est provisoi re . Ce n ' e s t pas un résultat ni une

aff irmation scientif ique mais une proposi t ion transitoire. Elle est suscept ible d ' ê t r e r é v i s é e , m o d i f i é e o u m ê m e c a r r é m e n t a b a n d o n n é e en c o u r s de

r e c h e r c h e si e l l e n ' e s t p a s v a l i d é e m a i s i n v a l i d é e p a r les r é s u l t a t s d e

l ' expér ience ou l ' ana lyse des données produites.

§

LA R É A L I S A T I O N D E LA R E C H E R C H E

Une fois te rminé le travail de réf lexion à part ir d ' u n socle théor ique ,

expl ic i tement ou impl ic i tement avancé, et d ' u n e formula t ion d 'hypo thèses , la recherche entre dans une phase d 'opéra t ions pratiques, en laboratoire, sur le

terrain ou à partir de sources documenta i res (statist iques, textes, images)

A. L e s d o n n é e s : p r o d u c t i o n e t t r a i t e m e n t

Sous ce terme, il faut comprendre ici toutes les stratégies de product ion e t de t r a i t e m e n t d ' i n f o r m a t i o n s , m e n é e s d a n s un c a d r e et de s o b j e c t i f s

sc ien t i f iques . L ' i n v e n t a i r e d r e s sé pa r R. G i g h l i o n e et B. M a t a l o n por te à qua t re le cho ix des m é t h o d e s à la d i spos i t i on des c h e r c h e u r s en s c i ences sociales : expér imentat ion, observat ion, enquête , é tude des t r a c e s " .

1. L ' e x p é r i m e n t a t i o n

L ' e x p é r i m e n t a t i o n est la r e p r o d u c t i o n ar t i f ic ie l le e t r é p é t a b l e d ' u n p h é n o m è n e d a n s des condi t ions telles q u ' o n en ma î t r i se tous les p a r a m è t r e s .

Codif iée par Claude Bernard (1813-1878) au milieu du XIXe siècle dans

ses procédures en laboratoire à propos de la recherche b io logique et médicale, elle sert de référence de principe dans la recherche scientifique en sciences de l ' h o m m e et de la société, que les chercheurs s ' en inspirent ou s ' en distinguent.

Le chercheur établi t un plan d ' expé r i ence dont il définit les condit ions,

dél imite les causes et prévoi t les effets. Un exemple fameux en psychologie soc ia le , est d o n n é pa r S t a n l e y M i l g r a m qui r éa l i s e une sér ie de d ix -hu i t

sessions expér imenta les sous la condui te d ' u n expérimentateurl2. Celui-ci met

11. R. Ghiglione, B. Matalon, Les enquêtes sociologiques, Théories et pratique, A. Colin, 1988, p. 11. 12. S. Milgram, Soumission à l'autorité. Un point de vue expérimental, Calmann-Lévy, (1974), 1995. L'expérience est représentée dans le film d'Henri Verneuil, I comme Icare, (1979) où le héros joué par Yves Montand est invité à y assister en observateur caché. Il ne s'insurge contre l'inhumanité de la situation qu'à partir du moment où le sujet envoie à l'élève un « choc électrique » de 150 volts - en apparence - qui entraîne des manifestations visibles de douleur de la part de ce dernier.

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en présence deux sujets, un moni teur et un élève, dans une si tuation apparente d ' a p p r e n t i s s a g e . Il p r é s e n t e l ' e x p é r i e n c e c o m m e le tes t d ' u n e n o u v e l l e m é t h o d e d ' incu lca t ion des connaissances fondée sur la répress ion des erreurs

pa r des pun i t i ons co rpore l l e s d ' i n t e n s i t é c ro issante . En fait , l ' é l è v e est un « c o m p è r e », formé à manifes ter des marques de souffrance croissante au fur

et à mesure du dé rou lemen t de l ' expér ience . Le véri table sujet de l ' expér ience est la pe r sonne volonta i re et naïve, p lacée en posi t ion de moni teur dont on

observe les c o m p o r t e m e n t s d ' o b é i s s a n c e ou de rébel l ion à la règle f ixée au dépar t et aux encouragemen t s de l ' expér imenta teur .

L ' e x p é r i m e n t a t i o n r ep résen te la f o r m e la plus about ie de la m é t h o d e e x p é r i m e n t a l e d é f i n i e c o m m e la d é m a r c h e s c i e n t i f i q u e qui c o n s i s t e à

p r o v o q u e r des observa t ions en vue de cont rô ler des hypothèses . En dehors du laboratoire, la m é t h o d e expér imenta le fonde un certain nombre de mé thodes

d ' o r g a n i s a t i o n des d o n n é e s et d ' a n a l y s e , en pa r t i cu l i e r dans le t r a i t e m e n t c o m p a r a t i f de données statistiques.

2. L ' o b s e r v a t i o n

C o m p a r é e à la m é t h o d e p r é c é d e n t e de l ' e x p é r i m e n t a t i o n e t p a r o p p o s i t i o n avec ce l l e -c i , l ' o b s e r v a t i o n peu t ê t re dé f i n i e c o m m e r e g a r d s y s t é m a t i q u e p o r t é s u r u n e s i t u a t i o n s a n s q u e c e l l e - c i s o i t m o d i f i é e .

P r é c i s o n s q u e c e t t e d é f i n i t i o n r e s t r i c t i v e de la n o t i o n d ' o b s e r v a t i o n

c o r r e s p o n d , d a n s d ' a u t r e s s y s t è m e s de t e r m i n o l o g i e à ce qui es t n o m m é observa t ion d i rec te (voir encadré infra).

Les i n f o r m a t i o n s sont co l lec tées pa r l ' o b s e r v a t e u r à par t i r d ' u n p lan d ' o b s e r v a t i o n p révoyan t les faits per t inents à enregis t rer . Par exemple , une

recherche sur les lieux de convivial i té des pe r sonnes âgées peut concevo i r des plans d ' o b s e r v a t i o n des cafés précisant , duran t un laps de temps donné , les

entrées et sorties des clients, habi tués ou non, les types de consommat ions , de

conversa t ions , de j eux , le c o m p o r t e m e n t des serveurs, etc. Cependant , il faut s o u l i g n e r q u ' u n e des s p é c i f i c i t é s de la m é t h o d e es t de l a i s se r l a r g e m e n t

ouver te la possibi l i té de cons ta ter l ' ina t tendu et d ' en reg i s t r e r l ' imprévu , dans la si tuation précise observée.

3. L ' e n q u ê t e

L ' e n q u ê t e e s t u n e p r o c é d u r e de r e c h e r c h e c o n s i s t a n t à r e c u e i l l i r d a n s u n b u t d e g é n é r a l i s a t i o n des i n f o r m a t i o n s v e r b a l e s p a r i n t e r r o g a t i o n

d ' u n e p o p u l a t i o n d ' i n d i v i d u s . L ' e n q u ê t e u r q u e s t i o n n e des p e r s o n n e s

choisies sans « avoir le désir explici te de modi f ie r la si tuation », ce qui ne veut

pas dire sans effet du tout.

La vogue des enquêtes par sondage auprès d ' échan t i l lons représentat ifs de la populat ion, spéc ia lement les enquêtes d ' o p i n i o n à p ropos d ' é v é n e m e n t s ou de faits de société et les sondages pré-é lec toraux la rgement diffusés dans la

p r e s s e e x p l i q u e l a p a r t i c u l i è r e v i s i b i l i t é s o c i a l e d e c e s t e c h n i q u e s .

L ' i m p o r t a n c e des enquêtes par entret ien de recherche n ' e s t pas moins grande. Il p a r a î t au c o n t r a i r e q u e c e t a u t r e t y p e d ' a p p r o c h e p a r e n q u ê t e n o n

s tandardisée des faits soc iaux prend une part de plus en plus impor tante dans

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la g a m m e des méthodes de product ion des données à des fins de recherche scientif ique. B ien souvent , ma lg ré ses défauts , l ' enquê t e est le seul moyen d ' ob t en i r des informat ions sur une grande variété de caractères personnels ,

d 'op in ions et de compor tements d ' u n m ê m e individu, imposs ib le à obtenir par l 'observa t ion ou en laboratoire.

4. L ' é t u d e des t r aces

D a n s ce c o n t e x t e , l e s t r a c e s s o n t t o u s les d o c u m e n t s , s o u r c e s

s t a t i s t i ques , textes , i m a g e s , ob je t s , p r é e x i s t a n t à la r e c h e r c h e , s i m p l e m e n t

i n v o q u é s e t n o n p r o v o q u é s c o m m e m a t é r i e l d ' a n a l y s e . Pour R. Ghig l ione e t B. M a t a l o n , l ' é t u d e des t races peu t ê t re c o n s i d é r é e c o m m e une f o r m e d ' « o b s e r v a t i o n d i f f é r é e qu i p a r n é c e s s i t é ne s a i s i t pa s d i r e c t e m e n t le

p h é n o m è n e intéressant mais un iquemen t certaines de ses conséquences » sous une forme verbale, iconique, monumenta le , etc.

La qualité majeure des traces est d ' ê t r e saisie par des mé thodes dites

non réact ives qui suppr imen t d ' e m b l é e l ' é p i n e u x p r o b l è m e de l ' in te rac t ion entre le suje t -chercheur (expér imentateur , observateur , enquêteur) et le sujet

ou l ' o b j e t analysé . Ce la ne veut pas dire que la ques t ion des in te r férences subject ives n ' ex i s t en t pas. Le matér iel est l ' ob je t d ' u n choix, son m o d e de t r a i t e m e n t aussi . De plus , c o m m e le s i gna l e les au t eu r s q u e nous c i tons ,

« cer ta ines traces c o m m e par exemple les stat ist iques officiel les sont el les- mêmes des produits sociaux dont la validité peut être ques t ionnée » l3.

L ' o b s e r v a t i o n

Éc la i r ages t e r m i n o l o g i q u e s

La notion d'observation n'est pas univoque. Elle prend des sens différents selon qu'elle est employée au sens banal ou scientifique du terme. Dans ce dernier cas, elle recouvre des réalités différentes selon le contexte où elle est utilisée.

L'OBSERVATION AU SENS COURANT DU TERME Au sens courant du terme, l'observation est « l'action de considérer

avec une attention suivie la nature, l'homme, la société afin de mieux les connaître » (Dictionnaire Robert). Cette attitude d'examen et de jugement s'opère spontanément et, le plus souvent sans interrogation préalable et critique de ses propres convictions, prénotions et préjugés.

L'OBSERVATION AU SENS SCIENTIFIQUE DU TERME

L'observation scientifique se distingue de l'observation courante et spontanée par son caractère rigoureux et construit. Le type d'opération qu'elle caractérise diffère selon qu'elle est considérée comme un des types de position méthodologique ou comme une étape dans le cycle de la recherche.

13. R. Ghiglione, B. Matalon, op. cit., p. 12.

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* L ' o b s e r v a t i o n dé f in ie c o m m e p o s i t i o n m é t h o d o l o g i q u e

Au s e n s méthodologique du terme, l 'observation s e carac tér i se par le fait qu'elle porte sur d e s faits contrôlables s a n s volonté de les modifier.

Observat ion contre expér imentat ion L'observation carac té r i se tou tes les positions méthodologiques au t res

q u e ce l l e d e l ' e x p é r i m e n t a t i o n , c e t t e d e r n i è r e impl iquant u n e ac t ion d ' i n t e r v e n t i o n d a n s le r é e l e t d e m a n i p u l a t i o n d e s v a r i a b l e s indépendan tes .

Observat ion directe ou indirecte

L ' o b s e r v a t i o n d i r e c t e e s t ce l le où le c h e r c h e u r l u i - m ê m e p r o c è d e di rectement au recueil de s d o n n é e s s a n s s ' a d r e s s e r aux sujets conce rnés et qu'il enregis t re selon un plan et une grille d 'observation préa lablement é l a b o r é e . L 'obse rva t ion ind i rec te ( l ' exp re s s ion e s t r a r e m e n t ut i l isée) c o r r e s p o n d à t o u s les c a s où le c h e r c h e u r s ' a d r e s s e aux p e r s o n n e s c o n c e r n é e s et le ques t ionne (enquê te par quest ionnaire ou entretien).

* L ' o b s e r v a t i o n déf in ie c o m m e é t a p e d a n s le p r o c e s s u s d e r e c h e r c h e

Du point de vue de la procédure à suivre pour mener une recherche , le te rme d 'observat ion es t employé d a n s un s e n s large ou étroit.

L'observation, intermédiaire entre les hypo thèses et la généralisation Au s e n s large du terme, l 'observation qualifie l 'étape de confrontation

au réel, en t re l 'opération de formulation d e s h y p o t h è s e s e t celle de la général isat ion s o u s forme de résultats confirmés et extrapolables, de lois scientifiques, etc.

Observat ion d e s d o n n é e s contre trai tement d e s d o n n é e s

Au s e n s plus étroit, par opposition à celles du traitement, l 'observation d é s i g n e les d i v e r s e s moda l i t é s d e co l l ec te /p roduc t ion d e s d o n n é e s : l 'administration d e s ques t ionnai res d a n s le s o n d a g e d'opinion, la conduite d e s e n t r e t i e n s a v e c d e s i n f o r m a t e u r s d a n s l ' e n q u ê t e d e t e r r a in , la consultation d 'archives, les relevés statist iques, etc.

* F o r m e s p a r t i c u l i è r e s d e l ' o b s e r v a t i o n e n s c i e n c e s s o c i a l e s

Observat ion part icipante ou d é s e n g a g é e ? L ' o b s e r v a t i o n p a r t i c i p a n t e e s t le fait d ' u n c h e r c h e u r qui s ' i n t è g r e

expl ic i tement à un groupe , un comité, une institution ou toute e s p è c e d'unité sociale qu'il obse rve de l'intérieur. Pa r exemple, l 'ethnologue qui vit au sein du village ou de la tribu dont il apprend la langue, par tage les travaux, suit les c é r é m o n i e s rituelles. Il agit c o m m e obse rva teu r intégré.

Au contraire , l 'observa t ion d é s e n g a g é e e s t le fait du c h e r c h e u r qui r e s te d é l i b é r é m e n t ex té r ieur aux p h é n o m è n e s soc iaux, ob je t s de s o n analyse .

Observat ion a v o u é e ou inavouée ?

Cet te observat ion d é s e n g a g é e peut ê t re a v o u é e ou inavouée. Dans la situation d 'observat ion avouée , le c h e r c h e u r s ' annonce , s e p r é s e n t e et agit ouver tement . Cet te attitude es t conforme à une stricte déontologie de

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la r e c h e r c h e . Elle p r é s e n t e en o u t r e l ' a v a n t a g e d ' é v i t e r c e r t a i n e s confusions, ent re au t res celle d 'ê t re cons idé ré c o m m e un journaliste à l 'égard duquel il convient d 'adopter une attitude calculée. Dans la situation d 'observation inavouée le che rcheur travaille en secret , dissimulant s e s outils d ' en reg i s t r ement (caméra , m a g n é t o p h o n e ) ou s e diss imulant lui- m ê m e , p a r e x e m p l e d e r r i è r e u n e g l a c e s a n s t a in . D a n s l e s d e u x situations, le chercheur es t un observa teur distancié.

B. La généralisation

La généralisation est l'opération intellectuelle par laquelle on passe de propositions spéciales à de plus généralesl4. Dans le cycle de la recherche, ce qui a été validé et prouvé dans la phase de production traitement de données particulières est pensé comme applicable à un ensemble.

1. Le principe Dans les sciences de la nature et sous certaines conditions, le résultat

d'une expérience, éventuellement renouvelée ou menée parallèlement à une expérience témoin, est généralisé à la classe de faits à laquelle appartient le fait soumis à expérience. Quand Pasteur veut faire la démonstration de l'impossibilité d'apparition du vivant par génération spontanée (théorie encore admise à l'Académie des sciences de Paris dans les années 1860), il organise une expérience en laboratoire : à côté des classiques ballons de verre servant de témoins où, au contact de l'air se développent des micro-organismes, l'expérience se déroule dans des récipients où est assuré une totale stérilité du milieu liquide, support de l'expérience. L'absence de toute formation d'organismes vivants dans ce milieu aseptique apporte confirmation du bien- fondé de l'hypothèse. Appuyé sur ce constat expérimental, Pasteur procède à une généralisation des résultats à l'ensemble de la reproduction du vivant. Par contrecoup, la vieille théorie de la génération spontanée est invalidée.

2. La situation des sciences sociales

En sciences sociales, les modalités de la généralisation varient avec les techniques de production et de traitement des données. L'exemple le plus caractéristique est celui de l' enquête par sondage sur un échantillon représentatif d'individus dont les informations sont produites de façon standardisées (par questionnaire structuré) et les résultats extrapolés à l'ensemble de la population mère.

À l'opposé sur l'échiquier des méthodes, l' étude de cas procède par approche monographique d'objets particuliers : une école, un ministère, une tribu, un village. Choisi comme exemple typique d'un fait social donné, chaque cas est examiné dans sa totalité et sa profondeur avec le même objectif final de totalisation objective.

14. A. Cuvillier, Vocabulaire philosophique, A. Colin.

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On peut dire que le cas est choisi pour son caractère représentatif, non pas au sens statistique mais au sens sociologique du terme. Son étude offre la possibilité « de préciser les conditions sociologiquement pertinentes de la représentativité, puisque s'attachant à décrire les processus concrets de la formation des rapports sociaux ou de l'évolution des institution, elle met à jour les facteurs les plus importants, les moments de rupture les plus déterminants, du moins pour chaque objet étudié. Dès lors la généralisation devient possible puisque l'on voit clairement en quoi chaque cas est particulier » Il.

C. Les deux modes d'entrée dans le cycle Raisonnement hypothético-déductif ou approche inductive

Le cycle de la connaissance scientifique 2. Processus

15. F. Zonabend, « Du texte au prétexte. La monographie dans le domaine européen », Études rurales, 97-98, 1992, p. 35, cité par J. Hamel, « La méthode de cas en sociologie et en anthropologie. Les développements contemporains de la méthodologie qualitative », Revue de l'Institut Solvay, 1994, p. 227.

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Le parcours de pr incipe est simple. À par t i r d ' u n e théor ie ou au moins d ' u n modè le théor ique, le che rcheur é labore des hypothèses qu ' i l soumet à

é p r e u v e en p r o d u i s a n t des d o n n é e s ou o b s e r v a t i o n s e m p i r i q u e s d o n t le r é s u l t a t le c o n d u i t à u n e g é n é r a l i s a t i o n sous f o r m e de p r o p o s i t i o n s et

éven tue l l ement de lois qui confortent , nuancen t ou renversen t la théorie de

départ. Il pr ivi légie la mise en œ u v r e idéale d ' u n r a i sonnemen t hypothét ico- déduct i f qui fait passer des pr incipes aux conséquences qui en résul tent par

rappor t à une démarche induct ive ou la réf lexion passe des cas singuliers ou spéciaux à des propos i t ions plus générales , ou des faits à la loi d ' o rgan i sa t ion de ces faits.

D a n s le s c h é m a c i - d e s s u s , la p r e m i è r e d é m a r c h e a m o r c é e en (A),

co r r e spond au m o d è l e hypo thé t i co -déduc t i f de la r echerche et suppose une t h é o r i e e x p l i c i t e m e n t é n o n c é e , c a r a c t é r i s t i q u e des d i s c i p l i n e s à l o n g u e t rad i t ion de recherche . E n l ' a b s e n c e de théor i e exp l ic i t e , la d é m a r c h e est

pr inc ipa lement induct ive (B) mais non exclus ivement . En effet, le choix de ce

qui est observé repose sur une idée de dépar t appar tenan t à un sys t ème de pensée implici te . A u t r e m e n t dit « aucune recherche ne par t de zéro : toute ac t iv i té s c i en t i f i que p a r t i c i p e à un p r o c e s s u s c u m u l a t i f d ' a c q u i s i t i o n des connaissances » l6.

Certa ines recherches dans des domaines peu explorés ou menées selon

des concept ions moins classiques, abordent le cycle de la connaissance à cette phase du cycle. La démarche induct ive est alors privilégiée. C ' e s t ce qui se

passe dans la m é t h o d e dé jà ci tée des é tudes de cas, où d o m i n e la v isée de compréhens ion de la structure et de la dynamique propre à chaque exemple . Là, le chercheur tente « de cerner par une observat ion flottante, peu focalisée, la présence ou l ' absence de signes at tendus et reste at tent if à des événemen t s

non p rév i s ib les » 17. C ' e s t a p o s t e r i o r i q u ' i l t en te ra de d é g a g e r ce r t a ines régulari tés et avancera des hypothèses .

R e c o n n a i s s o n s en g u i s e de c o n c l u s i o n c r i t i q u e q u e les p r a t i q u e s concrè tes sont s o u v e n t é lo ignées de ce s c h é m a idéal , auque l on se ré fère

cependant c o m m e un fil d ' A r i a n e conceptuel , f ixant des points de repères.

« Ceci est d 'a i l leurs significatif de l 'é ta t actuel des sciences sociales. En physique, les problèmes, les hypothèses proviennent d 'un corps antér ieur de connaissances et de théories, au moins dans le cadre de ce que T.S. Kuhn appelle la « science normale », c 'est à dire celle qui se développe en dehors des périodes de crise où les difficultés les amènent souvent à remettre en cause des part ies importantes de l 'acquis On le sait bien dans les sciences sociales, les idées, les hypothèses viennent d 'où elles peuvent : il n 'y a aucune règle à ce propos, tous les moyens sont bons. Elles peuvent être déduites r igoureusement d ' une théorie, provenir d ' un problème p ra t ique ou d 'un étonnement devant tel aspect de la vie

16. A.-P. Contandriopoulos, Savoir préparer une recherche, la définir, la structurer, la financer, Les presses de l'Université de Montréal, 1990, p. 25. 17. J. Massonat, Les techniques d'enquêtes en sciences sociales, « Observer », Dunod, 1987, p. 40.

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quotidienne, peu importe. Tout l 'effort de r igueur scientifique por te sur les méthodes à mettre en œuvre une fois le problème posé. »

R. Ghiglione, B. Matalon, Les enquêtes sociologiques. Théories et pratique, A. Colin, 1988, p. 20.

La dernière phrase de ce propos const i tue un consta t désenchan té sur les

possibi l i tés de recherche scient i f ique en sciences sociales mais aussi bien une

jus t i f ica t ion lucide de l ' en t repr i se de fo rma t ion aux mé thodes et t echniques qui la font avancer .

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CHAPITRE 2

P r a t i q u e s Trois a p p r o c h e s d e la r u m e u r

1. Une recherche de terrain : La rumeur d'Orléans

2. Des approches expérimentales : Rumeur réelle et rumeur simulée

3. Une analyse narrative : Une rumeur de presse

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§2 L'administration du questionnaire par téléphone 81 A. Avantages du téléphone 81 B. Inconvénients du téléphone 82

§3 L'auto-administration du questionnaire 84 A. L'auto-administration d'un questionnaire diffusé par

un agent 84 B. L'auto-administration d'un questionnaire envoyé

par la Poste 85

CHAPITRE 4 L'échantillon. Choisir la population d'enquête 89

Section 1 Présentation d'ensemble 91

A. Principes généraux 91 B. Terminologie de base 94

Section 2 Le sondage probabiliste 95 §1 Principes et procédures 96

A. Le tirage systématique 97 B. Exemple : un sondage aléatoire dans la commune

de Champigny 97 §2 Procédés pour améliorer le tirage des échantillons ... 98

A. Le tirage par grappe 99 B. Le tirage par degré 100 C. L'échantillon stratifié 100

§3 Un exemple de « manipulation » de la technique de sondage 101

A. La contestation des résultats d'une enquête périodique pour le compte du Centre d'étude des supports de publicité 101

B. La fraude au sondage 102

Section 3 Le sondage empirique, la méthode des quotas . 104 §1 Principe 104

A. Définition 104 B. Conditions nécessaires 105

§2 Procédure de construction de l'échantillon par quotas . 106 A. Description des opérations préalables au travail

de terrain 106 B. Exemple : un plan de sondage pour la ville

de Grandmont 107 C. Le travail sur le terrain ................................................ 108

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CHAPITRE 5 Le traitement des d o n n é e s Produire des résul ta ts 111

Section 1 Les opérations préalables 113

§1 Le contrôle de la qualité des questionnaires remplis .. 113 §2 Le codage des réponses aux questions fermées 115 §3 Le codage des réponses aux questions ouvertes 117

Section 2 Les traitements élémentaires 120

§1 Le tri à plat 121 §2 Le tri croisé 124

Section 3 Les traitements complémentaires 131

§1 Vue d'ensemble de l'analyse des données 132 A. Les objectifs 132 B. La gamme des méthodes 132

§2 Une typologie de la jeunesse à partir de la consultation des jeunes de 1994 135

A. Résultats des traitements élémentaires 135 B. L'analyse typologique 137

- " ' 1 "—1 1 1 —""— — " <*' 1 - - - 1 • •••• 'I | TROISIÈME PARTIE ]

L'enquête par entretien de recherche 141

CHAPITRE 6 La réalisation de l'entretien. Travail de terrain 143

Section 1 Principes 147

§1 La non-directivité 148 A. Le résultat d'une double rupture 148 B. La proposition d'une nouvelle attitude 149 C. Les types d'entretien de recherche : non directifs,

semi-directifs, directifs 150 §2 Le contrat de communication 151

A. Le contrat initial 152 B. Le contrat de fond ...................................................... 153