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1/8 La gauche au défi de la mi-mandat par Pierre Moscovici Nicolas Sarkozy atteint aujourd’hui la mi-mandat de son quinquennat. Il tente, par l’aveu calculé de quelques fautes, sinon mineures du moins formelles, comme son séjour sur le yacht de Vincent Bolloré ou la tentative de nomination de son fils Jean à la tête de l’EPAD, de faire oublier la pauvreté de son bilan, la gravité des conséquences de sa politique. Il tente de se faire passer pour un rénovateur énergique mais incompris, dont la deuxième moitié de mandat montrera infailliblement la cohérence. La vérité n’est pas si doucereuse : le sarkozisme reste une liquidation, il aura au terme de cinq ans brutalisé la société française, il la dévasterait s’il devait durer dix ans. Cette liquidation est, au moins, double. Elle touche d’abord le modèle économique et social français composante essentielle de cette identité de la France que la droite exalte tant. Car sa politique est à la fois formidablement injuste et totalement inefficace. Où est passé le Président du pouvoir d’achat et de la croissance ? Le pays est en récession, le chômage explose, la précarité s’étend, la compétitivité s’étiole, les déficits se creusent, la dette grandit de façon himalayesque. Nicolas Sarkozy, pendant ce temps, sans renoncer à un discours ” progressiste “ et à une ouverture-débauchage, s’accroche à une politique fiscale et sociale qui favorise les plus privilégiés, pénalise les plus modestes, fait des chômeurs des suspects, appauvrit les services publics, affaiblit les droits sociaux : le bouclier fiscal en est le symbole le plus évident, il n’en est pas la seule preuve. La seconde liquidation est celle de notre patrimoine républicain. Liberté, égalité, fraternité : aucun des piliers de notre devise nationale ne sort indemne de la pratique politique d’un Président qui ne veut voir d’autre pouvoir que le sien. L’exécutif, c’est lui : le Premier ministre est transparent, le gouvernement réduit à un rôle de figuration, seul ses conseillers ont de l’influence. Le législatif, c’est lui : le Parlement reste une chambre d’enregistrement, chaque velléité de rébellion de sa majorité est sévèrement matée. L’audiovisuel, c’est lui : il veut nommer les Présidents de l’audiovisuel public, comme au temps de l’ORTF. La justice, c’est lui : il souhaite supprimer le juge d’instruction, garant de la poursuite des ” affaires “ les plus délicates. Bien sûr, la réalité est plus complexe, nos institutions résistent. Mais l’assaut est bien réel, comme le sont les menaces pesant sur les libertés, la remise en cause souterraine de la laïcité, l’instrumentalisation de l’identité nationale au service d’une politique ambiguë, la volonté de recentralisation qui s’exprime à travers la réforme des collectivités territoriales ou la suppression, aberrante, de la taxe professionnelle telle qu’elle est conçue. Cette charge est sans nuance, certes. Le chef de l’Etat est aussi un homme énergique, ambitieux, volontaire. Quelques unes de ses réformes – le RSA, le Grenelle de l’environnement, le traité de Lisbonne – sont estimables. Il est actif sur la scène internationale – de façon souvent brouillonne et sans rehausser autant qu’il le laisse croire l’image de la France. Mais sa politique est dangereuse. C’est pourquoi, par delà les petits travers qu’il se reconnaît, elle n°26 11 novembre 2009

Mur de Berlin, DIC, Europe, .... la lettre d'information n°26 de Besoin de Gauche

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La gauche au défi de la mi-mandatpar Pierre Moscovici

Nicolas Sarkozy atteint aujourd’hui la mi-mandat de son quinquennat. Il tente, par l’aveu calculé dequelques fautes, sinon mineures du moins formelles, comme son séjour sur le yacht de Vincent Bolloré oula tentative de nomination de son fils Jean à la tête de l’EPAD, de faire oublier la pauvreté de son bilan, lagravité des conséquences de sa politique. Il tente de se faire passer pour un rénovateur énergique maisincompris, dont la deuxième moitié de mandat montrera infailliblement la cohérence. La vérité n’est pas sidoucereuse : le sarkozisme reste une liquidation, il aura au terme de cinq ans brutalisé la société française,il la dévasterait s’il devait durer dix ans.

Cette liquidation est, au moins, double. Elle touche d’abord le modèle économique et social français –composante essentielle de cette identité de la France que la droite exalte tant. Car sa politique est à la foisformidablement injuste et totalement inefficace. Où est passé le Président du pouvoir d’achat et de lacroissance ? Le pays est en récession, le chômage explose, la précarité s’étend, la compétitivité s’étiole, lesdéficits se creusent, la dette grandit de façon himalayesque. Nicolas Sarkozy, pendant ce temps, sansrenoncer à un discours ” progressiste “ et à une ouverture-débauchage, s’accroche à une politique fiscale etsociale qui favorise les plus privilégiés, pénalise les plus modestes, fait des chômeurs des suspects,appauvrit les services publics, affaiblit les droits sociaux : le bouclier fiscal en est le symbole le plus évident,il n’en est pas la seule preuve.

La seconde liquidation est celle de notre patrimoine républicain. Liberté, égalité, fraternité : aucun despiliers de notre devise nationale ne sort indemne de la pratique politique d’un Président qui ne veut voird’autre pouvoir que le sien. L’exécutif, c’est lui : le Premier ministre est transparent, le gouvernementréduit à un rôle de figuration, seul ses conseillers ont de l’influence. Le législatif, c’est lui : le Parlementreste une chambre d’enregistrement, chaque velléité de rébellion de sa majorité est sévèrement matée.L’audiovisuel, c’est lui : il veut nommer les Présidents de l’audiovisuel public, comme au temps de l’ORTF.La justice, c’est lui : il souhaite supprimer le juge d’instruction, garant de la poursuite des ” affaires “ lesplus délicates. Bien sûr, la réalité est plus complexe, nos institutions résistent. Mais l’assaut est bien réel,comme le sont les menaces pesant sur les libertés, la remise en cause souterraine de la laïcité,l’instrumentalisation de l’identité nationale au service d’une politique ambiguë, la volonté derecentralisation qui s’exprime à travers la réforme des collectivités territoriales ou la suppression,aberrante, de la taxe professionnelle telle qu’elle est conçue. Cette charge est sans nuance, certes.

Le chef de l’Etat est aussi un homme énergique, ambitieux, volontaire. Quelques unes de ses réformes –le RSA, le Grenelle de l’environnement, le traité de Lisbonne – sont estimables. Il est actif sur la scèneinternationale – de façon souvent brouillonne et sans rehausser autant qu’il le laisse croire l’image de laFrance. Mais sa politique est dangereuse. C’est pourquoi, par delà les petits travers qu’il se reconnaît, elle

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est massivement rejetée. La majorité des Français attendent une alternative, ils ne souhaitent pas saréélection.

Nicolas Sarkozy n’est pas imbattable, il est vulnérable, il peut, il doit être battu en 2012. Il peut, il doitêtre battu, il le sera… si la gauche et le Parti socialiste sont à la hauteur de l’attente qui se tourne vers eux.Or, à mi-mandat, force est de reconnaître que nous n’avons pas convaincu. Certains des nôtres, ou desintellectuels, ne cessent de proclamer la mort annoncée du Parti socialiste, d’appeler à son changement denom, à la destitution de des dirigeants. Je ne suis pas de cet avis. Non, le Parti socialiste n’est pas un astremort, oui, il y a en son sein des ressources politiques, d’intelligence, humaines, à nulles autres pareilles.C’est par là, et par là seulement que passera l’espérance du changement.

Force est toutefois de reconnaître la réalité de notre malaise, que les années écoulées n’ont pas réduit, aucontraire : le triste congrès de Reims, la campagne ratée des élections européennes, le spectacle de nosdivisions ne plaident guère en notre faveur. Pour redevenir la grande force d’alternance dont le pays abesoin, le Parti socialiste doit impérativement affronter sa triple crise. Crise intellectuelle d’abord : qu’est-ce qu’être socialiste au XXIème siècle ? Quelle vision pour la France et l’Europe dans le monde de demain ?Quel projet, à la fois ancré à gauche face à la crise du capitalisme, et réaliste, pour résorber les dettesvertigineuses laissées par la droite, bref à la fois réformiste et radical ? Crise des alliances, ensuite. Lesoppositions sont majoritaires en France, mais elles demeurent éclatées et faibles : comment les réunir ?Comment, au deuxième tour, rassembler les voix de toute la gauche et du Centre ? Crise de leadership,enfin.

Depuis le 21 avril 2002 et la terrible défaite de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle, nousn’avons plus de leader qui soit à la fois l’incarnation du parti et son candidat naturel à l’électionprésidentielle, comme le fut avec succès François Mitterrand : comment, par une primaire ouverte,désigner l’un(e) des nôtres, puis nous battre, en équipe, pour l’emporter en 2012 ? Le seul remède pour cefaire c’est le travail, un travail à la fois modeste, méthodique et acharné, car le temps presse. Notrerefondation à la fois partisane, intellectuelle et morale est un impératif catégorique. Martine Aubry l’alancée depuis la rentrée 2009, mais les pesanteurs, les lenteurs existent. Nous devons accélérer,considérablement, et beaucoup améliorer notre offre politique.

Si la gauche remplit ce cahier des charges exigeant, si elle sait proposer aux Français une société plusdouce et plus juste que celle de Nicolas Sarkozy, si elle répond aux défis économiques et sociaux soulevéspar la crise, si elle sait se rassembler et se moderniser, alors elle sera au rendez-vous de 2012. A mi-mandat,rien n’est joué. Mais pour paraphraser Barack Obama, j’ai envie de dire, si nous menons une rénovationprofonde et sincère : oui, nous le pouvons!

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Rama Yade fait fausse routePar Henry Moreigne

Pour aller à la bataille de la popularité, Rama Yade a enfourché le mauvais cheval. Dans un communiqué, lasecrétaire d’Etat aux Sports, s’est déclarée opposée à la suppression des exonérations fiscales liées au droità l’image collectif (DIC), adoptée à la quasi unanimité en commission par les députés. Quelques heures plustard, dans l’hémicycle, sa ministre de tutelle, Roselyne Bachelot, appuyée par son collègue du Budget, EricWoerth, invoquait des arguments inverses pour approuver la suppression du DIC dès la fin 2009.

Derrière la cacophonie gouvernementale se pose une vraie question de justice fiscale. Doit-il y avoir desexonérés de l’effort national ? Est-il en effet admissible en période difficile que le contribuable se substitueaux clubs pour acquitter les cotisations sociales de sportifs aux très importantes rémunérations ? Unequestion de cohérence également. Peut-on d’un côté stigmatiser les patrons aux salaires trop élevés et del’autre faire preuve de mansuétude à l’égard des sportifs professionnels ?

Dans un rapport publié en début d’année, la Cour des comptes préconisait de supprimer totalement le droità l’image collective (DIC). Un dispositif fiscal, en vigueur depuis février 2005, qui permet d’exonérer decharges sociales (salariales et patronales) jusqu’à 30 % de la rémunération brute des sportifsprofessionnels.

En 2003, un rapport rédigé à la demande du ministre des sports observait que la rémunération de l’imagedes sportifs professionnels était parfois assurée par les clubs professionnels, notamment dans le domainedu football, sous la forme de versements d’honoraires à des sociétés-écrans, de telle sorte que les salairespouvaient être artificiellement minimisés, afin de ne pas payer de cotisations sociales. Simultanément ceshonoraires étaient dissimulés à l’administration fiscale, afin de ne pas acquitter d’impôts.

Ne pouvant justifier la suppression de certaines charges sociales par le seul fait qu’elles pouvaient fairel’objet d’une fraude, la mise en place du DIC par la loi du 15 décembre 2004 avait été motivée par unevolonté d’amélioration de l’attractivité des clubs sportifs professionnels français, toujours principalementdans le domaine du football.

Trois conditions doivent être réunies pour la mise en œuvre de ce dispositif. Le sportif doit être rémunérépar une société, il doit évoluer dans un sport organisé en équipes, et une convention collective doit régir ladiscipline sportive et déterminer les modalités de calcul de la part de la rémunération qui est supposéecorrespondre à la rétribution du “droit à l’image collective”.

Trois disciplines ont immédiatement bénéficié de cette exonération partielle des cotisations sociales : lefootball, le rugby et le basket-ball. Par la suite, le cyclisme, puis le hand-ball ont également mis en place leDIC. Mais, comme le pointe la Cour des comptes, au-delà de ces quelques disciplines, le système estsusceptible d’une extension large aux pposrt individuels dans la mesure où ses dispositions peuvents’appliquer à tous les sports où une notion d’équipe est susceptible d’apparaître en compétition.

Là où ça coince, c’est que le code de la sécurité sociale dispose, que toute mesure d’exonération decotisations de sécurité sociale doit être compensée par le budget de l’Etat. La perte de recettes liée au DICest donc compensée par le contribuable. Concrètement, 32 M€ pour 2008 au bénéfice de 1 267 sportifs(639 footballeurs, 492 rugbymen et 136 basketteurs).

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Outre le fait que le dispositif n’a pas fait ses preuves comme l’a rappelé Roselyne Bachelot puisqu’il “n’apas empêché les départs massifs vers l’étranger des joueurs de Ligue 1“, la Cour des comptes est trèsradicale dans ses conclusions : “Dans un contexte marqué par les très fortes contraintes budgétairesactuelles, les écarts de rémunération entre sportifs professionnels français et étrangers n’ont pas vocation àêtre comblés par les finances publiques”.

L’amendement, proposé et adopté par les députés reprend donc la proposition des sages de la rue Cambonet ne fait qu’anticiper la suppression du dispositif prévue en 2012.

L’intérêt général s’est heurté aux intérêts corporatifs représentés par les anciens champions olympiquesJean-François Lamour et David Douillet, un peu vite repris par la secrétaire d’Etat aux Sports qui, pousséepar les ligues professionnelles, s’est démarquée en évoquant une suppression “dangereuse”.

L’argument est toujours le même : “Il faut bien payer les joueurs si on veut avoir les meilleurs et conserverl’élite française dans l’hexagone”. Une dialectique semblable à celle du milieu de l’entreprise.

Bâti sur le modèle ultra-libéral, le sport professionnel constitue une caricature du capitalisme sauvage. Cen’est pas un hasard si en toute discrétion, la veille de l’adoption de l’amendement sur le DIC, les députésont renoncé à supprimer un autre avantage fiscal qui permet aux sportifs d’atténuer la progressivité del’impôt en lissant leurs revenus sur les trois ou cinq dernières années. Cette mesure permet de réduire d’untiers le revenu imposable des intéressés.

Rappelons quand même que le seul salaire (hors sponsors) pour un honnête footballeur de Ligue 1, est enmoyenne de 40 000 euros mensuels.

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Et maintenant ?Par Sébastien Poupon

L’adoption du traité de Lisbonne va nous permettre d’enfin adapter nos institutions aux réalités del’élargissement. Ceci étant fait, nous allons devoir nous poser la question des frontières théoriques de l’UE: jusqu’où peut et doit aller l’élargissement dans le futur ? Les négociations ouvertes avec la Croatie sont lesseules à ne poser aucun problème particulier et rien ne devrait empêcher ce pays de rejoindre l’Union àmoyen terme. Le cas de la Macédoine est plus délicat : non seulement, on peut imaginer que la situationéconomique actuelle de ce pays rendra la procédure plus longue mais il y a encore le problème totalementinvraisemblable des protestations grecques quand au nom de ce pays. Ce qui montre bien que l’Europe aencore du travail devant elle avant de pouvoir affirmer avoir chassé les fantômes du passé et lessentiments nationalistes. La remise sur le tapis de la question des Sudètes par le président Klaus aconstitué récemment une autre douloureuse piqûre de rappel.

Cela étant dit, les pays des Balkans ont tous vocation à intégrer l’union un jour comme l’a confirmél’adoption de l’agenda de Thessalonique en 2003 à l’unanimité des chefs d’états et de gouvernements.Imaginer la Bosnie Herzégovine, la Serbie et la Croatie cohabiter dans le même ensemble européen n’est,après tout, pas plus invraisemblable que ne l’ont été à l’époque les initiatives franco-allemandes amorçantla création de la CEE. Ce serait une victoire de plus pour l’esprit européen. Néanmoins, il ne faut pas seleurrer : la question du Kosovo risque de poser des problèmes particuliers. Ajoutons à cela le fait quecertains pays européens n’ont toujours pas reconnu l’indépendance de la nouvelle république. C’est unequestion sensible y compris pour les modérés à Belgrade qui craignent que toute concession sur ce sujet neravive le nationalisme serbe, encore extrêmement puissant, et ne favorise la droite populiste europhobe.

Le cas de la Norvège, de la Suisse et de l’Islande est bien sur totalement différent. Aucun signal de la partdes deux premiers, pays prospères qui ont toujours refusé l’Union mais la crise financière considérable qu’aconnu l’Islande récemment a fait naître un sentiment pro européen au sein de cette nation. Ce n’est qu’unbalbutiement, motivé avant par de simples questions d’intérêts et d’opportunités, mais l’idée devrait faireson chemin.

A l’est, on pourrait imaginer que le Belarus, l’Ukraine et la Moldavie ont également vocation à intégrerl’Union un jour ou l’autre. Un certain nombre de personnes rejettent cette possibilité, estimant que celaaboutirait à de nouvelles tensions avec la Russie. S’il est vrai que Moscou redoute cette hypothèse - sonattitude lors de la Révolution Orange ukrainienne a montré qu’elle ne tient pas à voir l’Ukraine serapprocher de l’UE - fermer, de manière définitive, la porte de l’Union à ces anciennes républiquessoviétiques aurait pour conséquence d’empêcher ces pays de se moderniser économiquement et surtoutd’acquérir une véritable culture démocratique. On sait que la carotte d’une éventuelle adhésion à l’UEreprésente souvent un accélérateur de réformes. La situation de ces 3 pays est néanmoins contrastée : laMoldavie est un pays de culture majoritairement roumanophone donc latine et dont la volonté d’adhérer àl’UE ne fait guère de doute. L’Ukraine est morcelée entre influence russe et occidentale. Quant au Belarus,il demeure à bien des aspects lié à Moscou sans occulter le fait que la démocratie est quasi inexistante àMinsk.

La question turque entraîne des débats ultra passionnés comme aucun autre candidat dans l’histoire. Pourses détracteurs, la Turquie ne se situe pas en Europe : pourtant l’antique Byzance devenue ensuiteConstantinople a été pendant des millénaires capitale de l’empire romain d’Orient. Certaines personnes ycompris à gauche craignent sans l’affirmer clairement l’entrée dans l’UE de 80 millions de musulmans. On

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retrouve également des arguments plus précis, telles que les questions arméniennes, kurdes ou chypriotesvoire la nature douteuse de la démocratie turque qui a subi dans son histoire de nombreuses interventionsde l’armée. Ces problèmes devront évidemment être résolus. Le dernier point, à savoir la toute puissancede l’armée, a grandement été amélioré mais paradoxalement le succès populaire de l’AFK - qui a permisune alternance démocratique sans trop de remous - fait naître de nouvelles inquiétudes quand à unepossible remise en cause de la nature laïque du régime qui constitue pourtant l’un des fondements de laTurquie depuis Ataturk.

Néanmoins, sur le principe, l’adhésion de la Turquie à l’UE comporterait bien plus d’avantages qued’inconvénients. Grand pays à majorité musulmane, elle acterait dans les faits le coté multiculturel duprojet européen d’autant plus que cette nation, membre d’un certain nombre d’organisationseuropéennes ou encore de l’OTAN, joue depuis un certain temps le rôle de pont entre l’Occident et lemonde musulman. La présence de la Turquie serait un argument de choix pour une Union désireuse dejouer un rôle politique et diplomatique au Proche Orient : la Turquie est l’un des seuls pays musulmans àbénéficier de bonnes relations avec Israel (même si le climat s’est un peu tendu à la suite des déclarationsinacceptables d’Erdogan à l’encontre de Shimon Peres) ce qui renforce son caractère de médiateurpotentiel. Une Turquie moderne, laïque, intégrée à l’Europe et développée économiquement servirait demoteur et d’exemple aux musulmans progressistes désireux de moderniser leur pays sur la voie de ladémocratie partout dans le monde… l’UE de son coté devenant plus crédible dans ses contacts avec lemonde musulman. Enfin, sur le plan économique, la Turquie représente une route alternative pour parveniraux ressources énergétiques du Caucase, libérant ainsi des régions entières du diktat russe.

Réfléchissons bien à ceci : la Turquie a accompli des efforts afin de se mettre en conformité avec lesexigences européennes mais depuis quelques temps, l’enthousiasme turc en vue d’une éventuelleadhésion a soudainement baissé. On peut imaginer que les réactions mitigées voire franchement hostilesde certains pays d’Europe n’y sont pas pour rien. La Turquie est un grand pays et le peuple turc un peuplefier : il prendrait ce rejet pour une humiliation et se tournerait alors probablement vers l’est. Demandons sinous préférons une Turquie appauvrie, proche peut-être de régimes peu reluisants ou alors une Turquieprospère, intégrée et prête à jouer son rôle de pont entre l’Europe et le Moyen Orient. Même si la Turquiedoit encore franchir de nombreux paliers, son adhésion à moyen terme est fortement souhaitable.

Nous aurons alors probablement atteint les limites naturelles de l’Europe même si certaines questionspeuvent encore se poser : doit-on s’étendre encore plus quitte à abandonner la vocation uniquementeuropéenne de l’UE ? Une adhésion même à long terme de la Russie ne semble pas souhaitable tant elledéséquilibrerait au niveau géographique, démographique et même diplomatique le projet européen. Lecas des pays caucasiens amène certaines interrogations surtout si l’on considère le désir de rapprochementd’un pays comme la Géorgie. Une véritable union de la Méditerranée sous une forme plus aboutie,devrait permettre de créer les conditions d’un partenariat productif entre les deux rives sans pour autantdevoir poser la question de l’adhésion qui semble inenvisageable sauf à changer totalement de naturel’essence même du projet de l’Union. Les cas du Liban, d’Israël et du futur état palestinien sont différents :petits états démocratiques dans une région troublée du globe, rien ne permet d’affirmer qu’unepacification définitive de cette région ne pourrait avoir comme aboutissement l’entrée de ces 3 pays dansl’Union. Une solution comme une autre pour parachever un processus qui passerait par le droit à la sécuritéd’Israël, celui à l’existence d’un état palestinien viable, le rétablissement de l’état de droit au Liban et ledémantèlement définitif des groupes terroristes tels que le Hamas ou le Hezbollah. Mais nous parlons ici dulong terme. En attendant, il faudra s’impliquer afin d’obtenir à court terme un règlement du conflit auProche Orient. Ceci est déjà un autre débat, tout aussi important.

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Hortefeux rime avec couvre-feuPar Henry Moreigne

Couvre-feu ou contre-feu ? Brice Hortefeux n’a pas seulement de l’humour, il a aussi des réflexions. Mardisoir, à Paris, lors de rencontres organisées avec des élus UMP, le ministre de l’Intérieur, a lancé l’idée d’uncouvre-feu ciblé sur des mineurs délinquants de moins de 13 ans. Vieille recette et grosse ficelle. Quand çatangue dans la majorité présidentielle, on agite le chiffon rouge des trois “i” : immigration, insécurité,identité nationale.

La stratégie est limpide : déplacer les projecteurs et caméras braqués depuis quelques temps sur lespolémiques internes de la majorité vers un sujet éculé sur lequel on est sûr que la gauche va foncer têtebaissée. Pas sans arrières pensées électoralistes. Le gouvernement table sur une reconquête de l’électoratde la droite de la droite. Noël Mamère ne s’y est guère trompé qualifiant la manœuvre de “Recherche LePen désespérément“.Selon le ministre de l’intérieur la part des mineurs dans la délinquance a augmenté de près de 5 % en un an,pour atteindre 18 %. Cette délinquance des mineurs serait également de plus en plus violente, avecl’apparition d’armes blanches et d’armes létales et de plus en plus jeune. Face à ce constat, Brice Hortefeuxse déclare “de plus en plus partisan d’une mesure qui aurait le mérite de la simplicité, de la lisibilité et del’efficacité: qu’un jeune de moins de 13 ans qui aurait déjà commis un acte de délinquance ait uneinterdiction de sortie nocturne s’il n’est pas accompagné d’un adulte“.Une réflexion, pas une décision a bien spécifié le ministre qui a précisé que, si ce «couvre-feu» entrait enapplication, il s’agirait d’une mesure administrative, puisqu’il s’agirait de “permettre au préfet de décider del’interdiction de sortie (du) mineur une fois la nuit tombée“.Simplicité, lisibilité et efficacité ?

Totalement faux pour Emmanuelle Perreux, la présidente du Syndicat de la magistrature qui, au micro deFrance Info , dénonce “le fantasme et la surenchère“. “C’est une fois de plus une déclaration totalementdémagogique. C’est une mesure dont on voit mal comment elle pourrait être appliquée puisqu’il n’est pasmarqué sur le front de nos enfants qu’ils ont commis un acte de délinquance. Elle remet encore l’éclairagesur les mineurs comme s’il fallait se méfier de nos enfants. Le ministre prétend que la violence des enfantsde moins de 13 ans augmente, c’est faux. Il y a des études sociologiques qui ont démontré exactementl’inverse“.Au sein même de la majorité, ça devient une habitude, le député UMP des Yvelines Pierre Cardo, se déclare“extrêmement réservé sur la mise en œuvre” et place le ministre de l’intérieur face à ses contradictions enestimant que “ça pose quand même un problème de moyens“. “Ca pose plusieurs questions. D’abord, lesmineurs de moins de 13 ans qui se proménent la nuit ne sont pas tous des délinquants. Pour la plupart ilsn’ont pas de papiers d’identité sur eux. Conclusion, c’est mon avis, ça va poser quelques petits problèmesd’identification d’autant que la nuit on a pas autant de policiers que ça qui se promènent dans nosquartiers. Aujourd’hui dans nos quartiers, nous avons des gens qui ont une interdiction de séjourner sur leterritoire, je les vois assez souvent dans la journée. Je n’ai pas l’impression assez souvent que les services depolice arrivent à les identifier“.

Si Nicolas Comte du syndicat de police SGP-FO partage le constat et estime qu’il existe “un vrai problèmeavec la délinquance des mineurs“, il juge toutefois que l’idée est “totalement inapplicable“. Le syndicalisterelève la schizophrénie du gouvernement “qui s’engage dans une politique de réduction d’effectifs de lapolice nationale qui est assez importante” mais aussi le fait qu’on ne peut pas reconnaître un mineurdélinquant sauf … à les contrôler tous.

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