7
Musique de la Grèce antique Instrument de musique en bronze, précurseur du sistre. IV e siècle av. J.-C. Département d'art grec et romain (Metropolitan Mu- seum of Art). La musique tient une place essentielle dans la vie so- ciale, politique et religieuse de la Grèce antique. Pour les Grecs, la musique est le plus beau des arts, en même temps qu'une science, objet des plus hautes spéculations philosophiques ; en ce sens, les Grecs lui ont accordé plus d'importance qu'aux arts majeurs que furent pour eux la poésie, la danse et la médecine. Le rôle essentiel de la musique dans le monde grec apparaît dans plusieurs de leurs mythes : celui d'Orphée, qui réussit grâce à sa mu- sique à convaincre le dieu des enfers, Hadès, de rendre à la lumière du jour son épouse Eurydice, est considéré comme le mythe fondateur de la musique ; mais il est at- testé surtout par de très nombreux témoignages littéraires, papyrologiques et épigraphiques, par les représentations figurées sur la céramique, par les vestiges que nous avons conservés de leurs instruments à cordes, à percussion et à vent, et par plus d'une cinquantaine de partitions [1] . À l'époque archaïque (des origines au VI e siècle av. J.- C.), la musique est pratiquée uniquement par des musi- ciens professionnels, les aèdes et les rhapsodes, qui dé- clament les mythes en s’accompagnant d'un instrument et transmettent la musique oralement. Pendant la période classique, du VI e siècle av. J.-C. au IV e siècle av. J.-C., la musique commençant à faire partie du système éducatif, est de ce fait plus répandue. Jusque-là, la théorie musicale est connue exclusivement du point de vue mathématique. Par la suite, Aristoxène de Tarente découvre l'importance de l'oreille dans la perception des sons. 1 La Grèce dans l'histoire de la musique Article détaillé : Histoire de la musique classique occi- dentale. La Grèce ancienne occupe une place importante dans l'histoire de la musique, dont le nom même dérive du grec ancien Μοῦσαι / Moûsai (« Muses ») : depuis des millé- naires, l'humanité avait joué de la musique pour son effi- cacité religieuse, magique, thérapeutique et glorificatrice. Les Grecs sont le premier peuple pour qui la musique de- vient art, manière d'être et de penser en apportant la beau- té. Ils sont aussi le premier peuple dont nous connaissions en détail le système musical, et le premier à utiliser la pratique de la notation. Avec eux, l'éducation musicale et l'institution des concours où le public est appelé à ju- ger de la poésie et de la musique pour son plaisir ou son édification constituent l'une des trois grandes mutations musicales de l'humanité [Note 1] : la spécialisation qu'elle entraîne fait apparaître deux types d'hommes musiciens, le musicien savant capable de jouer et de produire de la musique, et l'auditeur ou amateur de musique. Les Grecs sont en effet le premier peuple qui ait institué de véri- tables concerts sous forme de nomes citharistiques ou de duos d'instruments, ce qui a contribué à former chez eux un public socialement conscient et participant activement à l'audition [2] . 2 Les traités musicaux grecs Nous connaissons une cinquantaine de traités musicaux, de la fin du VI e siècle av. J.-C. au V e siècle ap. J.-C., re- présentant environ dix siècles de réflexion et de culture musicologique grecques. Ces traités sont l'œuvre soit de musicographes, soit de théoriciens qui s’interrogent sur la nature de la science musicale, sur sa pratique et ses cri- tères, et qui tentent de déterminer sa place dans le système des connaissances et ses rapports avec les mathématiques ou la physique. Les musicographes comme Cléonide, Bacchius l'Ancien ou Nicomaque de Gérasa rédigent de simples opus- cules, intitulés Introduction ou Manuel, proposant des no- tions superficielles étudiées sous forme de définitions à 1

Musique de la Grèce antique

Embed Size (px)

DESCRIPTION

La Grèce ancienne occupe une place importante dansl'histoire de la musique, dont le nom même dérive du grecancien Μοῦσαι / Moûsai (« Muses ») : depuis des millé-naires, l'humanité avait joué de la musique pour son effi-cacité religieuse, magique, thérapeutique et glorificatrice.

Citation preview

Page 1: Musique de la Grèce antique

Musique de la Grèce antique

Instrument de musique en bronze, précurseur du sistre. IVe siècleav. J.-C. Département d'art grec et romain (Metropolitan Mu-seum of Art).

La musique tient une place essentielle dans la vie so-ciale, politique et religieuse de la Grèce antique. Pourles Grecs, la musique est le plus beau des arts, en mêmetemps qu'une science, objet des plus hautes spéculationsphilosophiques ; en ce sens, les Grecs lui ont accordé plusd'importance qu'aux arts majeurs que furent pour eux lapoésie, la danse et la médecine. Le rôle essentiel de lamusique dans le monde grec apparaît dans plusieurs deleurs mythes : celui d'Orphée, qui réussit grâce à sa mu-sique à convaincre le dieu des enfers, Hadès, de rendreà la lumière du jour son épouse Eurydice, est considérécomme le mythe fondateur de la musique ; mais il est at-testé surtout par de très nombreux témoignages littéraires,papyrologiques et épigraphiques, par les représentationsfigurées sur la céramique, par les vestiges que nous avonsconservés de leurs instruments à cordes, à percussion et àvent, et par plus d'une cinquantaine de partitions[1].À l'époque archaïque (des origines au VIe siècle av. J.-C.), la musique est pratiquée uniquement par des musi-ciens professionnels, les aèdes et les rhapsodes, qui dé-clament les mythes en s’accompagnant d'un instrumentet transmettent la musique oralement. Pendant la périodeclassique, du VIe siècle av. J.-C. au IVe siècle av. J.-C., lamusique commençant à faire partie du système éducatif,est de ce fait plus répandue. Jusque-là, la théorie musicaleest connue exclusivement du point de vue mathématique.Par la suite, Aristoxène de Tarente découvre l'importance

de l'oreille dans la perception des sons.

1 La Grèce dans l'histoire de lamusique

Article détaillé : Histoire de la musique classique occi-dentale.

La Grèce ancienne occupe une place importante dansl'histoire de la musique, dont le nommême dérive du grecancien Μοῦσαι / Moûsai (« Muses ») : depuis des millé-naires, l'humanité avait joué de la musique pour son effi-cacité religieuse, magique, thérapeutique et glorificatrice.Les Grecs sont le premier peuple pour qui la musique de-vient art, manière d'être et de penser en apportant la beau-té. Ils sont aussi le premier peuple dont nous connaissionsen détail le système musical, et le premier à utiliser lapratique de la notation. Avec eux, l'éducation musicaleet l'institution des concours où le public est appelé à ju-ger de la poésie et de la musique pour son plaisir ou sonédification constituent l'une des trois grandes mutationsmusicales de l'humanité[Note 1] : la spécialisation qu'elleentraîne fait apparaître deux types d'hommes musiciens,le musicien savant capable de jouer et de produire de lamusique, et l'auditeur ou amateur de musique. Les Grecssont en effet le premier peuple qui ait institué de véri-tables concerts sous forme de nomes citharistiques ou deduos d'instruments, ce qui a contribué à former chez euxun public socialement conscient et participant activementà l'audition[2].

2 Les traités musicaux grecs

Nous connaissons une cinquantaine de traités musicaux,de la fin du VIe siècle av. J.-C. au Ve siècle ap. J.-C., re-présentant environ dix siècles de réflexion et de culturemusicologique grecques. Ces traités sont l'œuvre soit demusicographes, soit de théoriciens qui s’interrogent sur lanature de la science musicale, sur sa pratique et ses cri-tères, et qui tentent de déterminer sa place dans le systèmedes connaissances et ses rapports avec les mathématiquesou la physique.Les musicographes comme Cléonide, Bacchius l'Ancienou Nicomaque de Gérasa rédigent de simples opus-cules, intitulés Introduction ouManuel, proposant des no-tions superficielles étudiées sous forme de définitions à

1

Page 2: Musique de la Grèce antique

2 5 LA GAMME

l'intention d'élèves chargés de les apprendre par cœur,et suivies de considérations purement techniques[3]. Lesthéoriciens de la musique sont au contraire les auteursd'ouvrages plus ambitieux sur la science musicale, et ils serattachent tous à l'une des grandes écoles philosophiquesde l'Antiquité. Ainsi l'école pythagoricienne est-elle illus-trée par les traités de Philolaos puis d'Archytas de Tarentepour lesquels la musique est sœur des mathématiqueset de l'astronomie, en tant que science des rapportsnumériques qui régissent les intervalles : pour les Py-thagoriciens, les intervalles harmonieux sont consonantsparce qu'ils sont exprimables par des rapports numé-riques remarquables. La musique se réduit à cette époqueà l'harmonique et à l'acoustique, et relève de la sciencede l'ordre parfait qui régit l'univers entier, la physique.En jouant de la lyre, le musicien doit donc se péné-trer de cette perfection pour y participer. Pour les néo-platoniciens, on citera les traités de Théon de Smyrneet d'Aristide Quintilien ; Philodème de Gadara qui se ré-clame de l'épicurisme, est l'auteur d'un traité Sur la mu-sique (en grec Περὶ Μουσικῆς) dans lequel il combat ladoctrine musicale du stoïcien Diogène de Babylone ; en-fin, l'école des sceptiques, réfutant l'ensemble des autresécoles philosophiques, développe ses propres conceptionssur la nature et la fonction de la musique avec le traité deSextus Empiricus[3].Dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., la mu-sique cesse d'être inféodée aux mathématiques : d'abordpythagoricien puis disciple d'Aristote, Aristoxène de Ta-rente rédige un magistral traité d'harmonique, intitulétraditionnellement Éléments harmoniques, dans lequel lamusique devient une science autonome, fondée sur sesdeux spécificités : l'oreille ou en grec l'αἴσθησις, etla pensée rationnelle, la διάνοια. Désormais, l'objet del'harmonique c'est le son musical et non plus la grandeurmathématique d'un intervalle[4]. Dès lors, vers 325 av. J.-C., la querelle éclate entre tenants de la doctrine pythago-ricienne et partisans de la doctrine d'Aristoxène. Au IIesiècle de notre ère, Claude Ptolémée tente de concilierles deux doctrines dans son important traité des Harmo-niques, en trois livres : il reprend l'acoustique et la phy-sique pythagoriciennes ainsi que le calcul des intervallesmusicaux, et en même temps admet la sensation auditivecomme un critère fiable pour l'harmonique. Mais il n'yaura jamais de syncrétisme entre ces deux traditions[5].

3 La classification des disciplinesmusicales

Dans le courant du VIe siècle av. J.-C., Lasos d'Hermionedistingue trois parties dans le savoir musical, qui sont lesparties technique, pratique et exécutive, elles-mêmes sub-divisées en trois branches : la partie technique comprendd'abord l’ἁρμονική, l’harmonique, suivie de la rythmiqueet de la métrique.

4 L'harmonie

Article connexe : Mode (musique) #Les modes diato-niques ou modes dits “naturels”.

L’harmonie, telle que nous l’entendons, en tant quescience des accords et de leurs enchaînements, était igno-rée des Grecs. Leur gamme n’avait donc pas de tonique.Mais cependant une note y avait un rôle prépondérant :c’était la médiante. Dans la gamme dorienne, la médianteétait le la. Son nom lui venait de sa position presque cen-trale, et son importance était due sans doute à ce fait quela plupart des relations mélodiques se percevaient direc-tement ou indirectement par rapport à elle.La gamme dorienne est l’échelle fixe des sons dans lamusique grecque. Mais elle se transforme en une sériede gamme diverses ou modes, selon que l’on en déplacele point de départ et la médiane. Voici les sept modesdes Grecs :Dorien,Hypodorien, Phrygien,Hypophrygien,Lydien, Hypolydien, Mixolydien, Hypomixolydien (=Do-rien)[Note 2]. La théorie de l'harmonie dans l'antiquitédistingue trois modes harmoniques : le premier groupeévoque les lamentations (Mode lydien mixte, mode do-rien, mode phrygien et mode éolien) ; le deuxième groupeévoque les beuveries (Mode ionien) ; le troisième groupeévoque l'ardeur virile (dorien et phrygien).

5 La gamme

Notre gamme a une tonique qui en est le premier de-gré. Mais la notion de la tonique n’a de sens qu’au pointde vue moderne de l’harmonie. La gamme fondamen-tale des Grecs de l’Antiquité était la gamme dorienneau sens antique[Note 3] : mi ré do si la sol fa mi. Maistandis que notre gamme est essentiellement ascendante,la gamme dorienne est essentiellement descendante : lamonter, c’était, aux yeux des Grecs, la prendre à l’en-vers. La place des demi-tons dans les deux gammes estla même, si l’on considère chaque gamme dans son sensdirect, et non dans son sens inverse. N’oublions pas qu’unegamme est un mouvement mélodique, et que la directionde ce mouvement dépend des attractions entre les notes,et par suite la détermination de la place des demi-tons.De même que nous transposons notre gamme majeured’ut et notre gamme mineure de la dans douze tonalitésdifférentes par le moyen d’altérations ascendantes ou des-cendantes, les Grecs usaient de transpositions analogues.Ils surent même moduler à la quinte inférieure par desmoyens purement mélodiques. Nous n’avons exposé jus-qu’ici le système musical des Grecs que selon sa forme laplus ancienne qu’ils appelaient le genre diatonique, parceque c’était celui où les cordes de la lyre prenaient le maxi-mum de tension, et qui se caractérisait par la disposi-tion suivante des intervalles dans le tétracorde inférieurde la gamme : la-sol-fa-mi. Des complications, sans douted’origine orientale, s’introduisirent par la suite dans lamu-

Page 3: Musique de la Grèce antique

3

sique grecque, sous les noms de genre chromatique etde genre enharmonique. Le genre chromatique se définitpar la disposition suivante du tétracorde inférieur de lagamme : la-fa#-fa(b)-mi. Quant au genre enharmonique,très différent de notre usage moderne, il introduit dans lagamme le quart de ton. Faute de signes mieux appropriés,nous représenterons par un fa suivi d’un bémol barré lefa descendu d’un quart de ton dans le tétracorde inférieurde la gamme enharmonique : la-fa-fa(b/)-miLa musique grecque était essentiellement homophone,comme toutes les musiques de l’antiquité, c’est-à-dire queles Grecs ne considéraient pas comme musicale la pro-duction simultanée de deux mélodies différentes et qu’ilsne connaissaient pas l’harmonie au sens moderne du mot.Quand ils chantaient des chœurs, c’était toujours à l’unisou à l’octave, et déjà le redoublement d’un chant à l’oc-tave, tel qu’il se produit quand on associe des voix d’en-fants à des voix d’hommes, leur paraissait d’une complica-tion audacieuse. Les instruments qui accompagnaient lesvoix se contentaient de doubler leur partie ; parfois ce-pendant ils y ajoutaient une « broderie ». Mais de telsornements ou de tels mélanges de sons n’avaient, à aucundegré, le caractère ou le rôle de nos contrepoints et de nosharmonies.

6 Le rythme

La théorie du rythme avait, chez les Grecs, une impor-tance capitale, et elle avait pris un développement consi-dérable, dont nous ne trouvons l'analogue que dans destraités de composition tout-à-fait modernes.Le temps premier, qui sert de base au système, est la va-leur de durée la plus petite, la brève (∪) dont le multipleest la longue (—) qui vaut deux brèves. En combinant en-semble longues et brèves, on obtient différents rythmesélémentaires ou pieds qui correspondent aux « temps »de nos « mesures » : l'iambe (∪—), le trochée (—∪), letribachys (∪∪∪), le dactyle (—∪∪), l'anapeste (∪∪—), lespondée (— —), etc. En réunissant plusieurs pieds en-semble, on forme des mètres, comme nos « mesures »se composent de « temps ». L'union de plusieurs mètresdonne lieu à un membre de phrase ou kôlon. La phraseest généralement faite de deux kôla. Les phrases se re-groupent en périodes et les périodes en strophes qui seprésentent d'ordinaire suivies de l’antistrophe (reprise), etde l’épode (coda). Des lois très minutieuses et très va-riées étaient appliquées par les Grecs à la constructionde ces grands ensembles rythmiques que sont une ode dePindare ou telle scène tragique d'Eschyle, fort analoguespar leur architecture à nos sonates et à nos symphonies.Ces règles de construction furent tout-à-fait ignorées duMoyen Âge. Retrouvées d'instinct par les grands maîtresclassiques, elles ne furent énoncées très explicitement parles théoriciens modernes qu'à la suite de la découverte auXIXe siècle de la véritable signification de la doctrine desanciens.

7 Musique instrumentale et vocale

Joueur d'aulos. Lécythe attique à fond blanc, v. 480 av. J.-C.Musée archéologique régional de Palerme.

Les principaux instruments qu'employaient les Grecsétaient la lyre et la cithare, montées pendant longtempsà sept cordes, l'aulos, instrument à anche double (proched'un double hautbois), et la syrinx, sorte de flûte de Pan.Les Grecs ont connu la musique purement instrumen-tale. Dès le VIe siècle avant notre ère, le jeu de l'aulosen solo, appelé l’aulétique, était un art très développé enGrèce, et l'on commençait à mettre en honneur le jeu ensolo de la cithare (citharistique). Dans certaines fêtes so-lennelles, de grands concours publics avaient lieu entreles virtuoses les plus renommés. Nous avons conservé leplan d'un nome appelé pythicon, et qui était une sortede « sonate à programme » décrivant la lutte d'Apolloncontre le serpent Python : 1° introduction ; 2° provoca-tion ; 3° iambique (combat, fanfare, imitation des grin-cements de dents du dragon) ; 4° prière (ou célébrationde la victoire) ; 5° ovation (chant de triomphe). Tous lesinstrumentistes les plus fameux de l'antiquité brillèrent àtour de rôle dans l'exécution de leur « pythicon ».Mais si le jeu des instruments en solo prit de plus enplus d'importance dans la vie sociale de la Grèce, pri-mitivement la musique grecque fut vocale et surtoutchorale. Les œuvres lyriques de tous les anciens poètesétaient composées pour être chantées, comme ce fut lecas en particulier pour les Odes triomphales de Pindare.

Page 4: Musique de la Grèce antique

4 9 LA MUSIQUE DANS LA SOCIÉTÉ

Flûte de Pan

La tragédie grecque elle aussi était un drame en grandepartie musical : les chœurs y étaient chantés, surtout àl'origine, par exemple dans les œuvres d'Eschyle. Et l'onsait qu'à Athènes notamment, les représentations de tra-gédies étaient des cérémonies officielles et des fêtes po-pulaires auxquelles toute la cité prenait part. C'est direquelle place l'art musical, associé à la poésie, à la danse,à la mimique, tenait dans la Grèce antique. Quand nousparlons de la danse dans le théâtre antique, n'imaginonsrien de semblable à nos ballets modernes. C'était unedanse sans virtuosité, sans « soli », sans couples (leschœurs de danses n'étaient formés que d'hommes), sansrapidité, une danse où le mouvement des mains et les at-titudes du corps jouaient un aussi grand rôle que les paseux-mêmes.

8 Partitions

Il existe une soixantaine de fragments musicaux grecs,très fragmentaires, transmis essentiellement par despapyrus d'époque gréco-romaine trouvés en Égypte. Peude pièces sont intégralement connues : l'Épitaphe de Sei-kilos (IIe s. ap. J.-C.), quelques Hymnes de Mésomède deCrète, musicien attitré d'Hadrien, au moyen de manus-crits médiévaux, pièces instrumentales anonymes. Enfin,il reste trente-sept notes de l’Oreste d'Euripide et environ

vingt notes de l’Iphigénie à Aulis, du même auteur.Parmi les pièces fragmentaires, les plus importantes sontles Hymnes de Delphes, deux hymnes du IIe siècle av. J.-C. découverts en 1893-1894 par Théodore Reinach. No-tons aussi l'hymne d'Oxyrhynque, unique pièce de mu-sique chrétienne de l'Antiquité grecque.Récemment a été redécouvert, au musée du Louvre, unfragment d'un extrait de la tragédie Médée, du poète tra-gique Carcinos le Jeune.

9 La musique dans la société

Les Grecs attribuaient toutes sortes de vertus à la mu-sique, un pouvoir merveilleux sur les âmes. Leurs philo-sophes avaient défini très minutieusement l'expression oule caractère moral (êthos) de chaquemode. Le dorien étaitaustère, l’hypodorien fier et joyeux, l’ionien voluptueux, lephrygien bachique, etc. Telle musique disposait au cou-rage, à l'action, telle autre, à la sobriété, à la retenue, telleautre, à la mollesse, au plaisir.

9.1 L'éducation musicale en Grèce

Leçon de musique. Hydrie attique à figures rouges, v. 510 av.J.-C., Staatliche Antikensammlungen (Inv. 2421).

Dans l'éducation des enfants et des jeunes gens, la mu-sique avait une place de première importance, et elle étaitconsidérée comme indispensable pour former le carac-tère. À Athènes, les enfants suivaient pendant trois ansun enseignement musical chez un cithariste, qui était àla fois professeur de lyre et maître de musique ; cet en-seignement dispensait vraisemblablement les rudimentsde la pratique vocale et instrumentale, mais ne permettaitpas de déchiffrer une partition ou d'écrire la musique : lecitoyen athénien devait en effet être simplement en me-sure de chanter et de jouer au moins de la lyre, instru-ment réservé aux amateurs (la cithare étant réservée auxseuls professionnels)[1]. Platon et Aristote au livre VIIIde sa Politique ont longuement développé la théorie del'influence de la musique sur les passions et sur la morali-té. Ils ont soigneusement distingué la musique qui relâcheles mœurs de celle qui tend l'âme vers le bien de l'individu

Page 5: Musique de la Grèce antique

5

et vers celui de la Cité. Ils ont fait de l'éducation musi-cale une question d'État à proprement parler, et en cela,ils étaient absolument d'accord avec leurs contemporains.L'État a le devoir de veiller au maintien de la morale, etpour cela, de réglementer l'usage de la musique. À cetégard, Platon propose l'Égypte pour modèle : il voudraitque soient fixés par des lois les chants qui sont absolumentbeaux et que ceux-là seuls soient appris à la jeunesse.Les anciens Grecs appelaient les mélodies de leurs chantsdes lois[Note 4], indiquant par là que c'étaient des formules-types, des formules consacrées, auxquelles il était interditde changer quoi que ce soit[6]. Et nous voyons ainsi com-bien cet art musical de l'antiquité restait encore voisin despratiques religieuses avec lesquelles il avait été d'abord in-timement uni et même confondu.C'est en Ionie, précisément à Magnésie du Méandre età Téos qu'on trouve la trace d'un enseignement musicalà la fois théorique et pratique destiné à permettre à deséphèbes de jouer de la cithare, avec et sans plectre. Lesmeilleurs élèves étaient récompensés par un prix demélo-graphie et de rythmographie, c'est-à-dire d'écriture mélo-dique et d'écriture rythmique, après la pratique approfon-die d'un instrument à cordes. Cet enseignement théoriquea eu comme représentant le plus illustre le cithariste athé-nien Stratonicos qui, le premier, conçut un diagrammemusical[7]. Outre cet enseignement, des musiciens pro-fessionnels comme un certain Hégésimachos d'Athènes,mais aussi des médecins ou des rhéteurs pouvaient donnerdes auditions et des conférences sur la pratique musicaleet l'histoire de la musique[8].

10 Bibliographie

Compilation de textes de l'Antiquité

• MarcusMeibom (présentation, notes, commentaireset traduction), Antiquae musicae auctores septem,Amsterdam, Louis Elzevier, 1652 (lire en ligne)En grec et en latin : Aristoxène, Cléonide,Gaudence, Nicomaque de Gérase, Alypios (de),Bacchios, Aristide Quintilien, Martianus Capella.

Ouvrages de critique et d'histoire :

• Annie Bélis, Les Musiciens dans l'Antiquité, Ha-chette, Paris, 1999

• Annie Bélis, Article Harmonique in Jacques Brun-schwig et Geoffrey Lloyd (préf. Michel Serres),Le Savoir grec : Dictionnaire critique, Flammarion,1996, p. 352 à 366.

• François Gevaert, Histoire et théorie de la musiquedans l'Antiquité (Anoot-Braeckmann, à Gand)

• Louis Laloy, Aristoxène de Tarente et la musique del'Antiquité (Lecène et Oudin)

• Jules Combarieu, Histoire de la musique (ArmandCollin)

Textes musicaux :

• Hymne à Apollon, chant grec du III ou IIe siècle av.J.-C., transcrit par M. Th. Reinach (Bornemann)

• Annie Bélis, Les Hymnes à Apollon, Corpus des ins-criptions de Delphes, t. III, De Boccard - Paris, 1992

• Egert Pöhlmann et Martin L. West, Documents ofAncient Greek Music, Clarendon Press - Oxford,2001

• Mésomède de Crète, Hymne à Némésis, chant grecdu IIe siècle ap. J.-C. (dans l'ouvrage de Gevaert)

• Mélodies populaires de la Grèce, recueillies et har-monisées par Bourgault Ducoudray (Lemoine).

11 Discographie

• CD De la Pierre au son : musiques de l'Antiquitégrecque (Ancient Greek Music) , Ensemble Kérylos,dir. Annie Bélis (K617-069). Une restitution de lamusique antique d'après le déchiffrement des papy-rus, des inscriptions et des codex médiévaux, jouéesur des instruments reconstitués d'après les modèlesantiques. Des extraits du CD et des extraits inéditssont proposés à l'écoute sur le site de l'ensemble Ké-rylos.

• CDMusique de la GRECEANTIQUE : Un panoramariche et complet sur les quelques fragments épars dela musique de la Grèce du Ve au Ier siècle av. J.-C.(Mésomède de Crète, Aristophane, Euripide, ... ),joué sur des reconstitutions d'instruments antiquespar l’Atrium Musicae de Madrid sous la direction deGregorio Paniagua édité chez Harmonia Mundi.

12 Notes et références

12.1 Notes

[1] La première de ces mutations est l'apparition de l’Homomusicus vers 80 000 ( ?), la seconde, l'avènement de tradi-tions musicales collectives et la fabrication d'instrumentsjustes, vers 10 000.

[2] Voir les modes anciens.

[3] Selon l'appellation grecque et non médiévale.

[4] Du grec ancien νόμοι, sing. :Nómos, plur. : Nómoi.

Page 6: Musique de la Grèce antique

6 13 VOIR AUSSI

12.2 Références[1] Annie Bélis 1996, p. 352.

[2] Roland de Candé, La musique : un sens à retrouver, Bang& Olufsen, 1972, p. 23-24.

[3] Annie Bélis 1996, p. 354.

[4] Annie Bélis 1996, p. 356.

[5] Annie Bélis 1996, p. 357.

[6] Platon, Les Lois [détail des éditions] [lire en ligne], III,700 b-c.

[7] Annie Bélis 1996, p. 355.

[8] Annie Bélis 1996, p. 353-354.

13 Voir aussi

13.1 Articles connexes

• Musique de la Rome antique

• Métrique

• Poésie

• Vers

13.2 Liens externes

Archeologie experimentale

• La musique grecque antique retrouvée

Métrique gréco-romaine

• Lexique et bibliographie sur la métrique antiquegréco-romaine du groupe DAMON de l'Universitéde Lausanne

• Bibliographie de la métrique antique gréco-romainede l'Université de Louvain, à Louvain-la-Neuve

• Portail de la musique classique

• Portail de la Grèce antique

• Portail de la musique

Page 7: Musique de la Grèce antique

7

14 Sources, contributeurs et licences du texte et de l’image

14.1 Texte• Musique de la Grèce antique Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Musique_de_la_Gr%C3%A8ce_antique?oldid=124866807 Contri-buteurs : Dtcube, Jastrow, Phe-bot, Bibi Saint-Pol, Tarap, Keriluamox, Jef-Infojef, Vincnet, Leag, Bob08, Aucassin, Stéphane33, Gribeco,OlivierK, El pitareio, Loveless, H2O, Oxo, Polmars, Pautard, Fabrice Ferrer, Thijs !bot, TaraO, Grimlock, Romainbehar, En passant, Al-dux, Treehill, Pj44300, JAnDbot, Calcineur, Zboubygnole, Sebleouf, Barberus, Wiolshit, Wikig, Salebot, Laurent1976, Priper, Mandariine,Chicobot, Ptbotgourou, AlleborgoBot, Phso2, SieBot, ZX81-bot, Cépey, MystBot, Napish, Ange Gabriel, Vlaam, Eunostos, LeMorvandiau,DumZiBoT, Quentinv57, Fandepanda, Alexbot, GrandCelinien, ZetudBot, Linedwell, Slycooper, LinkFA-Bot, Luckas-bot, Dorieo, Annegabriel, Erud, JmCor, Cristianrodenas, Roucoulou, Lomita, DixonDBot, Dinamik-bot, EmausBot, Praxinoa, MerlIwBot, OrlodrimBot,L.Gellius, Addbot, BerAnth, Ayabmura, Saintsurin et Anonyme : 39

14.2 Images• Fichier:Aulos_player_MAR_Palermo_NI22711.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/72/Aulos_player_MAR_Palermo_NI22711.jpg Licence : CC BY 2.5 Contributeurs :Marie-Lan Nguyen (User:Jastrow), 2008-08-26 Artiste d’origine : ?

• Fichier:Bronze_musical_instrument_Met_L.2001.19.a-t.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a1/Bronze_musical_instrument_Met_L.2001.19.a-t.jpg Licence : CC BY 2.5 Contributeurs :Marie-Lan Nguyen (2011) Artiste d’origine : ?

• Fichier:Discobolus_icon.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/93/Discobolus_icon.png Licence : Public do-main Contributeurs : Image:Discus_Thrower_Copenhagen.jpg (in PD) taken by Zserghei Artiste d’origine : of this version : Eric Gaba (Sting- fr:Sting)

• Fichier:Music_lesson_Staatliche_Antikensammlungen_2421.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9b/Music_lesson_Staatliche_Antikensammlungen_2421.jpg Licence : Public domain Contributeurs : User:Bibi Saint-Pol, own work, 2007-02-10 Artiste d’origine : Phintias

• Fichier:Musical_notes.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ac/Musical_notes.svg Licence : Public domainContributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/58/Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Licence : LGPL Contributeurs : http://www.icon-king.com Artiste d’origine : David Vignoni

• Fichier:Panpipes.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/84/Panpipes.png Licence : Public domain Contribu-teurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Viola_d'amore2.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/bd/Viola_d%27amore2.png Licence : Publicdomain Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

14.3 Licence du contenu• Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0