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ContenusMy DestinyCopyrightListe MusicaleFaits réelsDédicaceSiAmyManuscritPremière partiePrologue- I -- II -- III -- IV -- V -- VI -- VII -- VIII -- IX -- X -- XI -- XII -- XIII -- XIV -- XV -- XVI -- XVII -- XVIII -- J - 1 -- JOUR J -AmyRemerciementsBêtisierProchainementDu même auteurLiensNotes

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© 2015 STEFANY THORNE - Tous droits réservésRelecture et correction : Anne Ledieu

Crédits photos : © DepositPhotosIllustration : © William Salavatore

Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sontutilisés fictivement. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, des établissements d’affaires, des événementsexistants ou ayant existé est entièrement fortuite. L’auteure reconnait que les marques déposées mentionnées dans la présente œuvre de fiction appartiennent à leurs propriétairesrespectifs.Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation oureproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, estillicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.Avertissement sur le contenu : cette œuvre dépeint des scènes d’intimité entre deux personnes en un langage adulte. Elle vise donc unpublic averti et ne convient pas aux mineurs. L’auteure décline toute responsabilité pour le cas où vos fichiers seraient lus par un publictrop jeune.

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Liste musicale

Mattia Cupelli – Hopeless FallSister Golden Hair – AmericaAl Green - Lets Stay Together

Jason Walker - CryHamilton Joe Frank & Reynolds - Fallin' In Love

Sweet - Ballroom BlitzZaz – Tous les cris les S.O.S

Al Green – Sha la laBeyoncé – Halo

Revenge Soundtrack – Farewell Fauxmanda

Dido - White flagKatharine Mcphee - My Destiny

Traduction française © Paroles et chansons

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Ce livre est inspiré de faits réels…

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À Hope…

Tu as su pardonner et te releveraprès tant de souffrance et de déception.

Tu n’as pas perdu espoir et tu t’es battue afinque je puisse être celle que je suis désormais…

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Si notre rencontre était une chanson

elle serait certainement celle de Katharine Mcphee :

My Destiny

Avec toi,Je peux enfin me libérer

Avec toi,J’ai vu un changement dans ma destinée

Le rêve devenu réalitéC’est drôle maintenant que je vois combien la vie est différente

Puis-je m’envoler encore plus haut ?Dis-moi, ce sentiment peut-il être encore plus fort ?

C’est à toi que je la dois, ma survieJe n’aurais jamais pu y arriver sans toi.

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Amy

Mattia Cupelli – Hopeless Fall

Port Clyde Samedi 16 Mai 2015 à 09 h 47

Par un triste matin de printemps, accompagnée de mes jumeaux, Samantha et Dylan, je me rendsen voiture à la maison de mon enfance. J’adore cet endroit où j’ai vécu les meilleurs moments de mavie. Je dois récupérer quelques effets personnels pour ma mère, hospitalisée depuis trois semaines.Le lourd diagnostic est tombé : elle est atteinte d’un cancer. Il ne lui reste, malheureusement, quequelques semaines à vivre. Cette terrible nouvelle m’a abattue et je suis certaine que la douleur del’annonce transparaît encore sur mon visage. Au loin dans le ciel bleu de ce mois de mai, je vois sedessiner son si joli sourire et je sais combien elle va me manquer lorsqu’elle aura quitté ce monde.Cette mère qui, un jour, a tout abandonné, afin de vivre seule avec sa fille pour la préserver d’une viede famille violente et dangereuse. Elle a réussi à reprendre sa vie en main, en nous offrant unenouvelle maison et une vie normale. Jamais je ne pourrai assez la remercier pour tous les sacrificesqu’elle a endurés afin que je devienne l’enfant qu’on ne lui a jamais permis d’être…

J’empreinte l’allée de petits gravillons qui longe la maison de la plage et me gare sans quitter desyeux cette demeure qui me semble désespérément vide de sa chaleur et de son âme à présent. Si mamère était encore présente en ces lieux, elle accourrait et me prendrait dans ses bras. Je descends devoiture et adresse un sourire rassurant à mes enfants, tout juste âgés de cinq ans. À cet âge, il estdifficile de comprendre qu’un proche puisse nous quitter.

— Tout le monde descend ! Ne vous éloignez pas et n’allez pas dans la roseraie de votre grand-mère ! dis-je d’une voix enjouée, les voyant déjà courir vers le jardin.

— Oui, maman ! crient-ils à l’unisson.

Ils adorent cet endroit où chacun occupe une place très spéciale.

Troublée, je contemple cette maison blanche aux couleurs de bord de mer et aux volets bleusdonnant sur l’océan Atlantique. La vue sur le phare de Marshall Point qui protège l’entrée de PortClyde est tout simplement magnifique. Je gravis les escaliers en bois qui grincent à chacun de mespas, et caresse d’une main tremblante la rambarde, me souvenant de moi enfant les dévalant à millereprises. Revenir en ces lieux m’enserre le cœur, et c’est la gorge nouée et au bord des larmes que jepénètre dans ce havre de paix qui a bercé ma tendre enfance.

Je fouille dans les placards du salon, cherchant quelque chose de particulier à apporter à mamère, mais je ne trouve rien… Hope a toujours été une femme très discrète, parfois même secrètequant à sa vie privée. Comportement probablement acquis suite au traumatisme d’un mariage et d’unegrossesse presque aussitôt suivis d’un divorce… J’en garde un vague souvenir, malgré mon jeune âge

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au moment des faits. J’avais à peine quatre ans lorsque maman a emballé nos affaires et que nousnous sommes enfuies loin de Tom, mon père. Je me souviens avoir quitté la maison et dormi chez mestantes. Maman a été extrêmement affectée et a pleuré pendant de longues nuits. Pour le reste, moncerveau a résolument occulté cette partie de ma vie comme pour me protéger de cette tragédie quinous a touchées. Quelques années plus tard, elle a choisi de replanter notre vie dans une maison enbord de mer, ornée de roses, où l’on pouvait enfin se sentir en paix. Elle n’a connu que quelqueshommes après cela, mais rien de bien sérieux. Elle ne s’est d’ailleurs jamais remariée.

Hope Obrien est un auteur très connu et appréciée pour ses œuvres romanesques. Elle a ce don defaire passer dans ses écrits ce que l’amour a de plus beau. Des œuvres connues et lues dans le mondeentier. Elle a donné naissance, également, à une série de livres pour enfants comme Le petitesquimau ou L’hirondelle des tous petits. Mais ce que tout le monde se demande à Port Clyde, est :

« Qui est réellement Hope Obrien ? »

Comment une femme aussi agréable et romantique, passionnée par l’amour et les êtres vivants, nes’est-elle jamais remariée ? Pourtant, ce n’est pas faute de prétendants, mais elle les refusait à chaquefois en répondant avec cette grâce dont elle seule avait le secret :

« Je ne veux pas lier ma vie à un autre, car je sais où est mon âme-sœur… »

Elle abandonnait alors l’idée de continuer ces histoires par peur de bloquer la vie de l’autre. Mamère demeura jusqu’à aujourd’hui dans un monde bien à elle où peu de personnes avaient la chanced’entrer. Seule notre famille y occupait une place spéciale.

Quand elle n’écrivait pas, elle passait le plus clair de son temps à s’occuper de ses roses dans saroseraie ou à se balader sur la plage. Elle aimait contempler le soleil se coucher et la lune s’éveiller.Elle adorait se retrouver dans sa chambre, sur sa terrasse avec vue sur l’océan et le phare. Elles’installait sur son rocking chair, regardait les étoiles, puis fermait un instant les yeux afin de sentir labrise lui caresser le visage. Elle me répétait souvent que sa chambre était son havre de paix avec songrand lit à baldaquin, aux draps et rideaux de soie immaculés. Une ambiance très romantique qui luicorrespondait parfaitement avec ces roses, fraîchement coupées, de couleurs rose et champagne. Jen’ai jamais saisi l’importance que ma mère accordait à ces tons-là en particulier, mais nous avonstous notre jardin secret et j’ai appris à respecter le sien.

Arrivée à l’étage, je longe le long couloir qui mène à sa chambre, et contemple les nombreuxcadres photos accrochés au mur. Toute notre vie est représentée, et c’est avec fierté que je meremémore chacun de ces moments extraordinaires passés aux côtés de ma mère. Celui du portrait defamille l’a toujours beaucoup touchée et émue aux larmes. Je sais combien elle y tient.

J’ouvre la porte. Le soleil s’infiltre à travers les rideaux bleus et l’océan s’étend de toute sasplendeur à travers la grande baie vitrée. Le cœur serré et tambourinant dans ma poitrine, je prendsun moment avant d’entrer. Je n’arrive toujours pas à réaliser qu’elle va quitter ce monde qu’elle atant aimé et cette sérénité pour laquelle elle s’est tant battue. Sa voix résonne encore dans ma tête :

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« Je me battrai jusqu’à la fin… »

Malheureusement, son départ est inéluctable, et pas même son incroyable volonté de vivre nel’aidera à vaincre cette maladie incurable.

J’ouvre la fenêtre et respire à pleins poumons l’air marin. Allez, courage, Amy… Dans les tiroirsde sa commode, je trouve des bijoux ainsi que des photos de famille. Je me redresse, démoralisée…Que vais-je bien pouvoir lui apporter qui lui fasse chaud au cœur ? Les poings sur les hanches, jejette un regard circulaire à cet endroit si serein où la brise marine s’infiltre et m’apaise un tant soitpeu. Le cri des mouettes me rappelle nos innombrables balades et nos châteaux de sable avec lesenfants sur la plage.

J’aperçois quelque chose et m’approche du lit à baldaquin. Je m’agenouille et découvre, sous lelit, une vielle miniature d’un pickup transportant à l’arrière une petite boîte blanche à fleurs entouréed’un ruban rose. Qu’est-ce que c’est ? Étonnée, mais curieuse, je l’attrape et la fait rouler jusqu’àmoi. Que peut-elle bien contenir ? Je suis envahie par de tendres sentiments à son contact.

Intriguée, je dénoue délicatement le petit nœud afin de ne pas l’abîmer. Je réfléchis un instantavant d’ouvrir la boîte, comme si j’allais en rompre le secret. Je soulève le couvercle et trouve unvieux manuscrit, dont l’auteur est Hope Obrien, intitulé :

My Destiny

Port Clyde 1975

Dissimulées, en dessous, se cachent deux photos. Une du phare de Marshall Point et une autred’un jeune couple d’amoureux qui s’embrassent, ce qui attise ma curiosité. La jeune femme ressemble

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étrangement à ma mère. Mais oui ? C’est bien elle !? Je fouille le fond et reconnais immédiatementla bague aux chiffres romains qu’elle portait, jadis, à son doigt. Enfant, je l’ai questionnée bonnombre de fois à ce sujet :

— Maman ? Qui t’a offert cette bague ? Tu as l’air de beaucoup y tenir…

— C’est la promesse de toute une vie…, me répondait-elle d’une voix douce et sereine, le regardplongé dans le vide.

Mais jamais je n’ai su d’où elle venait et ce qu’elle faisait à son doigt. Les années ont passé et labague a disparu. Aujourd’hui, je la retrouve ici, enfermée, tel un trésor endormi dans sa petite boîte àsecrets. Que représente-t-elle ? A-t-elle une signification particulière pour ma mère ?

Je sors le manuscrit d’où plusieurs feuilles griffonnées glissent et tombent sur le sol. Ce sont despoèmes. Je pose le tout précautionneusement près de moi et découvre également une vieille clé et despetites cartes d’un café, le Lily’s Coffee. Elles attirent, immédiatement mon attention. Qui a écrit tousces messages ? Il ne s’agit pas de la plume de ma mère. Cela dit, ils me touchent, et je ressens àtravers chaque mot un amour sincère et profond.

« Je ressens la même chose que toi. Moi aussi, je t’aime…

J’ai passé de merveilleux moments avec toi que je n’oublierai jamais.

Malheureusement, tu as décidé de prendre une tout autre route, sans moi… »

« Parce que c’est comme ça… Tu le sais très bien… Arrêtes de poser toujours la même question …»

« Coucou Princesse, Je viens de lire tes mots qui m’ont une fois de plus touché…

Comme tu le sais bien, je n’ai pas une aussi belle plume que toi, maisje vais essayer tout de même, pour nous. Je prends conscience à chaque instant qui me tient

éloigné de toi que notre amour est beau et bien réel... Tu me manques un peu plus de jour en jour.J’ai terriblement envie de te sentir près de moi. »

« Je donnerai une fin heureuse à ton livre… »

J’attrape le manuscrit en ayant l’horrible impression de trahir ma mère. Soudain, une brise légèresouffle dans la chambre. Une enveloppe posée sur le chevet s’envole et tombe près de moi sur le sol.Je jette un œil vers l’extérieur. Le soleil brille et une mouette se pose sur la rambarde de la terrasse,le regard rivé vers la chambre. M’observe-t-elle ? Ses petits yeux nimbés de noir me contemplentcomme si elle voulait me souffler :

— L’enveloppe, Amy...

Je l’attrape et en sors une photo, plutôt ancienne. C’est encore eux. Ils s’enlacent tendrement et

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ont l’air profondément amoureux l’un de l’autre. Je trouve cet homme vraiment chaleureux. Il dégagebeaucoup de sérénité, de paix. Au bas de celle-ci, ma mère, de son écriture élégante, a écrit cesquelques mots :

« Matthew Cole… L’amour de ma vie… 1975. »

Je suis sidérée…

— 1975 ! C’était bien avant ma naissance ? murmuré-je en contemplant une nouvelle fois laphoto et la date indiquée sur le verso.

Que s’est-il passé ? Cela a-t-il quelque chose à voir avec le fait que ma mère soit restée seule cesdernières années ? Jamais, elle ne s’est accordée la moindre chance d’être heureuse auprès d’un autrehomme. Elle l’aimait… Alors pourquoi avoir épousé mon père cette année-là ? Qui était MatthewCole ? Et où est-il désormais ? Est-il toujours en vie ?

Je me relève, le manuscrit serré contre mon cœur et me dirige vers la terrasse attenante à lachambre. Je jette un œil vers le jardin. Samantha et Dylan s’amusent dans le bac à sable etm’adressent un signe de la main.

— Je descends dans quelques minutes, les enfants. Papa nous rejoindra très bientôt, mais enattendant, soyez sages.

— Oui, maman. On construit un château de princesse pour grand-mère Hope. On fera une photo ettu pourras lui montrer tout à l’heure, me lance fièrement Samantha.

— Super idée ! Et on pourrait lui apporter ses roses préférées aussi, hein maman ? ajoute Dylan.

— Dis oui ? Allez ! s’enthousiasme Samantha.

Ils sont adorables. Je leur souris chaleureusement et acquiesce d’un signe de tête en leurrépondant :

— Très bien. C’est promis les enfants, mais en attendant, ne bougez pas de là.

— Youpi ! s’exclament-ils à l’unisson en reprenant leurs activités.

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Samantha attrape son seau et Dylan le remplit de sable, heureux à l’idée de faire plaisir à leurgrand-mère.

Je fais les cents pas sur la terrasse, prise entre deux feux. Celui d’ouvrir le manuscrit et decomprendre pourquoi ma mère n’a pas pu vivre au grand jour cet amour. Puis, celui de le remettredans sa boîte et de laisser le passé derrière nous. Je ne veux pas lui causer plus de souffrance, maisune force que je ne m’explique pas me pousse à le lire. Je prends place sur le rocking chair etcaresse, du bout des doigts, la première feuille…

— My Destiny… Que dois-je faire, Maman ? Que me caches-tu ? Ai-je seulement le droit ?demandé-je à voix basse en inspirant profondément.

Il ne lui reste que quelques semaines à vivre, et j’ai besoin de savoir pourquoi elle est restéeseule toutes ces dernières années. Je tourne soigneusement la première page, puis la seconde, prenantconscience que je n’ai plus le choix. Je dois percer le secret de l’histoire d’amour de :

« Hope Obrien & Matthew Cole »

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Première partie

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- PROLOGUE -

Port ClydeDimanche 9 Juillet 1995

C’était l’année de mes vingt ans, et j’avais l’impression d’en avoir quarante. Pourquoi ne m’a-t-on pas laissé le choix de vivre ma vie comme je l’entendais ? J’ai besoin de raconter et de confiermon histoire à quelqu’un sans être jugée, comme je l’ai toujours été depuis des années.

J’ai été abandonnée par les miens à mon triste sort auprès d’un homme qui me tua à petit feu.J’étais jeune et insouciante, pensant que j’allais enfin prendre mon envol grâce à Tom. Mais c’étaitsans compter la rencontre incroyable que la vie allait me réserver sur le long chemin d’épreuves quim’attendait, et qui bouleverserait à jamais mon existence. Mon silence et ma profonde solitude m’ontempêchée de m’ouvrir aux autres. Me comprendrez-vous ? Saurez-vous voir l’être malheureux etbrisé qui survivait au plus profond de mon être ? Qui étais-je réellement ? Je ne le sais toujours pasaujourd’hui…

Je me souviens encore de son visage, de l’affection de son sourire et de la tendresse de sesgestes. Il était toute ma vie, mon hirondelle, voyageant au fil du temps et des années, avec l’espoir deme retrouver. Celui pour qui j’aurais traversé vents et marées. Cet homme avait le don de voir en moides choses, que moi-même je ne voyais pas. Il avait cette faculté à deviner ce qui me tourmentait,comme un remède miraculeux à tous mes maux. Il aura fini par prendre en otage mon âme et, encoreaujourd’hui, je vis prise au piège de son éternel souvenir.

Les vagues s’échouent sur les rochers et scintillent sous les reflets du soleil. Je me remémore tousces moments passés à ses côtés, à rire, à pleurer aussi, mais surtout à s’aimer d’un amour profond etsincère. Il était, avant tout, l’ami sur lequel je pouvais compter à chaque instant. Dieu sait combien defois il sécha mes larmes, relevant mes cheveux pour découvrir mon visage apeuré, attristé. Nousétions comme les deux doigts de la main, inséparables et dans une bulle protectrice que personnen’osait approcher. L’aura qui se dégageait de sa personne, m’enveloppe encore aujourd’hui. Je senssa présence chaque fois que la vie me confronte à une nouvelle épreuve, et je me demande trèssouvent si nous n’étions pas des âmes jumelles, se croisant inlassablement afin de se retrouver unjour. Malheureusement, la vie nous joua de vilains tours. Avait-elle souhaité nous tester au point denous séparer à plusieurs reprises ? Pourquoi ne l’ai-je jamais oublié ? Pourquoi vit-il encore dansma mémoire, dans mes rêves et, irrémédiablement, dans mon cœur ?

Au fil des années, je continuais à vivre, à survivre… Sa douloureuse absence me lacère le cœurencore aujourd’hui. Sa tendre présence à mes côtés me manque au fil du temps qui file comme le tic-tac tonitruant d’une pendule qui résonne dans ma tête. Je contemple la bague aux douze chapitres,celle qui me rappelle que nous partagions réellement tout cet amour et que tout ceci n’était pas sortitout droit de l’imagination d’une jeune femme trop romantique. Non, elle est là, à mon doigt, et restela preuve indéfectible que nous vivions une histoire d’amour hors du commun.

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Le phare de Port Clyde, se tient là devant moi de toute sa splendeur et j’attends encore et toujoursà cet endroit où il ne vint jamais me retrouver. Chaque jour, je viens m’y promener, m’assoir près dumagnifique musée qui était à l’époque la maison d’Henry, le gardien du phare. Il vient d’être inauguréet j’étais présente. Ce jour-là, peut-être avais-je l’espoir que Matthew serait présent, sachantcombien cet endroit lui était cher. Mais il ne vint pas et je repartis chez moi, encore une fois, les yeuxnoyés de larmes. Je pris conscience, que nos vies se séparèrent à jamais et que le Destin nousabandonna lâchement sans nous donner une dernière chance de réparer nos erreurs.

Ce matin, face à l’Océan, je serre mon manuscrit tout contre mon cœur où j’y ai consigné unehistoire, notre histoire, mais qui n’a jamais eu de fin. Je voulais à travers ma plume, que chaquelecteurs puisse prendre conscience que l’amour était la réponse à toutes nos prières. Il est restéprécieusement enfoui dans mon cœur et n’a cessé de croître avec les années. Bon nombres de fois, jeme répète à moi-même en regardant le ciel étoilé du Maine :

— Passe à autre chose, Hope. Matthew a continué sa vie, sans toi. Tu dois avancer et ne plusregarder en arrière. Il est temps de tourner la page.

À l’époque, chaque nuit j’écrivais des poèmes, des chansons, et mes pensées du soir, griffonnéssur un bout de papier. Matthew m’avait promis de donner une fin heureuse à mon livre. Pourtant,aujourd’hui, il n’est pas là. Encore, plusieurs années plus tard, je vis avec le regret de ne pas avoirpris et fais les bons choix, cela dit lui non plus. Aujourd’hui, My Destiny vit au fond d’un tiroir sansjamais avoir eu la chance d’en sortir et de connaître un « happy-end » digne d’une comédieromantique. Peut-être était-ce tout simplement, notre Destinée…

Personne ne sait quand la lumière s’éteindra. Va-t-on mourir demain, après-demain ou bien a-t-onencore un peu de temps devant nous ? Juste assez, pour pouvoir profiter des êtres qui nous sont chers.Avons-nous réalisé certains de nos projets, de nos rêves ou bien n’a-t-on jamais osé aller au bout deceux-ci ? Pourquoi est-ce si difficile de suivre son intuition et son cœur. ? Alors que nous avons lafaculté à cerner le bien du mal. Pourquoi revenir en arrière nous est-il si compliqué ? Et ce, malgré laviolence et les insultes qui nous rendent vulnérable et dépendant de l’autre. Ils nous isolent du mondeet nous apeurent de tout et de tous. Reprendre sa vie en main et repartir à zéro n’est pas une minceaffaire et cela rebute certaines femmes qui aimeraient s’envoler de leurs propres ailes et s’enfuir leplus loin possible.

Les gens, de nos jours, aiment la sécurité d’un foyer qui n’en est pas un réellement. Pourquoi nesuivent-ils pas leur cœur ou leur Destin ? Aimons-nous souffrir et nous sacrifier pour les autres ? Leferaient-ils pour nous ? Et si la réponse était non ? Que deviendrait l’être que nous aimons plus quetout au monde ? Va-t-il nous oublier, nous détester ou bien nous attendre ? Les couples d’aujourd’hui,donnent beaucoup trop d’importance aux biens matériels, à leur sécurité financière, à l’avis de leursamis ou familles respectives et au regard des autres. L’amour peut tout surpasser, pourquoi ne pasessayer de lui faire tout simplement confiance ? N’est-il pas la promesse d’un bonheur assuré ? Unjour, ils se réveillent aux côtés d’une personne qui leur est tout à fait étrangère et se demandentcomment ils en sont arrivés là. Puis, ils vivent toute une vie sans même avoir l’impression de la vivrepleinement, car il leur manque l’atome le plus important, celui qui berce nos vies et nous apportecette force de continuer à nous battre chaque jour. Il s’appelle : l’Amour. Je le vivais et ressentais, là,dans mon cœur, cet amour puissant, jumelé au sien et qui s’intensifiait au fil des années…

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Les mouettes, posées sur les rochers, s’envolent dans le ciel et leur cri me rappelle celui quiberçait nos balades sur le pont du phare. La brise légère caresse tendrement mon visage, et je luidemande avec l’espoir qu’une mouette puisse lui porter ce tout dernier message :

— Où es-tu Matthew ? Que deviens-tu ? Penses-tu encore à cette jeune fille de dix-neuf ans quit’attend encore et toujours ? Lui donneras-tu cette fin heureuse à son livre que tu lui as tant promis ?

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- I -

Port Clyde

Lundi 17 février 1975 à 07 h 09

Port Clyde, 1975, petite ville du Maine, connue pour son phare emblématique à la sortie de laville. La légende dit qu’il veille sur ses habitants et la vue sur l’Océan Atlantique est justemagnifique. Ce matin, le ciel me semble calme et serein, et une nouvelle vie s’ouvre enfin à moi. Lesoleil perce à travers les voilages de notre chambre et forme des prismes de lumière au plafond.

Tom, mon petit ami, dort encore et la réalité me rappelle combien j’ai grandi beaucoup trop vite.Je prends conscience que je n’ai jamais été une simple enfant avec ses joies, ses doutes, et sesmoments de tendresse. Je suis devenue un être fragile, à cause d’un père trop violent et manipulateur.Puis, par la faute d’une mère dépassée par ses propres émotions et problèmes, ne trouvant pas letemps de m’aider à grandir. Forcément, j’ai alimenté des peurs, des angoisses et le peu d’estime quej’ai de moi-même n’en est que le reflet. Sans parler du manque de confiance que je ressens face auxautres qui sont toujours bien meilleurs que moi, à mes yeux. Je me demande très souvent pourquoi jesuis venue au monde. Je reste aujourd’hui encore, ma pire ennemie…

Mes parents ont quitté Port Clyde depuis bientôt une semaine et, malgré le manqueincompréhensible que je ressens à leur égard, je suis soulagée de les savoir à des centaines dekilomètres d’ici. En moins de deux semaines, ils ont tout abandonné pour donner une dernière chanceà leur couple qui, pour moi, reste sur une voie sans issue. Mon petit frère, Jason, tout juste âgé desept ans, a quitté son école et ses amis pour les suivre dans leur dernière bataille pour laréconciliation. Ils vivent à présent dans notre maison de vacances, à Boston, dans le Massachusetts,leur ville natale. Ils en ont hérité après la mort de ma grand-mère maternelle, décédée quelquesannées auparavant. Sa mort a laissé un énorme vide dans mon cœur et dans ma vie. Elle était commeune mère pour moi et me comprenait, contrairement à mes parents qui me rabaissent sans cesse :

— Tu es une bonne à rien ! Je vais t’en coller une !

Oui, mes parents sont très partisans des gifles cuisantes et des injures, mais je m’y suis faite peu àpeu. J’ai toujours vécu dans cette ambiance, et ne sachant pas à quoi ressemble une vie « normale »,j’ai toujours accepté sans broncher. Au fil des années, je me suis rebellée, et le revers de la médaillea été pire encore. Mon père s’en prenait très souvent à moi, et je suis devenue un véritablepunchingball vivant sur lequel il se défoulait de sa journée lorsque celle-ci ne s’était pas dérouléecomme il l’entendait.

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Une enfance troublée par des cris et des pleurs. Je détestais le week-end, car nous n’avions aucunloisir à partager ensemble. Mes copines allaient se balader en bord de mer, ou bien manger une glaceen ville. Moi, je restais à la maison à attendre que les heures et les journées passent, à m’ennuyer.Bien entendu, tout cela dans le silence total. Je n’avais pas le droit de faire du bruit ou bien dedéranger. Les seules fois où l’on me portait un intérêt particulier était pour me prendre à partie dansles disputes :

— Hope qui a raison ? Maman ou moi ? Si l’on venait à divorcer, tu partirais avec moi ou tamère ? Allez, réponds-nous ! me demandait mon père, hors de lui, m’attrapant par le bras et mesecouant dans tous les sens.

Oui, je réalise au fil des jours qu’ils m’ont tout simplement, une fois de plus, abandonnée ici, sansmême se soucier si j’allais m’en sortir du haut de mes dix-neuf ans.

Ils pensent qu’en quittant le Maine, ils laissent derrière eux leurs soucis et les infidélités de monpère, ainsi que les crises de ma mère. Leurs disputes se terminent toujours par de la violence. Moi, jesuis persuadée que fuir leurs problèmes ne résoudra absolument rien. Ils sont ainsi faits et leur couplefonctionne sur ce mode. J’ai traversé des moments qu’un enfant ne devrait jamais connaître, commeles coups, le sang, les mensonges, les insultes et les innombrables tromperies de mon père. Tout celaa fini par faire sombrer ma mère dans une solitude profonde et une dépression destructrice. Deterribles et douloureux pans de mon passé que mon esprit a décidé d’effacer par peur de se souveniret de souffrir. Ce qu’ils m’ont fait subir reste, à jamais, impardonnable. Malgré la peine que jeressens face à leur départ, je me sens délivrée et enfin en sécurité.

— Bonjour bébé. Tu as bien dormi ? me demande Tom d’une voix ensommeillée, me sortant demes pensées.

Il se tourne vers moi et me prend dans ses bras. La douce chaleur de son étreinte apaise un tantsoit peu le chagrin qui s’installe en moi depuis quelques jours.

— Oui, ça peut aller, mais toute cette situation n’est pas évidente…

— Je dois aller bosser. On en parlera ce soir, d’accord ? me coupe-t-il en déposant un légerbaiser sur mon front.

Il se lève rapidement et sort de la chambre en enfilant son pantalon.

— Oui… d’accord, je comprends…, murmuré-je à moi-même.

Tom et moi, nous nous connaissons depuis notre plus jeune âge et avons fréquenté les mêmesécoles. J’avais seize ans lorsque je suis tombée sous son charme, lui en avait dix-neuf. Il commençaittout juste à travailler pour un préparateur automobile dans un garage très réputé, à la sortie de laville. Depuis ce jour, nous ne nous sommes jamais quittés. Le choix s’est imposé à moi et j’ai arrêtémes études, afin de trouver un emploi pour partir au plus vite de chez mes parents. J’ai eu la chancede décrocher un petit boulot de serveuse chez Lily’s Coffee, un café très familial non loin du phare oùj’aime aller me balader pour me ressourcer. Quelques jours après, mes parents quittaientdéfinitivement Port Clyde, sans même me laisser le temps de trouver un « chez moi ». Tom m’a alorsgentiment accueillie chez lui.

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Allez, debout !

J’ai besoin d’un bon petit-déjeuner pour attaquer cette nouvelle journée. Je bondis hors du lit,descends les escaliers qui mènent au salon et croise Tom qui est déjà prêt à partir travailler. Il attrapeson trousseau dans la petite boîte à clés que j’ai achetée chez Mme Clinton, qui tient la boutique desouvenirs de notre ville, et me lance :

— À ce soir, bébé.

— Je pensais que nous aurions le temps de déjeuner tous les deux ?

— Désolé, mais un petit bijou arrive très tôt ce matin et Éric veut absolument que je sois là pourle réceptionner, fait-il en me déposant un baiser sur le front.

— Dommage… Tu sais, c’est mon tout premier jour, aujourd’hui, et…

— Ne m’attends pas. Je pense rentrer tard, me coupe-t-il tout en claquant la porte d’entréederrière lui.

Je le regarde à travers la vitre s’engouffrer dans sa voiture. Tom me salue de la main, démarreson bolide comme il le nomme, et s’en va dans un crissement de pneus assourdissant. J’ai cela enhorreur, et je me sens terriblement gênée vis-à-vis des voisins. Ses parents lui ont offert après qu’ilait décroché son poste chez Éric et je déteste son côté « prétentieux ». Moi, j’aime mon pickup, mêmesi c’est un vieux tacot, pourtant, je suis une passionnée d’automobile. J’ai réussi à me l’offrir touteseule avec les petits boulots que j’ai dégotés par ci, par là. C’est une Chevrolet bleu turquoise. Ellem’a tout de suite fait craquer et sa couleur particulière me rappelle celle de l’océan. Son espaceouvert à l’arrière, me permet de contempler le ciel à la tombée de la nuit. Tom a fait quelquesréparations dessus. Elle roule parfaitement bien et me convient. J’aime me fondre dans le paysage,sans me faire remarquer.

Les habitants de la ville me voient comme une jeune fille abandonnée par les siens et trèsréservée, comme enchaînée à quelque chose qui m’empêche de m’ouvrir au monde extérieur, et auxautres. C’est peut-être vrai, mais je ne sais pas vivre autrement que « cachée » dans ma bulle… Ilsm’ont pris en pitié après le départ de ma famille, et je déteste cela. Ils sont tous très gentils, mais leurregard me blesse et me rappelle combien la vie n’a pas toujours été clémente avec moi.

08 h 47

Lorsque je prends la route pour entamer mon premier jour de travail, je sens déjà mon ventre senouer tant le stress et l’anxiété me gagnent. Vais-je réussir à m’ouvrir un peu plus aux autres etapprendre à leur faire confiance ? J’ai besoin de cet emploi pour subvenir à mes besoins et ne plusêtre dépendante de qui que ce soit, pas même de Tom. J’apprécie de vivre à ses côtés, mais je mesens terriblement vide. Je vais avoir vingt ans, et je n’arrive toujours pas à combler ce manqueincommensurable qui se creuse en moi, chaque jour davantage.

Le Lily’s Coffee est encore fermé. Moi qui ne voulais pas arriver la première, c’est raté. Unvent glacial souffle, ce matin, et l’enseigne du café se balance d’avant en arrière. Je frotte mes mains

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l’une contre l’autre pour les réchauffer. Le chauffage de ma voiture ne fonctionne plus depuisplusieurs jours, et avec le froid qui règne aujourd’hui dans le Maine, je suis frigorifiée. Tom m’apourtant promis d’y jeter un œil mais j’attends toujours qu’il le fasse.

Mme Cole arrive au loin, un panier au bras, et le bonheur se lit sur son visage. Elle est d’unesimplicité et d’une élégance que je lui envie beaucoup. Elle a réussi dans la vie, et bien avant d’avoirépousé son mari, Bradley Cole, un riche homme d’affaire qui tient une banque en ville. Elle a ouvertson café et il fait un tabac dans la région, tant ses pâtisseries et ses petits plats du midi sont un régal.L’ambiance chaleureuse qui règne au sein de son établissement est très agréable, rythmée par lamusique sortant d’un vieux jukebox chiné chez un antiquaire.

J’y venais quelquefois après le lycée, mais, n’ayant pas les moyens de m’offrir grand-chose, jerepartais aussitôt de peur d’être pointée du doigt par les autres élèves. Je ne ressemble pas à toutesces filles, habillées à la dernière mode et bien dans leur baskets. De taille moyenne et beaucoup tropmince, j’ai les yeux marron et les cheveux longs aux couleurs de l’automne, châtains-blonds. Bref, jereste une fille assez banale dans l’ensemble. Je me demande très souvent à moi-même en contemplantmon reflet dans le miroir :

— Comment Tom peut-il me trouver attirante et rester avec moi ?

Après avoir laissé entrer Mme Cole, je sors de ma voiture et lève les yeux vers le ciel. Grand-mère, donne-moi la force d’affronter cette nouvelle journée qui se présente à moi… Je prends uneprofonde inspiration, et me dirige vers la porte où la petite pancarte indique « Ouvert ». Elle émet unpetit bruit de cloche à son ouverture qui m’amuse et me rappelle les vieux films de l’époque. Le caféest superbe et la musique du groupe Sister Golden Hair America, rythme l’ambiance. Les meubles enbois blanc et la décoration aux tons pastel, bleu et rose, apportent une touche harmonieuse etchaleureuse. Hum… Ça sent tellement bon ! L’odeur de la cannelle et des pancakes me metimmédiatement l’eau à la bouche. Je me sens un tantinet mieux et la convivialité de l’endroit apaiseun tant soit peu mes angoisses.

Mme Cole se trouve derrière son comptoir à fredonner la chanson.

— Bonjour, Hope ! Bienvenue à toi. Ne sois pas timide, me dit-elle d’une voix enjouée en mefaisant signe de la rejoindre.

— Bonjour… Mme Cole. Merci, c’est très gentil de me donner cette chance de travailler pourvous, marmonné-je, embarrassée par tant de sympathie à mon égard.

— Ne dis pas de bêtise, fait-elle en balayant l’air de sa main. Je suis très heureuse de t’avoiravec nous. Matthew va te former à cette première journée.

J’acquiesce d’un signe de tête en regardant autour de moi. Puis, je m’approche du comptoir oùelle me sert un café. Je grimace déjà à la vue de celui-ci.

— Tu n’aimes peut-être pas le café, ma chérie ? me demande-t-elle, pleine de sollicitude.

— Eh bien… euh… je préfère le chocolat chaud.

— Quelle empotée je fais ! Je te présente mes excuses. Je ne me suis même pas donné la peine de

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te proposer autre chose. Tu sais, j’en sers des litres par jour et je pense le faire machinalement àprésent, me dit-elle, amusée, levant les épaules et me préparant un chocolat chaud.

— Ce n’est pas grave. Merci beaucoup à vous, Mme Cole. C’est très aimable de votre part…

— Ah non ! Appelle-moi Liliane ou Lily, mais pas de « Madame » chez Lily’s Coffee, on estd’accord ? me coupe-t-elle aussitôt avec un sourire sincère.

Elle est si gentille…

— Je préférerais Liliane dans ce cas-là, si cela ne vous dérange pas, avoué-je, gênée, en baissantla tête.

Elle verse le lait en ajoutant du chocolat en poudre qui sent divinement bon, et me le dépose surle comptoir.

— Merci, Liliane.

J’attrape la tasse chaude qui réchauffe mes mains et en avale une petite gorgée. La cloche retentit.Une vieille dame entre et s’approche de Liliane qui contourne le comptoir pour la rejoindre. Ellel’embrasse sur la joue et me regarde en penchant légèrement la tête pour me contempler de bas enhaut. Je me sens terriblement mal à l’aise. Puis, d’une voix mielleuse, elle s’adresse à moi :

— Bonjour, ma douce enfant. Tu m’as l’air si triste…, me souffle-t-elle en s’approchant lentementde moi.

— Hope, je te présente ma mère. On l’appelle tous « Grandma », me dit Liliane d’une voix suaveen lui caressant tendrement le haut de la tête.

— Bonjour, Grandma…, réussis-je à murmurer.

Sans me laisser le temps de terminer ma phrase, Grandma attrape délicatement ma main et la posesur la sienne. Puis, la tourne et baisse la tête vers celle-ci. De son doigt, elle suit les petites lignes enmarmonnant des mots incompréhensibles. Liliane s’avance vers nous et pose les poings sur seshanches, d’un air renfrogné.

— Maman, laisse donc cette pauvre enfant ! C’est sa toute première journée et tu vas lui fairepeur, gronde-t-elle en jetant un regard curieux à ma main.

— Tais-toi donc ! Elle n’a pas peur… As-tu peur mon enfant ? me demande-t-elle, soucieuse, entraçant de son doigt frêle et tremblant les lignes de ma main.

— Non… Mais que voyez-vous ? réponds-je d’une voix calme mais déconcertée, tant la situationest inattendue.

— Je vois… Ton Destin te jouera des tours et tu perdras espoir, maintes fois… Il y a un hommebrun dans ta vie, mais l’Amour véritable n’est pas à ses côtés, fuis-le ! s’exclame-t-elle d’une voixtonitruante.

Je sursaute, surprise par sa réaction, mais elle poursuit.

— J’aperçois un autre homme… Oh ! Un parcours difficile et de nombreuses batailles à livrer…

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Vos vies vont se croiser inlassablement… Ne perds pas espoir… Désolée, mais je ne vois plus rien.Ton avenir est encore incertain, fait-elle en secouant la tête, comme si elle reprenait pied dans laréalité.

Je perçois sa difficulté et son impuissance à m’en dire plus. Je ne crois pas un traître mot de cequ’elle me raconte, mais je ne veux pas la blesser. Il est vrai qu’elle m’a surprise, néanmoins, cen’était pas de la peur. Je reste toutefois perplexe face à tout cela. Je lui souris et elle pose tendrementsa main sur ma joue.

La cloche retentit et la porte du café s’ouvre, interrompant ce moment énigmatique :

— Bonjour !

Un jeune homme brun à l’allure décontractée, s’approche de nous, un sourire aux lèvres. Sonregard croise le mien et j’en suis troublée. Je n’ai pas l’habitude que l’on me regarde de la sorte. Ilembrasse tout d’abord Grandma, puis Liliane qui le serre tendrement dans ses bras. Elle en profitepour remettre de l’ordre dans ses cheveux indisciplinés qui lui cachent les yeux. Il doit être le plusjeune des fils Cole… Je n’ai jamais eu l’occasion de le croiser. Il a certainement fréquenté une écoleprivée et hors de prix.

— Bonjour, mon chéri. Mais où étais-tu, ce matin ? Je ne t’ai pas vu au petit-déjeuner, luidemande-t-elle en se dirigeant vers le comptoir pour lui servir une tasse de café.

— J’ai déposé ma voiture au garage pour changer mes pneus. Avec toute cette neige quicommence à tomber, je préfère prendre mes précautions, lui répond-il d’une voix rauque en me jetantun regard en coin, ce qui me vaut de m’empourprer instantanément.

— Mais où ai-je donc la tête, aujourd’hui ? Matthew, je te présente Hope qui vient rejoindrenotre belle équipe. Hope, je te présente le plus jeune de mes fils, Matthew.

— Salut, Hope. Bienvenue à toi, me dit-il en s’approchant de moi.

Sans me quitter des yeux, il me tend sa main pour me saluer et je fais de même. Elle est sidouce… Il est très beau, et il faut bien l’avouer, dégage un charme fou. Ses yeux noisette et son regardprofond me troublent, me déconcertent, ainsi que sa voix rauque qui est terriblement sensuelle. Il sentdélicieusement bon. Son parfum, aux notes raffinées et envoûtantes, éveille et électrise instantanémentmes sens. C’est la première fois, depuis Tom, qu’un homme me fait un tel effet. Mon cœur bat lachamade dans ma poitrine et je n’arrive pas plus à lâcher sa main, que lui la mienne. Je tente dereprendre une allure impassible et romps notre contact enchanteur.

— Salut… Matthew. Merci à toi, bafouillé-je sous son regard amusé qui tente de réprimer unsourire maladroit.

Liliane m’adresse un clin d’œil, glisse son bras sous celui de sa mère et l’entraîne vers la portequi mène vraisemblablement à la cuisine, nous laissant seuls. Matthew ne me quitte pas des yeux. Sonregard me sonde, me transperce de part en part. Je ne peux pas le laisser faire, personne n’a le droitd’entrer dans mon cœur meurtri à jamais…

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13 h 27

Je n’ai pas vu la matinée passer. Ce matin, Matthew m’a fait visiter l’établissement et m’aexpliqué comment faire fonctionner les différentes machines qui se trouvent derrière le comptoir.Nous nous sommes découvert la même passion pour les objets anciens. Il m’a parlé d’une charmantepetite ville à deux heures et demie de route de Port Clyde où il aime aller chiner avec sa mère.J’adorerais découvrir cet endroit, mais je ne pense pas que Tom aimerait m’accompagner, et encoremoins rouler plus de deux heures pour voir des vieilleries, comme il les nomme. J’ai aussi fait laconnaissance des serveuses, Rose Clark et Emma Ross ; elles me semblent très sympathiques. Roseest une grande blonde aux cheveux longs et lissés, avec de jolis yeux verts tirés en amande, et d’uneallure élancée et élégante. Quant à Emma, elle a les cheveux qui virent au rouge acajou, coupés àhauteur d’épaules et légèrement ondulés avec de très jolis yeux bleus malicieux. Elle a un look assezdécontracté et me semble quelqu’un de jovial et plein de vie. Elles ont toutes deux vingt-cinq ans etvivent ensemble en colocation à quelques pâtés de maison du café. J’envie leur indépendance et leurréussite qu’elles ne doivent qu’à elles-mêmes.

Le service touche à sa fin et je ne sens plus mes pieds. Treize heures trente pointe déjà sur lagrande horloge en bois aux chiffres romains qui se trouve sur le grand mur où sont accrochées lespremières photos de la ville. Le café était plein à craquer pour mon tout premier service. Beaucoupde jeunes étudiants sont venus manger un morceau et prendre un café. Les commandes se sontenchaînées et la clientèle a été très indulgente avec moi. Matthew n’a pas quitté la cuisine depuis queles filles sont arrivées en fin de matinée, et je n’ai pas saisi la raison pour laquelle il est resté ici.Son père doit certainement l’attendre à la banque. Peut-être est-ce son jour de repos et a-t-il lagentillesse d’aider sa mère derrière les fourneaux ? Je ne sais pas grand-chose à son sujet etj’aimerais en apprendre davantage. Il m’a l’air très gentil et humble malgré son rang.

Rose près du comptoir détache ses cheveux et Emma s’affale sur une chaise, pendant que jetermine de nettoyer la table numéro sept.

— Je n’en peux plus. Je vais rentrer manger un morceau et me plonger dans un bon bain chaud. Ettoi ? me demande gentiment Rose.

— Moi ? Eh bien…

— Cette jeune demoiselle va déjeuner et ensuite m’accompagner à la réserve, lance Matthew quivient de nous rejoindre.

Emma se relève précipitamment de sa chaise suivie de Rose qui lui emboîte le pas.

— Eh bien nous, on s’en va, s’exclament les filles en chœur tout en attrapant leurs sacs à mainderrière le comptoir. Ciao ! Ciao !

— Je laisse le plaisir à Hope de découvrir les joies de la manutention… À tout à l’heure, ajouteEmma d’un ton taquin.

Elles enfilent rapidement leurs manteaux et se faufilent dehors en nous adressant un signe de lamain.

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— Bande de lâcheuses ! proteste Matthew d’un ton amusé en secouant la tête.

Il verrouille la porte et tourne la pancarte pour informer que nous sommes fermés. Nous avonsdeux heures pour déjeuner. Ensuite, je reprends mon service jusqu’à 18h30. Les horaires meconviennent parfaitement, et faire la fine bouche devant la montagne de vaisselle ne m’aidera pas àavancer. De plus, je me plais ici. Tout le monde est très gentil et respectueux.

Matthew me regarde et je me sens terriblement mal à l’aise de rester seule en sa compagnie, qui,malgré moi, me trouble. Oui, ce jeune homme à ce « je ne sais quoi » dans le regard quim’embarrasse, me déconcerte… Pourquoi ? Il fronce légèrement les sourcils comme s’ilréfléchissait, tentant de cerner ce qui ne va pas chez moi. Il hoche la tête, s’approche lentement etplace une mèche de cheveux derrière mon oreille. Je recule aussitôt d’un pas, interloquée par songeste. À son contact, une douce chaleur s’installe au creux de mon ventre et, à ma grande surprise,elle est tout sauf désagréable.

— Tu es toujours comme ça ? me demande-t-il d’une voix suave.

— Comme ça ? Je ne comprends pas…

— Apeurée de tout et sans la moindre confiance en toi ? Pourquoi t’est-il si difficile d’accepterle regard des autres ?

Je détourne immédiatement mon regard du sien, blessée et piquée au vif. Je sais qu’il a raison,mais l’entendre me fait très mal. Il s’approche, relève mon menton et penche la tête sans me quitterdes yeux. Je le regarde furtivement et lui réponds sèchement :

— Je ne vais pas très bien depuis quelques jours… Mais cela n’empiétera pas sur mon travail. Jete le jure, car j’ai…

Il me coupe aussitôt dans ma lancée et se redresse.

— Eh ! Cool… Tu te débrouilles très bien pour une première journée. On va déjeuner et faireconnaissance. Cela te changera les idées. Ça te va ? me demande-t-il en se dirigeant vers la cuisine.

— Oui, pourquoi pas… ?

Hein ? Pourquoi ai-je accepté de déjeuner avec lui ?

Je le connais à peine, mais, à mon grand étonnement, il m’inspire confiance. Sa compagnie m’esttrès agréable et m’apporte un certain réconfort. Je dois apprendre à m’ouvrir aux autres. Je n’ai pasd’amis et je ne me confie que rarement aux gens. J’ai bien Elisabeth, ma cousine, mais elle vit àPortland, et ce n’est pas toujours évident pour se voir.

Matthew disparaît quelques secondes et revient avec un panier à la main qu’il dépose près demoi sur la table. Curieuse, je tente de découvrir ce qu’il y à l’intérieur, mais le torchon qui le couvrem’en empêche. Je me dandine d’un pied sur l’autre, terriblement gênée par la situation. J’ai besoin demes repères et de maîtriser les choses, et là, elles m’échappent totalement. Il attrape son manteaudans la penderie de l’entrée et l’enfile sans me quitter des yeux. Puis, il prend le mien et s’avancelentement vers moi. Je suis certaine que je suis rouge écrevisse, tant l’embarras me gagne.

— Merci. C’est très gentil, Matthew, lui dis-je en m’avançant pour le récupérer.

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Mais, contre toute attente, il me contourne et m’aide à le passer. On ne m’a jamais traité avecautant de gentillesse et de galanterie. Il s’occupe de moi et semble prendre plaisir à le faire.Matthew est très bien éduqué. Il s’attarde derrière moi et glisse mes cheveux hors de mon manteauqui tombent en cascade sur mes épaules. Je ferme un instant les yeux, pour profiter de ce momenttroublant. Puis, il se penche, approche son visage du mien et me souffle doucement à l’oreille :

— Viens, allons marcher près du phare et manger un petit bout. Tu as besoin de te changer lesidées, et moi aussi.

— D’accord… C’est très gentil, réponds-je en pivotant face à lui.

Matthew m’adresse un minois réjoui et je fais de même.

— Voilà, tu es beaucoup plus jolie quand tu souris.

— Merci, chuchoté-je d’une voix timide.

Soudain, un raclement de gorge vient nous interrompre. Liliane nous rejoint d’un air malicieux, etje sais à présent de qui Matthew tient son sourire.

— Je rentre à la maison, mon chéri. Je suppose que tu fermeras le café, aujourd’hui ? lui lance-t-elle d’un air amusé, en jetant un œil au panier.

Que va-t-elle penser de moi ? Je n’aurais pas dû accepter de déjeuner avec le fils de mapatronne. Bravo !

— Oui, on va déjeuner, et cet après-midi nous allons trier les commandes fournisseurs que l’on areçues ce matin.

— Bien. Je vous souhaite un très bon appétit. Hope, tu t’en sors très bien, bravo. À demain, fait-elle en posant gentiment sa main sur mon bras.

— À demain. Merci, Liliane.

Elle nous adresse un signe de tête et s’en va avec un sourire jusqu’aux oreilles. Matthew et moirestons un moment à la regarder marcher sur le trottoir, où un léger manteau blanc a recouvert leschaussées, resplendissant sous un soleil d’hiver et offrant un spectacle féerique. Puis, elle disparaîtau coin de la rue.

En sortant du café, je m’avance et reste béate d’admiration devant sa voiture. Il s’empresse dem’ouvrir la portière et me fait signe de monter, mais je reste figée sur place. Je la contourne et lafrôle délicatement du bout des doigts en prenant soin de ne pas la rayer. J’adore cette couleur noirequi brille sous les rayons du soleil et où je vois mon reflet. Matthew croise les bras. Il me sembledéconcerté par ma réaction, mais je ne peux m’empêcher de la contempler.

— Elle est superbe… C’est une Ford Mustang Shelby, la Gt-350 en version « Fastback » de1964. Non ? Peut-être 1965, vu sa calandre…, lui dis-je, fascinée par cette américaine.

— Tu es incroyable… Oui, elle est de 1965, et j’y tiens beaucoup, me dit-il tout en déposant lepanier dans le coffre de sa voiture.

— Tu pourrais t’offrir n’importe quelle voiture, mais tu as préféré celle-ci. Pourquoi ?

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— C’est ma toute première caisse. J’étais fier comme pas deux quand j’ai pu me l’offrir aprèsavoir économisé pendant plus d’un an.

Non, impossible !

Je suis surprise. Il est riche, alors pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour s’acheter unevoiture ? Je ne pensais pas qu’un jeune homme de son rang roulerait simplement en Ford Mustang.Cela dit, je n’ai pas les moyens de m’en offrir une, mais lui pourrait en avoir des dizaines, s’il lesouhaitait.

— Allez, grimpe, me propose Matthew en me tenant galamment la portière afin que je m’yinstalle.

14 h 07

Le silence règne dans la voiture. Je suis crispée sur mon siège et mal à l’aise de me retrouveravec un autre homme que Tom. Matthew m’observe du coin de l’œil, puis inspire profondément etfronce les sourcils en regardant droit devant lui. Une tension électrique s’est installée dansl’habitacle de sa Mustang. Il allume son autoradio, certainement pour détendre l’atmosphère, zapped’une station à l’autre, et s’arrête sur la musique d’Al Green - Lets Stay Together.

— J’adore cette chanson, et toi ? me demande-t-il d’une voix enjouée.

— Oui, j’aime beaucoup, soufflé-je timidement.

Ses doigts tapotent sur le volant au rythme de la musique. Matthew respire la joie de vivre, etc’est très agréable. Il arrive à m’arracher un sourire que je tente de réprimer tant bien que mal, maisil le voit et se met aussitôt à chantonner.

— Since we’ve been together. Loving you forever… Allez, chante avec moi, Hope. Regarde cettevue magnifique sur l’océan et le phare qui se dessine au loin à l’horizon. C’est le plus bel endroit aumonde, me dit-il en se dandinant sur son siège.

Ce garçon a le rythme dans la peau, ma parole !

Il arrive à m’entraîner avec lui ; je commence déjà à taper du pied. L’ambiance change du tout autout lorsqu’il emprunte la dernière ligne droite qui mène au phare. Matthew fait vrombir le moteur desa Mustang, et le paysage, à travers ma vitre, défile à vive allure. J’attrape immédiatement maceinture de sécurité comme pour vérifier qu’elle est bien attachée tant je me retrouve collée au siège.

— Dis-moi, tu as vu le panneau sur le bord de la route ? lui demandé-je, la boule au ventre.

— Quel panneau ?

— Celui qui t’indique la limitation de vitesse !? lui fais-je remarquer en m’agrippant à laportière.

— Non, je n’ai jamais prêté attention à ces trucs-là. Toi si, je suis certain, éclate-t-il de rire.

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Bien malgré moi, il arrive à m’arracher un sourire.

Matthew se gare non loin du phare qui se trouve à l’extrémité sud de la ville. Il sort aussitôt de lavoiture, fait le tour et m’ouvre la portière.

— Vous êtes arrivée, jeune demoiselle. Puis-je vous aider à descendre de voiture ? me demande-t-il en me tendant très galamment sa main.

Je le regarde d’un air suspicieux, encore chamboulée, mais il accentue son sourire afin de mettretoutes les chances de son côté, ce qui me faire rire. J’accepte d’un signe de tête et attrape sa main. Jeme relève et me retrouve à quelques centimètres de son corps qui me déstabilise avec ses fragrancesenvoûtantes. Que m’arrive-t-il ?

— Tu as faim ? me demande-t-il d’un ton malicieux.

— Faim ?

— Oui ? Le panier dans le coffre ?

— Oh oui… bien sûr… Mais, je sais, oui… Enfin, j’avais compris, hein, lancé-je, écarlate dehonte.

— Ne t’enflamme pas… Je te fais marcher pour détendre un peu l’atmosphère, me taquine-t-il,amusé, en se dirigeant vers le coffre de sa voiture.

Non, mais quelle sotte je fais !

Il en sort le panier et une couverture, et me rejoint avec un sourire jusqu’aux oreilles.

— Viens, allons déjeuner, et tu me raconteras enfin d’où te vient cette passion pour l’automobile.C’est assez rare chez une fille, tu sais ?

J’opine de la tête pour confirmer ses dires et le suis, curieuse de découvrir où nous allonsdéjeuner avec le froid qui règne aujourd’hui. Nous nous approchons du pont qui mène au phare.Matthew se tourne vers moi et me fait signe d’avancer :

— Après toi.

— Tu veux déjeuner près du phare avec toute cette neige ? Il fait trop froid, frissonné-je aussitôt.

Le vent souffle beaucoup plus fort près de l’océan et la température négative n’arrange rien. Meprenant au dépourvu, Matthew éclate de rire et emprunte le pont de bois.

— Frileuse avec ça. Dépêche-toi ! Ça va refroidir et je meurs de faim, râle-t-il à voix haute.

Je m’empresse de le rattraper et le suis de près en jetant un regard en arrière. Mais, que fais-tuavec ce garçon ? Et si on nous voit ? Soudain, je butte sur un mur de muscle, perd l’équilibre etglisse sur le sol enneigé. Matthew tente de me rattraper, mais se retrouve les fesses par terreégalement. Nous nous regardons un instant et explosons de rire l’un l’autre.

— Non, mais franchement, tu es unique, toi ! J’ai jamais autant ri de ma vie, mais regarde-toi, medit-il en pointant ses doigts en direction de mes fesses.

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Oui, d’accord, j’ai l’arrière train au sol et, en plus, je suis trempée. Une nouvelle vague de fourire nous envahit, et nous rions aux éclats comme deux adolescents insouciants.

— C’est ta faute ! Si nous étions restés au café, tout cela ne serait pas arrivé ! fais-je en secouantla neige posée sur mon jean.

— Tu plaisantes ? Tu regardais quoi comme ça derrière toi ? me demande-t-il en s’essuyant lesyeux noyés de larmes.

— Rien… je… me disais… simplement que quelqu’un pourrait nous…

— Quoi ? Nous voir ? me coupe-t-il sèchement en sondant mon regard.

— Oui, je suis désolée d’avoir ruiné notre déjeuner, lui dis-je, embarrassée.

Je baisse la tête. Matthew glisse lentement sur le sol et vient s’assoir près de moi. Adossé à larambarde en bois, il lève les yeux au ciel et me souffle :

— Tu accordes beaucoup trop d’importance au regard des autres, Hope. Pourquoi ?

Gênée, je tente de bafouiller quelque chose pour me justifier :

— Eh bien, car… ou peut-être parce que… À la vérité, je n’en sais rien…, avoué-je tristement.

— Eh ? Regarde-moi !

Il est là, à me contempler comme si j’étais la huitième merveille du monde, moi, Hope, laCendrillon de tous les temps, mais qui n’a ni son Prince charmant ni sa marraine, la bonne fée.

— J’ai très envie d’apprendre à te connaître. Ne me demande pas pourquoi, mais je le ressens,là, au fond de moi, dit-il en posant la main sur son cœur.

Une larme perle au coin de mon œil et roule le long de mon visage. Ce garçon a le don de lire enmoi comme dans un livre ouvert. Et, moi, imprudente, je le laisse entrer dans mon univers sansl’arrêter.

— Ne pleure pas… Pardonne-moi, ma question était tout simplement déplacée, dit-il en séchantma larme du bout des doigts.

— Ce n’est rien… Je suis à fleur de peau, ces derniers temps.

Matthew se lève et me tend la main afin de m’aider à me redresser. Je l’attrape et me retrouveface à lui, les yeux plantés dans les siens. Je décèle tant de tendresse et de paix dans son regard quime rassure et m’attendrit. Il est si gentil, si attentionné avec moi. Jamais encore quelqu’un ne s’estmontré si intéressé par ma petite personne. Tom est avec moi, certes, mais nous ne partageons quepeu, voire jamais, mes peurs, mes soucis et mon passé. J’ai appris à pleurer toute seule, à medébrouiller avec mes fantômes et à me tenir debout malgré eux. Je ne crois plus en grand-chosemalgré l’amour que Tom dit me porter. Moi, je l’aime, à ma façon, mais je ne sais pas ce que le mot« Amour » peut véritablement signifier…

Matthew s’approche encore un peu, prend mon visage en coupe et me contemple un instant. Jeveux reculer, mais son regard attendrissant me rassure. D’un geste plein de tendresse, ses lèvres

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délicates frôlent ma peau et déposent un baiser sur mon front. Puis, suavement, il me susurre :

— Là, je suis là, et tu peux te confier à moi. Moi aussi, j’ai mes peurs et mes doutes, mais on doitles laisser derrière soi, car la vie est belle. Accroche-toi, Hope, tu as encore tant de choses àdécouvrir.

Soudain, je suis prise de tremblements. Est-ce le froid ou la tension qui retombe tout doucement ?Matthew me relâche aussitôt et ramasse la couverture pour m’en entourer les épaules. Je m’enroulededans, le remercie d’un signe de tête, en lui souriant timidement. Il attrape le panier et sort de sapoche une petite clé qu’il glisse dans la serrure de la porte d’entrée du phare. Je suis étonnée qu’il yait accès, et c’est la première fois que j’entre à l’intérieur. J’ai toujours été fascinée par cet endroit etDieu sait le nombre de fois où je me suis retrouvée ici, pour écrire ou me balader sur le pont.

— Entre, sinon tu vas prendre froid. Après toi, me dit-il en m’invitant d’un signe de la main.

La curiosité piquée à vif, je grimpe immédiatement les escaliers qui mènent à l’étage.

— Wouahhh ! C’est magnifique…, fais-je en joignant les mains sur mes lèvres.

La couverture tombe au sol, mais Matthew s’empresse de la ramasser et de m’envelopper dedans.Ses mains sont posées tendrement sur mes épaules et je me sens comme protégée et en sécurité, loinde tous mes fantômes. Nous restons là un moment à regarder l’océan et les vagues s’échouer sur lespierres. Les rayons du soleil passent à travers les vitres et forment de petits jeux de lumières toutautour de nous. Puis, les cris des mouettes immortalisent ce moment qui restera gravé en moi pourlongtemps tant le spectacle est incroyable.

— Tu aimes ? me souffle-t-il à l’oreille.

— Oui, c’est… magique, Matthew. Merci de m’avoir emmenée jusqu’ici.

— Merci à toi de me faire confiance… Et si nous allions déjeuner, à présent ? Il se fait tard et leLily’s Coffee rouvre dans une heure.

Nous déjeunons, assis sur la couverture avec vue sur l’horizon. Matthew a un sens de l’humourtrès développé, et cela me fait un bien fou. Je ris et découvre cette émotion qui éveille en moi de lajoie, de la gaieté, tout simplement du bonheur. Il est vraiment très gentil et on s’entend très bien. Jepense que je me suis fait mon premier ami, et j’en suis ravie. Je lui parle de ma passion pour lesvoitures américaines qui est née grâce à mon père qui est restaurateur de voitures anciennes. Il mepropose aussitôt de conduire sa Ford Mustang pour le retour, ce que je refuse tout net de peur del’abîmer. Il m’avoue que sa grand-mère, Grandma, adore tirer les cartes et lire les lignes de la main,mais qu’elle se trompe la plupart du temps, ce qui nous vaut une nouvelle crise de rire. Puis,j’apprends, avec étonnement, qu’il ne travaille pas avec son père à la banque, mais bien chez Lily’sCoffee aux côtés de sa mère. Étant passionné depuis l’enfance par l’ambiance de ce café et par lapâtisserie, il a décidé de rejoindre Liliane. J’en reste surprise.

— Et la clé du phare ? lui demandé-je, curieuse de savoir comment il peut l’avoir en sapossession.

— Mes parents ont investi dans les travaux de rénovation et, pour ne rien te cacher, ilsconnaissent bien Henry, le gardien du phare, me dit-il en m’adressant un clin d’œil malicieux.

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— Henry ? fais-je en me cachant la bouche encore pleine.

Matthew, amusé, me sourit, croque dans sa pomme et me répond :

— C’est un artiste incroyable. Henry est peintre et photographe. Il adore ce paysage qui l’inspiredepuis des années. Donc, il a décidé d’en prendre la charge avec son épouse, Marie, et m’a permisde venir ici autant de fois que je le souhaite. Avec mes études, cela était difficile ces derniers temps,mais à présent, je profite de cette vue magnifique sur l’Océan. Cet endroit est si incroyable que je neme lasse pas d’y venir, me confie-t-il, posant des yeux émerveillés sur l’horizon.

J’ose aborder le départ de mes parents et mon déménagement chez mon petit ami. Je me surprendsmoi-même à lui parler de Tom et remarque que ce sujet lui arrache une grimace. Lui m’avoue,timidement, sortir avec une jeune fille, nommée Brooke Reese, et qui se trouve actuellement àLondres pour un stage dans une grande banque européenne. Elle est la fille de l’un des associés deson père et ils se connaissent depuis leur plus tendre enfance. Ils ont une relation très compliquée, carelle est très différente de lui. Cette séparation leur permet de faire le point sur leur relation. Elle doitprochainement rentrer aux États-Unis et entamer une carrière dans la banque d’investissement de sonpère.

Nous finissons de déjeuner. Un moment fort agréable que je n’ai guère l’habitude de partageravec qui que ce soit, et c’est très rafraîchissant.

En rentrant au Lily’s Coffee, nous descendons à la réserve et laissons les filles s’occuper du café.Il m’explique comment trier les différents produits alimentaires. Je l’écoute attentivement et prendsplaisir à le regarder faire. En fin d’après-midi, lorsque je grimpe dans mon pickup, je me sens, tel unphénix, renaître de mes cendres. Je viens de me faire de nouveaux amis, et je m’entends parfaitementbien avec tout le personnel. J’ai peut-être trouvé un semblant de sens à mon existence…

22 h 39

Douce pensée du soir :

Je viens de passer une merveilleuse journée. Le besoin d’écrire et de me vider la tête se faitsentir une nouvelle fois. Aujourd’hui, j’ai pris conscience que je pouvais être aussi vivante qu’unefleur qui éclot après un long hiver. Je suis l’ours brun caché dans sa grotte, attendant le prochainprintemps pour revenir à la vie, et c’est ce que j’ai ressenti tout au long de la journée encompagnie de Matthew. Il a ouvert la boîte de Pandore où je dissimule toutes mes peurs et mesdouleurs de petite fille. Saura-t-il me tendre l’Espoir caché au fond de cette boîte secrète ?

Que ressent-on lorsque nous tombons éperdument amoureux de quelqu’un ? J’aimeraisdécouvrir ce qu’est réellement l’Amour, le véritable Amour, l’Unique… J’éprouve quelque chosede particulier pour Tom, mais le vide que je ressens au fond de mon cœur ne s’est jamais comblédans ses bras. J’en déduis alors, que le sentiment amoureux est encore bien différent de celui del’affection. Ma famille est partie, et une certaine dépendance affective est en train de naître en

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moi vis-à-vis de Tom. Mais qu’est-ce, en vérité ? Je me sens comme un animal abandonné à ladérive ayant eu la chance de trouver un port d’attache auprès de Tom…

Matthew est si gentil, si attentif, si attentionné et d’une galanterie comme il en reste peu denos jours. Il me rend espoir en la vie. Grâce à lui, je veux encore croire au Prince charmant. Maisje me demande s’il viendra un jour, m’emmener loin de ma crainte la plus profonde. Celle que mesparents ont alimentée ces dernières années : la peur d’être abandonnée…

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- II -

Samedi 22 février 1975 à 09 h 37

Le soleil s’engouffre timidement à travers les rideaux de la chambre. J’ouvre un œil, puis l’autre.Je tapote l’oreiller à la recherche de mon petit ami, mais il a déjà disparu. Quand aurons-nous lachance de passer un peu de temps ensemble ? Nous sommes samedi et aujourd’hui, je ne travaillepas. Je reprends du service uniquement le dimanche matin, et ensuite, je vais déjeuner avec les fillesau centre-ville. On passera l’après-midi toutes les trois. Et ça, c’est tout nouveau pour moi. J’aitrouvé, en Rose et Emma, deux amies à qui je m’ouvre peu à peu, et nous nous entendons à merveille.Tom est ravi que je me fasse de nouvelles copines, étant donné qu’il passe le plus clair de son tempsau garage.

Cette semaine est passée à la vitesse de l’éclair. J’adore mon travail et me surprends,quelquefois, à rester plus tard que prévu. Chaque matin, je me lève et cours à la terrasse attenante ànotre chambre. Je reste là, à contempler le matin se lever dans l’horizon et cette vue magnifique quidonne sur l’océan. L’espoir perce enfin les sombres nuages et le brouillard comme les rayons dusoleil viendraient éclairer la nuit obscure dans laquelle je vivais. Je reprends peu à peu goût à lavie…

Matthew et moi apprenons à nous connaître, et j’apprécie sa compagnie. J’ai certaines foisl’impression que l’on se connaît depuis toujours… Nous avons déjeuné tous les jours de la semaineensemble. C’est devenu une habitude, presque un rituel. Chaque jour, lorsque nous ouvrons le café, ilme fait goûter à une de ses créations culinaires. Il est vraiment doué pour émerveiller les papilles. Jeme souviens d’un matin où il avait pris un malin plaisir à me taquiner :

— Si tu continues à te goinfrer de la sorte avec mes pâtisseries, bientôt tu seras plus facile àrouler qu’à porter.

J’avais bien failli m’étrangler avec la part de gâteau au chocolat. Matthew m’a, immédiatement,tapoté dans le dos sans pouvoir enrayer une nouvelle crise de rire.

Allez ! Debout !

Je me lève, enfile mon peignoir et me rends sur la terrasse. J’inspire à plein poumons l’air marinde l’Atlantique. Puis, je sors de ma chambre, jette un œil à la salle de bain qui se trouve à gauche, etdans le bureau. Personne. Tom est-il déjà parti ? Je descends les escaliers qui mènent directement augrand salon. À droite, dans le coin cuisine, l’odeur du pain chaud m’attire immédiatement.

— Tom ? Tu es là ? l’appelé-je, en me servant un verre de jus d’orange.

— Oui, je suis là. Je finis de bricoler une pièce que je dois apporter tout à l’heure à Éric. J’ai été

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te chercher du pain, bébé ! lance-t-il derrière la porte attenante à la cuisine qui mène au garage.

Je souris. Cela me fait très plaisir qu’il ait pensé à mon petit déjeuner.

— Merci, c’est très gentil à toi. Je meurs de faim, dis-je, en attrapant un couteau pour beurrer unmorceau de pain.

— Hier, un fils à papa a amené sa caisse chez Éric. Elle était magnifique, et je suis certain que tuaurais craqué dessus, toi qui adores les américaines.

— Une américaine ? Quel modèle ? demandé-je, curieuse, devinant déjà sa réponse.

Mon cœur s’emballe, et je suis certaine que c’était Matthew. Il devait y passer en fin de semaine.Je dois me ressaisir et vite…

— Une Mustang de 65, bébé ! me répond-il en ouvrant la porte, un chiffon à la main.

Je manque de m’étrangler et bois une gorgée de mon jus d’orange. Il me regarde, hausse unsourcil interrogateur et me demande sèchement :

— Quoi ? Pourquoi tires-tu une tête pareille ? Tu le connais, ce fils à papa ?

— Je pense que tu parles du plus jeune des fils Cole. Il s’appelle Matthew et je travaille pour samère. Le Lily’s Coffee appartient à sa famille ainsi que la banque qui fait le coin de la rue de StreetView.

— Ah oui ? Il prépare la popote, lui aussi ? Quel couille molle, je te jure, se moque-t-ilméchamment.

— Non, c’est un jeune homme très bien élevé et d’une gentillesse comme je n’en ai encore jamaisconnu, pesté-je en portant une tartine de pain à mes lèvres.

— Tais-toi ! Ce n’est qu’une fillette qui joue à la dînette et qui veut t’impressionner.

Mon sang quitte lentement ma tête. Je reste figée sur place, sidérée par son soudain changementd’humeur. Tom m’adresse un sourire faux, plein de mépris. Puis s’approche et me plaque contrel’évier en se frottant à moi. Ce n’est pas le moment… Je sais déjà comment tout cela va se terminer.Il va vouloir m’impressionner et prouver qu’il est bien meilleur que le « fils à papa ». Tom atellement changé depuis mon arrivée chez lui. Il a ce besoin de me contrôler, cela m’étouffe etm’oppresse chaque jour davantage. Au départ, j’ai apprécié ce côté protecteur qui a manqué quelquepart à mon propre père, mais, aujourd’hui, je commence à réprouver cette attitude qu’il entretientenvers moi, malgré toute l’affection que je lui porte.

— Je ne t’ai pas dit bonjour, mon bébé. As-tu bien dormi ? me demande-t-il en m’embrassantdans le cou.

Tom remonte jusqu’à mes lèvres et les mordille. Je réprime une vague de tension qui s’insinue enmoi.

— Oui, merci…, soufflé-je, oppressée, entre deux baisers qui s’intensifient.

— Pourquoi ne pas commencer cette journée par un gros câlin ? me propose-t-il en me faisant

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signe d’aller au salon.

— Euh… Eh bien… je pensais que nous pourrions déjeuner tous les deux en amoureux, réponds-je un peu trop vivement.

Me libérant de ses bras, je m’empresse d’aller me préparer un chocolat chaud. Je verse le laitbouillant. Le cacao flotte à la surface, et j’attrape une cuillère pour mélanger le tout en guettant saréaction du coin de l’œil. Je bois une gorgée en lui offrant un sourire qui se veut tendre. Respire… Ilavale péniblement sa salive et part se laver les mains encore noires de cambouis. Lorsque,brusquement, il tape du poing sur l’évier me faisant sursauter et renverser un peu de lait. Son regardfroid me glace le sang. Je ne me rappelle pas l’avoir déjà vu comme ça. Que se passe-t-il ?

Il s’approche de moi et je recule, le dos collé au réfrigérateur. Il attrape ma tasse, la pose sur leplan de travail, et plonge ses yeux perçants dans les miens. J’ai la bouche sèche et l’angoisses’installe lentement en moi. Je connais ce regard… Tom dénoue délicatement, sans me quitter desyeux, la ceinture de mon peignoir, le glisse le long de mes épaules, et hausse un sourcil suspicieux enle jetant au sol.

— Tu refuses de passer du temps avec moi, Hope ? Sais-tu combien cela me manque de fairel’amour ? siffle-t-il entre ses dents tout en passant ses doigts sous les bretelles de ma nuisette qu’ilfait glisser.

Elle tombe sur le sol et rejoint mon peignoir.

Effectivement, depuis le départ de mes parents, nous n’avons pas passé beaucoup de tempsensemble. Cela dit, il n’est pas souvent à la maison, difficile de trouver du temps pour nous. Fairel’amour avec Tom reste particulier, mais lorsqu’il quitte mon corps, je me sens comme happée del’intérieur, comme si on m’arrachait une partie de moi-même sans pour autant me la rendre.

— Non, ce n’est pas ça, Tom. Si tu veux, on déjeune et on monte passer la matinée au lit. Qu’endis-tu ? lui demandé-je d’une voix saccadée, tentant d’éviter ce qui va irrémédiablement arriver.

— Moi, je pense plutôt à autre chose… Pourquoi on ne regarderait pas un petit film bienbandant ? Tu m’as l’air crispé, bébé, susurre-t-il, excité, à mon oreille en me léchant le cou jusqu’à lapoitrine.

— Non, mais attends… Tu m’inspires déjà beaucoup, je t’assure…

— Oui, mais moi, j’en ai besoin ! proteste-t-il en m’immobilisant avec ses hanches.

Il m’agrippe fermement. L’étau de ses doigts me blesse. Je déteste quand il réagit de cette façon.Pourquoi aime-t-il autant regarder ce genre de films ? Suis-je aussi imparfaite que cela ? Est-ce mafaute ? Est-ce que je manque cruellement d’expérience ? J’ai toujours pensé que faire l’amour étaitquelque chose de naturel et de merveilleux. Je suis sûrement beaucoup trop fleur bleue pour Tom quia besoin d’assouvir ses appétits sexuels.

Tom me soulève et passe mes jambes autour de sa taille. Je sens se déployer sa virilité sur mapeau, mes muscles se crispent. Je dois me détendre… Il se dirige vers le salon, m’allonge sur lecanapé, et recule sans me quitter des yeux, de peur que je me relève. Mais je ne bougerai pas, j’aiappris à être docile et gentille. Il allume la télévision et le magnétoscope. Le film en route, il baisse

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son pantalon et vient se poser de tout son poids sur mon corps. Il s’introduit péniblement en moi tantje ne suis pas prête. Tom entame alors ses va-et-vient, interminables, en me tenant le visage de façonà ce que je regarde les personnages se donner les uns aux autres. J’ai mal, terriblement mal et jen’arrive pas à me laisser aller. Je sens comme une brûlure vive dans mes chairs et les larmes memonter aux yeux. Il accélère encore la cadence et m’ordonne d’une voix gutturale :

— Regarde-les ! Tu as vu comme elle se donne, elle ? Pourquoi tu ne fais pas comme elle,putain ! Elle est bandante la garce… Ah ! Ça vient, bébé…

Tom se fige enfin en poussant un râle profond. Puis, comme à chaque fois, il fait glisser ses mainssur mes hanches qu’il maintient violemment. Ses désirs assouvis, il reprend son souffle, et me dit :

— C’était merveilleux, mon bébé… Tu as aimé ?

J’acquiesce d’un signe de tête, au bord des larmes. J’ai la nausée qui me monte à la gorge mais jereste forte comme j’ai appris à l’être. Il se lève, remonte son pantalon et me tend sa main afin que jeme redresse. Il pose un baiser furtif sur mes lèvres et part éteindre le magnétoscope.

— Je vais prendre une douche, Tom. Tu pars travailler à quelle heure ? lui demandé-je encontournant le canapé et me couvrant la poitrine de mes bras.

J’ai besoin de me retrouver seule…

— Dans une petite heure. Tu ne termines pas ton petit déjeuner ?

— Non, tout à l’heure, lancé-je en remontant l’escalier et m’engouffrant aussitôt dans la salle debain.

Je fais couler l’eau de la douche afin d’y noyer mon chagrin. Je ne veux pas qu’il m’entendepleurer. Il a tellement changé… Au début de notre relation, les choses étaient si simples. Plusieursmois plus tard, je lui ai offert ma virginité. Ma première fois était magique, et d’une telle tendresse.J’en garde un merveilleux souvenir. Puis, Tom a commencé à regarder ce genre de films, et sonattitude est devenue plus brutale, voire dangereuse. Pourtant, je ressens beaucoup de tendresse à sonégard et je pense que l’affection que je lui porte n’a pas faibli. Ma famille est partie à des centainesde kilomètres et je dois apprendre à vivre avec lui. Il est la seule personne qui me reste…

Je contemple mon reflet dans le miroir de la salle de bain, au-dessus du lavabo. Je me déteste…Mes hanches sont marquées et ont viré au bleu. Est-ce donc cela « faire l’amour » ? Cela neressemble en rien à ce que j’ai découvert à travers tous les romans que j’ai lus… Il va finir par merejeter si je n’assouvis pas ses moindres désirs. Il trouvera une autre fille qui acceptera de se livreraux plaisirs de la chair sans amour en retour. Et il m’abandonnera, tout comme eux.

Sous la douche, l’eau chaude apaise un peu les tensions et les peurs que je tente de réprimer tantbien que mal. Je suis impatiente de reprendre le travail demain, afin de me changer les idées et dem’éloigner de tous ces fantômes qui me tuent à petit feu. Je dois m’accrocher à la vie.

Matthew est si différent… J’ai l’impression qu’il me connaît depuis toujours. Il est l’uniquepersonne qui apaise mes tensions, et qui a réussi à entrer dans mon monde. Chaque jour il me remontele moral, et me rend cette estime de moi-même que je n’avais plus. Il est une véritable bénédictiontombée du ciel, et je ne le remercierai jamais assez de m’avoir gratifiée de son amitié. Il lit en moi

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comme dans un livre ouvert, attendant que je vienne me confier à lui, sans jamais me bousculer.

— Oh, Matthew, si tu étais là… Tu me prendrais dans tes bras et je sais combien tu apaiseraisce mal incommensurable qui est en train de s’emparer de tout mon être…, pensé-je, le cœur serrédans ma poitrine.

Mais, il n’est pas là…

— Hope ! hurle Tom derrière la porte de la salle de bain, me sortant brutalement de mes pensées.

— Oui ?

— Ce soir, mes parents viennent dîner à la maison, donc je compte sur tes petits doigts de féepour nous concocter une bonne bouffe.

Ses parents ? Il ne manquait plus que cela pour assombrir cette journée qui a décidément très malcommencé. Dieu sait comment elle va se terminer avec M. et Mme Woods qui viennent dîner.

— Oui, je m’en occupe. Ne t’inquiète pas !

— Je te laisse de l’argent sur le comptoir de la cuisine pour que tu puisses acheter tout ce qu’ilfaut. À ce soir, bébé.

— Très bien, merci. À ce soir, Tom…

Mme Woods, sa mère, n’a pas l’air de beaucoup m’apprécier. Tom est son unique fils et elle lecouve comme une mère poule, chose qui m’est complètement étrangère. Elle a un comportement trèsbizarre envers les gens et il lui arrive de piquer des crises sans signe avant-coureur. Tom m’avaguement parlé d’un traitement antidépressif qu’elle prend depuis près de dix ans, mais, à voircertaines de ses réactions, je pense qu’augmenter les doses ne lui ferait aucun mal. Un moment, elleest un peu agréable, la minute d’après elle s’emporte et aboie après tout le monde. Au dernier dînerpour les fêtes de Thanksgiving où j’ai été conviée, elle m’a insultée sèchement devant tous sesconvives en me dévisageant d’un regard sournois :

— Tom m’a dit que tu as arrêté tes études afin de trouver un emploi. Sans diplôme, tu netrouveras qu’un poste de serveuse dans un bar minable. Entre nous, cela ne m’étonne pas le moins dumonde. Il suffit de regarder la souillon que tu es, ma pauvre enfant.

Après cette salve en règle, j’aurais voulu disparaître six pieds sous terre, tant la honte étaitinsupportable. Je me sentais terriblement mal à l’aise, et ce qui m’a le plus blessée a été l’attitude demon petit ami. Il n’a pas levé le petit doigt pour prendre ma défense.

Mme Woods n’a quasiment jamais travaillé de sa vie, à cause de son traitement. Elle vit auxcrochets de son mari, un accro aux jeux, passant ses soirées autour d’une table de poker et à misertout son argent. Fort heureusement pour eux, il a un très bon poste de directeur général dans unegrande surface, où il batifole avec certaines de ses vendeuses. Sa femme, il y a deux ans, l’a pris enflagrant délit avec sa responsable des ventes à quatre pattes sur son bureau. Aujourd’hui, ils sontencore ensemble, attendant le prochain raz de marée. Une étrange famille qui a certainement léguédes séquelles à Tom. Étonnamment, il reste malgré tout de marbre face à toute cette situation. Je neles ai pas revus depuis ce soir-là, et je ne suis pas d’humeur à supporter les sarcasmes de sa mère.

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Mais Tom a décidé de les inviter, et je ne peux l’empêcher de voir sa famille, même si cela doitm’affecter.

19 h 17

La nuit tombe sur Port Clyde. Une odeur alléchante se répand dans toute la cuisine pendant que jetermine de dresser la table. Tom est rentré plus tôt ce soir et se douche à l’étage. Moi, j’ai passé lamatinée à faire le ménage afin que notre maison soit la plus accueillante possible. Après avoir fait lescourses, je me suis mise aux fourneaux en fin d’après-midi pour leur préparer à dîner. Tandis que leplat de poisson mijotait au four, j’ai profité d’être seule et dans le calme pour vider mon esprit etmon cœur à travers l’écriture qui est devenue une vraie thérapie. Ces quelques feuilles de papier surlesquelles je consigne mes émotions et mes états d’âme m’écoutent, m’acceptent telle que je suis etgardent enfouies en elles tous mes secrets, toutes mes peurs. Elles ne me jugent jamais, ne merejettent pas et restent là à attendre que je vide cette âme brisée qui a tant besoin de respirer. Je lesgarde précieusement cachées dans une pochette cartonnée sous le matelas de notre lit, de peur queTom les découvre. Il ne comprendrait sûrement pas pourquoi j’ai besoin de m’épancher sur des boutsde papier.

— Hum… Ça sent trop bon, bébé !

Tom, fraîchement douché, descend les escaliers et se dirige vers le four. Il sourit, attiré et alléchépar le plat de truites enroulées de poitrine fumée et accompagnées de petites pommes de terresautées. Une recette que ma mère, à l’époque où elle pouvait encore cuisiner, m’a apprise et dont ilraffole.

— Merci, Tom, dis-je, en dressant les derniers couverts sur la table.

— Bébé, j’espère que tu n’as pas abusé du sel. Ma mère déteste cela et je me passerai bien d’unede ses crises, rouspète-t-il déjà en regardant par la fenêtre où les phares d’une voiture l’éblouissent.

— Non, j’ai fait comme d’habitude, Tom. Ne t’inquiète pas.

On frappe à la porte.

Il s’empresse d’aller ouvrir à ses parents qui l’embrassent. Mme Woods, les yeux rivés sur moi,me dévisage de haut en bas, et je peux déjà sentir toute son animosité. Je m’avance timidement et elleme sourit d’un air hypocrite, dès lors que son mari s’adresse à moi avec gentillesse :

— Bonsoir, Hope. Comment vas-tu ? me demande M. Woods d’un ton courtois.

— Bien, merci. Et vous ? lui réponds-je en m’approchant pour le complimenter d’une bise sur lajoue.

M. Woods, la cinquantaine et le crâne dégarni, presque toujours vêtu d’un jean et d’une chemise àcarreaux, est très aimable avec moi, et même si je ne cautionne pas certains de ses actes, je le trouvetrès sympathique. Malheureusement, nous n’avons jamais le temps de discuter et d’apprendre à nousconnaître. Et pour cause, sa femme est toujours dans les parages à guetter le moindre de nos gestes,

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jalouse comme un tigre tant la férocité de son regard en dit long sur ses pensées.

— Bonsoir, Mme Woods.

— Bonsoir, Hope. Merci de nous inviter à dîner. Tom m’a dit que tu y tenais beaucoup, c’est trèsaimable de ta part, me dit-elle, sans se donner la peine de me complimenter d’une bise ou d’unesimple poignée de main.

Faisant comme chez elle, Mme Woods va à la cuisine et ouvre le four pour découvrir ce quimijote. Elle attrape un torchon et en sort le plat de truites qu’elle vient poser sur la table en melançant d’une voix hautaine :

— Voyons ! Si tu l’oublies au four, il sera carbonisé !

— Allons-nous assoir, ça sent divinement bon, Hope, réplique aussitôt son père afin de coupercourt à la discussion.

Ils prennent place à table, où une certaine tension est déjà palpable alors que le dîner n’a mêmepas encore commencé. La soirée ne présage rien de bon. Ah ça non !

— Merci, M. Woods, réponds-je d’une voix heurtée en guettant la réaction de sa femme qui vientde s’empourprer.

Tom me fait de gros yeux. Mon cœur cogne dans ma poitrine et je sens la nausée me monter à lagorge. Je déteste cette femme ! Je ne dois pas la laisser m’atteindre par ses méchancetés, sinon lasoirée va tourner au drame de famille.

— Veuillez m’excuser, je reviens tout de suite. Une bonne bouteille de vin est au frais afind’accompagner le plat de poisson, dis-je en me dirigeant vers la cuisine.

J’attrape la bouteille dans le réfrigérateur et contemple le ciel étoilé qui est magnifique, ce soir.La vue sur l’océan doit être grandiose sur le pont du phare… Elle me rappelle les paroles rassurantesde Matthew qui résonnent dans ma tête :

« Ne laisse jamais la méchanceté des gens t’atteindre.

La jalousie peut causer tant de mal, Hope…

Tu es quelqu’un d’authentique, ne doute jamais de toi…

Je serai toujours là pour toi…»

— Hope ?

— Oui ?

Je me retourne aussitôt pour faire face à mon petit ami, au bord de la crise de nerfs. Tom est là àme regarder d’un air suspicieux et m’attrape brusquement par le poignet.

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— Mais, qu’est-ce que tu fous ? me demande-t-il en jetant un œil furtif à ses parents qui discutentà table.

— Je suis venue chercher la bouteille de vin, voilà tout, dis-je, en tentant de me libérer de sonemprise.

— En regardant dehors comme une demeurée ? Tu te fous de ma gueule ? me chuchote-t-ildiscrètement afin que ses parents ne l’entendent pas.

— Désolée… J’étais ailleurs… Lâche-moi, tu me fais mal !

— Alors, les enfants ? On meurt de soif, ici ! C’est la traversée du désert, plaisante son père.

— On arrive tout de suite, papa, lui répond Tom d’une voix calme.

Puis, il s’approche de moi, presse fortement ses doigts autour de mon poignet et me soufflefurtivement à la dérobée :

— On ne va pas en rester là. Maintenant, je te suggère de ne pas recommencer et de respecter mafamille qui t’attend à table.

— Oui…, haleté-je d’une voix tremblante.

Nous revenons dans le salon, comme si de rien n’était. Je me frotte discrètement le poignet encoreendolori sous la table et tente de garder un semblant de sympathie à l’égard de nos invités.

Je n’aurais jamais imaginé pouvoir dîner sans que cette femme ne m’insulte, et, pour le moment,tout se passe pour le mieux. Nous discutons de tout et de rien. Mme Woods me regarde de temps àautre avec un sourire narquois aux lèvres, mais je tente tant bien que mal de ne pas y prêter attention.Tom nous raconte que le garage n’a jamais aussi bien tourné et qu’Éric envisage même del’augmenter en lui accordant une promotion. Sa mère le félicite aussitôt, et nous trinquons tousensemble à cette bonne nouvelle. Je me penche vers Tom et lui glisse discrètement :

— Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ?

— Je voulais te faire la surprise ce soir, d’où ce dîner en famille, bébé, affirme-t-il en mesouriant.

M. Woods nous parle des ventes de son magasin qui ont grimpé en flèches depuis les nouveauxlotissements construits à la sortie de la ville. Puis, des différents travaux que son fils devrait engagerpour rendre cette maison plus habitable, maintenant qu’il a une petite femme avec lui. J’acquiesce dela tête et adresse un sourire à Tom pour confirmer les dires de son père. Sa mère se tortille aussitôtsur sa chaise et propose d’un ton ironique :

— Pourquoi ne pas tout simplement déménager dans une nouvelle maison ? Hope a trouvé unposte de… serveuse ? Peut-être avez-vous les moyens de vous offrir une nouvelle maison ?

C’est fait ! Elle vient de cracher son venin, et je pense que nous avons tous saisi où elle veut envenir avec sa proposition, plutôt douteuse. Tom passe sa main sous la table et me presse fortement lacuisse. Je tente de me libérer de son emprise, mais c’est peine perdue. Puis, il me sourit et réponddocilement à sa mère :

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— Maman, tu as raison. Nous allons très bientôt déménager afin d’avoir un nid douillet bien ànous. N’est-ce pas, Hope ?

— Oui, tu as tout à fait raison, confirmé-je d’un sourire hypocrite à Tom puis à Mme Woods.

Je ne sais pas si ma réponse leur a semblé sincère, mais c’est tout ce que j’ai trouvé à dire. Elleapproche le verre de vin à ses lèvres et me toise, fière comme un paon d’avoir marqué son territoire.La discussion reprend et je sens la tension s’apaiser.

Encore un peu de patience, Hope…

22 h 15

Le dîner touche à sa fin et il s’est assez bien passé dans l’ensemble. Mme Woods a réussi àcontenir sa haine après son entrée en scène de toute à l’heure, mais pour combien de temps encore ?Je sais qu’elle ne me porte pas dans son cœur, et n’importe qui pourrait le ressentir, tant sonanimosité à mon égard est évidente. Tom a l’air ravi de les avoir eus à table. Peut-être que cela va ledétendre et que notre relation va repartir du bon pied. Il les raccompagne à leur voiture. Je leuradresse un signe de la main par la fenêtre. Cette soirée n’était pas aussi catastrophique que celle deThanksgiving. Il est vrai que les sujets de conversation entre sa mère et moi furent rares, mais aumoins, nous aurons évité une dispute.

Tom revient et claque la porte d’entrée derrière lui. Puis, sans me quitter des yeux, il s’accole auréfrigérateur pendant que je finis de débarrasser les assiettes. Je les glisse dans l’évier afin qu’ellesbaignent un peu dans l’eau chaude savonneuse en jouant avec les bulles qui flottent à la surface pourne pas croiser son regard. Il m’a l’air très tendu. Mais que se passe-t-il ?

— Hope !

Je sursaute et le regarde du coin de l’œil en guettant sa réaction.

— À quoi pensais-tu ? Tu as l’air ailleurs depuis que tu travailles au café de Mme Cole, râle-t-ilen levant un sourcil suspicieux.

— À personne. Enfin, à rien de spécial…

— Tu me caches quelque chose et je te jure que je vais découvrir ce que c’est !

— Il n’y a rien à découvrir, Tom. Je travaille et je ne fais rien de mal.

Une tension électrique règne dans la cuisine. Je passe les mains sous l’eau, attrape le torchon etlui demande :

— Cette soirée était agréable et tout s’est plutôt bien passé. Qu’en penses-tu ?

— Tu n’as pas fait le moindre effort. Tu lui as à peine adressé la parole, et elle se sent carrémentrejetée. Qu’est-ce qu’elle t’a fait pour que tu la méprises autant ?

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Je suis abasourdie tant par ses propos que par l’habileté de cette bonne femme à retourner lasituation à son avantage. J’aurais dû me méfier de la vipère qui sommeille en elle, et elle savaitparfaitement quel rôle tenir, ce soir. Les nerfs à vifs, je lui réponds le plus clairement du monde d’unevoix contenue :

— J’espère que tu plaisantes, Tom ? Elle m’a fait vivre un calvaire au dernier dîner de famille.Malgré cela, je l’accepte à table pour toi et sans rancune…

Soudain, me prenant par surprise, Tom s’avance vers moi et me gifle violemment d’un geste sec.Je perds l’équilibre et tombe sur le carrelage froid de notre cuisine. Je pose ma main sur ma joueendolorie par ce geste vif et cuisant qui me blesse profondément. Abasourdie et apeurée, je ledévisage sans comprendre le pourquoi de son geste excessif et d’une grande brutalité envers moi.

Tom m’observe, la lèvre tremblante, et la colère à son paroxysme. Les yeux noyés de larmes, jeme relève en m’agrippant au plan de travail de la cuisine. La première pensée qui me traversel’esprit est de remonter dans ma chambre afin de m’y enfermer pour l’éternité. La deuxième, quittercette maison au plus vite, et ne jamais y remettre les pieds. Malheureusement, je dois regarder laréalité en face, où vais-je aller ? Chez mes parents ? Sûrement pas. Hors de question de vivre ànouveau avec eux. Je travaille, mais ne gagne pas assez pour avoir un endroit bien à moi.

Tom baisse la tête et se passe nerveusement les mains dans les cheveux. Puis, il me regarde avecun air de chien battu comme s’il venait seulement de prendre toute la mesure de son geste. Ils’approche lentement de moi, mais je recule immédiatement et contourne le comptoir avec habilité,tel un chat apeuré. La prudence m’incite à garder une certaine marge de sécurité. Il soupireprofondément, et me souffle d’une voix lasse :

— Je ne sais pas ce qui m’a pris… bébé. Pardonne-moi, mais tu me pousses à bout et je suistellement fatigué que mes réactions sont quelques peu excessives.

— Pardon ? As-tu seulement conscience que tu viens de reproduire ce que je fuis depuistoujours ?

— Oui, je sais, mais…

Tom s’avance encore de quelques pas, mais je recule à nouveau en direction du salon. Je ne veuxpas qu’il m’approche, et il l’a bien compris. Il secoue nerveusement la tête et, d’un mouvement vif etsec, il donne un coup de poing sur la porte donnant sur le garage, suivi d’un coup de pied, puis d’unautre. Il est hors de lui et se met à défoncer celle-ci comme un fou furieux. Je me précipite à l’entrée,attrape mes clés, mon manteau et sors. Je cours à mon pickup sans regarder en arrière. Je veux m’enaller, au moins le temps qu’il retrouve ses esprits et son calme. Je sais combien la situation peutdégénérer. J’ouvre la portière, m’engouffre à l’intérieur et appuie sur le loquet afin de m’y enfermer.J’enfile mon manteau et guette furtivement la porte d’entrée qui s’ouvre en trombe.

Tom court dans ma direction complètement affolé en hurlant :

— Hope ! Attends, merde !

Je mets le contact et démarre rapidement. Tom frappe sur le capot, puis à ma fenêtre, excédé parma réaction. Il colle son visage à ma vitre et hurle d’une voix courroucée :

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— Où vas-tu ? Ouvre cette putain de porte, bébé !

Je ne dis pas un mot et, sans même le regarder, je m’engage rapidement sur la route. Je jette unœil à mon rétroviseur. Tom tourne en rond comme un lion en cage.

Soudain, je revois le visage de ma mère ensanglanté à l’hôpital après avoir été battue avec monfrère, un nourrisson d’à peine trois semaines, dans les bras. Je n’oublierai jamais son visage meurtripar la douleur. Je ne veux pas finir comme elle, battue et trompée, n’ayant plus un semblant de vie etde dignité.

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- III -

Jason Walker - Cry

Samedi 22 février 1975 à 22 h 47

Je traverse la ville à vive allure sans me soucier de la vitesse. Le Lily’s Coffee est encore ouvertet je voudrais m’arrêter pour y pleurer tout mon soûl, mais je ne peux pas. J’ai toujours dissimuléavec soin l’ambiance familiale dans laquelle j’évoluais, de peur d’être pointée du doigt et d’êtreprise en pitié. Aujourd’hui, je ne veux pas mêler mon travail à tout ceci. J’ai bien trop honte.

Au loin, dans mon rétroviseur, jaillissent des lumières, et je suis presque certaine que l’on me suiten voiture. Je frémis. Est-ce Tom ?! J’accélère encore et me dirige tout droit vers Marshall Point oùj’ai besoin de me retrouver seule pour réfléchir. La voiture me suit de près et me lance des appels dephares. Je suis morte de peur ! Si Tom me met la main dessus, je ne donne pas cher de ma peau. Jeme gare précipitamment devant la maison d’Henry, le gardien du phare, qui se trouve à quelquesmètres du pont en bois. Je sors de ma voiture en courant, sans réfléchir et sans même regarder enarrière.

— Hope !

J’entends résonner mon prénom dans l’obscurité de la nuit, où seule la lumière du phare éclairel’horizon. Elle est lointaine, comme si mon inconscient quittait son propre corps, mais je ne veux pasrevenir. Je n’ai qu’une option pour m’en sortir : partir loin de ce monde qui ne veut pas de moi.J’emprunte le pont, et le traverse en courant le plus vite possible. Je tente d’ouvrir la porte du phare,mais elle est, évidemment, verrouillée. J’entends des pas derrière moi… Il s’approche !

J’escalade la rambarde de bois et passe ma jambe de l’autre côté, puis l’autre.

— Non, Hope !

Sa voix est un chuchotement qui se fige telle une stalactite dans cet hiver aussi froid que moncœur l’est ce soir. Mon esprit s’envole pour rejoindre les étoiles, là, dans cette immensité qu’est leciel. J’ai besoin de trouver la paix et la sérénité. Quelquefois, je me demande pourquoi je suis surcette terre qui n’a jamais voulu de moi. Je voudrais connaître l’amour sous toutes ses formes… Celuid’une mère aimante et présente ou celui d’un père protecteur et d’un ami. Sentir au fond de mon âmecette pulsion qui ferait redémarrer mon cœur afin de l’ouvrir à la vie, lui permettant de croire ànouveau en ses rêves d’enfant. Toucher, frôler et sentir du bout des doigts le bonheur. Donner etrecevoir en retour. Je pense que ma place n’est pas ici… Je suis lasse de me battre, et je veuxm’endormir à tout jamais…

— Hope ! Regarde-moi ! hurle-t-il d’une voix sévère, me sortant de ma torpeur.

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Non, c’est impossible ?!

Je tourne immédiatement la tête vers cette voix troublante qui me transperce de part en part et quifait chavirer tout mon être. Il est là… Matthew se tient à mes côtés, complètement effondré. C’étaitdonc lui qui me suivait ? Je sens toute son inquiétude à travers ses yeux attristés, et une certaineimpuissance face à la situation. Pourquoi veut-il me sauver ? Je ne suis rien… personne !

Il s’approche lentement de moi et me tend sa main. Une impression d’étouffement m’envahit, et jesens les larmes me monter aux yeux tant la tristesse de son regard me bouleverse.

— Hope, viens avec moi… Pour l’amour du ciel, ne fais pas de bêtise… On va parler et je suispresque certain que l’on trouvera, ensemble, une solution. Mais descends de là, je t’en supplie…

— Matthew, tu ne peux rien faire pour moi… Regarde-moi !

— Je te regarde, Hope et… tu es différente… Oh oui, tu es tout simplement unique et je veux quetu descendes de là, car je ne sais pas comment j’arriverai à survivre s’il t’arrivait quelque chose. Jetiens beaucoup trop à toi…, avoue-t-il d’une voix précipitée comme si le temps nous était compté.

Mes yeux s’emplissent de larmes. Ses paroles me touchent, m’apaisent et je lui tends ma main. Ilse précipite aussitôt, m’agrippe par la taille et me fait basculer de l’autre côté de la rambarde. Il mepose délicatement au sol et prend mon visage en coupe entre ses mains. Son regard fouille le mien, àla recherche d’explications à mon geste de désespoir. Je glisse les miennes autour de sa taille sans lequitter des yeux. Puis, il m’attrape par la nuque et secoue doucement la tête pour me faire comprendreson mécontentement et son incapacité à saisir ce qui vient de se produire.

— Pourquoi, Hope ?

— Un moment de faiblesse, voilà tout…, fais-je en baissant les yeux.

— Eh merde ! Viens là !

Matthew m’agrippe et me serre dans ses bras. J’éclate en sanglots, le cœur éparpillé en millemorceaux et la tête nichée au creux de son cou. D’une main, il me caresse tendrement le haut de latête en glissant ses doigts dans mes cheveux. De l’autre, il resserre son étreinte autour de ma taille enme serrant fortement contre lui. La douce chaleur de son corps m’apaise, et me délivre de toutes mespeurs, mais pour combien de temps ? J’aimerais rester indéfiniment dans ses bras, protégée, rassuréeet choyée par tant de tendresse.

— Là, calme-toi… On va monter se mettre au chaud, dit-il en posant sa main au bas de mon dos.

Il glisse la clé et ouvre la porte qui mène au phare. Je m’avance, mais il me retient aussitôt par lamain afin que je l’attende, puis la referme derrière nous.

23 h 27

La vue sur l’horizon à cette heure de la nuit nous offre un spectacle unique. La lumière du pharenoie chacune des étoiles, et je reste béate d’admiration devant ce magnifique spectacle. Le jeu de

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lumière est grandiose et on le croirait tout juste sorti d’un conte des mille et une nuits. Soudain, uneétoile filante traverse le ciel et Matthew resserre sa main dans la mienne en entrelaçant nos doigts.Puis, il me contourne et vient se glisser derrière moi en passant ses bras autour de ma taille. Ilapproche son visage du mien. Son souffle caresse agréablement ma peau et il me susurre tendrement àl’oreille :

— Fais un vœu, Hope.

— Je ne sais pas lequel choisir… Il y en a tant que j’aimerais voir se réaliser…

— Tu écris tous les jours l’histoire de cette jeune fille cherchant indéfiniment le bonheur… Il y ena bien un que tu aimerais voir se réaliser, plus que tous les autres, … susurre-t-il en me serrantdavantage contre lui.

Je me souviens de ce moment, où je lui ai confié mon besoin de me réfugier dans l’écriture.J’étais gênée mais je me sentais en sécurité pour partager avec lui cette infime partie de moi. Jevenais d’entamer l’histoire, mon histoire, de cette jeune fille de dix-neuf ans qui est complètementperdue se cherchant inlassablement chaque jour. Je l’ai griffonné sur des bouts de papiers mais ellen’a pas encore de titre. Qui sait ? Trouverai-je un jour la force de lui en donner un ? Mais quelle finaura mon héroïne ? Trouvera-t-elle le bonheur et l’amour ? Le temps nous le dira… Matthew a ététrès touché et m’a écouté attentivement, sans me quitter de son regard attendri. Un moment que jen’oublierai certainement jamais…

— Je ne sais pas si elle y arrivera un jour…, soupiré-je désespérément.

— Hope… Je suis là tout près de toi… Je suis certain qu’il y aura une fin heureuse à ton livre…

00 h 37

Pensée du soir :

C’est la toute première fois. Tom m’a giflée… J’ai la soudaine et terrible impression d’êtredans la peau de ma mère qui ne réagit pas, acceptant sans se rebeller. L’histoire se répète, et jesais ce qui m’attend si je reste, ici, sans broncher. Mes rêves avec Tom s’envolent ainsi que tousmes espoirs de vivre une vie pleinement heureuse à ses côtés…

Ce soir, Matthew m’a raccompagnée en me suivant jusqu’à chez moi. Il n’a pas voulu que jerentre seule. Je ne lui ai pas confié ce qui me bouleversait, et malgré cela, il ne m’a posée aucunequestion, ne m’a fait aucun reproche. Il m’a tout simplement écoutée et consolée. Une chance qu’ilm’ait vu passer devant le café car je sais que le désespoir m’aurait fait commettre l’irréparable.

Arrivée à la maison, Tom m’attendait sur le canapé, complètement abattu. Il s’est excusé desdizaines de fois, et notre dispute s’est alors terminée dans notre lit, sous les draps… Oui, j’aidécidé de rentrer et d’affronter la rage de mon petit ami. Mais, ai-je vraiment eu le choix ? Je suiscertaine que oui, mais je manque de courage. Je suis beaucoup trop faible, et n’ai aucune

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confiance en moi. La force de mes proches pourrait m’être d’une aide précieuse, mais je me sensterriblement seule… Et puis, il était tellement dépassé, tellement triste d’avoir levé la main surmoi… Je crois que je l’aime… d’une certaine façon.

Où aller puiser cette énergie d’affronter une telle épreuve ? J’ai enfin trouvé quelqu’un quiveut de moi et qui m’aime. Pourquoi suis-je aussi intolérante quelquefois à son égard ? J’endemande peut-être trop… La vie n’est pas un roman à l’eau de rose, et je ne suis pas une de ceshéroïnes de film où l’amour triomphe invariablement à la fin. Le prince charmant ne viendra pas,et les contes de fées n’existent que dans les livres.

Ce soir, j’ai pris conscience que l’amitié de Matthew m’est indispensable pour me relever etreprendre le long et lourd chemin que la vie me réserve certainement encore …

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- IV -

Lundi 21 avril 1975

À qui appartiennent nos vies ? À nous, ou aux autres ? Ne devons-nous pas assumer nos choix,nos envies et en accepter la responsabilité ? Nous, les humains sommes faibles, lâches, soumis à laloi sociale d’une vie où le regard des autres prend le dessus sur notre capacité à analyser et à cernerle bien du mal. Certains d’entre nous suivront leur instinct ou leur cœur et en sortiront vainqueurs,heureux. Ils trouveront la sérénité, la paix, et surpasseront tous les obstacles, les enjeux, les tentationset les embûches du quotidien. L’Amour, le véritable amour, est cette force incommensurable qui nouspermet chaque jour d’affronter le monde. Il contribue à notre épanouissement…

Et il y a les autres pris au piège par une vie réglée comme une horloge et par son tic-tac tonitruantqui rythme et oriente leurs choix. Un matin, la sonnette d’alarme retentit. Ils se regardent dans lemiroir et se retrouvent face à une personne qu’ils ne reconnaissent plus : eux-mêmes. Puis, ils sedemandent face à leur reflet :

— Qui suis-je ? Et pourquoi ma vie ne ressemble en rien à ce que j’avais rêvé ?

Le temps passe et les premiers obstacles se présentent à eux, telles les tentations et les infidélités,conséquences du manque d’amour, de rêves, et de partage. Puis, ils se fondent dans une vie monotoneet vide, désespérément vide…

08 h 51

Ce matin, après avoir pris mon petit déjeuner, je me sens fin prête à attaquer cette nouvellejournée. De plus, c’est jour de paye et je l’attendais avec impatience, excitée à l’idée de faire lesmagasins pour m’offrir une nouvelle tenue. Je grimpe dans mon pickup, démarre et prend la route endirection du Lily’s Coffee.

En voyant défiler le paysage, je songe à tout ce qui m’est arrivé de bon, ces deux derniers mois.Malheureusement, cela n’efface en rien mes problèmes avec Tom, qui soit dit en passant, sontentièrement de ma faute, selon lui. Malgré tout, les jours et les semaines se ressemblent. Je suis deplus en plus à l’aise dans mon travail et auprès de mes nouveaux amis. Liliane est très fière de moi etne manque jamais de me complimenter. Le respect qu’elle me porte me touche et m’a permis, au fil dutemps, de reprendre confiance en moi.

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Je discute très souvent avec les filles, et nous nous apprécions beaucoup. Elles me racontent leurshistoires de cœur, et je prends conscience que ma vie est bien plus compliquée que la leur. Rose vitune idylle avec un jeune homme qui joue dans un groupe de rock. Ils se voient de temps à autre quandleurs emplois du temps respectifs le leur permettent. Elle a l’air heureux et très épanoui. Quant àEmma, elle sort avec des garçons qu’elle rencontre lors de diverses soirées, mais rien de biensérieux. À les écouter, tout a l’air si simple et en phase avec nos âges. Moi, je joue à la jeune filleheureuse en ménage avec son petit ami, sans jamais faire allusion au calvaire qu’il me fait vivre, etc’est beaucoup mieux ainsi.

L’amitié qui me lie à Matthew n’a pas faibli, au contraire, elle s’est considérablement intensifiée.Nous sommes devenus très proches depuis cette « nuit-là » et avons appris à nous faire confiance. Ilest devenu mon meilleur ami, mon confident… mais j’évite de lui parler de ma relation houleuse avecTom. Brooke, sa petite amie, se trouve encore à Londres pour quelques semaines et, dès son retour àPort Clyde, ils partiront ensemble en vacances. Étrangement, à l’idée de ce voyage, une douleurlancinante s’incruste en moi un peu plus chaque jour. Cela me fait terriblement peur, car je n’ai aucundroit de ressentir ce genre de sentiments à son égard. La limite ne doit jamais être franchie. Et jerefuse de perdre la personne à laquelle je tiens le plus dans ce monde : Matthew.

Je me gare et sors de voiture. Je remarque à travers la vitrine du café que Matthew est déjàarrivé. Il est bien matinal ! Je pousse la porte et la chanson de Hamilton Joe Frank & Reynolds,Fallin’ In Love, m’accueille mélodieusement. Nous l’adorons tous les deux et, ces derniers temps,elle passe souvent à la radio.

— Salut, toi ! Tu es tombé du lit, ce matin ? lui demandé-je en accrochant mon manteau dans lapenderie de l’entrée.

— Tu es d’humeur taquine, aujourd’hui…, me fait-il remarquer en posant son chiffon sur lecomptoir du bar.

Il s’avance droit vers moi, me décoche un clin d’œil aguicheur accompagné d’un sourire à fairedamner une sainte. Très bien, il a décidé de jouer avec moi… Je penche la tête, tentant de cerner cequi lui arrive. Puis, il attrape ma main et me plaque contre son torse, ce qui m’arrache un crid’étonnement. Il y a encore deux mois, je serais partie en courant, mais plus aujourd’hui. D’une voixamusée, je lui demande :

— Mais que fais-tu ?

— J’ai envie de danser !

— Quoi ? Maintenant ? Ici ? Mais tu es fou ! On doit ouvrir le café dans moins de cinq minutes,lui rappelé-je en secouant la tête pour refuser son offre.

— C’est le temps qu’il me faut pour vous faire danser, chère Mademoiselle Obrien.

Je pouffe de rire, me libère de ses bras, et sautille jusqu’au jukebox comme une gamineécervelée. Je lui fais signe d’avancer avec le doigt, et me laisse porter par le rythme entraînant de lamusique. Matthew reste là sans bouger à me contempler de ses yeux qui brillent tel un rayon de soleilqui viendrait illuminer et réchauffer ma vie morose, un soir d’hiver. Il s’avance lentement, me reluquede haut en bas et passe les mains dans ses cheveux, interloqué. Je continue à me déhancher, les bras

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en l’air et remarque son air attendri.

— Aurai-je touché votre cœur, jeune homme ? lui demandé-je, amusée, d’un ton taquin.

— Cela fait un moment que tu m’as piqué au vif, Hope, susurre-t-il d’une voix douce en serapprochant dangereusement de moi.

Je reste figée sur place. Une douce chaleur s’installe lentement en moi. J’ai des étoiles plein lesyeux et des papillons qui me volent dans le ventre. Est-il en train de m’avouer qu’il éprouve quelquechose pour moi ? Cela dit, moi aussi je tiens beaucoup à lui, et bien plus que je ne l’aurais un jourimaginé.

Sa main attrape la mienne et la serre, la caresse. Nos doigts se cherchent, s’entrelacent et setrouvent. C’est si agréable. Je relève la tête et croise son regard qui guette le mien, avec une telleardeur que je me sens brûler de l’intérieur. Quel est donc ce sentiment puissant et chaleureux qui meprend aux tripes et me consume à petit feu ?

D’un seul mouvement, il me ramène à lui et entoure ma taille. Matthew est bien trop proche demoi et notre étreinte n’a rien de celle que deux amis pourraient échanger. Blottie contre son torsesculpté à la perfection, j’ai envie de me nicher au creux de ses bras et de sentir son cœur battre aurythme du mien, tout contre ma poitrine. Son souffle chaud caresse et frôle mes lèvres. Ma peaus’embrase à son contact, mon corps s’éveille grâce à lui. Pourtant, je sais que je n’ai pas le droit deme rapprocher de lui, mais une force que je ne m’explique pas me pousse à continuer. Je me senstellement bien, un peu comme si je revenais d’un long voyage, de retour chez moi, dans mon havre depaix.

— Hope…, susurre-t-il d’une voix pleine de sous-entendus.

— Matthew…

— Danse avec moi. J’ai tellement envie de te tenir encore un peu contre moi, murmure-t-iltendrement, près de mes lèvres, sans me quitter des yeux.

— J’en ai envie aussi, lui avoué-je, en glissant ma main dans ses cheveux et caressant sa nuque.

Le plaisir délictueux d’être dans ses bras me fait peur, mais l’adrénaline déferle dans mon corps.Nous nous laissons porter par la musique. Matthew colle son front au mien et me dévore littéralementdu regard. Ses yeux brillent d’un tel éclat que je n’arrive pas à en décoller les miens. Je suis prise aupiège et je joue à un jeu dangereux en me rapprochant de lui. Ses lèvres sont à quelques centimètresdes miennes, et mon cœur marque un arrêt lorsqu’il resserre encore son étreinte autour de ma taille.Son corps m’appelle à lui et je ne peux lui résister. Je suis dans un état second, emportée dans unmonde magique où la musique berce ce moment tout juste sorti d’un conte de fée. C’est la toutepremière fois que je danse avec un homme avec autant de sensualité, et je voudrais prolonger cetinstant pour l’éternité.

— Tu me regardes, Hope. Je vois enfin ton âme se dessiner au loin dans ton monde si particulier,me souffle-t-il suavement.

— Mon monde ?

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— Oui, celui où tu te réfugies chaque fois que tout va mal. Je sais que quelque chose ne tournepas rond, en ce moment. Tu veux m’en parler ?

Soudain, la cloche retentit.

— Oh, mais voyez-vous ça ! s’exclame Liliane d’une voix enjouée en venant nous rejoindre.

Je lâche immédiatement Matthew et recule de quelques pas, morte de honte. Lui arbore un sourirejusqu’aux oreilles et complimente sa mère qui nous dévisage… folle de joie ?!

— Bonjour, mon chéri.

— Bonjour, maman, répond-il, amusé, sans me quitter des yeux.

— Hope, me salut-elle en réprimant son amusement.

— Liliane…, bafouillé-je, les joues en feu.

Je suis terriblement mal à l’aise, cherchant où me mettre. Je me dandine d’un pied sur l’autre, lesmains derrière le dos, et Matthew, avec la grâce qui le caractérise, me lance sans aucune vergognedevant sa mère :

— Arrête de t’enflammer, on ne faisait rien de mal. Cela dit, un peu plus, et je ne sais pas où toutcela nous aurait menés, plaisante-t-il en m’adressant un clin d’œil.

J’en reste bouche bée, secouant la tête en direction de sa mère qui croise les bras en passant sonregard du mien à celui de son fils.

— Quoi ? Eh bien, dis quelque chose, Hope Obrien, me taquine-t-il encore, au bord del’explosion de rire.

— Euh… eh bien… non ! Mais non ! On dansait, voilà tout ! Ah, tu m’exaspères !

Je m’approche de Liliane et la complimente d’une bise. Puis, je me précipite à la réserve,envahie par l’idée de ne plus jamais en sortir. Je claque la porte derrière moi et m’adosse à elle, lesouffle court. Je suis terriblement embarrassée, mais curieusement amusée. Ce garçon a le don de mefaire sortir de mes gonds, ce qui me rend plus vivante que jamais. J’ai le cœur qui bat la chamade etla gorge serrée. Nous avons dansé ensemble, enlacés l’un contre l’autre, et j’ai bien senti que quelquechose avait évolué entre nous. Soudain, on frappe à la porte, ce qui me fait sursauter. Je recule etfeins de chercher du chocolat en poudre sur les étagères.

— Oui, c’est ouvert, lancé-je d’une voix qui se veut assurée.

Je dois me ressaisir, et vite !

— C’est moi… Je peux entrer ? me demande Matthew en ouvrant la porte.

— Oui ! lâché-je, exaspérée par son comportement enfantin.

Il la referme derrière lui et s’approche de moi. Je fais mine de ne pas lui prêter attention, mais jesuis bien trop curieuse, et lui jette un regard furtif. Il tapote ses doigts sur ses lèvres avec ce mêmesourire stupide et réjoui que tout à l’heure.

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— Que cherches-tu ? me demande-t-il d’un air inquisiteur.

— Du chocolat en poudre, lui réponds-je sèchement en me mettant sur la pointe des pieds.

Je tente d’attraper un de ces satanés paquets de chocolat qui se trouvent sur la dernière étagère,mais en vain.

— Attends, je vais t’aider, laisse-moi faire, me dit-il en posant sa main sur la mienne qui vient desaisir le même paquet.

— Non. Je peux me débrouiller, merci !

Je me débats tant bien que mal pour l’attraper moi-même, mais étant aussi têtus l’un que l’autre,nous trébuchons et tombons au sol. Le paquet de poudre nous rejoint et s’éventre par terre. Je meretrouve à moitié allongée sur Matthew, qui glisse sa main dans mes cheveux et l’autre qui mesoutient par la taille. Il pose ses yeux sur mes lèvres, puis son regard croise le mien et une lueurétincelante le traverse. Je tente de me relever, mais sa main glisse sur ma nuque, m’empêchant debouger. En ai-je réellement envie ? Je pourrais passer une vie entière à le contempler, tant son auram’apaise, me comble et remplit ce vide que je ressens au tréfonds de mon être… Je reste paralyséesur place et je n’ai aucune envie de quitter le nid douillet de ses bras.

— Tu as de la poudre partout, Hope, me fait-t-il remarquer en passant ses doigts sur mon visage.

— De la poudre ?

— Oui… de chocolat, et en plus j’adore ça…

Oh non, non, non !

Prise de panique, je m’extirpe de la douce chaleur de ses bras et me relève. Je secoue mesvêtements, jette un regard à Matthew qui se redresse.

— Excuse-moi, Hope. Je ne voulais pas te mettre mal à l’aise…, murmure-t-il tristement ensortant de la pièce et refermant la porte derrière lui.

Mais que lui arrive-t-il ? Est-il sérieusement en train de me draguer ou de me faire comprendrequ’il est attiré par moi ? Je ne suis pas ce genre de fille ! Je suis son amie, celle avec qui il discutede tout, et à qui il confie ses peurs, ses secrets. Je ne veux pas briser ce lien qui nous unit, et encoremoins perdre son amitié qui m’est si précieuse. Les choses sont-elles en train de changer entre nous ?

12 h 19

La matinée passe en un éclair, et le service de midi démarre en trombe. Il y a un monde fou cemidi au café, et personne n’a le temps de souffler cinq minutes. J’adore cette ambiance quimonopolise toute mon attention, et qui m’empêche de réfléchir. Matthew me dit très souvent que jedevrais arrêter de me poser trente-six mille questions et croquer la vie à pleines dents. Facile à direpour un gamin qui a tout eu sur un plateau d’argent. Moi, j’ai dû me battre pour tenter de me faire uneplace au sein de la société et, encore aujourd’hui, je ne l’ai pas vraiment trouvée. De plus, j’ai besoin

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de penser à autre chose. Ce qui s’est passé ce matin m’a intensément troublée, et je sens qu’il sepasse réellement un truc de particulier entre nous. Je ne connais pas ce sentiment de plénitude et depaix que je ressens lorsque je suis en sa présence. Suis-je tout simplement en manque de tendresse oud’attention ? Tom ne me rend pas heureuse, mais je suis sûre que je l’aime.

Je suis perturbée, complètement paumée…

— Mademoiselle ? Mon café, s’il vous plaît ! me demande M. Perkins, me sortant de mespensées.

— Oh, oui… Excusez-moi, je vous l’apporte de suite !

C’est un habitué du Lily’s Coffee, et il est fort sympathique. Il a toujours un journal à la main etest au courant de tout ce qui se passe de par le monde entier. Une mine d’informations à lui tout seul,ce monsieur. Il s’entend à merveille avec Grandma, qui certaines fois, lui lit son horoscope. J’avoueque cela m’arrache un sourire à chaque fois.

Rose me prépare le café et me jette un regard suspicieux. Je sens qu’elle veut me demanderquelque chose, mais qu’elle n’ose pas. J’apporte le café à mon client et reviens lui tirer les vers dunez. Je m’accoude au comptoir, pose ma tête sur mes mains, et lui demande d’un ton curieux :

— Que se passe-t-il ?

— C’est à toi qu’il faudrait le demander, non ?

— Moi ? Mais, pourquoi ? Je vais très bien, lui réponds-je, étonnée par sa question.

— Tu en es certaine ? Car, à voir ta tête depuis ce matin, j’en doute sérieusement. Tu es dans lesnuages… Tu as l’amour en tête ou quoi ? glousse-t-elle en me servant un verre de jus de fruits.

— Non ! Je suis juste…

Subitement, Matthew sort de la cuisine avec un gâteau au chocolat sous une cloche en verre ets’approche de nous. Je reprends une allure convenable, lui souris et termine ma phrase :

— … je vais même très bien, murmuré-je, sans le quitter des yeux.

— C’est pour vous, les filles. J’ai utilisé de la poudre de cho-co-lat… Je suis certain que tu vasadorer ce subtil mélange, Hope. Il est délicieux, tout comme ce matin, me souffle-t-il d’une voixrauque en m’adressant un clin d’œil aguicheur. Puis, il repart vers la cuisine, tout sourire.

La bouche de Rose forme un « O » parfait et Emma nous rejoint en jetant un œil à notre dessert età la porte de la cuisine.

— C’était quoi ça ? Allô ?! Les filles ? J’ai loupé un épisode ou quoi ? s’exclame-t-elle en nousdévisageant toutes les deux.

Rose se penche sur le comptoir, et en rajoute une couche en me demandant discrètement :

— Bon, allez, crache le morceau ! Il se passe quoi avec Matthew ? Et ne nie pas, car cela se voitcomme le nez au milieu de la figure, fait-elle en pointant son doigt en direction de mon visage.

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— Il ne se passe rien, si ce n’est qu’il vient de nous apporter un simple dessert à toutes les trois,leur dis-je en insistant bien sur les dernières paroles afin qu’elles s’impriment dans leur têtesconfuses.

— Non, là tu te fiches de nous… Cela fait des semaines que vous vous tournez autour et tout lemonde l’a bien compris, s’exclame Emma, haut et fort.

— Chuuuutttt ! Non, mais ça ne va pas ! râlé-je en agitant la main afin qu’elle baisse le ton.

Cette fille a un réel souci avec la discrétion.

Elles penchent leur têtes, les yeux ronds comme des billes, à attendre que je leur fournissed’autres informations croustillantes. Mais je ne vais pas leur raconter quoi que ce soit, puisque moi-même, je n’y comprends absolument rien. Matthew se rapproche de moi, mais la situation n’est pasclaire. Il est avec Brooke et moi avec Tom. Je ne vois pas comment nous pourrions, ne serait-ce quepenser à avoir une idylle ensemble.

— Je ne peux pas en vous dire plus. Nous sommes simplement de très bons amis, je vous leconcède. Mais, il ne se passe strictement rien entre nous, leur chuchoté-je, en jetant un œil furtif à laporte de la cuisine.

Je ne veux pas qu’il nous entende, au risque de me retrouver dans une situation ambiguë. Roses’éloigne, attrape des tasses à café et reprend son service. Emma continue à me regarder la tête poséesur ses mains, accoudée au bar. Je leur adresse un regard noir afin de leur faire comprendre que ladiscussion s’arrête là et maintenant. Je secoue la tête, dépassée par les événements et leur tourne ledos.

13 h 49

Cette matinée a été éprouvante autant physiquement que mentalement. Tandis que je passel’éponge sur la table numéro cinq, près de la vitrine, j’admire le ciel bleu et le soleil éclatant quiillumine cette journée. Je vois le visage de Matthew qui se reflète sur la vitre et m’arrache un sourireattendri. J’ai le cœur qui bat la chamade lorsque je pense à notre danse près du jukebox, et à notreétreinte dans la réserve. Que se passe-t-il ? Les choses ont-elles réellement changé entre nous, aupoint que toutes les personnes qui nous entourent s’en soient aperçues ? Je me sens légère comme uneplume, et me dis que les choses les plus simples sont celles qui nous rendent effectivement vivants.

— Hope ?

Je sursaute et pivote sur moi-même.

— Tu m’as fichu une de ces trouilles, lui dis-je, surprise, en ramenant ma main sur ma poitrine oùmon cœur tambourine comme un dingue.

Matthew se tient devant moi les bras croisés sur son torse, et il commence sérieusement à meperturber tant il m’attire. Je sais combien le doux cocon de ses bras m’est agréable et après avoirgoûté à la chaleur de son corps, il m’est impossible de ne pas y penser.

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— J’ai envie de t’emmener quelque part… Prépare-toi, s’il te plaît. Je t’attends dehors.

— Oui… j’arrive…, bafouillé-je en secouant la tête pour me remettre les idées en place.

Je suis mal, mais alors très mal !

Mon regard le suit comme hypnotisé par son aura qui me captive et m’attire irrémédiablement.Matthew, sans rien ajouter, attrape sa veste à l’entrée et sort du café. Soudain, je surprends les fillesà me dévisager, un sourire entendu à la commissure des lèvres. Rose m’adresse un clin d’œilcomplice, et Emma se met à ricaner comme une adolescente de quinze ans. Je lève les yeux au ciel.Elles m’exaspèrent !

Liliane sort de la cuisine. Elle nous regarde, amusée, et s’approche de moi avec deux sacs enpapier destinés aux commandes à emporter.

— Tiens, ma chérie. Je vous souhaite un bon appétit et prenez votre temps, me souffle-t-ellediscrètement en les posant sur la table près de moi.

Elle jette un œil aux filles, puis sort de sa poche une enveloppe et me la tend.

— Qu’est-ce que c’est, Liliane ? demandé-je, étonnée, en l’attrapant et la tournant dans un sens,puis dans l’autre.

— C’est ton salaire et… une petite prime. Tu le mérites amplement, et je veux que tu l’utilisesafin de te faire plaisir.

— Une prime ? Mais, non !

— Oh que si ! Tu n’as rien à dire, c’est pour te récompenser pour la qualité de ton travail, dit-elleen opinant de la tête pour accentuer ses dires.

Les larmes me montent aux yeux, sans qu’aucune ne coule. Je suis profondément touchée et émue.Elle me félicite pour le travail fourni au sein du café, c’est si gratifiant, si valorisant. Sous le coup del’émotion, je suis aphone, incapable d’articuler quoi que ce soit. Je jette un œil à l’enveloppe que jetiens fermement dans ma main, fière mais intimidée. Liliane pose sa main sur mon épaule, me sourit etrepart vers le comptoir.

En sortant du café, j’ai le cœur serré dans ma poitrine. Matthew m’attend, les mains dans lespoches et un pied posé derrière lui, contre le mur en brique du Lily’s Coffee. Peu à peu, je réalise quemon cœur s’emballe chaque fois que je m’approche de lui, qu’il pose ses yeux sur moi et que noussommes ensemble. Cet homme arrive à démolir chacune des barrières que je me suis efforcée deconstruire afin de me protéger.

Il se redresse, passe ses mains dans ses cheveux et me dévore littéralement du regard. Jem’empourpre, ce qu’il remarque aussitôt, en me gratifiant d’un sourire radieux à m’en faire perdre latête.

— On y va ? me demande-t-il en s’avançant de quelques pas.

— On ne déjeune pas au phare ? demandé-je, curieuse, en le suivant timidement.

— Non, nous allons déjeuner en ville, et je dois t’accompagner.

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— M’accompagner ? Mais où ça ?

— Tu as besoin de t’acheter de nouvelles fringues, non ? Donc, allons-y, dit-il, tout en marchant.

— Je peux tout à fait me débrouiller seule, je t’assure, lui lancé-je en me dépêchant de lerejoindre.

Je lui tends son sac et nous déjeunons tout en nous baladant. C’est vraiment agréable. Leprintemps frappe à la porte, le soleil brille et les premières fleurs des jardinières qui décorent lesallées des nombreuses boutiques commencent à fleurir. La nature s’éveille autour de nous et je passeun doux moment en sa compagnie.

— Alors, dis-moi ? Je sais que tu adores le chocolat, les cafés crème et que tu détestes le thé àl’anis. Que tu aimes écrire et que tu ne peux plus te passer de moi…

— Pardonne-moi, c’est plutôt, toi, lui fais-je remarquer d’un ton moqueur.

Matthew pose un regard langoureux sur le mien. Je baisse la tête, embarrassée par la tournure denotre conversation qui vient de faire un virage à 180 degrés.

— … mais j’aimerais que tu me parles de toi, ajoute-t-il en jetant son sac dans une poubelle.

— Qu’aimerais-tu savoir ?

— Je ne sais pas ? Tu parles très peu, voire jamais, de ta famille…

Je manque de m’étrangler avec mon sandwich, mais Matthew s’arrête aussitôt et me tapote le hautdu dos. Je lui fais signe que tout va bien.

— Ça va, Hope ?

— Oui, excuse-moi. Je ne m’attendais pas à cette question.

— Si tu ne veux pas en parler…

— Non, ça va, ne t’inquiète pas, objecté-je, en reprenant le chemin des magasins.

Je lui jette un regard en coin.

— Comme tu le sais, mes parents ont quitté Port Clyde, il y a de cela quelques mois avec monpetit frère. Depuis… je n’ai plus de nouvelles. Tu vois, il n’y a pas grand-chose à raconter, dis-jed’une voix altérée par le chagrin.

— Aucune ? s’étonne-t-il aussitôt en haussant un sourcil effaré.

Respire, Hope…

J’acquiesce d’un hochement de tête, le cœur lacéré et continue :

— Mes parents ne sont pas comme les tiens, Matthew. Ils sont particuliers et… égocentriques,faisant passer leur propre intérêt avant celui de leurs enfants. Ils se disputent sans cesse, et monpère…

Je me racle la gorge tant l’émotion de ces terribles souvenirs remonte lentement à la surface,

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m’emportant dans leur tourbillon. Puis, d’une voix tremblante, sous le regard médusé de Matthew, jereprends :

— Mon père est un homme violent et… bon nombre de fois, il s’en est pris à ma mère, que ce soitverbalement ou physiquement. Elle le soupçonnait d’avoir des aventures et de batifoler avec desfemmes sur son lieu de travail. J’ai vécu dans une ambiance terrible et où amour rime avec violenceet trahison. J’ai cherché à défendre ma mère, mais il s’en est pris également à… moi.

— C’est-à-dire ? me demande Matthew, stupéfait, en fronçant les sourcils.

— Il est devenu injurieux et… violent. Le comble dans tout cela, c’est qu’ils sont partis sans melaisser le temps de trouver un appartement.

— Mais… je pensais que tu vivais avec Tom, ça n’est pas le cas ?

— Non, Matthew. Mais on avait l’intention de vivre tous les deux dès que j’aurais trouvé unemploi. Pour le coup, mes parents nous ont peut-être un peu forcé la main, lui avoué-je tristement.

— Ils t’ont lâchement abandonnée ! Mais quelle bande de…, s’emporte-t-il, sans pour autantterminer sa phrase.

Je fais mine de comprendre sa réaction en posant ma main sur son bras.

— Tout va bien… Les savoir loin de moi me rassure et je ne souhaite pas les revoir, du moins paspour le moment. J’ai juste besoin de temps…, le rassuré-je, en m’arrêtant devant une boutique où unerobe d’un vieux rose attise mon intérêt.

Elle est si élégante…

— Quoi ? Tu as vu quelque chose qui te plaît ?

Matthew amène sa main en bas de mon dos, ce qui me fait aussitôt frissonner, et il le remarque. Ilpose un regard sur son geste, puis plonge ses yeux dans les miens. Il déglutit difficilement et glisse samain jusqu’à ma taille qu’il entoure tendrement. Le monde vient à nouveau de s’arrêter de tourner, etje ne peux désormais nier ce qui est en train d’éclore entre nous. Il penche son visage et me souffle,d’une voix affectueuse :

— Viens… J’ai hâte de te voir dans cette robe.

On s’avance vers la boutique. Je jette un regard inquiet à la rue. Je ne veux pas que l’on nousvoie ensemble, pas de cette façon…

14 h 35

Cette boutique est vraiment sympa, et il y a énormément de choix. Matthew a pris place sur lefauteuil en cuir noir qui se trouve face aux cabines d’essayage. Après avoir fait le tour au moins cinqfois, je choisis quelques modèles de robes dont celle qui nous a plu en vitrine tout à l’heure, et lerejoins accompagnée de la jeune vendeuse. Son badge indique qu’elle s’appelle « Linda ». Elle est

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très sympathique, et très jolie, ce qui n’échappe pas au regard lascif de Matthew. Je lève les yeux auciel, tant son comportement m’irrite. Puis, il s’adosse au siège, pose les coudes sur celui-ci et melance d’une voix mielleuse en levant un sourcil taquin :

— Arrête de t’enflammer…

Je m’empourpre aussitôt, me glisse à l’intérieur de la cabine et suspends les robes.

— N’hésitez pas, si vous avez besoin de quoi que ce soit, dit Linda à Matthew d’une voixéperdue.

— Merci, Mademoiselle. Je n’y manquerai pas, lui répond-il d’un ton aguicheur.

Mais, il le fait exprès ou quoi ?

Je me déshabille et mon reflet dans le miroir me laisse sans voix. Mes hanches sont violacées etma taille aussi. Quand tout cela a-t-il bien pu commencer ? Une impression d’étouffement, que je neconnais que trop bien, me submerge et les larmes qui menaçaient de couler sont aux portes dudésespoir. Du revers de la main, je les sèche d’un geste rageur.

— Je te déteste, me chuchoté-je face au miroir.

J’aimerais sortir de cette cabine qui me protège du regard des autres et me jeter au cou deMatthew afin de lui confier mon calvaire. Qu’il me prenne dans ses bras et m’emmène loin d’ici,mais c’est impossible. Malgré tout ce que Tom me fait vivre, je l’aime encore. Est-ce réellement del’amour ou un simple attachement sentimental ? Je n’arrive malheureusement pas à faire la différence,et je reste confuse face à cet imbroglio amoureux. Mon enthousiasme de ce matin a désormais laisséplace à un être malheureux, vide et impuissant face à ce désordre affectif que je sens naître en moi.

J’enfile la première robe bleue et je me trouve plutôt jolie, mais banale. Je n’aime pas mon refletqui me rappelle la terrible réalité. Je me redresse, lève haut la tête et sors de la cabine sous le regardcharmé de mon meilleur ami. Il se relève, me contourne, un sourire béat aux lèvres. Impatiented’avoir son point de vue, je lui demande :

— Alors ? Qu’en penses-tu ?

Matthew pose son doigt sur mes lèvres. Je ferme un court instant les yeux. Puis, il me caresse lajoue, descend jusqu’au creux de mon cou et attrape délicatement ma nuque. Mon souffle s’accélère, etune sensation intense me submerge.

— Sais-tu combien tu es magnifique ? Cette robe ne fait que rehausser l’éclat que tu as en toi,halète-t-il en se rapprochant encore un peu.

Il pose son autre main sur ma taille avec une telle tendresse que je sens à peine la douce caressed’une plume me frôler. Cet homme est tout sauf réel. Il remue en moi des émotions et des sensationsque je n’avais jamais encore ressenties jusque-là. Je secoue lentement la tête, interloquée. Matthewappuie son regard ardent sur le mien. Il me contemple, m’admire et plonge littéralement à corps perdudans mon âme, dans ma tête, fouillant au plus profond pour trouver des réponses à mes troubles, àmes angoisses.

Au terme de délicieuses secondes, Linda vient nous rejoindre. Je me libère de la douce chaleur

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de son étreinte, lui souris tendrement et retourne à la cabine. Elle me rejoint et referme le rideauderrière nous et me chuchote :

— Vous êtes adorables, tous les deux. J’aimerais tant qu’un homme me regarde avec cette lueurqu’a votre petit ami dans les yeux. Vous avez beaucoup de chance, Mademoiselle, croyez-moi.

— Ah, mais non…, protesté-je aussitôt.

— Oh…, permettez-moi d’en douter.

— Matthew n’est pas mon petit ami, c’est mon meilleur ami…, la coupé-je en arquant un sourcil.

La vendeuse étouffe un rire contenu et ajoute :

— Eh bien, ce n’est qu’une question de temps avant que cela change entre vous, croyez-moi.Lorsque je vous ai surpris, on aurait dit qu’une bulle protectrice vous entourait de son aura. Il a l’airprofondément amoureux de vous.

Je secoue la tête de gauche à droite, et pose ma main sur les lèvres. Tout cela est bien vrai et ellel’a remarqué, elle aussi. Matthew a énormément changé ces dernières semaines, et moi aussi. Nousnous sommes rapprochés tous les deux et ce que je ressens pour lui grandit de jour en jour.

— Cette robe vous va à ravir, mais je vous conseille d’essayer celle-ci, me propose-t-elle endésignant celle que j’avais remarquée en vitrine.

J’acquiesce, encore bouleversée par ce qu’elle m’a confié. Puis, elle ressort de la cabined’essayage, en attendant derrière le rideau.

Je la passe et me contemple dans le miroir. Wouahhh ! Est-ce bien moi ? Elle tombe parfaitementet illumine mon teint de porcelaine. Elle m’arrive juste au-dessus du genou et son tissu est si soyeux.Linda entrouvre discrètement le rideau, et je lui fais signe d’entrer. Elle me rejoint et pose au sol unepaire d’escarpins roses assortis à la robe.

— Essayez ceci. Je suis certaine que vous allez beaucoup lui plaire. Cette robe est justesplendide sur vous, me dit-elle, ravie, en contemplant mon reflet dans le miroir.

J’enfile les chaussures aux talons démesurés par rapport à ce que j’ai l’habitude de porter, et meredresse. Elle replace mes cheveux par-dessus mes épaules, et réajuste un peu la robe au niveau dema taille.

— Vous êtes magnifique, atteste-t-elle d’une voix sincère.

— Vous comptez me faire attendre longtemps, chère Mademoiselle Obrien ? J’ai un café à fairetourner, moi ! lance Matthew de l’autre côté du rideau, ce qui nous vaut un éclat de rire dans lacabine.

Je sors, un sourire timide aux lèvres. Linda repart en caisse en levant discrètement le pouce enl’air dans ma direction, comme pour m’encourager. Matthew se relève et me dévore littéralement desyeux. Je tourne sur moi-même, tentant de ne pas me retrouver, une nouvelle fois, les fesses par terre.Ces chaussures sont juste magnifiques et me donnent une certaine confiance en moi. Je me trouveenfin jolie et élégante.

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— Elle est superbe, n’est-ce pas ? Bon, les escarpins aussi, mais marcher avec des échassespareilles, ça ne va pas être pratique. Qu’en penses-tu ? lui demandé-je, anxieuse d’avoir son avis.

— Euh… et bien… je te trouve ravissante, renversante même, et …

Il s’arrête un instant, déglutit avec difficulté et s’avance vers moi.

— Tu es un bouton de rose qui vient d’éclore, là devant moi, tel un enchantement à l’aurore dumatin. Hope, tu as ce pouvoir sur moi que je n’arrive pas à m’expliquer, me déclare-t-il ens’approchant, les yeux rivés aux miens.

C’est fait… Mon cœur vient de lâcher !

Il vient de m’avouer qu’il ressent quelque chose pour moi, et ne me quitte pas du regard. Je restelà, sans bouger et sans savoir que lui répondre. Je réalise que mon attachement pour lui est bien plusprofond que de l’amitié. Je suis en train de tomber sous le charme de mon meilleur ami, et je necontrôle plus rien.

— Merci, Matthew… Je suis contente qu’elle te plaise autant…, bafouillé-je d’une voix nouéetant ses paroles m’ont touchée.

— C’est toi qui embellis la robe, Hope, et non le contraire, me complimente-t-il en attrapant mamain pour la serrer dans la sienne.

Il chamboule tout ce que nous avons construit ensemble. Notre amitié, notre relation parfaite etcette confiance que nous avons gagnée l’un envers l’autre. Il a ce « je ne sais quoi » dans le regardqui m’émeut, me bouleverse, et je crois comprendre pourquoi. Je suis en train de tomber éperdumentamoureuse de Matthew Cole…

23 h 47

Tendre pensée du soir :

Ce soir, en rentrant chez moi, Tom n’était toujours pas à la maison. Je l’ai attendu, avec cebesoin vital de le regarder dans les yeux afin de voir cette même flamme qui crépite en moi. Celleque Matthew a embrasée par sa chaleur et par sa présence attentionnée à mes côtés depuis desmois. Est-ce-que je ressens encore quelque chose ? Tom a-t-il réussi à briser ce que nous avionsensemble ? Chaque jour, je m’éloigne de lui, mais, les jours où je me rapproche, c’est mon âme quis’arrache à moi, me laissant comme un animal apeuré, perdu et craintif.

Je ne sais pas réellement ce que Matthew ressent pour moi et comment il va réagir au retourde Brooke. Sera-t-il toujours aussi proche ? Toutes ces questions dénuées de sens embrouillentlittéralement mon esprit. Je ne sais que faire. Dois-je suivre mon instinct et répondre auxinnombrables marques d’affection de Matthew ? Et Tom, comment réagira-t-il en apprenant que jepasse tout mon temps avec le fils de ma patronne ?

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Je sens que mes sentiments envers Matthew prennent cette place spéciale dans mon cœur,m’empêchant d’y faire entrer Tom qui a perdu la sienne depuis des semaines. Les coups et lesinsultes ont résolument tenu mon âme éloignée de lui, même si mon corps répond encore à sesattentes sous les draps.

Bonne nuit, Matthew. Où que tu sois, je pense à toi…

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- V -

Vendredi 2 mai 1975 à 19 h 45

Nous sommes au printemps, saison où tout revient peu à peu à la vie. Les jours passent et seressemblent. Demain, j’aurai vingt ans et je ne veux absolument pas fêter mon anniversaire. Je meretrouve, cette année, à haïr encore davantage ce jour, j’ignore pourquoi.

Ce mois ne présage rien de bon avec le retour, dans moins d’une semaine, de Brooke quis’envolera en vacances avec Matthew à son bras. Ces trois dernières semaines m’ont permis de merendre à l’évidence : je ressens un sentiment extrêmement profond à l’égard de mon meilleur ami. Jepense que lui aussi, vu sa façon de prendre soin de moi comme si j’étais un « objet » précieux auquelil tient par-dessus tout. J’ai beaucoup changé, repris un tant soit peu confiance en moi, mais masituation reste la même : je vis aux crochets de Tom. Il a cette emprise sur moi que je ne m’expliquepas. Oui, j’ai envie de le quitter et non, j’en suis incapable. Je suis terrifiée à l’idée de l’affronter surson propre territoire : chez nous. Puis, cette dépendance affective ne fait qu’amplifier de jour enjour.

Mais qu’est-ce que c’est ?

*

* *

La journée n’a pas été des plus roses aujourd’hui. Pour commencer, Tom m’a annoncé qu’il devaits’absenter trois jours afin d’aller récupérer un véhicule à des milliers de kilomètres pour une grossepréparation qui participera à un concours. Bien entendu, il n’a pas pensé une seconde à monanniversaire, mais soit, qu’il en soit ainsi encore cette année. Il ne rentrera que dimanche soir, jeserai donc seule chez nous. À cette perspective, un étrange sentiment d’inquiétude, voire d’angoisse,s’est emparé de moi. Matthew, lui, s’est rendu à un marché d’antiquaires à deux heures d’ici, etj’avoue que sa présence au café m’a terriblement manqué. Il m’a pourtant proposé de l’accompagner,mais partir aux aurores sans éveiller le moindre soupçon était impossible. J’aurais adoré passer cettejournée avec lui, à chiner des objets anciens. Rose a tout de suite cerné que je me sentais mal et m’agentiment invitée à dîner, pensant qu’un moment entre filles nous ferait le plus grand bien. J’aiaccepté avec beaucoup de plaisir. J’ai vraiment hâte d’y être et les entendre jaser aux dépens de leurspetits copains. Lorsque je suis en leur compagnie, tout me semble plus facile, car je m’éloigne decette terrible réalité qui me consume à petit feu chaque jour.

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Je passe ma petite robe rose que je n’ai pas encore eu l’occasion de porter et enfile meschaussures assorties. J’attache mes cheveux en queue de cheval et me regarde une dernière fois dansle miroir. Je me surprends moi-même à passer une touche de blush sur mes joues. J’applique mêmedu mascara sur mes cils, et du rouge à lèvres rose clair. Wouahhh ! C’est très joli ! Si Tom était à lamaison, il ne me laisserait sûrement pas sortir accoutrée de la sorte. Mon reflet me rappelle cemoment merveilleux dans le magasin et me renvoie le sourire charmeur de Matthew lorsqu’il m’adécouverte dans cette robe. C’était la toute première fois que je prenais réellement conscience dusentiment amoureux qui nous emplit encore aujourd’hui.

20 h 37

L’appartement des filles se trouve au premier étage d’un immeuble qui fait le coin de View Street.Je monte les escaliers et frappe à la porte de l’appartement 6B. Emma m’ouvre et me contemple de latête aux pieds, ébahie. Puis, elle m’invite à entrer d’un signe de tête, sans un mot, ce qui m’étonnevenant d’elle. J’avance et remarque que tout est joliment décoré et très accueillant. Le salon se trouvesur la gauche avec un canapé aux tons chauds et une table basse, face au téléviseur. À droite, Roses’affaire en cuisine et semble quelque peu débordée, ce qui m’arrache un sourire amusé. Puis, elle mejette un œil rapide tout en secouant la poêle où crépite notre dîner et la repose aussitôt. Elles’approche lentement de moi, étonnée, et pose sa main sur sa bouche. Pourquoi me regardent-ellestoutes les deux de cette manière ?

— Hope, tu es… si différente et vraiment superbe dans cette tenue. Tu t’es maquillée ? Tu essublime, ma belle, s’exclame Rose en me prenant dans ses bras.

— Merci. J’espère que ça n’est pas… trop ? demandé-je, gênée par tant de compliments.

— Mais non ! s’exclament-elles ensemble.

Emma se joint à nous et nous encercle de ses bras, ce qui nous fait glousser toutes les trois.

Après avoir terminé de préparer le dîner avec les filles, nous nous installons sur des petitscoussins face à la table basse. Rose est remarquablement douée en cuisine. Tout sentmerveilleusement bon et je ne manque pas de la complimenter :

— Tout à l’air délicieux. Tu es très douée, tu sais ?

— J’ai appris quelques trucs avec Liliane afin que nous ne mourions pas de faim, n’est-ce pas,Emma ? demande-t-elle en lui adressant un sourire ironique.

— Je ne sais pas cuisiner, et alors ? Tu le fais très bien pour deux, ricane-t-elle en nous servantdu vin.

Je fais mine de refuser, mais trop tard, mon verre est plein.

— Dis-moi, Hope… Tu m’as semblé ailleurs aujourd’hui, je me trompe ? me demande Rose d’unair soucieux.

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Je pose ma fourchette près de mon assiette et les regarde tour à tour. Dois-je leur en parler ?

— Nous sommes tes amies, et on n’est pas aveugles. Quelque chose te préoccupe et, si nouspouvons t’aider, ce sera avec grand plaisir, ajoute gentiment Emma en posant sa main sur la mienne.

— Merci, les filles… Non, je ne vais pas très bien aujourd’hui, avoué-je d’une petite voix.

— J’ai remarqué que tu ne parles pas souvent de Tom. Est-ce que tout va bien entre vous ? À direvrai, on s’inquiète pour toi, Hope…

— Et on aimerait te poser une question, ajoute Rose.

Elles me paraissent horriblement confuses.

— J’apprécie beaucoup votre sollicitude, sincèrement, mais ne vous tracassez pas, les filles.C’est juste que la journée a été éprouvante, voilà tout. Demain sera un nouveau jour, promis-je enleur adressant un demi-sourire.

J’ai le cœur lourd et le besoin de me confier me brûle les lèvres. En parler à mes amiesm’apporterait peut-être un certain réconfort et, qui sait, me permettrait d’y voir plus clair…

— Éprouves-tu quelque chose pour Matthew ? me demande précipitamment Emma.

Ce que je redoutais vient de se produire. Elles l’ont remarqué, et bien avant moi. Je ne peux plusle nier : je suis profondément amoureuse de Matthew. J’attrape mon verre de vin, et bois une bonnegorgée tant la pression vient de monter d’un cran. Je les regarde tour à tour, me relève et traverse lesalon. J’entrouvre les rideaux afin de contempler l’horizon. Ce soir, le ciel brille de mille feux ettoutes ces étoiles qui scintillent dans le ciel me rappellent la nuit où Matthew est venu me sauver surle pont du phare. Il m’a sortie de ma torpeur et, franchement, je ne sais pas ce qui me serait arrivé s’iln’avait pas été là. Je me retourne face à elles. J’opine de la tête, résolue à leur confier ce qui meronge depuis plusieurs mois.

— Comme vous avez pu le remarquer, Matthew et moi sommes très proches depuis… le départ. Ilest devenu mon meilleur ami, et j’ai beaucoup de respect et d’affection pour lui. Il est quelqu’un surqui je peux compter à chaque instant…

— Oui, mais encore ? Tout ça, on le sait déjà, Hope, me coupe Emma qui se dandine, impatientede connaître la suite.

Rose lui tape sur le bras en lui lançant un regard noir pour lui imposer le silence. Puis, elle mefait signe de continuer et je vais les rejoindre. Je retire mes chaussures et m’accroupis auprès de mesamies. J’attrape mon verre de vin, et le bois cul sec tout en détachant mes cheveux. Elles m’adressentun sourire de satisfaction et s’assoient plus confortablement à mes côtés.

— Je ressens un attachement particulier pour lui. Mais je suis perdue. Nous n’avons jamaisdiscuté de nos sentiments, et j’ignore s’il éprouve la même chose que moi.

— Hope, Matthew est fou amoureux de toi, ne l’as-tu pas remarqué ? Il parle sans cesse de toi, etil a ce sourire stupide accroché aux lèvres depuis le jour où tu as passé la porte du café, m’annonceRose en posant sa main sur mon bras avec tendresse.

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Emma secoue nerveusement la tête pour confirmer les dires de notre amie, et ajoute d’un airenjoué :

— Moi, j’ai surpris une conversation entre Liliane et lui, s’exclame-t-elle en tapant dans sesmains, fière de son annonce sensationnelle.

— Une conversation ? demandé-je, intriguée.

— Un soir, après que tu sois partie, Matthew a eu une discussion avec sa mère dans la cuisine et,bien entendu, Rose et moi avons tendu l’oreille.

Je jette un regard noir à mes deux amies, mais elles haussent les épaules.

— C’était trop tentant, se justifie Rose en m’adressant en clin d’œil.

Emma reprend son discours de concierge de hall d’immeuble :

— Matthew a confié à sa mère qu’il allait rompre avec Brooke, car il éprouvait des sentimentspour une autre femme… Et il a ajouté que c’était elle qu’il attendait depuis toujours.

Les yeux larmoyants, je fais signe de la main à Emma de se dépêcher de continuer.

— Liliane a tout de suite deviné que c’était… toi. Elle en était ravie, mais inquiète à cause de tasituation avec Tom. Elle lui a rappelé que tu vivais déjà avec un autre homme et qu’il n’avait pas ledroit de tout briser.

— Et lui ? Que lui a-t-il répondu ? répliqué-je aussitôt.

— Eh bien, on n’a pas vraiment compris, mais il lui a répondu simplement une chose et a disparudans la réserve.

— Eh bien, crache le morceau, Emma ! lui lance Rose, qui lève les yeux au ciel, exaspérée.

— Il a dit : « Je donnerai une fin heureuse à son livre, Maman. Je le lui ai promis. »

Je pose mes mains sur ma bouche, bouleversée par ces révélations qui viennent de confirmerqu’il est réellement épris de moi. Nous ressentons la même chose, mais la situation est telle que nousne pouvons pas succomber à la tentation. Une chose a l’air de leur échapper, et je ne manque pas dela leur rappeler :

— Liliane a raison. Il y a Tom, et c’est avec lui que je vis, même si… je ne suis pas réellementheureuse.

— Comment ça, tu n’es pas heureuse ? me demande Rose, abasourdie.

À force de vivre la tête sous l’eau, les mensonges que j’ai répandus autour de ma vie épanouie enménage se retournent contre moi. Je les regarde tour à tour en me mordant la lèvre tant la honte mesubmerge. Serai-je enfin capable de me confier à mes amies ? Vont-elles m’écouter jusqu’à la finsans me juger ?

— Comme vous le savez déjà, ma famille a quitté Port Clyde. Étant donné que le projetd’emménager avec Tom était imminent, il m’a gentiment accueillie chez lui.

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Emma lève un sourcil interrogateur comme pour dire : Et alors, je ne vois pas où est le problèmeavec Tom jusque-là ? Je baisse la tête pour laisser place aux larmes qui me submergent. La pressionest en train de retomber, et je suis désespérée à l’idée de leur confier mon calvaire. Je les regarde engrimaçant. Par où commencer ? Y a-t-il seulement une façon de confier une partie de soi aussisombre ?

— Prends tout ton temps, Hope, me dit Rose en me souriant affectueusement.

— Lorsque je suis sortie avec Tom, il était tout à fait charmant et très à l’écoute. Puis, les chosessont devenues de plus en plus sérieuses. Je l’ai présenté à ma famille et lui en a fait autant avec moi.Après mon déménagement chez lui, il a changé du tout au tout. Il est devenu possessif, jaloux,lunatique, injurieux aussi… et…

Je les regarde en séchant les larmes qui coulent sur mon visage et ajoute d’une petite voix :

— … violent.

— Comment ? s’indigne Emma, qui se relève pour tourner comme une abeille butineuse autour denous.

La stupeur de la nouvelle la fait sortir de ses gonds. Rose me prend la main et, de l’autre, mecaresse tendrement le visage en me souriant. Elle a l’air sous le choc, et je peux le comprendre aprèstous les mensonges que je leur ai servis depuis des mois, il y a de quoi. Je passe près d’une heure àleur confier ce qui se passe au sein de mon couple. Elles m’écoutent, stupéfaites, vider mon cœur.Nous avons dû retenir Emma à plusieurs reprises d’aller casser la gueule à Tom. Heureusement qu’ilse trouve à des milliers de kilomètres !

— Je ne comprends pas, Hope… Pourquoi restes-tu avec Tom si tu n’es pas heureuse ? medemande Rose en secouant la tête.

— Il y a cette chose qui est en train de naître en moi, fais-je en posant ma main sur mon cœur. Jene sais pas ce que c’est. De la peur ? De la dépendance affective ? Je n’en ai aucune idée, et pourtantje suis certaine que ce n’est pas de l’amour. Ce que je ressens pour Matthew est bien différent. C’estnaturel, comme si c’était une évidence… Je ne saurais expliquer.

— C’est tout simplement de l’amour que tu éprouves pour Matthew. Et lui, c’est pareil, Hope,atteste Emma qui revient s’assoir auprès de nous.

— Et si tu venais vivre chez nous ? Au moins le temps de te retourner et de réfléchir en sécurité,me propose Rose en appuyant son regard compatissant dans le mien.

— Je n’ai pas le courage d’affronter ma famille qui reviendrait au galop. Mon père adore Tom.S’il apprenait que sa fille a quitté son petit ami pour un autre, je n’ose imaginer la mobilisationplanétaire qui se mettrait en marche contre moi… Et cela peut vous sembler étrange, mais je ressensencore ce petit quelque chose pour Tom…, avoué-je d’une voix tremblante.

Je ne veux pas de la pitié des gens… Je ne le supporterai pas… Je suis désespérément perdue etla confusion règne en moi…

— Peut-être as-tu peur de perdre tout ce que tu as ?

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— Peut-être, avoué-je en me penchant en arrière, la tête posée sur le canapé.

— Tu ne lui dois rien, Hope. Tu n’es pas mariée, et vous n’avez rien en commun. Tu peux partir.Rien ne te lie à lui si ce n’est cet attachement malsain que tu ressens encore à son égard, me faitremarquer Rose.

— Je n’ai jamais eu de vie de famille normale. Je pensais qu’avec Tom, je pourrais fonder lamienne et être heureuse. J’ai peur que… si je venais à le quitter, jamais plus je n’aie la chance d’enavoir une.

— C’est complètement stupide ! Mais qu’est-ce que tu racontes ? T’es folle ou quoi ?! s’écrieEmma.

— Emma ! rouspète Rose pour la faire taire.

Je me redresse, les larmes aux yeux, en inspirant profondément et les dévisage, en secouantnerveusement la tête.

— J’ai peur de me retrouver tout simplement seule. J’ai un terrible manque de confiance en moique Tom a pu combler. D’une manière terrible, je vous l’accorde, mais il l’a fait.

— Et Matthew ? Où se trouve sa place ? m’interroge Rose, stupéfaite par mes propos.

— Matthew ? Il ne comble pas les vides les filles, il les guérit et il arrive à faire de moi cettefemme que je devine au tréfonds de mon être. Peut-être ai-je peur d’être cette personne ? Peut-être ai-je une peur panique qu’il finisse par me rejeter ? Je suis lâche, avoué-je, au bord des larmes.

Elles me rejoignent aussitôt et me prennent dans leurs bras. Je reste là à pleurer toutes les larmesde mon corps en espérant que cela puisse apaiser le mal incommensurable qui est tapi au fond demoi.

En fin de soirée, la pression que j’avais sur les épaules avant de passer le pas de leur porte,retombe enfin. J’ai confié une partie de moi, et le poids est moins lourd à porter à présent, sans pourautant avoir disparu. Rose me sert un autre verre de vin. Nous trinquons toutes les trois en nous jurantde trouver une solution. Elles ne m’ont pas jugée, mais simplement écoutée et donné leur point de vuequi reste sans compromis : je dois quitter Tom et avouer mes sentiments à l’homme que j’aime.

— Les filles, tout cela est très mignon, mais je ne sais pas si je serai capable de lui avouer messentiments. La réaction de Tom si je lui annonce que je le quitte me terrorise. Je le vois déjà d’icisaccager toute la maison de rage. Puis, il s’en prendra à moi, et je peux vous jurer qu’il se déchaînerajusqu’à ce qu’il ne sente plus ses poings, éclaté-je en sanglots, le visage entre les mains.

— Oh, je vais me le faire, cet enfoiré, peste Emma qui tourne en rond dans l’appartement en serongeant les sangs.

— Calme-toi. Moi aussi, je suis en colère de savoir que de lâches crapules puissent s’en prendreà des êtres sans défense. Hope, il va falloir prendre ton courage à deux mains et l’affronter, pour toi !On peut venir avec toi si tu veux ? me propose Rose d’une voix calme, tentant d’apaiser les tensions.

— Non ! hurlé-je d’effroi tant la peur me tétanise.

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Je me relève et prends appui sur le canapé. Mon Dieu, j’ai la tête qui tourne… Rose vient merejoindre et m’attrape par la taille pour m’aider à m’assoir.

— Je vais te préparer un thé, reste là…

— Non, je dois m’en aller. Il se fait tard et je dois absolument rentrer.

— Tu n’es pas en mesure de conduire dans ton état, me fait sévèrement remarquer Emma enposant les poings sur ses hanches.

— Elle a raison. Ce n’est pas une bonne idée, ajoute Rose en allant faire chauffer de l’eau.

Je me relève d’un pas incertain et enfile mes chaussures. Puis, j’attrape mon sac et ma vesteposés sur l’accoudoir du canapé, et traverse le salon en refusant leur offre. J’ai l’impressiond’étouffer sur place et je dois prendre l’air. Elles l’acceptent et comprennent mon besoin de resterseule pour faire le point. Cette soirée a été riche en émotions. Confier mon cœur a ouvert une brèchedans cet univers que je tente tant bien que mal de dissimuler depuis plusieurs mois.

22 h 57

Arrivée au bas de l’escalier, j’ouvre rapidement la porte de l’immeuble, sort et m’adosse à elle.Je ferme les yeux afin de sentir l’air frais sur mon visage. J’ai abusé de l’alcool et voilà le résultat…Je passe ma main le long de mon cou, tentant de reprendre mes esprits. La chaleur qui me monte à latête m’est insupportable.

— J’ai chaud… Mais qu’est ce qui m’a pris de boire autant ? bafouillé-je à voix haute enremettant de l’ordre dans mes cheveux.

— Je te laisse une journée toute seule et voilà que je te retrouve à moitié soûle. Bravo, Hope !

Je me redresse. Je dois être ivre, complètement ivre. Matthew se tient devant moi, contre monpickup, les bras croisés contre son torse. Je fronce les sourcils en secouant la tête pour tenter derendre l’image plus nette, mais c’est peine perdue. Il s’approche lentement de moi, et me dévore d’unregard brûlant qui me consume sur place. Puis, il glisse ses mains dans mes cheveux, et m’attrape parla nuque. Je tente de bafouiller quelque chose, mais il pose un instant ses doigts sur mes lèvres pourme faire taire.

— Tu es splendide. Cette robe a été faite pour toi… Jamais, je ne me lasserai de te contemplerdedans. Tu m’as…

— Je t’ai… ?

Dis-le Matthew, je t’en supplie…

— Tu m’as manqué, Hope. Terriblement manqué…

Matthew approche ses lèvres. Son souffle chaud caresse ma peau et j’entrouvre les miennes,l’invitant à s’y poser. Ses mains attrapent tendrement mon visage, et m’arrachent un léger

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gémissement de plaisir. Son regard lascif me sonde, guettant ma réaction et un doux sourire se dessinesur son visage.

— Toi aussi…, lui susurré-je en penchant ma tête.

Je vais à la rencontre de ses lèvres, lorsque, soudain, la porte de l’immeuble s’ouvre. Je manquede tomber à la renverse mais Matthew me rattrape de justesse dans ses bras.

— Eh merde ! Désolée, Hope mais voyant ton pickup encore garé… Non rien, laisse tomber.Bonne soirée, les amoureux ! nous lance Emma en refermant rapidement la porte.

Je profite pour m’extirper de ses bras et m’éloigner de lui. Je m’empresse de rejoindre maChevrolet. Un peu plus, et je commettais une connerie monumentale…

Matthew me suit de près et me rattrape par la main en me ramenant à lui.

— Viens avec moi ce soir, me demande-t-il d’une voix précipitée comme s’il n’avait plus rien àperdre.

— À cette heure-ci ?

— Je sais que tu es seule ce week-end, et si tu crois que je vais perdre l’opportunité qui s’offre ànous, tu te trompes, Hope.

Je reste sans voix, et papillonne des yeux tentant de remettre de l’ordre dans ma tête encoreembuée par l’alcool. Je pose délicatement ma main sur son visage pour en suivre chaque trait. Ilferme un instant les paupières, s’approche et pose un doux baiser sur mon front qu’il presse delongues secondes. Puis, il recule, rompant notre tendre contact et me dit :

— Fais-moi confiance et viens avec moi, s’il te plaît, insiste-t-il en me tendant sa main afin queje le suive.

Je jette un œil à mon pickup, et lui tends la mienne.

— Il peut rester là. On prend ma voiture. Allez, viens.

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- VI -

Katharine Mcphee - My Destiny

Vendredi 2 mai 1975 à 23 h 17

Nous roulons à travers la forêt, la lueur de la lune s’infiltre à travers les feuillages des arbres.Matthew emprunte une petite route à droite, nous menant à une maison blanche aux volets bleus. Toutme semble si calme autour de nous, seul le bruit des cailloux qui crépitent sous les pneus de savoiture résonne dans la pénombre de la nuit.

Nous nous arrêtons devant l’entrée de cette demeure où des rosiers sont plantés près de l’escalieren bois. Tout est si beau et si accueillant, reflétant parfaitement la gentillesse et la douceur del’homme assis à mes côtés. Matthew coupe le moteur de sa Mustang et se retourne vers moi, unsourire maladroit aux lèvres. Il me paraît intimidé, presque perdu avec lui-même. Avait-il prévu dem’emmener jusqu’ici, ce soir ?

— Viens avec moi. J’ai envie de te faire découvrir, à mon tour, le monde dans lequel je vis, mepropose-t-il d’une voix basse pleine de tendresse.

Sans me laisser le temps de répondre, il sort et fait le tour de la voiture pour ouvrir ma portière.Je le rejoins, terriblement gênée, me demandant ce que je fais ici. Pourtant, pourquoi m’est-il si facilede le suivre et d’accepter sa compagnie ? Tom mérite-t-il encore mon respect, ma fidélité ? Je ne saisplus où j’en suis, mais, ce soir, je veux oublier ce qui me lie à lui. Profiter de ce moment que la viem’offre aux côtés de Mathew et qui me submerge de bonheur. Un bonheur que j’aimerais frôler dubout des doigts, même s’il m’est retiré immédiatement après…

Matthew attrape une lanterne et une boîte d’allumettes. Il l’allume, me prend par la main et nousempruntons l’allée de gravillons qui donne sur un superbe jardin arboré avec une fontaine quireprésente un ange. Sur la droite, un chemin de bois borde les dunes et mène à l’océan où le cielétoilé scintille sous la lumière du phare de Marshall Point.

Après avoir abandonné nos chaussures, nous marchons un moment, main dans la main, sur lesable fin qui s’enfonce sous nos pas, gravant de manière éphémère notre passage sur cette plage oùles vagues viennent s’échouer. Nos regards se croisent de temps à autre, sans qu’aucun mot ne soitéchangé. Seule, la brise légère qui marque le temps nous accompagne. Sa présence est comme une

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douce mélodie qui viendrait me bercer dans ce monde dans lequel je n’arrivais pas à trouver maplace. Ce soir, j’ai la douce impression d’avoir pris le bon chemin, d’être enfin arrivée chez moi.

Matthew m’apporte cet apaisement que j’ai toujours cherché dans le regard de mes proches.Chacun de ses gestes est un remède à mes peurs et à mes cauchemars d’enfant. Combien de chances yavait-il qu’au bout du tunnel sombre et froid, il m’apparaisse comme une illumination pour me sauveret me ramener à la lumière ?

Il me regarde, et ancre son regard au mien, n’osant entamer la conversation. Un sourire s’esquissesur ses lèvres, et il secoue la tête en riant timidement.

— Hope, tu m’intimides tellement parfois que j’en perds mes mots. J’ai l’impression d’avoirquinze ans et de vivre ma toute première…

Il s’interrompt un instant, regarde vers l’océan et reprend :

— Tu remues en moi des émotions dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Je n’ai jamais eude difficulté à aborder une fille. Mais, avec toi, c’est si différent, tu es différente… avoue-t-il en setournant vers moi.

Matthew amène ma main à ses lèvres et y dépose un baiser, sans me quitter du regard qui en ditlong sur ses sentiments. Je me fige sur place et la retire immédiatement. Embarrassée, sans savoirquoi répondre, je regarde autour de moi. Cet endroit est vraiment magnifique. Matthew pose lalanterne sur le sable et se rapproche de moi, l’air troublé. Il se mordille la lèvre en fronçant lessourcils et contemple ma bouche, puis mon corps qu’il passe au crible comme si j’étais une œuvred’art qu’il aimerait acquérir sur-le-champ. Je recule d’un pas, mais il avance encore, cette fois enplongeant un regard de braise dans le mien.

Nos corps se frôlent à peine, nos souffles sont rythmés par le battement de nos cœurs, puis nosmains viennent se retrouver instinctivement. Nos doigts s’entrelacent lentement, comme une dansesensuelle que l’on aimerait faire durer encore un peu. Il se rapproche encore, me dévore littéralementdu regard, sans aucune retenue.

— Hope, ma douce Hope…

— Matthew… Qu’est-ce-que c’est ? Pourquoi mon cœur bat-il si vite qu’il m’en fait mal ? luidemandé-je en guettant le moindre de ses gestes, comme à l’affût de l’irréparable.

— Parce que c’est comme ça…

Matthew pose ses mains derrière ma tête, et caresse mes cheveux avec cette délicatesse qui lecaractérise tant. Les miennes s’invitent sur son torse qui se soulève et retombe rapidement. Je lesglisse jusqu’à son visage, que je frôle délicatement du bout de mes doigts frêles. Son corps réagit enosmose avec le mien. Est-il celui que j’attends ? Dois-je emprunter et suivre cette route qui me mènevers lui afin de trouver le bonheur ? Comment puis-je le savoir ? Et si la réponse était, là, devant mesyeux, embués de peur et de doute ?

Arrête de te poser trente-six mille questions, Hope !

— J’aimerais rester encore un peu ici, à la lueur des étoiles devant cette vue magnifique que nous

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aimons tant, me susurre-t-il en approchant ses lèvres des miennes.

Je me noie dans son regard empli de douceur et… d’amour ? Son souffle chaud m’embrase toutentière et mon corps réclame le sien avec une telle ferveur que je ne peux plus le contrôler. Enfin, jeressens quelque chose. Enfin, la vie s’éveille en moi et j’ouvre les yeux sur ce monde qui me paraîttout à coup si différent de celui dans lequel je vivais encore ce matin. Ce soir, je vois la lumièrecomme celle du phare qui guide les bateaux et les pêcheurs perdus en mer. Je veux la suivre, trouverla raison pour laquelle je suis ici. Grand-mère disait souvent, les yeux rivés vers le ciel :

« Chacun de nous à une place très spéciale dans ce monde. Tu as le cœur le plus pur qu’il m’aété donnée de rencontrer, ma chérie. Crois en toi, et tu pourras affronter le monde, même si

parfois, il te semble injuste. Ce sont toutes ces épreuves qui nous rendent plus forts et font de nousce que nous sommes. Tu trouveras, toi aussi, ton chemin… Reste fidèle à toi-même, à tes principes

et tu prendras les bonnes décisions. J’ai confiance en toi… »

Matthew m’étreint contre lui. Sa chaleur, son odeur, sa fragrance aux notes chaudes et envoûtantesque je reconnaîtrais entre mille m’envahissent et me troublent. Il sent si bon… Sa peau doit êtredouce, ses lèvres soyeuses, humides et délicates. J’aimerais goûter à sa bouche, juste une fois poursavoir si ce que je ressens est bien réel.

Je guette sa réaction lorsque j’approche mes lèvres des siennes et que j’y dépose un baiser tendreet chaste. Matthew ferme les yeux et presse sa bouche contre la mienne, tenant ma tête entre ses mainstremblantes. Je frissonne, vibre et ressens des sensations inhabituelles dans mon ventre. Mon cœurfait des bonds dans ma poitrine. Une douce chaleur envahit tout mon corps et vient se loger juste là.J’ai envie d’être avec lui, envie de le sentir me serrer contre lui, pour ne former plus qu’un. Alors,c’est ça que l’on appelle, l’Amour ? Si ça ne l’est pas, ça y ressemble beaucoup…

— Hope…, susurre-t-il contre mes lèvres qui le quittent aussitôt.

Je secoue nerveusement la tête, recule et pose mes doigts sur ma bouche. Qu’est-ce que je viensde faire ? J’ai cédé à la tentation l’espace de quelques secondes. Et maintenant, que va-t-il sepasser ? J’ai pourtant cette chance qui s’offre à moi et que j’ai toujours espérée, mais que je n’oseaccepter.

— Je suis désolée... Je dois y aller, dis-je en courant vers la maison.

— Non, mais attends, Hope. Attends ! hurle Matthew qui me suit sur le sable fin.

J’arrive devant la maison et me tape sur le front en jetant un regard circulaire. Je suis venue aveclui. Je fais quoi, maintenant ? Idiote et irresponsable avec ça !

— Tu veux prendre ma voiture ? me demande-t-il en s’approchant de moi, à bout de souffle etsecouant les clés de sa voiture juste sous mon nez.

Il m’exaspère ! Il sait très bien que jamais je n’oserai conduire sa Mustang !

J’évite son regard, en contemplant la maison et admirant ses grandes baies vitrées donnant sur

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l’océan. La vue doit être magnifique de la terrasse. Y vit-il seul ou avec sa famille ? Pourtant, il mesemblait que Liliane habitait un manoir de plusieurs hectares avec un ranch, et cette maison n’yressemble absolument pas.

— Tu veux entrer boire quelque chose ? Un chocolat chaud ? me propose-t-il en pointant sonpouce en direction de la maison.

— Je ne sais plus… Est-ce que quelque chose a changé ?

Matthew glisse ses clés dans la poche arrière de son jean et hausse les épaules.

— Quoi ? Parce que tu m’as embrassé ?

Je m’empourpre aussitôt, et joue avec un petit caillou que je fais rouler sous mon pied. Il araison. C’est moi qui ai déposé ce stupide baiser sur ses lèvres.

— Je suis désolée, je ne sais pas ce qui m’a pris. Je n’ai pas pour habitude de commettre cegenre…

— D’erreur ? me coupe-t-il en fronçant les sourcils, mais ses traits se radoucissent aussitôt et ilme sourit.

— Non, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, Matthew.

— Alors quoi ? Tu voulais dire quoi, hein ? me questionne-t-il à nouveau en croisant les bras surson torse.

J’acquiesce et baisse la tête pour lui confirmer que c’était, peut-être, ce que je voulais dire. Ils’approche de moi, attrape ma main qu’il serre dans la sienne, et me chuchote :

— Tu sais combien tu comptes pour moi, n’est-ce pas ? Je ne ferai jamais rien qui puisse te fairedu mal, et encore moins te mettre mal à l’aise. Allez, viens, on va rentrer se réchauffer. Il commenceà faire frais, me fait-il remarquer en retirant sa veste pour la poser sur mes épaules.

Je le suis d’un pas indécis, mais mon cœur vient de prendre une nouvelle fois, le dessus sur laraison.

00 h 17

— Oh, tout est si joliment décoré. Tu as un goût certain, Matthew, le complimenté-je en entrantdans la maison.

— Merci, mais tout le mérite revient à ma mère, ricane-t-il en refermant la porte derrière nous.Fais comme chez toi. Je vais allumer un feu de cheminée et on pourra se griller des Marshmallows,ça te dit ?

— Humm, je suis partante.

Je pénètre dans le hall. Un superbe escalier blanc aux marches grises mène à l’étage. Droit devant

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moi, au fond du couloir, j’aperçois une cuisine équipée aux tons clairs. Sur ma droite se trouve unegrande salle à manger en bois à la décoration chaleureuse et moderne. Il y a ce magnifique tableau aumur qui attire immédiatement mon attention et représente un marché d’antiquaires en plein été. Jem’avance sur la gauche, et pénètre dans un salon donnant sur l’océan prolongé par une terrasse quilonge tout le côté de la maison.

Matthew nous prépare un feu dans la grande cheminée en pierre naturelle où des dizaines decadres photos sont posés sur le linteau. Curieuse, je m’approche et en saisis un qui me toucheprofondément. Un portrait de la famille Cole. Je n’ai pas le souvenir d’en avoir déjà vu un commecelui-ci chez moi. Une larme perle au coin de mon œil, et je dois me contenir pour ne pas me laissersubmerger par mon chagrin.

— Tout va bien ? me demande Matthew, l’air inquiet.

— Oui, merci. Je trouve cette photo très attendrissante.

— Je sais… Mais un jour, toi aussi, tu auras une famille bien à toi.

— Tu me connais si bien...

Il me sourit et je fais de même. J’ai le feu aux joues et je suis certaine que je suis rouge commeune écrevisse. Bravo !

Matthew dépose une bûchette sur les brindilles de bois qui commencent à crépiter. Je saisis unautre cadre représentant une jeune fille blonde aux yeux verts et au teint sans défauts. Elle représenteà elle seule, la perfection. Qui peut bien être cette femme ? Je me retourne vers Matthew en luimontrant la photo, et hausse un sourcil interrogateur, sans dire un mot.

Il se relève, attrape le cadre et le repose soigneusement près de celui de sa famille. Puis, baissela tête vers la cheminée en inspirant profondément, l’air agacé.

— C’est Brooke. Brooke Reese, ma petite amie. Je vais à la cuisine, tu veux boire quelquechose ? change-t-il aussitôt de conversation. Un chocolat chaud ? Je ne te propose pas une bière ; jepense que tu as assez bu pour toute une année, me réprimande-t-il avec malice.

Pourquoi parler de Brooke est toujours aussi compliqué pour lui ?

Je ne peux quitter des yeux le cadre sur lequel se trouve la femme qui partage la vie de celui pourqui mon cœur ne cesse de battre à tout rompre. Je ne fais pas le poids, et ne le ferai jamais. Je croisemon reflet dans le miroir se trouvant au-dessus du canapé, et regarde à nouveau le portrait de Brooke.Jamais, je ne serai comme elle… Elle est cultivée, riche, diplômée d’université et belle, terriblementbelle. Je n’ai rien à offrir à Matthew, et je ne peux pas rivaliser avec elle. C’est peine perdue…

J’approche mes mains du feu pour me réchauffer, et regarde autour de moi. Cette maison est sichaleureuse. Elle m’inspire tant de sérénité, de paix. L’ambiance qui règne entre ses murs m’apaise etje m’y sens bien, tout simplement.

— Tiens, il est comme tu l’aimes, me dit Matthew en revenant avec un chocolat chaud et unebière à la main.

Il le dépose sur la table basse et me fais signe de m’assoir sur le fauteuil, ce que je fais en le

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remerciant d’un signe de tête. Il prend place sur le canapé face à moi et avale une gorgée de bière.

— Je pensais que tu habitais chez tes parents ? lui demandé-je, en soufflant sur mon chocolatchaud.

Il lève sa bouteille en direction de l’extérieur et me répond :

— Mes parents habitent juste derrière chez moi. Cette maison est une ancienne bâtisse que j’aifait restaurer. J’adore cet endroit. La vue sur le phare et l’océan est juste incroyable.

— Tu ne te sens pas trop seul ?

— Tu sais, j’ai grandi dans une famille nombreuse. Je ressens parfois le besoin de me retrouverseul. Il y a un rocking-chair là-bas dehors sur la terrasse que j’ai chiné avec ma mère. On l’a restauréensemble. À présent, il a toute sa place ici. Alors, le soir, je m’installe et contemple l’horizon.

— Je trouve ta maison vraiment magnifique… Je pourrai presque sentir une présence entre cesmurs, comme si elle avait une âme…, dis-je en regardant autour de moi. En tout cas, elle teressemble. Elle est accueillante et chaleureuse.

Matthew me sourit et je sais qu’il partage mon opinion. Nous avons toujours été sur la mêmelongueur d’onde. On s’accorde tellement bien tous les deux que cela en devient parfois « étrange ».Chaque objet, pour nous, a une âme, une histoire et mérite une nouvelle chance de trouver un endroitoù il sera de nouveau apprécié. Comme l’horloge aux chiffres romains du café ou bien le rocking-chair de la terrasse. Je n’ai jamais été autant en accord avec quelqu’un, et je me vois parfaitementpasser une vie entière, assise autour d’un feu de cheminée, à discuter avec lui de nos trouvailleschinées dans un marché. Et si la vie était aussi simple ? Si nous avions face à nous toutes lesréponses à nos questions ?

Matthew me sonde du regard, et tente de deviner ce à quoi ma petite tête réfléchit encore.

— Toi et tes trente-six mille questions…, ricane-t-il en avalant une gorgée de bière.

— Dis-moi ? Je ne t’ai jamais vu avec une bande de copains. Pourquoi ?

Matthew grimace, avale d’un trait le reste de sa bière et la pose sur la table basse. Il passe lamain dans ses cheveux, et inspire profondément en jetant un œil à l’extérieur, comme pour dévier sonregard du mien. Puis, il me sourit, et me répond :

— J’ai perdu mon meilleur ami, il y a deux ans, dans un accident de voiture. C’était juste après laremise de nos diplômes. Il avait trop bu et a perdu le contrôle de sa voiture en rentrant chez lui.

— Je suis désolée…, murmuré-je d’une voix tremblante.

Quelle idiote, j’aurai mieux fait de me taire !

— Ouais… Il s’est donné tant de mal pour avoir ce putain de diplôme et…

— C’est pour cela que tu braves les interdits ?

— Comment ça ? Je ne comprends pas ? demande-t-il en secouant la tête et en fronçant lessourcils.

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— Tu prends des risques en voiture. Chaque fois que tu montes au volant de ta Mustang, moncœur se serre de peur que… tu ne me reviennes plus jamais. Peut-être veux-tu, tout simplement,défier la vie ?

— Ne dis pas n’importe quoi, rouspète-t-il sèchement.

Il se relève, traverse le salon et s’arrête près de l’embrasure de la porte, sans oser croiser monregard.

— Je reviens…, lance-t-il en disparaissant dans le hall d’entrée.

Ce garçon a le chic pour couper court aux conversations qui ne lui plaisent pas. Cela fait déjàdeux fois ce soir. Puis, quelques minutes plus tard, il revient tout sourire avec des tas d’albumsphotos, coincés sous le bras.

01 h 17

Allongés sur le tapis face à la cheminée, nous feuilletons l’album photo de sa maison. Je réalisele travail faramineux qu’il a dû mettre en œuvre pour transformer cette bâtisse et le résultat est justeincroyable. Dans celui de son enfance, je découvre des photos de Matthew tout juste âgé de quatreans. Il était trop mignon ! J’adore la photo où il pédale sur son tricycle sur une allée bordée defleurs, mais elle m’arrache aussi un sourire amusé. Je lui flanque un coup de coude en lui montrant dudoigt la photo et lui dis :

— Non, mais tu as vu tes chaussettes ? me moqué-je en éclatant de rire et tapant de la main sur lesol.

Elles lui arrivaient jusqu’aux genoux et ses petites bretelles faisaient de lui un petit garçonmodèle. Qu’il était craquant avec sa coupe de cheveux plaqués sur le côté.

— Quoi ? J’étais trop choupinou ! Même maman me le répète encore.

— Mais oui, c’est ça !

— Si, si, je faisais des ravages, déjà à cet âge-là. Je te jure ! plaide-t-il.

Mais je ne le crois pas une minute, ce que je lui fais aussitôt remarquer.

— Permets-moi d’en douter, gloussé-je en tournant les pages de l’album.

Après nous être gavés de Marshmallows que nous avons grillés dans la cheminée, nous discutons,allongés sur le dos, à la lueur des braises qui forment des jeux de lumière tout autour de nous.Matthew a apporté, plus tôt dans la soirée, une couverture et des coussins afin d’être plusconfortablement installés au pied de la cheminée. Il a également allumé quelques bougies afin derendre l’ambiance plus feutrée. Il me raconte son enfance et combien il a été heureux auprès dessiens. Aujourd’hui encore, il partage des moments en famille autour d’un repas dominical aprèsl’église. Je suis impressionnée par ce jeune homme qui ne fait pas ses vingt-trois ans, tant il est mûret responsable pour son âge.

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Moi, je lui fais part de la tristesse que je ressens suite au manque de nouvelles de mes parents. Jene pensais pas que cela pourrait autant m’affecter. Je croyais même que cela serait libérateur, mais cen’est pas le cas. Leur manque d’intérêt me rappelle combien j’ai toujours été seule. Ils n’ont jamaiséprouvé la moindre affection pour moi.

Matthew se retourne, s’allonge sur le côté, et s’accoude en posant la tête sur sa main. Il me sourit,touché par mes paroles, mais ce n’est pas de la pitié, plutôt de la tristesse que je perçois dans sesyeux.

— Ils t’aiment, Hope. Mais je pense qu’ils étaient si accaparés par leurs innombrables problèmesqu’ils en ont oublié leurs responsabilités. Tu es une victime collatérale de leur fracassante descenteen enfer, voilà tout, conclut Matthew d’un signe de tête.

— Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle, et tes mots apaisent un peu la blessure quilacère encore aujourd’hui mon cœur de petite fille, murmuré-je, la voix nouée par la dureté de mespropres paroles.

— Tu es blessée et ça se comprend, mais tu dois tourner la page à présent. La vie est belle, Hope.Tu dois te donner une chance et surmonter les épreuves qu’elle te présente afin d’avancer. Je ne dispas que tout sera rose, mais si tu n’essayes pas, comment veux-tu savoir ce qu’il y a au bout de tontunnel sombre et froid, hein ?

— J’ai peur de ne pas être assez forte pour réussir, Matthew.

— Moi, je crois en toi et je serai toujours là pour toi. Il suffit de voir le prénom que tu portes.

Hope1…

Son regard attendrissant m’émeut tellement que les larmes me montent aux yeux. Il dépose unbaiser sur mon front et caresse ma joue du revers de sa main. Nous restons encore quelques minutes àdiscuter et à rire.

La pendule accrochée près de la cheminée indique 01 h 57. Il est déjà très tard et je suis épuisée.Bercée par le crépitement des braises et par la chaleur qui s’en dégage, mes paupières s’alourdissent.Je sens à peine Matthew s’allonger auprès de moi et remonter la couverture afin de me border detoute sa tendresse. C’est donc ça, le bonheur, celui de partager des moments uniques et simples…Même si ma réalité doit reprendre ses droits dans quelques heures, je l’aurai au moins ressenti eteffleuré du bout des doigts…

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- VII -

Samedi 3 mai 1975 à 08 h 37

Mais c’est quoi tout ce bruit ? Hummm, noooooon, refermez les rideaux ! J’ai encoresommeil… Éblouie par la lumière du jour, je remonte les couvertures et me cache dessous. Je suisbien au chaud et je n’ai pas envie de me lever. Mes yeux me brûlent et j’ai un sacré mal de crâneaprès tout l’alcool ingurgité hier soir. Merci les filles, je vous revaudrai ça !

— Debout, là-dedans !

— Encore quelques minutes…, marmonné-je en me roulant en boule sous les couvertures.

— Non, mais je rêve ?! Mais regardez-moi cette fainéante !

Hein ?

Je bâille en me frottant les yeux, et me redresse sur le lit, encore ensommeillée.

— Bonjour, ma belle au bois dormant. Tu as bien dormi ?

Qu’est-ce que je fais ici ?

Matthew tient trois fleurs à la main, deux roses de couleur champagne et une d’un vieux rose. Ils’approche de moi, vêtu d’un simple pantalon en toile beige et d’une chemise blanche, retroussée surles bras. Je le suis du regard, étonnée, sans savoir que dire. Puis, il s’assoit près de moi, un sourirejusqu’aux oreilles. Je lève les mains comme pour lui demander ce qui se passe. Je suis sans voix etbouche bée tant la situation est étrange. Comment suis-je arrivée dans cette chambre ?

Amusé, il se penche vers moi et remonte, du bout du doigt, mon menton en me murmurant d’unevoix sensuelle :

— Quoi ? À ce point-là ? Je ne savais pas que je te faisais autant d’effet.

Je déglutis avec difficulté en papillonnant des yeux comme si je voulais me réveiller d’unmauvais rêve.

— Mais ? Je ne comprends pas ? Hier soir… ? Eh merde !

— Oh, mais alors Mademoiselle Obrien ? Qu’est-ce que c’est que ces manières ? Je suis outrédevant tant d’impolitesse de votre part, éclate-t-il de rire.

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Je suis certaine d’avoir encore ce sourire stupide collé aux lèvres.

Je pince les lèvres afin de dissimuler mon amusement, mais c’est peine perdue et nous rions tousles deux aux éclats. Matthew baisse la tête, en se passant la langue sur les lèvres et me regarde ducoin de l’œil. Mon Dieu qu’il est beau…

— C’est pour toi… Elles viennent de mon jardin.

Matthew me tend ses roses et son geste est si romantique, si touchant que j’en suis profondémentémue.

— Elles sont magnifiques, merci, dis-je en humant leur parfum délicat.

Je les dépose près de moi et lui demande :

— Comment ai-je atterri, ici ?

— Tu t’es endormie sur le sol hier soir et je ne voulais pas que tu te chopes un mal de dos auréveil. Donc, je t’ai portée jusqu’ici et t’ai bordée avant d’aller dans ma chambre, dit-il en pointantson pouce vers le couloir.

Je regarde vers la porte de la chambre en clignant des paupières.

— Au bout du couloir, Hope, ajoute-t-il, l’air embarrassé.

— Oh… D’accord.

Matthew passe mes cheveux par-dessus mon épaule et les glisse délicatement derrière monoreille. Je frissonne de la tête aux pieds, ce qui ne manque pas de lui échapper.

— Tu es encore plus belle à la rosée du matin, Hope. Ne bouge pas. J’ai quelque chose pour toi.

— Ah oui ?

Il m’adresse un clin d’œil, se relève et traverse la chambre. Je profite pour soulever lacouverture. Ouf, je suis toujours habillée… Il ouvre l’armoire blanche en bois patiné et fouille àl’intérieur.

Il va faire beau aujourd’hui, le soleil brille déjà dehors et j’entends les mouettes crierjoyeusement. La vue sur l’océan à travers la baie-vitrée est grandiose, avec sa terrasse qui doit offrirun spectacle magnifique à la tombée de la nuit, lorsque que le phare s’allume et qu’il éclaire le ciel.Cette chambre est merveilleuse et me rappelle celle de mes contes de petite fille. J’ai dormi dans ungrand lit à baldaquin aux voilages blancs. Les draps de satin sont si soyeux qu’ils brillent sous lesreflets du soleil. Tout est décoré avec beaucoup de goût et de simplicité. Cette pièce est justeextraordinaire…

Je croise le regard de Matthew qui reste là à me contempler. L’affection que j’y décèle merappelle combien ce garçon a changé ma vie en quelques mois. Il prend une grande inspiration et merejoint avec une boîte blanche à fleurs, entourée d’un ruban rose. Assis près de moi, il me la tend,heureux comme pas deux.

— Aujourd’hui est un jour particulier. Je tenais à t’offrir quelque chose de très spécial, me

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susurre-t-il en la déposant devant moi.

— Un jour très particulier ? Pourquoi ça ?

Il y a pensé… J’attrape la boîte, l’approche de mon oreille et la secoue de gauche à droite. Lamoue boudeuse, je hausse les épaules, déçue de ne pas avoir deviné ce qui se trouve à l’intérieur.Tout en dénouant délicatement le petit nœud rose, je sens mon cœur cogner si fort dans ma poitrineque j’ai besoin de prendre quelques secondes avant de l’ouvrir.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Allez ! Tu vas me rendre dingue ! me répond-il, impatient à l’idée que je l’ouvre.

— Tu l’es déjà…, me moqué-je de lui en lui tirant la langue comme une gamine écervelée.

Je soulève le couvercle et relève le papier de soie qui dissimule ma surprise. Wouahhhh ! Jereste la bouche ouverte et pantoise devant mon cadeau :

— Oh, Matthew !

Je me jette à son cou et l’embrasse sur la joue, folle de joie. Je saisis la boîte et sors le cahieraccompagné de son stylo à plume, aux tons dorés.

Matthew sait très bien ce que représente pour moi ce présent. Cela fait des semaines que jevoulais m’acheter un cahier pour y écrire toutes mes pensées du soir et cette histoire qui me touchetant : la mienne… Enfin, depuis peu, la nôtre… Mais, je n’ai jamais pris le temps de le faire, etpourtant, j’en ai bien besoin. Ma pochette cartonnée est prête à exploser, et je risque surtout deperdre des passages très importants. Mais ce qui m’inquiète le plus est de la préserver de Tom et desa réaction en découvrant que je me confie à des bouts de papier. Il saurait alors combien je tiens àMatthew, et il en terminerait avec nous, surtout avec moi.

Matthew attrape le stylo à plume doré et me le tend.

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— Tu écris tous les jours et je pensais qu’un cahier te serait plus agréable pour y consigner toustes petits secrets, dit-il, en m’adressant un clin d’œil complice. Pour le stylo à plume, la dame m’a ditque c’était un truc de nanas.

Je fais mine de ne pas comprendre en haussant un sourcil interrogateur.

— Oui, le truc assorti à la couleur du cahier. Bla bla bla, c’est plus joli, fait-il en levant les yeuxau ciel.

J’éclate de rire et acquiesce d’un signe de tête pour lui confirmer que c’est vrai.

— Merci, c’est vraiment adorable.

— Regarde au fond de la boîte, dit-il en la pointant du doigt, embarrassé tout d’un coup.

— Ah oui ?

Je fouille dans le papier de soie. Tiens ? Quelque chose de fin et froid… J’en sors une clé.Surprise, je lui demande :

— Une clé ?

— Je sais combien tu aimes te réfugier au phare lorsque tu es… triste et que tu as besoin d’êtreseule. Je me suis dit que tu aimerais en avoir l’accès. Henry était très heureux de pouvoir te faire ceprésent, dit-il en haussant les épaules, les yeux brillants.

— Matthew, c’est le plus cadeau qu’on m’ait jamais offert. Qui plus est, le jour de… monanniversaire, bafouillé-je d’une voix triste, scrutant sa réaction.

— Je ne voulais pas que tu passes une nouvelle année sans le fêter.

— Mais comment as-tu su que c’était aujourd’hui ?

Matthew fouille dans la poche arrière de son pantalon et en sors un papier. Il le déplie, l’air gênéet me le tend.

— Comme ça.

— Mais c’est… ?

— Ouais.

— Tu m’espionnes ?!

— N’importe quoi ! Lorsque tu as rempli ta feuille d’information ce matin-là au café et bien c’est

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moi qui l’ai classé, c’est tout, peste-t-il, la moue boudeuse.

— Et tu t’es dit : « Tiens ? Qui est la petite nouvelle ? »

— Si je voulais te draguer, tu ne crois pas que je serais venu te voir directement ? demande-t-ilen croisant les bras.

— Je ne sais pas, à toi de me dire ? rétorqué-je, amusée, en secouant le papier devant son nez.

— Très bien, dit-il en me l’arrachant des mains.

Matthew plie la feuille et la glisse dans sa poche en grimaçant. Il lève les yeux au ciel, soupire etme regarde, mal à l’aise. Puis, il finit par m’avouer d’une voix lasse, pris les mains dans le sac :

— J’avais envie d’en savoir un peu plus sur toi, voilà tout. De là, j’ai noté dans un coin de matête le jour de ton… anniversaire.

— Voyez-vous ça…, gloussé-je en secouant doucement la tête comme pour le réprimander.

Il s’approche de moi et me susurre tendrement d’une voix affectueuse :

— Bon anniversaire, Hope. J’espère que cela te fait plaisir.

Je lui souris. Attendrie par son geste, je lui caresse la joue du revers de la main et lui chuchotetendrement, les yeux plongés dans les siens :

— Je suis très touchée et tu as réussi à rendre cette journée magique…

Émue aux larmes, je tente de reprendre le contrôle sur mes émotions et ajoute :

— … et ce, grâce à tes talents d’espion, me moqué-je de lui en lui adressant une grimace.

— Merci, je vais prendre ça pour un compliment.

Matthew se relève, fait les cents pas dans la chambre, et se gratte la tête extrêmement gêné.

— Tu veux bien arrêter ? Tu vas me donner le tournis. Quoi encore ?

— Tu ne vas pas aimer…

Je tends l’oreille pour qu’il m’en dise plus.

— J’ai appelé Rose ce matin…

Je bondis hors du lit et l’attrape par les épaules en le secouant.

— Tu as fait quoi ?

— Tu n’avais rien à te mettre ce matin donc elle t’a apporté ton cadeau d’anniversaire, m’avoue-t-il, un sourire stupide à la commissure des lèvres.

— Un quoi ?

Je le relâche et me tape le front de la main en faisant demi-tour vers le lit où je m’effondre, lassede me battre contre lui.

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— Bravo ! Je vais devoir passer l’interrogatoire du siècle, et ce, grâce à toi, fais-je en mecachant le visage derrière mes mains.

— Écoute, Hope. J’ai envie de t’emmener quelque part et tu dois t’habiller, non ? Donc, il y a unesalle de bain au fond du couloir. Tu te douches, tu t’habilles et tu me rejoins en bas pour le petit-déjeuner. Ensuite, on s’en va, lance-t-il en ouvrant la porte de la chambre.

— Attends !

— Ouais ? me dit-il en se retournant.

Allongée sur le dos, la tête à l’envers, je lui souris et lui réponds d’une voix plus calme :

— Merci, Matthew.

— Je veux juste que tu sois heureuse… c’est tout.

Un sourire aux lèvres, il sort en refermant la porte derrière lui.

C’est tout… Je reste un moment à contempler le plafond de cette chambre, sur ces mots quirésonnent de longues secondes dans ma tête. Il veut uniquement mon bonheur, car il est mon meilleurami ? Ou bien, il veut être avec moi et me rendre heureuse ?

— Ahhhhh, ce n’est pas vrai ! râlé-je à voix haute.

Je me retourne sur le ventre, la tête posée sur mes mains. Je me surprends moi-même à sourire àtoute cette situation. Cet homme n’existe pas, c’est impossible… Il est si différent, si affectueux etjamais je ne pourrai l’éloigner de ma vie. C’est comme s’il faisait partie de moi et de mon histoire.Plus le temps passe et plus je m’accroche à l’espoir que nous vivons quelque chose de particulier,d’unique. Je suis amoureuse de Matthew, mais, en dehors de l’amour que je lui porte, il y a autrechose de plus fort que je n’arrive pas à déceler.

Mais, qu’est-ce que c’est ? Et lui, qu’éprouve-t-il réellement à mon égard ?

09 h 35

Fraîchement douchée et enroulée dans ma serviette, je jette un œil au sac que Rose m’a apporté.Il y a un petit ruban qui attache les anses et où est glissée une petite carte. Je dénoue le nœud, et lis lepetit mot signé par les filles :

« Nous te souhaitons un très joyeux anniversaire. Heureuses d’être là en ce jour siparticulier… En espérant, de tout cœur, en partager des tas d’autres avec toi. On sait que tuvoulais te les offrir dès que tu le pourrais, alors on a pris les devants. Tu seras magnifique

dedans… Profite bien de ta journée, ma belle… On t’aime !

Gros bisous !

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Rose et Emma »

Les vilaines ! Bravo, je pleure à présent. Je suis émue et surtout très touchée par leur gentillesseet par l’affection qu’elles me portent. Moi aussi, je les aime beaucoup et me sentir aimée et choyéeest un sentiment que je découvre peu à peu grâce à mes nouveaux amis. Je croise mon reflet dans lemiroir, et me souris, à moi, Hope, cette jeune fille que je commence à apprécier et accepter. Jevoudrais faire la paix avec elle et accepter mon triste passé afin d’aller de l’avant. Oui, je meregarde enfin. Je me trouve différente, plus jolie, et j’ai conscience que ma vie est en train de changerdu tout au tout. Aujourd’hui, je prends plaisir à me contempler dans le miroir et à sourire à cettejeune fille aux pommettes saillantes.

Je fouille dans le sac. Wouahhhh ! Je sautille sur place en m’exclamant haut et fort :

— Ce n’est pas vrai ?!

C’est la fameuse robe blanche agrémentée de dentelle que je voulais tant. Je l’avais essayée dansla boutique où j’ai depuis sympathisé avec la vendeuse, Linda. Elle est plutôt courte, mais je latrouve super jolie. Les filles ont aussi pensé aux sandales à lanières que j’adore. Impatiente depouvoir me les offrir, j’ai gardé tous mes pourboires des deux derniers mois. Et une boîte demaquillage ! Elles sont adorables !

Je m’empresse de m’habiller et de me préparer afin d’aller rejoindre Matthew qui doit déjàs’impatienter. Je suis curieuse de savoir où il compte bien m’emmener. Il me reste encore 24 h avantque Tom ne rentre. Après ça, le charme sera rompu et je reprendrai mon quotidien. Mais est-ce bientoujours à cette vie que j’aspire ?

10 h 25

Après avoir tournoyée des dizaines de fois sur moi-même, Matthew m’a enfin laissée prendremon petit déjeuner en paix. Il a complétement craqué sur ma petite robe et il me l’a bien faitcomprendre en me dévorant des yeux sans aucune gêne. Définitivement tombé sous le charme de matoilette, il a fini par m’avouer qu’il préférait ce nouveau style, beaucoup plus féminin, que mon jeanhabituel assorti à ma paire de tennis à lacets. Je lui ai alors jeté un regard noir, la bouche pleine depain chaud, en fronçant les sourcils. Puis, je suis passée en mode « boudage de fille » et il a levé lesmains en signe de reddition :

— Tu es belle comme un cœur dans cette robe blanche, alors pourquoi me priver de te le dire ?

Enfin, il m’a gratifié d’un clin d’œil aguicheur qui m’a empourprée et m’a mis le feu aux joues.Sans me donner le moindre indice sur la destination secrète de cette virée en voiture, il a attrapé lepanier du pique-nique, qu’il a lui-même concocté pendant mon sommeil, et m’a fait grimper dans savoiture, un sourire de conspirateur aux lèvres.

Au volant de la Mustang, Matthew a pris en considération mes remontrances d’hier soir et conduit

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à une allure modérée, en tentant de respecter au mieux les limitations de vitesse. Et ce, malgré le faitd’avoir coupé court à la conversation, au sujet de la perte de son meilleur ami. Nous traversons PortClyde et quittons la ville. Je lui jette un regard curieux, mais je suis ravie et heureuse de partir àl’aventure.

— Même pas un tout petit indice ? lui demandé-je en papillonnant des yeux afin de l’amadouer.

Il me regarde et secoue la tête. Il ne m’en dira pas davantage. Il augmente encore le volume. Trèsbien, tu ne me diras rien…

Le trajet en voiture est agréable, et nous nous dandinons sur nos sièges en chantant à tue-tête.Entraînés par le rythme de la musique Ballroom Blitz du groupe Sweet, je lève les bras en l’air, ensecouant ma tête dans tous les sens, ce qui lui arrache un sourire.

— Yeah, yeah, yeah… ! chantonne-t-il en feignant d’avoir un microphone à la main.

On dirait une rock star en plein concert, et je suis sa plus fidèle groupie.

— Everyone attack and it turned into a ballroom blitz…, chanté-je en claquant mes doigts aurythme de la musique.

Nous traversons plusieurs villes et, des centaines de kilomètres plus loin, je commence trèssérieusement, à m’inquiéter.

— Mais où va-t-on ? Cela fait déjà plus d’une heure que nous roulons, demandé-je en tournant latête vers le paysage qui défile.

— Nous ne sommes plus qu’à quatre-vingt-dix kilomètres de la petite ville de Wells, me répond-il, sans quitter la route des yeux, un sourire stupide collé aux lèvres.

— Wells ? Wells, la fameuse ville ?! m’exclamé-je en me tortillant sur mon siège.

— Ouais, celle-là, éclate-t-il de rire.

Il me regarde un instant, et se mordille les lèvres. Je vois toute la joie que cela lui procure dem’emmener là-bas, sachant que j’en rêve depuis des mois.

— Pourquoi ressens-tu autant de plaisir à me rendre heureuse, Matthew ?

Je me surprends moi-même à lui poser cette question pleine de sous-entendus. Mais j’ai besoinde savoir et surtout de l’entendre. Nous n’avons plus remis sur le tapis notre baiser sur la plagecomme s’il ne s’était jamais rien passé. Il n’a en rien altéré l’affection et l’attachement que nouséprouvons l’un pour l’autre, et cela me rassure dans l’idée que, peut-être, peu de choses pourraientdétruire ce que nous avons construit ensemble.

— Le bonheur passe par celui que l’on voit dans les yeux de la personne qui nous est la pluschère, Hope. Si ton rêve était d’escalader le Mont Everest, eh bien, je prendrais le plus grand desplaisirs à le faire par… pour toi, me déclare-t-il, en posant sa main sur ma cuisse et la pressanttendrement.

— Dis-le-moi, Matthew… J’ai besoin de l’entendre.

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— Tu le sais très bien, Hope.

— Pourquoi ne veux-tu jamais rien me dire clairement ? J’ai tellement besoin de savoir… avoué-je.

Je baisse la tête vers sa main qui continue de me caresser du bout des doigts. Je vais m’évanouirs’il continue à me toucher de la sorte et le cœur qui va me sortir de la poitrine.

— Parce que c’est comme ça…

Matthew retire sa main et la repose sur le volant, sans ajouter quoi que ce soit. Je vois… Lesilence s’impose à nouveau pour lui… Il remonte le volume de l’autoradio et s’engage à droite sur laroute 1A, qui indique Wells à moins de soixante-quinze kilomètres.

13 h 07

Wells, petite ville du Maine, entre la route 1 et la mer. Nous roulons encore sur quelqueskilomètres vers le Sud et arrivons sur une plage appelée Crescent Beach. Elle est beaucoup pluspetite que toutes les autres qui bordent North Beach, me confie Matthiew, mais également plus calmepour aller se balader ou déjeuner sur la plage.

Une fois arrivés, nous installons une couverture sur le sable, face à l’océan. Je m’assois et sorsdu panier les succulents sandwichs que Matthew nous a concoctés ce matin avant notre départ. Il y aaussi du jus d’orange, des fruits et, bien entendu, pour ne pas déroger à la règle, des pâtisseries. Jelui montre les parts de gâteau au chocolat qui se trouvent dans la boîte en plastique et lui demande :

— C’est pour m’empêcher de marcher cet après-midi ?

— Il me restait de la poudre de chocolat, fait-il en m’adressant un clin d’œil.

Il retire ses chaussures, et vient s’assoir près de moi. Il attrape un sandwich qu’il me tend, puis unautre pour lui.

— Ils ont l’air délicieux. Qu’est-ce qu’il y a dedans ? l’interrogé-je en scrutant mon déjeuner deplus près.

— Attends, j’ai une idée, dit-il en attrapant le torchon qui couvrait il y a encore quelques instantsle panier.

Il se glisse derrière moi, me couvre les yeux et fait un nœud afin qu’il ne glisse pas.

— Mais que fais-tu ? bredouillé-je précipitamment en tentant de défaire le nœud.

Matthew pose ses mains sur les miennes et me souffle à l’oreille :

— On va jouer à un petit jeu.

Aveuglée par mon bandeau d’infortune, j’entends Matthew fouiller dans quelque chose. Je tendsl’oreille, essayant de deviner ce qu’il mijote. Du papier ? Un bruit de verre ? Quelque chose qui

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coule ?

— Allez, ouvre grand la bouche et goûte-moi ça.

Je sens quelque chose de froid caresser ma langue.

— Humm… C’est délicieux !

— Alors ?

— Hum, je dirai du… thon ? De la mayonnaise et pour le côté croquant… peut-être duconcombre… Une touche de… poivre ? réponds-je tout en mâchouillant les aliments qui me laissentun arrière-goût très agréable en bouche.

— Eh bien, tu m’en diras tant. Je suis très impressionné par ton sens développé du goût, mais il temanque encore un ingrédient, me fait-il remarquer en se rapprochant encore de moi.

Je me lèche les lèvres et tente de deviner ce que c’est.

— Non, je ne vois pas.

— Il y a aussi du paprika, souffle-t-il près de mes lèvres.

Je peux sentir son souffle caresser ma peau et échauffer tous mes sens. Me prenant au dépourvu,Matthew caresse du bout des doigts mon visage, mes lèvres et descend vers mon cou. Puis, il glissesa main derrière ma nuque avec tendresse.

Ma respiration s’accélère et je suis perdue devant tout ce flot d’émotions qui est décuplé par monimpossibilité à maîtriser la situation. Vaincue, je me laisse aller à la douce caresse de ses doigts surma nuque. Je sens son autre main dénouer le torchon. J’ouvre les yeux et nos regards se croisent.

Matthew se rapproche et se penche vers moi. Il attrape mon visage entre ses mains et écrase seslèvres sur les miennes comme il ne l’avait encore jamais fait. Il m’embrasse avec une telle fouguequ’il ne relâche pas une seconde son étreinte. Des baisers ardents s’ensuivent et sa langue s’invite àla rencontre de la mienne. Elles se frôlent, s’entrelacent voluptueusement entre elles, apprenant à seconnaître et à s’apprivoiser, l’une l’autre. Je sens le désir monter en moi, et je ne peux décrire cettesensation de plénitude profonde qui s’empare de tout mon être.

Bercés par les vagues qui s’échouent sur le sable fin et par les cris des enfants qui jouent dansl’eau, nous voyageons dans un monde qui nous entraîne au-delà de ce que nous pouvions imaginer.Être ensemble est magique, bouleversant, et l’envie qui est en train de naître au creux de mon ventreme rappelle que je suis bien une jeune femme normale. Je ressens une envie profonde et charnelle deme perdre dans ses bras, de m’ouvrir à lui pour ne faire plus qu’un, dans le plus délicieux desmoments. Je suis prise au piège de cette passion dévorante qui m’était jusque-là encore inconnue.Elle est enivrante, addictive, et je veux céder à la tentation de son corps qui m’appelle à lui. Oui, jeressens enfin cette chaleur juste là qui me pousse à lui offrir ce que j’ai de plus précieux, de plusintime : mon âme.

— Hope, je…, souffle-t-il en rompant notre baiser.

— Matthew…, susurré-je près de ses lèvres.

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Je les dévore de mes yeux gourmands tant le désir de les embrasser m’obsède. Sous son regardlascif, je vois crépiter cette flamme puissante qui jaillit de lui. Je contemple son visage, et glisse mesmains dans ses cheveux que je resserre entre mes doigts. Le cœur serré dans ma poitrine, je suisenvahie par un troublant sentiment, puissant, profond et qui m’est complètement inconnu, voireétranger. Il me fait peur, il me fait du bien, me donne envie de m’enfuir, mais aussi de revenir pour neplus jamais repartir. J’ai ce besoin quasi vital de me rapprocher encore de Matthew, et je ne veuxplus lui résister. Il règne sur mon âme, tel un roi sur son royaume. Je suis sa reine, et j’ai décidé decéder à la tentation, en étant l’éternelle innocente condamnée, mais coupable… Dois-je rester fidèleà Tom ? Au nom de quoi le serais-je ?

Le prenant au dépourvu, je viens m’assoir à califourchon sur lui. Sa respiration s’accélère et ilme serre davantage dans ses bras. Matthew me dévore littéralement du regard et glisse ses mainsjusque dans ma nuque. Il m’agrippe fortement contre lui. Son cœur cogne contre ma poitrine qui sedresse douloureusement. Je veux croire qu’il ressent, lui aussi, les mêmes sentiments amoureux à monégard. Cette même envie irrésistible de me faire sienne sur-le-champ ou lui entendre dire combien iltient à moi.

— Dis-le-moi, Matthew ?

— Tu le sais très bien, me murmure-t-il, le front collé contre le mien, sans me quitter des yeux.

— J’ai besoin de l’entendre, je t’en supplie, lui dis-je d’une voix tremblante.

— Je ne te le dirai qu’une fois, Hope. Les paroles ne valent rien si elles ne sont pas prouvées pardes actes. Une seule et unique fois…

Matthew guette ma réaction. Il approche ses lèvres et me souffle tendrement à l’oreille, d’unevoix suave :

— Je t’aime…

Je recule et cherche dans son regard si c’est la pure vérité. Il est ému, tendu, perdu aussi, mais ildit vrai.

— Je t’aime aussi…

Je le prends dans mes bras, la tête nichée au creux de son cou et je ne sais combien de temps noussommes restés là à regarder les vagues s’échouer sur la plage, mais ce fut nécessaire afin de prendretoute la mesure de ce que nous étions en train de partager tous les deux.

14 h 39

Main dans la main, nous regagnons la voiture, sans dire un mot. Puis, nous roulons et passons del’autre côté de la route 1. Matthew se dirige vers le centre-ville de Wells, et je commence àapercevoir les premières boutiques d’antiquaires.

— On va se garer un peu plus bas, et on remontera la rue à pied. Comme ça, tu ne risques pas de

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louper quelque chose, me dit-il en mettant son clignotant à droite.

— Je te suis sincèrement reconnaissante de m’avoir emmenée jusqu’ici.

— Tu m’en devras une et tu me remercieras après ça, d’accord ? me demande-t-il en réprimant unsourire.

— C’est promis, réponds-je d’une voix enjouée.

Mon petit doigt me dit qu’il n’a pas fini de me surprendre, aujourd’hui.

Une fois garés, nous empruntons la grande rue très fréquentée en ce samedi après-midi. Nous nousfaufilons à travers la foule et Matthew m’attrape par la main en me ramenant tout près de lui. Lespassants nous sourient bêtement, pensant que nous sommes de jeunes amoureux en week-end dans ceparadis connu des amateurs d’antiquités ou de livres anciens. Une boutique attire immédiatement monattention.

— Viens, entrons ici, lui dis-je en le poussant par la main.

C’est une boutique à la décoration atypique, mais fort luxueuse. Elle est magnifique et regorged’antiquités. C’est incroyable… Jamais je n’avais vu autant d’objets concentrés dans une mêmepièce. Je m’approche du comptoir où une jeune femme rousse, aux traits tirés, me dévisage de bas enhaut. Il est vrai que l’endroit est très chic et tous les objets me semblent, désespérément,inaccessibles pour ma petite bourse.

Une vielle dame aidée d’une canne entre dans la boutique et dépose un paquet sur le comptoir decaisse devant les yeux hébétés de ce qui semble, en fin de compte, être la gérante du magasin.

— Bonjour, Madame. En quoi puis-je vous aider ?

— Bonjour. Je souhaite vendre cette magnifique boîte à musique que mon défunt mari m’a offerteaprès la guerre. Elle a une valeur inestimable à mes yeux et je voudrais qu’elle puisse trouver unenouvelle maison afin de bercer, à nouveau, les nuits d’un jeune couple d’amoureux.

Elle en sort une boîte en métal doré. Je m’approche, curieuse et touchée par son histoire. Je faismine de regarder un service à café en porcelaine dont le prix exorbitant m’arrache un frisson d’effroi.C’est le prix d’une année de salaire !? La vielle dame l’ouvre et là, la magie opère. Une musiqueretentit et une ballerine majestueuse tourne sur elle-même face à un miroir. Elle est magnifique…Cette boîte à musique est un véritable trésor et son histoire la rend encore plus inestimable.

Coupant court à l’enchantement de celle-ci, la gérante objecte aussitôt d’une voix aigre :

— Désolée, mais nous n’achetons que des objets de valeur. Et, malheureusement, votre… boîte,ne vaut pas grand-chose. J’ajouterai même, rien.

Elle contourne le comptoir, me jette un regard plein de mépris et s’en va vers l’arrière-boutique.La vielle dame se met à trembler et sort un mouchoir de sa poche pour se tapoter les yeux. Oh non !Elle pleure... Faut-il être sans cœur pour ne pas être touché par cet objet si précieux ?!

Je m’empresse de la rejoindre. J’attrape la boîte à musique et l’écoute avec beaucoup d’émotion.Je ne me lasse pas de sa douce mélodie et de sa ballerine qui tournoie sur elle-même.

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— Combien en voulez-vous, Madame ? lui demandé-je, fascinée.

La vieille dame adresse un sourire à quelqu’un qui se tient visiblement derrière moi. Je meretourne un instant et croise le regard ému de Matthew qui m’adresse un signe de tête comme pour meconfirmer que lui aussi ressent la même chose que moi. Il s’avance et passe son bras autour de mesépaules et nous regardons la ballerine tournoyer, bercés par les notes de musique.

— L’amour, voilà mon prix, nous dit-elle en s’approchant de nous.

— Comment ? bafouillé-je en jetant un œil à Matthew qui hausse les épaules, amusé.

— Mon prix est que vous vous respectiez toujours l’un l’autre. Je vois tant d’amour dans vosyeux, et je sais que vous saurez prendre soin d’Amy.

— Amy ?! fais-je, sans comprendre.

— Oui. Elle me rappelle la jeune fille que j’étais…

— Vous étiez danseuse ?

— Oui, lorsque mes jambes pouvaient encore me porter…

Elle nous tourne le dos, nous salue de la main, et quitte la boutique.

Je regarde Matthew et lui montre la boîte.

— Tu vois ?

— Oui et… ?

— Lorsque j’en aurai les moyens, j’ouvrirai ma propre boutique d’antiquités afin que despersonnes comme elle puisse y déposer leurs biens. Je vendrai des objets qui renferment deshistoires et je sais que cela touchera bon nombre de personnes. Cette boîte n’est pas qu’un morceaude métal sans valeur… Elle renferme des tas de souvenirs, et je vais la garder précieusement afin delui permettre d’en avoir des tas d’autres.

Matthew me regarde comme si j’étais une bête de foire et réprime un sourire. Je fronce lessourcils et lui demande :

— Quoi ?

— Rien. Je suis heureux pour toi, voilà tout. Je te vois parfaitement tenir une boutique. Tu auraisdes tas d’histoires à raconter après cela, éclate-t-il de rire en nous entraînant vers la sortie dumagasin.

— Pourquoi rigoles-tu ? Tu ne m’en crois pas capable, c’est ça ?

— Oh si, Mademoiselle Obrien ! fait-il en déposant un baiser sur ma tête.

L’après-midi a filé tellement vite que nous rebroussons déjà chemin afin de regagner la voiture.Certaines boutiques sont hors de prix, mais la plupart restent raisonnables dans l’ensemble. J’aimême chiné une boîte à bijoux pour pas grand-chose. Mais, une fois arrivée en caisse, elle était déjàréservée. Tristement, je l’ai alors reposée sur le comptoir de caisse mais la dame au chapeau de

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plumes, m’a fait signe que Matthew venait de me l’offrir. Après ça, j’ai été obligée de me battre pourlui éviter de m’offrir toute la ville.

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- VIII -

Port Clyde

Samedi 3 mai 1975 à 19 h 17

De retour à Port Clyde, la réalité nous rattrape assez rapidement. Ce qui s’est passé sur la plageest resté derrière nous, à Wells. Une tension s’est installée et je sais que nos vies respectivesn’arrangent en rien notre situation. Je suis avec Tom et lui avec Brooke. À moins que nous décidionsde tout envoyer valser pour être ensemble, je ne vois pas comment nous pourrions ne serait-cequ’imaginer être un couple comme tous les autres.

Je suis passée par chez moi, dans cette maison désespérément vide et qui m’est devenue, tout àcoup, si étrangère. J’avais froid et Matthew m’a proposé gentiment de me déposer et de m’attendredehors. J’ai alors rapidement passé un jean, un pull et même ajouté une veste. De retour à la voiture,il m’a fait de gros yeux et m’a souri en s’engageant sur la route. Je pense qu’il s’est retenu de semoquer de moi, et de ma frilosité. Puis, il m’a fait la surprise de terminer cette journée par unebalade au phare qui est devenu notre petit coin de paradis.

Matthew se gare devant la maison du gardien du phare et vient m’ouvrir la portière. Je prends samain et sors. Je croise son regard ; il m’a l’air tendu, perdu dans ses pensées. Il attrape sa veste dansle coffre, ce qui m’arrache un sourire contenu.

— Tu as froid ? lui demandé-je, amusée.

Il ne me répond pas et enfile sa veste sans me quitter des yeux.

— Est-ce que tout va bien ?

— Ouais… Allons-y. Je vais te présenter quelqu’un qui meurt d’envie de faire ta connaissance,me confie-t-il en s’avançant.

Je suis déçue par tout cela. Matthew m’a tenu la main toute une partie de l’après-midi, et, àprésent, les choses sont redevenues ce qu’elles étaient, et j’en suis attristée. J’aimerais le serrer toutcontre moi et sentir ses lèvres à nouveau sur les miennes. Mais ai-je le droit d’éprouver cessentiments amoureux à son égard ?

Sur le perron de la maison du gardien du phare, un homme de couleur est assis sur une chaise àbascule et contemple l’horizon. Il doit avoir dans les soixante-dix ans, si ce n’est plus. Près de lui, unappareil photo est posé sur une table basse en bois. C’est certainement Henry qui, après une journée

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de vadrouille en quête de nouveaux clichés, se détend devant la vue magnifique. Nous montons lesescaliers en bois et rejoignons le vieil homme qui se lève pour nous accueillir.

— Salut, Henry. Je te présente Hope Obrien.

— Bonjour, Hope, me salue Henry de la main.

— Bonjour… Heureuse de faire votre connaissance. Je tenais à vous remercier pour la clé duphare. Votre présent m’a beaucoup touchée, merci.

— Et moi, ce petit présent m’a fait plaisir, me dit-il, la main posée sur le cœur, en me souriantchaleureusement.

Henry retourne sur sa chaise à bascule et nous invite à prendre place sur le banc blanc, suspenduau perron de la maison. Matthew et moi nous nous regardons, embarrassés de nous tenir aussi prèsl’un de l’autre après cette journée forte en émotions. Je m’avance et prends place en le regardants’assoir auprès de moi. Puis, il passe sa main derrière mon dos et la pose sur le dossier du banc. Jeme tortille comme si bouger allait me permettre de nous espacer de quelques centimètres, mais envain. Henry nous sourit en se frottant le menton, perplexe et amusé.

Henry est un homme très attachant. Nous passons plus d’une heure à converser avec lui. Il partageavec nous sa passion pour la photographie et surtout la peinture en nous confiant passer des journéesentières devant le phare à peindre simplement l’instant présent. Comme celui d’une mouette quis’envolerait ou bien celui d’un jeune couple d’amoureux qui se baladerait sur le pont en bois. Il enparle comme si c’était toute sa vie ; et je bois chacune de ses paroles tant elles sont captivantes. J’ail’impression que si je fermais les yeux, je pourrais voir ses mots prendre vie, là, juste devant moi.

Marie, sa femme, nous apporte de quoi nous rafraîchir, et dépose sur la table une carafe delimonade, des verres et deux bières. C’est une femme pleine de vie qui me semble très sympathiquesi j’en crois son sourire chaleureux et la douceur de ses traits. Elle nous fait part de son plaisir àvivre ici dans notre petite ville, mais que l’Afrique du Sud, dont elle est originaire avec son mari, luimanque parfois. Après leur mariage, ils ont quitté leur terre natale afin de se donner une chance àPort Clyde et, depuis, ils sont bien intégrés dans notre communauté. J’apprends qu’ils ont été auservice de la famille Cole pendant de nombreuses années. Après le succès des premiers tableauxd’Henry, ils sont venus vivre ici, dans cette maison. Henry y puise toute son inspiration et Marie restedes heures à le regarder peindre. Ils ont l’air très complices tous les deux, et je suis touchée par cecouple qui, même après quarante ans de mariage, s’aime encore d’un amour inconditionnel.

Matthew finit sa bière en me regardant discrètement, ce qui me vaut de m’empourprer aussitôt. Jen’ose le regarder tant je suis en train de me refermer dans ma coquille, et il l’a bien compris. Il mejette un regard suspicieux, presque inquiet et se relève.

— Viens, Hope. Il commence à se faire tard, me dit-il tout en posant sa bouteille sur la table.

Je le rejoins près de l’escalier en lui souriant. Henry, nous prenant par surprise, attrape sonappareil photo en nous proposant :

— J’aimerais faire quelques clichés de vous deux. Seriez-vous d’accord ?

Nous nous regardons, étonnés par cette demande à laquelle nous ne nous attendions pas. Matthew

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me sourit et m’attrape par la main.

— Moi, je n’y vois aucune objection. Tu viens, Hope ? me propose-t-il, un sourire malicieuxaccroché aux lèvres.

— Euh… eh bien… je ne sais pas trop…, bafouillé-je en me dandinant d’un pied sur l’autre.

— Allez, viens !

Matthew, surexcité, me pousse par la main. Nous descendons tous les trois les escaliers. Mariereste là, une main posée en casquette sur le front, pour se protéger du soleil et nous regarde duperron. Henry nous demande de reculer encore un peu et de nous placer devant le pont. Matthew etmoi, nous nous tenons droits comme des piquets. Je suis très mal à l’aise et je ne sais pas si je doissourire ou bien rester immobile. Henry, l’appareil photo dans une main et l’autre posée sur sa hanche,lève un sourcil inquisiteur et nous lance d’une voix enjouée :

— Vous avez perdu votre sourire, ou quoi, les enfants ? Non, mais regardez-vous ? Vous faitespeine à voir… Allez, on se rapproche et on sourit à l’appareil !

D’un geste naturel, Matthew m’entoure de son bras et me serre contre lui. Je sens que mon cœurva lâcher et son odeur familière commence à me faire perdre tous mes moyens. Il me rappelle lachaleur de ses bras et la douceur de sa peau.

— Regarde-moi, Hope. J’ai besoin de croiser une nouvelle fois ton regard…

Le souffle court, je tourne lentement la tête et la relève. Ses yeux me guettent et sont remplis detendresse, ne demandant qu’à se plonger dans les miens. Il resserre son étreinte et soudain, uncrépitement résonne dans la brise venant immortaliser ce moment.

— Superbe ! Elle est magnifique, s’exclame Henry à des milliers d’années lumières de nous.

Le monde vient à nouveau de s’arrêter de tourner, et nos regards n’arrivent plus à se décrocherl’un de l’autre. Je me rapproche encore de son corps enivrant qui m’appelle inlassablement à lui etque je m’interdis de repousser. Je pose mes mains délicatement sur son visage en cherchant dans sonregard cette flamme que je vois jaillir. Il a des yeux incroyables, aux couleurs de l’automne, maislorsque le soleil y baigne sa lumière, des notes de vert y apparaissent. Ils sont juste magnifiques.Matthew passe ses mains derrière ma tête et caresse tendrement mes cheveux. Sans m’y attendre, ilme dépose un baiser sur les lèvres qu’il presse avec intensité.

Puis, un nouveau crépitement nous arrache l’un à l’autre. Je m’éloigne, écarlate de honte et lesjoues en feu. Mais qu’est-ce qui m’a pris ? Henry vient nous rejoindre en nous souriant. Matthew,également embarrassé, se gratte la tête, en me regardant.

— C’est pour vous, les enfants. Deux superbes photos afin de vous remémorer pour les années àvenir combien ce que vous éprouvez est unique. Ne l’oubliez pas…, fait-il en secouant son doigtdevant nous.

Henry nous tend les photos et Matthew me fait signe de les garder pour moi. Je lui souristendrement. Elles sont superbes, et je me fais la promesse de les conserver précieusement toute mavie. Puis, Henry repart vers sa maison rejoindre sa femme, sans ajouter un mot. Il nous laisse, là, à

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contempler ses courts passages gravés à tout jamais sur l’instantané.

20 h 35

Appuyés contre la rambarde en bois, nous contemplons l’horizon sans mot dire. L’air est encoretrès agréable, mais toute cette route m’a épuisée. Le ciel change de couleur et va à la rencontre de lanuit qui se prépare à tomber au loin. Les mouettes crient dans le ciel et tournent autour du phare. Jeme penche, attirée par le bruissement des vagues qui s’échouent sur les pierres. Il est vrai que, de cecôté du Maine, l’océan est plus calme qu’à Wells, mais les plages ne sont pas aussi jolies.

Je jette un œil furtif à Matthew qui m’a tout l’air perdu dans ses pensées. Depuis notre retour deWells, quelque chose a changé, et ce que je redoutais est en train de se produire. Nos sentimentspèsent lourdement sur notre relation. Ce que nous avons construit ensemble est à présent menacé.Personne n’ose aborder un sujet qui semble pourtant inévitable. Nous nous aimons, mais la situationest telle que nous ne pouvons pas être ensemble. Du moins, pas pour le moment.

Je me retourne, le dos posé contre la rambarde et tente une approche :

— Matthew ?

— Ouais…, fait-il, sans me regarder.

— Qu’est-ce que tu veux ?

Il se redresse, sourcils foncés, pour me faire face. Sa main, posée sur la rambarde, la serre sifortement que la jointure de ses doigts blanchit. Il m’a l’air crispé presque… fâché ?

— Tu le sais très bien…

— Ce n’est pas une réponse.

— C’est à toi de décider, me lance-t-il sèchement.

Je me redresse, dépassée par son refus de communiquer. Je m’approche de lui, en secouantnerveusement la tête et en le pointant du doigt.

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— Toi aussi, je te signale. Je ne suis pas la seule à être avec quelqu’un et, que je sache, tu doist’envoler avec ta Brooke d’ici une semaine. Comment dois-je le prendre ?

— Je ne vis pas avec elle, Hope. C’est très différent. Toi, tu as une vie heureuse avec Tom. Dumoins, c’est ce que tu laisses penser en racontant ta vie de couple. Bla bla bla…, fait-il en levant lesyeux au ciel. Et pourtant tu es ici, avec moi. Alors comment, moi, dois-je le prendre ?

Je reste sans voix… Mais il a raison, terriblement raison. J’ai tellement surfait ma vie de coupleautour de moi que mes mensonges me rattrapent. Aujourd’hui, Matthew pense que je suis heureuseaux côtés de Tom, même si je sais qu’il n’en est pas réellement convaincu.

— Qu’est-ce que tu veux ? lui demandé-je d’une voix désespérée.

— Tu le sais très bien ! Tu dois prendre une décision. Je ne peux pas le faire pour toi, gronde-t-il.

— Encore une fois, ce n’est pas une réponse, Matthew. J’ai besoin de l’entendre, et là tu nem’aides en rien, m’écrié-je, désespérée.

J’ai besoin de l’entendre me dire ces trois petits mots : Reste avec moi…

— Je n’ai aucun droit de te dicter ta conduite. Si tu n’es pas heureuse, alors quitte-le, mais pourtoi. Pas pour moi ! D’abord et seulement pour toi, Hope, s’exclame-t-il en tapant nerveusement sur larambarde en bois.

Prise de panique, je sursaute aussitôt, apeurée par son geste. Il s’avance vers moi, mais je reculeprécipitamment. Il s’arrête net, abasourdi, en me dévisageant de haut en bas, et le souffle court.

— Tu as peur ? Merde… tu as peur de moi, Hope ?

Je tremble de la tête aux pieds, sans pouvoir contrôler l’angoisse qui grandit en moi. J’ai lacertitude au fond de mon cœur qu’il est incapable de me faire du mal, mais je ne peux maîtriser cettecrainte qui est en train de m’envahir. Je tente de lui répondre, mais ma voix est saccadée par la peur :

— Non… bien sûr... que non, Matthew…

— Mais si, voyons ! Je ne suis pas ton père ! Regarde-moi bien…, me lance-t-il, affolé, dansl’espoir absolu que je le croie.

J’opine de la tête pour lui faire comprendre que j’en ai bien conscience, mais cela n’apaise enrien la peur qui me glace le sang. Il ne doit pas l’apprendre, pas comme ça… Hors de question qu’ilsache que mon corps est encore endolori par ma dernière relation physique avec Tom.

Matthew s’approche de moi et m’agrippe fortement par la taille, dans un geste désespéré. Et je nepeux, malheureusement, contrôler ce qui va suivre. Je pousse un léger gémissement de douleur, ce quine lui échappe pas. Je reste, là, muette comme une tombe en le dévisageant, les larmes aux yeux.

— Merde…, souffle-t-il en me relâchant.

Matthew recule de quelques pas et me sonde d’un regard atterré, comme s’il cherchait une traceconfirmant ses doutes, ses peurs… Je lui souris malgré les larmes qui ruissèlent sur mon visage et jebaisse la tête, anéantie. Je me retourne pour m’éloigner de lui et de son regard où je lis bien trop detristesse. Je traverse précipitamment le pont en regagnant sa voiture. Il me suit et me lance, d’une

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voix grave :

— Depuis combien de temps… ? Depuis combien de temps ce sale fils de pute lève la main surtoi ?

Je m’arrête immédiatement, en étouffant un sanglot avec ma main posée sur mes lèvrestremblantes. Ses paroles résonnent dans ma tête et m’ont atteint en plein cœur. J’ai l’impressiond’avoir un couteau planté dans la poitrine et la douleur que je ressens n’est rien comparée à celle descoups de Tom. C’est ma dignité et mon image qui viennent d’être touchées, car l’homme que j’aimesait. Plus jamais, il ne me verra de la même manière. Mon monde vient, à nouveau, de s’écrouler…

— Depuis bien trop longtemps, Matthew…, lui avoué-je en lui faisant face.

Je croise son regard désemparé, bouleversé, et à la fois pâle de rage contenue. Je ne l’avaisjamais senti dans une telle colère, lui d’ordinaire si calme, si serein et paisible. Aujourd’hui, unenouvelle facette de l’homme protecteur vient d’éclore, là, sous mes yeux. Il souffre pour moi, avecmoi, et je perçois tout son désespoir à travers ses yeux.

— Je savais que quelque chose clochait, et ce, depuis le début, mais jamais je n’aurais imaginéque cela allait jusque-là…, m’avoue-t-il d’une voix grave en inspirant bruyamment.

Il passe près de moi, sans même me regarder, envoie un coup de pied, puis un autre sur le pneuavant de sa Mustang, ce qui me fait tressaillir. Puis, il ouvre la portière et hurle d’une voixcourroucée :

— Monte dans la voiture !

— Non ! Non, Matthew ! Voilà, pourquoi je ne t’ai rien dit !

— Monte dans cette putain de bagnole, Hope !

21 h 51

Je me balance sur le rocking-chair, les yeux fermés en songeant à la tournure qu’a prise cette finde journée qui avait pourtant si bien commencé. Après être arrivés à la maison de la plage, Matthews’est engouffré dans sa chambre sans me dire un mot. Il en est sorti quelques minutes plus tard, torsenu et vêtu d’un simple pantalon de sport qui lui glissait sur les hanches. J’ai cru que j’allaism’évanouir sur place tant son corps était un appel au péché. Il s’est alors assis sur les marches del’escalier et a lacé ses baskets. Puis, il m’a regardé en grimaçant, comme si je portais toute laresponsabilité de ce que nous traversons. J’aurais préféré rentrer chez moi, mais le savoir dans cetétat d’esprit m’inquiète, alors il m’a semblé normal de rester auprès de lui. Naturellement, nousdevrons avoir une discussion ensemble. Il est hors de question de laisser s’installer un malaise entrenous. Je veux croire que lui non plus ne le souhaite pas…

— Salut.

J’étais tellement absorbée dans mes pensées que je ne l’ai pas entendu arriver. Je me redresse, le

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voyant s’avancer tout droit sur moi. Je suis surprise de le voir revenir si tôt, qui plus est, un sourireaux lèvres. Courir sur la plage lui a peut-être permis de recouvrer cette paix intérieure qui lecaractérise tant.

— Salut, bafouillé-je bêtement.

— Tu as faim ? me demande-t-il en se penchant sur moi pour me déposer un baiser sur le haut dela tête.

Il recule et s’accole à la rambarde en bois, guettant ma réponse. Mes yeux sont littéralementcaptivés par son corps musclé et en sueur. Son torse se soulève et descend sous sa respirationirrégulière, certainement due à l’effort qu’il vient de lui imposer. Ou bien est-ce moi qui le mets danscet état ? J’avale péniblement ma salive, en suivant chaque courbe de son corps de mes yeuxhypnotisés par tant de beauté concentrée en un seul être. Il m’envoûte littéralement. J’ignore où toutcela nous mènera. Je me passe la langue sur les lèvres, tentant de réprimer le désir qui est en train dem’envahir.

— Faim ?

Il fait mine de ne pas comprendre ma réaction, mais un sourire aguicheur s’esquisse sur seslèvres. Mon corps est en alerte maximale. Ma respiration irrégulière et mes yeux qui glissent sur sapeau en sueur me trahissent. Son regard me détaille avec gourmandise, et je sens que mon cœur vaimploser dans ma poitrine tant l’attirance que je ressens pour lui en est à son paroxysme.

— Eh merde ! fait-il en s’approchant précipitamment de moi.

Matthew me prend la main et m’aide à me relever en me prenant doucement par la taille. Puis, àma grande surprise, il me soulève dans ses bras et m’emporte. Je glisse mes mains autour de son cou,le regard rivé au sien. Je tente de protester faiblement, mais il secoue la tête comme pour m’interdirede prononcer le moindre mot. Puis, il m’emmène jusqu’au salon où il me dépose délicatement sur lecanapé.

Matthew plonge ses yeux dans les miens et me demande en me caressant les cheveux :

— Ne bouge pas de là. Je n’en ai pas pour longtemps.

— Mais où vas-tu ? soufflé-je en frôlant son visage du bout des doigts.

— Je reviens tout de suite.

Matthew quitte le salon et je relève la tête en le suivant du regard. Il monte à l’étage me laissantlà, sans davantage d’explication.

Je fais quoi maintenant ?

Lorsque Matthew ressurgit, il tient à la main une crème qu’il dépose sur la table basse face aucanapé. Je remarque qu’il s’est douché et ne porte plus qu’un pantalon blanc de coton léger qui luiglisse sensuellement sur les hanches. Son parfum, que je reconnaîtrais entre mille, me rappellel’odeur familière de sa peau. Mes sens s’éveillent un à un et le désir qui grandit au creux de monventre défie âprement ma raison. Il s’agenouille devant moi et me souffle :

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— Retire ton jean…

— Je te demande pardon ? m’exclamé-je en me relevant brusquement.

Il pose aussitôt sa main sur ma joue et me souffle :

— Je voudrais soulager tes… bleus et, pour cela, tu dois retirer…

Matthew se racle la gorge et reprend soudainement d’un air taquin :

— … ton pull qui te sert de sac à patate.

Je lui flanque une tape derrière la tête, un sourire amusé aux lèvres.

— Merci ! Très sympathique avec ça !

— Arrête de t’enflammer… Allez, enlève ça que je puisse te soulager s’il te plaît. Cela me renddingue d’imaginer que tu souffres sous tes vêtements. Je te jure que je ne te manquerai pas de respect,promet-il en plantant son regard désemparé dans le mien.

J’inspire profondément et me relève. Il me suit à son tour.

— C’est terriblement gênant…, bafouillé-je en croisant son regard.

— C’est pour ton bien, Hope.

Nous nous tenons l’un devant l’autre, gênés par la situation. Il grimace en se passant les mainsdans les cheveux, puis sur le visage.

— J’ai besoin de le voir de mes propres yeux… Comment peux-tu le laisser… Non laissetomber…, dit-il en secouant la tête.

— Très bien…

Sans le quitter des yeux, je déboutonne mon jean et le fais doucement glisser jusqu’à meschevilles. Je le retire et le glisse sur le côté. Je sais que, pour le moment, les marques ne se voientpas, et cela m’arrache un soupir de résignation. La honte qui grandit en moi, et la tristesse qui sereflètent dans ses yeux me bouleversent et me fendent le cœur. Comment ai-je pu laisser les choses enarriver à ce point, moi qui m’interdisais de vivre dans un foyer semblable à celui de mes parents ?Vais-je reproduire irrémédiablement les mêmes erreurs ?

Matthew me fait signe de la main de retirer le reste. Puis, il baisse la tête un instant, en inspirantbruyamment. J’ai la bouche sèche et je tremble comme une feuille sous ses yeux qui s’embrasentlorsqu’il les relève et qu’ils glissent sensuellement sur ma peau. Il me contemple et je perçois ledésir qui l’envahit. J’attrape mon pull et le soulève délicatement par-dessus ma tête. Il tombe au solet je me retrouve en sous-vêtements sous les yeux hébétés de Matthew.

— Tu es si… belle… Hope, tu es magnifique. Comment peux-tu imaginer une seule seconde nepas être à la hauteur de… ?

Sans terminer sa phrase, il s’approche lentement de moi et remarque alors les bleus sur meshanches et ma taille. Il grimace et vient caresser du bout des doigts les marques qui prouvent à quel

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point Tom peut se montrer impitoyable.

— C’est impardonnable… Je ne comprends pas… Tu dois terriblement l’aimer au point de…

— Non ! dis-je en posant mon doigt sur ses lèvres pour le faire taire. Non, Matthew, je ne l’aimepas de cette façon, et je ne suis pas sûre que tu puisses comprendre…

— Hope, je…

Matthew m’entoure de ses bras. Son torse caresse ma poitrine et la douceur de ce contactprovoque en moi des décharges électriques jusque-là. Ma respiration me trahit. Mes mainstremblantes se posent sur sa peau et glissent sur son torse sculpté à la perfection. Je plonge mes yeuxdans les siens, puis mon regard s’arrête sur ses lèvres. Les miennes s’entrouvrent instantanément. J’aiune redoutable envie de l’embrasser, ici, maintenant. Résister, serait tourner le dos à notre Destinée.

— Je ne peux pas, Hope, dit-il en se dégageant de mes bras.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demandé-je, abasourdie.

Je suis terriblement mal à l’aise.

— Regarde-toi… Allonge-toi, s’il te plaît, me supplie-t-il, en posant un instant les yeux sur lescauses de mon désespoir.

Je comprends ce qu’il ressent, et je sais combien il lui est difficile d’accepter que l’on puisse mefaire du mal. Le plus tragique pour lui est de savoir que je le vis depuis des mois sans broncher etsans même lui en avoir parlé. J’acquiesce alors de la tête et m’allonge sur le canapé.

— Je suis prête, lui soufflé-je.

J’inspire profondément, n’osant croiser son regard. Matthew s’approche et s’agenouille devantmoi.

— Je ne comprends pas…, gémit-il.

— Je suis désolée… Je voulais t’en parler, mais comment avouer une chose pareille à lapersonne que tu…, dis-je sans pouvoir terminer ma phrase.

Je me mordille nerveusement la lèvre en guettant sa réaction. Matthew me regarde et secoue latête, dépité par la situation.

— Pourquoi rester, Hope ? Pourquoi accepter autant de souffrances ?

Je rive mes yeux au plafond, et une bouffée de chaleur m’envahit avant de laisser place auxlarmes.

— Parce que, d’une certaine manière, je tiens à lui. Certes, pas de la bonne façon, mais quelquechose m’empêche de partir. Une dépendance affective me lie à Tom et la peur me menotte à cette vie.J’aimerais pouvoir me libérer, mais seule, je ne suis pas persuadée d’y arriver, Matthew. Et pourtant,je sais que ma place n’est pas auprès de lui. Les sentiments que je ressens pour toi…

— Chut…, souffle-t-il en posant sa main sur mon visage et en caressant ma joue de son pouce.

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Matthew attrape la crème et la passe délicatement sur mes hanches, en faisant des gestescirculaires afin qu’elle pénètre plus rapidement. Puis, il remonte vers ma taille. Jamais je n’auraisimaginé que sa première caresse aurait pour but de me soulager des coups de Tom. Mes hanches sontviolacées et les marques de ses mains sur ma peau ne font que confirmer la brutalité intense dont il afait preuve à mon égard depuis plusieurs mois. Comment une relation comme la nôtre pourrait-ellefonctionner ?

Je croise le regard de Matthew, mais la situation est si confuse que nous nous interdisons de lirel’un dans l’autre. D’une voix tremblante, altérée par la vive émotion qui jaillit en moi, je lui susurre,les yeux rivés aux siens :

— Dis-moi que les choses n’ont pas changé entre nous…

— Je ne supporte pas voir à quel point tu souffres, c’est tout. Et… je n’arrive toujours pas àcomprendre pourquoi tu restes avec lui…, me confie-t-il d’une voix lasse.

— Je suis perdue…

— Tout va s’arranger, Hope, me dit-il en posant sa main sur la mienne.

— Je t’ai cherché inlassablement toute ma vie, Matthew, lui avoué-je au bord des larmes.

— Et je suis là, à présent… tout près de toi.

02 h 47

J’ouvre les yeux et attrape le réveil qui se trouve à ma gauche sur le chevet. J’ai à peine dormiquelques heures et les images qui me reviennent en tête ne m’aident en rien à trouver le sommeil…Notre soirée n’a pas été des plus faciles. Après m’avoir badigeonnée de crème, nous nous sommesrelevés et Matthew m’a apporté un peignoir. Il nous a préparé de quoi nous restaurer et nous avonsdîné sur la terrasse face à l’océan. Un malaise s’est installé et le fait d’avoir découvert ce que jetraverse semble avoir mis une distance entre nous. Il n’arrive pas à comprendre pourquoi je resteauprès d’un homme aussi brutal que Tom. Il me répète inlassablement que c’est à moi de prendrecette décision, mais j’en suis malheureusement incapable. Je lui ai pourtant avoué mes sentiments,mais sont-ils assez forts pour aller au bout de l’épreuve qui m’attend ? Je me mets à sa place aussi. Jedis l’aimer, mais je ne parviens pas à quitter mon petit ami violent. Au nom de quoi ? Pourquoi jen’arrive pas à prendre cette satanée décision ?

Que ressent réellement Matthew pour moi ? Il m’a dit qu’il m’aimait, c’est vrai, mais est-ceréellement de l’amour ? Ou suis-je, tout simplement, une de ces filles avec qui il sortirait commeavec n’importe quelle autre ? Il n’a peut-être qu’un simple béguin passager pour moi ? Que voit-il ennous ? Une relation sérieuse ? Et Brooke ? Suis-je assez importante à ses yeux pour qu’il rompe avecelle ? Voilà où j’en suis cette nuit… Des tas de questions fusent dans ma tête… auxquelles je n’auraicertainement pas de réponse. Matthew s’interdit de m’en dire plus, et moi, je ne fais qu’échafauderdes hypothèses…

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Je soupire, lassée de me battre pour trouver un sommeil qui se refuse obstinément à moi. Il faitencore nuit dehors…. Je me redresse et sors du lit. J’attrape une couverture soigneusement pliée surle fauteuil près de l’armoire.

— Quand pourrai-je dormir paisiblement ? Je me vais faire un chocolat chaud… Peut-êtretrouverai-je le sommeil ? me murmuré-je en sortant de la chambre.

Enroulée dans ma couverture, je descends les escaliers et remarque que la lumière sur le perronest allumée. À travers la vitre, près de la porte d’entrée, Matthew est dehors, assis sur les marches enbois. J’ouvre la porte. Il se retourne un instant, baisse la tête et se replonge dans ses pensées. Il n’apas l’air bien… Le phare éclaire chacune des étoiles et je peux entendre les vagues de l’océans’échouer sur le sable. Un cadre de vie idéal dans lequel je me verrais parfaitement vivre pourtoujours… Je le rejoins d’un pas incertain et m’assois près de lui.

— Salut… Qu’est-ce que tu fais ici à cette heure de la nuit ?

Il me déshabille de son regard brûlant et se replonge, à cœur perdu, dans sa contemplation del’océan.

— Tu vas prendre froid, répond-il simplement.

La tension est palpable, mais elle s’est intensifiée en laissant place, à présent, à une véritabletorture physique. Nous sommes attirés l’un par l’autre et ce qui bouillonne en moi n’est passimplement de l’amour, mais un désir ardent de me perdre sous les draps avec lui. Allez, respire,Hope… Je plonge mon regard dans l’horizon et lui dis :

— J’envie les vagues de l’océan, tu sais ? Tu as vu comme elles ont ce pouvoir incroyable devenir s’échouer là où elles le souhaitent, puis de repartir dans cette immensité d’eau dans unmouvement… éternel. Un peu plus loin, elles croiseront une autre vague avec laquelle elles pourronts’unir pour ne former plus qu’une… Elles seront alors plus fortes, et partageront un bout de cheminensemble et déferleront à nouveau sur la plage. Elles ont la liberté de choisir… Et nous, nous restonsémerveillés devant ce spectacle unique qu’elles nous offrent…

— J’aimerais être la vague qui te croise inlassablement…

Mon cœur vient de lâcher, une nouvelle fois…

Matthew se glisse près de moi et m’entoure de ses bras protecteurs en frottant sa main sur monépaule comme pour me réchauffer. Je lui souris et il dépose un baiser sur ma tête en resserrant encoreson étreinte autour de moi. Je niche tendrement ma tête sur son épaule. Il se met alors à chantonnercette chanson que nous aimons tant de Al Green - Lets Stay Together, comme s’il voulait bercer cemoment que nous partageons tous les deux.

— Let me be the one you come running to… I'll never be untrue…

C’est lui que mon cœur désire, lui que mon corps réclame indéniablement, lui que ma destinée aplacé sur mon chemin, lui que j’aime tout simplement. Me sortant de mes pensées, Matthew se relèveet me tend sa main en me proposant :

— Un chocolat chaud pour t’aider à trouver le sommeil ?

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Je cligne des paupières, hébétée par sa capacité à lire une nouvelle fois en moi avec autant defacilité. Cela en devient perturbant…

— Ne fais pas cette tête, éclate-t-il de rire. Je sais exactement où tu allais. Allez, viens !

Je lui souris bêtement et attrape sa main pour me relever. Il passe son bras autour de mon épauleet nous regagnons la maison, enlacés l’un contre l’autre…

03 h 37

Pensées du soir :

Je n’arrive pas à dormir… Dans quelques heures, je dois aller travailler et je ne sais pas si jevais tenir toute la journée. Matthew a une mine à faire peur, comme s’il partageait mon désespoir,et cela m’attriste profondément. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase de notre relation…J’ai peur qu’elle ne brise ce que nous avons construit ensemble.

Ce soir, j’étais, comme lui, à deux doigts de craquer. Quelque chose nous empêche de céder àla tentation. Mais avons-nous réellement besoin d’assouvir ce besoin que nous ressentons d’êtreensemble ? Nous nous comblons parfaitement avec le peu de choses que la vie nous autorise àavoir, alors pourquoi ne pas tout simplement profiter de ces moments si précieux à nos cœurs ?

Il faut que je prenne une décision. C’est inévitable, mais comment faire ? Où aller et commentannoncer à Tom que je veux le quitter ? Est-ce réellement ce que je souhaite ? Et si les choses nefonctionnaient pas entre Matthew et moi ? Je vais me retrouver toute seule… Tom a cette emprisesur ma personne qui m’empêche de voler de mes propres ailes. J’ai peur de tout perdre. Pourtant,il n’est pas l’homme merveilleux que je pensais avoir découvert en lui. Il s’est révélé être unepersonne froide, insensible et cruelle, terriblement violente. Pourquoi m’acharner à lui laisserencore le bénéfice du doute ? Il ne changera pas, et nous n’aurons jamais une vie heureuse etépanouie ensemble. Ma place n’est pas à ses côtés…

J’ai cette certitude au fond de mon cœur que l’homme qui me correspond est au fond de cecouloir… Qu’il est la moitié qui s’emboîte parfaitement dans ce puzzle décomposé qu’est ma vie.Matthew ne comble pas uniquement les vides qui se sont creusés au tréfonds de mon être, il lesguérit, les efface un par un, pour ne laisser qu’une seule et unique place. La sienne…

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- IX -

Dimanche 4 mai 1975 à 09 h 05

Ce matin, lorsque je suis descendue, Matthew avait déjà préparé un festin, mais, vu l’heure quipointait à l’horloge, je n’ai pas pu profiter de ce moment. En route pour l’appartement des filles, afinque je récupère mon pickup, le silence règne dans la voiture. Où en sommes-nous ?

Aujourd’hui, il ne travaille pas, et je me suis surprise moi-même à apprécier son absence. J’aibesoin de prendre un peu de recul.

— Te voilà arrivée, dit-il en se garant derrière ma Chevrolet.

— Merci, Matthew. J’ai passé une merveilleuse journée et d’agréables…

Je me racle la gorge, embarrassée.

— … soirées, ajouté-je timidement.

— C’était un plaisir pour moi. N’oublie pas tes cadeaux, fait-il en pointant son pouce vers lessièges arrière.

— Oh, oui, bien sûr…

Je me retourne et attrape les sacs.

— Bien, dis-je en haussant les épaules, sans savoir quoi ajouter d’autre.

— Je passerai tout à l’heure au café avant d’aller à l’église. Tu passes chez toi te changer ?

— Oui, je n’en ai pas pour longtemps. Ensuite, j’irai rejoindre les filles pour l’ouverture.

— D’accord.

Matthew se penche vers moi, et dépose un baiser sur ma joue. Je ferme un instant les yeux, mais,lorsque je les rouvre, il regarde déjà droit devant lui, attendant sans doute que je sorte.

— Bien, à tout à l’heure, alors ?

— Ouais… À tout à l’heure, me répond-il en me regardant furtivement sans s’attarder.

C’est la première fois qu’il ne vient pas m’ouvrir la portière, et cela me perturbe. Je sors et il melance d’une voix grave :

— Fais attention à toi, Hope.

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— Oui, promets-je en refermant la porte derrière moi.

Matthew recule et s’engage rapidement sur la route. Je le vois bifurquer à droite. Je sais combienil est blessé et heurté par ce qu’il a découvert hier. Ce matin, il a dû prendre toute la mesure de ceque nous avons partagé ensemble, et de ce que nous nous sommes avoués l’un à l’autre. Mais lefantôme de Tom rôde, et tant que je serai avec lui, rien ne sera possible entre nous.

09 h 35

— Bonjour, les filles ! dis-je en accrochant ma veste à l’entrée.

— Salut, petite veinarde ! Alors raconte-nous tout, me lance Emma qui dresse les tables.

Rose s’accoude sur le comptoir en me souriant. Je la rejoins, attrape mon tablier et leur dis touten le nouant derrière moi :

— Tout d’abord, je tenais à vous remercier toutes les deux pour les merveilleux cadeaux quevous m’avez offerts. Ils m’ont beaucoup touchée et plu, surtout à Matthew, ricané-je en lesdévisageant.

— La suite, te fiche pas de nous, rouspète Emma en me balançant son chiffon à la figure.

Je le rattrape au vol en lui tirant la langue, ce qui nous vaut une crise de rire. Puis, Rose nousprépare trois chocolats chauds. C’est plutôt calme au café le dimanche matin, nous pouvons doncprendre quelques minutes pour papoter entre filles.

— Bien, par où commencer ? me demandé-je en tapotant du doigt sur mon menton, devant l’airahuri d’Emma.

— Et si tu commençais tout bêtement par le début ?! peste-t-elle aussitôt.

— J’ai avoué mes sentiments à Matthew, lâché-je l’information comme une bombe.

— C’est pas vrai ?! s’écrient-elles à l’unisson.

— Chut ! leur dis-je en agitant la main afin de les faire taire.

— Il n’y a personne, Hope, me fait remarquer Rose qui se tortille sur sa chaise, impatiente deconnaître la suite.

Je vérifie que personne ne rentre dans le café.

— Il m’a avoué ressentir la même chose, dis-je d’une voix timide en baissant légèrement la tête.

Emma tape dans ses mains, folle de joie. Rose les lui attrape immédiatement en les posant sur latable afin de calmer son enthousiasme, et s’exclame :

— J’en étais sûre et je suis si heureuse pour vous. Mais est-ce que tu lui as…

— Oui, je lui ai aussi avoué que Tom… n’était pas l’homme merveilleux que je laissais supposer,

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lui confirmé-je aussitôt, sans lui laisser le temps de terminer sa phrase.

Emma pose sa main sur ses lèvres en regardant Rose, qui reste bouche bée par cette annonceauquel elle ne s’attendait certainement pas.

— Comment a-t-il pris la nouvelle ? Mon Dieu, ça a dû être terrible pour toi de lui confier un trucpareil ? me demande Emma, inquiète.

— Oui, mais, depuis, un froid s’est installé entre nous…

— Comment ça ? demande Rose, sans comprendre.

— J’ai l’impression que ce matin, il a pris conscience que j’étais réellement avec un autrehomme. Comme si ces derniers mois, il s’était voilé la face, et que Tom n’existait pas vraiment. Maisaprès avoir vu mes… marques, eh bien… il s’est… je ne sais pas… éloigné ?

— Peut-être ne s’est-il jamais vraiment inquiété de ta relation avec Tom avant de voir ce qu’il tefaisait subir ?

— Non, j’ai l’impression qu’il ne veut plus m’approcher, soufflé-je, attristée.

— Merde, peste Emma en se relevant de sa chaise.

Elle jette un coup d’œil à travers la vitre et se retourne en me demandant :

— Tu penses qu’il est… dégoûté ?

— Ne dis pas de bêtises ! la gronde Rose qui pose sa main sur la mienne. Hope, regarde-moi. Jepense qu’il est sous le choc de la nouvelle, et qu’il ne sait pas comment s’y prendre à présent. Il doitcertainement être dépassé par les événements et ça le terrifie.

— Tu crois ? demandé-je, rassurée.

— J’en suis certaine. Je ne vois pas comment on peut ressentir des sentiments envers quelqu’un etles voir disparaître, du jour au lendemain, parce que la personne que tu aimes… est en souffrance eten danger. Il doit être complètement désemparé face à tout cela.

— Tu as peut-être raison, mais, quoi qu’il en soit, je vais devoir prendre une décision. Je ne saispas si j’en serai capable…

— On est là, ma belle, me lance Emma en se rasseyant auprès de nous.

— Merci, les filles. Votre soutien m’est précieux. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous, leuravoué-je, au bord des larmes.

Je relève la tête bien haute et leur lance en me relevant de ma chaise, les poings sur les hanches :

— Allez, au boulot, les filles !

11 h 45

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Matthew n’est pas venu. La messe débute à 11 h 30, donc je présume que je ne le verrai plus de lajournée.

— Qu’est-ce qui a bien pu le retenir ? me demandé-je en regardant vers la rue, à travers lavitrine.

J’erre comme une âme en peine dans le café aujourd’hui, et même Emma n’ose aborder le sujet.Après les révélations de ce matin, elles ne m’en ont plus parlé, et je leur en suis reconnaissante. J’aibesoin de faire le vide dans ma tête. Mais où est-il ?

Mon service touche à sa fin. Nous allons manger un morceau sur place avant d’aller flâner enville entre filles. Une boule est en train de naître en moi, certainement parce que mon répit touche àsa fin. Tom sera de retour ce soir, et je ne sais pas comment aborder le sujet, si sujet il y a… Je doispourtant faire un choix pour le bien de tout le monde. Brooke revient dans une semaine, et si je doisprendre une décision radicale, c’est maintenant ! Et si Matthew ne la quittait pas ? Vu son humeur dece matin et son absence au café, peut-être a-t-il changé d’avis à mon égard ?

Je suis perdue, complètement perdue…

18 h 45

— Merci les filles pour ce merveilleux après-midi, leur dis-je en les serrant tour à tour dans mesbras.

— Tu es sûre que tu ne veux pas qu’on t’attende dehors, au cas où… ? me demande Rose engrimaçant, embarrassée de me poser la question.

— Non, je dois rentrer chez moi et affronter Tom, seule.

— Je ne suis pas rassurée de te laisser avec cet enfoiré, balance Emma qui croise les bras entapant du pied.

Je glousse en la regardant et leur réponds en attrapant mes clés dans mon sac à main.

— Merci, sincèrement.

— Mais de rien, ma toute belle. C’était avec grand plaisir, me dit Emma en attrapant Rose par lamain.

— Mais doucement ! Si ça ne va pas, on est à la maison, Hope, me lance Rose en traversant laroute.

— Oui, ne t’inquiète pas, promets-je en les saluant de la main.

— Allons-y, chère demoiselle. Je meurs de faim, plaisante Emma avec notre amie qui va encoredevoir passer derrière les fourneaux ce soir.

Je monte dans mon pickup en les regardant disparaître au coin de la rue. Tom va rentrer à la

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maison et le merveilleux week-end que je viens de passer est bel et bien terminé. Je n’ai pas laconscience tranquille, et je me sens coupable d’avoir cédé aux baisers de Matthew. D’un côté, je saisque je l’aime et que la tentation était trop forte pour lui résister. Mais d’un autre, j’ai commis uneerreur impardonnable. J’ai été infidèle et cela ne me ressemble absolument pas. Ce qui me semble leplus étrange, ce soir, est de rentrer dans cette maison qui n’est pas réellement la mienne. L’angoissequi est en train de m’envahir ne présage rien de bon. J’espère me tromper…

Je mets le contact, regarde une derrière fois vers le café et m’engage sur la route. Aucun signe deMatthew dans les parages de toute la journée. Il n’a jamais manqué à sa parole… Mais où est-il ?

19 h 15

Je mets mon clignotant à droite et m’engage dans notre rue. Quoi ? Je penche la tête sur le côté etremarque que la lumière du salon est allumée. Ai-je oublié de l’éteindre ce matin ? Je n’en ai pas lemoindre souvenir.

Oh non ! La voiture de Tom est garée devant la maison. Il a dû rentrer plus tôt que prévu.J’attrape rapidement mes sacs qui sont posés sur mon siège avant et les dépose par terre sur le sol. Jen’ose imaginer sa réaction en découvrant tous les cadeaux qui m’ont été offerts. Je sors de ma voitureet remonte l’allée d’un pas incertain, la boule au ventre. Je glisse mes clés dans la serrure. J’ai lamain qui tremble et je dois reprendre mon calme, sinon il va s’apercevoir que quelque chose cloche.J’inspire profondément et ouvre la porte d’entrée, en souriant. Je croise le regard noir de mon petitami qui m’attend. Que se passe-t-il ?

— Bonjour, Tom ! Tu es rentré ?

Tom, assis sur le canapé, fume sa cigarette. Je remarque la bouteille de liquide brun posée sur latable basse à moitié vide et un verre brisé près du mur. Merde ! Je referme doucement la portederrière moi, et pose mon sac à l’entrée sur la console. Je m’avance lentement en regardant toutautour de moi. Tout a l’air à sa place.

— Tiens, tiens, tiens… Qui voilà ? Tu as passé un bon week-end, bébé ? demande-t-il en tirantune bouffée.

Sa voix dédaigneuse me glace le sang et j’ai l’impression de manquer d’air. J’ai la nausée qui memonte à la gorge et la boule qui se comprime soudain dans mon estomac n’arrange rien. Je m’arrête àquelques pas de lui, un sourire tendu sur les lèvres.

— Oui, je… Enfin, j’étais avec les filles cet après-midi. On a mangé un bout et ensuite…

— Ferme-la ! crache-t-il férocement sans bouger.

Je reste tétanisée sur place, sans voix. J’ai la gorge serrée et les mains qui tremblent. Je resserrenerveusement mes doigts sur le tissu de mon tee-shirt.

— Que se passe-t-il ? bafouillé-je.

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— À toi de me le dire ! On m’a rapporté que la maison était bien vide, ce week-end…, dit-il d’unton suspicieux en se relevant.

Je recule aussitôt, apeurée. Le loup qui sommeille en lui n’est pas loin de montrer les dents. Ilécrase son mégot dans le cendrier posé sur la table et s’avance vers moi en me lançant d’une voixgrave :

— Il m’est également revenu que ma petite amie était bien proche du fils à papa… trop proche !hurle-t-il, en s’avançant encore, menaçant.

Je recule aussitôt, mais trébuche sur le meuble de télévision derrière moi. Je me relève et meretrouve plaquée contre le mur où je manque de marcher sur le verre brisé.

— Tu n’as pas compris, mon chéri… Ce n’est pas du tout ce que tu penses…, me défends-je,tremblante de peur.

Tom attrape la bouteille posée sur la table et en avale une grosse lampée. Du revers de la main, ilessuie le liquide qui a coulé jusque sur son tee-shirt et s’approche de moi. Il me dévisage, plein demépris, la lèvre tremblante. Puis, il balance la bouteille à travers la maison qui se brise dans un bruitassourdissant contre le mur de la cuisine.

— Non ! hurlé-je d’effroi en me cachant sous mes bras.

— Tu n’es qu’une petite salope ! Alors, comme ça tu joues ta sainte nitouche avec moi, mais dèsque j’ai le dos tourné, tu cours dans les bras d’un autre ?! s’écrie-t-il en m’attrapant par le cou.

Ses doigts me serrent tellement la gorge, que mes pieds quittent le sol. Je tente de me débattre,mais il est bien plus fort que moi. Il me contemple de son regard mêlé de haine et de toute-puissance,moi dont la vie ne tient plus qu’à un fil entre ses mains. Il tremble de rage et resserre encore sonemprise, m’empêchant de reprendre mon souffle.

— Tom…

Les larmes coulent sur mon visage. Matthew où es-tu ? Je t’en supplie… Je sens que ma dernièreheure est arrivée… La vie me quitte, et j’accepte le sort qui m’est réservé.

— Tu as couché avec lui ? Tu lui as donné ça, hein, m’accuse-t-il, en glissant son autre main sousmon tee-shirt pour attraper un de mes seins.

Je plonge mes yeux dans les siens. J’entraperçois encore un semblant d’humanité au fond de cethomme qui m’a rendue heureuse à sa façon pendant près de quatre ans. Je prie qu’il revienne à laraison.

— Tom… je t’en supplie…

— Eh merde !

Tom me relâche aussitôt, et recule d’un pas. Je m’effondre sur le sol. Je tente de reprendre marespiration et je tousse, une main sur le cœur. Je lui souffle difficilement :

— Ne fais pas ça… Au nom de l’amour que tu dis me porter, Tom, ne commets pas l’irréparable,je t’en supplie.

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Il se met à hurler et sauter partout dans la maison. Il balance tous les objets qui lui tombent sousla main. Je me protège aussitôt à l’aide de mes bras.

— Merde, bébé ! Pourquoi ? Je t’ai accueillie chez moi. Je t’ai fait confiance et je t’ai offert toutce dont tu avais besoin. Tu n’es qu’une ingrate !

— Je suis désolée, mais tu penses que c’est en me traitant de la sorte que tu vas me garder auprèsde toi ? Mais ouvre les yeux, Tom ! C’est impossible, je ne t’aime plus ! lui avoué-je en pleurs.

Je pose mes mains sur ma bouche, terrorisée. Mon Dieu, mais qu’est-ce que je viens de dire ? Ilaccourt vers moi et me balance un coup de pied dans l’estomac. Je me recroqueville aussitôt sous ladouleur qui me traverse.

— Tu penses pouvoir m’échapper ? hurle-t-il en se penchant au-dessus de moi.

Je tousse et j’ai terriblement mal. Mon Dieu, faites qu’il m’achève et que la douleur s’arrête unebonne fois pour toutes.

— Matthew…

— Tu as dit quoi ?

Je relève la tête et lui souffle :

— Tu ne me mérites pas. Oui, j’aime cet homme et tu ne peux rien y faire. Tue-moi, Tom. Mais neme loupe pas, je t’en conjure. Va au bout du sacrifice que tu veux commettre.

— Tu n’es rien sans moi !

— Je ne t’appartiens pas ! protesté-je en me tenant le ventre terriblement douloureux.

— Je préfère te voir morte que dans les bras d’un autre ! Tu es à moi, à moi, bébé ! hurle-t-il enm’attrapant par les cheveux pour me traîner jusque sur le canapé où il me jette.

— Non ! Non, Tom ! Ne fais pas ça, hurlé-je en croisant les jambes.

— On va voir si tu auras envie de partir après cela, sale garce.

Tom glisse ses mains sous mon tee-shirt et attrape fortement ma taille entre ses doigts. Je gémisde douleur, mais il appuie encore plus fort.

— Ne bouge pas, bébé !

— Laisse-moi ! Je t’interdis de me toucher ! crié-je en me débattant pour échapper àl’inéluctable.

— Pourquoi ? Tu veux te préserver pour ce connard ?

— Ne parle pas comme ça de Matthew !

Je le gifle. Merde ! Tom me sourit de satisfaction comme si le fait que je me débatte l’excitaitdavantage. Il écrase sa bouche sur la mienne et lèche mon visage comme un animal affamé.

— Je vais te montrer ce que c’est, un homme. Après ça, tu me supplieras de rester, se vante-t-il

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près de mes lèvres.

Je tourne immédiatement la tête pour esquiver un autre de ses baisers répugnants. Tom soulève majupe jusque sur mes hanches et glisse sa main sous ma culotte. Je me tortille sous son corps pour medégager de son emprise, mais en vain.

— Tu aimes ça, hein ?

— Non, s’il te plaît. On va parler, d’accord ? Regarde-moi, Tom. On va discuter et tenterd’arranger les choses, mais je t’en supplie, ne fais pas ça, l’imploré-je en pleurs et le souffle saccadépar la peur.

Tom plonge ses yeux dans les miens. Je vois une lueur d’espoir au fond de son regard, presqueune issue de secours.

— Tom, s’il te plaît, ajouté-je avec l’espoir qu’il revienne à la raison.

— Bébé, jamais je ne te laisserai me quitter. Tu en as conscience ? Je t’aime tellement. Je ne peuxpas m’imaginer sans toi. Tu es l’amour de ma vie, me chuchote-t-il en collant son front contre lemien.

Il est en sueur. Son corps tremble, et la tension qui l’habitait le quitte peu à peu. Il relève la tête,puis me regarde, l’air attristé, perdu. Je glisse mes mains sur son visage en lui soufflant :

— Je vais t’aider…

— Quoi ? fait-il, abasourdi.

— Tu as besoin de…

Tom se relève précipitamment. Je m’extirpe aussitôt du canapé que je contourne afin de mettre dela distance entre nous. Il tourne en rond en se passant les mains dans les cheveux. J’en profite pourme frayer un chemin jusqu’à la cuisine.

— Tu penses que je suis fou ?!

Je m’arrête aussitôt.

— Non ! Je ne dis pas ça mais tu dois admettre que tes réactions ne sont pas normales, lui fais-jeremarquer d’une voix tremblante.

Je dois sortir d’ici au plus vite…

— Je ne suis pas comme ma mère ! Mais elle a raison ! Tu n’es qu’une traînée, et tu veux me fairecroire que c’est ma faute !

— Je veux juste t’apporter mon aide, Tom ! tenté-je de le raisonner.

Tom s’approche de moi et me gifle violemment. Je tombe sur le comptoir de la cuisine qui ralentitma chute. La douleur cuisante sur ma peau n’est rien comparée à celle qui me lacère le cœur.

— Pardon, pardon, bébé, gémit-il en tombant à genoux par terre, les mains sur le visage.

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Il tente de se redresser, mais d’un geste sec, je lui flanque un coup de pied entre les jambes.

— Salope ! hurle-t-il de douleur.

Tom tombe au sol, recroquevillé sur lui-même. Je cours vers l’entrée pour attraper mon sac àmain. Il se relève déjà, une main sur ses bourses et le regard haineux. J’ouvre la porte. La pluiecommence à tomber abondamment. Je me précipite vers mon pickup suivie de Tom qui marche aupas, tant la douleur que je lui ai infligée est encore vive.

— Tu reviendras, bébé ! Je te défends de me quitter !

Je monte dans ma voiture et démarre en trombe dans un crissement de pneus. Je dois m’en allerd’ici au plus vite. Tom vient de choisir pour moi. Il a été d’une violence sans précédent ce soir, etjamais je ne lui pardonnerai…

— Jamais, me promets-je.

Mais en serai-je capable, cette fois ?

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- X -

Zaz – Tous les cris les S.O.S

Dimanche 4 mai 1975 à 19 h 57

Je traverse la ville comme droguée par la douleur qui me lacère le cœur et le corps endoloris partous les coups que Tom vient de m’infliger. Mon Dieu, que j’ai eu peur ! Je pensais que ma vie allaitse terminer là, entre ses doigts. Je les sens encore posés en train de serrer mon cou, revivant lemoment où l’air est venu à me manquer. La vie me quittait à petit feu et la seule image qui merattachait encore à ce monde était le visage de Matthew…

La rage et la jalousie que je lisais sur le visage de Tom et qui le consumaient ne laissaient aucundoute sur ses intentions : il voulait en finir avec moi. Ses mots pleins de mépris et de haine résonnentencore dans ma tête comme le tonnerre en pleine tempête :

« Je préfère te voir morte que dans les bras d’un autre… Tu es à moi ! »

Où puis-je aller ? Chez les filles ? Chez mes parents ? Chez Matthew ? Je secoue nerveusement latête. Non, c’est tout bonnement impossible ! J’ai tellement honte… Pourtant, c’est bien la directionde la maison de la plage que j’emprunte à droite et que je vois déjà se dessiner au loin dansl’horizon. Que vais-je lui dire ? J’ai si peur… J’ai l’impression que tout se retourne contre moi etque je ne suis, une fois de plus, plus maître de ma propre vie.

— Comment va-t-il réagir ? soufflé-je.

Hein ? Je freine précipitamment en apercevant une voiture que je ne connais pas garée derrièrecelle de Matthew. Je me stationne discrètement à quelques mètres de la maison et sors de monpickup. J’ai les mains qui tremblent si fort que mes clés cliquètent entre mes doigts. La lumière duperron, ainsi que celle du salon sont allumées. Je marche doucement jusqu’à l’allée et monte lesescaliers.

Au moment de frapper à la porte, une voix me fait immédiatement reculer. Oh non ! J’ai lemauvais pressentiment que la cause de l’absence de Matthew se trouve dans le salon auprès de lui. Jecontourne d’un pas incertain la maison et tombe sur le rocking-chair. Il éveille en moi le souvenir decette douce soirée au coin du feu lorsqu’il m’en a parlé. Nous étions si heureux ce soir-là, si proches.

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Je m’approche et me cache dos au mur près de la baie vitrée. Puis, je penche la tête pour regarder àl’intérieur. Non !? Matthew se tient devant la cheminée, le regard dans le vide. Une jeune femmes’approche lentement de lui et glisse sa main le long de son dos. Elle est magnifique…

J’étouffe un sanglot avec ma main en posant ma tête contre le mur. Elle est là… Brooke Reeseest de retour à Port Clyde plus tôt que prévu et, à présent, elle vient récupérer cette place qui atoujours été la sienne. C’est donc avec elle qu’il était aujourd’hui et la raison pour laquelle il n’estpas venu me rejoindre au café. Je me penche à nouveau pour voir que Matthew l’a prise dans ses brasen lui caressant les cheveux comme il l’a fait tant de fois avec moi. Je recule aussitôt vivement, meretrouvant collée à la rambarde où, encore hier, il se tenait devant moi. Seul les battements éperdusde mon cœur et la pluie qui continue à tomber résonnent dans la pénombre de la nuit. La lumière etcette lueur d’espoir que je voyais au bout du tunnel vient de s’éteindre, là, sous mes yeux. Que vais-jedevenir sans Matthew à mes côtés pour m’aider à avancer ? Je vais perdre non seulement l’hommedont je suis éperdument amoureuse, mais aussi mon meilleur ami. Cette bouffée d’oxygène qui m’apermis de me relever chaque fois que la vie m’assenait un des coups impitoyables de Tom. Commentsurvivre à sa perte ? Car c’est bien de cela qui s’agit. Il va me rayer de son existence comme tousceux qui m’ont abandonnée jusqu’ici…

Je recule sans quitter des yeux cette maison. Je suis en état de choc. J’ai nié depuis le débutl’existence de Brooke. Tout comme Matthew l’a fait avec Tom, ces derniers mois. Soudain, jetrébuche dans les escaliers, en essayant tant bien que mal de m’agripper à la rambarde, mais c’estpeine perdue. Je tombe sur le sol, puis me redresse à genoux, les mains posées à plat sur l’alléenoyée d’eau par la pluie qui redouble de force.

Tout à coup, la porte d’entrée s’ouvre brusquement et je rampe précipitamment jusque sousl’escalier en bois où je vois une ombre s’approcher. Je pose ma main sur mes lèvres afin d’étouffermes pleurs.

— Je reviens ! lance Matthew sur le perron.

— Mon chéri. Est-ce que tout va bien ? lui demande cette voix féminine et hautaine, mais autimbre enjôleur.

— Oui, Brooke. La pluie certainement… Je ne sais pas… Rentrons, il pleut des cordes et tu vasêtre trempée, lui dit Matthew, plein de sollicitude.

La porte se referme et j’en profite pour me relever doucement. Je m’avance jusqu’à mon pickupen jetant un regard en arrière, dévastée par la douleur qui me comprime la poitrine et remonte auvolant de ma voiture. Je contemple cette maison où Matthew va certainement passer la nuit avec elle.Je réalise que je ne dois pas compter sur lui autant qu’il me l’a fait croire depuis des mois. Pourtant,il m’a avoué ses sentiments, alors que fait-il avec elle ? Tout à coup, je prends conscience que jecommets les mêmes erreurs en restant aux côtés de Tom. Est-ce là notre Destinée ? Et s’il m’avaitmenti depuis le départ ? Ou croit-il qu’il se trompe à mon égard et que Brooke est celle qui luicorrespond ?

Je secoue la tête nerveusement en posant mes mains sur le volant que je resserre fortement entremes doigts.

— Nooooooon ! La vie est si injuste avec moi ! crié-je dans l’habitacle de ma voiture.

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Je tape sur le volant en hurlant mon désespoir.

— Je te hais, Matthew Cole !

Je démarre et m’engage rapidement sur la route en m’interdisant de remettre un pied dans cettemaison.

21 h 45

J’ai roulé sans savoir où aller, puis j’ai terminé ma course devant le phare où je suis restéequelques minutes pour reprendre mes esprits. La clé est dans mon sac, mais je n’ai osé l’utiliser parcrainte des souvenirs qu’elle recèle. Le paysage défile à vive allure par la fenêtre et, enfin revenueen ville, je ne sais toujours pas ce que je vais devenir.

Je m’arrête à quelques mètres de l’appartement des filles. Rose est à la fenêtre, blottie dans lesbras de son petit ami. Puis, Emma les rejoint avec un jeune homme blond et un verre à la main. Ils ontl’air si heureux… Ma place n’est pas ici non plus. Je ne veux pas ruiner leur soirée avec meshistoires de cœur, d’autant qu’elles m’ont conseillé à d’innombrables reprises de quitter Tom, souspeine de me retrouver dans une situation inextricable comme celle dans laquelle je suis ce soir. Ellesavaient décidément raison… Je dois prendre mes responsabilités et me débrouiller toute seule. Je neveux pas que l’on me voie dans cet état. Plus les heures passent et plus je me sens fragile, vulnérableet perdue.

Dois-je aller rejoindre mes parents à Boston ? Comment vont-ils réagir ? Mon père me ramèneracertainement auprès de Tom en m’accusant de tous les maux. Comme d’habitude, en fille obéissante,je suivrai son choix, et uniquement le sien. Je sais que Tom exerce aussi ce contrôle sur ma personne.J’ai pensé que c’était normal, que je lui appartenais, mais je sais aujourd’hui que c’est faux et,pourtant, je reviens sans cesse auprès de lui. Ce soir, il aura réussi à me couper du monde et de mesamis en m’assenant le coup de grâce.

Oui, ce soir je n’ai nulle part où aller et je ne veux pas que l’on me prenne en pitié. Je n’ai pasd’argent et je ne peux retourner chez moi pour récupérer mes vêtements et mes effets personnels. Jesuis prise au piège, encore une fois, de cette brute qui me sert de petit ami. Pourtant, je ressensencore un sentiment d’appartenance malsain et une dépendance affective profonde vis-à-vis de lui. Jesuis tel un animal perdu et apeuré dont la seule envie, est de regagner son terrier, même si le bourreaul’y attend, le bâton pour le battre à la main. Mais c’est le seul endroit familier que je connaisse et ilm’est plus facile d’y retourner que d’affronter toutes les épreuves à venir. Je suis lâche et lasse de mebattre…

23 h 07

J’ai tourné en boucle dans ma tête ce moment où je pénètrerais à nouveau dans cette maison. Mais

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rien de bon n’en est sorti, et je sais combien revenir en ces lieux est la plus grosse connerie que j’aiejamais commise. Et pourtant, je suis bel et bien de retour chez… Tom et moi.

Garée de l’autre côté de la rue, je regarde cette maison qui m’est si étrangère et en même temps,la seule que je connaisse à présent. La lumière du salon est encore allumée et il doit certainementtourner en rond comme un lion en cage. Va-t-il en finir avec moi ? Ou bien me demander pardoncomme chaque fois après une de nos innombrables violentes disputes. Il a dû m’entendre arriver,mais il ne sort pas pour me ramener de force. Savait-il que je finirais par rentrer, n’ayant nul autrelieu où aller ? Bien entendu, et c’est là toute sa force.

J’ai peur et, pourtant, je sors de mon pickup et m’engage sur notre allée que je remonte d’un paslourd, comme si traîner des pieds allait me faire gagner quelques précieuses secondes de répit. Jeregarde une dernière fois derrière moi, avec l’espoir que Matthew bifurque dans cette rue sombre,mais il n’en fera rien. J’ouvre la porte d’une main tremblante. J’entre et la referme doucementderrière moi. Respire, Hope… Je m’avance vers le salon, mon sac serré contre mon cœur. Tom estsur le canapé à siroter son liquide brun, une cigarette à la main. La télévision est allumée sur unechaîne de sport automobile, et il ne daigne même pas me jeter un regard, comme s’il n’était pasconcerné par mon retour. Il devait être persuadé que j’allais revenir d’un moment à l’autre.

Ses yeux pleins de mépris se posent enfin sur moi et me dévisagent de haut en bas. Il me sonde deson regard froid et me lance d’une voix dédaigneuse :

— Tiens, tu es de retour ? Dommage, je pensais enfin être débarrassé de la souillon qui me sertde petite amie. Allez… dégage ! Monte te coucher !

Je sursaute et resserre encore mon sac contre moi, les bras croisés contre ma poitrine. Puis, jecours vers l’escalier, lorsque soudain Tom me crache férocement en se retournant vers moi :

— Tu n’es rien sans moi, bébé. Monte, je te rejoins…, me lance-t-il en se léchant les lèvres.

Tom me reluque de ses yeux vitreux et embués par l’alcool. Prise de panique, je reculeimmédiatement et monte les escaliers deux par deux. Je m’engouffre dans ma chambre et m’effondresur le lit en étouffant ma honte de ce qui va inévitablement suivre et mon chagrin sur mon oreiller. Jene suis rien. Tom a raison. Je suis si différente des autres filles. Matthew a choisi Brooke et je viensde m’effacer à tout jamais de sa vie, en revenant chez moi.

03 h 11

Pensées du soir :

Mes soucis et la douleur que je ressens encore dans tout mon corps, et par-dessus tout, cellequi me lacère le cœur, ont pris en otage mon sommeil. Je ne peux pas dormir tant je suis perdue.Cela faisait des semaines que je ne m’étais pas sentie aussi mal.

Tom a eu raison de moi et me retient captive de son être sombre, mais qui, quelquefois me

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ramène à la lumière, même si elle s’éteint immédiatement après. Lorsqu’il est monté dans notrechambre, il était ivre et s’est écroulé sur le lit. Par chance, il s’est endormi et je n’ai pas eu àcéder à ses caprices. Pas cette nuit, du moins. Qu’en sera-t-il demain lorsqu’il prendra toute lamesure de notre dispute ? Et surtout de mes mots ?

« Je ne t’aime plus… J’aime cet homme… »

Oui, la journée de demain n’annonce rien qui vaille, et j’en ai pleinement conscience. Peut-être est-ce également cela qui m’empêche de trouver ce sommeil qui pourtant serait siréparateur ?

Quant à Matthew, Brooke est revenue plus tôt que prévu à Port Clyde et également dans sa vie.Les choses n’iront pas en s’arrangeant entre nous, et je pense qu’il ne sera plus jamais le mêmeavec moi. Il partira en vacances avec elle et je le perdrai à tout jamais…

Bonne nuit, Matthew… Où que tu sois… Je pense à toi…

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- XI -

Lundi 5 mai 1975 à 08 h 17

Le jour se lève sur la petite ville de Port Clyde. Une nouvelle journée m’attend, et c’est le cœurserré que j’avale mon chocolat chaud face à la fenêtre du salon. Tom a dû partir tôt ce matin, car je nel’ai pas senti se lever. J’ai tout de même fini par trouver le sommeil dans la nuit, et ces quelquespetites heures m’ont fait du bien. Ce matin, j’ai mal partout, comme si j’étais passée sous un rouleaucompresseur. La douleur lancinante que je ressens dans ma chair n’est rien comparée à celle qui mebrise le cœur. Celle-ci est plus vive, profonde, anéantissant tous mes espoirs aussi infimes aient-ilsété. Ils étaient au moins là, et me donnaient un tant soit peu de joie de vivre. À présent, je vais devoiraffronter la terrible réalité et accepter de voir Brooke au bras de l’homme que j’aime. Cette journéene présage rien de bon…

09 h 03

— Bonjour ! dis-je à Liliane qui se trouve derrière le comptoir à préparer du café.

— Bonjour, ma chérie ! me lance-t-elle en se dandinant sur la musique entraînante du groupe AlGreen avec leur dernière chanson Sha la la.

J’accroche ma veste à l’entrée en regardant autour de moi. Aucun signe de Matthew. Encore unedes choses à laquelle je vais devoir faire face et m’habituer : ne plus prendre mon chocolat chaudavec lui de bon matin. Je m’approche du comptoir et Liliane me jette un regard en coin, en grimaçant.Que se passe-t-il ? Elle pose la cafetière et me demande :

— Est-ce que tout va bien, ma chérie ?

Je fais mine de ne pas comprendre, en penchant légèrement la tête.

— Brooke est de retour en ville, m’assène-t-elle.

Ces six mots s’enfoncent dans mon cœur tel un poignard. Je déglutis avec difficulté tant lanouvelle me retourne encore les tripes. Je baisse la tête et la secoue lentement pour lui montrer monimpuissance.

— Je sais, Liliane et je ne peux rien…

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— Si ! me coupe-t-elle en contournant le comptoir.

Je la regarde, béate d’étonnement, venir me rejoindre. Elle me prend les mains et plonge ses yeuxattendris dans les miens en me souriant.

— Tu tiens énormément à lui, et je sais combien lui aussi te porte dans son cœur. Je suispersuadée que tu n’es pas heureuse auprès de Tom. Pardonne-moi si je suis indiscrète ou que tu metrouves trop intrusive, ma chérie.

— Non ! répliqué-je aussitôt. Au contraire, cela me touche beaucoup que vous me parliez avecautant de sincérité.

Liliane m’entraîne à une table et me fait signe de m’assoir.

— Ce matin, c’est moi qui te prépare ton chocolat chaud, me dit-elle d’une voix douce enretournant derrière le comptoir.

Je sais que la tristesse transparaît sur mon visage, et pour cause, c’est Matthew qui me le prépared’habitude avec beaucoup de tendresse. Mais pas aujourd’hui. Puis, elle revient et le pose devantmoi.

— Voilà pour toi.

— Merci.

J’attrape ma tasse chaude en lui souriant. Liliane prend place face à moi et croise les mains sousson menton comme si elle réfléchissait à la meilleure façon d’entamer cette conversation siinattendue.

— Matthew est avec cette fille depuis quoi… ? Trois ans ? Mais, ils se connaissent depuis qu’ilssont enfants. Leurs pères sont de vieux amis d’Université qui, aujourd’hui, sont associés.

Liliane jette un œil à la rue encore très calme à cette heure de la journée. La vie s’éveille à peinedans Port Clyde. Et les premières boutiques n’ouvrent que dans une heure. Puis, elle replonge sonregard à présent attristé dans le mien.

— Dites-moi ce qui vous tracasse, Liliane, je vous en prie, la supplié-je d’une voix faible.

— Matthew éprouve des sentiments profonds pour une autre jeune fille. Mais, avec le retour deBrooke, je sais combien cela va être difficile pour lui de prendre une décision. Et ta vie… pardond’être aussi franche…, s’interrompt-elle, soucieuse.

Je pose ma main sur mes lèvres tremblantes qui tentent de bafouiller quelque chose en vain.

— Il n’a pas besoin de me préciser que cette jeune fille dont il est fou amoureux, c’est toi, ajoute-t-elle avec un sourire.

— C’est lui qui vous en a parlé ? Je suis… cette jeune fille… ? bafouillé-je nerveusement.

Son visage se durcit. Elle peine à me répondre, et je le sens bien.

— Bien entendu, et tu le sais… Mais, tu vis avec quelqu’un, Hope. Cela complique beaucoup les

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choses pour lui.

— Oui, je sais, réponds-je, découragée devant la montagne de décisions que j’ai à prendre.

— Lui aussi a des responsabilités, mais elles sont beaucoup plus simples à gérer. Et encore, iln’est pas à l’aise à l’idée de rompre avec Brooke sachant qu’elle est la fille d’un des associés de sonpère. Il est malheureusement face à une décision difficile, lui aussi. Mais vous êtes jeunes et vousavez toute la vie devant vous. Je suis certaine que vous trouverez une solution… ensemble, m’assure-t-elle en posant sa main tendrement sur la mienne.

Soudain, la cloche retentit et la porte s’ouvre.

Elle est là… Brooke Reese entre au bras de Matthew et s’approche de nous. Je me relèveaussitôt. Elle est resplendissante et encore plus belle que je ne l’avais imaginé. Son grain de peau estparfait. Ses toilettes hors de prix lui confèrent une élégance et une distinction sans pareilles. Elle sentdivinement bon. Elle incarne à elle seule la perfection à l’état féminin.

Matthew me paraît embarrassé et n’ose croiser mon regard. Liliane se relève et les complimentetour à tour d’une bise. Brooke la salue chaleureusement d’une étreinte et lui demande :

— Comment allez-vous, Liliane ? Je suis ravie de vous revoir. Nous avons tant de choses àdiscuter ensemble. Si vous saviez les rencontres incroyables que j’ai faites à Londres. C’était trèsenrichissant.

— Oh, mais je n’en doute pas, Brooke. Un café ? lui propose Liliane, en me jetant un regard encoin qui se veut compatissant.

— Oh non, c’est trop mauvais pour le teint, fait-elle en posant ses doigts délicats sur son visage.Plutôt un thé, je vous prie, ajoute-t-elle d’un ton hautain.

Je déteste cette fille !

— Très bien. Installe-toi. Je reviens avec ton thé et un café pour mon fils.

Liliane repart vers le comptoir. Je croise le regard confus de Matthew qui me paraît de plus enplus mal à l’aise. Je penche la tête pour lui faire comprendre que je ne saisis pas ce qui se passe, et ilsecoue lentement la sienne pour me confirmer qu’il l’ignore lui-même.

Brooke s’approche de moi et retire ses gants blancs. Elle me tend sa main en me dévisageant dehaut en bas, un demi-sourire aux lèvres et me dit :

— Bonjour. Je suis Brooke Reese, la fiancée de Matthew.

— Comment ? demandé-je, abasourdie, en lui tendant la mienne.

Soudain, un bruit de verre retentit derrière le comptoir. Liliane, blanche comme neige, se relèveet nous lance :

— Une tasse… désolée, s’excuse-t-elle en partant vers la cuisine.

Matthew se racle la gorge et s’immisce aussitôt dans la conversation.

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— Brooke… Nous n’avons jamais parlé de…

— C’est un détail, très cher, lui répond-elle en balayant l’air de sa main gracieuse.

Matthew baisse aussitôt la tête en relevant furtivement un regard désespéré vers moi. Je suis enétat de choc, et je sens mes yeux s’embuer de larmes, sans qu’aucune ne coule. Il prend place à tableet n’ose me regarder, tant la situation nous échappe complètement.

— Vous devez être la nouvelle… serveuse des Cole ? Laissez-moi un instant…, réfléchit-elle enposant ses doigts manucurés sur sa tempe. Hope ?

— Oui, confirmé-je d’une petite voix.

— Je ne vais pas abuser davantage de votre temps. Vous devez avoir beaucoup de travail quivous attend en… cuisine… en salle ou je ne sais où… Allez-y, je vous prie ! ricane-t-elle.

Elle prend place auprès de Matthew qui n’ose toujours pas me regarder.

— Bonne journée à vous, dis-je en repartant vers la réserve.

— Hope ! me lance aussitôt Matthew.

— Oui, réponds-je sèchement en me retournant pour lui faire face.

— Je te rejoins pour trier les commandes.

— Je n’ai pas besoin de toi. Profite donc de ta… fiancée que tu n’as pas revue depuis des mois.Je sais combien elle t’a manqué, lui fais-je remarquer en haussant un sourcil arrogant.

Il me regarde, sidéré.

— Merci, Hope. Effectivement, nous avons beaucoup de temps à rattraper tous les deux et unvoyage qui nous attend. N’est-ce pas, mon chéri ?

— Un voyage ? s’étonne-t-il, stupéfait, comme s’il avait déjà oublié les vacances prévues avecelle.

Brooke lui prend la main en lui déposant un baiser sur la joue tout en me regardant du coin del’œil. Cette fille se joue de moi… Pourquoi ?

— Oui. Celui que nous avions organisé. Nous partons demain matin. Mais où as-tu donc la tête,Matthew ? glousse-t-elle en l’embrassant sur les lèvres, cette fois.

Matthew écarquille les yeux et accepte son baiser sans mot dire. Puis, Brooke glisse sa main surson torse en lui susurrant sensuellement d’une voix pleine de sous-entendus :

— Que j’ai hâte de me retrouver tout contre toi…

— Veuillez m’excuser, mais j’ai beaucoup de travail, dis-je d’une voix brisée en traversant lecafé d’un pas précipité.

J’ai mal, terriblement mal !

Je pars vers la réserve en croisant le regard attristé de Liliane, mais je lui fais signe de la main

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de me laisser seule. J’ouvre la porte précipitamment et m’adosse à elle. Je glisse jusqu’au sol enéclatant en sanglots. Tout est bien terminé… Plus aucune chance que nous puissions être ensemble.Nous n’aurons plus jamais la joie de passer des moments tous les deux à nous balader sur le phare oubien tout simplement à déguster une glace au coin de la rue. Non, je ne pourrai plus jamais le serrertout contre mon cœur. C’est bel et bien terminé entre nous… Je viens de perdre mon meilleur ami et,par la même occasion, l’homme que j’aime…

18 h 35

Je remonte dans mon pickup en pensant à cette journée qui ne ressemble en rien à toutes lesautres. D’abord, j’ai déjeuné chez les filles ce midi. Nous nous sommes préparé des sandwichs, maisl’ambiance n’y était pas. Je n’ai pas osé leur confier ce que Tom m’a fait subir la veille, et jem’enfonce bien malgré moi dans ce monde de ténèbres dans lequel j’ai pris l’habitude de vivre. J’enai profité pour leur confier la boîte au ruban rose où se trouvent le cahier et le stylo à plume doré. J’ytiens beaucoup trop pour que Tom ne le détruise de rage. De toute manière, je ne me sens pas prête àécrire ce que je ressens.

J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps et les filles m’ont consolée comme elles ont pu. Maisle retour de Brooke change la donne et toute la difficulté réside là. C’est une femme forte, déterminée,et, à mon humble avis, manipulatrice. Je ne pense pas qu’elle lâchera de sitôt Matthew. Elle n’a pasl’air de me porter dans son cœur et j’ai bien senti son animosité à mon égard dès l’instant où elle aposé son regard méprisant sur moi. Pourquoi devait-elle revenir plus tôt ? Pourquoi ?!

Puis, pour assombrir encore davantage ma journée, Matthew n’est pas revenu au café et a doncpassé tout son temps avec elle. Ils ont dû faire… Je secoue nerveusement la tête pour effacer lesimages de leurs corps enlacés sous les draps. Je sèche les larmes que je ne peux plus retenir. Je meregarde dans le rétroviseur. J’ai une mine affreuse ! Pourquoi Matthew voudrait d’une fille commemoi ? Je remets de l’ordre dans mes cheveux et démarre. Je repense à tous ces moments formidablesque nous avons partagés ensemble. J’aimerais tant que grand-mère soit encore des nôtres… Ellesaurait trouver les mots justes, comme toujours.

Je traverse la ville et j’aperçois notre église au coin de la rue. Peut-être que le Père Bernardosaura m’écouter et me comprendre. C’est un jeune prêtre qui vient d’arriver en ville et dont tout lemonde dit beaucoup de bien. J’ai la certitude que revenir en ces lieux apaisera mes souffrances. J’aibesoin de me confier et de me retrouver quelques minutes face à Dieu pour lui faire part de mespeurs, mes doutes, mes angoisses… Et lui confesser mes péchés.

Je me gare et me dirige vers cet endroit qui a toujours su m’apporter une sérénité intérieure.J’entre dans l’église et le silence qui y règne m’apporte enfin cette paix que j’appelais tant de mesvœux. Il n’y a personne. Seuls les cierges allumés crépitent au loin, bercés par la musique qui s’élèvedans les hauteurs. Je m’avance doucement sans quitter des yeux Saint-Antoine, le protecteur desenfants qui tient un petit garçon dans ses bras. L’émotion que je ressens en ces lieux me prouvecombien ma foi est restée intacte et forte. Je la dois à ma grand-mère, et, aujourd’hui encore, ellem’aide à espérer des jours meilleurs, même si, parfois, l’envie de renoncer me traverse l’esprit. Je

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ne suis pas revenue ici depuis plusieurs mois, peut-être avais-je perdu l’espoir…

— Bonsoir.

Je me retourne aussitôt et croise le regard d’un jeune prêtre. C’est certainement le PèreBernardo…

— Mon Père…, soufflé-je, intimidée.

Son visage serein, empli de bienveillance et son sourire me réconfortent et m’apaisent. Ils’avance vers moi, une bible serrée contre son cœur et me demande d’une voix calme :

— Puis-je t’apporter mon aide, mon enfant ?

Je regarde derrière moi. Les portes de l’église sont à quelques mètres et je pourrais m’en alleraussi vite que je suis arrivée si je le souhaitais. Mais je croise à nouveau le regard de cet homme deDieu tout prêt à me tendre sa main.

— Oui, mon Père… J’ai besoin de me confier à quelqu’un…

— Viens avec moi, dit-il en me tendant sa main.

Je m’approche lentement d’un pas incertain. Le Père Bernardo pose sa main sur mon épaule enme souriant, puis me dit tout en m’entraînant vers le confessionnal :

— C’est un grand pas en avant que de venir chercher une aide en ces lieux, mon enfant.

— Grand-mère m’a appris que je trouverais toujours ici les réponses à mes questions et la forcede continuer à me battre.

— Et elle avait entièrement raison, atteste-t-il en m’invitant de sa main à prendre place dans leconfessionnal.

J’entre et m’agenouille devant le Père Bernardo.

— Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. Amen, prononcé-je en me signant et croisant lesmains devant mon visage.

Le courage que je ressentais il y a encore quelques minutes vient de s’envoler. Le Père Bernardos’installe derrière la petite grille qui nous sépare. Je déglutis avec difficulté tant les mots memanquent.

— Bénissez-moi, mon Père, parce que j’ai péché, lui avoué-je, au bord des larmes.

— Que le Seigneur t’inspire les paroles justes et les sentiments vrais pour confesser tes péchésavec contrition.

— Je ne me suis pas confessée depuis si longtemps que je ne sais pas pour où commencer.

— Prends tout le temps qui te sera nécessaire…

Je respire profondément en cherchant au tréfonds de mon être les dernières parcelles de couragequ’il me reste pour lui ouvrir mon âme et mon cœur.

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— Mon Père, je vis avec un homme qui s’appelle Tom. Il était la personne avec qui je me voyaispasser le restant de mes jours, mais il s’est avéré qu’il n’est pas celui que je croyais. Au fil des mois,il est devenu possessif, injurieux… et violent.

— Violent ?

— Oui, mon Père. Au départ, ses mots sont devenus aigres et insultants, puis les premiers coupsont commencé à tomber. Et, entre-temps, j’ai rencontré un homme… il y a de ça quelques mois. Noussommes devenus très proches et il m’a apporté réconfort et paix intérieure. Il est un ami sur lequel jepeux compter à tout instant. Il est bon, bienveillant et si attentionné avec moi.

— Tu ressens des sentiments amoureux à son égard, n’est-ce pas ?

— Oui, mon Père… Je l’aime éperdument, et j’ignore comment le lui avouer. J’ai commis uneinfidélité en acceptant plusieurs de ses baisers, avoué-je d’une voix basse tant la honte me submerge.

— Avant tout, tu n’as pas été sincère envers toi-même. Vivre dans le mensonge n’est pas lasolution. Est-ce que ces sentiments sont réciproques ? Est-ce que ce garçon… Comment s’appelle-t-il ?

— Matthew, mon Père.

— Est-ce que Matthew éprouve les mêmes sentiments sincères à ton égard ?

— Je n’en suis plus certaine aujourd’hui. Sa petite amie est revenue d’un séjour à l’étranger, et jene veux pas briser leur couple. De quel droit le ferais-je ?

— Mon enfant… Tu dois prendre une décision pour toi, en premier lieu. Cet homme que tu disaimer ne doit pas être la raison pour laquelle tu quittes Tom. Si tu quittes Tom, tu dois le faire pourtoi-même. Cette décision n’appartient qu’à toi seule. As-tu essayé de discuter avec ton petit ami ?

— Il ne veut rien entendre, mon Père. Je suis affreusement perdue, éclaté-je en sanglots sur mesmains croisées devant mon visage.

— Tu dois garder l’espoir qui jaillit encore de toi. Tu me sembles si courageuse, si forte. Dieu teguidera. Il ne t’abandonnera jamais.

— J’ai l’impression que Matthew est la réponse à toutes mes prières. Qu’il est mon havre depaix, ma maison…, soufflé-je en séchant mes larmes du revers de la main.

— Mon enfant… Ta maison est là où se trouve ton cœur…

Je relève la tête et croise son regard attendri. Il a raison.

Je passe plusieurs minutes à vider mon cœur, à lui confier mes craintes les plus profondes et àpartager tous mes secrets. Il m’écoute en hochant la tête sans me juger une seule fois, mais il m’invitetout d’abord à être sincère avec moi-même, de refuser de vivre dans le mensonge et d’affronter toutesces épreuves qui me rendront plus forte.

— Ma porte te sera toujours ouverte, mon enfant, me dit-il d’une voix apaisante.

— Merci, mon Père.

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— Que Dieu notre Père te montre sa miséricorde. Par la mort et la résurrection de son Fils, Il aréconcilié le monde avec Lui et il y a envoyé l’Esprit Saint pour la rémission des péchés. Par leministère de l’Église qu’il t’accorde le pardon et la paix. Et moi, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je te pardonne tous tes péchés.

— Amen, dis-je en posant ma tête sur mes mains.

Le Père Bernardo se retire. Je reste un instant à prier et à me remettre de mes émotions qui ont étéintenses. Lorsque je ressors de l’église, mon cœur est plus léger. Je contemple une dernière fois cetendroit si cher à mon cœur en repensant aux paroles du Père Bernardo :

« Ne perds pas espoir… »

Espoir ? Ces six lettres qui nous poussent à y croire envers et contre tout. Comme le prénom queje porte… Je me demande encore aujourd’hui, pourquoi mes parents ont eu la brillante idée dem’appeler comme ça… Ironie du sort ? Allez savoir…

Je place mon sac sur mon épaule et m’avance vers mon pickup garé de l’autre côté de la rue.

— Hope ?

Non, c’est impossible !?

Je regarde sur ma droite. Matthew marche dans ma direction, les mains dans les poches. Il atoujours cet air embarrassé qui ne quitte plus son visage. Je vais le rejoindre en croisant les brascontre ma poitrine et lui demande d’une voix désintéressée :

— Matthew ? Que fais-tu ici ?

Il s’arrête à quelques pas de moi comme si m’approcher lui était impossible. Je lève un sourcilinterrogateur en gardant également mes distances.

— Je passais par-là et j’ai vu ta voiture, fait-il en me montrant d’un signe de tête ma Chevrolet.

— Et ?

— Je suis désolé pour ce matin. Mais Brooke est si…

— Superficielle ? Hautaine ? Ou bien… Attends, laisse-moi réfléchir… Manipulatrice etdominatrice, peut-être ? demandé-je en levant les yeux au ciel.

Matthew se gratte la tête comme il le fait lorsqu’il est mal à l’aise. Il réprime un souriremaladroit et s’avance vers moi.

— Oui, effectivement… Elle est tout ça et je pourrais même ajouter… vindicative, dit-il encaressant du revers de la main mon visage.

Je ferme un instant les yeux. Sa tendresse et sa présence m’ont terriblement manqué. Je me meursde le serrer tout contre mon cœur, mais je n’en ai pas le droit, et lui non plus. Cela ne nous mènerait à

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rien. Je recule d’un pas et lui souffle :

— Tu m’as laissé tomber vulgairement, comme si je n’avais jamais compté pour toi, Matthew.

— Non ! proteste-t-il aussitôt en s’avançant à nouveau, mais je recule encore. Tu n’as pas le droitde dire des choses pareilles. Je te jure qu’il ne s’est rien passé entre nous à part le baiser que tu as…

— Vu ? Oh oui, elle a pris un malin plaisir à le partager avec ta serveuse, pesté-je en levant lesbras en l’air.

— Je pars demain matin en vacances, et…

— Tu pars tout de même ? m’écrié-je, abasourdie.

— Oui, Hope. Je n’ai pas le choix et…

— Tu m’as dit une fois…, lui rappelé-je en m’avançant vers lui. … que nous avions toujours lechoix, ajouté-je en posant ma main sur son visage. Je sais que c’est vrai, mais ta situation est biendifférente de la mienne, et tu le sais très bien, Matthew.

Je m’éloigne et ajoute d’une voix lasse, les yeux noyés de larmes :

— Au revoir, Matthew. Passez de bonnes vacances.

— Non, mais attends, Hope !

— Ne me suis pas ! le supplié-je en appuyant mon regard malheureux dans le sien.

— Hope, je…

— Non !

Je balaye l’air de la main et traverse la route. Je monte dans mon pickup et remarque une petiteenveloppe glissée sous l’essuie-glace. J’ouvre ma fenêtre et passe ma main à l’extérieur pourl’attraper. Mon nom est inscrit sur le devant. Je regarde autour de moi. Matthew n’est plus là. Jel’ouvre et en sors une petite carte du Lily’s Coffee.

— C’est Matthew…, dis-je en posant mes doigts tremblants sur mes lèvres.

« Je ressens la même chose que toi. Moi aussi, je t’aime…

J’ai passé de merveilleux moments avec toi que je n’oublierai jamais.

Malheureusement, tu as décidé de prendre une tout autre route, sans moi… »

Oh non ! Il a baissé les bras devant cette montagne de soucis qu’est ma vie. Il pense que j’aichoisi Tom, et pas lui. J’ai manqué une nouvelle fois de courage en rentrant chez moi. Mais lui ? Oùen est-il avec Brooke ? Pourquoi a-t-il décidé de partir en vacances avec cette jeune femme si froideet si futile. Il a certainement choisi la facilité, lui aussi.

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— Pourquoi, Matthew ? demandé-je à voix basse en regardant une nouvelle fois autour de moi.

Il est bel et bien reparti. Quand le reverrai-je ?

19 h 50

En arrivant à la maison, une camionnette de la compagnie du réseau téléphonique est garée devantnotre allée. J’ouvre la porte. Tom accourt vers moi, un sourire sincère aux lèvres, et me pose unbaiser sur la joue. Mais qu’est-ce qu’il fait à la maison à cette heure de la journée ? Et qui est cethomme ?

— Bonjour, bébé. As-tu passé une bonne journée ? me demande-t-il d’une voix mielleuse.

Quoi ? Je ne comprends rien… A-t-il déjà effacé notre dispute de sa mémoire ?

Tom m’entraîne dans le salon où un homme est en train d’installer ce qui me paraît être letéléphone. Je dévisage mon petit ami sans rien comprendre et lui demande discrètement pour ne pasembarrasser l’installateur.

— Tu fais installer le téléphone chez nous ?

— Oui, bébé, me chuchote-t-il à l’oreille.

— Mais pourquoi ?

— Tu pourras te sentir plus proche de tes parents et les appeler autant de fois que tu lesouhaiteras.

Oh non !

— Comment ? demandé-je, abasourdie.

— J’ai compris que tu te sentais seule, et je sais que tout est ma faute, bébé. Tu pourras appeler tafamille, tes amies ou bien Elisabeth, ta cousine.

— Mais pourquoi… ?

— Je pourrai aussi te joindre à la maison, lorsque je termine plus tard au garage, ajoute-t-il, endéposant un baiser sur ma tempe.

— Je ne sais pas quoi…

— Tu es heureuse, bébé ? me coupe-t-il, soucieux de ma réaction.

Je le dévisage, abasourdie, sans comprendre. Je pensais retrouver un homme en colère et qui meharcèlerait sur notre dispute de la veille. Au lieu de cela, je découvre un Tom attentionné et qui prenden considération mes remarques d’hier soir. Mais l’installation du téléphone et l’idée que mesparents puissent me joindre ou que Tom puisse m’appeler ne m’emballe absolument pas. J’ail’impression que la corde nouée autour de mon cou vient de se resserrer d’un cran.

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— Voilà, M. Woods. Le téléphone est installé et tout fonctionne correctement, nous annoncel’installateur qui attrape sa mallette au sol et traverse le salon.

— Merci, Monsieur, lui dit Tom en lui serrant la main.

— Mademoiselle, me salue-t-il en relevant sa casquette.

— Euh… Au revoir et merci…, bafouillé-je encore sous le choc de la nouvelle.

La porte d’entrée se referme sur l’installateur. Tom m’attrape dans ses bras en me serrant contrelui. Puis, il pose ses mains sur mes épaules et m’annonce :

— Je t’invite au restaurant, bébé.

— Au restaurant ? lui demandé-je, de plus en plus abasourdie.

Tom ne m’a pas emmené au restaurant depuis… quoi… ? Plus d’un an. Mais que lui arrive-t-il ?

— Hope ?

— Oh ! Pardon, Tom. Oui, bien entendu. Laisse-moi juste le temps de me préparer, lui dis-je enm’avançant vers les escaliers d’un pas indécis.

— Bébé ?

— Oui, réponds-je en me retournant légèrement vers lui.

— Je suis désolé et je te jure qu’à partir de ce soir, les choses vont changer. Je t’en fais lapromesse.

— Bien, Tom.

Je remonte les escaliers et entre dans notre chambre. Je vais vers la terrasse en contemplant lanuit qui tombe au loin sur l’horizon. Je ferme un instant les yeux. La journée a été longue aujourd’hui,et la vie vient de me jouer un nouveau tour. Tom aurait-il réellement pris la décision de changer ?Doit-on laisser une seconde chance à quelqu’un qui prend conscience de ses erreurs ? Dois-jel’aider ? Est-ce mon devoir de le faire ? Mais si je ne le fais pas, qui le fera ?

Pourquoi ai-je la terrible impression que tout ceci sonne faux ?

21 h 05

Arrivés au restaurant de M. Pearce, Tom m’aide à m’installer et prend place face à moi. C’est unendroit très agréable et j’ai déjà déjeuné ici avec les filles. Les plats sont délicieux et les dessertsincroyables. Leur spécialité est la viande grillée accompagnée de pommes de terre au four. Unserveur, tout sourire, nous apporte la carte en nous souhaitant la bienvenue, puis repart vers lacuisine.

— Hope ?

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— Oui ? lui dis-je en parcourant le menu qui m’a l’air appétissant.

— Je te demande pardon, bébé. J’ai merdé… et pas qu’un peu.

Je pose le menu sur la table, bouche bée par ses mots qui n’en finissent pas de résonner dans matête.

« Je te demande pardon… »

Je regarde autour de moi, mais les clients de l’autre table sont bien trop loin pour entendre notreconversation. Tom reprend aussitôt :

— Je comprends ton besoin d’être avec lui.

— Quoi ? demandé-je, abasourdie.

— Laisse-moi continuer, s’il te plaît.

J’acquiesce de la tête sans le quitter des yeux. Tom pose sa main sur la mienne et reprend :

— Il devait t’écouter, te rassurer et être là à chaque fois que tu en avais besoin. Et moi, idiot queje suis, je t’ai abandonnée. Sans parler de mes crises… d’hystérie.

— D’hystérie ?

— J’ai été voir le médecin cet après-midi, m’avoue-t-il, gêné.

— Tu as dit… médecin ? soufflé-je, la gorge nouée.

— Il m’a prescrit un traitement à prendre tous les jours afin de calmer mes pulsions et mesangoisses. Tu avais raison, bébé. J’ai besoin d’aide, me confirme-t-il en baissant la tête vers sonassiette.

Je reste sans voix. Tom vient de prendre conscience de sa culpabilité et a décidé de se fairesoigner. Je lui réponds doucement sans le brusquer :

— Je suis désolée, Tom. Je suis certaine que tu vas t’en sortir, lui assuré-je en relevant sonmenton de ma main pour le regarder droit dans les yeux.

Tom, au bord des larmes, me souffle :

— Je t’aime tellement, Hope… Pourras-tu me pardonner un jour tout le mal que j’ai pu te faire,bébé ?

Je déglutis avec difficulté, tentant de trouver les mots justes afin de lui répondre. Je ne veuxsurtout pas déclencher une nouvelle crise de nerfs ici, au sein du restaurant de M. Pearce.

— Seul le temps nous le dira, Tom. C’est très courageux de ta part d’avoir été voir le médecin. Jesuis si fière de toi, lui dis-je en lui souriant tendrement.

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Tom se penche vers moi, et me dépose un baiser sur les lèvres. Le serveur revient prendre notrecommande. Tom et moi, nous nous regardons et nous nous sourions devant le regard hébété du jeunehomme qui attend, le bloc en main.

Le dîner se passe merveilleusement bien et nous discutons de tout et de rien. Tom ne m’a pasparlé de Matthew et, pour lui, le chapitre à l’air clos. Il me confie qu’Éric va partir à la retraite etqu’il compte lui laisser le garage en gérance. Je le félicite aussitôt, et je me surprends moi-même àlui parler de mon projet de boutique d’antiquités. Il me semble emballé par la nouvelle etm’encourage à me renseigner au plus vite. J’en reste surprise, mais soulagée.

La soirée se termine par une ballade en ville, main dans la main. Cela faisait si longtemps quenous n’avions plus passé de temps tous les deux. Puis, Tom nous a ramenés chez nous. Une fois dansnotre lit, il m’a tout simplement déposé un baiser sur les lèvres en me chuchotant :

— Bonne nuit, bébé. Je t’aime tant…

Puis, il s’est blotti dans mes bras, sans rien ajouter. Mon cœur s’est alors remis à battre, etl’espoir est réapparu à nouveau au loin dans mon tunnel froid et sombre. Le ciel aurait-il entendu mesprières ? Je veux le croire…

00 h 53

Pensées du soir :

Je n’arrive pas à dormir…

On pense tout savoir… Que la journée ressemblera à celle que nous avions imaginée ettournée en boucle des centaines de fois dans notre tête. Je sais à présent que ce que je vivaisauprès de Matthew vient de s’envoler avec le retour de Brooke. Il m’a effacée de sa vie en un riende temps comme si notre histoire n’avait jamais compté ni existé ou bien… peut-être uniquementdans ma tête.

Ce vide incommensurable se creuse inexorablement dans mon cœur dont je ne peux encontrôler la descente aux enfers. Je me meurs de lui et de le serrer contre moi. De sentir son odeurcontre ma peau et ses lèvres se poser à nouveau sur les miennes. Quand tout cela passera-t-il, si,toutefois, cela doit passer un jour ? Quand vais-je retrouver une raison d’être ? Comment survivreà la perte de l’être aimé ? Comment ?

Tom, lui, m’a ramené à ma famille en installant ce moyen de les sentir proches de moi. L’a-t-ilréellement fait pour moi et par amour comme il me l’a juré ? Ou bien pour me mettre une pressionsupplémentaire avec l’aide sournoise de mon père ? Je veux lui laisser le bénéfice du doute, maisje reste perplexe par son soudain changement qui me paraît tout sauf normal. Aurait-il prisconscience du mal qu’il m’a infligé ? Va-t-il réellement suivre son traitement ? A-t-il peur de meperdre au point de vouloir changer afin de me garder auprès de lui ?

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Ce soir, j’ai l’impression d’être infidèle à Matthew en étant allongée aux côtés de Tom. Commesi je le trahissais d’une certaine façon… Mon corps est là, mais mon âme, non…

Bonne nuit, Matthew… Où que tu sois… Je pense à toi…

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- XII -

Vendredi 9 mai 1975 à 18 h 55

Sur la route qui me ramène à la maison, je repense à cette semaine extrêmement éprouvante. Ledépart en vacances de Matthew au bras de sa petite amie, Brooke, a laissé un vide que personne n’apu combler. Les filles m’ont sortie, baladée et goinfrée de gâteaux au chocolat, mais rien n’aremplacé son absence. Le café m’a semblé vidé de son âme, et même Liliane était triste de savoir sonfils si loin de Port Clyde. Nous n’avons pas eu de nouvelles de la semaine. Tout ce que je sais, c’estqu’ils sont partis en voiture mardi matin de bonne heure, et qu’ils ont loué une maison en bord demer. L’image de leurs corps serrés l’un contre l’autre m’a lacéré le cœur chaque fois que je pensais àlui. Je sais combien il peut être adorable et plein de tendresse. Sait-elle au moins la chance qu’ellea ?

J’ouvre la porte de chez moi et remarque que Tom n’est pas encore rentré. Je pose mes clés àl’entrée et traverse le salon. Un petit bout de papier posé sur le comptoir de la cuisine attireimmédiatement mon attention.

« Bébé…

Je suis passé à la maison dans la journée pour te laisser ce petit mot… Je n’ai pas osé tedéranger au café… J’aimerais que tu portes une jolie robe pour m’accompagner ce soir sansposer de questions. J’ai une surprise pour toi et j’espère qu’elle te plaira… Je t’aime…

Tom »

Une surprise ?!

Je regarde l’heure et il est déjà plus de 19 h 00. Il ne va certainement pas tarder à rentrer à lamaison, et je ne suis pas encore prête. Je secoue le papier devant moi comme si j’avais besoin d’airtout à coup. Que se passe-t-il ? Pas que je n’aime pas les surprises, mais, venant de Tom, cela mesemble étrange. Il ne m’a jamais écrit de petit mot et encore moins fait de surprise. Peut-être est-ilréellement en train de changer…

Tom a été agréable toute la semaine et il est rentré tous les soirs plus tôt afin de me tenircompagnie. Il a commencé son traitement et j’avoue remarquer de réels changements dans soncomportement. Il me semble plus calme et plus serein. Même les traits de son visage se sont radoucis.Je veux croire qu’il est en train de changer. Il prend soin de moi et me demande mon avis avant de

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prendre une décision. J’ai l’impression de renaître de mes cendres, mais tout cela est la face émergéede l’iceberg. Mon corps est là, mais ma tête, elle, est à des centaines de kilomètres de Port Clyde. Jene peux contrôler ce que je ressens au fond de mon cœur, et je sais que cela ne passera pas du jour aulendemain. Je n’ose croire que Matthew et moi, nous ne serons plus jamais les mêmes et que nousdevrons oublier ce lien particulier qui nous a unis. Plus les jours passent et plus je réalise qu’il memanque atrocement…

20 h 15

Je termine d’appliquer une dernière touche de maquillage. Un coup de blush sur les joues et sur lefront. Parfait ! J’ai passé une petite robe que je me suis offerte cette semaine à la boutique de Linda.J’avais besoin de porter quelque chose que je n’avais pas acheté en compagnie de Matthew. Et au vudes nombreuses fois où il m’a accompagnée faire les magasins, ça se résume à presque toute manouvelle garde-robe. C’est une robe bustier bleu pastel qui m’arrive au-dessus des genoux, avec depetites fleurs blanches. J’ai passé une veste blanche et glissé un bandeau blanc sur les cheveux. Je metrouve jolie, et je me surprends moi-même à sourire devant le miroir.

J’entends la porte d’entrée se refermer. Il doit être rentré…

— Bébé ? Tu es là ? m’appelle Tom en bas de l’escalier.

— Oui. Je termine de me préparer, lui réponds-je en ajustant mon bustier.

J’espère qu’il ne va pas trouver cela trop décolleté.

Tom tape à la porte de la salle de bain qui est pourtant grande ouverte et je croise son regardattendri dans le miroir. Je me retourne en lui souriant. Je dois être rouge écrevisse tant je me sensembarrassée.

— Tu es magnifique, bébé… Cette robe te va très bien, me complimente-t-il en me dévorant desyeux.

— C’est vrai ? Je suis rassurée. J’avais peur qu’elle ne soit pas à ton goût, lui avoué-je en posantma main sur mon cœur comme si je respirais à nouveau.

— Peu importe ce que tu portes, bébé… Tu seras toujours la plus jolie, pour moi. Je net’approche pas sinon on ne partira jamais d’ici, me dit-il en m’adressant un clin d’œil.

— Oh… je…

— Je t’attends en bas, me coupe-t-il aussitôt, un sourire malicieux aux lèvres.

Il a senti ma gêne. Il est vrai que ses mots m’ont embarrassée, mais, en même temps, je doisavouer qu’ils m’ont aussi touchée.

20 h 45

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— Où allons-nous ? demandé-je, curieuse, en regardant le paysage défiler par la vitre.

— C’est une surprise, bébé, mais on y sera bientôt, me répond Tom en tournant à droite à la sortiede la ville.

Il prend la route en direction du Sud. J’ai le cœur qui va lâcher tant je ne supporterais pas d’alleravec lui au phare. Ce havre de paix a bercé tous ces merveilleux moments passés aux côtés deMatthew ; il m’est presque sacré. Impossible pour moi de prendre du plaisir et de me détendre avecTom en ces lieux. Mais il tourne à gauche en longeant le bord de mer et me regarde du coin de l’œil.Je lui souris tout en tentant de me décrisper. Tom pose sa main sur mon genou et le serre entre sesdoigts en me soufflant :

— On y est presque, bébé. J’espère que tu vas aimer…

Il se gare sur l’allée d’une maison blanche qui fait face à l’océan. Seule la route nous sépare dubord de mer qui se trouve à une centaine de mètres. C’est juste magnifique et le coucher de soleil estincroyable. Était-ce cela qu’il voulait me montrer ?

— C’est magnifique, Tom…

— Je savais que tu aimerais cet endroit. Viens, me lance-t-il, surexcité, en sortant de la voiture.

J’ouvre ma portière, sans comprendre. Tom me rejoint aussitôt et me tend sa main. C’est terriblecombien ce simple geste me rappelle celui de Matthew. Je secoue nerveusement la tête pour eneffacer les images. Je sors et Tom me serre contre lui en me faisant tourner lentement face à lamaison.

— Qu’en penses-tu ? me demande-t-il en passant ses bras autour de ma taille, la tête posée surmon épaule.

— Elle est… grande et très belle. De plus, la vue est magnifique face à l’océan.

— Il y a un jardin derrière aussi… Et, un jour, nos enfants pourront en profiter, me chuchote-t-il àl’oreille tendrement.

Quoi ?!

Je me retourne aussitôt et recule de quelques pas pour m’éloigner de lui.

— Qu’as-tu dis ? Pourquoi ? À qui appartient cette maison ?

— Si elle te plaît, on peut la visiter dès ce soir, me propose-t-il en s’avançant vers moi.

Il sort une clé de sa poche et la dépose au creux de ma main. Je la regarde, abasourdie, comme sile monde me tombait sur la tête.

— Mais… Nous avons déjà une maison !

— Celle-ci est plus grande et…

Tom se racle la gorge et baisse un instant les yeux.

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— … elle ne regorge pas de mauvais souvenirs. C’est un nouveau départ, bébé, me souffle-t-il enrelevant des yeux malheureux vers moi.

— Je ne sais que dire… C’est si… inattendu, dis-je en me tournant face à la maison.

Elle est magnifique. Effectivement, cela serait une nouvelle vie qui pourrait démarrer ici, entreces murs. Mais pourquoi ne suis-je pas heureuse, alors ? N’est-ce pas cela que j’ai attendu toute mavie ? Avoir une maison et fonder ma propre famille ? Mais quelque chose ne s’emboîte pas dans cepuzzle décomposé qu’est mon existence.

Je traverse l’allée et monte les escaliers qui mènent au perron. Une terrasse contourne la maisonet me rappelle malheureusement celle de la plage aux volets bleus. Mais elle ne lui ressemblerajamais. Celle-ci ne dégage rien de particulier. Ce n’est qu’un tas de planches en bois vide d’émotion,à l’inverse de celle de Matthew. Je sais que je dois arrêter de tout comparer, mais j’ai l’impressionque tout me saute au visage, à chaque fois que j’essaye de faire un pas en avant.

— Bébé ?

— Oui ? réponds-je en m’avançant vers la porte d’entrée.

— Donne-moi une dernière chance…

Je regarde la clé au creux de ma main et la glisse dans la serrure en déverrouillant cette porte quime mène à ce futur encore bien incertain, mais auquel je veux m’accrocher. Je dois tourner la page…Ou du moins tenter… Dois-je lui pardonner et lui accorder, une dernière fois, ma confiance ? Celane tient qu’à moi, à présent.

— Wouahhh…, dis-je en tournant sur moi-même pour regarder autour de moi.

Le soleil couchant traverse les baies vitrées de la pièce qui se trouve sur la gauche et forme desjeux de lumière magnifiques sur les murs. Tom presse l’interrupteur pour allumer les ampoules duhall. Puis, il s’appuie sur l’embrasure de la porte d’entrée en croisant les bras. Il me dévore de sonregard brillant et me semble heureux, en paix avec lui-même. Je retrouve enfin ce sourire quej’aimais tant au début de notre histoire.

J’entre dans le hall d’entrée où un large escalier en bois blanc mène à l’étage. Sur la gauche, unegrande pièce est baignée sous les derniers rayons de soleil qui traverse les baies vitrées. Unecheminée en pierre dans l’angle y apporte une touche harmonieuse et chaleureuse. Je m’avance etouvre une porte se trouvant au fond de la pièce. Je découvre une cuisine toute équipée en bois patinéblanc avec un îlot central donnant sur le jardin. Jamais je n’ai cuisiné dans un espace aussi vaste.

— Alors ? me demande Tom, me ramenant à la réalité.

— C’est vraiment un endroit… incroyable…

Tom me contourne en glissant son regard brûlant sur mes lèvres. Il pose son front sur le mien etme sourit en me caressant la joue du revers de la main.

— Bébé… Je n’imagine pas vivre toute une vie sans t’avoir à mes côtés. Je me suis juré à moi-même de tout faire pour devenir digne de toi…

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— Tom…

— Non, laisse-moi terminer, me dit-il en posant ses doigts sur mes lèvres.

Je le regarde droit dans les yeux en fouinant dans son regard. Il est si différent que je n’arrive pasà y croire, ou du moins, pas encore.

— Ce traitement que je prends me fait beaucoup de bien. Je sais que le chemin est encore long,mais à deux on sera plus forts.

Tom recule et pose un genou au sol sans me quitter des yeux. Il passe sa main à l’intérieur de saveste et en sort une petite boîte rouge en forme de cœur.

— Oh… !

Je joins mes mains sur ma bouche tant je redoute ce qui va suivre. Tom ouvre la petite boîte et unebague de fiançailles scintille de tout son éclat.

— Hope Obrien, me ferais-tu l’honneur de devenir ma femme ?

Je le regarde, stupéfaite, sans savoir que répondre. Je repense à ces derniers mois où ma vie abasculé dans les ténèbres. À ma rencontre avec Matthew qui m’a ramenée vers la lumière et à tousces moments merveilleux que nous avons partagés ensemble. Ses baisers me brûlent encore les lèvrestant le manque m’est insupportable. Mon cœur n’appartient pas à 100 % à l’homme agenouillé à mespieds et qui, pourtant, se livre une bataille sans merci pour s’en sortir. Je suis prise entre deux feux.

— Bébé, je sais que je n’ai pas été le petit ami que tu avais imaginé en sortant avec moi. Je saisque j’ai merdé, et pas qu’un peu, mais je fais tout pour te prouver combien je t’aime. Ne me dis quetu ne l’as pas remarqué, je t’en supplie.

— Bien sûr que si, Tom. Je suis si fière de toi, sincèrement….

— Mais…, me coupe-t-il aussitôt, soucieux.

— Mais j’ai peur de ne pas être celle qu’il te faut…, avoué-je en baissant la tête.

Tom se relève et me rejoint. Il sort la bague de son écrin et pose la boîte sur le comptoir de l’îlotcentral. Il attrape ma main gauche et me murmure d’une voix douce :

— Tu es celle que je veux. Je t’aime tellement, bébé… Plus que ma propre vie et je donneraistout ce que j’ai pour te rendre heureuse. Je… Je deviendrais dingue si je te perdais…, gémit-il d’unevoix torturée en secouant la tête nerveusement. Dis-moi que tu m’aimes encore.

— Euh… Oui, Tom… Je…Je t’aime…, réponds-je sans grande conviction.

Ses yeux s’embuent de larmes. Tom acquiesce de la tête en me soufflant :

— Un jour… Tu m’aimeras à nouveau comme avant.

Tom attrape ma main et glisse la bague à mon doigt. Je tremble comme une feuille, incapable dedire quoi que ce soit. Je le dévisage, bouche bée et tétanisée sur place.

— Tu veux bien m’épouser, bébé ?

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Délicatement, sans me laisser le temps de répondre, Tom agrippe tendrement ma nuque. Il sepenche et m’embrasse sans me quitter des yeux. Je ferme les miens en tentant de me laisser aller à satendre étreinte. Accorde-lui cette dernière chance, Hope… Le moment tant redouté… Celui où nousnous rendons compte que les papillons dans le ventre ne s’envolent pas et que le cœur bat à un rythmerégulier. Ce baiser, aussi intense soit-il, n’est en aucun cas comparable à ceux que j’ai partagés avecMatthew. C’est plus fort que moi, mais je n’arrive pas à ressentir cette intensité avec Tom.

Pourtant, lorsqu’il me soulève et qu’il me pose sur le comptoir de la cuisine, quelque chose sepasse… La chaleur envahit mon ventre et je me laisse aller à cette envie qui se fait sentir. Tom meserre contre lui et attrape mes jambes qu’il passe autour de sa taille. Il frotte son sexe durementdressé contre le mien en passant sa langue dans mon cou et en agrippant ma poitrine entre ses mains.Son souffle chaud embrase tous mes sens, m’arrachant un gémissement de plaisir. J’ai besoin decontact et de me sentir à nouveau désirée.

— Bébé, j’ai tellement envie de toi, me siffle-t-il entre ses dents.

— Tom…

Je renverse la tête en arrière, submergée par le désir qui n’en finit pas de s’amplifier au creux demon ventre. D’un seul mouvement, Tom m’allonge sur le comptoir en me reluquant de haut en bas. Ilme rejoint en se positionnant au-dessus de moi. J’ai le souffle court et le cœur qui va me sortir de lapoitrine tant le besoin de ressentir quelque chose m’obsède. Serais-je en train de tenter de meprouver quelque chose ?

Tom glisse sa main sous ma robe sans me quitter des yeux. Il se penche sur moi et m’embrasse àpleine bouche en pressant ses lèvres sur les miennes. Je secoue la tête, mais trop tard… Son odeur etsa peau luisante de sueur me répugnent et me rappellent ses paroles :

« Je vais te montrer ce que c’est, un homme. Après ça, tu me supplieras de rester… Tu es à moi,bébé…. Je préfère te voir morte que dans les bras d’un autre… »

Elles continuent à résonner dans ma tête et m’arrachent un frisson d’effroi.

— Toms attends, s’il te plaît, murmuré-je contre ses lèvres.

— Que se passe-t-il, bébé ? me souffle-t-il, excité.

— Pas ici… Je ne me sens pas prête…

Tom s’arrête instantanément, la tête posée sur ma poitrine. Une sensation d’étouffement me nouela gorge et les larmes me montent aux yeux. Merde !? Il se laisse glisser du comptoir et m’yabandonne. Je me relève en prenant appui sur mes mains et croise son regard. Tom,vraisemblablement déçu, recule. Il s’adosse au réfrigérateur et, contre toute attente, me sourit.

— Désolé… Je me suis laissé emporter par tout ça…, dit-il en regardant autour de lui.

— Moi aussi…, avoué-je à voix basse en baissant légèrement les yeux.

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— Tu en penses quoi, alors ? me demande-t-il en croisant les bras devant lui.

Je cligne des paupières, étonnée par la capacité avec laquelle il arrive à passer du coq à l’âne. Jetente de reprendre pied en laissant retomber la tension, car j’ai bien cru qu’une dispute allait éclaterentre nous. Mais Tom vient de me surprendre, et positivement. Il a incroyablement bien géré lasituation, le tout sans s’emporter. Je lui réponds d’une voix mielleuse afin de ne pas réveiller le loupqui sommeille en lui :

— Cette maison est superbe, mais nous n’avons pas les moyens de l’acheter, voire même de lalouer ?

— J’ai eu une promotion, et mes parents se sont portés garants pour le loyer. J’avais une petitesomme de côté et j’ai donc pu payer les premiers mois en avance, ne t’inquiète pas.

— Donc tu as loué sans me demander mon avis ? rouspété-je aussitôt, déçue par sonempressement et le peu de cas qu’il fait de mon avis.

— Tu as l’océan en face, me montre-t-il, amusé, en pointant son pouce vers la fenêtre comme s’ilvoulait mettre toutes les chances de son côté.

Je plonge mon regard émerveillé sur l’horizon que la nuit commence à engloutir.

— J’avoue que le cadre est très agréable…

— Je voulais simplement te faire une surprise. Et puis… tu aimes déjà cette maison, bébé. J’ensuis persuadé.

Je hausse un sourcil suspicieux, mais il arrive à m’arracher un sourire timide. Je descends ducomptoir en m’approchant lentement de lui. Tom se redresse aussitôt, étonné. Je pose un baiser sur sajoue sans le quitter des yeux et lui murmure tendrement à l’oreille :

— Oui, elle me plaît… Merci.

Puis, je traverse la cuisine d’un pas indécis. Je contemple la bague qui brille à mon annulaire enla caressant du bout des doigts. Elle est superbe… J’ai le cœur serré dans ma poitrine et je n’arrivepas à décrire ce que je ressens. C’est un sacré fouillis dans ma tête… En tout cas, on ne peut nier queTom sait ce qu’il veut et n’a pas peur de l’exprimer ni de se battre pour moi. Contrairement àMatthew qui s’emmure dans ses principes et dans l’idée que c’est à moi de prendre une décision.J’aimerais réussir à le comprendre…

Serai-je assez heureuse ici ? Tom a-t-il réellement changé ? Je m’approche de la fenêtre enimaginant à quoi pourrait ressembler notre vie dans cette nouvelle maison d’où nous pourrionsrepartir à zéro...

Effectivement, la vue est époustouflante d’ici.

04 h 17

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Non !

Je me redresse sur mon lit. Le visage en sueur et le souffle court. Je pose la main sur mon cœurqui cogne fortement dans ma poitrine. Puis, je la tends devant moi. Ma bague est là… Je n’ai pasrêvé… Il fait encore nuit… J’attrape le réveil qui indique 04 h 17 du matin. Comment arriverai-je àtrouver le sommeil après cela ?

Les événements de la veille m’empêchent certainement de dormir. Je réalise que Tom m’a biendemandée en mariage et qu’il m’a offert un cadre de vie idéal. Je me suis donc laissé porter par lavague qui a déferlé sur ma vie. Une nouvelle maison, une nouvelle vie et un nouveau départ… Que vaencore me réserver mon Destin ? Suis-je en train de choisir le bon chemin ? Ou, au contraire, en trainde m’en détourner en acceptant d’épouser Tom ?

Après avoir quitté notre future maison, nous avons dîné en amoureux chez M. Pearce qui nous afélicités pour la merveilleuse nouvelle. En rentrant chez nous, je me suis abandonnée à corps perdusous les draps avec Tom, sans pour autant me sentir comblée… J’ai aimé me retrouver dans ses bras,me sentir désirée, mais je n’ai pas ressenti ce petit quelque chose au creux du ventre. Ni mêmeaperçu cette lueur au fond de ses yeux qui crépite de mille feux. Le vide qui s’est installé en moidepuis le départ de Matthew est toujours là, me saignant à vif… Mais l’angoisse qui grandit en moin’est en aucun cas liée à Tom. J’ai un redoutable pressentiment.

— Bébé ? Que se passe-t-il ? m’interroge Tom en se relevant précipitamment et allumant salampe de chevet.

Il s’approche de moi et me prend dans ses bras en me demandant :

— Tout va bien ?

— Oui, enfin… non… Je ne sais pas… Quelque chose m’a réveillé comme un… mauvais rêvedont les images resteraient floues…

Soudain, le téléphone retentit. Je regarde Tom, affolée. Les larmes me montent aux yeux…

— Quelque chose est arrivé ! Réponds, s’il te plaît. J’en suis incapable…

Tom attrape le combiné posé sur son chevet et me regarde tout en répondant :

— Oui ? Ici, Tom Woods… Bonsoir, Éric…

— Ce n’est que lui… Dieu merci…, chuchoté-je à voix basse, la main posée sur mon cœur.

Je suis rassurée, sans pour autant me sentir mieux, car la boule d’angoisse ne cesse de croîtredans mon ventre. J’ai l’impression qu’on vient de m’arracher une partie de moi.

— Ah oui ? Très bien. Je vais y aller et la remorquer jusqu’au garage. On verra avec lacompagnie d’assurance demain matin. Oui, ne t’inquiète pas, je m’occupe de tout… Merci, à toiaussi.

Tom raccroche le combiné et me regarde.

— Que se passe-t-il ? lui demandé-je en le sondant du regard.

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— Un accident de la route qui a impliqué un automobiliste et un camion de marchandises.Apparemment, le conducteur de la voiture aurait perdu le contrôle et percuté un arbre à l’entrée de laville.

— Et… il n’y a aucun blessé ?

— Ils ont été conduits à l’hôpital, mais je n’en sais pas plus. À mon avis, la voiture est bonnepour la casse, mais on verra demain avec l’assurance si cela vaut le coup de la retaper. Mais, là, jedois aller la remorquer jusqu’au garage. Je suis désolé, bébé, me dit-il en déposant un baiser sur meslèvres.

— Non, ne t’inquiète pas. Je comprends… Vas-y. Fais ce que tu as à faire.

Tom bondit hors du lit et enfile rapidement son pantalon et son tee-shirt. Il se penche sur moi, etme souffle :

— Rendors-toi. Je reviens aussi vite que possible, bébé.

— Oui, fais attention.

— Toujours…

Il m’embrasse et sort de la chambre. Je me rallonge en scrutant le plafond avec cette angoisseomniprésente au fond de moi. Mais que m’arrive-t-il ?

Samedi 10 mai 1975 à 09 h 35

Tom n’est pas rentré de la nuit, et cet accident va certainement l’accaparer une bonne partie de lajournée. Après ce coup de fil, j’ai très mal dormi et j’ai les yeux qui brûlent tant j’ai lutté pourtrouver le sommeil. Je me fais couler un café corsé, alors que je n’ai pas pour habitude d’en boire.Mais, pour me tenir éveillée aujourd’hui, je vais avoir besoin d’une fameuse dose de caféine. Je sorsde la cuisine et porte mon café à mes lèvres. Quelle horreur ! Je traverse le salon et regarde par lafenêtre qui donne sur la rue. Aucun signe de Tom.

Nous avions prévu de passer la journée ensemble étant donné qu’il veut annoncer à ses parents lamerveilleuse nouvelle dont la preuve brille à mon doigt. Étonnamment, je suis incapable d’exprimerce que je ressens. Je ne sais pas si je suis heureuse à l’idée de l’épouser ou si je viens de commettrela pire erreur de toute ma vie. Cette semaine à ses côtés s’est révélée un réel soulagement, un peucomme si le soleil brillait à nouveau et que la terre se remettait soudainement à tourner dans le bonsens. Mais est-ce que cet état de choses va perdurer ou éclater subitement comme une bulle desavon ? Pourtant, il a pris régulièrement son traitement deux fois par jour devant moi. Tout en prenantsoin de me prouver qu’il avait bien tout avalé, comme s’il ressentait le besoin de se justifier. Jetrouve qu’il s’arme de beaucoup de courage et de volonté pour se sauver lui-même et ainsisauvegarder ce qui reste de notre couple. C’est une preuve d’affection et d’amour, mais cela n’effaceen rien ces derniers mois de violence.

Je redoute la réaction de Matthew en apprenant la nouvelle. Comment lui annoncer que je viens

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d’accepter d’épouser Tom, après tout ce qu’il m’a fait subir ces derniers mois ? Et pire encore, aprèslui avoir avoué, à lui, que je l’aime. En acceptant cette demande en mariage, je tire un trait définitifsur ce que nous aurions pu construire ensemble, mais étant donné qu’il a choisi de suivre sa routeavec cette jeune femme futile qui lui sert de petite-amie, pourquoi aurais-je rejeté la demande deTom ? Peut-être pour moi, c’est évident… Mais j’ai envie de saisir cette chance de fonder ma proprefamille et Tom trouve toujours les mots pour me ramener à lui. Alors que Matthew s’emmure ets’interdit d’exprimer ce qu’il ressent pour moi et surtout ce qu’il souhaite pour nous.

Le téléphone retentit…

Je cours vers la cuisine et manque de trébucher sur la table basse en posant ma tasse.

— Eh merde !

J’attrape le téléphone posé sur le comptoir et réponds :

— Oui... Bonjour, Rose… Attends, doucement, je ne comprends rien si tu hurles !

Sa voix angoissante est soudainement contagieuse. Un frisson d’effroi m’envahit... J’ai du mal àrespirer tant je peine à retrouver mon souffle… Je pose ma main sur mon cœur qui tambourine dansma poitrine comme pour en calmer ses pulsations et lui demande :

— Répètes-moi tout cela mais plus calmement, s’il te plaît… Quoi ?!

Non ! Prise de tremblements, je relâche le combiné qui tombe au ralenti sur le sol…

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- XIII -

Beyoncé - Halo

Samedi 10 mai 1975 à 10 h 12

Les portes de l’hôpital s’ouvrent grand devant moi. Je me précipite à l’intérieur en cherchant dedroite à gauche à qui demander mon chemin. Un homme en blouse blanche s’approche de moi, undossier à la main.

— Docteur ! Les urgences, s’il vous plaît ? lui demandé-je complétement affolée en l’attrapantpar le bras.

— Au bout du couloir à gauche, Mademoiselle, m’indique-t-il du doigt.

— Merci !

Je traverse l’hôpital en trombe. Je bouscule plusieurs infirmières qui râlent en levant les bras enl’air, mais je suis terriblement inquiète. Le comptoir des urgences se trouve à quelques mètres demoi. Une foule s’est déjà amassée et la queue me semble interminable.

— Pardon, pardon. Laissez-moi passer, c’est urgent ! lancé-je, désespérée à l’idée de poser cettequestion qui me brûle les lèvres.

— Non, mais oh ! Faites la queue comme tout le monde ! râle un vieil homme.

— Désolée !

Je pousse tout le monde en me frayant un chemin jusqu’à l’infirmière postée derrière soncomptoir.

— Pardon ! dis-je, essoufflée, à un jeune homme qui remplit un dossier.

L’infirmière, stupéfaite, me dévisage en haussant un sourcil mécontent.

— Mademoiselle, vous devez faire la queue ! me gronde-t-elle d’une voix sévère en me montrantavec son stylo la file interminable derrière moi.

— Certainement pas ! Où est-il ? demandé-je en tentant de reprendre mon souffle.

— Qui ça ?

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— Mon…

— Votre… ?

Elle s’adosse à son fauteuil en fronçant les sourcils.

— Ahhhhh, mais non…, fais-je en me tapant la main sur le front.

L’infirmière croise, cette fois, ses bras contre sa poitrine et attend que je daigne enfin luirépondre. Je secoue la tête nerveusement et tape de la main sur le comptoir :

— Je cherche Matthew Cole ! Il a été transporté ici cette nuit, et je suis terriblement inquiète. Oùest-il ? Comment va-t-il ? Je vous en prie, dites-moi…

— Oh oh oh ! On se calme, jeune fille ! s’exclame-t-elle en agitant les mains devant elle.

— Je vous en prie…

Les larmes me montent aux yeux. Je suis désespérée à l’idée de savoir dans quel état il se trouve.

— Vous êtes de la famille ? demande-t-elle en attrapant un dossier sur le bureau.

Je la regarde faire comme si toutes les réponses se trouvaient à l’intérieur.

— Non !

— Sa petite amie, je suppose ?

— Non, je ne suis rien de tout ça ! Mais il est mon ami, ma bouffée d’oxygène, et puis on ritensemble, on pleure même parfois ! On fait des tas de choses ensemble et…

— O.K. Très bien, respirez calmement…

Je tente de reprendre mon souffle, mais la tension dans laquelle je suis plongée depuis hier vientd’exploser.

— Bien… Je vois que vous êtes très proches tous les deux, comprend-elle en levant un sourcilmalicieux.

Elle se penche vers moi en me souriant, et je fais de même.

— Chambre 215, au bout du couloir à droite, me chuchote-t-elle en m’adressant un clin d’œil.

— Merci ! Vous êtes un amour !

Je repars précipitamment en traversant le couloir qui n’en finit pas. Soudain, je tombe nez à nezavec Brooke qui sort d’une chambre à ma droite sur un fauteuil roulant, accompagnéevraisemblablement de ses parents. Elle me lance un regard plein de mépris en me dévisageant de hauten bas. Son père pousse le fauteuil et elle lève aussitôt la main en lui ordonnant d’une voix glaciale :

— Arrêtez-vous, père. Hope Obrien… Je présume que tu viens rendre visite à Matthew ?

— Comment va-t-il ? demandé-je, transie, en regardant sur la droite.

Je me dandine d’un pied sur l’autre tant que je suis pressée d’aller le rejoindre.

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— Tout est ta faute !

— Comment ? lancé-je, abasourdie.

— Je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais il n’est plus lui-même depuis que je suis revenue deLondres. Éloigne-toi de lui ! Tu ne fais pas partie de notre rang, et ça ne sera jamais le cas. Non,mais, regarde-toi !

Je jette un coup d’œil à ma tenue. Effectivement, je n’ai pas pris le temps de soigner ma toiletteen partant. J’ai enfilé un vieux Sweet à capuche avec un jean. Et pour cause, j’étais beaucoup tropinquiète pour me soucier de ces détails qui me semblent bien insignifiants compte tenu des derniersévènements.

— Tu penses, sincèrement, que je me suis souciée de cela, alors qu’il est sur un lit d’hôpital ?Mais quel genre de petite amie es-tu ?

— Le genre que tu ne seras jamais ! éclate-t-elle de rire.

Sa mère pose sa main sur son épaule comme pour lui demander d’arrêter immédiatement.

— Je n’en ai pas terminé avec toi… La guerre ne fait que commencer. Allons-y, père…

— Mademoiselle, me salue-t-il, suivi de sa femme qui me sourit terriblement embarrassée par lecomportement ignoble de sa fille.

Je les regarde s’éloigner et disparaître au fond du couloir.

— Sale garce !

Je jette un œil au numéro de la chambre sur ma gauche 202. Je ne dois plus être très loin… Jecours en lisant chaque numéro de porte.

— 207… 210… 215 ! murmuré-je en m’arrêtant devant la chambre.

L’homme qui fait battre inlassablement mon cœur depuis des mois se trouve derrière cette porte.Les paroles de Rose ce matin ont fait rejaillir en moi toute la puissance de cet amour que jecamouflais depuis des jours.

« Hope… Matthew se trouve à l’hôpital. Il a eu un accident de voiture cette nuit… »

Le pressentiment que j’ai eu ne me trompait pas. Est-ce que Tom savait que Brooke et Matthew setrouvaient à bord du véhicule ? A-t-il voulu me le cacher de manière à protéger notre couple, etsurtout lui ? Tom savait que j’accourrais au chevet de Matthew, mais si telle est sa raison, c’est qu’ila conscience des sentiments que j’éprouve pour lui.

— Porte 215…, chuchoté-je, une nouvelle fois, en lisant la pancarte sur la porte.

Je l’ouvre et me précipite à l’intérieur. Matthew est allongé sur le lit ; un bandage lui entoure latête. Il s’exclame aussitôt fou de joie :

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— Hope ?!

— Matthew !

Je m’approche de lui d’un pas instable et m’assois à ses côtés en posant ma tête sur son torse.

— J’ai eu si peur, éclaté-je en sanglots.

Il m’entoure immédiatement de ses bras et me souffle tendrement :

— Là, je n’ai rien… Je suis un dur à cuire, dit-il en levant son bras pour me montrer combien ilest fort.

Je relève la tête et croise son regard ému. Dieu qu’il m’a manqué. J’ai l’impression de revenir àla vie. C’est un peu comme si j’avais cessé de respirer pendant son absence. Le sang circule ànouveau dans mes veines et le soleil brille dans mon âme.

— Est-ce que tu vas bien ? Tu n’as rien ? Tu n’auras pas de séquelles, hein ? Tu te souviens demoi ? lui demandé-je en passant mes mains sur son bandage comme pour vérifier son état.

Matthew éclate de rire en posant sa main sur le côté gauche de son ventre.

— Oh, putain, j’ai mal… Tu vas me tuer un de ces jours…, continue-t-il en riant aux éclats.

— Joli jeu de mots, M. Cole ! Bravo !

Je me relève, les bras croisés contre ma poitrine, en déviant le regard tant il m’exaspère.

— Comment peux-tu imaginer que je puisse t’oublier une seule seconde ? me lance-t-il sansdétour en riant de plus belle.

— Si tu continues, je m’en vais !

— Désolé, mais ça me fait un bien fou…

— J’étais morte d’inquiétude, idiot ! Arrête de rire ! le sermonné-je en lui envoyant une tape surle bras.

— Aïe ! Tu m’as fait mal !

— C’était bien mon intention !

Matthew se frotte le bras en réprimant son sourire, mais je sais qu’il n’a pas fini de me taquiner.

— Même ça, ça m’a manqué…, me dit-il en pointant son doigt vers mon visage.

— Quoi donc ?

— Cet air renfrogné que tu prends quand tu actionnes le mode « bouderie », éclate-t-il à nouveaude rire.

Je lève les yeux au ciel… Je suis damnée…

— Tu as cette petite ride juste-là entre les sourcils qui apparaît lorsque tu te fâches, me fait-ilremarquer en me dévorant littéralement d’un regard aimant.

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Je peine à reprendre mon souffle tant je sens déjà cette douce chaleur m’envahir. Respire, Hope…

— Ce n’est pas vrai !

— Oh si, c’est vrai ! insiste-t-il en m’adressant un clin d’œil aguicheur qui m’empourpreaussitôt.

— Mais que se passe-t-il, ici ? lance une femme en blouse blanche qui entre dans la chambre.

Elle attrape le dossier médical qui est accroché au bout du lit de Matthew et lève un sourcilamusé vers nous.

— Je vois… Je suis le Dr Reed. C’est moi qui m’occupe de vous, aujourd’hui. Comment voussentez-vous ?

Matthew peine à reprendre son sérieux et répond d’une voix amusée :

— Bien, Docteur. J’ai un traitement de choc avec moi, éclate-t-il de rire.

Le Dr Reed réprime un sourire et me jette un coup d’œil. Je hausse les épaules en levant lesmains pour lui faire comprendre que je n’y suis pour rien.

— Nous allons vous garder encore vingt-quatre heures en observation et, si tout va bien, vouspourrez rentrer chez vous demain matin. Si vous avez des vertiges, des maux de tête ou bien desnausées, n’importe quoi, surtout, appelez-nous. Ces symptômes peuvent s’avérer dramatiques si on neles prend pas au sérieux.

— Oui, merci, répond-il en me regardant.

Me voilà à nouveau inquiète, et il l’a bien compris. Je m’approche et attrape sa main pour luifaire comprendre que je reste auprès de lui.

— Il vous faut autre chose ? Les antidouleurs pour vos contusions aux côtes vous soulagent-ils ?

— Cette jeune fille, à elle toute seule, est capable de guérir n’importe quelle de mes douleurs,lâche-t-il en rivant son regard brûlant au mien.

Mon cœur vient de manquer un battement ! Je tremble comme une feuille et Matthew resserre samain sur la mienne. Il caresse du bout des doigts ma paume et… ma bague !

Le Dr Reed nous sourit, touchée par ces marques d’affection à mon égard. Puis, elle remarque labague de fiançailles qui brille à mon doigt et pose le dossier médical contre sa poitrine en croisantles bras.

— Je vous souhaite beaucoup de bonheur. Vous avez là un fiancé fou d’amour pour vous,Mademoiselle. Je repasse en fin de journée vous voir, M. Cole. En attendant, soyez sage, luiconseille-t-elle en lui souriant.

Elle sort de la chambre en prenant soin de refermer la porte derrière elle afin de nous laisser unpeu plus d’intimité.

— Me… rci, bégaie-t-il en relevant ma main devant son visage ahuri.

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Je retire immédiatement ma main que je dissimule derrière mon dos. Matthew tente de seredresser, mais il a l’air de souffrir le martyre. Je m’approche en lui proposant :

— Attends, laisse-moi t’aider…

— Ne me touche pas ! s’écrit-il d’une voix froide.

— Mais…

Il s’assoit sur le lit, en clignant des paupières, sans comprendre. Il passe ses mains sur son visageet se mord nerveusement la lèvre en grimaçant.

— Pourquoi, Hope ?

Je baisse la tête. Je n’ai pas de mots pour lui expliquer ce que je ressens. Je ne sais pas moi-même où j’en suis. La vague qui a déferlé sur ma vie hier n’en a pas terminé avec moi. Elle vaengloutir tout ce qui me reste dans ce bas monde sans même se soucier que cela me brisera.

— Hope ! hurle-t-il en tentant de se relever de son lit.

— Non, ne bouge pas ! Tu dois rester allongé, lui dis-je en l’aidant à se rassoir.

J’arrange le coussin derrière son dos afin qu’il soit mieux installé.

— Voilà…, fais-je en croisant son regard désespéré.

Je viens de lui briser le cœur, et j’en ai bien conscience. Je le savais à la minute où cette bagues’est glissée à mon doigt. Matthew attrape ma main et contemple la bague. Il la caresse du bout desdoigts comme pour être sûr qu’elle est bien là.

— Tu lui as dit oui, Hope… malgré… Tu as choisi…, crache-t-il sèchement en relâchant mamain.

— Tu as fait pareil en partant en vacances avec Brooke, je te signale !

— Je viens de passer quatre jours en sa compagnie à me ronger les sangs et à tourner en rondcomme un lion en cage ! Tout cela pour lui annoncer que je la quittais, Hope ! J’ai rompu avecBrooke, car moi aussi, j’avais une décision à prendre et je l’ai fait, pour moi avant tout. Cette fillen’était pas faite pour moi ! Je… Merde, Hope ! Fais chier ! hurle-t-il en tapant du poing sur le lit.

Oh non ! C’est impossible !

À quelques heures près, je n’aurais certainement pas accepté d’épouser Tom, j’en suisconvaincue.

— Alors c’est pour ça que tu es revenu plus que tôt que prévu à Port Clyde ? lui demandé-jed’une voix tremblante.

— Oui. Pourquoi aurais-je prolongé ces vacances qui ne rimaient à rien ! Sur le chemin du retour,nous nous sommes disputés violemment et j’ai perdu le contrôle de la voiture, dit-il, amer, ensecouant la tête.

Il doit certainement se sentir coupable, et je n’ose lui poser cette question qui m’attriste déjà :

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— Tu as explosé ta… Mustang… ? Je suis désolée, je sais combien…

— Non, Hope. C’était sa voiture…, me coupe-t-il avec un pâle sourire.

Je réprime le mien, mais la situation n’en est pas moins dramatique pour autant. Je recule sansdire un mot. Je vais jusqu’à la fenêtre et regarde les gens sortir de l’hôpital. Certains sontaccompagnés de leur famille, d’autres sont au bras de la personne qu’ils aiment, et puis il y a cespersonnes… Celles qui sont seules, terriblement seules… Je fais partie de ces gens qui s’enfoncentdans les ténèbres, assez stupides pour creuser leur propre tombe. C’est ce que je viens de faire enacceptant que Tom devienne mon mari. Je sèche les larmes qui ruissellent sur mon visage. J’ail’impression que mon cœur va me sortir de la poitrine tant la douleur est déchirante.

— Les choses ne seront plus jamais les mêmes entre nous. Tu en as bien conscience ? medemande-t-il d’une voix lasse.

— Bien sûr que je le sais, lui réponds-je en me tournant vers lui.

— Elles n’étaient déjà pas simples, mais là…

— Dis-moi, Matthew. Pourquoi t’obstines-tu à emmurer ce que tu penses ? J’ai besoin del’entendre, besoin de comprendre où je vais…

— Tu le sais très bien ! Merde, Hope ! Je viens de rompre avec Brooke ! hurle-t-il de plus belle.Dégage de ma chambre !

— Quoi ?

— Dégage ! m’assène-t-il, le regard noir de colère.

— Tu n’es qu’un imbécile ! Je te déteste !

— Et moi donc ! Va-t’en, laisse-moi seul !

Je traverse la chambre et ouvre la porte qui claque contre le mur. Sans même le regarder, je sorsen courant pour m’enfuir le plus loin possible. Je croise le Dr Reed :

— Mademoiselle, est-ce que tout va bien ?

— Laissez-moi, je vous prie, dis-je en balayant l’air de la main.

— Allez, vas-y, fuis ! Comme toujours ! me lance Matthew à l’autre bout du couloir.

Je sors de l’hôpital aussi vite que lorsque je suis arrivée. J’ouvre la porte de mon pickup etgrimpe à l’intérieur. Je tape furieusement sur le volant en hurlant :

— Je te hais, Matthew ! Pourquoi ne m’as-tu rien dis ! Je suis si stupide…, m’insulté-je à voixhaute en regardant vers l’hôpital.

Je croise les bras sur mon volant et m’effondre dessus en pleurant tout mon soûl. Pourquoi leDestin s’acharne-t-il contre nous ? Si nous nous aimions réellement, nous ne serions pas dans cettesituation inextricable aujourd’hui. Ce que nous ressentons n’est peut-être pas de l’amour en fin decompte ? Simplement une amourette passagère… Ou un béguin momentané… Mais qu’est ce qui ne

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tourne pas rond chez moi ?

11 h 47

Je lance mon sac sur le canapé en me passant les mains dans les cheveux. Je tourne en rond sanssavoir quoi faire. Je suis folle de rage contre le monde entier, contre lui et surtout contre moi.Comment a-t-il pu s’emporter de cette manière ? Jamais il n’avait haussé le ton de cette façon ! Toutest ma faute… Mais quelle idiote !

— Je me déteste ! Ahhhhh, non ! hurlé-je en attrapant les coussins posés sur le canapé.

Folle de rage, je les balance un par un à travers le salon. Je tombe à genoux en pleurs, tremblantde tout mon être. J’étouffe dans cette maison et je viens de tout perdre, par lâcheté. Je suis incapablede prendre cette fichue décision et Matthew se renferme et refuse de s’ouvrir à moi. J’ai l’impressionqu’il me parle dans un langage codé et moi, comme une imbécile, je m’interdis de décrypter ce quiest pourtant évident. J’ai besoin d’entendre ces quelques mots afin de me libérer de cette corde nouéeà mon cou.

Un bruit de moteur me sort brusquement de mes pensées. Je me relève et regarde à travers lafenêtre. Merde ! C’est Tom ! En proie à la panique, je m’empresse de ramasser les coussins quigisent sur le sol et les replace soigneusement sur le canapé. Puis, je me précipite à l’étage afin de meglisser sous la douche, sinon il risque de s’apercevoir que quelque chose cloche. Je me déshabilleaussi rapidement que possible. Je tourne le robinet et me glisse sous l’eau chaude. J’ai besoin denoyer mon chagrin sous l’eau qui ruissèle sur mon visage, de me libérer de ce poids infernal quihante mes jours et mes nuits…

— Bébé ? me cherche Tom en bas.

— Je suis sous la douche. Je n’en ai plus pour longtemps !

Aucune réponse ?

La porte de la salle de bain s’ouvre et je distingue sa silhouette à travers le rideau de douche.Tom retire son pantalon, son tee shirt et son caleçon qui tombent sur le sol, dévoilant son corpsmusclé. C’est un homme malgré tout très attirant et qui dégage un charisme incroyable. Je mesurprends à le regarder d’un autre œil à présent. Son corps qui s’approche m’attire et capture monregard.

Il pousse le rideau de douche et me rejoint.

— J’ai une envie folle de faire l’amour à ma fiancée, me souffle-t-il sans me quitter de son regardbrûlant.

Il attrape une mèche de mes cheveux qu’il fait glisser entre ses doigts. Puis sa main effleure mapoitrine, mon ventre et termine sa descente fulgurante juste là. Je renverse la tête en arrière et melaisse porter par un plaisir mêlé de douleur. Cocktail explosif qui brise ce qu’il vous reste de bon envous, et ce mince espoir qui coule encore dans vos veines… Est-ce que j’aime souffrir ? Ai-je besoin

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d’être brisée pour me sentir vivante ?

Je relève la tête vers Tom. L’eau coule sur mon visage et emporte avec elle mon chagrin. Je lecontemple, le souffle court, et je m’interdis de résister. Je veux être cette fille forte qui s’accroche àce qu’elle a. Terminé de courir après une Destinée qui a décidé d’aller à l’encontre de mes souhaits !J’ai besoin de chaleur, de tendresse et de me perdre dans les bras d’un homme. Je désespère de mesentir à nouveau vivante, du moins pendant quelques minutes, même si je sais que la lumières’éteindra peu après.

— Fais-moi l’amour, Tom !

Tom attrape mon visage en coupe et écrase ses lèvres contre les miennes. Il m’embrasse à pleinebouche sans me laisser le temps de reprendre mon souffle. Il est comme envoûté et son corps se frottedouloureusement contre le mien. J’ai l’impression d’être à mon tour comme ensorcelée, cherchant partous les moyens à apaiser mes souffrances, quitte à soigner le mal par le mal. Tom me plaque contrele mur et me soulève en m’agrippant par les fesses. Je passe immédiatement mes jambes autour de sataille.

— Oh, bébé… Putain qu’est-ce que tu me fais ? gémit-il en posant son front sur le mien.

— Je t’en prie continue…, le supplié-je.

Je glisse ma main sur son torse et l’autre dans ses cheveux. D’un seul mouvement, Tom mepénètre sans me quitter des yeux. Il appuie plus fort en se nichant profondément en moi. Lorsque,soudain, le visage de Matthew m’apparaît. Non, Hope !?

— Plus fort ! lui ordonné-je en enroulant davantage mes jambes autour de sa taille.

Tom me regarde, surpris par ma réaction, et me susurre tout en continuant à se glisserbrutalement en moi :

— Bébé… C’est si différent… Putain !

— Eh merde ! craché-je en attrapant son visage entre mes mains.

Je l’embrasse en fermant les yeux de peur que l’image de Matthew disparaisse à tout jamais dema mémoire. Je sais combien c’est mal et combien cela va accentuer la douleur qui me prend auxtripes, mais j’en ai désespérément besoin. Tom accélère et la férocité de ses coups de reinsm’apporte ce que je cherchais : ressentir quelque chose dans ses bras même si cela passe par ladouleur physique et la torture mentale.

Je me laisse aller à imaginer Matthew me faire l’amour, même si j’ai conscience que cela doitêtre bien différent de ce que je partage avec Tom. Ses bras m’enveloppent et m’apportent ce réconfortdont j’ai tant besoin et, pour une fois, c’est moi qui profite de lui… Je veux ressentir cette chaleurremonter jusqu’à mon ventre, même si je n’arrive pas atteindre le plaisir ultime. Je vais me nourrir deTom pour combler ce vide glacial que Matthew a laissé s’installer dans ma vie…

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- XIV -

Samedi 10 mai 1975 à 12 h 55

Sur la route qui nous mène chez les Woods, je repense à cette dispute avec Matthew et à cemoment explosif sous la douche avec Tom. Je dois dire que j’y ai trouvé un certain réconfort, mêmesi la douleur n’en a pas pour autant disparu. Elle est vive, forte et s’enracine au fond de mon cœur.Puis, nous nous sommes préparés en vitesse de peur d’être en retard pour le déjeuner de famille. Toma failli en oublier de prendre son traitement et s’est empressé de le faire avant de quitter la maison.

Il se gare enfin devant l’allée de la somptueuse demeure où il a grandi et coupe le moteur de savoiture en me regardant, l’air anxieux, certainement à cause de la nouvelle qu’il va annoncer à samère. Je n’ose imaginer sa réaction, mais, pour une fois, c’est moi qui ai une longueur d’avance surelle… Si elle ne retourne pas la situation à son avantage.

— Je suis un peu stressé…, m’avoue-t-il en attrapant ma main où il dépose un baiser.

— Tout va bien se passer…, dis-je en lui souriant.

— Allons-y, bébé.

Tom sort de sa voiture. Je le rejoins à l’escalier qui mène au porche de la maison. Chaque foisque je viens ici, j’ai l’impression d’être dans un de ces films où le jeune homme emmène sa roturièredans son château. Il me tend sa main et opine de la tête comme pour me dire que tout va bien sepasser. J’en doute, mais qui sait ? Je pourrais être étonnée…

Mme Woods ouvre la porte d’entrée et nous rejoint sur le perron.

— Bonjour, mon chéri. Comment vas-tu ? s’exclame sa mère en prenant Tom chaleureusementdans ses bras.

— Hope, mon petit. Je suis heureux de t’avoir à déjeuner, me lance son père qui s’avance versmoi, les bras grands ouverts.

Il me complimente d’une bise chaleureuse, les mains posées sur mes épaules.

— Moi aussi… Merci beaucoup de m’inviter à déjeuner. Cela fait si longtemps que je ne suis pasrevenue dans cette maison, dis-je en regardant autour de moi.

Sa femme s’approche et me tend la main pour me complimenter, mais Tom se racle aussitôt lagorge. Elle s’arrête instantanément et le regarde en pinçant nerveusement les lèvres. Puis, elle poseson regard sournois sur le mien et me salue d’une voix tendue en guettant la réaction de son fils :

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— Bonjour, Hope. Tu es très en beauté aujourd’hui.

— Merci, bafouillé-je, intimidée, en vérifiant ma tenue.

Elle se fiche de moi ou quoi ?! J’ai déjà porté cette robe des dizaines de fois et elle ne l’a jamaisremarquée. Je regarde Tom qui me fait signe de m’approcher d’elle. Je grimace et la regarde ànouveau en lui souriant maladroitement. Me prenant au dépourvu, elle s’avance et me prend dans sesbras en me complimentant d’une bise. Non !?

— Merci d’avoir accepté notre invitation.

J’opine de la tête sans prononcer le moindre mot tant je suis choquée par son hypocrisie.

— Passons à table ! Je meurs de faim, nous propose M. Woods en me faisant signe d’entrer.

13 h 15

Une fois à table, Caroline, la gouvernante des Woods, nous apporte des coupes de champagne surun plateau. Elle nous salue d’un signe de tête et les dépose sur la table. Tom, embarrassé, pose samain sur la mienne en me soufflant discrètement :

— Allez, je me lance…

Il attrape son verre et se lève en poussant sa chaise derrière lui. Ses parents se dévisagent,étonnés. Je ferme les yeux. Dans ma tête, la minuterie de la bombe à retardement entame sondécompte.

— Maman, papa… Je viens de demander la main de cette ravissante jeune fille et elle a acceptéde devenir ma femme.

Quoi ?! Rien n’a explosé… ?

J’ouvre un œil, puis l’autre et croise le regard désemparé de sa mère qui attrape son verreégalement. Son père, sans nous attendre, avale le sien d’un trait, ce qui m’arrache un sourire. Il leremarque et m’adresse un clin d’œil malicieux qui me fait aussitôt glousser sous le regard outré de safemme.

Mme Woods se racle la gorge et reprend une allure convenable, celle de la mère aimante enarborant un sourire doucereux, mais tendu :

— Félicitations… aux futurs mariés ! annonce-t-elle en levant son verre.

Je respire à nouveau ! Tom me sourit, soulagé, et me tend ma coupe de champagne. Carolineressert un verre à M. Woods, et nous nous levons tous les trois pour trinquer avec Tom.

13 h 27

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— Alors, avez-vous déjà réfléchi à une date pour votre mariage ? demande M. Woods aprèsavoir remercié d’un signe de tête Caroline qui commence à servir le déjeuner.

Je regarde Tom et je hausse les épaules. Il est vrai que nous n’avons pas eu le temps d’en discuterencore. Tom attrape ses couverts et répond simplement à son père :

— Le plus rapidement possible.

— Quoi ?! rétorque immédiatement sa mère, qui porte sa serviette à ses lèvres. Est-ce que Hopeserait… ?

— Non, pas du tout ! lancé-je, paniquée à l’idée qu’elle croie que la raison de ce mariage soitune grossesse.

— Ah, vous m’avez fait peur, fait-elle en posant sa main sur son front. Attention, pas que cela nem’enchanterait pas d’avoir des petits-enfants, mais vous avez le temps, ajoute-t-elle en posant unregard soulagé sur son mari.

J’attrape mes couverts afin de commencer à déjeuner, même si j’ai l’estomac sens dessus dessoustant la tension qui m’anime est à son paroxysme.

— Je veux simplement épouser Hope le plus rapidement possible. Pourquoi attendre pluslongtemps ? demande Tom à ses parents.

— Peut-être pour nous laisser le temps d’organiser ce mariage comme il se doit, non ? lui faitremarquer sa mère en arquant un sourcil impérieux.

Je prends mon courage à deux mains et m’immisce dans la conversation qui, soit dit en passant,me concerne au premier plan :

— Je ne veux pas d’un grand mariage, et nous n’en avons pas les moyens.

Mme Woods fronce les sourcils. Elle pose ses coudes sur la table, les mains croisées sous sonmenton et me répond :

— Je prendrai en charge tous les frais. Je veux également m’occuper de l’organisation dumariage. Tout sera sublime… À commencer par les fleurs dans l’église ainsi que les pétales de rosessur l’allée que tu emprunteras. Puis, ta robe sera digne de celle d’une princesse des mille et une nuits.Le déjeuner aura lieu dans le restaurant du chef Pascal à la sortie de la ville. Tout sera décoré avecgoût et élégance. Oh oui… Je vois déjà d’ici le feu d’artifice à la tombée de la nuit sur la plage…,fait-elle en mimant avec ses mains l’endroit qu’elle imagine sans même me demander mon avis.

Tom, étonné, regarde bêtement sa mère, bouche bée. Je secoue la tête et objecte immédiatement :

— Mais, Mme Woods…

— Je ne reviendrai pas là-dessus, me coupe-t-elle aussitôt en reprenant son déjeuner.

Son mari se racle la gorge, s’interdisant certainement de la contrarier. Nous savons tous ici ques’opposer à la volonté de cette femme est une bataille sans fin. J’inspire profondément, résignée.

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Pourquoi ai-je l’impression que ma vie ne m’appartient plus ? Que l’on vient à nouveau de meprendre en otage sans me laisser aucune issue de secours ?

— Hope, maintenant que vous allez avoir une nouvelle maison et que tu vas devenir un membrede notre famille à part entière, je pense que tu devrais envisager de trouver un autre emploi, mepropose son père en me souriant.

— Pardon… ? hoqueté-je.

Non !

— Oui, j’ai un excellent poste à te proposer et tu pourrais enfin avoir un salaire plus décent.Qu’en penses-tu ? me demande-t-il gentiment.

— Eh bien… À vrai dire, je…

— Tu devrais accepter, me conseille Tom en posant sa main sur la mienne.

Je tremble et il l’a remarqué. Tom sait combien je tiens à ce poste au Lily’s Coffee et partirmettrait un terme radical et définitif à ma relation avec Matthew. Est-ce là le but caché de Tom ? Ousouhaite-t-il simplement que je puisse bénéficier de revenus plus confortables comme son père me l’afait remarquer ?

— Ce poste pourrait te permettre d’ouvrir un jour ta propre boutique, bébé.

— Quoi ?! lancé-je en regardant ses parents.

Comment a-t-il osé en parler sans même me demander mon avis ? Son père me sourit et intervientaussitôt, conscient de mon embarras :

— Oui. Tom nous a confié que tu souhaites ouvrir une boutique d’antiquités au centre-ville. Maiscela demande un gros investissement, tu sais ?

Mme Woods porte son verre de vin à ses lèvres en souriant à son fils. Que se passe-t-il ? Est-ellemise au parfum de ce qui s’est passé entre Tom et moi ? Et, par la même occasion, de monattachement pour le fils de ma patronne ?

— Je trouve cette idée d’ouvrir une boutique très intéressante. Et moi, contrairement à toi monchéri, je trouve le risque minime, intervient sa mère en rivant son regard dans celui de son mari.

— Alors qu’en penses-tu, bébé ? me demande Tom en resserrant sa main sur la mienne.

— Eh bien, c’est très gentil de la part de ton père de me proposer un poste de…

— Tu seras en charge du rayon librairie, et tu pourras conseiller et proposer des ouvrages. Tomm’a parlé de ton enthousiasme pour l’écriture et la lecture. Puis, qui sait ? D’ici quelques annéespeut-être pourras-tu te lancer dans ce projet qui te tient tant à cœur ? reprend son père.

Je regarde Tom d’un air stupéfait. Il confirme de la tête et ajoute :

— Depuis toute petite, tu adores te plonger dans les livres et puis tu écris tous ces petits poèmescomme ceux que tu me glissais parfois dans les poches. C’était très beau, m’assure-t-il en me

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souriant.

Je respire à nouveau… Pendant une minute, j’ai cru qu’il était tombé sur mes écrits et mespensées du soir.

— Je ne sais pas quoi dire, M. Woods.

Son père, d’un sourire sincère, me répond :

— Dis tout simplement oui.

Suis-je prête à voler de mes propres ailes ? À quitter ce cocon douillet que j’avais trouvé auprèsde mes nouveaux amis ? J’ai peur de l’inconnu et de chambouler tous mes repères. Je vais devoir mefaire à cette nouvelle vie, je n’ai guère le choix. Bien entendu, je ne verrai plus Matthew… Mais est-ce là le but dissimulé qui se cache derrière tout cela ?

Tom va certainement trouver cela étrange si je refuse. Sans parler de ses parents qui necomprendront pas mon obstination à rester une « banale serveuse », comme sa mère me l’a souventfait remarquer. La fuite… Voilà ce qui se dessine devant moi… En acceptant cette proposition, je neserai plus amenée à croiser Matthew.

— Et qui sait ? Cela m’aiderait probablement à l’oublier ? tenté-je de me persuader moi-même.

— Hope ? insiste son père à nouveau en me sortant de mes pensées.

— Très bien… J’accepte alors…

— Oh, bébé ! Je suis si heureux pour toi !

Tom me prend dans ses bras devant ses parents qui se mettent à applaudir. M. Woods,extrêmement heureux, s’exclame :

— Caroline ! Apportez-nous une autre bouteille de champagne, s’il vous plaît !

— Et moi, je vais m’empresser de préparer ce mariage, conclut sa femme en se levant de table.Veuillez m’excuser.

Elle pose sa serviette et disparaît dans le hall de l’entrée. Elle va certainement aller s’enfermerdans son bureau.

15 h 19

Après le déjeuner qui s’est éternisé, Tom et moi avons décidé d’aller faire une balade, main dansla main, dans le parc derrière la demeure des Woods. Il s’avère incroyablement grand etmerveilleusement arboré. Tout est taillé à la perfection. Le côté perfectionniste de sa mère, une foisencore… Le ruissellement de l’eau de la fontaine qui se trouve en plein centre du jardin m’apaise.J’aime voir cet ange verser le contenu de son pot qu’il tient entre les mains.

Tom me fait signe de m’assoir sur le banc. Je prends place et il me rejoint en attrapant ma main

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délicatement dans la sienne. Il a les yeux vitreux, et son haleine me rappelle cette nuit-là, où ilm’attendait une bouteille d’alcool sur la table basse. J’espère que les quelques verres de champagneet de vin ne vont pas réveiller le monstre qu’il était il y a encore tout juste une semaine.

— Est-ce que ça va ?

— Oui, juste un peu nerveuse… Beaucoup de changement en si peu de temps, cela m’est difficileà gérer, mais ça va aller…, le rassuré-je en lui souriant.

— C’est une nouvelle vie qui démarre pour nous, bébé.

Je croise le regard d’un petit oiseau qui vient de se poser sur la statue de l’ange. Il secoue sesailes, certainement surpris par l’eau. Je lui envie cette liberté de s’envoler là où le vent le mènera, làoù son cœur le guidera.

— Je peux te poser une question ? demandé-je.

Je surprends le regard de Tom qui glisse sur mon corps, comme subjugué par ma personne. Ilresserre sa main dans la mienne et arque, à présent, un sourcil inquisiteur, attendant ma question. Jemeurs d’envie de savoir si mon intuition me trompe. Je me pince les lèvres en cherchant lameilleure manière de le questionner.

— Tout ce que tu veux, bébé. Je t’écoute.

— Voilà… Je me demandais si… cette proposition de travail n’était pas due au fait que…

Tom me fait signe de continuer.

— … tu veuilles que je quitte le Lily’s Coffee ? me risqué-je enfin à lui demander.

Tom inspire profondément, dérobant son regard vers son pouce qui caresse la paume de ma mainet me répond comme s’il se parlait à lui-même :

— Je ne supporterais pas de te savoir auprès de lui… Je sais qu’il est vacances pour le moment… Mais… Tout ça pour te dire que je veux que tu coupes définitivement les ponts avec ce mec.

— Quoi ? soufflé-je d’une voix tremblante.

— Mets-toi cinq secondes à ma place ! Tu accepterais de me voir bosser avec une nana que j’aivoulu me taper ?

Tom relève la tête et me fusille du regard. Je tente de me justifier :

— Je n’ai jamais dit que je…

— Stop ! tonne-t-il sévèrement.

J’ai un léger mouvement de recul. Je perçois l’angoisse l’envahir. Il secoue la tête et se reprend :

— Je suis désolé, bébé. Mais rien que d’entendre parler de ce type, j’ai envie de me lever etd’aller lui coller mon poing dans la gueule.

— Je suis là, Tom. C’est à toi que j’ai dit oui. Regarde, je suis là près de toi, tenté-je de l’apaiser

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en resserrant sa main dans la mienne.

Je n’ose imaginer cette scène qui me glace le sang. Celle où Tom pénétrerait dans le café et s’enprendrait à Matthew. Tout ça par ma faute ! La situation m’échappe complètement…

— Pour revenir à ma mère… Je sais combien elle t’a mis la pression avec le mariage, change-t-ilde conversation.

Ouf… Du calme, Hope…

— J’avoue qu’elle m’a l’air plus sympathique avec moi. Je pensais qu’elle hurlerait aux abois àl’idée que je devienne ta… femme, mais c’est tout le contraire qui s’est produit.

Tom regarde vers la maison, puis baisse la tête.

— Que se passe-t-il ?

— Lorsque je suis venu voir mes parents au sujet de notre nouvelle maison. J’ai eu unediscussion avec ma mère, m’avoue-t-il en grimaçant.

— Ah oui ?

— Je ne lui ai pas vraiment laissé le choix, bébé.

— Que veux-tu dire par « laissé le choix » ? demandé-je, hébétée, en me rapprochant de lui.

Tom regarde, à nouveau, vers la maison comme s’il se replongeait dans sa conversation qui n’apas dû être des plus joyeuses. Je sens la tension qui l’anime et sa main trembler dans la mienne. Puis,il se tourne à nouveau vers moi en plongeant des yeux déterminés dans les miens :

— C’était toi ou personne d’autre. Ou elle acceptait la femme que j’aime ou elle me perdait.

Je n’y crois pas ! Tom a enfin pris ma défense pour protéger notre couple. Il a enfin affronté lavipère qui sommeille en sa mère.

— Et que t’a-t-elle dit ? le questionné-je, abasourdie par ce que je viens d’apprendre de sapropre bouche.

Je n’y crois toujours pas…

— Elle n’a pas eu le choix, bébé… C’est tout ce que tu as besoin de savoir ! s’emporte-t-il ànouveau.

Le sang quitte lentement ma tête tant ses mots sont d’une froideur incompréhensible. Je ne connaisque trop bien ce regard, et j’ai peur qu’il craque alors qu’il commence à reprendre pied dans sa vie,et dans la nôtre par la même occasion. Mais il s’en aperçoit immédiatement et m’agrippe dans sesbras :

— Pardon, bébé ! Merde, pardon !

Je regarde vers le ciel, serrée contre son corps tremblant de peur et de colère… Je ne sais pas cequi le traverse à ce moment-là. Je prie simplement les cieux pour que les ténèbres et les démons quisommeillent en lui, ne m’emportent dans sa descente aux enfers…

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18 h 45

La journée m’a semblé interminable… Une fois rentrés chez nous, je me suis affalée sur le canapéen contemplant le plafond, plongée dans mes pensées. Tom est aussitôt reparti pour remorquer unevoiture en panne sur le bord de la route. En fin de compte, je me demande s’il n’a pas installé letéléphone plutôt pour lui…

Ce moment de calme me permet de réfléchir à cette nouvelle vie qui s’impose à moi. J’ai cetteboule d’angoisse au fond du ventre qui ne cesse de croître, et je sais au fond de mon cœur que je suisen train de m’enfoncer vers l’œil du cyclone. Je ne suis pas sur le bon chemin, et pourtant, jepersévère.

Demain sera une rude journée encore. Annoncer à Liliane et à mes amis que je vais me marier nesera pas une mince affaire. Et présenter ma démission va certainement les achever. Cela me brise lecœur de quitter le café ; j’y étais si heureuse… Mais c’est peut-être un mal pour un bien. Travailleraux côtés de Matthew sachant que nous ne pourrons jamais former un couple ne nous mènera rien. Etpuis, il y a Tom et le risque qu’il se retrouve face à Matthew pour lui faire goûter à la morsure de sespoings. Je sais qu’une bagarre risquerait d’éclater au vu de la tension qui règne entre eux. Tant desouffrances inutiles que nous pourrons ainsi éviter. Mais est-ce bien à cela que j’aspire ? Bien sûrque non…

On frappe à la porte… Je me relève et traverse le salon. Tom aurait-il oublié ses clés ? J’ouvre etmes deux amies montées sur ressort hurlent de joie :

— Salut !

— Les filles ? Wouahhh ! Comme je suis heureuse de vous voir ! m’exclamé-je en leur sautantdans les bras. Mais que faites-vous ici ? Entrez, je vous en prie.

Je referme la porte derrière elles en les invitant à se diriger dans le salon d’un signe de main.Emma regarde autour d’elle, tout à coup embarrassée, suivie de Rose qui grimace en me regardant.

— Que se passe-t-il ? leur demandé-je, soucieuse, en prenant place sur le canapé.

— On se demandait si c’était une bonne idée de débarquer comme ça à l’improviste. Mais, on estpassées en voiture devant chez toi et celle de Tom n’était pas garée dans l’allée. Donc voilà…, faitRose en haussant les épaules.

— Et ?

Je fais mine de ne pas comprendre.

— Eh bien, c’est-à-dire…, commence Emma qui peine à répondre.

Rose pose sa main sur l’épaule de notre amie.

— On ne se sent pas à l’aise, ici. Et lorsque je regarde ce salon, eh bien… Je repense à ce qu’ilt’a fait endurer ces derniers mois, et ça m’embarrasse terriblement, ajoute Rose en entraînant Emma

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vers le canapé où elles s’assoient.

— Je comprends, mais tout va bien. De plus, Tom rentrera tard. Il est retourné travailler, ce soir.Que se passe-t-il ? Et pas de mensonges, dis-je en agitant le doigt devant elles.

— Matthew a quitté l’hôpital, me confie Rose.

— Non, mais quel imbécile ! m’écrié-je en me relevant. Il sait parfaitement qu’il devait restersous observation 24 h ! Mais que lui est-il passé par la tête ?!

Les filles se regardent en clignant des paupières.

— Quoi ? demandé-je en les dévisageant tour à tour.

— Hope… ? bafouille Rose.

— Oui, eh bien ?!

Elle contemple, les yeux écarquillés, la bague qui scintille à mon doigt. Je regarde ma main, etcomprends aussitôt pourquoi elles tirent une mine affreuse, tout à coup.

— Nous avons à parler toutes les trois, et je ne pense pas que cela va vous plaire, leur annoncé-je sans détour.

19 h 55

Emma tourne en rond comme une bête en cage. Une main posée sous son menton, elle jette detemps à autre, un regard noir vers moi, ce qui m’arrache un léger frisson.

— Tu veux dire que tu as accouru à l’hôpital ? Que tu as tenu tête à l’autre pimbêche de Brooke ?Que tu as sauté sur Matthew, apeurée, à l’idée qu’il lui soit arrivé quelque chose de grave ? Qu’il t’aannoncé sa rupture avec donc… Miss manucurée ? Mais que, malgré tout cela, tu décides d’épouserun salopard ?! me houspille-t-elle en énumérant ma journée, folle de rage.

— Oui…, dis-je d’une petite voix en confirmant de la tête.

— Attendez, je n’ai pas fini ! Tu décides également de quitter le café dans lequel tu es heureusede travailler, où tu as tous tes amis, et par-dessus tout l’homme que tu aimes, pour Tom ? Pour ce mecqui a failli te tuer des dizaines de fois ? Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? me gronde-t-elle d’une voix courroucée, les poings posés sur les hanches.

Je baisse un instant la tête, au bord des larmes. Rose pose sa main sur mon genou, mais je n’osecroiser son regard tant je sais qu’il doit être compatissant.

— Emma, calme-toi, s’il te plaît, lui demande-t-elle tout en caressant mon genou afin de soulagerma tristesse.

— Me calmer, tu plaisantes ou quoi ? Pas quand Hope est sur le point de sombrer dans cette viequi n’a aucune raison d’être, Rose ! Elle aime Matthew et lui en est raide dingue. Tu as vu sa tête,

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tout à l’heure ? Merde quoi ! Ça me fout les boules de voir des gens si malheureux, alors qu’ils onttout à portée de mains pour être heureux !

— Matthew est passé au café ?

— Ouais… Il est venu discuter avec Liliane qui était morte d’inquiétude à l’idée de savoir sonfils au volant de sa voiture. Il était hors de lui, et s’est enfermé dans la cuisine avec elle.

— Et vous n’avez rien entendu ? demandé-je, paniquée.

— Non. Plusieurs minutes plus tard, il est sorti en trombe du café et a démarré comme un foufurieux.

— On ne l’a pas revu après ça, ajoute Rose.

Je tourne mon visage en pleurs vers Rose qui se mordille nerveusement la lèvre en me regardant.Emma se précipite près de nous et s’agenouille face à moi. Elle attrape ma main dans la sienne et mechuchote d’un ton plus calme, le souffle court tant elle s’est emportée :

— Je sais combien c’est difficile… Je sais, Hope, tout ce que tu as enduré, et les manques quigisent au fond de toi. Tom les comble par sa présence, et cela t’apaise quelque peu. Mais, ma chérie,tu m’as dit aussi que Matthew soignait et cicatrisait toutes tes blessures. Où est passé tout cet amouret cette confiance que tu ressentais vis-à-vis de lui ?

Les larmes coulent de plus belle sur mon visage. Je tremble tant la douleur me lacère le cœur. Lesimple souvenir de ses baisers qui échauffaient délicieusement ma peau me torture. Le manque m’estinsupportable, tout à coup.

— Il est là, Emma…, lui assuré-je en posant ma main tremblante sur mon cœur. Il n’a pas disparu.Il vit en moi, s’enracine chaque jour plus profondément et je ne peux contrôler l’intensité aveclaquelle il continue de grandir en moi. Tout me manque chez lui, et je ne sais pas si je serai un jourcapable de l’oublier. Mais quelque chose t’échappe…

— Quoi donc… ? demande-t-elle, en séchant discrètement les larmes qui perlent à présent à sesyeux.

— Je veux qu’il se batte pour moi… Qu’il me prouve son amour en me confirmant que son désirle plus profond est de faire sa vie avec moi. J’ai besoin de me sentir aimée et protégée… Peut-êtreque c’est un caprice de gamine de quinze ans ou bien même de l’entêtement déplacé, allez savoir ! Jemanque cruellement de confiance en moi et je suis incapable de prendre cette décision seule… Queferais-tu à ma place ? Que feriez-vous ? leur demandé-je en les dévisageant tour à tour.

Rose me répond :

— Je sais ce que tu essayes de nous faire comprendre… Tu ne sais pas où tu vas avec lui. Tu asbesoin de certitudes et de savoir ce qu’il ressent réellement. Il est vrai que je suis un peu comme toi.J’aime aussi quand Bryan prend des initiatives et des décisions. Je me sens en sécurité et protégée,c’est vrai. Mais…

— Mais… ? demandé-je aussitôt.

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— … tu as une décision à prendre pour toi, Hope. Matthew ne comprend certainement paspourquoi tu t’entêtes à rester aux côtés de Tom après tout ce qu’il t’a fait endurer, ces derniers mois.On pourrait presque croire que tu l’aimes sincèrement.

— Bien sûr que j’éprouve des sentiments à l’égard de Tom, mais c’est bien différent de l’amourque je porte à Matthew… Quand j’étais petite… Lorsque j’étais malheureuse et que je me sentaisseule, je pleurais dans un coin de ma chambre en espérant que mes parents m’entendent et qu’ilsviennent me consoler. J’avais simplement besoin d’un câlin et d’affection. Dieu seul sait combien defois j’ai attendu et qu’ils ne sont pas venus. Alors, j’attirais leur attention en faisant des bêtises. Cesfois-là, ils me grondaient, certes, mais, au moins, ils étaient là, près de moi. Jamais, je n’allais verseux réclamer un câlin ou un « Je t’aime ». Je voulais que cela vienne naturellement d’eux comme pourme prouver qu’ils le faisaient par envie et plaisir, et non parce que je le leur demandais.

— Et tu veux que Matthew le fasse afin de te prouver qu’il t’aime ? demande Rose.

— J’ai besoin qu’il me prouve son amour et son attachement. Qu’il admette son désir d’êtresérieusement avec moi. S’il ne le fait pas et que je prends les décisions seule, chose dont je suis parailleurs incapable, je me poserai toujours la question : « Et si, je n’avais pas annulé mon mariage, seserait-il battu pour moi ? » Matthew, certes, m’a confié ses sentiments, mais ce n’est pas pour autantqu’il veut passer toute une vie avec moi. Je suis peut-être une simple fille de passage.

— Ne dis pas de conneries ! me réprimande Emma en croisant les bras devant elle.

— Tom prend soin de toi en te maltraitant. Tu penses sincèrement que c’est de l’amour, ça ?reprend Rose.

— Je n’ai pas dit ça… Mais Tom s’agrippe à moi comme à une bouée de sauvetage depuisplusieurs jours comme jamais personne ne l’a encore fait. Je me sens presque unique et importante. Iln’a pas peur d’exprimer ce qu’il ressent, contrairement à Matthew qui m’a l’air presque, si ce n’estpas aussi perdu que moi…

— Ah ! les histoires de cœur… Voilà pourquoi jamais je ne tomberai amoureuse, moi ! déclareEmma en se relevant.

Le téléphone retentit, coupant court à cette conversation qui, décidément, tourne en rond.

— Je reviens !

Je me relève et fonce vers le comptoir de cuisine.

— Moi, il me faut un remontant, et tout de suite. Tu as des bières ? me demande Emma en mesuivant.

Je décroche le combiné en pointant du doigt le réfrigérateur :

— Oui ?

— Hope ? C’est bien toi, ma chérie ?

Merde ! Depuis l’installation de ce maudit téléphone, je n’avais pas encore pris le tempsd’appeler mes parents. Depuis leur départ en février, nous nous ne sommes plus parlé, et ça m’allait

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parfaitement bien, malgré la tristesse que j’éprouvais quelquefois.

— Bonjour… Maman.

Emma pose trois bières sur le comptoir. Rose nous rejoint aussitôt. J’ai la bouche sèche, et je nesais que dire à ma mère qui commence à s’impatienter à l’autre bout du fil.

— Hope ? Hope !

Je secoue la tête et lui réponds sans quitter des yeux Rose qui me glisse une bière.

— Merci, murmuré-je discrètement en levant ma bouteille.

— Hope ! hurle cette fois ma mère.

J’éloigne un instant le combiné tant sa voix est stridente.

— Oui, je suis là. Comment vas-tu ?

— Enfin… ! Je vais bien, ma chérie. Je suis très heureuse de t’entendre. Cela fait si longtemps.

— Oui, plusieurs mois, en effet…

— Tu n’as jamais pris le temps de nous téléphoner, mais ce n’est pas grave. Nous allons rattrapertout ce temps perdu.

— Ah oui ? Il nous faudrait des siècles…, lui balancé-je d’une voix froide.

— Ne commence pas, s’il te plaît. Je tenais à te féliciter, ma chérie.

Quoi ?! Non ! Est-elle donc déjà au courant ? Comment ?

— Ta belle-mère m’a appelée en fin d’après-midi pour nous annoncer la merveilleuse nouvelle.

— Elle n’est pas encore ma belle-mère ! Mais passons… Je vois qu’elle n’a pas perdu de temps.

— Si elle ne l’avait pas fait, à l’heure qu’il est, je n’en saurais rien.

Et cela m’aurait bien arrangée !

— Désolée, mais je suis rentrée il y a peu, et je n’ai pas sauté sur mon téléphone, dis-je en levantles yeux au ciel. Mais j’allais bien entendu le faire…

Je croise le regard amusé d’Emma. Très bien… Bien sûr que non, je ne l’aurais pas fait…

— Nous allons t’organiser un mariage des plus féérique. Dès demain, ton père demande sesvacances d’été, et nous partons te rejoindre à la mi-juin afin de t’aider dans les derniers préparatifs.

— Mi-juin, mais pourquoi ça ? m’écrié-je en proie à l’effroi.

Emma et Rose se regardent, stupéfaites. Elles viennent de saisir ce que je refuse de comprendre.Elle n’a pas fait ça ? Si ?

— Comment ça, pourquoi ? Tu te maries le 28 juin, voyons ! Je ne veux pas te laisser seule dansun moment si important de ta vie. Mme Woods a déjà beaucoup à faire.

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Je regarde, immédiatement, le calendrier aimanté sur mon réfrigérateur. Dans moins de deuxmois ?!

— Attends, je ne comprends pas. Je n’ai pas encore arrêté de date ! De quoi me parles-tu ?

— Ta belle-mère ne t’a pas prévenue ?

— Arrête de l’appeler ma belle-mère ! m’énervé-je, cette fois, en tapant du poing sur le comptoir.

Je rattrape, précipitamment, la base du téléphone qui manque de tomber par terre. Emma et Rosesursautent, les yeux écarquillés. Ma mère se racle la gorge et chuchote avec quelqu’un à l’autre boutdu fil. J’entends mon père qui râle d’une voix sévère, certainement mécontent de la tournure queprend notre conversation.

— Mme Woods a contacté cette après-midi le Père Bernardo de la paroisse de Port Clyde afin defixer une date. Donc, le samedi 28 juin est celle qui conviendrait le mieux à tout le monde. Lesfestivités du 4 juillet ont lieu la semaine suivante et cela serait compliqué d’organiser un mariage àcette période. Puis, il y a aussi les vacances, et nos invités ne pourraient pas tous se rendre à lacérémonie. Il faut tenir compte de tout cela, et elle a parfaitement raison.

Désemparée, je secoue la tête tant je ne maîtrise plus rien.

— Non, mais où est l’urgence ? Je ne comprends pas ?

— C’est ton fiancé qui veut être marié avant les vacances d’été, pas moi !

Après plusieurs minutes de débat avec ma mère, je raccroche enfin. Comment peut-on revenir enarrière après cela ? Ai-je encore la possibilité de changer les choses ?

Plus le temps passe et plus je réalise que tenir Matthew éloigné de moi est peut-être la meilleuredécision à prendre. Je ne veux pas le mêler à tout cela… Aimer, c’est aussi savoir protéger l’autre dece qui est à présent devenu inévitable. Tom a décidé de lui déclarer la guerre s’il s’approche tropprès de moi…

20 h 15

Après le départ des filles, je me suis installée dans le bureau à l’étage. Tom n’étant pas là, jepeux laisser libre cours à mes émotions en les griffonnant une nouvelle fois sur un simple bout depapier. Je viens de terminer un poème. Il est touchant et reflète à la perfection mes états d’âme.J’attrape ma pochette cartonnée où je couche précieusement l’histoire de cette jeune fille de dix-neufans que je suis… Chaque feuille porte un numéro en bas de page. Ainsi, si le cœur m’en dit un jour,je pourrai m’y replonger et ainsi revivre certains moments qui m’ont profondément touchée. Tel quemon premier baiser sur la plage avec Matthew, son premier « je t’aime » ou bien nos fous riresinsouciants… Il y en a des mots ! Toutes ces feuilles sont la preuve que j’ai vécu une histoired’amour unique avec lui. Mais aussi le témoignage de mon calvaire auprès de Tom ces derniers mois.

— Quel pavé, murmuré-je en souriant.

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Je caresse du bout des doigts la toute première feuille. J’ai simplement écrit mon nom en bas depage… Elle est toute blanche… Quel titre devrais-je lui donner, si un jour je devais en faire un livrecomme mon cœur m’en supplie depuis des semaines ? Matthew a été touché par ma démarche enpromettant d’y donner une fin heureuse… Mais de quelle manière avait-il pensé le faire ? En restant àmes côtés comme le ferait mon meilleur ami ? En partageant ma vie ? Il faudrait que je pense à toutremettre au propre sur le cahier que Matthew m’a offert. Mais en serai-je seulement capable ? Unjour, peut-être…

02 h 15

Pensées du soir :

Impossible pour moi de trouver le sommeil. Tom dort paisiblement dans notre lit. Je m’en suisune nouvelle fois échappée… Je l’aime à ma façon. Je sais où je vais et la voie a l’air toute tracéeà ses côtés. Je me marierai avec lui, nous aurons des enfants et, avec un peu de chance, jetrouverai un certain bonheur dans ses bras. Mais je souffrirai quand il me battra… Et si sontraitement ne fonctionnait pas ? Si les démons qui ont assombri son cœur remportaientdéfinitivement la bataille ?

Et puis, il y a Matthew… Que dire ? Suis-je réellement amoureuse de lui ? Pourquoi cette nuitle doute me gagne-t-il ? Est-ce réellement de l’amour que j’éprouve à son égard ? Pourtant, ceque je ressens lorsque je suis à ses côtés est tout simplement magique… Et quand il n’est pas là,j’ai l’impression qu’une partie de moi est restée captive de son être et refuse de me revenir parcequ’elle a trouvé refuge auprès de son âme… Il a guéri certaines de mes blessures, m’a rendue plusforte et l’espoir que j’avais perdu depuis plusieurs mois. Puis, il s’est verrouillé sans que je puissetrouver la clé qui le ramène vers moi…

Au final, Tom est le seul qui veuille de moi et qui l’exprime. Je me nourris de ces mots. Il acomblé les manques que j’ai au tréfonds de mon être, sans pour autant les guérir. Mais il les aapaisés comme personne ne l’avait fait auparavant. Toutefois, c’était avant que Matthew entredans ma vie… Malheureusement, aujourd’hui, ce dernier m’en veut terriblement, et je ne sais pass’il voudra m’adresser à nouveau la parole un jour. Ce lien qui nous unit sera-t-il assez fort pourrésister aux épreuves que nous sommes amenés à traverser ensemble ?

Si j’écoutais mon cœur, j’annulerais ce mariage et je tenterais ma chance auprès de Matthew.Si j’écoutais ma raison, j’attendrais qu’il vienne à moi et me dise ce qu’il ressent réellement. Cesimple geste comblerait ce manque que je ressens en moi depuis l’enfance. M’aime-t-on ? Est-ceque je compte pour quelqu’un ?

Bonne nuit, Matthew… Où que tu sois… Je pense à toi…

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- XV -

Revenge Soundtrack – Farewell Fauxmanda

Lundi 12 mai 1975 à 08 h 55

Le jour tant redouté est arrivé. Je retire la clé du contact tout en regardant la porte du Lily’sCoffee. Annoncer que je me marie le mois prochain ne va pas être une mince affaire. Sans parler dumoment où je devrais présenter ma lettre de démission à Liliane. J’ai réussi à échapper à tout cecihier, étant donné qu’elle est restée auprès de son fils, qui soit dit en passant, n’a pas remis les piedsau café depuis samedi. La journée m’a permis de réfléchir à la meilleure façon d’annoncer leschoses… Y en a-t-il au moins une qui puisse éviter le raz de marée qui m’emportera quand tout lemonde sera au courant ?

Je sors de ma voiture en jetant un œil autour de moi. Aucun signe de Matthew... Viendra-t-il aumoins travailler ? Ou va-t-il m’éviter ? Je pousse la porte du café et la petite cloche retentit. Elle aenchanté chacun de mes matins en annonçant l’arrivée de mon meilleur ami, puis de celui qui auramarqué mon cœur à tout jamais… Matthew accrochait alors sa veste à l’entrée. Puis, il s’avançaitdroit vers moi, la main dans les cheveux, un sourire stupide accroché aux lèvres. Combien d’hommessont toujours aussi intimidés par votre présence au bout de plusieurs mois ? Passera-t-il encore laporte ? La cloche retentira-t-elle une nouvelle fois ? Ou, peut-être qu’aujourd’hui, seul le parfum deson absence flottera dans les airs…

Grandma et Liliane sont accoudés au comptoir et se retournent aussitôt, un sourire tendu sur leslèvres. J’accroche ma veste à la penderie et me dirige d’un pas indécis vers leur visage à présentattristés.

— Bonjour, Hope…, me salue Liliane, les yeux larmoyants.

Elle s’avance vers moi et me prend chaleureusement dans ses bras en resserrant davantage sonétreinte. Grandma se tamponne les yeux à l’aide d’un mouchoir tout en nous regardant.

— Que se passe-t-il, Liliane ? C’est Matthew ? Il va bien ? demandé-je, inquiète à l’idée qu’il luisoit encore arrivé quelque chose.

Il était censé rester hospitalisé vingt-quatre heures, mais monsieur a préféré jouer les héros enquittant sa chambre. Liliane me prend à bout de bras et me regarde en sanglotant.

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— Il va bien, mais…

— Mais… ?

Liliane jette un regard faible à Grandma et se replonge dans le mien en me répondant d’une voixlasse :

— Matthew a quitté le café…

— Quoi… ? fais-je en me libérant de son étreinte et reculant jusqu’à freiner ma course sur unetable.

— Il a accepté un poste auprès de son père à la banque, me lâche-t-elle en repartant derrière lecomptoir.

Je reste bouchée bée en la suivant du regard tant je suis stupéfaite par la réaction de Matthew. Iladore cet endroit. Comment peut-il tout envoyer valser ? Non !? Je me risque à lui poser la question,mais je connais déjà la réponse :

— C’est à cause de moi, n’est-ce pas ? Il vous a mis au courant ?

Liliane acquiesce d’un signe de tête et attrape une tasse sur l’étagère au-dessus de la machine àcafé. Grandma s’approche de moi et me chuchote en jetant un regard en coin à sa fille :

— Je te l’avais dit, ma douce. Tu devais fuir ce garçon, et aujourd’hui tu as perdu le seul avec quitu aurais pu être heureuse, me réprimande-t-elle gentiment en secouant son doigt devant mon nez.

— Vous aviez raison…, attesté-je en baissant un instant les yeux.

Lorsque je les relève, Liliane nous rejoint et me tend une tasse de chocolat chaud.

— C’est pour toi, ma chérie. Tu en as bien besoin.

— Merci, Liliane. Je dois vous parler, et cela ne peut attendre davantage, dis-je en attrapant matasse.

— Pourquoi cela ne m’étonne même pas ? souffle-t-elle en secouant la tête.

Je grimace déjà à l’idée de cette journée éprouvante. Liliane va devoir aussi se passer de moi etcela me fend le cœur. Comment quitter cet endroit qui était devenu pour moi un refuge dans lequel jetrouvais toujours une âme charitable à qui parler ? Qui sait, peut-être qu’en démissionnant, Matthewn’aura plus aucune raison de s’en aller…

12 h 35

C’est le rush au café. Il y a un monde fou ce midi, et j’avoue que cela présente au moinsl’avantage de m’obliger à rester concentrée et à canaliser toute mon énergie sur mon travail. Cettecadence soutenue me plaît. Je ne crois pas que je retrouverai cet enthousiasme en travaillant dans lerayon « librairie » de M. Woods. J’avoue tout de même que l’idée de conseiller et de bouquiner toute

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la journée m’a tentée, mais me retrouver seule avec mes fantômes ne m’aidera pas à tourner la page.J’aurai le temps de réfléchir, et surtout de ressasser ces derniers mois comme un film qui tourneraiten boucle. J’angoisse déjà à l’idée de jeter un œil à ma boîte de Pandore qui ne finit pas de déverserson lot de catastrophes dans ma vie.

— Hope ? Pourrais-tu m’apporter un café, s’il te plaît, ma jolie ? me demande M. Perkins enjetant un œil à sa montre comme s’il était pressé par le temps.

— Oui, tout de suite, M. Perkins ! lui réponds-je en notant « Café » sur mon bloc-notes.

Grandma, qui est assise à la même table et lui fait face, baisse son journal pour le dévisager, etlui dit d’un ton malicieux :

— Attends… Je termine mon horoscope, et ensuite je te lirai le tien.

— Justement, je ne veux rien entendre.

— Pourtant, il présage des tas de choses très intéressantes, lui susurre-t-elle d’une voixmielleuse.

Je les regarde et croise mes bras contre ma poitrine en étouffant un rire. Qu’ils sont mignons !

— Tais-toi, vieille sorcière ! peste M. Perkins en lui arrachant le journal des mains.

Curieux malgré tout, il y jette un coup d’œil en arquant un sourcil interrogateur en la dévisageantde temps à autre. Puis, il lui montre le journal en grimaçant :

— C’est cela que tu trouves intéressant, râle-t-il en balançant le journal sur la table.

Je glousse de plus belle, tant la scène est théâtrale. Dieu ! Que cette ambiance va me manquer…Je rejoins Rose qui sert un café à un client au comptoir.

— Rose ? Tu veux bien me préparer un café avant que ces deux-là ne s’entretuent, éclaté-je derire en jetant un coup d’œil à nos deux mascottes tout en tapant avec mon crayon sur mon bloc decommandes.

Rose pose sa main sur le comptoir en les regardant et secoue la tête en riant. La cloche retentit deplus belle. Décidément, on n’en a pas fini aujourd’hui…

— Hope… ? bégaie Rose en clignant des paupières, hébétée, vers l’entrée du café.

— Quoi ? demandé-je en suivant son regard livide.

Je me retourne et… Non !

Matthew se tient droit près de la porte et me dévisage, le regard vide. Puis, il baisse la tête ettraverse le café sans même me gratifier d’un simple bonjour. J’ai le cœur qui va me sortir de lapoitrine tant il cogne comme un fou. Il disparaît dans la cuisine et je n’ai aucun contrôle sur ce qui vasuivre. Liliane va certainement lui faire part de notre conversation de ce matin.

« Liliane, je vous présente ma lettre de démission… Je suis désolée, mais on me propose unposte avec un salaire plus attrayant… Comme vous le savez déjà, j’ai accepté d’épouser Tom.

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Nous allons très bientôt déménager dans une nouvelle maison et bien entendu, le loyer sera plusélevé… »

J’ai eu l’impression de justifier tous mes choix comme si je tentais de me convaincre moi-mêmeque la voie dans laquelle je m’engageais était la meilleure pour moi. Liliane a opiné de la tête, unemain posée sur ses lèvres, comme choquée par la nouvelle. J’imagine d’ici la tête que Matthew vatirer, et j’espère que sa réaction ne sera pas aussi excessive que celle de samedi matin dans sachambre d’hôpital. Mais le café est bondé et il serait incapable de s’emporter devant une foulepareille, j’en suis persuadée.

J’apporte son café à M. Perkins en guettant la porte de la cuisine.

— Merci, ma jolie, me dit-il en attrapant sa tasse. Que se passe-t-il ? Tout va bien ? me demande-t-il d’une voix soucieuse.

— Oui… Du moins, je l’espère…

— Moi, je perçois des ondes négatives. Rien de bon ne sortira de tout ça, c’est une certitude,augure Grandma en secouant la tête.

De quoi peuvent-ils bien converser ?

13 h 15

Je débarrasse la table numéro trois près du jukebox en guettant le retour de Matthew. Il s’estenfermé dans la cuisine depuis de longues minutes avec sa mère. J’aimerais être une petite sourispour écouter leur conversation qui ne doit pas être des plus agréable. Le café commence à se vider,même si la moitié des tables est encore occupée.

Soudain, Matthew sort enfin en jetant un regard circulaire autour de lui comme s’il cherchaitquelque chose ou quelqu’un. D’un coup, son regard furieux trouve le mien. J’ai un mouvement derecul tant je sens l’orage arriver.

— Qu’est-ce que j’avais dit… ? rappelle Grandma en posant son journal devant elle.

Matthew, fou de rage, traverse le café en serrant les poings. Je reste immobile à le regarders’avancer vers moi sans me quitter de son regard noir de colère et de tristesse. Liliane sortprécipitamment de la cuisine, tentant de calmer son fils qui continue à avancer :

— Matthew, s’il te plaît. Fais attention à ce que tu vas dire ! le réprimande sa mère d’une voixsoucieuse.

Plus un bruit. Le café est plongé dans un silence de mort comme si le monde s’était arrêté detourner. Les clients, abasourdis par la scène, se retournent sur son passage, sentant certainement latension électrique qui règne dans cet établissement d’habitude si calme.

Je recule et me retrouve adossée au jukebox qui continue de tourner en boucle. Matthew s’arrêteface à moi, le souffle court, en me dévorant d’un regard brûlant comme s’il passait par diverses et

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intenses émotions. Il s’avance encore et presse son corps tremblant contre le mien. Il est hors delui… Impossible ! Il ne va pas s’emporter ici ?

— Pourquoi… Hope ? As-tu seulement conscience de ce que tu es en train de faire ? me lance-t-ilsèchement sans ménagement.

Apparemment, il n’en a pas terminé avec moi… Notre dispute de samedi matin est prête àreprendre là où elle s’est arrêtée. Je papillonne des yeux comme pour me réveiller d’un mauvaisrêve. Matthew pose son front contre le mien en fermant les yeux, une main posée sur le jukebox prèsde ma tête. Je sens que je vais manquer d’air tant j’ai le cœur qui tambourine dans ma poitrine. Sonsouffle caresse délicatement mes lèvres, mortes de désir à l’idée de goûter à nouveau aux siennes. Jesuis en manque et la tentation grandit au creux de mon ventre.

— Matthew…, soufflé-je, désespérée à l’idée de l’embrasser.

— Les choses ne seront plus jamais les mêmes, finit-il par ajouter en reculant de quelques pas.

— Non, attends, s’il te plaît ! lui lancé-je, en proie aux larmes qui menacent de couler.

— C’est terminé… Comment pourrait-il en être autrement ? fait-il en levant les mains.

Il me tourne le dos et s’en va.

— Non, Matthew ! gémis-je d’une voix saccadée par la douleur, mais Emma m’attrape par lamain en secouant la tête comme pour m’interdire de le suivre.

La cloche retentit et il sort du café. Liliane se précipite à la porte pour aller le rejoindre dehors,mais il démarre dans un crissement de pneus assourdissant. Les clients, témoins de la scène, passentdes regards choqués de l’extérieur à moi, sans comprendre ce qui vient de se passer devant leursyeux hébétés.

— Matthew ! s’écrie Liliane, une main en l’air en s’avançant de quelques pas sur le trottoir.

Puis, elle revient dans le café et referme doucement la porte sans quitter des yeux cette rue où sonfils vient de partir en trombe. Elle secoue la tête, excédée par la situation, et repart vers la cuisine,perdue dans ses sombres pensées.

Emma pose sa main sur mon épaule et me murmure :

— Hope… Toutes les réponses à tes questions sont devant tes yeux. Prends une décision, sinonles choses iront de mal en pis.

— Je le sais et je viens de la prendre…, lui confié-je d’une voix faible.

Je dois m’effacer de cette famille avant qu’un drame ne s’abatte sur elle. Matthew est réellementen train de perdre pied. Et moi ? Je reste spectatrice de son malheur. Je m’interdis de lui gâcher savie et de l’entraîner dans ma descente vertigineuse… Je vais devoir m’effacer et tourner la page afinde le laisser suivre son chemin…

3 semaines plus tard

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Vendredi 31 mai 1975 à 08 h 51

Voilà déjà trois semaines que Matthew a quitté le café. Trois longues et interminables semainesque je n’ai pas senti la douceur de son regard se poser sur moi. Il me manque atrocement. Tout monêtre le réclame, et je ne sais pas comment combler ce vide qu’il a laissé dans ma vie. Après sondépart explosif du café, je ne l’ai plus revu ni aperçu une seule fois. Un vide indescriptible se creuseen moi, comme un alcoolique qui cherche inlassablement sa bouteille et qui vendrait sa mère pourune petite goutte de son liquide favori. Moi, je donnerais n’importe quoi pour le sentir quelquessecondes effleurer mon visage du revers de la main. Mais je n’en ai pas le droit…

Comme tous les jours, je me gare devant le café et, comme chaque matin, je traverse la route etm’autorise un tour de pâté de maisons. Pourquoi ? Simplement pour passer devant la banque où il adécidé de se réfugier afin de ne plus me croiser. Moi, je veux simplement l’apercevoir et me nourrirdu peu qui m’est encore autorisé. L’admirer à travers cette vitrine et revoir son sourire, son visage…Apaiser ce mal qui fait rage en moi, ravageant tout sur son passage.

— Je ne le vois pas, murmuré-je à moi-même sur la pointe des pieds en le cherchant à travers lavitre.

— Je peux t’aider ? me lance cette voix rauque dont le timbre m’électrise de la tête aux pieds.

Je me mordille nerveusement la lèvre en grimaçant. Eh merde… ! Je fais quoi, à présent ? Prisela main dans le sac, je me retourne face à cet homme que j’ai toujours dans la peau, quoi que je fasse.

— Que fais-tu ici ? me demande-t-il en croisant les bras contre son torse.

Je déglutis avec difficulté et j’ai la bouche sèche. Dieu qu’il est beau ! J’ai l’impression que saseule présence comble ce manque vertigineux dans lequel je suis plongée depuis des semaines.Matthew se tient devant moi, un sourcil arqué, tant il est étonné de me voir ici. Il porte un costumescandaleusement élégant et sexy, de couleur bleue avec une chemise blanche légèrement ouverte,laissant entrapercevoir sa peau. Je ne peux m’empêcher d’admirer cet homme qui se tient dans toutesa splendeur devant mes yeux gourmands.

— La vue te plaît, Hope ?

— Quoi ? fais-je en clignant des paupières afin de revenir à la réalité.

— Je pourrais presque croire que tu me mates, me taquine-t-il, en réprimant un sourire amusé.

Mais il reprend aussitôt un sérieux implacable que je ne lui connaissais pas.

— J’attends ! insiste-t-il en s’avançant vers moi.

Je le regarde, béate, s’approcher lentement de mon corps qui est en alerte maximale. Mais quem’arrive-t-il ? Le manque, ma belle ! Le manque, voilà ce qui t’arrive ! Je me dandine d’un pied surl’autre en glissant mes mains derrière mon dos. Je suis extrêmement gênée, et je ne sais que luirépondre.

Matthew s’arrête face à moi. Il attrape une mèche rebelle et la glisse derrière mon oreille. Ce

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simple geste m’arrache un gémissement de satisfaction, et je peine à retrouver mon souffle.

— Bonjour, Hope…, glisse-t-il comme une mélodie fuserait de ses lèvres.

Je relève les yeux et me plonge dans les siens. Cette flamme que je voyais auparavant est encoreet toujours là. Serait-il seulement possible qu’il ressente encore ce sentiment amoureux qui meconsume intensément ?

— Bonjour… Matthew, bafouillé-je, intimidée par la puissance de son aura.

Matthew recule et remet une certaine distance entre nous, comme si le fait de s’être nourri de moipendant quelques secondes l’avait lui aussi soulagé. Mais les choses n’ont pas changé : je vais memarier.

— Je présume que tu passais par-là ? me demande-t-il, jetant un œil vers la banque.

Je me retourne discrètement et remarque que Brooke entre dans l’agence en le saluant de la main.

— Vous êtes à nouveau ensemble ? me risqué-je à lui demander, sans pour autant souhaiterentendre sa réponse.

— Parce qu’elle travaille avec moi, tu penses que je vais réitérer la même connerie ? me fait-ilremarquer en fronçant les sourcils.

— Cela ne me regarde pas. Tu peux sortir avec qui tu veux ! m’exclamé-je sèchement en balayantl’air de la main comme si cela ne me touchait pas.

— Ah ouais ? Tu en es certaine… ? réplique-t-il aussitôt en s’avançant d’un pas vers moi.

— Bien entendu. Je te signale que je suis fiancée, lui dis-je en montrant ma main où brille mabague.

Non, je suis désolée ! Pardon, merde !

Je regrette aussitôt mes paroles blessantes et m’avance vers lui, mais il recule immédiatement enlevant sa main pour m’ordonner de ne pas l’approcher. Son regard s’assombrit laissant place àprésent à une infinie tristesse.

— Putain, Hope…

Matthew se passe la main dans les cheveux et la glisse sur son visage, dépassé par mes propresmots qui me lacèrent moi-même le cœur.

— Je suis désolée… Ce n’est pas que ce que je voulais dire…, m’excusé-je en m’avançant ànouveau vers lui.

Il se fige, me laissant enfin l’approcher. Je frôle son corps dangereusement en levant des yeuxembués de larmes vers son visage submergé par la douleur qui transparaît dans chacun de ses traits.

— Pardon, Matthew…, répété-je encore avec l’espoir qu’il me revienne.

Il lève la tête bien haut et me lance d’une voix glaciale :

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— Désolée pour tes propos ? Ou pour avoir accepté d’épouser cet homme qui t’a rouée de coup ?Qui a marqué et blessé ton corps fragile… Ces mêmes blessures que j’ai moi-même tenté de guériravec tout mon…

— Chut…, le coupé-je d’une petite voix en posant un instant mes doigts frêles sur ses lèvres.

Je baisse la tête en ravalant mes larmes tant elles me brûlent les yeux. Ses mots viennent de seplanter en moi comme une nuée de flèches empoisonnées et la dureté de ses paroles me percute deplein fouet. Il a incontestablement raison, et je ne peux que m’en vouloir…

J’attrape sa main. Je la contemple en la caressant de mes doigts tremblants. Sans penser, que noussommes en pleine rue, je la pose sur mon visage afin de me nourrir de sa chaleur.

— Merde, Hope… Ne fais pas ça…, me susurre-t-il en caressant mon visage.

Je ferme les yeux. Cette douce caresse me rappelle tant de merveilleux souvenirs.

— Je veux juste sentir ta chaleur… Dis-moi quelque chose…, l’imploré-je.

— Hope… Moi aussi, j’en ai désespérément besoin, m’avoue-t-il en glissant sa main jusque dansma nuque.

Matthew dessine des petits cercles sur ma peau et je penche légèrement la tête pour me nicherdans sa main. Cette douce chaleur familière remonte enfin jusque dans mon ventre. Laissez-moiencore profiter de ce moment avant qu’il me soit retiré à tout jamais…

— Matthew ?! lance cette voix hautaine que je reconnaîtrais entre mille.

Nous rompons à contrecœur notre contact enchanteur et quasi vital afin d’atténuer la douleur dueau manque de ces dernières semaines. Brooke s’approche de nous d’un pas assuré et passe sa mainsous le bras de Matthew en me foudroyant du regard.

— Nous avons une réunion. Allez, viens, ton père nous attend, lui dit-elle d’une voix autoritaireen l’entraînant vers l’agence.

Matthew s’éloigne de moi, au bras de cette femme sournoise qui a assurément décidé de luiremettre le grappin dessus. Il me regarde une dernière fois, en secouant la tête, et entre dans labanque en refermant la porte sur mon désespoir.

Quand te reverrai-je ? En ai-je seulement le droit ?

18 h 25

Ma montre indique 18 h 25 et, dans quelques minutes, je vais quitter le Lily’s Coffee. C’est ladernière fois que je trie les commandes en réserve et la vue des paquets de chocolat en poudrem’arrache un sourire, mais aussi un pincement au cœur. Il y a encore quelques mois, notre amouravait éclos entre les murs de ce café. J’avais réellement pris conscience de mes sentiments et dessiens lors de cette danse sensuelle serrée contre son cœur. Puis, je suis tombée sur lui, blottie dans

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ses bras. À partir ce jour-là, les choses entre nous n’ont plus jamais été les mêmes. Aujourd’hui, j’ail’impression que c’était dans une autre vie…

Une boule d’angoisse me comprime le ventre depuis plusieurs heures. Demain matin, je n’auraipas à me lever pour venir travailler, et je vais devoir m’atteler aux préparatifs du mariage quis’approche à grand pas. Sans parler des tas de cartons à remplir, en vue de notre déménagementprévu pour le week-end prochain.

Mme Woods, elle, a bien avancé dans son programme et ne m’a que très peu sollicitée. Une foispour la couleur des chemins de table, une autre pour m’emmener aux essayages de ma robe demariée, et la dernière simplement pour la liste des invités. Liste qui s’est révélée très compliquée àremplir, étant donné que je n’ai pas eu mon mot à dire. Tom a refusé catégoriquement que j’invite unmembre de la famille Cole. Comme si cela m’avait traversé l’esprit ! Sérieusement ! Je souhaite aumoins convier Emma et Rose.

Plus les semaines défilent et plus j’ai l’impression d’être invitée à mon propre mariage. Enfin decompte, Mme Woods aura tout organisé, et je dois approuver sans rien dire. Mais je me mentirais àmoi-même si je niais l’évidence : je suis soulagée de ne pas avoir à l’organiser.

Tom, lui, s’est emporté à plusieurs reprises, mais il s’est justifié par le fait d’avoir oublié deprendre son traitement. D’autres fois, il s’est dit stressé par les préparatifs du mariage. Grâce auCiel, il ne m’a plus jamais levé la main dessus, mais ses réactions sont à la limite du supportable. Jeperçois parfois son regard noir, mais il réussit tant bien que mal à contrôler ses pulsions. Maisjusqu’à quand le pourra-t-il ?

Je regarde une dernière fois la réserve et referme la porte derrière moi. Je traverse le couloir quimène au café avec le cœur serré tant je souffre de quitter cet endroit. Lorsque soudain, j’entends crierà l’unisson :

— Surprise !

Étonnée, je pose mes mains sur ma bouche. Toutes les personnes qui ont fait partie de ma vie cesderniers mois sont en train d’applaudir. Liliane, Grandma et M. Perkins. Puis, il y a les filles, Emmaet Rose émues aux larmes. J’aperçois avec étonnement, Henry et Marie qui sont là aussi. Je cherchedésespérément du regard Matthew en me levant sur la pointe des pieds, mais je ne le vois pas. Emmasecoue la tête pour me confirmer qu’il n’est pas là. Le sourire encore présent il y a quelquessecondes sur mes lèvres s’efface de mon visage. À quoi m’attendais-je, sérieusement ? Que Matthewsoit présent avec un sourire jusqu’aux oreilles et un bouquet de roses à la main ?

Tout le monde me rejoint et j’essaye de sourire comme je le peux, mais le cœur n’y est plus.Liliane s’avance vers moi et me tend une boîte emballée dans un joli papier cadeau bleu.

— Ma chérie, ce petit cadeau est pour toi.

— Merci, lui soufflé-je, émue, en attrapant son présent. Je l’ouvrirai, plus tard, je suis un peu malà l’aise, là.

— Ne t’inquiète pas. Je commence à te connaître, tu sais ?

Liliane me sourit tendrement et je sèche une larme qui perle au coin de mon œil. Les filles me

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prennent tour à tour dans leur bras en me soufflant qu’elles seront toujours là. Cet élan d’amour et detendresse me réchauffe le cœur et me sentir aussi appréciée me fait un bien fou. En fin de compte, jene suis pas vraiment seule ; j’ai dans mon entourage, des personnes qui tiennent réellement à moi.Marie et Henry nous rejoignent, main dans la main.

— Je suis très touchée par votre présence à laquelle je ne m’attendais absolument pas, lesremercié-je avec un sourire sincère.

— Cela nous tenait à cœur d’être là. J’imagine que cela n’est pas facile pour toi, ma belle ? medemande Marie en posant sa main sur mon épaule.

— Non, effectivement, confirmé-je d’une petite voix. Comment avez-vous appris mon départ ?

— C’est Matthew qui nous en a parlé, répond Henry en souriant à sa femme.

— Matthew ?

La cloche retentit... Je n’y crois pas… Matthew entre, une rose à la main, en me souriant. Sansdire un mot, il se dirige vers le jukebox où il semble chercher un morceau. Une bouffée de chaleurm’envahit lorsque je reconnais la chanson qu’il vient de choisir : Al Green – Let’s Stay Together.C’est celle qui a bercé nos innombrables balades en Mustang.

Matthew se tourne vers moi et s’avance sans me quitter des yeux. Ma respiration et letremblement de mes mains me trahissent. Il me tend la rose en me soufflant :

— Elle est pour toi…

Je l’attrape et la porte à mon nez. Je ferme un instant les yeux pour en humer le parfum. Lesouvenir de ce matin-là où je me suis réveillée à la maison de la plage me revient immédiatement.Les images défilent comme une bande annonce qui présageait une histoire d’amour à succès. Mais,lorsque je les rouvre, je réalise que j’ai manqué la scène où les personnages donnent une fin heureuseà leur histoire. J’ancre mon regard troublé au sien, qui l’est tout autant.

— Merci…

— M’accorderais-tu cette danse ? En souvenir du bon vieux temps…, me demande-t-il en metendant sa main.

J’acquiesce de la tête en attrapant sa main. Une décharge électrique me traverse et cette sensationde chaleur éveille à nouveau mon corps endormi. Les papillons s’envolent à nouveau ettourbillonnent au creux de mon ventre. Mon cœur, lui, bat la chamade dans ma poitrine. Est-ce notrerencontre de ce matin qui l’a chamboulé au point de venir me rejoindre, en dépit de la tension quirègne entre nous depuis de nombreuses semaines ?

Je tremble comme une feuille et tous mes sens sont en émoi. Matthew me serre contre lui enentourant ma taille de ses bras. Il se mordille la lèvre en me sondant de son regard brûlant.

— Cela faisait si longtemps… Je t’ai manqué, hein ? me taquine-t-il d’une voix pleine de sous-entendus.

Je manque de m’étouffer et il éclate de rire.

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— Arrête de t’enflammer, Hope… C’est juste une danse…

— Tu es insupportable…, lui fais-je remarquer en réprimant un sourire amusé.

Je faufile mes mains autour de son cou tout en glissant mes doigts dans ses cheveux. Il resserreencore son étreinte contre moi, et je ne peux m’empêcher de me plonger dans son regard aimant.

— Pourquoi es-tu là ? Je pensais que tu ne voulais plus jamais me revoir ? lui demandé-je encaressant du bout des doigts sa nuque.

— Je sais combien cela doit être difficile pour toi… Je ne voulais pas te laisser seule…

— Est-ce la seule raison ?

Matthew est littéralement captivé par mes lèvres. Son regard lascif les guette du coin de l’œil. Jefixe également les siennes. J’ai l’impression de les sentir me frôler tant son souffle s’évade ànouveau délicatement sur ma peau. Il recule la tête, en fronçant les sourcils comme s’il réfléchissait àla meilleure façon de répondre à ma question. Puis, il me chuchote tel un secret endormi :

— Tu es l’unique raison de ma présence ici, Hope Obrien.

Les larmes me montent aux yeux, et il les remarque. Matthew colle son front au mien et, d’unevoix rauque, entonne notre chanson :

— Let me say that since, baby… Since we’ve been together…

— Let me… be the one you come running to… I’ll… never be untrue…, chantonné-je à montour pour l’accompagner comme nous l’avons fait des tas de fois.

— Hope Obrien…, murmure-t-il.

J’aime l’entendre dire mon nom. Il le prononce toujours avec beaucoup de tendresse, comme sices quelques syllabes étaient une douce mélodie qu’il aimait à fredonner.

— Dis-moi… Parle-moi…, tenté-je une nouvelle fois, espérant atteindre son cœur afin qu’ils’ouvre à moi.

J’ai encore l’espoir qu’il me murmure les mots que j’attends désespérément depuis des semaines.

— Tu le sais très bien…

Apparemment, toujours pas…

— J’admire ta subtilité à répondre à mes questions, gloussé-je en le dévorant du regard.

— C’est ce qui fait de moi une pièce unique, me lance-t-il en m’adressant un clin d’œil aguicheur.

— Mais oui, bien sûr, M. Cole, me moqué-je en souriant.

Je ne peux m’empêcher d’admirer cet homme qui vient encore de m’étonner en venant merejoindre. Malgré la situation, il est là pour moi, et uniquement pour moi. Mes yeux glissent sur sonvisage comme pour en photographier chaque trait.

Emma se racle la gorge. Je croise son regard affolé et me tourne vers l’entrée. Merde ! Nous

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étions tellement subjugués l’un par l’autre que nous n’avons pas entendu la cloche retentir. Je reculeinstantanément en repoussant Matthew. Ses yeux s’assombrissent, et je sens la tension monter d’uncran. Non, pas ici !

Tom se tient sur le pas de la porte, le poing serré et l’expression féroce. D’un regard furieux, ils’approche de nous, un bouquet de fleurs à la main. Jamais, je n’aurais imaginé une seule secondequ’il passe par ici.

— Bébé ? Je vois que tout le monde t’a organisé un petit pot de départ… Comme c’est gentil deleur part, me dit-il en me prenant dans ses bras sans se donner la peine de complimenter qui que cesoit.

Tom, de son air machiavélique, adresse un clin d’œil à Matthew. Je peux sentir la respiration decelui-ci s’accélérer derrière moi. Je suis tétanisée à l’idée qu’une dispute éclate. Tout à coup, Tomm’embrasse à pleine bouche, un sourire à la commissure des lèvres en guettant la réaction de sonadversaire.

— Tom… C’est gentil de ta part d’être venu, lui glissé-je discrètement de peur que Matthew nousentende.

J’ai l’impression de le trahir en étant dans les bras de Tom. C’est un sentiment très étrange que jen’arrive pas à m’expliquer.

— Tu me manquais horriblement, bébé. Mes parents nous invitent à dîner, donc je suis passé teprévenir et t’emmener.

— Je vois… Allons-y, alors, dis-je en me retournant vers mes amis.

Je suis terriblement embarrassée et je peux percevoir leur étonnement quant à la présence de Tomen ces lieux. C’est la première fois qu’il y met un pied depuis que j’y travaille, comme s’il voulaitêtre témoin de mon départ. Matthew s’approche de lui. Je m’avance, apeurée à l’idée qu’une bagarreéclate.

— Hope… Je m’en vais. Je te souhaite beaucoup de bonheur, lâche-t-il d’un regard mauvais englissant des yeux furieux sur Tom.

— Elle le sera, t’inquiète, mec, lui assène Tom en m’attrapant par la main pour me ramener prèsde lui. Hein, bébé ?

Je me racle la gorge en passant mon regard absent entre eux. Matthew baisse les yeux et traversele café. Je pose ma tête contre l’épaule de Tom et mon cœur manque un battement lorsque la clocheretentit. Ça y est. Il est parti…

Mon départ n’a pas été de gaieté de cœur. Dieu que cela m’a été difficile de dire au revoir à cettenouvelle famille que je m’étais faite au Lily’s Coffee. L’image du visage de Matthew désemparé, déçuet en colère ne me quitte plus. Il serait tellement plus facile d’oublier ce moment où j’ai bien cruqu’ils allaient se sauter à la gorge. Mais si je venais à le faire, j’effacerais également cette dernièredanse contre le corps délicieux de Matthew. C’était, une fois de plus, tout bonnement magique. Il estvenu et a mis sa rancœur de côté, pour se tenir à mes côtés.

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Je monte dans ma voiture, garée de l’autre côté de la rue. Tom démarre la sienne et s’arrête auniveau de ma portière. Je tourne le loquet pour ouvrir ma vitre.

— On se rejoint chez mes parents. J’ai besoin d’avoir une conversation avec toi, crache-t-il, lavoix pleine de mépris en serrant nerveusement le volant entre ses doigts.

— Oui, je sais, Tom, dis-je d’une petite voix en baissant la tête.

— Dépêche-toi !

— J’arrive…

Je jette un œil furtif vers lui. Tom opine de la tête et repart sous un crissement de pneusassourdissant. Je suis tétanisée par la peur. Je ne sais pas ce qui m’attend. Va-t-il réussir à contrôlerses pulsions ? Ou vais-je, une nouvelle fois, goûter à la morsure cuisante de ses poings ?

J’attrape le cadeau de Liliane qui ne m’a pas l’air léger et le secoue. Qu’est-ce que c’est ?Beaucoup trop curieuse, je déchire le papier et trouve une boîte. Je soulève le couvercle.

— Incroyable ! m’exclamé-je à voix haute.

C’est une miniature de mon pickup. Une Chevrolet couleur océan identique à la mienne. Uneenveloppe est posée à l’arrière de celle-ci. Mon nom y est inscrit. Je crois reconnaître l’écriture deMatthew. Je l’ouvre et en sors une petite carte du Lily’s Coffee qui m’arrache un sourire amusé. Tu essi romantique…

« Parce que c’est comme ça… Tu le sais très bien… Arrête de poser toujours la même question…»

— Matthew… Pourquoi cela t’est-il si difficile d’exprimer clairement ce que tu veux ? chuchoté-je en caressant la miniature du bout des doigts. Et moi, pourquoi suis-je incapable de t’ouvrir moncœur ?

Je referme la boîte et pose mon cadeau sur le sol côté passager en me promettant de le confier auxfilles. Je contemple une toute dernière fois le café. Emma et Rose me regardent à travers la vitre et jeleur fais un signe de la main. Nous nous sommes promis de nous revoir dans la semaine. Elles memanquent déjà, alors que je viens à peine de les quitter.

— Au revoir… Dieu, que cet endroit va me manquer, soufflé-je en admirant une dernière fois leLily’s Coffee.

Je démarre et m’engage sur la route. Que me réserve ma vie à présent ? Ma Destinée m’a-t-elleréellement abandonnée ?

23 h 45

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Le dîner s’est bien passé dans l’ensemble. Tom était tendu, mais il ne m’a pas sauté à la gorgecomme je l’imaginais. Nous avons discuté une nouvelle fois des préparatifs du mariage et dudéménagement dans notre nouvelle maison. La corde nouée autour de mon cou s’est alors encoreresserrée, et je me demande comment je parviens à en supporter sa pression. Je me sens m’enfoncerdavantage au cœur des sables mouvants de jour en jour, et pas seulement parce que j’éprouve dessentiments pour Matthew. Je pressens que je suis en train de commettre une erreur monumentale sanspour autant être capable de faire machine arrière.

Après dîner, Tom et moi avons été faire une balade dans le jardin. Il m’a prise dans ses bras sousle clair de lune en plantant ses yeux dans les miens. Et il m’a simplement soufflé :

— Tu es à moi, bébé. Et désormais, plus rien ne se mettra en travers de mon chemin.

Que répondre à cela ? Rien, bien entendu… Me protéger de l’orage qui menaçait au loin était mapriorité, et je n’ose imaginer dans quel état j’aurais terminé la soirée si j’avais osé élever la voixcontre lui.

Nous sommes rentrés chez nous, et une nouvelle page s’est tournée. Une vie incertaine s’ouvre àmoi. Je vais devoir apprendre à vivre au jour le jour avec cet homme qui risque à tout moment derenouer avec ses démons…

01 h 15

Pensée du soir :

Lorsque je relis mes pensées du soir ou bien que je songe à ces derniers mois, trois motsreviennent souvent : désespoir, manque et amour. Si je regarde de plus près leur définition, j’ail’impression qu’ils sont liés les uns aux autres. Reliés et rythmés par les péripéties de la vie quej’ai traversé ces derniers mois.

Dans l’ordre, on pourrait s’amuser à les classer. Cela donnerait certainement quelque chosecomme ça : désespoir, amour et manque. Mais, dans ce sens, ça marche également : amour,manque et désespoir.

Définition du manque : Absence péniblement ressentie de quelqu’un, laissant une impressionde vide ou d’incomplétude.

Je pourrais même m’amuser en proposant une phrase type :

« Depuis la perte de l’amour de sa vie, cette jeune fille éprouve un manque terrible, voireinsupportable. »

Finalement, tout est bien lié. J’aime un homme et je désespère de partager ma vie avec lui. Sonabsence va creuser aux tréfonds de mon être, un vide terrible… Le manque, je pense que c’est lepire des trois.

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Bonne nuit Matthew… Où que tu sois… Je pense à toi…

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- XVI -

2 semaines plus tard

Samedi 14 juin 1975 à 14 h 08

Mes parents arrivent à Port Clyde dans l’après-midi, anxieux à l’idée de finaliser les dernierspréparatifs du mariage. Je tourne en rond dans la maison en passant mon temps collée à la fenêtre dusalon. Je redoute le moment où ils passeront le pas de la porte. Tom étant au garage, je vais devoirles affronter toute seule.

Tom et moi avons déménagé dans notre nouvelle maison, face à l’océan. Chaque soir, je marchejusqu’à la plage. Je m’assois en contemplant les vagues qui s’échouent sur le sable fin, puis repartentà nouveau vers leur destinée. Je m’amuse à imaginer que Matthew à l’autre bout de la côte puisseadmirer le même paysage fantastique. Qui sait ? Pense-t-il encore à moi lorsqu’il regarde le phare deMarshall Point ? Le manque s’est lové en moi comme une souffrance incommensurable qui ne cessede se creuser, malgré tous les efforts déployés pour atténuer la douleur.

Dans moins de deux semaines, j’épouserai Tom et mon intuition me hurle que c’est une erreurmonumentale. Je contemple la bague que je porte au doigt et qui me lie à cet homme qui chaque jourse bat contre ses démons. Malheureusement, depuis quinze jours, je pressens qu’une chutevertigineuse menace à nouveau notre couple. Tom s’emporte de plus en plus souvent. Même s’ilarrive à maîtriser ses colères, cela ne fait pas de lui une personne meilleure. La nuit perpétuelle danslaquelle j’étais plongée ces derniers mois pensant qu’il était sur la bonne voie, s’obscurcit davantageet ne présage rien de bon. J’ai l’impression d’être fiancée à une bombe à retardement, prête àexploser à tout moment.

15 h 35

Une voiture à l’extérieur me sort de ma lecture. Je pose, précipitamment, mon livre sur la tablebasse du salon. J’accours à la fenêtre. Ils sont là ! Mon père, cet homme à la carrure imposante,mâchoire carrée et au regard froid sort de sa voiture en contemplant la maison. Ma mère ouvre laportière arrière à Jason qui sort en trombe. Il se précipite vers le perron et ouvre la porte en hurlantmon prénom :

— Hope ? Hope ?

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Je me dirige vers le hall, d’un pas indécis. J’ai les mains qui tremblent et le cœur serré dans mapoitrine. Mon petit frère m’aperçoit. Son regard brille de mille feux tant il est heureux à l’idée de merevoir. Il court vers moi et me saute dans les bras.

— Jason !

Je tournoie avec lui comme j’avais pour habitude de le faire.

— Tu m’as tellement manqué, Hope, sanglote-t-il, niché au creux de mon cou.

— Je suis là, petit frère. Toi aussi, tu m’as manqué, lui soufflé-je discrètement à l’oreille commeun secret que je ne voudrais garder que pour nous.

— Hope ?

La voix de ma mère m’arrache une grimace, et je repose lentement Jason sur le sol en croisant leregard ému de celle-ci. De marbre, j’opine de la tête sans m’approcher d’elle.

— Maman.

— Viens embrasser ta mère, voyons ! se plaint-elle en me tendant sa main.

Jason me sourit comme pour m’encourager à la rejoindre. J’inspire profondément en relevant latête. Je m’avance vers ma mère et lui dépose simplement un baiser sur la joue sans lui prendre lamain.

— Bonjour, Maman.

— Et bien ? C’est touchant de voir combien j’ai manqué à ma propre fille, dit-elle en medévisageant de haut en bas.

— Quoi ? fais-je en croisant les bras contre ma poitrine.

— Tu n’aurais pas grossi, par hasard ? Et tes cheveux sont longs et filasses, me critique-t-elle ens’approchant de moi.

Cela fait déjà deux fois que l’on me reprend ma robe de mariée au magasin tant j’ai perdu dupoids. Grossi ? Certainement pas ! Elle attrape une mèche de cheveux qu’elle analyse dans tous lessens. Puis, la passe derrière mon épaule.

— Il te faut une nouvelle coupe de cheveux et une… nouvelle garde de robe, ajoute-t-elle encore.

Je jette un coup d’œil à ma toilette. C’est la petite robe blanche que les filles m’ont offerte pourmon anniversaire. Celle que je portais le jour où Matthew et moi avons été à Wells. Elle me rappelletant de merveilleux souvenirs. Il est hors de question que je passe autre chose !

— Tu as terminé ? Si tu es venue ici pour m’insulter ou me critiquer, tu peux rentrer chez toi !rouspété-je en élevant la voix.

— Que se passe-t-il, ici ? râle mon père d’un ton sévère.

Il dépose les valises dans l’entrée près des escaliers et nous rejoint. Sans rien ajouter, il glisseson regard larmoyant sur moi. Quoi ? Il ne manquerait plus qu’il me dise que je lui ai manqué… Je

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me dandine d’un pied sur l’autre en passant les mains derrière mon dos tant je suis embarrassée.

— Bonjour, Hope. Comment vas-tu ? me demande-t-il en s’avançant vers moi.

— Bien, merci.

Ouais… Je vais même super bien. Génial !

Alors que je ne m’attends à aucune marque d’affection de sa part, mon père me prend dans sesbras. Il me dépose un baiser sur le haut de la tête. Puis, il me demande en me tenant à bout de brasdevant lui :

— Où est ton mari ?

— Fiancé ! lui rappelé-je.

— C’est pareil. Dans quelques jours, tu seras mariée, donc cela ne fait aucune différence.

Magnifique !

— Bonjour, la famille ! s’écrit Tom, enthousiaste, dans l’entrée.

Mon père me relâche aussitôt comme une vulgaire paire de chaussettes qui ne lui sert plus à rienet va rejoindre Tom.

— Salut, mon grand ! Alors toujours aussi habile de tes mains ?

— Ouais, vous allez voir comment je me débrouille à présent !

Tom et mon père simulent un combat de boxe. Mon père l’attrape par le cou et annoncefièrement :

— Et le grand champion, c’est encore moi !

— J’y arriverai un jour ! lance Tom qui éclate de rire.

— T’es un brave garçon. Ma fille ne pouvait pas trouver mieux. N’est-ce pas Hope ? medemande-t-il en ébouriffant, d’un geste affectueux, les cheveux de Tom.

Je lève un sourcil stupéfait, choquée par la scène qui me confirme, si besoin en était, combienmon père adore Tom. Je n’ose imaginer la bataille terrible qu’il me livrerait si j’annulais notremariage. Un frisson d’effroi me traverse. Je suis incapable d’affronter ces deux hommes en mêmetemps. Il m’est impossible de rivaliser face à eux deux.

— Allez ! Champagne pour tout le monde ! propose Tom en nous faisant signe de le suivre encuisine.

17 h 35

Je suis passée en ville afin de faire quelques courses pour le dîner de ce soir. Mes parents sont

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restés à la maison avec Tom. Ils veulent absolument organiser un barbecue et ont invité les Woods àdîner.

— Plus on est de fous, plus on rit ! me suis-je dit à ce moment-là.

Ma mère souhaitait m’accompagner mais j’ai réussi à l’en dissuader, prétextant que la vaisselleétait encore dans les cartons. Elle a donc décidé, en râlant bien entendu, de commencer à les déballeret de ranger à sa façon les placards. Je n’ai pas rechigné tant cela me passe au-dessus de la tête. Detoute manière, elle aurait fini par le faire avec ou sans mon consentement.

Je traverse la ville au volant de mon pickup et passe devant le Lily’s Coffee. Je ralentis en jetantun œil à l’intérieur. Les filles sont de service aujourd’hui et le café à l’air plutôt calme. Nouscontinuons, toutes les trois, à nous voir régulièrement. Elles sont même venues me prêter main fortedimanche dernier dans l’après-midi afin de déballer quelques cartons. Puis, on est allées se baladersur la plage afin de prendre un bon bol d’air loin de la maison. Nos discussions se sont bien entenduportées sur Matthew. Apparemment, Liliane ne parle pas beaucoup de son fils, comme si son départdu café lui était encore impossible à accepter. Matthew n’est jamais revenu depuis ce jour où il estparti furieux contre moi. J’ai l’impression de lui avoir gâché sa vie, et je m’en veux terriblement.

Je bifurque à droite en empruntant la route qui mène au phare. J’ai besoin de me retrouver seulepour faire le point et le vide dans ma tête en me plongeant dans l’horizon. Cela fait plusieurssemaines que je n’ai pas remis les pieds là-bas. Cet endroit me rappelle beaucoup trop son visage,son sourire et ses douces paroles qui, aujourd’hui encore, résonnent en moi comme un doux souvenirlointain. Quelquefois, j’ai cette étrange impression… Ai-je réellement vécu tous ces moments aveclui ? N’ai-je pas rêvé ? Me suis-je imaginé tout cela ? Éprouve-t-il encore ce sentiment amoureux quil’animait ?

Je me gare devant la maison d’Henry et jette un œil à l’entrée mais il ne se trouve pas sur leperron. J’ai besoin d’être seule… Je ne suis pas prête à me libérer de ce poids. Mettre des mots surce que je ressens serait accepter de ne plus être avec Matthew, et cela me blesse profondément.Autant ne pas nier l’évidence : je l’aime encore…

Je sors de voiture et referme la portière en admirant le phare. Cet endroit m’a terriblementmanqué. J’emprunte le pont en bois en glissant ma main sur la rambarde, le regard rivé vers l’océan.De l’autre, je serre fermement la clé… C’est la première fois que je vais l’utiliser et je prends toutela mesure de son geste. Matthew voulait absolument que je puisse me réfugier ici lorsque je mesentirais perdue. Comme aujourd’hui…

— Hope !

Je me retourne en posant ma main en casquette sur mon front. Henry descend les marches de samaison et vient me rejoindre en souriant.

— Bonjour, Henry ! Comment allez-vous ? lui demandé-je en le saluant de la main.

— Bien, merci. Et toi, ma belle ?

Il me rejoint et dépose un baiser sur le haut de ma tête avec tendresse.

— Que fais-tu ici ?

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Henry s’accoude à la rambarde, guettant ma réponse.

— J’avais besoin de remettre mes idées en place, lui avoué-je en le rejoignant.

— Difficile de se battre contre ses propres démons, hein ?

Je croise son regard affectueux. Henry pose sa main sur la mienne et ajoute d’une voix douce :

— Je vais te raconter une histoire.

J’acquiesce d’un signe de tête, prête à l’entendre. Henry plonge à nouveau son regard dansl’horizon.

— Il y a de cela plusieurs années déjà… mais je m’en souviens comme si c’était hier. Il y avaitcette jeune fille de bonne famille qui passait chaque matin dans le restaurant où je travaillais, celuiqui fait le coin de View Street. Tu vois le restaurant de M. Pearce ?

— Oui, confirmé-je.

— Eh bien, c’est celui-ci. Elle prenait tous les jours un thé accompagné d’une viennoiserie avantd’aller rejoindre son père. Elle travaillait avec lui dans l’affaire familiale et son avenir était touttracé. Puis, un jour, un jeune homme entra. C’était le nouveau serveur, Benny. Dès le premier regard,la magie opéra et ce fut le coup de foudre. J’étais en cuisine, à la plonge et, de là où je me trouvais,j’avais une vue imprenable sur le restaurant.

— Et ensuite ? demandé-je, curieuse et impatiente de connaître la suite.

— Les mois passèrent et la jeune fille se lia d’amitié avec Benny. Ils discutaient chaque jourensemble et sont devenus les meilleurs amis du monde, inséparables. Jusqu’au jour où…

— Où… ?!

— La jeune demoiselle fut demandée en mariage. La nouvelle se répandit comme une traînée depoudre à travers toute la ville. Benny se mura dans un silence de mort et je le vis chaque joursombrer un peu plus dans une mélancolie profonde. Marly continua pourtant à venir au restaurant…

— Marly ?

— Oui, c’était le prénom de cette jeune fille. Donc, pour continuer mon histoire… Bennys’éloigna d’elle et se concentra uniquement sur son travail. Marly, elle, sur son mariage et le grandjour de la cérémonie arriva.

— Elle épousa son fiancé… Et Benny, dans tout cela ?

— Laisse-moi terminer, rit Henry en levant les yeux au ciel. Benny, le serveur, errait comme uneâme en peine dans le restaurant quand, soudain, Marly entra vêtue de sa robe de mariée. Ce futcomme un rayon de soleil qui s’engouffra dans l’établissement. Benny lâcha son torchon et alla larejoindre. Ils échangèrent quelques mots, puis il s’écarta d’elle. Marly quitta le restaurant en pleurs.Elle se maria quelques heures plus tard à ce jeune militaire.

— Mais que s’est-il passé ? demandé-je, abasourdie. Ils s’aimaient ! C’était pourtant évident ! Jene comprends pas, c’est si frustrant, ajouté-je.

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Henry me regarde, amusé, en confirmant mes dires de la tête. J’écarquille les yeux en prenantconscience que leur histoire n’est pas très différente de la mienne. Je me risque à lui demander la finde cette histoire, la gorge nouée :

— Que sont-ils devenus ?

Henry baisse la tête en grimaçant. Puis, il me regarde en fonçant les sourcils et me répond d’unevoix triste :

— Sept ans plus tard, Marly entra à nouveau dans le restaurant. C’était un matin d’hiver et laneige tombait abondamment. Elle se frotta les mains, frigorifiée par les températures qui avoisinaientzéro. Benny, qui venait de racheter l’établissement, s’avança vers elle. Ils échangèrent quelques motsen se souriant timidement. Ce qui me frappa fut que cette complicité qu’ils avaient autrefois étaitrestée intacte en dépit des années. Les yeux de Marly brillaient d’un éclat sans égal. Elle dévoraitBenny de son regard brûlant, exactement comme autrefois. Son amour jaillissait de ses yeux… MaisBenny ne réagit pas.

— C’était trop tard, n’est-ce pas ? demandé-je, les larmes aux yeux.

— Marly l’embrassa sur la joue et lui caressa tendrement le visage. Benny resta de marbre. Puis,elle quitta le restaurant pour ne plus jamais y revenir.

— Attendez, je ne comprends pas ? Pourquoi est-elle revenue, si ce n’était pour rester auprès delui ?

— Elle est revenue pour lui dire adieu. Elle quittait le continent et voulait le voir une toutedernière fois.

— Et Benny ? Cela a dû être terrible pour lui de la voir s’en aller après l’avoir revue ?

— Benny n’a pas trouvé le courage de lui avouer son amour et l’a laissée s’échapper une fois deplus.

— Comment pouvait-il en être autrement ? C’était trop tard, de toute manière. Elle était mariée…,lui rappelé-je d’une voix assurée.

— La fin tragique de cette histoire est qu’elle venait de lui apprendre que son mari était mort à laguerre, un an auparavant. C’était un commandant très respecté dans la marine américaine. Son Destin,pour lui aussi, était en fin de compte tout tracé. Ils n’étaient pas fait pour rester ensemble.

— Mais alors pourquoi Benny n’a-t-il rien dit à Marly ? Pourquoi ne pas lui avoir avoué sonamour et tenter de la garder près de lui ?

— La lâcheté, Hope. La rancune ou bien la fierté…

— Que sont-ils devenus ?

— Marly mourut quelques jours plus tard dans un accident de voiture. Benny s’emmura alors danssa tristesse et la culpabilité qui ne le quitta jamais. Il possède aujourd’hui encore le restaurant.

— Attendez ? Le restaurant de M. Pearce ?! Benny, c’est lui ? Oh mon Dieu, le pauvre ! fais-je enjoignant mes mains sur mes lèvres.

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— Oui, Hope. C’est bien lui… Comme tu le sais, c’est un vieux monsieur rabougri et terriblementseul. Il ne se maria jamais et mourra certainement derrière les fourneaux de son restaurant.

— C’est tellement triste…, sangloté-je en séchant mes larmes.

— Hope… Nous devons apprendre à écouter notre cœur. La raison nous modère et on en aparfois besoin, je te l’accorde. Mais l’amour, Hope… Regarde-moi, me dit-il en se tournant versmoi.

Henry pose ses mains sur mes bras et l’affection de son sourire me bouleverse profondément. Ilme semble sincèrement touché.

— Hope, écoute ton cœur… Permets à la raison de plaider en sa faveur, mais laisse une chance àl’amour qui jaillit encore en toi. Je le vois et l’ai remarqué dès le premier jour où j’ai fait taconnaissance. Ne laisse personne te dicter ta vie, me conseille-t-il en me souriant.

— Oui, Henry… Je n’oublierai jamais vos paroles…

Je me jette dans ses bras. Il m’entoure des siens en me serrant affectueusement contre lui.

— Je suis là si tu as besoin de te confier, ma belle.

— Merci, Henry, éclaté-je en sanglots contre son cœur.

17 h 59

D’une main tremblante, je glisse lentement la clé dans la serrure. Revenir ici sans Matthew m’estterriblement difficile, mais j’ai besoin de me retrouver avec moi-même. J’ouvre la porte qui mène auphare et la referme derrière moi en levant mon regard vers les hauteurs. Je monte les escaliers etdécouvre la vue impressionnante sur l’océan. Rien à perte de vue, juste cette immensité d’eau quibrille sous les reflets du soleil.

— C’est magnifique ! Je ne me lasserai jamais de ce spectacle incroyable qu’offre le phare,chuchoté-je, en ouvrant la porte qui mène sur la passerelle, à l’extérieur.

Assise les pieds dans le vide, je contemple l’horizon, les mains croisées sur la balustrade en fernoir. Les mouettes volent et crient en tournoyant autour du phare. Certaines sont sur les rochers enpetit comité. Soudain, l’une d’entre elles s’envole et me rejoint en se posant sur la rambarde. Elle medévisage de ses yeux petits yeux nimbés de noir comme si elle essayait de lire en moi.

— Bonjour, petite mouette de Marshall Point. Tu viens me tenir compagnie, ma belle ? luidemandé-je en souriant, comme si elle pouvait me répondre.

Elle continue à me scruter de son regard curieux. J’en suis troublée, mais également amusée. Jeme surprends à lui confier mes états d’âme du moment en lui jetant de temps à autre un coup d’œilfurtif :

— Je repense à cette conversation avec Henry qui m’a complètement retournée. Elle m’a mise

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face à ma propre histoire avec Matthew. Le temps défile devant nos yeux et qui sait ? Dans quelquesannées, je reverrai cet homme que j’ai connu à l’âge de dix-neuf, mais il sera trop tard pour nousdeux. Tu penses que le temps peut préserver intact l’amour que l’on ressent au fond de son cœur ?Ou, au contraire, le temps guérit-il simplement nos blessures en nous permettant de passer à autrechose ? Et si pour Matthew et moi, les choses ne se passaient pas comme cela ?

Je la dévisage en secouant la tête.

— Ouais… Toi non plus, tu ne peux pas m’apporter de réponse, ajouté-je d’une petite voix en luisouriant.

Tout à coup, j’entends un moteur vrombir au loin, me sortant de ma rêverie. C’est lui ! Jereconnaîtrais ce moteur entre mille tant il a bercé nos innombrables balades en voiture. J’aime sonbruit familier et unique. Je ferme un instant les yeux comme pour m’en imprégner. Il me rappelle tantde merveilleux souvenirs.

— Matthew…, soufflé-je en soulevant doucement mes paupières.

Je penche la tête pour l’apercevoir, mais, de là où je me trouve, je n’ai pas vue sur la route. Ildoit certainement aller chez Henry. Néanmoins, il va remarquer vraisemblablement mon pickup etsaura que je suis là. Je ne pense pas qu’il viendra me rejoindre, pas après ce qui s’est passédernièrement entre nous. Le soir de mon départ du café, Tom a été d’une cruauté sans égale enm’embrassant devant lui. Je sais combien cela peut être blessant. J’ai ressenti ce même pincement aucœur lorsque Brooke a déposé ce baiser horripilant sur ses lèvres.

Soudain, des pas résonnent sur la passerelle et je tourne la tête pour en découvrir leur origine.Non ?! D’un seul mouvement, la mouette me quitte et s’envole dans le ciel bleu.

— Bonjour, Hope…

Matthew s’approche de moi, les mains dans les poches de son bermuda en coton blanc. Il est tropbeau, voire même canon ! Je papillonne des yeux tant il vient de réveiller en moi cette douce chaleurqui émoustille tous mes sens. Il porte également un polo bleu ciel, légèrement ouvert. J’entraperçoissa peau. Je déglutis avec difficulté tant je salive déjà devant lui. Mais que m’arrive-t-il ? Je secouela tête afin de me remettre les idées au clair, mais impossible. Mes yeux glissent avec gourmandisesur son corps athlétique et ma respiration saccadée trahit mon trouble.

— Je savais que c’était toi, lui confié-je en tentant d’avoir l’air désintéressée.

Embarrassé, Matthew se passe les mains dans les cheveux en se grattant la tête. Super ! J’aiencore une petite emprise sur lui…

— J’admire sincèrement ta capacité à reconnaître ma bagnole, je t’assure, ricane-t-il en venantme rejoindre.

Il s’assoit tout près de moi en prenant également appui sur la balustrade. Son bras frôle le mien etsa main se fraye un chemin jusqu’à la mienne. Je le regarde faire sans dire un mot. Je suis mal ! Trèsmal ! Puis, Matthew plonge son regard lumineux qui brille sous les reflets du soleil dans le mien enme souriant. Je me perds dans ses yeux avec le besoin vital d’y retrouver cette flamme qui y crépitaitauparavant. Il me reluque de bas en haut. Un sourire s’esquisse au coin de ses lèvres en remarquant la

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robe blanche qui nous rappelle ce baiser sur la plage de Wells.

— Que fais-tu ici ? me demande-t-il en me sortant de mes pensées qui prennent une tournure toutsauf acceptable.

— J’avais besoin de prendre l’air et de me retrouver seule.

— Tu veux que je te laisse ?

— Non ! répliqué-je aussitôt, paniquée à l’idée qu’il reparte.

Magnifique ! Me voilà grillée comme une bleue…

— Tu vois ? Tu ne peux plus te passer de moi, éclate-t-il de rire en resserrant ma main sur lamienne.

Qu’est-ce que je disais déjà ?

— C’est toi qui es venu me rejoindre, et non le contraire, lui fais-je remarquer en levant la têtehaute pour plaisanter.

— Arrête de t’enflammer… Je te taquine, Hope. Lorsque j’ai vu ton pickup garé devant chezHenry…

Je hausse un sourcil pour lui faire comprendre que j’attends la suite. Matthew se mordnerveusement la lèvre et reprend :

— J’avais juste besoin d’être auprès de toi, m’avoue-t-il en penchant sa tête vers moi.

À y voir de plus près, je remarque que ses traits sont tirés. Il m’a l’air fatigué. Un voile detristesse recouvre à présent son visage qui continue de s’approcher lentement du mien. Matthewcontemple mes lèvres et glisse une main autour de ma nuque qu’il resserre entre ses doigts.

— Je vais t’embrasser…

— Tu vas quoi… ? gémis-je.

Matthew dépose un baiser sur mes lèvres sans me quitter des yeux, mais je romps notre étreinteen le dévisageant.

— Pourquoi ? lui lancé-je d’une voix faible.

— Comment ça pourquoi ? me demande-t-il en reculant la tête.

Sans lui répondre, je me relève et traverse la passerelle en claquant la porte de celle-ci derrièremoi dans un vacarme assourdissant. Je dévale les escaliers en trombe tant je sens la colère megagner. J’emprunte le pont en bois, encore plus perdue que lorsque je suis arrivée ici pour faire levide.

— Hope !

— Laisse-moi tranquille, je m’en vais ! lui lancé-je sans me retourner.

— Reviens ! Pardon, je me suis laissé emporter par mes émotions !

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Mon sang ne fait qu’un tour et je m’arrête instantanément sur ses paroles qui me font sortir de mesgonds. Je me retourne en grimaçant et m’approche de lui :

— Tes émotions ? Lesquelles, Matthew ? Celles qui t’empêchent de me parler ou celles qui sejouent de moi !

— Quoi ? Mais pour qui tu me prends ? s’écrie-t-il, fou de rage.

— Pour ce que tu laisses paraître depuis des semaines ! Tu ne me dis rien, et tu joues auxdevinettes en me laissant porter tout le poids et la responsabilité de cette situation !

— Mais merde ! Ce n’est pas moi qui suis fiancé à ce mec ! hurle-t-il cette fois en levant la mainvers l’horizon.

— Eh bien, dans ce cas-là, ne m’approche plus ! Terminé !

— Qu’est-ce que tu viens de dire, Hope ? me demande-t-il en tournant en rond les mains dans lescheveux.

Il me contourne et se positionne devant moi pour m’empêcher de passer. Il est hors de lui ets’interdit encore une fois, d’ouvrir son cœur malgré la situation qui lui échappe totalement. Pour nerien arranger, je suis en colère et dépassée par mes propres émotions qui sont à fleur de peau depuisplusieurs jours.

— Je vais épouser Tom ! Au moins lui, il me parle… et je sais où je vais !

— Tu ne l’aimes pas ! me lâche-t-il à bout de souffle.

— Si, je l’aime, et bien plus que tu ne peux l’imaginer ! lui assène-je comme un poignard en pleincœur.

Eh merde ! Bravo ! Je viens de lui porter le coup de grâce ! Je regrette déjà mes mots tant ilssont blessants.

— Tu crois que tu seras heureuse avec lui ? Sincèrement, mais ouvre les yeux ! s’emporte-t-il deplus belle en frappant du poing sur la rambarde.

— Je m’en vais et ne m’approche plus ! Tu entends, Matthew ? Plus jamais !

— Reste là ! On n’en a pas encore terminé, toi et moi ! dit-il en ouvrant les bras pour me bloquerle passage.

Je me jette sur lui, la colère à son paroxysme. Je le frappe rageusement de mes mains en luihurlant tout mon désespoir :

— Tu n’es rien pour moi ! Rien du tout ! Je te déteste !

— Et moi donc ! me crache-t-il en m’attrapant fermement par la nuque.

Matthew écrase ses lèvres contre les miennes en m’embrassant fougueusement.

— Laisse-moi ! bafouillé-je en continuant à le frapper.

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Il me relâche en me dévorant de son regard troublant et me souffle :

— Ce n’est pas terminé, Hope… Ce ne sera jamais terminé entre nous !

Je me passe les mains dans les cheveux en les ébouriffant tant il me rend folle.

— Oh que si, M. Cole ! Je ne veux plus jamais entendre parler de toi !

Je le repousse fermement d’une main et il s’écarte, les yeux ronds comme des billes. Je traversele pont en courant et ouvre la portière de mon pickup. Matthew est accoudé à la rambarde en bois, latête nichée sur ses mains.

— Terminé ! Assez ! fais-je en tapant du poing sur mon volant.

Je mets le contact et m’engage sur la route sans jeter un œil vers le phare.

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- XVII -

Veille du mariage

Brunch de famille

Vendredi 27 juin à 12 h 12

Voilà arrivé le jour du traditionnel brunch de famille. Les Woods l’ont organisé avec mes parentsqui se font une joie de participer à cet événement. Le mariage aura lieu demain si un ouragan nem’emporte pas d’ici là. Je prie le ciel qu’il dévaste tout sur son passage…

Oui, c’est mon humeur du jour…

Mme Woods a tenu à m’offrir une nouvelle toilette pour le brunch. Je ne sais pas si elle avait peurque je vienne habillée comme une souillon, mais elle a tellement insistée que je n’ai pas osé refuser.Éviter les prises de becs à quelques jours de mon mariage est ma priorité. C’est donc au bras de Tomque j’arrive au déjeuner de famille, vêtue d’une robe bustier en taffetas de couleur blanche,agrémentée de son jupon en tulle qui donne un effet bouffant très romantique. Elle me tombe juste endessous des genoux. J’avoue qu’elle est splendide et qu’elle me tombe à merveille.

Tom et moi nous avançons main dans la main vers le parc où le brunch est servi. Le ciel est bleuet présage une merveilleuse journée ensoleillée. Des tables couvertes de nappes blanches forment un« U » et le buffet commence à être servi. Des serveurs proposent divers rafraîchissements et lesinvités ont l’air enchanté d’être là. Tout est remarquablement bien organisé, de la décoration éléganteau groupe de musique qui joue admirablement bien.

— C’est incroyable…, me glisse Tom discrètement à l’oreille.

— Tu l’as dit… Ta mère ne laisse rien au hasard, c’est le moins que l’on puisse dire, luiconfirmé-je en levant un sourcil suspicieux vers Mme Woods qui s’approche de nous.

— Voilà les futurs mariés ! Un tonnerre d’applaudissements, Mesdames, Messieurs ! annonce-t-elle en tapant gracieusement dans ses mains.

Aïe ! Moi qui voulais rester dans mon petit coin, c’est loupé !

13 h 55

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Le brunch se passe à merveille depuis qu’Emma et Rose m’ont rejointe après la fermeture duLily’s Coffee. Liliane leur a donné le reste de la journée et celle de demain afin qu’elles puissentprofiter un maximum de moi. Une preuve de son affection à mon égard ? Je n’en doute pas uneminute…

— Attendez ! abordé-je un serveur en attrapant une coupe de champagne.

Il me fait un signe de tête et repart vers les autres convives. J’avale d’un trait mon verre et croisele regarde amusé de Tom, en grande conversation avec mon père. Je lève mon verre en lui souriant.J’ai le feu aux joues tant je suis émoustillée par l’alcool et le soleil qui cogne fortement cet après-midi.

— Hope ?

Je me retourne et M. Woods me fait signe de le rejoindre. Je me dirige vers lui en souriant aucouple qui se tient à ses côtés. Encore des convives que je ne connais pas. Il me faut une autrecoupe ! Je cherche d’un regard désespéré le serveur, mais il a déjà disparu dans la foule qui continueà s’amasser autour du buffet.

— Je tenais à te présenter Grace et René, des amis de longue date, me dit-il en glissant son brassous le mien.

— Bonjour. Heureuse de faire votre connaissance, les salué-je d’une poignée de main.

— Vous êtes superbe, très chère, me complimente Grace d’un sourire qui se veut sincère.

— Je vous remercie. Je vous retourne le compliment. Votre robe est splendide, lui dis-je à montour.

— J’aime déjà cette jeune fille, Carl, dit-elle en adressant un clin d’œil à M. Woods quifanfaronne à mon bras comme un paon.

— Hope vient me rejoindre dans quinze jours, après sa lune de miel. Elle a pris quelquessemaines de vacances afin d’organiser le mariage avec mon épouse.

— Je n’ai absolument rien fait. Tout le mérite revient à Mme Woods, réponds-je en leur sourianttour à tour.

— Quelle modestie… Hope aura la charge du rayon librairie, et elle sera parfaite.

— Merci, M. Woods.

À cette idée, j’ai la nausée qui me monte à la gorge. Ses mots continuent de résonner dans matête :

« Mariage… Lune de miel… Quinze jours… Librairie… »

16 h 15

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Deux heures et cinq coupes de champagne plus tard, je me sens enfin légère comme une plume. Ilfaut avouer que je n’ai pas pour habitude de descendre aussi rapidement mes verres. Mais aprèsl’après-midi que je viens de passer, cela m’a quelque peu soulagée. Sans parler des mignardises auchocolat proposées sur le buffet. J’ai l’impression que je vais exploser dans ma robe tant je suis megoinfrée jusqu’à plus faim.

M. Woods m’a présentée à ses collaborateurs et aux membres de sa famille. Sa femme, elle, m’areluquée dans tous les sens devant ses amies en gloussant comme une dinde. Je l’entends encorericaner en se vantant de la robe formidable qu’elle m’a dégotée.

— Magnifique, n’est-ce pas ? Et touchez-moi ce tissu… Il m’a coûté les yeux de la tête… Maisrien n’est trop beau pour ma future belle-fille, a-t-elle dit en relevant mon menton pour montrer monvisage à ses spectatrices.

Bref, la corde nouée autour de mon cou a encore resserré ses liens sans me laisser le temps dereprendre mon souffle.

Quant à mes parents, ils m’ont joué la même sérénade tout au long de l’après-midi. J’ai bien cruque j’allais aller me cacher sous une des tables à attendre que mort s’ensuive. Mais non, impossiblede m’échapper de ce déjeuner de famille qui s’est transformé en Garden Party.

— Bébé ! Approche, mon petit cœur en chocolat…, hoquète Tom en titubant jusqu’à moi.

Merde ! Il doit être complètement soûl, et cela n’annonce rien de bon.

Il s’approche de moi, une bouteille de champagne à la main et son bras qui entoure les épaules deson cousin et témoin, Benjamin.

— Ce mec est balaise, bébé… Il vient de réussir à se choper une nana en l’espace de quelquesminutes… Tu le crois, toi ?

Benjamin secoue la tête en dévisageant Tom, terriblement embarrassé. Il réplique aussitôt en luitapant sur la tête :

— Tu as trop bu, mec. On t’a jamais appris à fermer ta gueule ?

— Putain… Cela fait si longtemps que je ne me suis pas serré une nana comme ça…, lance Tomsans se soucier de ma présence.

Je reste bouche bée. Les larmes me montent aux yeux tant la honte me submerge. Emma et Roseaccourent aussitôt vers moi, ainsi que ma cousine qui a décelé mon embarras.

— Hope ? Est-ce que tout va bien ? me demande Emma qui foudroie Tom du regard.

— Euh… Elle veut quoi la Miss Pimbêche, là ? lui lance Tom, en pointant sa bouteille vers elle.

— Tu veux que je te montre de quoi Miss Pimbêche est capable, gros naze ! lui balance Emma quis’avance vers lui, folle de rage.

— Tout doux, ma beauté…, tente de la calmer Rose qui la rattrape par les épaules en la faisant

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reculer.

— Tu devrais essayer de te taper celle-ci. Histoire de voir si tu arrives à la mater, éclate de rireTom qui manque de perdre l’équilibre tant l’alcool lui monte sévèrement à la tête.

Benjamin le relève en lui demandant d’arrêter son cirque, car tout le monde commence à sedemander ce qui se passe autour de nous. Je croise le regard de M. Woods en faisant un signe de têtevers son fils. Il abandonne ses amis et vient nous rejoindre.

— Que se passe-t-il, ici ? Tom ?!

— Papa ? Justement je parlais de nanas… Tu vas adorer cette conversation fort délirante,continue-t-il de rire, soutenu par les bras de son cousin qui s’arme d’un calme olympien afin de nepas craquer.

— Bien. Tu as encore abusé de l’alcool. Il t’a manqué de respect Hope ? me demande son père,gêné.

— Ne vous inquiétez pas… J’en ai malheureusement l’habitude, lui avoué-je en jetant un regardnoir à Tom qui fronce les sourcils, cette fois.

— Votre fils est un véritable goujat ! s’exclame Emma en croisant les bras devant elle,mécontente.

— Bravo, Tom… Encore une fois, tu te donnes en spectacle, qui plus est la veille de ton mariageet devant tous nos invités ! le réprimande son père.

Mais Tom n’écoute plus rien et a décidé de river son regard foudroyant au mien. Qu’est-ce qui netourne pas rond chez lui, là ?

— Alors comme ça, tu en as l’habitude ? répète-t-il d’un air mauvais.

— Je… enfin… non…, bafouillé-je, tétanisée sur place.

M. Woods attrape son fils par la taille et passe son bras autour de son épaule afin de le soutenir.

— Merci, Benjamin. Tu peux retourner profiter de ton après-midi. Moi, je vais monter Tom danssa chambre afin qu’il se repose. Et qui sait ? Après une bonne sieste peut-être retrouvera-t-il sesbonnes manières ?

— Je n’ai pas besoin de repos, se débat Tom, mais son père l’agrippe plus fermement.

— Je n’en ai pas fini avec toi, bébé ! On en reparlera ! me crache-t-il férocement en partant aubras de son père.

Mon sang quitte lentement ma tête. Le vrai Tom est-il à nouveau de retour ? J’en ai bien peur…

— Viens, Hope… On va terminer cet après-midi désastreux à l’appartement, me propose Rose enposant sa tête sur mon épaule.

— Tu viens avec nous, Elisabeth… ? C’est bien ça ? demande Emma à ma cousine, encore sousle choc des menaces de Tom.

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— Oui, je vous accompagne…, souffle-t-elle sans quitter des yeux M. Woods qui traverse lejardin avec son fils.

— Nous devions passer le reste de la journée ensemble et dîner entre filles… Merci à M.Connard d’avoir tout gâché, s’emporte Emma.

— Ne parle pas comme ça, la reprends-je afin qu’elle ne s’attire pas les foudres de Mme Woods.

— Allons-y, les filles… À nous le champagne, le chocolat et les crises de rire entre nanas,s’écrie Rose en levant le poing en l’air, heureuse à l’idée de partir d’ici.

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- XVIII -

Veille du mariageVendredi 27 juin à 17 h 12

Après le déjeuner de famille qui a viré au drame, nous voilà enfin arrivées à l’appartementd’Emma et Rose. Cela ne ressemble en rien à un enterrement de vie de jeune fille, mais étant donné lagravité de la situation, cela m’ira parfaitement. Tom, lui, est resté dormir chez ses parents comme leveut la coutume. Je peux ainsi disposer de quelques heures de répit.

Je m’affale, épuisée, sur le canapé, accompagnée d’Elisabeth qui me regarde du coin de l’œil tantelle ressent l’angoisse grandissante qui me tenaille depuis le début de la journée. Emma attrape unebouteille de champagne dans le réfrigérateur ainsi qu’une boîte de chocolats qu’elle dépose sur latable basse. Puis, elle disparaît dans la cuisine et en revient avec des coupes afin que nous noyionsnotre chagrin dans l’alcool et la gourmandise. Cette scène me rappelle étrangement la nuit oùMatthew m’attendait les bras croisés contre mon pickup. En sera-t-il ainsi ce soir ? Je ne pensepas…

Rose nous rejoint et attrape la boîte de chocolats qu’elle me tend :

— Un remontant ?

— Non merci, lui réponds-je en secouant la main.

— Tu devrais plutôt lui proposer une coupe de champagne, rétorque aussitôt Emma qui faitexploser le bouchon de la bouteille dans le salon comme si nous fêtions quelque chose.

— Ahhhhh ! Ce n’est pas vrai ! Mais dans quelle misère me suis-je fourrée ? râlé-je en passantmes mains dans mes cheveux.

— Non, mais sérieusement, Hope ! Tu as tout devant les yeux, allô, rouspète Emma en me servantune coupe.

— Elle a raison, confirme Rose en tournant en rond dans la pièce, en pleine réflexion.

— Je sais tout cela, mais il m’est impossible d’annuler ce mariage. Vous avez vu le monde chezmes beaux-parents et la facilité avec laquelle ils m’ont noué la corde autour du cou, fais-je, enl’entourant entre mes mains.

— J’en ai bien conscience, confie Emma.

— Je ne sais pas non plus quelle serait ma réaction…, ajoute Rose, peinée.

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— Je peux presque physiquement sentir la corde se resserrer et cela m’oppresse. J’ai été stupidede laisser les choses en arriver là, avoué-je, lasse.

— Pourtant, tous les signes étaient là, sous ton nez… Je suis persuadée que Matthew estprofondément amoureux de toi. Et il doit, lui aussi, être submergé par la pression. On ne peut pasvraiment lui en vouloir, me fait remarquer Rose.

— Attends une minute ! Mais de quels signes parles-tu ? Tu ne m’as pas tout raconté ? s’exclameElisabeth complètement à la ramasse.

— Je sais, mais lorsque tu es arrivée ce matin, c’était bien la dernière chose dont je voulaisdiscuter.

— Quelque chose à voir avec le fait que le mariage ait lieu dans la paroisse du Père Andrews ?me demande-t-elle, déconcertée.

— Ouais… un truc comme ça, réponds-je en levant les yeux au ciel tant je n’ai aucune envie deme remémorer cette semaine effroyable.

— Encore cette putain de Destinée, lance Emma en avalant d’un trait sa coupe de champagne.

Bravo, elle va être soûle ! Et insupportable…

— Oui, la vie ou la Destinée, appelez-la comme vous le souhaitez, m’a envoyé des signes, et jene sais pas comment les interpréter, dis-je en les regardant tour à tour.

Elisabeth me dévisage en silence. Quant à Emma, elle croise le regard désemparé de Rose.Aucune ne me répond.

Je suis mal, très mal !

— Magnifique ! Voilà où j’en suis. Dans le brouillard total ! Je me marie demain matin et, àmoins d’un miracle, demain soir à cette heure-ci, je serai Mme Woods. Rien que de prononcer ce nomde famille, j’ai la nausée qui me monte à la gorge, m’écrié-je, dépassée par mes émotions à fleur depeau.

Je me relève, traverse le salon et entrouvre le rideau. Où est-il ? Pense-t-il à moi, malgré laviolente dispute que nous avons eue sur le pont du phare ? C’était il y a tout juste quinze jours aprèsmon départ du Lily’s Coffee. Cet événement me comprime encore le cœur tant j’en suis malheureuse.J’ai dépassé les bornes et je me suis vraiment montrée cruelle envers lui. Jamais plus il ne voudram’adresser la parole. Je suis lâche et je n’ai pas trouvé assez de courage en moi pour lui avouer ceque je ressentais sincèrement. Je me suis lancée à corps perdu dans les préparatifs de mon mariagecomme si c’était réellement l’aboutissement de mon bonheur, ce qui est loin d’être le cas. Peut-êtreque je désirais, au fond de moi, le rendre jaloux et lui asséner cet électrochoc qui l’amènerait àm’avouer ce que je voulais entendre.

J’ai donc passé ces deux dernières semaines à l’imaginer courir vers moi et me supplier de resterauprès de lui, mais il ne l’a pas fait. Dois-je lui en vouloir ? Est-ce un manque de courage de sa partou bien le choix ne lui appartenait-il pas vraiment ? Nous ne sommes pas dans un conte de fées où leprince charmant vient sauver sa princesse des griffes du méchant roi qu’elle doit épouser. Nous

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sommes dans la réalité et, en cette vie, les choses ne se passent jamais ainsi. Je suis en train deprendre la pleine mesure de l’erreur fatale que j’ai commise en l’abandonnant. Du moins, c’est cesentiment que j’aurais ressenti si j’étais à sa place et qu’il décidait d’épouser Brooke malgré l’amourque je lui porte. Est-ce trop tard ? Ai-je encore le temps de faire machine arrière et de reprendre maDestinée en main ?

— Hope ?

Je me retourne et croise le regard soucieux de ma cousine qui semble presque aussi perdue quemoi. Elle s’approche et m’attrape par la main.

— Et si tu nous racontais ce qui s’est passé cette semaine ? Peut-être y verrions-nous plus clair etpourrions-nous t’apporter un conseil ? me propose-t-elle, bienveillante et pleine de sollicitude.

Je regarde les filles qui opinent de la tête en me souriant. J’entraîne Elisabeth vers le salon oùnous reprenons place sur le canapé. Emma et Rose s’accroupissent près de nous.

— Bien, fais-je en inspirant profondément.

— Je suis là, cousine, m’encourage gentiment Elisabeth.

Je me lance :

— Ces sept derniers jours se résument par un gigantesque imbroglio sentimental. Une montagnede signes et d’indices qui m’ont frappée tout au long de la semaine sans pour autant me fairerebrousser chemin. J’aurais pu écrire un roman tant les événements, s’ils n’étaient pas aussidramatiques, auraient pu m’arracher un sourire.

Je prends quelques instants. J’ai l’impression d’étouffer… Je regarde mes fidèles amiessuspendues à mes lèvres et reprends d’une voix émue :

— Mais ma vie n’est pas une comédie romantique, et je ne pense pas que la fin sera aussi joyeusequ’elle aurait pu l’être si j’avais eu le courage d’envoyer ce mariage de malheur aux orties.

Je me plonge, à nouveau, dans l’histoire rocambolesque de ces sept derniers jours…

*

* *

J – 7

Un coup de téléphone de bon matin a ébloui ma journée, et j’ai immédiatement pensé que moncalvaire prenait fin. Le Père Bernardo s’est trouvé dans l’impossibilité de nous marier comme prévuce samedi. Il est tombé dans l’escalier de sa paroisse et s’est blessé à la cheville. Un soulagementm’a envahie et j’ai cru apercevoir la lumière au bout du tunnel lorsqu’il a ajouté cette petite phrase :

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— Le mariage devra être repoussé si personne ne peut me remplacer.

Sérieusement, cela me peinerait profondément s’il n’est pas le prêtre qui nous marie. Il m’a étéd’un grand réconfort ces derniers mois. Je me sentirais moins seule et soulagée si c’était lui quiofficiait.

Tom étant au travail, j’ai dû gérer à moi seule la crise monumentale que mon père a piquée surplace. Il est sorti en trombe de la maison pour se rendre à l’église, bien décidé à trouver une solution.Ma mère, perdue dans ses pensées, m’a alors simplement soufflé :

— J’avais prévu des fleurs dans l’allée, et les voilages étaient si jolis…

Je me suis avancée vers elle et j’ai essayé de la réconforter comme je le pouvais :

— Ne t’inquiète pas, Maman. On va trouver une solution, lui ai-je répondu, malgré moi.

En fait, je ne désirais pas de solution, mais une annulation pure et simple dont je n’aurais pas àendosser la responsabilité. Cela m’aurait été plus facile à gérer. Comportement d’une lâchetédéconcertante, je le concède bien volontiers. Mais, bien entendu, les choses ne se sont pas passéescomme je le souhaitais…

J – 6

Mon père a trouvé un moyen de m’enchaîner à Tom ce samedi. Le Père Bernardo a promis denous recontacter au plus tard demain pour nous confirmer la présence du Père Andrews, le prêtred’une commune voisine. Voilà, je suis pieds et poings liés à mon fiancé. Puis, dans la journée, mamère est arrivée avec des échantillons de fleurs qu’elle a choisies avec l’aide de Mme Woods. J’aibien cru que mon cœur allait lâcher tant la stupeur m’a terrassée.

— Voilà, ma chérie. Qu’en penses-tu ? m’a-t-elle demandé, fière de sa trouvaille, en les déposantsoigneusement sur la table.

— Je… enfin… pourquoi ? lui ai-je répondu en m’approchant lentement.

— Comment ça, pourquoi ? m’a-t-elle questionnée en clignant des paupières. Tous les mariagessont ornés de fleurs, et qui plus est, de roses, symboles de l’amour.

Un somptueux bouquet de roses couleur champagne ornait la table de mon salon. Elles m’ontinstantanément rappelé celles de la roseraie de Matthew et leur parfum m’a lacéré le cœur tant leursouvenir est encore profondément ancré dans ma mémoire. J’aime ces fleurs, mais elles ne peuvent enaucun cas être celles de mon mariage avec Tom. Un signe que la vie a tenté de me faire décrypter ?Allez savoir…

— Tu ne les aimes pas ? Elles sont pourtant somptueuses pour un mariage, tu ne trouves pas ? Lafleuriste m’a expliqué leur signification. Les roses blanches sont synonymes de…

— Stop ! Je refuse d’en entendre parler davantage, l’ai-je immédiatement coupée d’une voix

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tonitruante.

Ma mère m’a alors dévisagée, les yeux ronds comme des billes et m’a simplement répondu :

— Pourquoi ai-je l’impression que ce mariage ne te rend pas heureuse ?

— Peut-être parce que c’est le cas, lui ai-je avoué, les yeux noyés de larmes.

— Hope… Je pensais que tu étais heureuse auprès de Tom ? Ce n’est pas le cas ?

J’ai détourné mon regard envahi par la tristesse et le désespoir du sien et attrapé une rose que j’aiapprochée de mon visage pour en humer le parfum. Puis, j’ai fermé un instant les yeux, en laissantmes larmes enfin se répandre sur mon visage.

— Tu ne veux plus épouser Tom ?

— Maman… Tu ne pourrais pas comprendre…

— Moi aussi, j’ai eu vingt ans, et c’est l’âge que j’avais quand j’ai épousé ton père.

— Super ! Oh, laisse-moi rire ! lui ai-je lancé en balançant la rose sur la table.

— Hope !? s’est-elle exclamée, abasourdie, comme si le voile qui lui cache encore le visage nelui permettait pas de reconnaître que son mariage comme le mien n’est qu’un tissu de mensonges.

— Par pitié, Maman. Tu espères vraiment me réconforter par tes paroles ? ai-je pesté en relevantmon visage désemparé vers ma mère.

— Je sais que ton père n’est pas toujours…

— Arrête, je t’en supplie ! l’ai-je aussitôt coupée en m’enfuyant vers la cuisine afin de me servirun verre d’eau.

Notre conversation s’est arrêtée là, et elle m’a profondément retournée. Après cela, elle a quittéla maison et a rapporté chez le fleuriste ce bouquet dont je ne supportais plus la vue. Tristesse ?Haine ? Je ne sais pas. Mais, à ce moment-là, même le souvenir de Matthew m’était insupportable.

Ce jour-là, je n’ai pas quitté la maison en priant le ciel que le Père Bernardo n’ait pas trouvé deremplaçant. J’ai tourné en rond comme un lion en cage à me ronger les sangs. J’étais en colère contrele monde entier, et la douleur lancinante qui étreignait mon cœur se transformait peu à peu en unehaine monumentale.

Ma mère est rentrée en fin de journée avec un autre échantillon. Des lys, cette fois. J’ai opiné dela tête en balayant l’air de la main, et suis montée m’enfermer dans ma chambre. Ce soir-là, aucunsigne du Père Bernardo…

J – 5

À mon réveil, j’ai ressenti un vif mal de gorge, et c’est fiévreuse que je me suis rendue chez mon

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médecin. Il m’a prescrit un traitement antibiotique. Dire qu’en plus, je dois faire face aux dernierspréparatifs du mariage… Je pense que mon état de fatigue ne m’a pas aidée, et le pharmacien m’agentiment proposé de la vitamine C afin de reprendre des forces.

En fin de matinée, lorsque je suis rentrée à la maison, la sonnerie traîtresse a retenti à exactement11 h 31. Ma main tremblait lorsque j’ai décroché ce satané téléphone. Cette voix, à l’autre bout du fil,a résonné de nombreuses secondes dans ma tête, sans qu’aucun mot ne sorte de ma bouche. Mon pèrem’a alors jeté un regard noir et m’a arraché immédiatement le combiné des mains :

— Oui ? Je vois… Oui, nous allons prévenir nos convives. Très sincèrement, je ne le ferai pas.Vous plaisantez ? Annuler un mariage quelques jours avant, c’est tout bonnement impensable, monPère. Je vous souhaite un bon rétablissement… Oui, à très bientôt… Merci, je lui en ferai part…

Le mariage aurait bien lieu ce samedi comme prévu, mais dans la commune voisine, avec le PèreAndrews. Je suis restée en état de choc toute la journée comme si ma vie s’était interrompue aumoment où le téléphone a retenti. Une impression d’étouffement m’a envahie, et je n’ai pu reprendreles préparatifs tant la douleur était insupportable.

Lorsque Tom est rentré ce soir-là, il était fou de joie. Il m’a serrée contre lui et a déposé desdizaines de baisers sur mes lèvres. Je lui ai souri tant bien que mal pour faire bonne figure devantmes parents. Puis, nous avons dîné et sommes allés nous coucher tant la journée avait été éprouvante.

J - 4

Voilà arrivée cette fameuse journée que toutes les jeunes filles attendent impatiemment : le jour dudernier essayage de leur robe de mariée. Mais pas moi. En arrivant à la boutique, je me suisengouffrée ou plutôt cachée dans une cabine d’essayage plus grande que ma propre chambre. Laboutique se trouvant à plus d’une heure de Port Clyde, nous avons dû partir aux aurores. Je me suisretrouvée nez à nez avec cette robe digne d’une princesse. Le voile qui l’accompagne est tout endentelle et il est très raffiné. J’ai contemplé ce bout de tissu qui aurait dû m’émouvoir et m’arracherdes larmes de joie… Mais ce sont des larmes de dépit que j’ai versées. Une sensation d’étouffement,avec laquelle j’ai dû sceller un pacte, m’a envahie, et Dieu sait combien j’ai souhaité me volatiliserde cette cabine d’essayage.

Ghyslaine, la vendeuse, m’a très vite rejointe avec sa boîte à couture sous le coude. Elle m’aregardée en souriant et m’a dit :

— Je savais que vous seriez émue en la voyant.

— Qui ça ? ai-je demandé en séchant nerveusement mes larmes du revers de la main.

— Votre robe, Melle Obrien.

— Oh oui ! Pardonnez-moi, je suis…

— Anxieuse ? C’est normal, mon petit. J’étais dans le même état que vous, m’a-t-elle répondu enriant.

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Puis, tout en m’aidant à passer ma robe, elle s’est lancée dans un long discours, sur le mariage,l’amour, et les enfants. J’étais à des années-lumière, lamentable spectatrice du désastre de ma vie.

Après avoir ajusté mon corset, Ghyslaine m’a fait remarquer en posant ses poings sur leshanches :

— Mais vous avez encore terriblement maigri ! Je vais devoir reprendre votre robe pour latroisième fois. À cette allure, vous n’aurez que la peau sur les os !

Des dizaines d’épingles plus tard, elle m’a passé le voile et m’a glissé mes gants blancs. Je croisque c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que j’allais réellement épouser Tom. Je me suistournée vers le miroir et j’ai vu cette jeune femme toute de blanc vêtue et somptueuse. Mais dont lesourire a totalement disparu…

— Alors ?! m’ont lancé ma mère et Mme Woods de l’autre côté du rideau, impatientes à l’idéed’admirer le résultat final.

Je suis sortie de ma tanière pour les rejoindre. Ma mère s’est mise à pleurer et Mme Woods m’atrouvé pâlotte sous ma robe. Puis, elle a prononcé cette phrase qui décrivait parfaitement monressenti, mais que je refusais d’accepter :

— Tu as perdu ton sourire ? On dirait que tu vas à un enterrement, Hope.

Pour une fois, nous étions d’accord…

Nous sommes rentrées tard dans la journée, attendant que Ghyslaine finisse les dernièresretouches avant de repartir pour Port Clyde. Sur le chemin du retour, j’ai regardé du coin de l’œil lahousse qui aurait dû me faire rêver. Je n’aurais jamais cru être aussi insensible à ma robe de mariée.Gamine, j’avais imaginé des centaines de fois ce moment unique où je passerais ma tenue deprincesse. Aujourd’hui, à cette perspective, mon cœur se gonfle de chagrin…

Cette nuit-là, j’ai rêvé de Matthew qui m’attendait au bout de l’allée de notre église. Il me tendaitla main en souriant. Il y avait des roses en boutons accrochées aux bancs de l’église et des pétalesodorants dispersés sur le sol. Les gens applaudissaient sur mon passage avec un sourire sincère etchaleureux, heureux pour nous deux. L’Ave Maria retentissait et le Père Bernardo me faisait signed’approcher. Tout était magnifique et le bonheur que je ressentais était incommensurable. Mon réveiln’en a été que plus douloureux au petit matin. Matthew ne se trouvait pas à mes côtés… Tom m’aembrassée fougueusement…

J – 3

La pression est montée d’un cran dès le début de la journée. Une violente dispute a éclaté entremes parents de bon matin, et mon père a craché à ma mère toutes les injures de son large lexique.Tout est parti du plan de table. Mme Woods voulait être assise aux côtés de son fils, alors que latradition veut que ce soit le témoin qui soit auprès du marié. Ma mère, entièrement d’accord avec sanouvelle amie avec laquelle elle s’est liguée pour faire de ma vie un véritable enfer sur terre, a

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refusé de revenir sur sa décision.

Nous avons passé trois heures à refaire le plan de table, tout cela pour assouvir le caprice deMme Woods qui, comme toujours, a eu gain de cause. Puis, ma mère m’a entraînée jusqu’à la boutiquedu fleuriste pour commander le bouquet de mariée dont je ne voulais toujours pas entendre parler. Enrebroussant chemin vers la maison, elle a décidé d’aller saluer Tom au garage, chose que j’ai toutd’abord catégoriquement refusée, mais, une fois encore, j’ai dû céder.

— Allez, viens. Il sera heureux de te voir, ma chérie. Vous vous croisez à peine, ces derniersjours, avec les préparatifs du mariage, m’a-t-elle fait remarquer en sortant de ma voiture.

— Très bien. Allons-y, lui ai-je répondu, lassée, en retirant mes clés du contact.

Un fois arrivées devant l’entrée, nous avons croisé une jeune femme brune fort légèrement vêtuequi est sortie en trombe comme si elle avait vu un fantôme. Elle portait une robe très courte avec undécolleté plongeant. Elle s’est alors engouffrée rapidement dans sa voiture et a pris la direction ducentre-ville. Je ne crois pas l’avoir jamais rencontrée. Elle m’a semblé gênée, et même effrayéecomme un voleur pris la main dans le sac.

Lorsque je suis entrée dans le garage, Tom n’était pas dans l’atelier, alors je suis montée aubureau où je l’ai découvert à genoux en train de ramasser des dossiers gisant sur le sol. Il a levé desyeux stupéfaits vers moi, blanc comme un linge. Puis, il s’est relevé et j’ai remarqué que son bleu detravail était ouvert jusqu’au bas du ventre.

— Tom ? Que se passe-t-il ? lui ai-je alors demandé en contemplant avec étonnement son bureauvide, alors que d’habitude, il est submergé de documents.

— Rien, bébé, m’a-t-il simplement répondu en remontant prestement sa fermeture éclair.

Attirée par le bruit d’un moteur, j’ai jeté un œil en bas vers l’atelier. Éric, tout juste arrivé, segarait sur le pont élévateur. Il a rejoint ma mère en la complimentant d’une poignée de main et aregardé dans ma direction. Je l’ai salué d’un signe de tête. Puis, ils se sont mis à discuter ensemble.

Je me suis tournée vers Tom en même temps que l’image de cette fille me revenait en tête. Je mesuis avancée vers lui en poussant du pied la corbeille à papier, qui traînait également sur le sol, et luiai demandé d’une voix suspicieuse :

— Qui était cette fille ?

— Quelle fille ?

— Ne me prends pas pour une imbécile ! Celle qui est sortie d’ici, il y a à peine quelquesminutes !

— Ah celle-là ? a-t-il fait en pointant son pouce vers l’entrée du garage. C’est une cliente qui estrepartie folle de rage, a-t-il simplement répondu en riant.

Je l’ai sondé du regard, tentant de lire en lui, mais il était bien trop malin pour se laisser prendre.J’ai croisé les bras contre ma poitrine en ajoutant :

— Et pourquoi ça ?

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— Sérieusement ? Tu veux me parler boulot, bébé ?

— Tu mens !

— Non ! a-t-il objecté aussitôt.

— Pourquoi ton bureau est sens dessus dessous ? Et pourquoi ton bleu était-il ouvert jusque-là ?l’interrogeai-je en pointant du doigt en direction de son bas-ventre.

— Je faisais du ménage et j’avais chaud, donc j’ai entrouvert mon bleu. Tu ne crois quand mêmepas que j’ai… ?

— Je ne crois que ce que je vois, et là, la situation me semble tout sauf équivoque, tu ne croispas ? lui ai-je demandé en reculant d’un pas.

Ses yeux se sont alors assombris et sa bouche s’est crispée sous mes accusations. Et là, uneviolente dispute a éclaté entre nous. Éric nous a rejoints et a tenté tant bien que mal de calmer Tom enle tenant par le bras.

— Elle m’accuse d’infidélité ! On va se marier samedi, et elle croit que je la trompe avec cettetraînée de Tiffany !

— Sérieux, Hope ? Tiffany ? m’a demandé son patron, ébahi.

— Elle est sortie d’ici en trombe et avec une jupe qui lui tombait indécemment au ras des fesses !ai-je fait en montrant de ma main la hauteur de son vêtement sur mes propres jambes.

Ma mère est entrée dans le bureau à ce moment-là, témoin, elle aussi, de notre querelle.

— Que se passe-t-il, ici ? a-t-elle demandé.

— Rien ! Allons-y ! J’en ai assez entendu et vu pour aujourd’hui.

— Attends, bébé !

— Non ! ai-je lancé à Tom qui accourait vers moi complètement paniqué, cette fois.

Il m’a serré dans ses bras si fort que je sentais sa propre angoisse m’envahir. Puis, il m’a tenue àbout de bras et m’a murmuré discrètement :

— Je t’aime, Hope… Jamais je n’aurais commis une faute aussi grave, m’a-t-il juré sur tout cequ’il avait de plus précieux.

— Pourtant… Je ne sais pas, mon sixième sens me dit que…

— C’est des conneries toutes ces histoires de sixième sens, bébé. Ce qui compte, c’est ce quemoi je te dis, et c’est la stricte vérité. Je ne t’ai pas trompée avec cette traînée, aussi bonne soit-elle.

Je l’ai dévisagé avec mépris tant ces dernières paroles étaient blessantes et irrespectueuses àmon égard. Elles m’ont confirmé, si besoin en était, qu’il y avait bien anguille sous roche. Je me suislibérée de ses mains et j’ai dévalé les escaliers pour m’éloigner le plus rapidement possible de cebureau qui me donnait la nausée.

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— Tout va bien, Tom. C’est le stress du mariage, mon garçon, l’a rassuré ma mère en me suivant.

Après cela, j’ai foncé déposer ma mère chez moi sans lui adresser la parole et l’ai abandonnéesur le trottoir en face de la maison tant sa présence m’horripilait. Au bord de l’explosion, je suispartie rejoindre les filles et je leur ai immédiatement raconté mes péripéties de la semaine.

En rentrant à la maison, Tom m’attendait avec un bouquet de fleurs qu’il avait acheté chez lefleuriste en charge de notre mariage. Il avait choisi des lys pour me rappeler combien il accordaitd’importance à notre future union. Je l’ai regardé avec la terrible impression que cet homme nem’appartiendrait jamais réellement. Allais-je me marier à un de ces hommes infidèles, comme monpère ? Encore une fois, je me suis couchée, la tête envahie par d’innombrables questions.

La présence de mes parents n’a en rien atténué la pression que j’avais sur les épaules. Bien aucontraire ! Mais l’avantage, depuis leur arrivée il y a près de quinze jours déjà, Tom n’a pas pu metoucher, de peur de réveiller mon père qui dort d’un sommeil léger dans la chambre voisine. Cela aété un réel soulagement pour moi, mais, pour lui, une véritable torture… Et un manque qu’ils’empressera sans aucun doute de combler samedi soir après notre cérémonie de mariage…

J – 2

La veille m’a laissé un goût amer dans la bouche. Ma dispute avec Tom et mes suspicions à sonégard ont encore monté d’un cran la pression qui m’écrase.

Cette nouvelle journée a débuté par des courses au supermarché avec ma mère. Après, noussommes passées au restaurant qui prend en charge le repas du mariage ainsi que les festivités. Toutavait l’air d’avoir été respecté à la lettre. Avec une organisatrice telle que Mme Woods, le gérantavait plutôt intérêt à ne se permettre aucune erreur, au risque de s’attirer les foudres redoutables de lamère de Tom.

J – 1

Ce matin, ma cousine Elisabeth m’a fait la surprise de sa présence, et je l’ai aussitôt saisie dansmes bras, trop heureuse de l’avoir à mes côtés dans cette maison en ébullition depuis l’arrivée demes parents.

— Bienvenue, cousine. Comment vas-tu ? la complimentai-je d’une bise chaleureuse.

— Très bien, merci, Hope. Je ne te demande pas dans quel état tu es, gloussa-t-elle en posant sesmains sur mes épaules, toute souriante.

— Je ne pensais pas te voir avant demain. Mais où sont tes parents ? lui demandai-je en jetant unregard circulaire au salon.

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— J’ai pris le train ce matin, et ton père est venu me chercher tout à l’heure. J’ai voulu te faire lasurprise en arrivant dès aujourd’hui afin de t’apporter mon aide pour les derniers préparatifs, me dit-elle, pleine de gentillesse et de sollicitude.

À partir de ce moment, je me suis sentie moins solitaire, et nous avons aussitôt remis à jour nosconversations de jeunes filles d’autrefois. Elisabeth a toujours été quelqu’un sur qui je pouvaiscompter. Je m’étais confiée à elle ces dernières années, et je savais combien son soutien allait m’êtreindispensable.

Je lui ai, bien entendu, raconté mon histoire avec Matthew et avoué l’amour que je lui porte. Cequi m’a frappé a été son absence d’étonnement à l’égard de ma situation, comme si celle-ci étaitprévisible depuis le départ. Elle n’avait jamais apprécié Tom, et elle me l’avait répété à denombreuses reprises. J’avais mis cela sur le compte de la jalousie, sachant qu’elle n’avait pas depetit ami. Mais, aujourd’hui je comprends mieux son peu d’enthousiasme face à ce mariage qui, selonelle, n’aurait jamais dû être organisé.

*

* *

Les filles m’écoutent sans un mot. Je termine mon récit en attrapant la coupe de champagnequ’Emma vient de me servir et ajoute :

— Et puis, nous nous sommes rendus à ce déjeuner de famille chez les Woods.

— Wouahhh…, dit simplement ma cousine.

— Tu l’as dit ! À la vôtre, les filles ! Moi, j’en ai bien besoin, avoué-je en vidant mon verre d’untrait.

Je pose ma coupe sur la table basse et me lève. Perdue dans mes pensées, je tourne en rond enenroulant des mèches de cheveux autour de mes doigts.

— Que vas-tu faire ? me demande Elisabeth.

— Se dégonfler, lui répond Emma, en tapant dans ses mains comme pour m’applaudir.

— Merci beaucoup, je te revaudrai ça ! la réprimandé-je aussitôt.

— Je t’en prie, ma chérie, ricane-t-elle en me tirant la langue.

— Tu es insupportable ! lui lancé-je, exaspérée par son comportement enfantin.

— Et si tu allais tout simplement avouer ton amour à Matthew, comme dans ces vieilles comédiesromantiques ? Et votre histoire se terminerait par : « Ils se marièrent et eurent beaucoupd’enfants ». Fin de l’histoire, chantonne Emma en croisant les mains devant elle en regardant vers leciel.

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— Tu devrais être actrice ! lui lancé-je, amusée.

— J’y pense, ne t’inquiète pas.

— Tu es désespérante, ajoute Rose en ricanant.

Nous éclatons de rire toutes les quatre, et cela apaise un tant soit peu l’angoisse qui se répand deplus belle dans mes veines.

— Et si on lançait un vote ? propose Emma en portant un verre de champagne à ses lèvres.

— Quoi ? m’exclamé-je en même temps qu’Elisabeth et Rose dont les regards sont rivés à celuid’Emma, fière comme pas deux de son idée géniale.

— Qui est pour que Hope aille se perdre sous les draps avec Matthew ? explose-t-elle de rire entapant de la main sur la table.

— Donne-moi ton verre, ma jolie. Tu as beaucoup trop bu, lui assène Rose en le lui arrachant desmains.

La moue boudeuse, Emma insiste :

— Qui vote ?

— Moi ! lance Elisabeth en m’adressant un clin d’œil.

Elle ne va pas s’y mettre, elle aussi ?!

— Et moi ! dit Rose en levant la main pour voter également.

Je les dévisage tour à tour en guettant la réaction d’Emma qui explose en agitant la main :

— Moi, moi, moi !

Je suis bouchée bée devant leur réaction plus qu’enfantine face à un sujet on ne peut plus grave.Mais, malgré moi, cela m’arrache un sourire que je tente de réprimer tant bien que mal… Je fais minede réfléchir en les scrutant du coin de l’œil. Je traverse le salon de long en large en inspirantbruyamment.

Soudain, Emma se relève et court à sa chambre. Elle revient quelques instants plus tard avec maboîte au ruban rose dont la vue m’envoie un électrochoc en plein cœur. Ces mots résonnent aussitôtdans ma tête et me rappellent l’intensité de l’amour que je porte à Matthew :

« Hope, tu as cette emprise sur moi que je ne m’explique pas…

Tu le sais très bien… Moi aussi je t’aime… »

— Elle est là et n’attend qu’une chose, ma chérie. Que tu l’ouvres à nouveau, et que tu écrivesenfin ton histoire sur ton manuscrit… Donne une fin heureuse à ton livre, Hope… Va le rejoindre etdis-lui combien tu l’aimes, me conseille Emma d’une voix mielleuse, les larmes aux yeux.

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— Après, il sera trop tard…, murmuré-je à voix basse en détournant mon regard de cette petiteboîte à secrets tout en m’approchant de la fenêtre.

La raison me dicte de rentrer chez moi et de respecter l’engagement que j’ai pris envers Tom etnos familles. Mais mon cœur, lui, me supplie d’aller retrouver sa moitié qui erre certainement commeune âme en peine après mes paroles terribles d’il y a quinze jours. La raison ou le cœur ? Qui dois-jeécouter… ?

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- J -1 -

Dido – White Flag

Port ClydeVendredi 27 juin 1975 à 19 h 25

Que dois-je faire ? Dois-je suivre mon cœur ou m’en remettre à la raison ? Et si je me trompais ?Une fois unie à Tom, que deviendra ma vie ? Je ne pourrai plus ressentir les baisers de Matthewglisser sur ma peau et je le perdrai, à tout jamais…

Je me retourne pour faire face à mes amies et Elisabeth qui me dévisagent, la même questionmuette dans les yeux.

— Vous avez raison, avoué-je.

— Quoi ? s’écrie Emma qui saute sur place, surexcitée.

— Je vais le rejoindre, et ça n’attendra pas cinq minutes de plus.

Je traverse le salon, attrape mes clés et mon sac à main.

— Hope, j’approuve ton choix et tu le sais, me dit Elisabeth en me souriant sincèrement.

— Merci, cousine. Cela me touche beaucoup.

Emma improvise une danse de la joie au milieu du salon, ce qui m’arrache un sourire.

— Non, mais attendez ! s’exclame Rose qui fait signe de la main à Emma de se calmer. Je disquoi à Tom s’il débarque ici ?

— Que j’ai été faire… un tour ? Car j’étais trop… stressée ? proposé-je, amusée.

— Fais attention, s’il te plaît, s’inquiète Rose.

— Je n’ai plus le choix. J’ai besoin de savoir. Après, il sera définitivement trop tard.

Je leur souris et leur envoie un baiser de la main. Puis, j’ouvre la porte et la referme derrière moiavec précipitation. Je descends les escaliers au plus vite afin de rejoindre l’homme que j’aimeéperdument. Je sors en jetant un coup d’œil furtif à gauche, puis à droite. Personne…

Une fois dans mon pickup, je pose mes mains tremblantes sur le volant. Hope, tu dois saisir cette

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dernière chance qui se présente à toi… Je mets le contact et m’engage sur la route avec l’espoir queMatthew veuille bien accepter de me voir et d’écouter ce que j’ai à lui dire. Après, il seradécidément trop tard pour nous.

*

* *

Garée devant la maison de la plage, je sors de ma voiture et referme la portière. La Mustang deMatthew est stationnée dans l’allée. Il doit être à la maison… Je m’avance et me remémore tous lesinstants merveilleux que nous avons partagés ensemble. Jamais je ne pourrai oublier l’hommeformidable qu’il a été ces derniers mois ni toutes ses petites attentions quotidiennes pour me rendreheureuse.

Je monte les escaliers qui mènent à l’entrée, et frappe à la porte. Aucune réponse. Je contourne lamaison par la terrasse. Le ciel se couvre et le vent se lève. Il ne va pas tarder à pleuvoir. Où peut-ilbien être ? Au loin sur la plage, j’aperçois Matthew qui court, torse nu, sur le sable fin et j’imaginecombien il doit avoir besoin de se vider la tête. Je le regarde, les bras croisés contre ma poitrinepour me protéger du vent et de la pluie qui commence à tomber. Lorsqu’il m’aperçoit, il s’arrête sur-le-champ. Il secoue la tête, passe les mains dans ses cheveux trempés et remonte en courant sur lechemin de bois. Je ne le quitte plus des yeux tant je suis envoûtée par son regard de braise quin’arrive pas, non plus, à se détacher du mien.

Matthew s’avance vers moi, et gravit les escaliers qui mènent au perron où je l’attends. Il semordille la lèvre nerveusement tout en s’approchant de moi. Sa respiration s’accélère et son torsecaptive immédiatement mon attention. Je me sens troublée. Je recule jusqu’à me retrouver le dosplaqué à la maison. Il pose ses mains de part et d’autre de mon visage en guettant ma réaction, depeur que je m’enfuie une fois de plus, loin de lui. Des mèches de cheveux trempées retombent sur sonfront et il secoue la tête pour les dégager sur le côté. Mon Dieu, qu’il est sexy…

— J’avais besoin de te voir, marmonné-je, le souffle court.

— Tu ne devrais pas être en train de préparer un mariage ?

Je lâche mes clés de voiture qui tombent au ralenti sur le sol. Ses paroles me brisent le cœur etles larmes me montent aux yeux.

— Ne fais pas ça, s’il te plaît, le supplié-je.

Il se penche vers moi, les yeux remplis de colère et me lance :

— Pourquoi es-tu là, Hope ? Pourquoi ?

— Eh bien… parce que…

— Dis-le !

— Je veux être avec toi !

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— Pourquoi, Hope ? Pourquoi ? crache-t-il en frappant du poing contre le mur derrière moi.

— Putain… Parce que je t’aime, Matthew !

Brusquement, il m’attrape par la nuque et écrase ses lèvres contre les miennes. Il m’embrasseavec fougue et je ne peux contrôler l’envie qui est en train d’éclore au creux de mon ventre. J’ai uneenvie terrible de faire l’amour avec lui… Sa langue glisse jusqu’à mon cou et je penche la tête enarrière, submergée par le désir qui explose dans mon corps. Je ne suis plus maître de moi-même, et jem’interdis de lui résister une minute de plus.

Matthew prend mon visage en coupe et me mordille les lèvres. Il me dévore de ses yeux brillantsanimés d’une flamme brûlante qui jaillit au fond de son regard. Puis, il me souffle d’une voixéperdue :

— Je vais te faire l’amour comme un fou furieux. Comme personne ne t’a jamais fait l’amour,Hope Obrien.

Je passe mes bras autour de son cou et le resserre contre moi en l’embrassant à pleine bouche. Ilrelève mes jambes qu’il passe autour de sa taille. Ses mains glissent sous ma robe et viennenttendrement caresser ma taille. Ma poitrine douloureusement dressée sous le coton se frottedésespérément à sa peau trempée par la pluie. Je sens toute son avidité se déployer contre mes chairsbrûlantes et ivres de désir. Je sais combien l’envie de me faire sienne l’obsède.

— Hope, j’ai tellement envie de toi, siffle-t-il entre ses dents entre deux baisers.

Je recule ma tête et caresse son visage de mes mains que je ne peux empêcher de trembler, tant cemoment est intense. Je lui souris, émue aux larmes, et lui avoue :

— Moi aussi… Fais-moi l’amour, Matthew…

Il me porte jusqu’à l’entrée de la maison et ouvre la porte. Sans me quitter des yeux, il monte àl’étage, un sourire malicieux au coin des lèvres.

— La tienne ou la mienne ? me propose-t-il, amusé, comme si j’avais déjà ma place dans cettemaison.

— La nôtre…, fais-je en lui montrant de la tête celle qui se trouve du fond du couloir avec le lit àbaldaquin.

Matthew se passe la langue sur les lèvres et me dévore littéralement de ses yeux étincelants. Jepeux sentir tout son amour à travers son regard posé sur moi, et cela me confirme que le choix que jeviens de faire est le bon. Il ouvre la porte de la chambre aux rideaux bleus et me dépose tel un petitêtre fragile sur le lit. Puis, il saisit une boîte d’allumettes se trouvant dans le tiroir du chevet à madroite et allume quelques bougies.

Il me rejoint sur le lit et se glisse au-dessus de moi, les mains posées de chaque côté de ma tête.Je passe mes bras autour de son cou que je caresse délicatement du bout des doigts.

— Je veux que ce moment reste à jamais gravé en nous. Tu en auras mis du temps…, me susurre-t-il de sa voix rauque en approchant ses lèvres des miennes.

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Je ne peux plus contrôler cette envie que j’ai de me perdre avec lui. Ma respiration s’accélère etje me tortille sous son corps qui se pose, à présent, de tout son poids sur le mien. J’ai le cœur qui valâcher tant l’émotion est forte. Jamais je n’avais ressenti une passion aussi enivrante que celle que jesuis en train de vivre dans ses bras.

— Tu étais là devant mes yeux aveuglés par la peur, et à présent, tout s’éclaire devant moi,admets-je en le serrant contre moi.

— Tu fais partie de moi, Hope. C’est indéniable.

Matthew s’accoude de part et d’autre de ma tête et prend mon visage entre ses mains. Sans mequitter des yeux, il appuie fortement son corps contre le mien et se frotte de bas en haut, ce quim’arrache un léger gémissement de satisfaction. Il me sonde de son regard comme s’il voulait êtretémoin du plaisir qu’il me procure. Je guette ses lèvres, l’invitant à se poser sur les miennes et luisouris tendrement.

— Qu’est-ce que tu veux ? me taquine-t-il en me mordillant la lèvre.

— Je te veux, idiot…, lui soufflé-je, amusée par sa question.

— Ah ouais ? Et quoi d’autre, Hope Obrien ? ajoute-t-il en appuyant plus fortement juste là sonmembre fièrement dressé contre ma peau.

— Je te désire tellement, mais je n’ai jamais ressenti de plaisir en faisant…, avoué-je, sanspouvoir terminer ma phrase.

Je dois être écarlate de honte.

— Celui-ci, fait-il en m’embrassant dans le cou. Ou celui-là, ajoute-t-il en passant sa main sousma robe.

Matthew glisse sa main lentement jusqu’à la bordure de ma culotte. Je sens son sourire naître surma peau. Il se joue de moi et, même dans un moment aussi intime, il me cherche encore.

— Laisse-moi sentir la douceur de ta peau glisser sous mes doigts, me susurre-t-il de sa voixsubmergée de désir qui m’embrase toute entière.

— Pourquoi moi, Matthew ?

Il relève immédiatement la tête. Son regard lascif se pose sur ma bouche.

— Parce que c’est comme ça ! crache-t-il férocement en écrasant ses lèvres contre les miennes.

Sa langue voluptueuse s’entrelace à la mienne, puis descend le long de mon cou et s’arrête aubord du tissu de ma robe. Matthew glisse son autre main sous celle-ci, la retrousse jusque sur monvisage et la passe par-dessus ma tête. Il dépose un chemin de baisers jusqu’à ma poitrine qu’ilresserre entre ses doigts, en jouant avec mes tétons douloureusement dressés sous mon soutien-gorge.Je m’ouvre un peu plus à lui en glissant mes mains le long de son dos qui viennent attraper la bordurede son pantalon. Soudain, il s’arrête et me dévisage de son regard perplexe.

— Quoi ? fais-je, paniquée.

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— Excuse-moi. C’est juste que c’est…

— Étrange… ? lui dis-je en levant un sourcil amusé.

— Non…, fait-il en secouant la tête. Évident… et tellement fort que j’en suis troublé…

Matthew se redresse. D’un geste naturel, il retire son pantalon suivi de son caleçon qu’il jette ausol. Je n’arrive plus à le quitter des yeux tant je suis captivée par son corps. Je reste béated’admiration devant sa virilité déployée sans vergogne devant mes yeux hébétés par la puissance quise dégage de lui. Puis, il pose ses mains sur mes chevilles et remonte jusqu’à la bordure de maculotte qu’il attrape délicatement entre ses doigts. Sensuellement, il la glisse jusqu’à mes pieds et ladépose sur le lit. Et il me tend sa main en me soufflant :

— Viens là…

Je me redresse et m’assoit face à lui. Il passe ses doigts tremblants sous les bretelles de monsoutien-gorge, sans me quitter des yeux, et les fait glisser lentement sur mes bras qu’il pressedélicatement entre ses mains. Puis, il me dépose un baiser sur le front et le dégrafe en le jetant sur lelit. D’un seul mouvement, il m’allonge en me dévorant littéralement de son regard brûlant etadmiratif. Embarrassée, je serre immédiatement les jambes, mais il passe un genou entre elles afinque je m’ouvre à nouveau à lui.

Matthew se dresse au-dessus de moi. Du bout des doigts, il effleure mon visage, descend vers mapoitrine qu’il caresse suavement telle la douceur d’une plume. Puis, il glisse sa main jusque-là. Jeme cambre sous la sensation voluptueuse qu’il me fait découvrir. Ses doigts s’invitent en moi et je nepeux retenir mes gémissements tant le plaisir qu’ils me procurent est intense.

— Regarde-moi, Hope.

— Je te regarde…

Il les glisse plus profondément et je sens son membre douloureusement dressé caresser ma jambe,ce qui m’arrache un sourire maladroit.

— Quoi ? fait-il, amusé, en levant un sourcil arrogant.

— Rien, désolée, m’empourpré-je.

— J’aime voir le plaisir naître au bord de tes lèvres, susurre-t-il à bout de souffle.

Je sens tout son désir se déployer contre ma peau. Sa respiration saccadée et sa bouche quis’entrouvre en me contemplant prouvent que le feu qui l’anime le consume tout entier. Sa main quittele nid douillet dans lequel il vient de préparer une place qui n’appartient désormais qu’à lui. Je suisprête et je sais que, cette fois, la seule sensation que je ressentirai, sera le plaisir qu’il m’offrira.

— Tu prends quelque chose ? s’assure-t-il avant.

— Oui… viens, s’il te plaît, fais-je en l’embrassant et passant mes mains sur son dos qui glissentvers ses fesses musclées.

Je les presse en appuyant légèrement pour l’inciter à se nicher en moi. Il se positionne en meguettant comme s’il avait besoin d’un signe pour s’inviter au creux de mon être. Je ferme un instant

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les yeux pour lui confirmer que je me meurs de goûter au plaisir délicieux de me perdre avec lui.

Matthew s’approche lentement et se glisse tendrement en moi, sans me quitter des yeux. Sonsouffle caresse suavement mes lèvres. Je me cambre par le plaisir que cela me procure déjà. Ils’allonge de tout son poids sur moi et entame un va et vient tout en douceur dont je ne soupçonnaismême pas l’existence. C’est donc cela faire l’amour ? À présent, je le ressens enfin, ce plaisir quigrandit en moi et qui remonte jusqu’au creux de mon ventre.

Mathew accélère le rythme et je m’ouvre un peu plus à lui afin de l’accueillir dans ce monde oùil a toute sa place. Je renverse ma tête en arrière en me laissant aller au plaisir qu’il me procure et luisouffle :

— Je t’aime, Matthew…

— Et moi, tu n’imagines même pas combien…, fait-il en se nichant plus profondément en moi.

— Dis-le-moi… Répète-le-moi, encore et encore…

— Les mots n’ont aucune valeur, ma puce…, me souffle-t-il au creux de l’oreille. Mais, oui, jet’aime… Tu le sais très bien…

Ma puce… Ses douces paroles me touchent profondément…

Je sens la chaleur m’envahir. Je me tortille sous son corps qui ne me laisse désormais plus aucunrépit. Il appuie plus fort et me lance à bout de souffle :

— Je te désire tellement, Hope…

Sous ses mots, le plaisir explose en moi et les larmes me montent aux yeux tant c’est fort etintense. C’est la première fois que je le ressens dans les bras d’un homme. C’est incroyable, puissantet dévastateur. Ses baisers ardents s’intensifient. Matthew augmente encore la cadence en enroulantmes cheveux entre ses doigts. Il relève la tête et plante ses yeux ténébreux dans les miens. Il fouinedans mon regard comme il a pour habitude de le faire afin d’entrer dans mon monde si particulier.Puis, il gémit d’une voix rauque :

— Je donnerai une fin heureuse à ton livre, à notre histoire… Il ne peut en être autrement…

Soudain, il se fige et pousse un râle puissant. Le souffle court, il se blottit contre moi et je sensson cœur cogner rapidement contre ma poitrine. Puis, il ralentit et pose sa tête au creux de mon couen me susurrant :

— Hope…

— Matthew…

Je le serre contre mon cœur en déposant un baiser sur sa joue. Il est ému et bouleversé par cemoment incroyable que nous venons de partager ensemble. Matthew me quitte et le vide que jeressentais d’habitude laisse place à une plénitude profonde. Je suis comblée et heureuse. Puis, ils’allonge auprès de moi en caressant ma joue. Les bougies illuminent ses yeux et je vois encore cettemême flamme crépiter au fond de son regard. Je ne me lasserai jamais de contempler ce visage quireprésente tant de souvenirs. Il est la réponse à toutes mes prières et je sais qu’il m’a sauvé la vie à

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de nombreuses reprises. Il m’a rendu ma joie de vivre et, avant tout, l’espoir auquel je ne croyaisplus.

— Matthew ?

— Ouais…, souffle-t-il d’une petite voix.

— Je…

Ce que je ressens pour lui est si intense que les mots me manquent. Matthew est cette évidenceque je ne voulais pas accepter de voir et aujourd’hui dans ses bras, j’ai cette certitude que c’est bienlui, l’homme de ma vie.

— Chut…, fait-il en me déposant un baiser sur les lèvres. Viens dans mes bras, ma puce.

Je le rejoins et pose ma tête sur son épaule. Matthew m’entoure de ses bras protecteurs encaressant tendrement mes cheveux qu’il fait glisser entre ses doigts. Je me niche au creux de son couet caresse son ventre finement dessiné. Je suis enfin chez moi….

La tension quitte mon corps. Le soulagement que je ressens m’apporte enfin cet apaisement etcette paix que j’ai toujours recherchés. Mon mal-être laisse place à une plénitude profonde. Lesommeil frappe déjà à ma porte comme si toute mon âme lâchait prise. Je vais pouvoir dormirpaisiblement… Je ferme les yeux en m’endormant tout contre son cœur…

01 h 17

Je cligne des paupières. Mais… ?

Je relève la tête. Matthew dort près de moi d’un sommeil paisible. Je vérifie l’heure du réveil etl’angoisse m’envahit. Dans quelques heures, je dois épouser Tom mais c’est aux côtés de cet hommemerveilleux que je me trouve. Je me relève discrètement, attrape ma robe étendue par terre et lapasse rapidement.

J’ouvre la baie vitrée et m’avance jusqu’à la rambarde. C’est magnifique… La pluie s’est arrêtéede tomber et l’air s’est adouci. La brise marine caresse tendrement mon visage et la tragique réalitéme rattrape. Je vais devoir affronter toute ma famille et annuler un mariage qui n’aurait jamais dû êtreorganisé. Comment leur faire comprendre sans être jugée ?

L’amour que j’éprouve pour Matthew est si fort que je suis incapable de décrire la profondeur demes sentiments. Il a fait de moi ce petit bout de femme que personne n’a jamais pu éveiller et quipourtant sommeillait au tréfonds de mon être. Je voudrais rester ici, blottie contre lui, mais je saiscombien la vie peut être cruelle. Je veux pouvoir profiter de ces instants précieux que le destin nousoffre.

J’aime cet homme. Chacun de ses baisers est un réconfort. Chacune de ses caresses est le remèdeà chacune de mes blessures les plus profondes. Comment pourrais-je une seule et unique secondesonger à vivre ailleurs qu’à ses côtés ? S’il m’était retiré un jour, comment survivrais-je à sa perte ?

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Je vois tout cet amour qui se déverse sur moi tel un flot salvateur au travers de ses yeux. C’est luil’homme de ma vie… Quand nous avons la chance de trouver l’être qui nous complète à la perfection,il nous est impossible de vivre auprès d’une autre personne. Alors comment le pourrai-je ?

— Tu ne dors pas ?

Je me retourne. Matthew, ensommeillé, se gratte la tête en s’avançant vers moi.

— Excuse-moi. Je ne voulais pas te réveiller…

Qu’il est mignon au saut du lit… Il n’a passé que son caleçon et je peux ainsi admirer ce corpsathlétique s’avancer vers moi. Je lève un sourcil malicieux en le reluquant de bas en haut.

— La vue te plaît, Hope ?

— J’avoue qu’il est difficile d’y résister, gloussé-je, en l’attrapant par la main pour le ramenervers moi.

Matthew pose ses mains sur ma taille et me dépose un baiser sur les lèvres.

— Que fais-tu, ici ? Est-ce que tout va bien ?

— Je vais bien…, le rassuré-je.

J’inspire profondément et me tourne face à l’océan. Matthew m’entoure immédiatement de sesbras et me souffle à l’oreille :

— C’était incroyable et… si intense.

— Pour moi aussi… C’était merveilleux et au-delà de ce que je m’étais imaginée.

— À présent, que vas-tu faire ? As-tu pris une décision ?

— J’ai tellement peur, lui avoué-je en lui faisant face à nouveau. Que dois-je faire ? Comment lefaire ?

— C’est à toi de décider, Hope. Tu dois le faire pour toi.

— Et toi ? Qu’est-ce que tu veux ?

— Je n’ai pas à décider à ta place, lance-t-il d’une voix froide.

Matthew recule et repart dans la chambre. Je lui emboîte le pas en lui demandant :

— Même après ce que nous venons de partager tous les deux ?

— Comment ça ?! s’emporte-t-il en attrapant son pantalon par terre.

Il le passe sans me regarder et s’assoit sur le lit, la tête posée entre ses mains.

— J’ai besoin d’entendre ce que toi, tu veux, Matthew ? Savoir où je vais avec toi et si tu veux,toi aussi, la même chose ? Pourquoi cela t’es si difficile de me dire clairement ce que tu souhaites ?

— Putain ! Tu le sais très bien, Hope. On a déjà eu cette conversation des dizaines de fois, et celac’est toujours terminé par des prises de bec. À quoi bon ? Tu ne comprends rien, m’assène-t-il, en me

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foudroyant de son regard, les yeux noirs de colère.

— Mets-toi cinq secondes à ma place ! Serai-je une simple aventure que tu abandonneras dèsqu’une autre arrivera dans ta vie ?

— Tu te fiches de moi ? proteste-t-il en se relevant mais je recule aussitôt.

Matthew me dévisage, interloqué, et balaye l’air de la main en se tournant dos à moi. Puis, ils’appuie au lit à baldaquin, le regard rivé dans le vide. À bout de nerfs, j’attrape mes sous-vêtementsqui gisent sur le sol en guettant sa réaction, mais rien ne vient. Je traverse la chambre et ouvre laporte en lui soufflant d’une voix lasse :

— J’avais juste besoin de ton soutien…

Sans terminer ma phrase, je traverse le couloir et dévale les escaliers sans même me retourner.

— Hope ! hurle Matthew à l’étage.

Je ne veux plus rien entendre. Je suis blessée par son comportement et je lui en veux terriblement.Il est incapable d’exprimer ce qu’il veut, et ce, depuis le début. Je suis en train de prendre unedécision très difficile qui va bouleverser toute ma vie. J’attendais au moins un peu de soutien de sapart. A-t-il peur de s’engager avec une fille comme moi ? Où est le Matthew qui a pour habitude dem’épauler ? J’ai la terrible impression que lorsqu’il s’agit de nous, il n’est plus le même…

— Hope, attends !

J’ouvre la porte d’entrée et me retourne, les yeux remplis de larmes.

— Tu es un lâche, Matthew… Tu sais combien il m’est difficile de prendre cette décision etcombien je me sens seule face à toute cette famille qui m’attend là-bas, fais-je en lui montrantl’extérieur de la main. Certes, je n’ai pas fait les bons choix ces derniers mois, mais je suis venue terejoindre ce soir. Je voulais que tu te battes pour moi et que tu cries au monde entier que tu m’aimeset que tu m’as choisie, moi ! Moi, Hope Obrien, Matthew ! m’écrié-je en pleurs.

Il baisse la tête et reste là, sans réaction.

— Très bien, je vois… Adieu, Matthew.

Je sors de la maison et ramasse mes clés de voiture sur le sol. Je me précipite à ma Chevrolet,démarre sans quitter des yeux l’entrée où la porte est encore grande ouverte. J’attends quelquessecondes avec l’espoir qu’il court vers moi afin de m’empêcher de commettre l’irréparable, mais iln’en fait rien… Je contemple une dernière fois cet endroit si cher à mon cœur et dont je garde de simerveilleux souvenirs. Ses mots me reviennent en tête et ils prennent toute leur importance à présent :

« Les paroles ne valent rien si elles ne sont pas portées par des actes… »

Matthew vient de me prouver que ses paroles ne valent rien, puisque ses actes, eux, ne confirmentpas les sentiments qu’il dit éprouver à mon égard. Aurai-je dû lui dire que j’annulais mon mariage ?

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Avait-il seulement besoin de l’entendre ? Je suis désespérément perdue, encore une fois…

Je m’engage sur la route, décidée à lui tenir tête. Les larmes aux yeux, je songe à ces quelquesheures passées contre son corps. Matthew m’a fait l’amour comme jamais Tom ne l’a fait. C’étaitmagique, merveilleux, plein de tendresse et si fort. Mon cœur est lacéré par son attitude passive. Unehaine terrible grandit en moi. Je me refuse de l’accepter ou de la ressentir envers lui. Que vais-jefaire ? Dois-je aller au bout et annuler ce mariage qui ne tient plus à rien ?

02 h 37

En arrivant à l’appartement des filles, la lumière est encore allumée. Je monte à l’étage et,lorsque Rose m’ouvre la porte, le sourire qu’elle arbore disparaît aussitôt devant mes yeux embuésde larmes. Je lève simplement la main pour lui interdire de me demander quoi que ce soit. Je pensequ’elle saisit immédiatement ce qu’elle redoutait. Matthew et moi, c’est bel et bien terminé… Emmaet ma cousine la rejoignent et leur regard compatissant m’arrache une grimace. Je ne suis pas prête àleur confier ce que je viens de vivre cette nuit au creux des bras de l’homme que je viens de perdre,une fois de plus. Elisabeth me rejoint sur le pas de la porte et me serre contre elle en me soufflant àl’oreille :

— Tu ne dois rien regretter. Mais à présent, tu dois prendre une décision, pour toi…

Je la regarde en secouant nerveusement la tête pour lui faire comprendre que je refuse d’y songerpour le moment. La colère n’en finit pas de gronder en moi et m’empêche d’avoir les idées claires. Jesuis à fleur de peau depuis plusieurs semaines, et la tension en est à son paroxysme ce soir. Je suis siépuisée et dévastée par cette douleur qui vrille mon cœur.

— Rendez-vous demain matin chez moi. Je vais avoir besoin de vous, et ce, peu importe ladécision que je serai amenée à prendre.

— Nous serons là, Hope, m’assure Rose.

Emma confirme d’un signe de tête. Les filles me saluent, le regard malheureux posé sur mapersonne. Puis, je descends et remonte dans ma voiture avec Elisabeth, sans dire un seul mot jusqu’àce que je me retrouve au point de départ, c’est-à-dire devant cette maison où m’attendent mesparents, impatients à l’idée de marier leur fille.

03 h 01

— Mais où étais-tu ? me lance ma mère d’une voix pleine d’inquiétude.

Je referme la porte derrière Elisabeth et m’avance de quelques pas. Ma mère traverse le salon,où ma robe de mariée est posée sur la planche à repasser, et vient aussitôt me rejoindre.

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— Maman…

— Ton père était inquiet, et tu devais nous aider à préparer les arrangements floraux pour tescentres de tables, je te signale, me gronde-t-elle en secouant le doigt devant mon nez, un poing posésur la hanche.

— Ma tante, je vous laisse…

Elisabeth salue ma mère de la main et se tourne vers moi :

— Hope, si tu as besoin, je suis là, me console-t-elle en posant sa main sur mon épaule.

J’opine de la tête en lui souriant. Puis, elle me laisse seule avec ma mère en partant vers lacuisine.

— Si tu savais combien cela m’est égal ! pesté-je en m’avançant vers le salon.

Je passe devant les yeux hébétés de ma mère et m’assois sur le canapé, la tête posée en arrière.J’ai l’impression d’avoir un poids d’une tonne sur le corps. Mais dans quelle situationrocambolesque je viens de me fourrer encore une fois ?

— Tu dois aller dormir, te doucher, te faire coiffer dans quelques heures sans parler de lamaquilleuse, fait-elle en énumérant sur ses doigts la liste interminable qu’elle a concoctée pour moi.Et puis, il y a le photographe qui sera là pour 09 h 00, sans compter que tu te maries dans la communevoisine, donc…

— C’est le cadet de mes soucis ! la coupé-je d’une voix courroucée.

— Non, mais que se passe-t-il, tu deviens folle ?! hurle-t-elle en tapant du pied par terre.

— Tu vas réveiller papa si tu continues à hurler comme une hystérique, lui fais-je remarquer,affalée sur le canapé.

— Ne me parle pas sur ce ton, jeune fille !

— Sinon quoi ?! m’écrié-je en me relevant pour lui faire face, les yeux ivres de haine en lacontemplant de bas en haut.

Elisabeth nous rejoint immédiatement d’un pas précipité.

— Calmez-vous, s’immisce-t-elle aussitôt en posant ses mains sur les épaules de ma mère pourtenter de l’apaiser. Vous allez réveiller mon oncle, et Dieu sait combien il sera en colère et demauvaise humeur, ajoute-t-elle à voix basse, de peur d’être entendue.

Ma mère secoue la tête et s’approche de moi, mais je recule en croisant les bras contre mapoitrine. Je ne veux rien entendre, et surtout rien qui concerne ce maudit mariage.

— Hope, ma chérie. Que se passe-t-il ?

J’inspire profondément et croise son regard suspicieux. Je lève les yeux au ciel et souffle à demi-mots :

— Je ne veux… plus… me marier…

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— Qu’est-ce que tu viens de dire ?

Je répète à nouveau en articulant clairement mon souhait le plus profond et ma décision est prise :

— Je ne veux plus me marier. C’est clair, comme ça ?!

— Mais tu as perdu la tête ! s’emporte-t-elle en levant les mains vers le ciel et les posant ensuitesur sa tête comme si le monde venait de s’écrouler.

— Non, au contraire. Cela n’a jamais été aussi clair dans ma petite caboche, lui dis-je enappuyant du doigt sur ma tempe.

— Tout le monde sera là dans quelques heures ! As-tu seulement pensé à Tom ?

Un frisson d’effroi me traverse… Le sang quitte lentement ma tête. Pendant quelques minutes, j’enavais oublié son existence comme si je l’avais déjà rayé, purement et simplement, de ma vie. Mais laréalité est tout autre. Je vais devoir l’affronter et lui annoncer que j’annule notre mariage et, par lamême occasion, que je le quitte. Comment va-t-il réagir face à l’affront que je m’apprête à lui fairedevant nos familles réunies en ce jour si important à ses yeux ?

— Je… eh bien…

— J’attends ! me coupe ma mère, resserrant violemment la corde autour de mon cou.

Je déglutis avec difficulté en passant mon regard désemparé sur celui de ma mère et de macousine qui attendent ma réponse.

— Je vais me coucher…

— Quoi ? Reviens ici, tout de suite ! m’ordonne ma mère, hors d’elle, en pointant du doigt le solcomme si j’étais un animal.

— Non ! rétorqué-je aussitôt. J’ai besoin de repos, je monte me coucher. Tu n’as pas à me dicterma conduite ! Sur ce, bonne nuit à toutes les deux, ajouté-je en remontant les escaliers.

Je rentre dans ma chambre et m’allonge sur le lit, le regard rivé sur le plafond. Que vais-je faire ?L’angoisse m’envahit… Serai-je capable d’affronter la réaction de nos convives ? Trouverai-je assezde courage pour tenir tête à mes parents ? Est-ce bien cela que je souhaite ? Je suis complètementpaumée et… Matthew me manque terriblement.

Je me retourne sur le côté, le visage posé sur mes mains et demande à voix basse en contemplantles étoiles à travers la baie vitrée :

— Toi, ma Destinée ? Envoie-moi un de ces nombreux signes que j’ai refusé de voir ces derniersjours, je t’en supplie… Que dois-je faire, le sais-tu au moins ?

J’ai les yeux qui me brûlent d’avoir tant pleuré… Le sommeil frappe à ma porte et je ferme lespaupières, j’en ai tellement besoin…

Bonne nuit… Matthew… Où que tu sois, je pense à toi…

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- JOUR J -

Katharine Mcphee - My Destiny

Port Clyde,Samedi 28 juin 1975 à 06 h 59

Le ciel est gris ce matin. Ma nuit a été courte et, malgré les remontrances de ma mère, je ne saistoujours pas quelle décision je dois prendre. La pluie menace au loin dans l’horizon tout comme dansmon cœur attristé. Je ferme un instant les yeux. Je sens encore les mains de Matthew qui glissentlentement sur mon corps. Je peux presque percevoir son souffle qui s’embrase sur ma peau et sesbaisers langoureux se poser délicatement sur mes lèvres. Dieu, qu’il me manque…

Je traverse la terrasse et entre dans ma chambre. J’aperçois ma robe de mariée suspendue sur laporte de l’armoire et mes escarpins soigneusement rangés près de la boîte qui contient le voile quicachera mon visage lorsque je remonterai l’allée de l’église. Ma mère a dû l’apporter cette nuit…

J’ai la nausée et du mal à déglutir, tant j’ai la sensation que le désespoir va m’emporter avec lui.J’ai l’impression de me noyer et de ne plus pouvoir respirer. L’angoisse me tenaille, et je sais qu’ellene désemplira pas tant que je ne me serai pas enfuie loin d’ici.

On frappe à la porte.

— Entrez !

La porte s’ouvre et le regard compatissant d’Elisabeth apparaît.

— Bonjour, cousine… Nous avons à discuter… Je peux entrer ? me demande-t-elle, soucieuse, enouvrant la porte grand devant elle.

— Oui, bien sûr… Viens t’assoir près de moi, lui réponds-je en tapotant sur le lit.

Elle ferme la porte en jetant un regard prudent vers le couloir afin de vérifier que personne n’està l’étage. Elle me rejoint aussitôt en posant sa main sur la mienne.

— Comment te sens-tu ?

— Vide… Mal et… prise au piège… Je me sens étranglée…, lui décris-je en posant ma main surmon cou.

— As-tu enfin pris une décision ? Je ne veux pas te mettre la pression, mais tout le mondes’affaire en bas et la coiffeuse sera là dans moins d’une demi-heure, me souffle-t-elle en caressant

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mes cheveux avec tendresse.

— Je sais que je ne dois pas épouser Tom… Il a beaucoup changé, c’est vrai, mais ce que jeressens pour Matthew est sans comparaison. J’aime profondément cet homme, mais…

Je baisse la tête et les larmes qui menaçaient depuis mon réveil, coulent à présent le long de monvisage. Elles se meurent sur mes mains qui resserrent ma nuisette entre mes doigts tremblants. J’ail’impression d’être droguée et que mon corps est courbaturé, mou, et fragile. J’ai presque le besoinde me laisser porter, comme si j’avais abandonné l’idée de me battre. Je suis en train de faire unecroix sur Matthew. Je suis si fatiguée…

— Mais ? me demande-t-elle, en relevant mon visage en pleurs vers elle.

— Je ne sais pas ce que Matthew veut réellement… Je ne sais pas où je vais avec lui et j’ai sipeur… Je suis incapable d’affronter toute ma famille et d’annuler ce mariage…, lui avoué-je d’unevoix tremblante.

Elisabeth me prend dans ses bras et me réconforte comme elle le peut. Je lui confie alors ce quis’est passé hier soir entre Matthew et moi…

07 h 15

La porte s’ouvre brusquement. Ma mère, sans se donner la peine de frapper, apparaît avec lacoiffeuse, Linda, suivie de près par la maquilleuse, Lindsay. Elles me lancent un simple bonjour de lamain et s’installent sur mon bureau, puis sur ma commode face à mon lit.

— Bien, c’est le grand jour, me dit Linda qui attrape une serviette.

— Va prendre une douche mais dépêche-toi. Nous sommes déjà terriblement en retard, me faitremarquer ma mère en jetant un œil à sa montre.

Je regarde l’horloge posée sur mon bureau. Effectivement, l’heure tourne à vive allure et je suisincapable d’en freiner sa course. Je me relève en souriant à ma cousine qui cligne des paupières pourme faire comprendre que je dois me dépêcher, si telle est ma décision. D’un pas incertain, je traversema chambre sans un mot. Une fois sous la douche, je me laisse aller au chagrin dévastateur quim’emporte avec lui…

09 h 47

Linda ajuste le voile sur ma tête en prenant soin de ne pas abîmer mon chignon d’où plusieursboucles retombent en cascade sur mon dos. Emma et Rose sont arrivées il y a quelques minutes, etleur présence me réconforte. Je me sens moins seule, mais la boule d’angoisse dans mon ventre, nefait que croître de minute en minute.

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— Voilà, vous êtes magnifique, me dit Linda en posant ses mains sur mes épaules derrière moi.

— Merci, murmuré-je en me contemplant devant le miroir psyché à l’encadrement blanc près dela baie vitrée.

— Bonjour ! lance le photographe qui se reflète dans le miroir.

Je virevolte comme je peux, en soulevant ma robe et mon voile. Il pose sa mallette sur le sol etcomplimente ma mère d’une poignée de main :

— Mme Obrien, ravi de vous revoir. Comment allez-vous ?

— Bien, merci et vous, Richard ? lui demande-t-elle en me surveillant du coin de l’œil.

— Tout va très bien. Nous ne sommes pas en retard sur le programme de la journée. Je reviens àl’instant de chez M. et Mme Woods. Nous avons fait les clichés avec le futur marié. Qui, soit dit enpassant, est très élégant dans son costume. Votre futur mari a hâte de vous voir dans votre robe, Melle

Obrien, nous confie-t-il, tout souriant.

— Mon quoi… ? fais-je à des années-lumière de cette chambre.

— Bien, commençons, me coupe aussitôt ma mère qui ressent mon embarras.

— Vous êtes une superbe mariée, Melle Obrien. Nous allons commencer par quelques clichés devous sur votre lit, et ensuite, je vous suivrai tout au long de cette journée unique, me dit-il tout ensortant son appareil photographique.

— Bien…, marmonné-je en m’avançant vers mon lit où je m’assois.

10 h 09

Richard est très gentil et m’a tout de suite mise à l’aise. Mais je commence réellement à en avoirpar-dessus la tête de tenter de sourire à l’objectif, alors que mon cœur est ravagé par la douleur.

— Fais un effort, Hope ! me réprimande ma mère en posant les poings sur les hanches.

— Je suis fatiguée…

— Nous avons bientôt terminé, me confirme Richard, caché derrière son objectif.

Soudain, le vrombissement d’une voiture résonne dehors. Je croise le regard stupéfait de Rose etEmma.

— C’est lui !

Je me relève de ma chaise en jetant mon bouquet sur le sol, le regard rivé vers l’extérieur.

— Mais… Mademoiselle Obrien… nous n’avons pas terminé, se plaint immédiatement Richard.

Je soulève ma robe et traverse la chambre d’un pas précipité vers la terrasse. Je bouscule ma

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mère au passage en la repoussant d’une main tremblante.

— Hope ! s’exclame-t-elle en me suivant.

Je m’agrippe à la rambarde comme à une bouée de sauvetage. Je veux encore y croire… Monvoile vole dans les airs, et je suis certaine de reconnaître ce bruit de moteur qui tourne en ville.

— Matthew ? chuchoté-je, emplie d’un fol espoir.

Je repousse le voile sur le côté qui me gêne la vue. Est-ce ma tête qui me joue un vilain tour ?Malheureusement, de ce côté de la maison qui donne sur le jardin, je ne vois pas la route principalequi mène au centre-ville.

— Hope ! hurle ma mère, mais sa voix s’éteint peu à peu lorsque j’entends à nouveau ce mêmebruit de moteur, au bout de la rue.

— C’est lui ! C’est lui ! m’écrié-je en me retournant pour faire face à ma mère au bord de la crisede nerfs.

Je tombe nez à nez avec elle, sans savoir que faire.

— Qui ça ? gémit-elle, mais elle a parfaitement compris le sentiment qui m’anime.

Je me mordille nerveusement la lèvre en la dévisageant. Hope, allez, bouge-toi les fesses !

— Désolée… Annulez tout !

— Mais tu as décidément perdu la tête !

Je sors précipitamment de la chambre sans regarder en arrière. Je soulève ma robe et descend lesescaliers en arrachant le voile qui tombe derrière moi. Je suis comme envoûtée par ce bruit quim’appelle inexorablement à lui et dont je reconnais le timbre. Je sais que Matthew est là quelque partà tourner en rond. Je le connais, et je sais qu’il veut me faire comprendre combien il est hors de lui etperdu.

J’ouvre la porte d’entrée et me faufile à l’extérieur. Je m’arrête instantanément, choquée par lafoule. Ma famille et mon père qui m’attendaient dehors se mettent à m’applaudir. Merde !

— Oh comme elle est belle…, lance ma tante dans l’allée en essuyant une larme qui perle au coinde l’œil.

Mon père s’approche de moi, le regard noir. Il a compris… Il m’attrape par le bras et me crachesévèrement :

— Rentre immédiatement ! Hors de question que tu nuises à cette famille. La honte me seraitinsupportable. Comment peux-tu une seule seconde imaginer que je vais accepter cet affront ?

— Je…, tenté-je de m’expliquer, mais il m’emporte déjà à l’intérieur en claquant la porte au nezde nos invités.

Non ! Je dois aller le rejoindre !

— Nous allons être en retard, me pousse-t-il vers le salon.

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— Non, papa ! Laisse-moi, je t’en supplie.

Ma mère descend lentement les escaliers en ramassant le voile qui gît sur les marches, suivie duphotographe, extrêmement embarrassé d’assister à une dispute familiale. Elle s’avance vers moi etme tend mon bouquet de fleurs. Elle dévisage mon père, et acquiesce d’un signe de tête pourconfirmer qu’elle est d’accord avec lui.

— Non ! hurlé-je d’effroi.

Les filles nous rejoignent, leur visage dévasté par le chagrin. Emma lève la tête bien haut ets’approche de mon père. Elle le dévisage de haut en bas en grimaçant et lui crache sans la moindrepeur :

— Vous le regretterez toute votre vie. Un vrai père n’aurait jamais réagi comme vous ! Hope, jet’attends dehors…

Mon père reste sans voix. Elle aura au moins réussi à lui clouer le bec, ce dont très peu depersonnes sont capables. Puis, elle quitte la maison. Rose s’avance vers moi et me dépose un baisersur le front :

— Nous serons toujours là pour toi…

10 h 37

Une demi-heure plus tard, me revoilà face au miroir de ma chambre. Mon maquillage, retouché,cache ma peine et le flot de larmes qui a coulé en début de matinée. Une nouvelle Hope se tient là,devant mes yeux. La jeune femme obéissante et docile… Je n’ai plus le choix…

— Mademoiselle…, m’appelle le photographe.

Je me tourne face à lui.

— Allons-y, je suis prête, lui dis-je, pleine de conviction.

Je passe devant ma mère et hausse un sourcil arrogant :

— Satisfaite ?

— Mais… Hope… ?

— Pas un mot…

Je descends lentement les escaliers et mon père me tend sa main.

— Papa.

— Hope… Tu es magnifique.

— Merci, réponds-je simplement en m’avançant vers la porte d’entrée.

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Si le mariage avait eu lieu comme prévu à Port Clyde, à cette heure-ci, je serais déjà mariée.Mais la vie a décidé de m’offrir encore quelques minutes de liberté et de répit. J’inspireprofondément et ouvre la porte qui fait apparaître la foule. Des applaudissements retentissent aussitôtautour de moi. Le photographe passe rapidement devant moi afin de prendre des clichés. Je m’avanceau bras de mon père jusqu’à sa voiture. Il pose un baiser sur ma tête et m’ouvre la portière arrière. Jejette un dernier regard à cette maison. Lorsque je reviendrai, après ma lune de miel, je ne serai plusjamais la même. J’appartiendrai à un autre. Je m’engouffre à l’intérieur. Ma mère m’aide àm’installer et relève ma robe en plaçant soigneusement le tulle sur les sièges. Elle arrange mon voiledevant mon visage comme si j’étais une poupée de porcelaine qui ne peut plus bouger.

— Tu es ravissante, ma chérie, me complimente-t-elle en ajustant une nouvelle fois mon voile.

— Merci, dis-je d’une petite voix.

Ma mère referme la portière et rejoint Elisabeth dans la voiture de ses parents. Mon père, lui,prend place au volant et me guette dans le rétroviseur en me souriant. Je fuis immédiatement sonregard en regardant vers l’extérieur où tout le monde s’affaire à monter dans son véhicule. Il allumel’autoradio et ouvre la fenêtre de mon côté afin que de l’air circule. La température commence àgrimper en ce jour d’été. Les rayons du soleil m’éblouissement et présagent une merveilleusejournée.

— Idéale pour un mariage…, me murmuré-je.

Soudain, mon père augmente le son. Non ?! La musique des Al Green – Let’s Stay Togetherenvahit l’habitacle de la voiture. Je tente de museler mon chagrin, mais trop tard, les larmes memontent aux yeux. Je cache mon visage derrière mon bouquet de peur que mon père ne s’enaperçoive. Je ne veux pas qu’il change de station de radio. Je veux m’enivrer une dernière fois decette mélodie qui me rappelle tous ces merveilleux moments passés aux côtés de Matthew. Commentsurvivrai-je à son absence ?

10 h 49

Nous traversons la ville et le cortège nous suit en klaxonnant. Moi, je m’enferme dans ma bullepetit à petit et, au bout de quelques secondes, je n’entends plus rien… Seuls les battements de moncœur résonnent dans ma tête. Je ferme les yeux et le visage de Matthew m’apparaît. Je veux menourrir de son sourire. Car la seule chose qui me reste, à présent, ce sont les souvenirs…

Arrivés devant l’église, je sors de la voiture aidée de ma mère. Je regarde autour de moi, avecl’ultime espoir de le voir bifurquer au bout de la rue… Désespérée, je m’avance jusqu’à l’entrée. Unhomme se tient dos à moi au bout de l’allée, près de l’autel. Je suis prise de vertige lorsqu’il seretourne face à moi et que Matthew m’apparaît comme une illumination. Je m’avance d’un pas, maismon père me retient en me faisant remarquer :

— Tu dois attendre que la musique démarre, Hope.

— Quoi… ? demandé-je en regardant à nouveau vers l’autel où se trouve à présent un prêtre.

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Matthew a disparu, et à présent, c’est un Tom radieux qui m’attend les mains jointes devant lui.

La musique de la Marche nuptiale de Mendelssohn s’élève dans l’église. Mon père me tend sonbras et j’y glisse ma main. Je m’avance lentement vers Tom en baissant la tête. Mon cœur cogne sifort dans ma poitrine que je peine à reprendre mon souffle. Cette allée me semble bien trop petite etquelques mètres me séparent de mon Destin tragique. Dans quelques minutes, je serai mariée à cethomme qui m’attend, là, devant moi. Je croise le regard de mes convives qui me sourient sur monpassage, puis celui de M. et Mme Woods qui ont l’air ému. Ma mère sort un mouchoir de sa poche etse tapote délicatement les yeux, submergée d’émotion. Mon petit-frère, lui, se tient bien droit auprèsd’elle sans me quitter des yeux. Mais le regard de mes amies et de mon témoin, Elisabeth, ne mentpas. Elles sont bouleversées et désemparées. C’est trop tard. Je ne pourrai plus revenir en arrière.C’est terminé…

Mon père attrape ma main et la pose sur celle de Tom dont je n’ose encore croiser le regard. Jetends mon bouquet à ma cousine qui l’attrape en me souriant.

— Voilà, mon garçon… Prends soin de ma fille, lui dit mon père d’une voix basse en posant samain sur son épaule.

— Oui, Monsieur, lui réponds simplement Tom.

Je relève la tête vers lui, les larmes aux yeux. Tom me dévore littéralement du regard. Le bonheurse lit sur son visage, et moi, je dois lutter contre l’idée de m’enfuir.

— Tu es magnifique, bébé…, me souffle-t-il en portant ma main à ses lèvres où il dépose unbaiser.

— Merci…, bafouillé-je en fuyant son regard.

Mon père pose un baiser sur le haut de ma tête et va prendre place auprès de ma mère sur lesrangs de gauche.

Le Père Andrews s’approche de son pupitre, ouvre son livre et ajuste son micro. Il se racle lagorge et prend la parole :

— Nous sommes réunis, aujourd’hui en ces lieux, pour unir cet homme et cette femme par lesliens sacrés du mariage.

Je me retourne aussitôt, poignardée en plein cœur et apeurée par ce simple mot : mariage. MaisTom m’agrippe immédiatement par la main. Je croise son regard foudroyant. Je prie pour queMatthew surgisse dans l’église comme dans ces comédies romantiques, mais il n’est pas là…

— Que se passe-t-il ? me chuchote Tom discrètement à l’oreille.

— Rien… Tout va bien…

— Ce n’est pas l’impression que tu me donnes, me lance-t-il avec un regard noir qui m’arracheun frisson.

— Va-t’en, Hope… Sors de cette église ! me dis-je sans pour autant bouger d’un pouce.

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Le prêtre reprend, perplexe, en me dévisageant d’un air suspicieux. Mince ! A-t-il perçu monangoisse et le désespoir dans lequel je me noie ?

— Le mariage suppose que les époux s’engagent l’un envers l’autre sans y être contraints…,insiste-t-il sur ce dernier mot en levant un sourcil interrogateur sur moi.

Tom se colle à moi et resserre encore sa main autour de la mienne, de peur que je ne m’échappe.Il a compris que quelque chose clochait. J’opine de la tête vers notre prêtre afin de lui confirmer quetout va bien. Puis, il reprend :

— … par personne, se promettent fidélité pour toute leur vie et acceptent la responsabilitéd’époux et de parents.

Je regarde les filles à ma gauche près de mes parents qui me sourient. Je suis mal, très mal… Jene peux plus m’échapper, c’est impossible ! Mon Dieu, la corde qui me noue le cou va finir parm’étrangler. Je tremble de la tête aux pieds, non pas de trac, mais de peur. J’ai conscience que je suisen train de commettre une connerie monumentale, mais je suis figée sur place sans pouvoir réagir, nibouger.

Le Père Andrews s’adresse à Tom et lui demande :

— Tom. Est-ce bien ainsi que vous l’entendez ?

— Oui, répond-il immédiatement sans aucune hésitation.

Le Père se tourne vers moi, et je baisse aussitôt la tête. Les larmes menacent de couler à nouveauet je suis incapable de les retenir tant la douleur est vive.

— Hope. Est-ce bien ainsi que vous l’entendez ?

Je suis incapable de prononcer quoi que ce soit. Je suis aphone. Tom me resserre la main pour mefaire comprendre que tout le monde attend ma réponse. Je me retourne un instant et croise le regardnoir de mon père qui secoue la tête pour m’interdire de partir. Ma mère est cachée derrière sonmouchoir, bien consciente du drame dans lequel je sombre. Puis, tout le monde me regarde comme sij’étais une bête de foire.

— Hope ? insiste le Père Andrews.

Je me retourne aussitôt vers lui. Les larmes se mettent à couler le long de mon visage et metrahissent…

— Je… ? Pourriez-vous répéter, s’il vous plaît ?

— Hope. Est-ce bien ainsi que vous l’entendez ?

— Je… Oui, réponds-je en baissant la tête, vaincue.

Tom se met à caresser l’intérieur de ma main avec son pouce, soulagé par ma réponse.

— Et vous, Elisabeth et Benjamin, acceptez-vous d’être les témoins de cette union ?

— Oui, je l’accepte, répond le cousin de Tom qui nous adresse un sourire chaleureux.

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— Je… Oui…, je l’accepte, ajoute Elisabeth d’une petite voix et dont je n’ose croiser le regard,tant je sais combien il doit être bouleversé.

Le prête Andrews attrape un autre livre sur le pupitre et l’ouvre. Puis, il feuillète quelques pagesen me jetant un œil furtif. Je sais qu’il se pose beaucoup de questions quant à ce mariage, car il mesemble perplexe chaque fois qu’il pose son regard sur le mien.

— Si quelqu'un veut s’opposer à cette union, qu’il le dise maintenant ou se taise à jamais, dit-ilen regardant l’assemblée derrière nous.

Je me retourne encore. Cherchant désespérément ce visage qui me sortirait de ma torpeur, mais iln’est pas là…

Où es-tu ? Vas-tu réellement me rayer de ta vie pour toujours, Matthew ? Je t’en supplie, viens mesauver, car je suis incapable de le faire moi-même. C’est trop difficile…

— Hope ? me souffle Tom.

— Oui, excuse-moi, dis-je en revenant vers lui, comme si plus rien ne pouvait m’éloigner de cequi va irrémédiablement arriver.

Je vais épouser cet homme, et moi, sotte que je suis, je vais accepter sans broncher. Au nom dequoi ? La famille, les amis et du qu’en dira-t-on si je m’enfuis d’ici sous le regard hébété de nosconvives ? Je relève la tête et acquiesce vers notre prêtre. Il grimace et dévisage Tom en levant unsourcil inquisiteur. Mais Tom pose un baiser sur ma tempe à travers mon voile qui dissimule encoremon visage et mon désespoir.

La cérémonie continue, mais mon cœur, lui, n’est plus là, pas plus que ma tête. Je vois le PèreAndrews murmurer des choses et sa bouche qui fait des mouvements. Puis, son image se déformecomme si je perdais contact avec la réalité. Je regarde autour de moi et les visages sont floutés. Jecligne des paupières et secoue la tête, mais rien n’y fait. J’ai l’impression de quitter mon proprecorps et que mon âme essaye désespérément de s’enfuir, mais elle est hélas aussi prisonnière quemoi.

Je repense à cette nuit merveilleuse. Je ferme un instant les yeux et me laisse porter par messouvenirs… Matthew m’a prise dans ses bras, m’a enlacée, frôlée et caressée de ses doigts délicats,de ses mains douces. Il m’a murmuré combien il m’aimait et m’a profondément touchée. Je suisbrisée à tout jamais… Son absence m’est insupportable. Guérirai-je un jour de cette douleurlancinante qui me dévore de l’intérieur ? Survivrai-je au manque de sa peau et de sa chaleur ? Oùvais-je trouver la force d’avancer sans sa présence à mes côtés ? Il est l’ami sur lequel je pouvaiscompter à tout instant… À qui j’ai confié mes secrets, mes doutes et ma vie… Ce que je ressens n’estpas que de l’amour… C’est bien plus que ça… Je suis encore incapable aujourd’hui, après plusieursmois, de décrire ce que je ressens tant c’est fort. Pourtant, c’est Tom que je vais épouser… Était-cema Destinée ? Notre Destinée ? Seul le temps nous le dira…

01 h 35

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Ce moment où tout bascule du côté obscur, et où la réalité reprend toute sa place comme si elles’était simplement effacée ces dernières semaines. Cet instant où tout devient limpide et que vousréalisez que vous venez de commettre l’erreur la plus monumentale de votre vie. Et où les démonsqui sommeillaient en vous signent un nouveau pacte avec l’homme qui se tient à vos côtés.

Tom emprunte une route à droite. Il a bu énormément lors du dîner, et il m’a l’air tendu. Il ne m’apas lâchée de la journée comme s’il pressentait mon envie de disparaître loin de toute cettemascarade. J’ai senti le désespoir le gagner, puis il a été remplacé par une colère sourde. Lors de lacérémonie, je n’avais qu’une envie, relever ma robe, arracher pour la deuxième fois ce voile quimasquait la terrible réalité et de traverser l’allée vers la lumière qui brillait dehors. Celle du soleilqui m’appelait inlassablement à lui, mais je suis restée là sans bouger, attendant ma sentence : payerpour mon manque de courage et accepter de partager ma vie avec Tom. Pourtant, mon cœur me hurlaitd’aller rejoindre Matthew, mais ma raison a une fois de plus remporté cette bataille sans fin que jeme livre à moi-même depuis des mois : vaincre mes peurs, mes angoisses et reprendre ma vie enmain. J’ai lamentablement échoué…

— Tom ?

— Quoi ?

— Où allons-nous ? demandé-je en voyant le paysage défiler à pleine vitesse.

Cela fait des semaines que j’essaye de découvrir ce qu’il a organisé pour notre lune de miel.Chaque fois que je lui ai posé la question, il me répondait simplement :

« Je veux t’emmener sur une plage et marcher sur le sable fin. T’admirer dans ta robe deprincesse. Ensuite, je te porterai dans mes bras pour franchir le seuil de la maison, comme le veut

la coutume. Et je passerai la nuit à te faire l’amour comme jamais… »

Ses mots étaient d’un tel romantisme. Je dois admettre qu’à ce moment-là, ils m’ont beaucouptouchée. Je regarde sur ma droite, lorsque, soudain, mon cœur manque un battement. Je me retourneaussitôt comme pour relire la pancarte qui indiquait : Wells.

Non ! Hors de question !

Tom pose un regard perplexe sur moi, puis attrape sa fiole d’alcool qu’il porte à ses lèvres. Il enavale une grosse lampée, puis la coince entre ses jambes. Je frémis à l’idée qu’il puisse sombrer ànouveau dans les ténèbres. Je ne connais que trop bien les signes avant-coureurs. Et là, ils ne metrompent pas.

— Tu m’emmènes là-bas… ? Pourquoi ?

— Tu me bassines depuis des mois avec cette petite ville qui regorge de boutiques d’antiquités.Alors, j’ai loué une maison avec vue sur la mer, me confie-t-il en posant sa main sur la mienne. Tuverras, la plage est fantastique et nous sommes à quelques minutes à pied du centre-ville.

Je le regarde, ahurie. L’élan de joie auquel il s’attendait n’est pas au rendez-vous, et il le

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remarque.

— Tu n’as pas l’air heureuse, constate-t-il en posant sa main sur la mienne.

— Bien sûr que si, mais je ne m’attendais pas à ce que tu m’emmènes à Wells…

Je perçois son angoisse. Sa main tremblante resserre la mienne plus fermement. Tom sent l’alcoolà plein nez et le voir au volant de sa voiture n’a rien de sécurisant. Mais je n’ose imaginer sa réactionsi je lui proposais de conduire. Pourtant, c’est ce que ferait à n’en pas douter une personne sained’esprit.

— Nous sommes bientôt arrivés, bébé.

Une demi-heure plus tard, Tom se gare devant la maison qui se trouve face à cette plage oùMatthew et moi avons déjeuné. Il sort de voiture et vient me rejoindre. Il me tend sa main afin dem’aider à me relever. Avec ma robe, difficile de placer un pied l’un devant l’autre.

— Alors ? me demande-t-il d’une voix saturée par tout l’alcool ingurgité.

Il ouvre le coffre et en sort nos bagages. Je m’avance vers la plage et l’océan qui me captivent. Jecontemple l’horizon et le ciel étoilé… C’est incroyable, mais il manque deux choses afin que letableau soit féerique : le phare de Marshall Point et Matthew.

— Magnifique…, soufflé-je, comme envoûtée par les lieux.

Je relève ma robe et m’avance vers l’océan. Je retire mes chaussures et les pose sur le sable fincomme j’avais pour habitude de le faire à la maison de la plage aux volets bleus. Je me dirige versles vagues qui déferlent de toute leur puissance. Je me remémore ces instants merveilleux passés auxcôtés de Matthew. Je ferme un instant les yeux, et la magie opère. Je jurerais sentir son parfum flotterdans les airs. Entendre sa voix résonner dans la brise légère qui caresse ma peau et qui me souffleson premier « je t’aime ». Je sens presque ses baisers frôler mes lèvres et ses mains parcourir monvisage. Mais, lorsque je soulève doucement mes paupières, Matthew n’est pas là. Cette nuit, c’estmon mari, Tom, qui se tient à mes côtés.

Il se dirige vers moi avec mes chaussures à la main et me soulève. Puis, il me porte dans ses brasjusqu’à l’entrée de la maison. Une fois dans cette somptueuse chambre avec vue sur la mer, jeregarde les vagues s’échouer sur le sable fin. Celles-ci me rappellent les douces paroles deMatthew :

« J’aimerais être la vague qui te croise inlassablement… »

J’ai l’impression que cela fait une éternité que je ne l’ai pas vu. Le manque m’est insupportable,mais je dois tourner la page. Je suis à présent mariée à un autre homme à qui j’ai juré fidélité, et je necompte pas briser mes vœux. J’ai beaucoup appris sur la vie et surtout sur moi-même, ces derniersmois. J’ai grandi et je me sens plus forte. Je le dois à Matthew… Il m’a prouvé que l’amour existebel et bien… Mais était-il assez fort pour résister à toutes ces épreuves auxquelles nous avons dûfaire face ?

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Le véritable amour n’est pas le premier ni le dernier, mais celui que l’on n’oublie jamais… Jesais que, où que se trouvera Matthew, il gardera cette place ancrée en lui qui n’appartient qu’à moi…Si telle est ma Destinée, je le recroiserai un jour… Quand une personne a tellement compté aux yeuxd’une autre, elle grave à jamais une empreinte indélébile dans son existence. Je pense que la siennele restera, à tout jamais…

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AmyMattia Cupelli – Hopeless Fall

Port Clyde Samedi 16 Mai 2015 à 11 h 57

D’une main tremblante, je referme le manuscrit aux tons dorés… Je le pose derrière moi sur lerocking chair en me noyant dans l’horizon. Mon cœur fait des bonds dans ma poitrine et je peine àretrouver ma respiration tant l’émotion est puissante. Je suis submergée par la douleur et en mêmetemps par leur amour puissant qui me prend aux tripes. Je savais que ma mère avait souffert de sarelation avec Tom, mais je n’aurais jamais imaginé que cela avait pris des proportions pareilles.Pourquoi a-t-elle accepté de l’épouser, malgré la violence dont il faisait preuve à son égard ?

Tom était un monstre. Malheureusement le calvaire de cette jeune fille, Hope, était loin d’êtrederrière elle. En avait-elle seulement conscience ? Bien sûr que oui… Ma mère pressentait qu’elleavait commis une erreur, mais il lui était impossible de revenir en arrière. Elle était si fragile et siseule. Elle manquait aussi cruellement de confiance en elle. Ses parents n’ont pas été d’un grandsecours. Au contraire, ils l’ont enchaînée à cette brute qui lui servait de fiancé, sans se soucier dumalheur dans lequel elle allait sombrer. Elle était comme un bateau en perdition, perdue en pleinemer… Et Matthew ? Pourquoi n’a-t-il rien fait ? Ils sont aussi fautifs l’un que l’autre… Je n’osecontinuer ma lecture tant mon cœur n’en supporterait pas davantage aujourd’hui.

— Mon Dieu, Maman… Tout était devant tes yeux et tu n’as pas compris les messages que leDestin t’envoyait… Matthew t’aimait tellement… Mais il a aussi été lâche, il faut bien se l’avouer…,murmuré-je, les yeux rivés au loin sur le phare de Marshall Point.

D’un pas instable, je me relève et traverse la terrasse. Une main posée sur la rambarde, je fais unsigne de tête à mon mari, Kevin, qui est arrivé pendant ma lecture. Il joue au football avec les enfantsdans le jardin.

— Je te rejoins dans un instant, ma chérie. Juste le temps de marquer encore un but ou deux contreces petits garnements, s’esclaffe-t-il en continuant à leur courir après.

La scène m’arrache un sourire, mais il disparaît presque aussitôt et se meurt dans une larme. J’aiune chance incroyable d’avoir une famille telle que la mienne… Je connais à présent toute la valeurde ce que nous avons construit ensemble, et ce, grâce à ma mère qui s’est armée d’un courageexemplaire en quittant Tom. La brise marine caresse tendrement mon visage et je ferme un instant lesyeux. J’ai besoin de reprendre pied dans la réalité. J’ai l’impression d’avoir vécu avec ma mère cettehistoire, quarante ans en arrière. Je vois encore défiler les mots de Matthew comme les notes d’unemusique qui flotteraient dans les airs…

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« Je donnerai une fin heureuse à ton livre…

Parce que c’est comme ça…

Hope… Ma douce Hope… »

Les larmes me montent aux yeux. Je secoue nerveusement la tête pour en évacuer toutes cesparoles.

On frappe à la porte.

— Oui ? dis-je en me retournant.

— Bonjour, ma chérie.

Mon mari entre et me rejoint sur la terrasse. Il remarque immédiatement que quelque chose ne vapas.

— Que fais-tu ici ?

— J’avais besoin de me retrouver seule.

Kevin me prend dans ses bras. Je blottis ma tête contre son épaule et il caresse tendrement mescheveux de sa main.

— Cela fait un moment que je suis arrivé… Tu as l’air perdue…, s’inquiète-t-il en me serrantdavantage contre lui.

— Je le suis…

— Que se passe-t-il, Amy ? me demande-t-il.

— Je viens de découvrir l’histoire d’une jeune fille de dix-neuf ans… Celle de ma mère… et deTom…, murmuré-je d’une voix tremblante d’émotion.

— Quoi ? Ton père ?

— Il n’est pas mon père ! Il ne l’a jamais été, Kevin ! le coupé-je aussitôt d’une voix sévère enrelevant la tête vers lui.

Kevin grimace. Il sait que je ne supporte pas d’entendre parler de Tom de cette manière. Il n’ajamais été mon père… Après que maman l’ait quitté, il a sombré dans l’alcool et a commencé àabuser des médicaments. Il s’est effacé peu à peu de notre vie et nous ne nous en portions que mieux.Mais un jour, mes grands-parents sont venus frapper à notre porte. Celle de ce petit appartement quema mère avait loué en attendant de trouver mieux. Ils étaient effondrés et les mots de grand-mèreresteront à jamais gravés dans ma mémoire comme dans le marbre :

« Mon fils est mort… Il a eu un accident de voiture…

Hope, tu es l’unique responsable de cette tragédie qui touche notre famille. »

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Ma mère a dû apprendre à vivre avec cette culpabilité. Elle se sentait fautive de la mort de Tomet pleura chaque soir pendant plusieurs semaines. Mes grands-parents quittèrent Port Clyde quelquesmois plus tard, et, depuis, nous ne les avons jamais revus. Je m’en porte très bien et les avoir rayésde notre vie est la meilleure chose qui nous soit arrivé, à ma mère et moi.

— Je comprends, ma chérie. Ce livre a-t-il changé quelque chose ? Que se passe-t-il ?

— Je veux que Maman quitte ce monde en ayant donné une fin heureuse à son livre. Là, j’ail’impression qu’elle entraîne tous ces fantômes avec elle. Je voudrais tant lui apporter des réponses,apaiser ses souffrances et combler ce manque que, moi-même, je commence à ressentir.

— Je ne comprends rien, Amy. De quels fantômes parles-tu ?

— Tu ne pourrais pas comprendre, lui dis-je en secouant la tête.

— Tu veux que je te dépose à l’hôpital ?

J’étouffe un sanglot avec mon poing sur les lèvres. Je m’interdis de craquer devant les miens. Masouffrance n’est rien comparée à celle de ma mère. Je n’arrive pas à effacer toutes ses pensées dusoir de ma tête. Elle a perdu l’amour de sa vie et va quitter ce monde, sans Matthew à ses côtés. Oùest-il ? Est-il encore vivant ? Pourquoi n’est-il pas au chevet de ma mère ? Se sont-ils revus un jour ?Il manque des tas d’objets qui n’ont pas révélé leur signification. Que représente la bague aux douzechapitres ? Et quel lourd secret va encore révéler My Destiny. Je tourne la tête et contemple lerocking chair. C’est certainement celui de Matthew… Je comprends à présent pourquoi ma mère ytient tant. Je me libère des bras de Kevin et essuie rageusement mes larmes du revers de la main.

— Je dois continuer ! Je le dois à ma mère !

— Mais de quoi parles-tu ? me demande Kevin, sans comprendre.

Je me précipite au rocking chair et attrape le manuscrit que je serre contre mon cœur en pleurant àchaudes larmes.

— Où es-tu Matthew ? soufflé-je en tendant le manuscrit droit devant moi.

— Amy ?

Je me retourne doucement pour faire face à mon mari, complètement perdu.

— Rends-moi un service !

— Tout ce que tu veux, ma chérie ? dit-il en me souriant.

Kevin me rejoint et pose ses mains sur mes épaules en les caressant tendrement.

— Ramène les enfants à la maison. J’ai besoin de parler avec Maman.

— Dois-je m’inquiéter ? me demande-t-il d’une voix soucieuse.

— Non, mais il est de mon devoir d’être à ses côtés. Encore une chose, s’il te plaît.

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— Oui ?

— Pourrais-tu faire une photo des jumeaux près de leur château de sable et me l’envoyer sur montéléphone ? Les enfants y tenaient beaucoup.

— Avec plaisir. Embrasse ta mère pour moi, tu veux ?

— Oui, mon chéri.

— On se rejoint à la maison, me murmure-t-il en déposant un baiser sur mon front.

J’acquiesce d’un signe de tête en souriant. Kevin fait de même et s’en va. Il traverse la chambreet je le suis de mes yeux aimants. J’ai une chance incroyable d’avoir rencontré un homme aussiformidable que lui. Il est un père exemplaire et merveilleux pour nos enfants. Il est si attentionné, siaffectueux avec chacun de nous.

— Kevin ?

— Oui ? dit-il, une main posée sur l’embrasure de la porte.

— Je t’aime…

— Je t’aime aussi, Amy Obrien, me taquine-t-il en m’adressant un clin d’œil aguicheur quim’empourpre.

Kevin me sourit et disparaît dans le couloir. Il adorait jouer à ce petit jeu avec moi au lycée enm’appelant ainsi et, encore aujourd’hui, cela produit son petit effet.

12 h 35

Après avoir coupé trois fleurs dans la roseraie de ma mère, je verrouille la porte d’entrée. Sousle bras, la boîte au ruban rose et le bouquet en main. Je recule en admirant cette maison qui a abritétant de merveilleux moments. Je me souviens combien ma mère était heureuse quand nous avonsdéménagé ici. Elle contemplait cette maison avec tant d’amour. J’en connais aujourd’hui la raison.Elle voulait vivre dans ce havre de paix qui lui rappelait tant le visage de celui qui avait ravi soncœur. Elle l’a aimé toute sa vie et probablement a-t-elle espéré inlassablement son retour… Dumoins c’est ce que My Destiny laisse à penser. À partir d’aujourd’hui, je ne verrai plus jamais cettemaison de la même façon…

Je monte dans ma voiture et attrape mon téléphone dans mon sac à main. Je lance l’appel tout enadmirant la maison de la plage.

— Tante Rose ? C’est moi…

— Ma puce ! Comment vas-tu ce matin ?

— Je vais bien, merci. Tu es avec maman ? demandé-je en tapotant nerveusement mes doigts surle volant.

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— Oui, je me trouve à l’hôpital, mais je viens de descendre à la machine à café. Emma est à laboutique, car tu devais recevoir la fameuse commande qui vient de Paris.

— Paris ?

— Oui. Le service en porcelaine.

Mince, j’avais oublié cette livraison que j’attends pourtant impatiemment depuis des mois.

— C’est gentil à tante Emma, mais je ne veux pas que vous vous souciiez de la boutique. Elle estsous ma responsabilité à présent, et je préfère vous savoir au chevet de Maman.

— Bien, mais tu sais que tu peux compter sur nous ?

— Oui, je le sais. J’ai une question à te poser…

— Oui, je t’écoute, ma puce.

J’entends la machine à café à l’autre bout du fil et la sirène d’une ambulance. Je prends unegrande inspiration en contemplant la boîte, posée sur le siège passager.

— J’ai trouvé le manuscrit, lancé-je d’une voix écorchée par la douleur qui me submerge ànouveau.

— Tu as quoi…. ? gémit-elle à l’autre bout du fil.

— Je suis au courant pour Matthew. Où se trouve-t-il ? Pourquoi n’est-il jamais venu rejoindreMaman ? Que s’est-il passé ?

— Amy… Mon Dieu… Tu ne sais pas où tu mets les pieds, ma puce.

— Ah oui ? Et pourquoi ça ?!

— Je vois que tu n’as pas été au bout de ta lecture, n’est-ce pas ?

Abasourdie par ses propos, je secoue la tête en fronçant les sourcils. Je n’y comprends plusrien…

— Non, effectivement…, avoué-je d’une voix basse.

—Ta mère ne le supportera pas… Elle ne veut pas en entendre parler…

— C’est impossible ! Pas après ce qu’ils ont vécu ensemble !?

— Au contraire… C’est justement pour cela qu’elle ne veut pas en entendre parler, Amy.

Déterminée, je mets le contact et contemple la boîte, perplexe.

— Je vous rejoins à l’hôpital avec My Destiny. Je compte bien donner une fin heureuse à mamère. Même si je dois remuer ciel et terre pour le retrouver.

— Quoi ? s’exclame-t-elle.

— J’arrive !

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Je raccroche et pose mon téléphone sur le siège, près de la boîte. Je la frôle du bout des doigts enlui soufflant :

— Je sais que tu es la réponse à toutes ses prières… Je le sens en moi, ici, dans mon cœurcomme le sang qui coule dans mes veines. J’ai besoin de savoir ce qui s’est passé et tu es la seule quipuisse m’aider…

Je jette un dernier coup d’œil à la maison de la plage aux volets bleus.

— Matthew Cole… Je percerai le secret de votre histoire et lorsque ça sera fait, je vousramènerai là où a toujours été votre place…

À SUIVRE…

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Remerciements

Tout d’abord, je tenais à remercier tous celles et ceux qui m’ont tenue par la main, réconfortée, et encouragée pendant la réécriturede My Destiny. Cela n’a pas été facile, voire même quelquefois presque insoutenable. Me replonger dans cette histoire a réveillé en moide troublants souvenirs et, encore aujourd’hui, il m’est difficile de relire certains passages.

Ce manuscrit était enfoui dans un tiroir. Je ne pensais pas un jour l’en sortir et mener ce récit jusqu’à sa publication… C’estdésormais chose faite grâce à votre soutien. Hope a fait partie intégrante de ma vie ; elle demeure aujourd’hui encore au fond de moncœur. Je ne désespère pas lui faire accepter ce long chemin comme une épreuve qui l’aura fait grandir… Mais laissons le temps autemps…

Je tenais à remercier mes amies qui, aujourd’hui, constituent une véritable bulle protectrice autour de moi… À Clémence Lucas, madouce et tendre amie, qui est chaque jour à mes côtés… À ma Dada, Daria Vigliotti, mon amie et mon attachée de presse. Je t’adore. Tuconstitues, toi aussi, une étape. À Céline Langenove, mon deuxième cerveau. Toi aussi, tu auras ta fin heureuse, ma chérie. N’en doutejamais… À Rosalie, ma bichette adorée, qui me remet les pieds sur terre et Dieu sait combien j’en ai bien besoin… À Maïté, qui abat untravail exceptionnel dans son animation enthousiaste du groupe « Fans de Stefany Thorne » sur Facebook. Merci, ma douce… ÀValentine Martinot, notre Titine, qui nous fait rire aux larmes plus souvent qu’à son tour et anime avec ferveur et talent le groupe Twitteret Facebook. Toi aussi, tu as réussi… À Anne, ma correctrice, mais aussi une amie chère à mon cœur qui entre dans ma tête et reprenddes passages bien difficiles parfois…

À mes lecteurs qui me suivent depuis le tout début de cette incroyable aventure qui est la nôtre. Merci pour tous vos messages,commentaires, vos Mikado chocolat noir et vos boîtes de mouchoirs. Je pense demander à Kleenex de nous sponsoriser ! Oui, oui, c’estun appel officiel !

Comment oublier ma maison d’édition, Reines-Beaux, si chère à mes yeux. À Terry, Arnaud, Maud, William et les autres… Uneéquipe chaleureuse, présente, accueillante et qui me permet de vivre l’aventure au plus près de mes romans. Merci pour votre travailexceptionnel et pour ce côté humain qui fait tellement défaut aujourd’hui. On fait une super équipe !

À tous les points de vente et responsables de librairie qui m’ont accueillie lors de ma tournée et qui ont donné une chance d’envol àmon premier roman, Forever, en lui réservant une place de choix dans leurs rayons…

À ma famille, et spécialement à ma belle-maman qui a compris ma démarche. À mon mari qui a accepté de me voir replonger danscette histoire et qui a approuvé mon choix. À mes enfants qui sont aujourd’hui la preuve qu’au bout du chemin, la lumière est toujourslà…

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Bêtisier

À la base, My Destiny ne devait pas contenir de bêtisier, mais au vu de mon succès à faire rire ma correctrice et mes amies qui ontsuivi l’écriture, je me devais de vous le livrer… Donc, voilà le bêtisier 2016, à la « Thorne », LOL.

TOP 5« Après ça, j’aurais voulu disparaître dix pieds sous terre… (Six mdr !!! Tu peux le mettre dans le bêtisier 2016 parce que

l’expression juste c’est : SIX pieds sous terre et pas dix PTDR) … six pieds sous terre, tant la honte était insupportable… »

TOP 4« Il se biche en moi… (Ce n’est plus possible LOL !!!)… il se Niche en moi… »

TOP 3« — Je me déteste ! Ahhhhh, non ! hurlé-je en attrapant les poussins… (Euh… sérieux ? Hope avait des poussins chez elle ?

Et assis sur le canapé ? LOL : en attrapant les Coussins) … en attrapant les coussins posés sur le canapé. Je les balance un parun de rage à travers le salon…. »

TOP 2« Je ferme les yeux. Matthew fouille dans quelque chose… (Elle a le torchon sur la tronche LOL. On s’en fout qu’elle ferme

les yeux, elle ne peut pas voir PTDR.) … Aveuglée par mon bandeau d’infortune, j’entends Matthew fouiller dans quelquechose. »

TOP 1 « — Je ne vais pas très bien depuis quelques jours… mais cela ne va pas empâter… (Alors écoutes, j’ai failli mourir de rire

je pense que celui-là on peut le mettre dans le bêtisier 2016 sans problème j’en peux plus j’vais mourir : « empâter sur montravail » xptdrrrrrrrrrrrrrrr) … empiéter sur mon travail…»

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Prochainement…

My DestinyTome 2

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Du même auteur

FOREVER : Souviens-toi, Tome 1Aux Éditions Reines-Beaux - 2015

FOREVER : Reviens-moi, Tome 2À paraître prochainement en 2016

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Notes

1. Hope : Espoir en Anglais.