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Texte : Catherine Ganet. Conception graphique : Nathalie Favarel. Illustrations : Camille Ferrari. Il n’y a jamais eu autant de touristes sur la planète. Et certains lieux concentrent tellement de personnes à la fois qu’ils se retrouvent fragilisés. Et les habitants craquent ! Quand les bateaux de croisière accostent dans un port, ils peuvent y débarquer plus de 5 000 personnes ! Ces paquebots géants n’ont jamais été si nombreux. Or, leur passage abîme les côtes et les villes qu’ils fréquentent, comme ici, à Venise. Même les lieux les plus reculés peuvent être touchés. Ainsi, en mai dernier, plus de 300 grimpeurs ont entrepris en même temps l’ascension de l’Everest. Résultat : un embouteillage très dangereux sur la plus haute montagne du monde. À la campagne aussi, il faut compter avec les cars de visiteurs. En Provence,  dans le sud de la France, de nombreux Chinois viennent rejouer dans les champs de lavande l’histoire d’amour d’une série télé qui fait fureur en Asie. Les monuments, les sites historiques, les musées n’échappent pas au tourisme de masse. Le Louvre, à Paris, était déjà le musée le plus visité du monde. En 2018, il a battu son propre record avec plus de 10 millions de visiteurs. DES TOURISTES ENVAHISSANTS ! DES SITES VICTIMES DE LEUR SUCCÈS ! QUELS EFFETS SUR LES POPULATIONS, LA NATURE, LES MONUMENTS ? Des ports soumis aux géants de la mer Des sommets embouteillés Des champs de lavande en mode « selfie » Des musées pris d’assaut Avec le tourisme, les besoins explosent, notamment pour l’eau. Dans un hôtel de luxe, il peut être consommé près de 300 000 litres d’eau en une seule journée. Les plus beaux paysages sont aussi, souvent, les plus fragiles. Ainsi, la célèbre plage de Maya Bay, en Thaïlande, a dû être fermée aux touristes car les bateaux dégradaient ses fonds marins. Les sites anciens doivent déjà résister au temps qui passe. Si, en plus, ils sont fréquentés par plus de 10 000 visiteurs chaque jour, ils sont menacés. C’est le cas du Taj Mahal, un monument indien. Au Machu Picchu, au Pérou (Amérique du Sud), l’entrée est limitée à 5 000 visiteurs par jour. Ils ont 4 heures, pas plus, pour visiter l’ancienne cité inca. Et interdiction d’amener son chien avec soi ! À partir de l’été 2019, il faudra payer jusqu’à 10 euros pour visiter Venise. Ce droit d’entrée est un moyen de limiter les visiteurs, et de financer le nettoyage des ordures qu’ils laissent derrière eux. À Florence, en Italie, les touristes sont si nombreux qu’ils encombrent l’entrée des monuments. Pour les empêcher de s’asseoir avec leurs sandwichs, les agents de la ville mouillent les marches avec des jets d’eau. En Islande, les touristes signent un texte qui dit, par exemple : « Lorsque l’appel de la nature se fera sentir, je n’y répondrai pas sur la nature. » Autrement dit : « Je ne ferai pas mes besoins n’importe où »… Chaque randonneur qui escalade le mont Everest, dans l’Himalaya, doit payer entre 55 000 et 70 000 euros. Mais, même à ce prix-là, il a l’obligation de redescendre ses ordures dans son sac à dos ! Aux États-Unis, pour espérer visiter The Wave, un site naturel exceptionnel, il faut acheter un ticket à 10 dollars. Si on est tiré au sort, on peut y accéder. Sinon, tant pis... et on n’est pas remboursé ! Quand les touristes affluent, tout augmente. Les habitants ne peuvent pas faire face à la hausse des prix, et sont parfois obligés de partir vivre ailleurs. Les habitants ont du mal à se loger, car les propriétaires préfèrent louer plus cher aux touristes. Et les commerces de quartier sont remplacés par des boutiques de souvenirs... L’afflux de visiteurs entraîne beaucoup de bruit, des montagnes d’ordures, des dégradations, et quelquefois même de l’insécurité. Ressources pillées Nombre de touristes limité Le coup du jet d’eau Sac à dos… et à déchets Payer pour passer Charte de bonne conduite Le hasard qui décide Prix à la hausse Paysages abîmés Souvenirs à gogo Monuments dégradés Finie, la tranquillité ! DES IDÉES POUR QUE ÇA CHANGE… EN MIEUX ! 1 400 669 69 1960 2000 Nombre de touristes dans le monde (en millions) 2018 © Miguel Medina / AFP. © Xavier Francolon / SIPA. © Nirmal Purja  / AP / SIPA. © Dominique Zintzmeyer / Onlyfrance  / AFP. En Espagne, en Italie, au Portugal, etc., les manifestations antitouristes se multiplient depuis deux ans. Ici, les habitants de Venise protestent contre le passage des paquebots géants, très polluants, dans la célèbre lagune. © Miguel Medina / AFP. L info en grand N° 239 – du 21 au 27 juin 2019 Pourquoi le tourisme de masse augmente à une vitesse folle ? Les vols Autrefois, seuls les plus riches pouvaient prendre l’avion. Aujourd’hui, avec les vols low cost (« bon marché »), ce n’est plus un luxe. L’hébergement Autrefois, réserver un lieu où dormir n’était pas simple. Aujourd’hui, grâce à Internet, on peut réserver un hôtel ou louer un appartement en un clic. Les Chinois Autrefois, parmi les touristes, on comptait surtout des Européens et des Américains. Désormais, il y a aussi les Asiatiques, et en particulier des dizaines de millions de Chinois. 1,4 milliard C’est le nombre de touristes qui ont parcouru le monde en 2018. Un record historique ! Le dico Tourisme de masse : c’est une forme de tourisme qui favorise la concentration d’un très grand nombre de personnes sur des lieux précis.

N° 239 – du 21 au 27 juin 2019 DES TOURISTES Il n’y a ... · Avec le tourisme, les besoins explosent, notamment pour l’eau. Dans un hôtel de luxe, il peut être consommé

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Page 1: N° 239 – du 21 au 27 juin 2019 DES TOURISTES Il n’y a ... · Avec le tourisme, les besoins explosent, notamment pour l’eau. Dans un hôtel de luxe, il peut être consommé

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Quand les bateaux de croisière accostent dans un port, ils peuvent y débarquer plus de 5 000 personnes ! Ces paquebots géants n’ont jamais été si nombreux. Or, leur passage abîme les côtes et les villes qu’ils fréquentent, comme ici, à Venise.

Même les lieux les plus reculés peuvent être touchés. Ainsi, en mai dernier, plus de 300 grimpeurs ont entrepris en même temps l’ascension de l’Everest. Résultat : un embouteillage très dangereux sur la plus haute montagne du monde.

À la campagne aussi, il faut compter avec les cars de visiteurs. En Provence, dans le sud de la France, de nombreux Chinois viennent rejouer dans les champs de lavande l’histoire d’amour d’une série télé qui fait fureur en Asie.

Les monuments, les sites historiques, les musées n’échappent pas au tourisme de masse. Le Louvre, à Paris, était déjà le musée le plus visité du monde. En 2018, il a battu son propre record avec plus de 10 millions de visiteurs.

DES TOURISTES ENVAHISSANTS !

DES SITES VICTIMES DE LEUR SUCCÈS !

QUELS EFFETS SUR LES POPULATIONS, LA NATURE, LES MONUMENTS ?

Des ports soumis aux géants de la mer Des sommets embouteillés Des champs de lavande en mode « selfie »Des musées pris d’assaut

Avec le tourisme, les besoins explosent, notamment pour l’eau. Dans un hôtel de luxe, il peut être consommé près de 300 000 litres d’eau en une seule journée. 

Les plus beaux paysages sont aussi, souvent, les plus fragiles. Ainsi, la célèbre plage de Maya Bay, en Thaïlande, a dû être fermée aux touristes car les bateaux dégradaient ses fonds marins.

Les sites anciens doivent déjà résister au temps qui passe.  Si, en plus, ils sont fréquentés par plus de 10 000 visiteurs chaque jour, ils sont menacés. C’est le cas du Taj Mahal, un monument indien.

Au Machu Picchu, au Pérou (Amérique du Sud), l’entrée est limitée à 5 000 visiteurs par jour. Ils ont 4 heures, pas plus, pour visiter l’ancienne cité inca. Et interdiction d’amener son chien avec soi !

À partir de l’été 2019, il faudra payer jusqu’à 10 euros pour visiter Venise. Ce droit d’entrée est un moyen de limiter les visiteurs, et de financer le nettoyage des ordures qu’ils laissent derrière eux.

À Florence, en Italie, les touristes sont si nombreux qu’ils encombrent l’entrée des monuments. Pour les empêcher de s’asseoir avec leurs sandwichs, les agents de la ville mouillent les marches avec des jets d’eau.

En Islande, les touristes signent un texte qui dit, par exemple : « Lorsque l’appel de la nature se fera sentir, je n’y répondrai pas sur la nature. » Autrement dit : « Je ne ferai pas mes besoins n’importe où »…

Chaque randonneur qui escalade le mont Everest, dans l’Himalaya, doit payer entre 55 000 et 70 000 euros. Mais, même à ce prix-là, il a l’obligation de redescendre ses ordures dans son sac à dos !

Aux États-Unis, pour espérer visiter The Wave, un site naturel exceptionnel, il faut acheter un ticket à 10 dollars. Si on est tiré au sort, on peut y accéder. Sinon, tant pis... et on n’est pas remboursé !

Quand les touristes affluent,  tout augmente. Les habitants  ne peuvent pas faire face à la hausse des prix, et sont parfois obligés de partir vivre ailleurs.

Les habitants ont du mal à  se loger, car les propriétaires préfèrent louer plus cher aux touristes. Et les commerces  de quartier sont remplacés  par des boutiques de souvenirs...

L’afflux de visiteurs entraîne beaucoup de bruit,  des montagnes d’ordures,  des dégradations, et quelquefois même de l’insécurité.

Ressources pillées

Nombre de touristes limité Le coup du jet d’eau Sac à dos… et à déchets

Payer pour passer Charte de bonne conduite Le hasard qui décide

Prix à la hausse

Paysages abîmés Souvenirs à gogo

Monuments dégradés Finie, la tranquillité !

DES IDÉES POUR QUE ÇA CHANGE… EN MIEUX !

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En Espagne, en Italie, au Portugal, etc., les manifestations antitouristes se multiplient depuis deux ans. Ici, les habitants de Venise protestent contre le passage des paquebots géants, très polluants, dans la célèbre lagune.

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L’ info en grand N° 239 – du 21 au 27 juin 2019

Pourquoi le tourisme de masse augmente à une vitesse folle ?• Les volsAutrefois, seuls les plus riches pouvaient prendre l’avion. Aujourd’hui, avec les vols low cost (« bon marché »), ce n’est plus un luxe.• L’hébergementAutrefois, réserver un lieu où dormir n’était pas simple. Aujourd’hui, grâce à Internet, on peut réserver un hôtel ou louer un appartement en un clic. • Les ChinoisAutrefois, parmi les touristes, on comptait surtout des Européens et des Américains. Désormais, il y a aussi les Asiatiques, et en particulier des dizaines de millions de Chinois.

1,4 milliard C’est le nombre de touristes qui ont parcouru le monde

en 2018. Un record historique !

Le dicoTourisme de masse :

c’est une forme de  tourisme qui favorise la concentration d’un très 

grand nombre de  personnes sur des  

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