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Anno XIV n. 5 - Dicembre 1998 - Sped. a. p. - art. 2 - comma 20/c, Legge 662/96 - Filiale di Torino - Organo ufficiale del Centro Librario Sodalitium - Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA (TO) Tel. +39.0161.839.335 - Fax +39.0161.839.334 - IN CASO DI MANCATA CONSEGNA SI PREGA DI RINVIARE AL MITTENTE CHE SI IMPEGNA A PAGARE LA RELATIVA TARIFFA PRESSO CMP Torino Nord Edition française - Décembre 1998 Tassa Riscossa - Taxe Perçue. TORINO CPM N° 47

N° 47 Edition française - Décembre 1998

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Edition française - Décembre 1998

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N° 47

Page 2: N° 47 Edition française - Décembre 1998

EditorialEditorialCe numéro de Sodalitium est dédié à la

mémoire du Pape Pie XII. Il y a 40ans, le 9 octobre, Dieu rappelait à Lui

ce grand Pontife. On ne le savait pas, alors,mais commençait à ce moment, avec la dis-parition du Pape, cette crise tragique quenous traversons, sans encore réussir à envoir la fin. Précisément ces temps-ci, on avoulu à nouveau mettre Pie XII sur le bancdes accusés, pour les événements de la der-nière guerre. Ceci confirme combien So-dalitium a eu raison de donner tant de placeà la question juive, avec les magnifiques ar-ticles de l’abbé Nitoglia, question qui esttoujours plus d’actualité, même en ayant sesracines dans l’Ecriture Sainte elle-même.Mais que Pie XII soit condamné par lesjuifs, passe encore; ce qui est inacceptablec’est que son Magistère, qui est celui del’Eglise, ait été et soit encore rejeté par lespartisans de Vatican II. La biographie deJean XXIII montre comment, déjà dans lesCommissions préparatoires au Concile, les

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progressistes qui finirent par triompher,voulaient éliminer les encycliques du PapePacelli: nous pensons à Mystici Corporis ouà Humani generis. Aujourd’hui encore,Jean-Paul II contredit explicitement cequ’écrivit Pie XII dans Mystici Corporis (cf.n° 46 p. 57) et le cardinal Sodano fait duPère Congar, à qui, sous Pie XII, fut interditl’enseignement, le maître de la réformeconciliaire (idem, p. 59). Tout cela a été pos-sible parce qu’on a relativisé et diminué lavaleur du magistère du Pape, qu’il s’agissedu magistère solennel comme du magistèreordinaire: encore une fois, l’abbé Murro meten garde les “traditionalistes” de ne passuivre les “progressistes” dans la mêmeerreur (p. 48).

Dans le naufrage général de notreépoque, il ne reste qu’à se réfugier dans leSacré-Cœur: pas dans le faux inventé parl’ésotérisme (qui reste l’un des principauxennemis de Sodalitium, comme le démontrel’article de la p. 11), mais dans le vrai et trèssaint Cœur de Jésus, que Pie XII désigna ad-mirablement dans l’encyclique Haurietisaquas et que l’abbé Giugni représente à ladévotion de nos lecteurs (p. 35). Dans un

✍ Sommaire

“Sodalitium” Périodique - Bulletin Officiel de l'Institut Mater Boni Consilii - Loc. Carbignano, 36 - 10020 VERRUASAVOIA (TO) - Italie - Téléphone: +.39. 0161.839.335; Fax +.39. 0161- 839.334 - C/CP 24681108 - Directeur de la publi-cation: M. l'abbé Francesco Ricossa - Aut. Trib. n. 116 du 24-2-84 - Imprimé en Italie par le Centro Librario Sodalitium.

INTERNET: www.plion.it/sodali - email: [email protected]

Editorial p. 2La voix du Pape p. 3Le grand Kahal: un terrible secret p. 4Un grand initié: René Guénon p. 11“Le Pape du Concile”. XXIIème partie p. 23“Si tu savais le don de Dieu” (Jn IV, 10). Réflexions sur le Sacré-Cœur de Jésus p. 35Mgr Williamson contre le Concile Vatican... I! p. 48L’Osservatore Romano p. 64RECENSIONS p. 79Brèves nouvelles de la Fraternité Saint Pie X p. 82Vie de l’Institut p. 86

Sur la couverture: Hommage de Sodalitium au Pape Pie XIIpour le quarantième anniversaire de sa mort

Page 3: N° 47 Edition française - Décembre 1998

prochain numéro, nous compléterons l’hom-mage à Pie XII avec un article sur la Tombede Pierre, retrouvée grâce à la volonté deson successeur, comme pour nous rappelerque les portes de l’enfer, malgré toutes lesapparences, ne réussiront pas à prévaloir

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contre l’Eglise fondée sur cette pierre in-ébranlable. Que le Seigneur ressuscité et Satrès Sainte Mère, avec les Saints ApôtresPierre et Paul, vous encouragent à persévé-rer dans la bataille de la Foi, laquelle, à lafin, ne pourra qu’être victorieuse.

LA NÉCESSITÉ DU CULTE DUSACRÉ-CŒUR POUR LES BESOINS

ACTUELS DE L’EGLISE

On doit malheureusement voir que lenombre des ennemis de Dieu croît en

certains pays, que les erreurs du matérialismese répandent dans l’opinion, que la licence ef-frénée des plaisirs augmente ça et là; pour-quoi s’étonnerait-on si dans les âmes debeaucoup diminue la charité qui est la loi su-prême de la religion chrétienne, le fonde-ment solide de la vraie et parfaite justice, laprincipale source de la paix et des chastes dé-lices? Comme nous en avertit, en effet, notreSauveur: “A cause des progrès croissants del’iniquité, la charité d’un grand nombre se re-froidira” (St Ambroise, Exposit. in Evang.sec. Lucam, liv. 10, n° 175; ML 15. 1942).

Le culte du Sacré-Cœur, salut du mondemoderne.

Devant le spectacle de tant de maux qui,aujourd’hui plus que jamais, atteignent si vi-vement les individus, les familles, les nationset le monde entier, où devons-nous, Véné-rables Frères, chercher le remède? Peut-ontrouver une forme de piété supérieure auculte du Cœur de Jésus, qui réponde mieux aucaractère propre de la foi catholique, qui sub-vienne mieux aux besoins actuels de l’Egliseet du genre humain? Quel culte est plusnoble, plus doux, plus salutaire que celui-là,tout entier dirigé vers l’amour même deDieu? (Pie XI, Lett. enc. MiserentissimusRedemptor noster, 8 mai 1928). Enfin quel sti-mulant plus efficace que l’amour du Christ -avivé et augmenté sans cesse par la dévotionau Cœur très sacré de Jésus - pour amener lesfidèles à mettre en pratique, dans leur vie, laloi évangélique sans laquelle - comme nous enavertissent les paroles du Saint-Esprit:

“l’œuvre de la justice sera la paix” (Is. 32, 17) -il ne peut pas y avoir entre les hommes depaix digne de ce nom?

C’est pourquoi, suivant l’exemple deNotre Prédécesseur immédiat, il Nous plaîtd’adresser de nouveau à tous nos fils dans leChrist ces paroles d’avertissement que LéonXIII, d’immortelle mémoire, adressait à lafin du siècle dernier à tous les fidèles et àtous ceux qui se préoccupent sincèrement deleur salut et de celui de la société civile :“Aujourd’hui un autre symbole divin, présa-ge très heureux, apparaît à nos yeux : c’est leCœur très sacré de Jésus... resplendissantd’un éclat incomparable au milieu desflammes. Nous devons placer en lui toutesnos espérances; c’est à lui que nous devonsdemander le salut des hommes, et c’est delui qu’il faut l’espérer” (Léon XIII, Lett.enc. Annum Sacrum, 25 mai 1899).

Pie XII, Enc. Haurietis aquas, du 15 mai 1956

La voix du Pape

Le Pape Pie XII en prière

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LE GRAND KAHAL: UNTERRIBLE SECRET

Par M. l’abbé Curzio Nitoglia

INTRODUCTION

En étudiant le problème juif, je suistombé encore une fois sur un secret:

celui du Kahal. Peu d’auteurs en ont traitéet tous en restent à l’œuvre fondamentaled’un juif converti, Jacob Brafmann, qui estpresque totalement introuvable.

Après de longues et difficiles recherches,j’ai réussi à en trouver la traduction (manuscri-te) en langue française (l’original existe aussien russe, au British Museum, de même qu’uneversion en polonais et une en allemand).

Jacob Brafmann, un russe d’originejuive, se convertit au Christianisme à trente-quatre ans et fut nommé professeur d’hé-breu au Séminaire théologique gouverne-mental de Minsk. En 1870 il publia enlangue russe, à Vilnius, son œuvre Le Livredu Kahal. Les juifs achetèrent pratiquementtous les exemplaires et les détruisirent.Cependant un exemplaire fut sauvé et il yeut aussi une traduction française de l’ou-vrage qui parut en 1873, intitulée: Livre duKahal. Matériaux pour étudier le Judaïsmeen Russie et son Influence sur les populationsparmi lesquelles il existe.

L’Encyclopaedia Judaica écrit à ce sujet:«Brafmann attaqua l’organisation juive(Kahal) dans différents périodiques russes, enla décrivant... comme un Etat dans l’Etat etaffirma qu’elle faisait partie d’une conspira-tion internationale juive. En 1869, Braf-mann... publia le Livre du Kahal, une traduc-tion en russe des minutes de la Kehillah deMinsk... Bien que Brafmann ait été accusé defaux, en réalité son livre était une traductiontrès consciencieuse de documents, il a servi àde nombreux chercheurs comme source histo-rique pour la connaissance de la vie internedu Judaïsme russe au XIXème siècle» (1). LeLivre du Kahal n’est donc pas un faux commele seraient les Protocoles des Sages de Sion(même s’ils disent la vérité), ainsi que l’a affir-mé récemment Norma Cohn (2), mais plutôt

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“une source historique”, d’après l’avis de l’au-torisée Encyclopédie Juive! Et est étudiécomme telle.

Il existe ensuite un autre ouvrage très sé-rieux, qui est comme la reproduction dulivre de Brafmann; il s’agit de l’étude deKalixt de Wolski, La Russie juive (3). Cetteœuvre aussi connut le même sort que cellede Brafmann; heureusement j’ai réussi àm’en procurer une copie. Enfin Vial, s’inspi-rant du livre de Wolski, écrivit en 1889 unintéressant ouvrage intitulé Le Juif sectaireou la Tolérance talmudique, (4) qui constitueun excellent résumé de la question.

Ce sont les trois sources principales aux-quelles j’ai puisé; je citerai au cours de l’articled’autres études sur ce sujet publiées par la suite.

Dans le présent article donc, j’essayeraide jeter un peu de lumière sur le mystère duKahal, en me prévalant de l’œuvre deBrafmann et d’autres livres ou articles (envérité rares, mais sérieux) écrits sur cethème brûlant et de grande importance etactualité.

EXISTE-T-IL ENCORE UN TRIBUNALJUIF?

Chaque peuple, religion et société a seslois et ses tribunaux. Le peuple juif ne faitpas exception; dans l’Ancien Testament ilétait gouverné par le Sanhédrin. Après ladestruction de Jérusalem et la dispersion,privé qu’il était d’une organisation étatique,a-t-il maintenu, sous une forme secrète, des

La question juive

Serguei Nilus, auteur des Protocoles des Sages de Sion

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tribunaux héritiers de l’ancien Sanhédrin?Nous verrons comment d’après différentessources on peut répondre affirmativement.Je citerai avant tout des auteurs connus etsérieux tels que Monseigneur Jouin, Léonde Poncins, Hugo Wast (pseudonyme de G.Martinez Zuviria) et Henry Ford. L’existen-ce du Kahal sera ensuite confirmée par lesauteurs juifs Simon Schwarzfuchs et IsraëlShahak.

MONSEIGNEUR JOUIN

Dans la très célèbre et prestigieuseRevue Internationale des Sociétés Secrètes (5)on peut lire un intéressant article sur leKahal, qui ouvre de vastes horizons et inciteà aller aux sources.

Dans cet article on apprend que pour lesjuifs le Talmud est la loi, mais pour ce quiconcerne son application, il faut qu’existe unpouvoir exécutif et judiciaire, et ceci appar-tient à un groupe restreint de magistrats. Lecollège souverain de ces juges est le Kahal,qui signifie: assemblée, réunion, communauté.

Le Kahal est donc l’assemblée des repré-sentants d’Israël. Cette institution remonteaux temps les plus anciens, par exemple autemps de Moïse (6). Malgré la Dispersion(130 après J.-C.) le Kahal ne perdit ni soninfluence ni son autorité, mais ne fonctionnaplus au grand jour et resta confiné à l’ombredes ghettos et des synagogues.

Aujourd’hui comme hier, le Kahal est lerégulateur de la vie juive. «Il représente legouvernement d’une nation sans territoire[au moins jusqu’en 1948, n.d.a.], mais néan-moins réelle et agissante. Il est un Etat quise superpose, et souvent s’oppose, aux Etatsdans lesquels vivent les juifs» (7). Son but estde maintenir intact et isolé le peuple juif dis-persé dans le monde, afin que d’un côté il nesoit pas discriminé et de l’autre qu’il neperde pas son identité par l’assimilation;jusqu’au jour où le peuple d’Israël aura ladomination absolue sur le monde entier.Comme l’écrivait en 1925 Albrecht, ce jourd’après les cabalistes devrait commencer en1966! (Un an après Nostra Ætate).

LÉON DE PONCINS ET LE KAHAL

Le célèbre auteur français écrit: «Il n’estpas douteux que les Juifs aient une organisa-tion très disciplinée. Il est presque impos-sible à un non-Juif d’en pénétrer les détails

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secrets, mais ses manifestations extérieuresmontrent une autorité et un pouvoir occulteindéniables» (8). L’auteur parle aussi «del’existence de la direction centrale d’unepuissance considérable» (9), qu’est le Kahal.

HUGO WAST ET LE KAHAL

Gustavo Martinez Zuviria, Directeur dela Bibliothèque Nationale d’Argentine, etMinistre de la Justice et de l’InstructionPublique, a écrit en 1954 un intéressant livresur le Kahal (10).

Il écrit dans ce livre: «Peu de problèmessont aussi difficiles à résoudre que celui dugouvernement interne du peuple juif. Il n’ya pas de mystère tenu plus tenacement se-cret... Le gouvernement du peuple juif estune véritable société secrète. Et commedans toutes les sociétés secrètes il y a desinitiés qui... ne parviennent jamais aux pre-miers rangs... Ainsi dans le Judaïsme il y ades circoncis de totale bonne foi qui igno-rent la constitution et l’existence même duKahal, c’est-à-dire de l’autorité qui gouver-ne dans l’ombre le peuple juif» (11). Etre juifne signifie pas tant professer la religion juivepost-templière ou post-biblique, mais sur-tout faire partie du peuple juif (12); le juif ap-partient donc à une nation différente decelle par qui il est accueilli et dans laquelle ilvit et prospère.

Le Kahal est un “Tribunal mystérieux,une sorte de Charbonnerie” (13). Les Tri-bunaux régionaux sont appelés Kehillah. LeKahal est le Tribunal suprême qui dirigetous les Kehillah. Le grand Kahal, d’aprèsnotre auteur, résiderait à New York “vraiVatican juif” (14). Le Kahal est l’expressionconcrète du Talmud, c’est-à-dire: le tribunalqui juge si les pratiques talmudiques sontobservées ou non. C’est le “magistèrevivant” de la Synagogue post-biblique puis-

Léon de Poncins (3 novembre 1897-18

décembre 1975)

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qu’il applique la doctrine talmudique auxcas concrets. Avec le Kahal, qui commandeet juge, il y a, subordonné à lui, le Bet-Dine,vrai tribunal secret: il évoque à soi toutecause et détient le pouvoir exécutif, confor-mément au Talmud, c’est-à-dire exécute lessentences émises par le Kahal. Donc leTalmud est le pouvoir législatif, le Kahal estle pouvoir judiciaire, et le Bet-Dine le pou-voir exécutif. Les trois pouvoirs agissent ausein de la Synagogue post-templière qui sesert de ces deux Tribunaux pour gouvernerle peuple juif, disséminé sur la terre ou ras-semblé dans l’Etat d’Israël à partir de 1948.

NATURE ET ORGANISATION DU KAHAL

Le secret du Kahal

Le mystère entoure les actes pratiques duKahal: ils doivent rester secrets; malheur à quiose les révéler: on condamne à l’anathème etsouvent même à la mort. Jacob Brafmann eutcette audace, mais perdit la vite.

D’après Hugo Wast, le secret du Kahalserait ceci: pour conquérir le monde l’épéen’est pas nécessaire, mais un livre suffit: leTalmud! (15). Au moyen de l’esprit talmu-dique le Judaïsme se propose d’écraser leChristianisme, unique vrai bastion qui s’op-pose à la domination universelle d’Israël.

Les sentiments principaux qui animentl’esprit talmudique seraient au nombre dequatre:

1°) Une ambition démesurée de dominerle monde.

2°) Une avidité insatiable de possédertoutes les richesses des non juifs.

3°) La rancœur contre le non juif, et spé-cialement contre le chrétien.

4°) La haine de Jésus-Christ.Or, pour satisfaire ces quatre passions, il

faut s’approprier la richesse du monde, parlaquelle on pourra tout. C’est ainsi qu’aumoyen de l’or la Synagogue s’emparera detoute chose, et rendra les non juifs ses es-claves. Ou du moins cela serait son plan se-cret (qui arrivera à sa quasi réalisation avec leRègne de l’Antéchrist) (16). Mais pour pou-voir arriver à cela il est nécessaire de cor-rompre les chrétiens, en fomentant en euxl’amour des plaisirs, du luxe et d’eux-mêmes.Etant donné que l’unique patron de l’or quipermette d’avoir plaisirs, luxe et honneur dumonde sera (selon le plan du Kahal) leJudaïsme, les non juifs une fois corrompus

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pourront avoir les plaisirs à condition de de-mander l’or au juif qui seul le possède!

«La force des juifs consiste dans le faitde savoir cacher leurs intentions propres. Lepeuple juif vit encore uniquement parcequ’il a su maintenir un secret durant vingtsiècles de persécutions» (17). Ce secret estl’esprit talmudique de haine du Christ et deschrétiens et de désir de domination mondia-le. La foi talmudique n’est pas dans l’au-delà; mais dans la domination en ce monde;son “paradis” est la terre.

Le Kahal aujourd’hui

Les informations sur le Grand Kahal au-jourd’hui sont très rares: les plus récentes re-montent à 1954, avec Hugo Wast et à 1996avec Israël Shahak qui explique que les Juifsen Occident ayant acquis en 1780 l’égalité ju-ridique et s’étant peu à peu émancipés, lepouvoir judiciaire que la Communauté juivedétenait alla en diminuant (18), surtout enOccident; alors qu’en Orient l’émancipation aété très faible et que le Kahal a maintenu saforce. Cependant en Occident il y a eu despoches de résistance à l’assimilation, et avecle mouvement sioniste et la fondation duB’naï B’rith (1843), le courant anti-assimila-tioniste (et philo-Kahaliste) a repris l’avanta-ge. C’est pourquoi le Kahal a maintenu uncertain pouvoir même après l’émancipationdes juifs et l’a recouvré complètement à partirde la montée du Sionisme, et surtout après laseconde guerre mondiale avec le mythe del’“Holocauste”. Shahak écrit toujours:«Depuis le Bas-Empire, les communautésjuives possédaient des pouvoirs juridiquesconsidérables sur leurs membres... même unpouvoir de pure coercition: la flagellation,l’emprisonnement, le bannissement, toutessortes de peines pouvaient être infligées, entoute légalité, par les tribunaux rabbiniques...même la sentence capitale» (19). Et il continue:«Beaucoup de juifs d’aujourd’hui ont la nos-talgie de ce monde juif [précédant l’assimila-tion], ce paradis perdu... Une part importantedu mouvement sioniste a toujours voulu le ré-tablir, et cette part l’a emporté» (20). L’Etatd’Israël et le Sionisme semblent marquer leretour du pouvoir absolu du Kahal (21).

En 1986 Simon Schwarzfuchs a écrit unintéressant livre (pour la collection “Présenceet mémoire juive”) concernant le Kahal dansl’Europe médiévale (22). Il y soutient que laCommunauté juive du Moyen Age, appelée

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Kahal, apparaît en Europe au Xème siècle.«Elle est la continuation de la communautéjuive de l’antiquité» (23). Les origines de laCommunauté juive en Europe sont très an-ciennes; il y en avait une à Rome antérieureau Christianisme. «Pendant plusieurs siècles,sans doute jusqu’au début du Vème siècle, lesgroupements juifs d’Europe restèrent encontact avec le patriarche de Terre Sainte etcontinuèrent à lui verser leur tribut» (24). LeKahal régissait et dirigeait tout.

Le numéro 566 de l’hebdomadaire de lacommunauté juive de France “ActualitéJuive”, du 28 mai 1998 nous parle du Kahal etdu Beth Din dans 4 longues pages. Elles sonttrès intéressantes et surtout actuelles. Nous al-lons les citer: “Avoir recours à un Beth Din(tribunal religieux) pour qu’il prononce unDin Torah (jugement) lorsqu’on est en conflitavec un autre juif, c’est une procédure à la-quelle peu de gens pensent (...) Pourquoi faireappel à un tribunal rabbinique? (...) Le Rav[rabbin] Ouziel Amar tente de comprendrepourquoi la halakha affirme la nécessité de re-courir à un tribunal rabbinique quand un litigeentre deux membres de la communauté juivese présente. (...) La halakha interdit en cas delitiges entre deux membres de la communautéjuive, le recours aux tribunaux civils” (p. 2).Donc l’hebdomadaire de la communauté juivede France admet qu’il y a un tribunal religieuxqui doit prononcer un jugement quand il y aun conflit entre deux juifs, même aujourd’hui!Cependant c’est “un choix souvent difficile(...) pour que le Din Torah (jugement) fonc-tionne (...), il faut que les juifs respectent lesdécisions des instances religieuses. Sinon l’unedes parties se retrouvera toujours flouée” (...)[il faut donc] “s’engager à accepter la décisiondu Beth Din (tribunal rabbinique) et s’y tenir”(p. 3). Rav Mardoché Amaz affirme:“Première démarche: présenter le problème àun Beth Din. La Torah interdit formellement àun juif de soumettre un différend qui l’opposeà un autre juif à un tribunal civil. Celui qui agitainsi en dépit de ce commandement cause (...)une profanation du nom de Dieu. (...) ce quiconcerne toute la question qu’un juif peut seposer dans sa vie civile ou religieuse, où qu’ilse trouve face à un problème, il doit alors sou-mettre ce problème à son Rabbin (...) afin quecelui-ci puisse trouver un compromis ou unesolution. (...) Un juif n’a pas le droit de traînerun autre juif devant un tribunal non rabbi-nique” (p. 4). Mais on s’interroge encore“Quelle peut être la validité d’un Din Thora

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(jugement) au regard du droit français? Lesdécisions - répond Katia Szleper, avocat - doc-teur en droit - du tribunal rabbinique, pouravoir une valeur au regard du Droit français,doivent être rendues dans le respect d’un cer-tain formalisme. (...) [c’est-à-dire] doiventpouvoir être assimilées à une sentence arbitra-le, (...) chacune des parties doit accepter libre-ment de confier la résolution du litige au BethDin (...) L’acceptation du recours au Beth Dindoit être formalisée par un écrit précisant no-tamment l’objet du litige et le nom des rabbinssaisis (...) Une position prise par le Beth Din,lorsqu’elle en respecte les formes a donc au-tant de valeur qu’un jugement rendu par untribunal étatique” (p. 4).

Voilà ce que nous révèle “Actualité Juive”.Il y a donc encore aujourd’hui (1998) un tri-bunal rabbinique qui doit se prononcer surun jugement rendu par un tribunal de l’Etat.

On voit donc comment le pouvoir du Ka-hal grâce au Beth Din a pu perdurer jusqu’ànos jours. La Synagogue talmudique légifèregrâce au Talmud, juge et fait exécuter ses ju-gements au moyen du Kahal et du Beth Dinet gouverne ainsi encore aujourd’hui lepeuple juif. Et tout cela nous est révélé par unhebdomadaire juif français et non par des an-tisémites ou comploteurs maniaques.

Le Kahal: sa nature

Le Kahal représente la source de la co-hésion que les juifs ont réussi à maintenirpendant deux mille ans, bien que dispersésdans le monde, sans temple ni sacrifice.

Aux grands maux qu’il a dû affronter aucours de son histoire, le peuple juif a su op-poser un grand remède: le Kahal. Les juifs,dispersés dans le monde entier, après le déi-

Le serpent symbolique qui représente le progrès de laconspiration juive

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cide, se sont constitués comme un Etat danschaque Etat qui les a accueillis. Aussi K. deWolski est-il de l’avis que pour maintenirleur unité et leur cohésion et pour ne pasperdre leur identité propre, les juifs obéis-sent à une sorte de gouvernement occulte,tant judiciaire, le Kahal, qu’exécutif, le Bet-Dine. On peut parler, dit l’auteur, d’unesorte de corporation qui représente toutIsraël et qui, même étant disséminée decorps, est unie spirituellement, par le but etpar les moyens (25).

L’Eglise catholique est le principal enne-mi du Kahal, lequel s’efforce donc d’en di-minuer l’influence en mettant dans les intel-ligences des chrétiens les idées de libre pen-sée, de scepticisme, de schisme, et en provo-quant ainsi les disputes religieuses, fertilesen divisions. Dans leur programme il fautavant tout commencer à discréditer lesprêtres, en provoquant des soupçons surleur dévotion, sur leur conduite privée, puisil faut gagner l’estime des jeunes, en infil-trant les écoles par des idées antichré-tiennes.

La Moreine

La Moreine est la hiérarchie des chargeschez les juifs. Elle commence tout de suiteaprès la destruction du Royaume d’Israël, eta pour objectif la préservation et la conser-vation de la nationalité perdue, jusqu’aujour où le Messie restituera au peupled’Israël sa gloire et son pays [ce qui n’estpas arrivé en 1948, puisque l’entité sioniste aété reconstituée de main d’homme et nonpar le Messie, qui est déjà venu il y a deuxmille ans, n.d.a.].

Durant le long pèlerinage du peuple juifdispersé dans le monde entier, la Moreineest restée toujours la même mais s’est déve-loppée et a acquis une grande puissance, ense constituant peu à peu en société secrète,pour pouvoir affronter les difficultés del’exil et en arrivant ainsi presque intactejusqu’à nos jours.

Les membres du Kahal ou la Moreine

Le Kahal comprend deux catégories demembres: les dignitaires d’une part et les subal-ternes de l’autre. Kahal enseignant et disciple.

1°) Les dignitaires constituent le GrandConseil et jouissent d’une autorité souverai-ne sur la Communauté juive.

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2°) Les subalternes sont les secrétaires etles scribes.

Parmi eux est choisi le Persécuteur secret,qui est l’exécuteur des sentences du Kahal(26). Il paraît qu’il s’engage par serment àn’épargner personne.

Il y a ensuite les facteurs, qui sont unesorte d’informateurs et de factotum.

“LE JUIF SECTAIRE” DANS SACONDUITE PRATIQUE

Vial, dans son précieux livre, soutientque le gouvernement secret des juifs s’ap-pelle Kahal et est universel et absolu. «Il ré-unit dans ses mains le pouvoir législatif et lepouvoir exécutif [le Bet-Dine, branche duKahal, a, à proprement parler, le pouvoirexécutif, n.d.a.]. Il a le droit de vie et demort... Il a, à ses ordres... une magistraturepour les imposer, une police pour en sur-veiller l’exécution, un budget pour alimentersa police et ses fonctionnaires, et un impôtpour alimenter son budget...

Les décisions du Kahal ne sont suscep-tibles d’aucun contrôle et n’ont besoin d’ap-probation de qui que ce soit... Ce gouverne-ment secret, vieux souvenir du tout-puissantSanhédrin, ...a toujours fonctionné, depuis ladispersion d’Israël à travers le monde, dans lamesure où le lui permettait, ce qu’il appelleaujourd’hui “l’intolérance moyenâgeuse”» (27).

Son code est le Talmud, qui est véritable-ment la Constitution fondamentale du peuplejuif, dont il résume la suprême aspiration: laconquête du monde entier. Mais cetteConstitution doit être, dans la pratique, inter-prétée par le Kahal au moyen de ses lois.

Brafmann, dans son Livre du Kahal rap-porte plus de mille prescriptions du Kahal,qui représentent ainsi le droit d’Israël, soncode de jurisprudence (28).

LES AGENTS DU KAHAL

Brafmann dans son ouvrage nous dit queles agents du Kahal sont employés par lesjuifs, non seulement dans le commerce, maisdans tous les secteurs des affaires. La fin prin-cipale de tout agent est de prendre note, scru-puleusement, des moyens par lesquels il est ar-rivé à corrompre l’employé de police, en fa-veur de son coreligionnaire. Toutes ces infor-mations recueillies avec soin, doivent être dé-posées auprès du Kahal, qui se trouve ainsi enpossession des moyens d’action sur l’employé

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corrompu, au cas où il voudrait intenterquelque action contre le Judaïsme, ou prendreune décision qui ne lui serait pas favorable (29).

LE KASHER

La loi sur la cuisine Kasher est d’une im-portance capitale pour maintenir séparée lavie des juifs du reste du monde. Elle doit doncêtre maintenue intacte; cette charge appar-tient au Kahal, interprète fidèle du Talmud.

LES CONFRERIES JUIVES

En recourant à un exemple l’on peut direque les confréries sont les artères de laSociété juive, alors que le Kahal en est lecœur. Quel est le fil mystérieux qui enchaîneet lie entre eux tous les juifs disséminés sur laface de la terre, comme une invisible ettoute-puissante corporation? Les confréries!Chacune d’elles a son chef et très souvent samaison de prière (succursale de la synagogueprincipale); toute confrérie est un Kahal se-condaire. La plupart des membres appartientà l’élite traditionnelle de la Société juive, quiforme ainsi presque une légion de combat-tants qui entourent et défendent l’étendarddu Talmud, au service du Kahal.

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LA COUR DE LA SYNAGOGUE

Elle consiste en une surface de terrain,située dans le quartier habité par la popula-tion juive, où doivent se trouver:

1°) Le Bet-Haknest (la synagogue principale).2°) Le Bet-Gamidrasch (la maison de

prière et l’école).3°) Le Bet-Hamerhatz (les bains à vapeur).4°) Le Bet-Hakahal (la chambre du Kahal).5°) Le Bet-Dine (tribunal judiciaire).6°) Le Hek-Dech (refuge pour les pauvres).

De tous ces lieux celui qui nous intéresse leplus est la chambre du Kahal, dont nous avonsdéjà parlé, et le Bet-Dine: un Conseil ana-logue à l’ancien Sanhédrin, qui se perpétuejusqu’à maintenant sous la tutelle du Kahal etqui forme sa section de justice exécutive.

«...la chambre du Kahal... règle la vie pu-blique et privée de ses coreligionnaires des-potiquement et presque sans aucun contrô-le, n’admettant aucun recours à une autreautorité. Cette domination... s’étend ...à lavie religieuse, intérieure et privée des Juifs...Mais lorsqu’il s’agit de prononcer un juge-ment dans un procès entre deux Juifs, ouentre un Juif et le Kahal, c’est le Bet-Dine(le saint tribunal) qui est chargé de juger.

Le Bet-Dine, quoique appelé le saint, estcependant sous la haute protection du Kahal,et ne forme, pour ainsi dire, que la section ju-diciaire de cette autorité suprême, à laquelletout Juif doit être aveuglément soumis» (30).

LE SIEGE DU KAHAL SELON HENRYFORD

Où se trouverait le siège central duKahal? On ne sait pas.

Cependant dans un article du DearbornIndependent, écrit dans les années vingt (31) onlit que: «Le Kahal a établi ses tribunaux dansla ville de New York... Les juifs s’en remet-tent au Kahal parce qu’ils préfèrent la justicejuive à celle des pays qui les accueillent».

Henry Ford en 1920 a écrit: «L’organisa-tion juive la plus importante... vit aux Etats-Unis d’Amérique. (...) Des loges juives exis-tent en Amérique... Mais... il est nécessairede savoir que dedans et derrière elles fonc-tionne un centre dominant, avec son admi-nistration et son gouvernement.

Ses dispositions ont force légale... Deux deces organisations, toutes deux intéressantes tantpar leur caractère secret que par leur pouvoir,sont la Keillha [H. Ford l’écrit de cette maniè-

Blâmable couverture antisémite d’une édition française des Protocoles

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re] new-yorkaise et le Comité judéo-américain.(...) La Keillha représente le plus important fac-teur politique de la vie officielle de New York.

Le mot Keillha est identique au motKahal et signifie quelque chose comme com-munauté ou réunion ou administration. LeKahal représente la forme authentiquementjuive de gouvernement et d’administrationdu peuple dispersé. Cela veut dire qu’aprèsleur dispersion à travers le monde, les juifsont créé partout leur gouvernement propre...

A New York le Kahal possède sespropres tribunaux, décrète les lois, prononceofficiellement des jugements et les fait exé-cuter, et les juifs préfèrent leur justice à cellede l’Etat. (...) La Keillha new-yorkaise est laprincipale et la plus puissante organisationjuive du monde entier. A New York,...prend [naissance] le centre vital et poten-tiel du Judaïsme moderne. New York repré-sente pour le juif moderne ce que représen-te Rome pour le catholique... L’actuelleNew York est une réponse vive, latente, à laquestion: est-il possible qu’un groupe depersonnes numériquement inférieur puissedicter des lois à toute une population? Toutà New York répond affirmativement» (32).Cependant après 1948, avec la constitutionde l’Etat d’Israël, on doit se poser la ques-tion de savoir si le siège central du GrandKahal n’a pas été transféré à Jérusalem.

CONCLUSION

«Après tout ce qui a été dit sur la vie in-time et secrète des Juifs, - écrit de Wolski -...il est facile de s’expliquer les persécutionsqui, en tous pays et à toutes les époques, ont

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été dirigées contre ce peuple incorrigible,orgueilleux et fanatique» (33).

La concession des droits civils accordésau peuple juif, avec l’espoir de l’assimiler, aété, comme reconnaissait Napoléon Ier,“une illusion”; en effet ce peuple a refuséobstinément le droit commun, et a voulucontinuer à vivre isolé, pour ne pas perdreson identité, aidé en cela par le Kahal! Lacause de cette persévérante obstination estdans le Judaïsme même, c’est-à-dire danstoutes ces institutions prescrites par leTalmud et protégées par le Kahal et par leBet-Dine, qui dureront jusqu’à ce que Israëlse convertisse à Jésus-Christ.

Les pays chrétiens qui donnent l’hospita-lité à ce peuple seront toujours considéréspar lui comme “un lac ouvert où tout juifpeut pêcher librement” (comme dit leTalmud), autrement dit: exploiter et dé-pouiller le chrétien.

En effet l’esprit du Kahal est un espritexclusif, jaloux et fanatique. Le Kahal sepréoccupe de maintenir l’esprit talmudiqueet en même temps protège les intérêts tem-porels du peuple d’Israël: il est l’âme et laconscience de ce monde à part, et d’aprèsles auteurs examinés, prédominerait mêmesur le rabbinat.

La force d’Israël réside dans le Kahal; ellea asservi le monde entier, en agissant dans lesecret et j’espère avec cet article avoir fait unpeu de lumière, qui puisse éclairer les goyim etparticulièrement les chrétiens, sur le dangerqui les menace. Si quelqu’un parmi les lecteursavait des informations plus récentes (mais sé-rieuses et documentées) à me fournir, je seraiheureux de pouvoir approfondir le problème.

La Synagoguetalmudique

Talmud: légifère(pouvoir législatif)

Kahal: juge(pouvoir judiciaire)

Bet-Dine [branche du Kahal]:fait exécuter les jugements(pouvoir exécutif)

* Kahal et Bet-Dine (branche du Kahal) sont le “Talmud vivant”,c’est-à-dire mis en pratique au cours de l’histoire, par la Synagogue talmudique

par l’intermé-diaire du

et ainsi régit etgouverne lepeuple juif

Schéma récapitulatif sur lepouvoir du grand Kahal

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NOTES

1) Encyclopaedia Judaica, Jérusalem 1971, vol. IV,col. 1287-1288.

2) N. COHN, Histoire d’un mythe, Gallimard, Paris1967, pp. 58-59.

3) KALIXT DE WOLSKI, De la Russie juive, SavineEditeur, Paris 1887.

4) L. VIAL, Le Juif sectaire ou la Tolérance talmu-dique, Fleury, Paris 1899.

5) E. JOUIN, R. I. S. S., 5ème, Le péril judéo-maçon-nique, deuxième partie, Les actes de la Contre-Eglise I,Discipline de l’Impérialisme Juif, IV, QAHAL, édité parA. ALBRECHT, Paris 1925, pp. 89-122.

6) Josué, XXIII, 2 - XXIV, 1.7) A. ALBRECHT, op. cit., p. 90.8) L. DE PONCINS, Les Forces Secrètes de la

Révolution, éd. Bossard, Paris 1928, p. 254.9) Ibid., p. 255.10) H. WAST, El Kahal, editorial Aldecoa, Burgos 1954.11) Ibid., p. 24.12) A. ELKANN-E. TOAFF, Essere ebreo, Bompiani,

Milano 1994, p. 13.13) H. Wast, op. cit., p. 43.14) Ibid., p. 44.15) Ibid., p. 72.16) Ibid.

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17) Ibid., p. 111.18) I. SHAHAK, Histoire juive - Religion juive. Le poids

de trois millénaires, La Vieille Taupe, Paris 1996, p. 42.19) Ibid., p. 42.20) Ibid., p. 50.21) Ibid., p. 203.22) S. SCHWARZFUCHS, Kahal. La communauté

juive de l’Europe médiévale, Maisonneuve et Larose,Paris 1986.

23) Ibid., p. 11.24) Ibid., p. 17.25) K. DE WOLSKI, La Russie juive, Savine éd.,

Paris 1887, p. 2.26) Cf. J. BRAFMANN, Le livre du Kahal, fiche n°

148, citée par L. VIAL, op. cit., p. 91.27) L. VIAL, op. cit., pp. 79-80. 28) J. BRAFMANN, Le livre du Kahal, fiches nn° 134,

170, 146, 148, 149, 177, 57, 261, 239, 260, 284, 21, 33, 37,4, 156, 159, 17, 280, 281, 282, 285.

29) L. VIAL., op. cit., p. 116.30) K. DE WOLSKI, op. cit., p. 172. Cf. J.

BRAFMANN, Le livre du Kahal, nn° 24, 78, 120, 132, 146,177, 203, 204, 239, 256.

31) Dearborn Independent du 26-02-1921.32) H. FORD, L’ebreo internazionale, L’altra biblio-

teca ed., sine loco et data, pp. 225-231.33) K. DE WOLSKI, op. cit., p. 303.

Esotérisme

UN GRAND INITIÉ: RENÉ GUÉNON

Par M. l’abbé Curzio Nitoglia

Introduction

La personne et l’œuvre de René Guénonne peuvent être indifférentes à qui-

conque s’occupe de vraie et fausse Tra-dition.

Un vieil adepte de l’école guénonienne,Jacques-Albert Cuttat a défini la doctrineguénonienne: «Un néo-traditionalisme...comme si Guénon avait repris et mis àl’échelle d’une connaissance plus vaste... del’Orient les trois thèses fondamentales dutraditionalisme du début du XIXème siècle(notamment de Joseph de Maistre et deLamennais), à savoir: l’Anti-rationalisme,l’Unanimité traditionnelle comme critère dela vérité et surtout la Primauté spirituelle del’Orient» (1).

Il est notoire que Guénon relativise etréduit la Mystique chrétienne (qui d’ailleursn’est pas seulement occidentale) au niveaude sentimentalisme ou ‘dévotionalisme’ (quin’a rien à voir avec la vraie Mystique, alors

qu’elle a des points de contact avec le fauxmysticisme). Et ceci démontre la connais-sance insuffisante de la Théologie ascétiqueet mystique catholique de la part de Guénonlui-même ou son esprit antichrétien. Eneffet dans l’œuvre guénonienne les dogmesprincipaux de la Religion catholique sontmal compris et vidés de leur vraie significa-tion. Guénon, imbu d’ésotérisme cabaliste etmaçonnique, a essayé d’infiltrer dans les mi-lieux catholiques traditionnels la fausse idéed’une Tradition primordiale universelle etfondamentale qui englobe toutes les diffé-rentes religions, en maintenant secrète sonaffiliation au soufisme moniste et à la ma-çonnerie écossaise.

Avec «le Concile Vatican II, il s’avèreque l’intelligentsia catholique... est orientéedans le sens d’une perspective qui tientcompte de l’intention d’unité des nouvellesgénérations. (...) de privilégier les points derencontre... avec les religions non-chré-tiennes... Le ton n’est plus à réfuter et à ex-clure mais plutôt à assumer la diversité dupotentiel humain et du patrimoine religieuxuniversel» (2). Et c’est ainsi que le Tradi-tionalisme maçonnico-ésotérique a embras-sé le Modernisme ésotérico-maçonnique (3).

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La personnalité de Guénon

La plus grande spécialiste de Guénon,Marie-France James affirme que son tempé-rament était caractérisé par la «nervosité etla sensibilité auxquelles viennent s’ajouterl’instabilité, l’impulsivité et l’irritabilité...[nervosité] tempérée par le puissant apportintellectuel (...) prédisposant aux études phi-losophiques et religieuses. A tout cela il fautajouter une susceptibilité exacerbée et uneforte sensualité» (4).

L’enfance

René Guénon naît à Blois, le 15 no-vembre 1886. De santé fragile il effectue sespremières études dans une école catholiqueoù, malgré ses nombreuses absences, il de-vient vite un élève brillant. A l’automne de1901 se produit un incident banal en soi,mais très significatif au regard de sa person-nalité: René est le premier de la classe maisle professeur Simon Davancourt le classe se-cond dans un devoir de français. René enfait un drame et doit s’aliter avec une fortefièvre; son père le retire de l’école et l’inscritau collège Augustin-Thierry (5).

M.-F. James commente: «Nous voyonsdonc déjà en Seconde le besoin, obsessif chezGuénon, d’être le premier... Au retour desgrandes vacances... notre jeune perfection-niste est aux prises avec la même obsession,devrions-nous dire la même culpabilité, lemême anéantissement... de n’être que qua-trième... Irrité, le jeune René réagit avec unegrande susceptibilité... une scène s’ensuit,scène qui connaîtra, aux yeux de certains,son dénouement définitif quelque trente ansplus tard avec le départ irréversible deGuénon vers les terres de l’Islam» (6).

Il apparaît évident que le désir, le besoinmême d’arriver au zénith, est une tendanceprofonde de la personnalité de Guénon.«C’est quelqu’un qui non seulement veut maisdoit gagner sur tous les terrains...» (7). Etredans la moyenne pour lui signifierait échouer;être condamné à l’imperfection le déprimerait.

René Guénon, désormais jeune bache-lier, connut le chanoine Ferdinand Gom-bault, docteur en philosophie scolastique;durant plus de trente ans, jusqu’au départ deGuénon pour Le Caire, les deux intellectuelsmaintinrent des contacts réguliers bien qu’enagissant dans deux camps différents, opposésmême: le chanoine, thomiste strict, se voua à

l’apologie du catholicisme; Guénon, influen-cé par les courants maçonnico-occultistes, setourna vers la Gnose. D’après M.-F. James lechanoine, comme tous les amis catholiquesde Guénon, ignora au moins jusqu’à la findes années 30 son choix.

Les maîtres de René Guénon

Vers les vingt ans Guénon est introduit àl’Ecole Hermétique dirigée par Papus(pseudonyme du docteur Encausse) et suitles cours qui y sont dispensés. Il est reçudans l’ordre Martiniste et dans diverses or-ganisations maçonnico-occultistes annexes.En 1908 il collabore à la préparation duCongrès spiritualiste et maçonnique, cepen-dant il tend à s’éloigner de la ligne générale(qualifiée par lui de matérialiste) des mi-lieux occultistes de son temps; il prend doncposition contre certaines idées de Papus.

L’hypothèse la plus probable, sans preuvesdéterminantes, est que Guénon, au plus tarden 1909 (époque de son élévation à l’épiscopatgnostique sous le nom de Palingenius) ait bé-néficié de contacts hindous du courant vêdan-tiste décisifs; toujours cette année-là il s’affilieà la Loge maçonnique Thebah (Grande Loge

René Guénon le jour de son mariage

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de France). En 1912 il est initié au Soufisme etse marie... dans le rite catholique! La mêmeannée toujours il confirme son affiliation ma-çonnique à la Loge Thebah, filiale de laGrande Loge de France de Rite écossais an-cien et accepté. De 1913 à 1914 il collabore àLa France chrétienne anti-maçonnique, sous lepseudonyme de Le Sphinx, précisément dansles pages de cette revue il entretiendra(comme un vrai “sphinx”) une polémiqueavec Charles Nicoullaud et Gustave Bord, col-laborateurs de la Revue Internationale desSociétés Secrètes, concernant la question desSupérieurs Inconnus.

En 1915 Guénon fait la connaissanced’une jeune étudiante thomiste: NoëleMaurice-Denis, qui en 1916 le présente àJacques Maritain. En 1916 il suspend la parti-cipation active aux travaux de sa Loge, aux-quels il avait continué d’assister même durantsa collaboration à La France chrétienne anti-maçonnique! Cette suspension ne fut pas unerupture, mais seulement une “mise en som-meil” tactique, en vue d’«amener le catholicis-me à cautionner une élite appelée à retrouver, àpartir d’une perspective ...syncrétique, la sour-ce unique perdue... la véritable Connaissancemétaphysique, d’essence gnostique. C’est ainsique, jusqu’au début des années 30, Guénons’abstiendra de traiter de manière directe etouverte de la Franc-maçonnerie, se limitant àen déplorer la “dégénérescence” et à dénon-cer les “influences anti-traditionnelles” dontelle est victime en son sein même» (8). PourGuénon le Catholicisme n’est rien d’autrequ’une des formes partielles et voilées à tra-vers lesquelles la tradition primordiale et fon-damentale se manifeste dans sa plénitude. LeChristianisme, pour lui en effet, a eu aux ori-gines un caractère ésotérico-initiatique donton sait peu de choses puisque les origines duChristianisme seraient entourées d’une obscu-rité presque impénétrable. Obscurité vouluepar ceux qui ont conduit la transformation del’Eglise d’une organisation obscure et réser-vée à une organisation ouverte à tous, pure-ment exotérique. Cependant cette transfor-mation du Christianisme en Religion exoté-rique, a été providentielle, puisque le mondeoccidental serait resté sans aucune traditions’il n’y avait pas eu la Religion chrétienne, latradition gréco-romaine alors prédominanteayant atteint une grande dégénérescence. LeChristianisme redressa le monde occidental,mais à condition de perdre son caractère éso-térique. Il semble que l’on puisse constater,

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dans ce refus de la dimension publique, l’atti-tude d’aristocratisme intellectuel typique desdifférents courants gnostiques.

En 1921 Guénon signe un article dans laRevue de philosophie d’inspiration néo-tho-miste. En 1922 il reprend l’enseignement dephilosophie auprès d’un institut des Frèresdes Ecoles chrétiennes. En 1925 il commen-ce à collaborer à la Revue universelle duSacré-Cœur, Regnabit, mais en 1927 la colla-boration cesse, et il reprend au contraire lapolémique avec la R.I.S.S. (9).

Les milieux catholiques après une brèvehésitation, due au caractère de “cinquièmecolonne” de l’œuvre guénonienne de ces an-nées-là, en réfutent les théories et Guénon,voyant échouer son projet d’infiltration,émigre au Caire. Mais il poursuit sa charge deformer une élite traditionnelle occidentalepar la tentative de faire converger la méta-physique orientale dite “universelle” (ouGnose ésotérique) et le Catholicisme, selonlui identiques dans leur substance. PourGuénon la Gnose doit s’appuyer sur laTradition fondamentale, qui en substance estpartout la même, malgré les formes diffé-rentes qu’elle revêt quand elle s’abaisse à de-venir une religion, pour s’adapter à chaquerace et à chaque époque. Le but ésotériquede Guénon est donc de réinterpréter, d’abais-ser, de minimiser et de ramener le Chris-tianisme à un fond commun “traditionnel”d’inspiration gnostique. Il aurait eu à ses ori-gines un caractère essentiellement ésotériqueet initiatique, mais à partir de l’époqueconstantinienne et du Concile de Nicée ill’aurait perdu en devenant une religion ausens propre du terme, avec ses dogmes, samorale universelle et ses rites publics.Guénon nie donc la divinité et l’indéfectibili-té de l’Eglise, sa transcendance par rapportaux autres cultures, la valeur universelle del’Evangile, la compréhension inaltérée de ladoctrine évangélique telle qu’elle a été révé-lée par le Christ. Mais comme a écrit N.Maurice-Denis: «Certainement son ignoran-ce, son incompréhension du Christianismeétaient totales» (10). Mais s’agissait-il vrai-ment d’ignorance? Nous le verrons plus loin.

Guénon et la “Revue Internationale desSociétés Secrètes”

Monseigneur Ernest JouinMonseigneur Jouin, dernier de cinq en-

fants, naît le 21 décembre 1844 à Angers.

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Orphelin de père en bas âge et de santé fragi-le, en 1862 il rejoint son frère Amédée au no-viciat des Dominicains de Saint-Maximin,transféré par la suite à Flavigny. En août1866 des troubles de santé l’obligent à renon-cer à l’austérité de la vie dominicaine; il re-joint pour cette raison le séminaire d’Angers,où il sera ordonné prêtre en février 1868.«Ses premières années de vie sacerdotalesont traversées par la tristesse, le décourage-ment, le doute et les scrupules» (11). En juillet1882 il est nommé curé à Joinville-le-Pont(Seine) où il subit l’assaut des milieux anticlé-ricaux, et commence ainsi à connaître les pre-mières luttes antimaçonniques. En 1910 il ac-quiert une importante bibliothèque maçonni-co-occultiste d’environ 30 000 volumes et enjanvier 1912 fonde la Revue Internationaledes Sociétés Secrètes, composée d’une partiejudéo-maçonnique (partie grise) et d’unepartie occultiste (partie rose).

«L’abbé Jouin croyait à une volonté juivede domination universelle résumée commesuit: “Israël est le roi, le Maçon est son cham-bellan et le bolcheviste son bourreau”. Sathèse était... que la juiverie et le protestantis-me sont derrière la franc-maçonnerie; quetous trois poursuivent un même but: la des-truction de l’Eglise catholique» (12). Elevé àla prélature par Benoît XV et fait protono-taire apostolique par Pie XI, il meurt en 1932avec la bénédiction et l’approbation pontifi-cale de sa revue qui continuera à paraîtrejusqu’en 1939; sa cause de béatification a étéintroduite à Rome par “les amis Américainsde Monseigneur Jouin” (13).

Mgr Jouin n’est pas le premier à soutenirla thèse de l’inspiration juive de laMaçonnerie. Il avait été précédé au XIXèmesiècle par l’abbé Barruel, Mgr Deschamps,Crétineau-Joly, Gougenot des Mousseaux,Mgr Delassus, Mgr Meurin. Partisan d’unCatholicisme intégral, il était convaincu que«les groupes nationalistes et fascistes sontimpuissants par eux-mêmes à guérir le mal.La guerre est religieuse. Notre conversionest l’unique remède» (14). Lui-même avaitécrit: «Lorsque les catholiques ne reculerontplus, lorsqu’ils puiseront leur courage dansla pratique de la vertu, ...lorsqu’ils repren-dront la voie du sacrifice pour suivre leurMessie de misère, jusqu’au Golgotha, lors-qu’il ne mendieront plus leur salut à droiteou à gauche, mais formeront à la demandede sa Sainteté Pie X le parti de Dieu, laquestion juive sera solutionnée. (...) Mais

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que les catholiques se rendent bien comptequ’en donnant la main aux Juifs, en vivant aufond comme eux... ils préparent... le règnedespotique d’un Qahal universel!» (15).

La R. I. S. S. (1912-1939)La R.I.S.S., dans la partie grise (judéo-

maçonnique) traitait des aspects extérieursde la secte infernale et dans la partie rose(partie occultiste) des aspects intérieurs. Elleétait connue dans le monde entier et alimen-tée par les informations de Mgr UmbertoBenigni fondateur du Sodalitium Pianum. Sidans l’ordre chronologique Mgr Jouin met-tait au premier plan la critique de l’œuvrepolitique et extérieure des sectes secrètes,dans l’ordre d’importance il préférait étudierleur comportement intérieur, ésotérique, se-cret. Il était convaincu, à raison, que seul unmotif religieux et souvent préternaturel pou-vait expliquer la frénésie de démolition detoutes les choses bonnes, qui caractérise leprocessus révolutionnaire, mis en avant parles sociétés secrètes. Et que à l’origine de cesdernières il y eut le Judaïsme post-templier[c’est-à-dire d’après la destruction duTemple de Jérusalem], dont le père, commel’a révélé Jésus, est le diable (16).

Ce fut précisément contre la R.I.S.S. deMgr Jouin que Guénon soutint une longuecontroverse, en polémiquant en particuliersur l’occultisme, en tentant d’en discréditerles collaborateurs et en se posant commeunique personne compétente en la matière.

Divergences au sein du mouvement antima-çonnique

Il faut faire remarquer qu’il y avait une di-vision même entre ceux qui s’opposaient à laMaçonnerie. D’une part il y avait les antima-çons nationalistes (Copin-Albancelli et Clarinde la Rive), qui voulaient combattre la secteuniquement pour défendre les valeurs natio-nales et patriotiques; la lutte antimaçonniquepour eux devait être essentiellement politiqueou nationale. D’autre part il y avait les anti-maçons religieux (Nicoullaud, Jouin, Benigni)pour qui la Maçonnerie est une “contre-égli-se”, qui cherche à ridiculiser les recherchessur l’élément préternaturel dans les arrières-loges [voir la manœuvre Taxil (17)]. D’aprèsMgr Jouin pour être antimaçons il faut avanttout être chrétiens: il s’affrontera donc àCopin-Albancelli et Clarin de la Rive, quipour lui n’étaient pas des adversaires sincères

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de l’ennemi. La substance de la divergence ré-sidait dans le fait que les anti-maçons natio-naux refusaient d’étudier l’influence sata-nique dans la direction occulte de laMaçonnerie. Ce fut ainsi que le projet d’unefédération antimaçonnique échoua et que lespolémiques entre antimaçons alimentées parun nouveau venu... le franc-maçon RenéGuénon, alias le Sphinx, continuèrent causantun grave dommage pour la bonne cause.

La collaboration du franc-maçon Guénon à“La France antimaçonnique”

En 1896 Clarin de la Rive devient direc-teur de La France chrétienne antimaçon-nique, succédant à Léo Taxil. A partir de1913 jusqu’à 1914 le franc-maçon Guénoncollabore à cette revue! «A supposer queClarin de la Rive n’ait pas eu l’occasion deconsulter les registres de la Grande Loge deFrance pour l’année 1912, en revanche il n’apu ignorer... la conférence du MaçonGuénon sur L’Enseignement initiatique pu-bliée dans Le Symbolisme de janvier 1913.La R.I.S.S. a même pris soin d’en inclureune pertinente critique dans son Index docu-mentaire (février 1913, p. 561)» (18). Alorscomment expliquer la collaboration deGuénon avec Clarin de la Rive, sur le ter-rain antimaçonnique précisément? Com-ment donc Guénon pourra-t-il consulteravec la permission de Clarin de la Rive ledossier sur le cas Taxil (ex-directeur de LaFrance antimaçonnique), à partir duquel ilconclura que soutenir l’influence du Sa-tanisme sur la Maçonnerie c’est faire de lacontre-initiation?; que si des groupes lucifé-riens et satanistes existent ils sont bien loinde l’appartenance à la Maçonnerie, qui estune organisation traditionnelle que l’on veutdénigrer à tout prix. Il semblerait que Clarinde la Rive et les amis catholiques deGuénon aient sous-évalué son initiation à lasecte, comme si Guénon avait complètementrompu avec la Maçonnerie.

Comme beaucoup d’autres Guénon a uti-lisé la campagne anti-taxilienne, en se pré-sentant comme l’homme de la Tradition quiveut rendre à la Maçonnerie son vrai visage,défiguré par Taxil. Il prétend combattre lesmaçons contemporains pour leur “modernis-me”, infidèles à la vraie vocation initiatique,afin que la Maçonnerie puisse redevenir cequ’elle n’a jamais cessé d’être virtuellement.Ce travail sournois fut entrepris dans La

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France antimaçonnique, avec la complicité(ou la stupidité) de ses amis catholiques.

Guénon astucieusement voulait changerde l’intérieur la pensée antimaçonnique, etinspirer un courant catholique favorable à laMaçonnerie traditionnelle, revue et corrigéeà la lumière de la métaphysique orientale.«D’une part, il affirme, qu’il faut ramenerles maçons à la compréhension de leursprincipes et à la conscience de leurs fonc-tions et de l’autre faire admettre aux catho-liques qu’ils ont tort de combattre laMaçonnerie en elle-même et qu’ils doivent,tout en luttant contre les maçons dégénérés,souhaiter la restauration d’une Maçonnerieauthentique» (19). Et «après avoir rappelél’opinion déjà exprimée par Joseph deMaistre il affirmait que: “Tout annonce quela Maçonnerie vulgaire est une branche sé-parée et peut-être corrompue d’un tronc an-cien et respectable”, et que la Maçonneriemoderne n’est que le produit d’une dévia-tion» (20). Le coup lui réussit avec Clarin dela Rive, mais Mgr Jouin lui barra la route.

Les Supérieurs Inconnus

En 1913 il y eut une longue polémiqueentre Guénon, alias le Sphinx, pour LaFrance antimaçonnique et Charles Nicoul-laud avec Gustave Bord pour la R.I.S.S.concernant la question mystérieuse desSupérieurs Inconnus, dont Bord niait l’exis-tence en tant que simples hommes en chairet en os. Les Cahiers Romains, organe del’Agence internationale Roma, de MgrUmberto Benigni, répondirent (14 et 28 sep-tembre 1913) que le jugement de Bord étaitun peu hâtif et qu’aucun argument probant

Schuon, Burckhardt et Cuttat à Bâle dans les années 30

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n’avait été présenté contre le pouvoir cen-tral occulte et humain de la secte. Peut-être,ajoutaient les Cahiers Romains, consistait-ilaussi en une constante entente entre leschefs pour diriger la masse des différentessectes, dont la plus connue et la plus répan-due est la Maçonnerie. Charles Nicoullaudrépondit sur la R.I.S.S. du 20 octobre 1913,que si le rédacteur des Cahiers Romains en-tendait désigner comme chefs, des hommesordinaires en chair et en os il se trompait.Les Supérieurs Inconnus, pour les vrais ini-tiés, existent, mais vivent dans l’Astral (cesont des Anges déchus ou suppôts de Satan,c’est-à-dire des hommes qui se sont vouéscorps et âme au diable et qui sont donc soninstrument privilégié). Et c’est de là que, aumoyen de la magie, ils dirigent les chefs dessectes, en constituant une espèce d’ententecontinuelle entre les chefs humains des dif-férentes sectes. Pour Gustave Bord aucontraire, puisqu’il y a rivalité entre les dif-férents rites maçonniques, il n’y a aucunpouvoir central humain (ce qui n’exclut pasune direction préternaturelle). A ce pointGuénon, alias le Sphinx, descendit dansl’arène et soutint que Nicoullaud et Bordétaient deux antimaçons bien étranges, et ilattaqua la thèse de la “mystique” diaboliquecomme racine de la Maçonnerie. Guénonréhabilite les Supérieurs Inconnus commeles inspirateurs et les gardiens de l’initiationet de la Tradition ésotérique. En 1914 Bordrépondit par les pages de la R.I.S.S. que lesantimaçons sont divisés en deux camps: ceuxqui croient au pouvoir central de la Franc-Maçonnerie représentée par des chefs enchair et en os appelés Supérieurs Inconnusou membres des arrières-loges; et ceux quicroient que la Franc-Maçonnerie est condui-te par une idée néfaste et que les SupérieursInconnus sont le diable ou ses suppôts. Il serallie à ces derniers. Bord ajoute qu’il n’a ja-mais trouvé trace de directeurs humains su-prêmes et connus de toute la Franc-Maçonnerie, mais bien mieux, il a constatél’existence du contraire: obédiences maçon-niques en lutte entre elles, fondées par despersonnes connues. Guénon répond quecette question ne peut être résolue par deshistoriens qui prétendent se baser unique-ment sur des faits positifs, prouvés par desdocuments écrits, que les SupérieursInconnus ont laissé des traces très précisesde leur action en pareilles circonstances. Ilsseraient des êtres libérés dès cette vie, af-

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franchis de toutes limitations extérieures,établis dans l’état inconditionné et absolu,en prise directe avec le Principe primordialde l’univers. Des êtres en chair et en os quiauraient atteint les plus hauts sommets deréalisation spirituelle, doués, selon la tradi-tion extrême-orientale, de longévité, posté-rité, grand savoir et parfaite solitude! LesSupérieurs Inconnus sont les vrais maîtresdu monde et non des hommes banals.

En résumé alors que Nicoullaud voit uneinfluence préternaturelle et diabolique surla Maçonnerie, Guénon y voit au contrairel’action d’un Principe transcendant quiconcourt à la pleine réalisation spirituelle.Pour Nicoullaud, Satan résume le Pouvoirocculte sectaire, alors que Guénon, aumoyen de la théorie des “états multiples del’être” (une sorte d’intermédiaires astrauxde dérivation cabaliste) complique tout, enrelativisant la notion d’individu et surtoutles catégories du bien et du mal, et en four-nissant un masque au diable (21).

Face à cette énorme masse d’arguments lepauvre lecteur de La France antimaçonniquene savait plus où donner de la tête... LeSphinx avait obtenu son résultat, avait em-brouillé les choses, semé la zizanie entre lesantimaçons (se servant même des Cahiers ro-mains et essayant de les opposer à la R.I.S.S.);en résumé il avait fait œuvre de dépistage.

Guénon et l’Institut catholique de Paris

En 1915 Guénon obtient la licence delettres à la Sorbonne et à l’automne il s’ins-crit, avec son ami intime Pierre Germain(affilié lui aussi à l’église gnostique), aucours de philosophie des sciences duProfesseur Milhaud. Là, comme je l’ai déjàdit, il fait la connaissance d’une jeune tho-miste de dix-neuf ans, formée par le PèreSertillanges et par Maritain. Noële Maurice-Denis (plus tard Boulet), qui introduitGuénon auprès de Maritain en 1916. Durantl’été l’ami Germain, qui avait retrouvé laFoi à Lourdes, informe Noële Maurice-Denis du passé de Guénon et lui fournit lacollection complète de La Gnose. N.Maurice-Denis, même si elle ne partage pasles idées de Guénon, admire sa clarté d’ex-position et le sérieux de sa pensée. Le faitqu’il ait été consacré évêque gnostique àvingt-trois ans ne la surprend pas: elle y voitseulement une erreur de jeunesse! La jeunethomiste ignore, comme du reste Germain,

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la “confirmation” maçonnique de Guénon àla Grande Loge de France et son initiationau Soufisme de 1912. Elle sait que Guénonn’utilise plus l’opium et le haschich commeaide à la... “contemplation” et cela lui suffit!

En décembre 1916, Noële Maurice-Denistente de faire publier dans la Revue de philo-sophie la thèse de Guénon. Le Père Peillaube,directeur de la revue, se montrait favorable,mais Maritain s’opposa: il connaissait Guénondepuis six mois et avait déjà compris quelleétait son orientation philosophique. Tout celane décourageait pas le moins du monde lajeune et naïve Maurice-Denis.

Introduction à l’étude des doctrines hindoues

En juin 1920 Guénon termine la rédac-tion de l’Introduction Générale à l’Etude desDoctrines Hindoues et se met à la recherched’un éditeur; à cet effet, il se met en contactavec le juif Levy-Brühl et par la suite il ap-porte le manuscrit à Marcel Rivière qui ac-cepte de le publier. En février 1921 NoëleMaurice-Denis publie un article sur la naturede la Mystique, alors que dans une lettre du27 mars Guénon réaffirme sa position selonlaquelle la “métaphysique” est quelquechose de plus surnaturel que la mystique. N.Maurice-Denis attribue la position guéno-nienne à une ignorance substantielle de ladoctrine catholique, malgré l’éducation reli-gieuse que Guénon avait reçue, minimisantencore une fois la portée de son erreur.Comme Henry de Lubac le soutint aussi plustard (22), la position de Guénon n’était pas at-tribuable à la simple ignorance duChristianisme, mais plutôt à l’hostilité enversl’Evangile et l’esprit chrétien; NoëleMaurice-Denis répondit à la lettre du 27mars dans deux articles parus dans la Revueuniverselle (le 15 juillet 1921) sous le titreLes Doctrines Hindoues; Maritain y prit partpuisqu’il désirait que l’auteur soutienne quela “métaphysique” guénonienne est radicale-ment inconciliable avec la Foi catholique. Ilécrivit donc lui-même la dernière phrase dela conclusion du premier article de N. Denis:«R. Guénon voudrait que l’Occident dégéné-ré allât demander à l’Orient des leçons demétaphysique et d’intellectualité. C’est seu-lement au contraire dans sa propre traditionet dans la religion du Christ, que l’Occidenttrouvera la force de se réformer...» (23). «SiGuénon, malgré toutes ses critiques conserveà la Grèce une certaine réputation, au

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contraire Rome ne lui inspire que du mé-pris» (24). La réaction de Guénon, étantdonné son caractère, fut très irritée.

Mais essayons de voir le contenu de l’ar-ticle de Guénon. La “métaphysique” hin-doue est pour lui un Gnosticisme parfait etabsolu puisqu’elle aboutit au Panthéisme(même si Guénon ne cite jamais le motGnose, il emploie cependant le terme sans-crit jnâna qui en est l’équivalent et préfèrese servir du terme “métaphysique” qui “gué-noniennement” signifie “connaissance” ou...Gnose). Pour Guénon la morale est excluede la philosophie, alors que pour la méta-physique aristotélicienne la morale naturelleou philosophique existe et c’est d’elle quedérive l’éthique. En outre la contemplationpeut se faire par des techniques humainessans le secours de la Grâce (chose qui pourun chrétien est inadmissible); enfin laReligion est une tendance “sentimentale”ou de “dévotionalisme” à laquelle se rat-tache la morale, tandis que pour la théologiecatholique la Religion n’est pas une pureémotion de la sensibilité mais une disposi-tion de la volonté et de l’intelligence, par la-quelle l’homme, connaissant qu’il existe unPrincipe premier, s’incline à vouloir luirendre le culte qui lui est dû à cause de sonexcellence. A l’automne 1922 Guénon avaitperdu tout espoir d’initier sa jeune amie,parce qu’il la jugeait incapable de recevoirla philosophie éternelle en dehors de laforme spécifiquement chrétienne.

Collaboration de Guénon à la revue Regnabit

En 1925 (août-septembre) Guénon publieun article intitulé Le Sacré-Cœur et la légendedu Saint Graal, paru dans la revue Regnabit,dans le but de montrer le parfait accord de laTradition catholique avec les autres formesde la Tradition universelle, c’est-à-dire l’unitétranscendante et fondamentale de toutes lesreligions, sur la base homogène de laTradition primitive. En 1925-26 dans trois ar-ticles successifs il formule l’hypothèse que lesdocuments maçonniques antérieurs à 1717(détruits par Anderson et Désaguliers)contenaient la formule de fidélité à Dieu, àl’Eglise et au Roi, et invite pour cette raisonles lecteurs de Regnabit à voir l’origine catho-lique de la Maçonnerie originaire (!) et àcombattre les tendances de la Maçonnerie ac-tuelle religieuse mais philo-protestante dansles pays anglophones, et carrément antireli-

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gieuse dans les pays latins. L’hostilité de cer-tains milieux néo-scolastiques en 1927, em-pêche que Guénon continue d’écrire dans larevue Regnabit.

Le Roi du Monde

Au même moment où Regnabit publieson dernier article, Guénon écrit Le Christ,prêtre et roi, dans la revue Christ-Roi (mai-juin 1927) et Le Roi du Monde, où «il déve-loppe le sujet en s’inspirant de la théorie des“états multiples de l’être”, elle-même appa-rentée à la théorie cabalistique des “intermé-diaires célestes”» (25). Guénon y présente saversion du mystérieux centre initiatique“Agartha”, centre du monde à la fois réel etsymbolique, souterrain et invisible où trônaitle “Roi du Monde”. La théologie catholiquevoit dans le “Roi du Monde” guénonien le“Prince de ce Monde” dont nous parlel’Evangile et qui n’est autre que le diable.

La Crise du Monde Moderne

En 1927 Guénon publie La Crise duMonde Moderne, dans lequel il reprend leprocès de la civilisation occidentale et réitèrel’appel pour la constitution d’une “élite tradi-tionnelle” sensibilisée à la véritable intellec-tualité toujours conservée en Orient qui, seul,pourra restituer à l’Occident sa tradition spé-cifique, une sorte de “Christianisme” revu etcorrigé. L’erreur et la dégénérescence ontcommencé en Occident, c’est pourquoi il estprécisément obligé de se régénérer à la sour-ce des doctrines “métaphysiques” orientales.

Autorité spirituelle et pouvoir temporel

Dans ce livre Guénon affirme, en partieavec justesse (l’erreur absolue n’existe pas),que l’Autorité spirituelle (ou sacerdotale)est supérieure à l’Autorité temporelle (ouroyale). Mais dans toute la Tradition catho-lique on considère Jésus-Christ comme leSeigneur de l’Univers, alors que Guénon«n’a jamais considéré la conception médié-vale qui fait du Pape le Vicaire du Christ, etle titulaire du pouvoir temporel de manièredirecte ou indirecte» (26). Pie XI dansl’Encyclique Quas Primas affirme qu’il y aespérance de paix durable seulement si lesindividus et les Nations reconnaissent laRoyauté sociale de Jésus-Christ. Lui seul, entant que vrai Dieu et vrai homme, est notre

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suprême Roi et Seigneur, tant dans leschoses spirituelles que dans les choses tem-porelles; cependant Il n’a pas voulu exercerle pouvoir dans ces dernières, les laissant àl’autorité temporelle, tandis qu’il a exercé lepouvoir spirituel. Avec son Ascension auCiel Il a laissé sur cette terre un Vicaire quiLe remplacerait, le Pape, qui a le pouvoirdans les choses spirituelles et l’exerce; alorsque dans les choses temporelles, comme leChrist, il ne veut pas l’exercer (sauf danscertains cas et lieux particuliers) et le laisse àl’Autorité temporelle. Mais cette dernièredoit l’exercer pour le bien commun et demanière subordonnée à l’obtention de la findernière surnaturelle de l’homme. Au cas oùl’Autorité temporelle abuse de son pouvoir,le Pape peut intervenir pour la rappeler àl’ordre et si elle ne se corrige pas il peut ladestituer. Mais ce n’est pas du tout laconception de Guénon. «Pour l’Eglise ca-tholique le Roi du monde est toujours etseulement le Christ. (...) Donc, nous sommestrès loin de la conception de Guénon qui re-connaît dans le Roi du monde celui qui in-carne le législateur primordial, et est le dé-positaire de la Tradition primordiale.Guénon ramène à lui par une filiation sym-bolique l’orthodoxie traditionnelle duCatholicisme, et voit, plutôt, en lui une tra-dition légitime, mais toujours une parmi lesnombreuses issues de la tradition primordia-le toujours vivante. (...) Les visions deGuénon et de l’Eglise catholique sur le roidu monde sont nettement séparées» (27). Enrésumé, pour Guénon l’Autorité spirituelleest celle de Satan, supérieure à celle des roistemporels. Pour l’Eglise catholiquel’Autorité spirituelle est le Christ et sonVicaire sur la terre, le Pontife Romain.

Le livre de Guénon Autorité spirituelle etpouvoir temporel doit donc être vu à la lu-mière de ce qui a été dit sur le Roi duMonde et ses Supérieurs Inconnus.

La triple épreuve de 1928, le départ pour LeCaire et la mort

En janvier 1928 son épouse meurt de laméningite, et neuf mois après sa tante,Madame Duru, qui vivait avec eux. Guénonreste seul avec sa nièce de quatorze ans,Françoise Bélile, dont la mère, veuve et avecplusieurs enfants à charge, en réclame cepen-dant le retour à la maison. «L’attachementprofond à sa nièce et l’impossibilité où

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Guénon se trouvait d’assumer seul sa vie ma-térielle eurent pour effet de déclencher chezlui les plus vives réactions» (28). En 1928 il tra-verse une série d’épreuves qui le secouent; ilfait transmettre par ses amis une demande enmariage qui n’est pas reçue et suite à ce refus,il noue une relation avec Madame Dina, néeMarie W. Shillito, fille du roi des chemins defer canadiens et veuve du richissime HassanFarid Dina, ingénieur égyptien, qui portait uncertain intérêt aux questions occultes.Admiratrice enthousiaste de Guénon, elleoffre de mettre sa fortune au service de lacause de l’ésotérisme “traditionnel”.

Entre les Pyramides et la Mecque

Le 5 mars 1930, Guénon part pour LeCaire avec Madame Dina, mais après seule-ment trois mois sa mécène revient en Franceet peu après épouse l’occultiste Ernest Britt,membre d’un groupe qui lui est hostile. EnEgypte, Guénon, qui déjà depuis 1912 se faitappeler par les initiés Sheik Abdel WâhedYahia, mène une vie modeste et discrète etpasse même exotériquement à l’Islam: saconversion se rattache à une intention secrè-te dont il n’a jamais laissé de trace écrite;d’autre part donnant une grande importanceaux rites de la “tradition” exotérique, il res-pectera toujours scrupuleusement son exoté-risme islamique. Son apostasie s’expliqueplutôt par une raison de convenance spiri-tuelle que comme une véritable conversion,puisque pour lui toutes les formes tradition-nelles sont équivalentes. L’Islam lui apparaîtcomme une charnière entre Orient etOccident; il a le mérite de paraître (superfi-ciellement) conciliable avec le Christianisme,puisqu’il respecte Jésus-Christ comme unprophète (mais en nie la divinité). C’est laraison pour laquelle pour le guénonien onpeut devenir musulman et prétendre resterchrétien. Pour Guénon, l’Islam au XXèmesiècle aurait dû jouer le rôle que laMaçonnerie avait joué au XVIIIème: être lerefuge des chrétiens qui voulaient se sous-traire à la discipline hiérarchique de l’Eglise,tout en maintenant quelque lien avec unvague (et faux) mysticisme et avec une “tra-dition” impure et “primordiale”.

Pendant ce temps Guénon apprend lalangue arabe et dès 1931 publie une série d’ar-ticles en arabe et fréquente les réunions duSheikh Salâma Radi. En juillet 1934 il épousela jeune Fatma Hanem Ibrahim, qui lui don-

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nera quatre enfants, dont le dernier naîtra en1951 après sa mort. En 1939 «un richissime juifanglais passé à l’Islam, son admirateur, lui of-frit une villa bourgeoisement meublée» (29). Le7 janvier 1951 en dépit des soins prodigués parson ami juif, le docteur Katz, il meurt en pro-nonçant deux fois le nom de Allah.

Peut-on être guénoniens et catholiques? (30)

Guénon exerce une influence indéniableet, hélas parfois très profonde, même dans lesmilieux liés à la Tradition catholique (31). Aucours de l’article on a vu que la question s’estposée déjà durant sa vie puisqu’il collabora àdes revues catholiques et monarchistes detendance antimaçonnique et traditionnelle. Ily eut cependant très vite la réaction de catho-liques intégraux (la R.I.S.S.) qui obligèrentGuénon à battre en retraite en Egypte (nonsans avoir fait auparavant différents dégâts).Aujourd’hui beaucoup de guénoniens,comme l’admet également la revue Le sel dela terre des Dominicains d’Avrillé, se sont in-filtrés dans les milieux de la Fraternité SaintPie X de Mgr Lefebvre (32), et dans un pro-chain article je compte aborder ce sujet quej’ai pu constater en personne.

Cependant il y a une radicale inconcilia-bilité entre guénonisme (et toute formed’ésotérisme en général) et Catholicisme; cen’est pas pour rien que Guénon se présentecomme un auteur “spirituel”, apporteurd’une sagesse orientale supérieure même àcelle de l’Eglise catholique! Il méprise l’idéede salut ou de damnation éternelle, propreau Catholicisme et se fait le champion d’uneGnose ou “métaphysique” qui conduit àl’identification suprême avec l’Absolu indif-férencié (que le lecteur remarque commentles initiés doivent cacher par des grandsmots, comme derrière un rideau de fumée,la nullité de leur spiritualité!).

La nature de la spiritualité guénonienne

Pour voir de plus près en quoi consiste laspiritualité guénonienne je me fonde surl’intéressant article d’Antoine de Motreff,un ex-guénonien converti au Catholicisme(33), d’après qui la voie spirituelle proposéepar Guénon, comprend trois conditions quiforment comme trois étapes. Pour Guénon:«l’initiation implique trois conditions enmode successif...: 1°) la qualification, consti-tuée par certaines possibilités inhérentes à la

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chose extérieure... elle est une aspiration del’être vers l’Universel, afin d’obtenir... uneillumination intérieure... Le but final à at-teindre est toujours la réalisation en soi del’“Homme Universel”» (35).

«Un des buts avoués de René Guénonest de permettre aux francs-maçons (quitransmettent encore l’initiation virtuelle) deparvenir à l’initiation effective» (36).

Nécessité d’être liés à une organisation ini-tiatique

«L’initiation proprement dite consiste es-sentiellement en la transmission d’une in-fluence spirituelle, transmission qui ne peuts’effectuer que par le moyen d’une organisa-tion traditionnelle régulière, de telle sortequ’on ne saurait parler d’initiation en dehorsdu rattachement à une telle organisation»(37). Mais quelles sont les organisations ini-tiatiques encore valables en Europe au-jourd’hui? Selon Guénon il en reste deux: lafranc-maçonnerie et le compagnonnage:«De toutes les organisations à prétentionsinitiatiques qui sont répandues actuellementdans le monde occidental, il n’en est quedeux qui, ...peuvent revendiquer une originetraditionnelle authentique et une transmis-sion initiatique réelle; ces deux organisa-tions... n’en furent primitivement qu’uneseule, ce sont le Compagnonnage et laMaçonnerie» (38). Par l’intermédiaire de lachaîne initiatique, l’initié reçoit une influen-ce spirituelle dont l’origine est “non humai-ne”. «L’individu qui confère l’initiation... estuniquement un anneau de la “chaîne” dontle point de départ est en dehors et au-delàde l’humanité» (39). L’influence spirituellen’a rien de magique, dans la mesure où pourGuénon l’initiation se réalise à un niveauspirituel supérieur à celui de la magie, qui aucontraire se réalise au niveau animal ou psy-chique. C’est pourquoi Guénon mépriseceux qui recherchent des pouvoirs magiques,défaut des Occidentaux trop attachés auxphénomènes. La magie nous laisse à l’étatindividuel, tandis que l’initiation nous faitpasser de l’individualité à l’Universel. Maisl’initié doit prendre peu à peu conscience decette influence spirituelle, et en cela la voieinitiatique est différente de la voie religieu-se: «Dans le domaine exotérique, il n’y aaucun inconvénient à ce que l’influencereçue ne soit jamais perçue consciemment...,puisqu’il ne s’agit pas là d’obtenir un déve-

nature propre de l’individu, et qui sont lamateria prima sur laquelle le travail initia-tique devra s’effectuer; 2°) la transmission,par le moyen du rattachement à une organi-sation traditionnelle, d’une influence spiri-tuelle donnant à l’être l’“illumination” quilui permettra d’ordonner et de développerces possibilités qu’il porte en lui; 3°) le tra-vail intérieur par lequel, avec le secoursd’“adjuvants” ou de “supports” extérieurs...,ce développement sera réalisé graduelle-ment, faisant passer l’être... pour le conduireau but final de la “Délivrance” ou del’“Identité Suprême”» (34). En résumé, dansla première étape il y a une différence pro-fonde entre la Mystique chrétienne, qui estpassive et l’Initiation qui est active et dans laseconde, qui est la plus importante, on reçoitl’influence spirituelle lors de l’initiation. Ilpourrait arriver que les organisations initia-tiques, par suite d’une dégénérescence, nepuissent plus conférer qu’une initiation vir-tuelle, toutefois elles continueront d’être lesupport de cette influence spirituelle et letravail initiatique pourra toujours être ac-compli. L’important est que la chaîne ne soitpas interrompue. Dans l’initiation il y a aussitransmission d’un enseignement, mais latransmission de l’influence spirituelle restel’élément principal. En troisième lieu vientl’initiation effective et pour y arriver il fautla méditation des symboles. Un autre moyenpour progresser vers l’initiation effective estl’incantation, bien distincte de la prière: eneffet elle «n’est point une demande, etmême elle ne suppose l’existence d’aucune

Guénon entre Cuttat et Burckhardt au Cairevers la fin de 1940

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loppement spirituel effectif; par contre, ildevrait en être tout autrement quand ils’agit de l’initiation, et, par suite du travailintérieur accompli par l’initié, les effets decette influence devraient être ressentis ulté-rieurement, ce qui constitue le passage àl’initiation effective» (40).

La Religion, pour Guénon, vise à nousassurer le Salut éternel et donc nous main-tient dans l’état individuel humain; tandisque l’initiation est absolument supérieure,puisqu’elle tend à nous faire atteindrel’Identité Suprême avec l’Absolu incondi-tionné ou la Réalisation, ce qui suppose ledépassement de l’état individuel et la prisede possession des états supérieurs à l’étathumain. Et il ne s’agit pas seulement d’en-trer en communication avec ces états supé-rieurs, mais carrément d’en prendre posses-sion (41). Ainsi, même l’union transformantede la troisième voie des parfaits (laMystique) est inférieure à la Délivrance quiest le but de l’initiation (42). C’est pourquoila finalité de la voie ésotérique est bien su-périeure à celle de la voie religieuse ou exo-térique, et le Paradis chrétien pour l’initiéapparaît comme trop étroit, presque commeune prison (43).

Il n’est pas possible de suivre la voie initia-tique sans se rattacher à un Exotérisme

«Ce point est très important et il est sou-vent peu connu. Pour René Guénon il n’estpas question de s’en tenir purement et sim-plement à la voie initiatique. Il faut enmême temps pratiquer un exotérisme, ce quise traduira... par une pratique religieuse.Guénon lui-même pratiqua dans les der-nières années de sa vie la religion musulma-ne» (44). Il affirme en effet: «Il est admissiblequ’un exotériste ignore l’ésotérisme... mais,par contre, il ne l’est pas que quiconque ades prétentions à l’ésotérisme veuille igno-rer l’exotérisme, car le “plus” doit forcé-ment comprendre le “moins”» (45). Et c’estpourquoi les guénoniens s’infiltrent mêmedans les milieux catholiques traditionalistes.

L’influence spirituelle n’est pas une grâcegratuite qui vient de Dieu

Si l’influence spirituelle n’est pas unegrâce qui vient de Dieu, ou bien elle est leproduit de l’auto-suggestion, ou bien elle estune influence qui vient d’un Ange. En effet

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au-dessus de l’homme il n’y a que Dieu oules Anges. «La première solution est tou-jours possible en théorie, et on peut souhai-ter en effet que beaucoup de ceux qui sesoumettent à la cérémonie de l’initiation nereçoivent rien du tout. Mais il est quandmême beaucoup plus probable que, ...le réci-piendaire reçoive effectivement une “in-fluence spirituelle d’origine non humaine”.C’est l’avis des meilleurs connaisseurs de lafranc-maçonnerie, comme Charles Nicoul-laud, auteur de L’initiation maçonnique,(Perrin, Paris 1931), préfacé par Mgr Jouin:“Ces faits extraordinaires [la présence sentiede Satan] sont le triste privilège de quel-ques-uns. Et ceux-là sont les supérieurs in-connus, comme on disait au dix-huitièmesiècle, de la secte. Agents directs de Satan,ils demeurent ses instruments, et c’est pareux qu’il pénètre et influe ses volontés mau-vaises et destructrices dans le sein des socié-tés secrètes. Ce sont les prêtres de la Contre-Eglise. L’Eglise de Jésus-Christ a ses saints,Satan... le singe de Dieu, a ses initiés” (p.145)... On objectera que cette influence spi-rituelle pourrait provenir d’un bon ange...Mais les bons anges sont les ministres deDieu... S’ils agissent sur les hommes, c’estpour les conduire à Notre-Seigneur et à sonEglise. Or la lutte contre l’Eglise est uneconstante de la franc-maçonnerie... et le casde Guénon nous a montré que l’initiation,loin de le conduire à mieux connaître lasainte Trinité, Notre-Seigneur Jésus-Christet son Eglise, l’avait conduit à une sorted’hébétude intellectuelle à leur égard [et àl’Apostasie, n.d.a.]» (46).

La cause de l’Apostasie de Guénon

St Thomas enseigne que «L’infidélité tireson origine de l’orgueil» (47). C’est le plusgrave des péchés après la haine de Dieu. Lavraie raison d’un choix erroné par rapport àla fin dernière, doit donc être recherchéedans les œuvres mauvaises, dans la vie, dansl’acte de la volonté qui peut être même seule-ment intérieur, par exemple l’orgueil intellec-tuel. Les œuvres mauvaises ne sont pas uni-quement l’immoralité grossière, mais mêmel’immoralité subtile: l’exaltation de sonpropre “Moi”, la recherche de la gloire hu-maine et de l’honneur du monde. Comme levoleur fuit la lumière et aime les ténèbrespour pouvoir agir sans être dérangé, ainsil’orgueilleux hait la lumière, la doctrine pu-

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blique et aime les ténèbres, la doctrine et lapratique ésotérique. Les ténèbres servent àcouvrir sa doctrine infernale et sa conduiteperverse; il hait la lumière parce qu’elle dé-masquerait sa perversité intérieure et cachée!On peut donc conclure que la vie mauvaiseest la cause de toute incrédulité et surtout decelle des hérésiarques et des “grands initiés”,ce que fut certainement René Guénon.Comme le diable est devenu un Ange déchupar sa mauvaise volonté (avec laquelle il apréféré s’affirmer lui-même, bien qu’en sedamnant, que de se soumettre à la volonté deDieu qui lui demandait un acte d’obéissanceet d’humilité), de même le “grand initié” apréféré refuser la doctrine publique de Jésus,pour pouvoir se complaire dans son obscureet confuse “tradition primordiale et commu-ne qui se perd dans la nuit des temps...” etqui gratifie tellement son orgueil qu’il peutêtre appelé: Maître! Alors que Jésus nous aavertis: “Ne veuillez pas être appelés maîtres;car un un seul est votre Maître... votre Père le-quel est dans les cieux” (Matth. XXIII, 8-9).

Le démon peut-il influer sur l’homme?

Selon St Thomas et les théologiens catho-liques le démon ne peut agir directement surl’intelligence et la volonté de l’homme, maisseulement sur les sens extérieurs et inté-rieurs (mémoire et imagination) et au moyendes sens il peut chercher à influer indirecte-ment sur l’intelligence et la volonté (48). Lacérémonie de l’initiation pourrait très bienêtre le point de départ de cette action diabo-lique. «Dieu laisse au démon une certaine li-berté d’agir dans ces cérémonies à cause deleur caractère superstitieux: il y a une invo-cation au moins implicite du démon chaquefois qu’on attend un effet spirituel d’unecause qui en soi ne peut la produire... Ces cé-rémonies n’agissent que dans la mesure oùDieu le permet, en punition du péché de su-perstition. (...) Le fait de se rattacher à uneorganisation initiatique régulière rend lepéché de superstition encore plus caractéris-tique... Mais rien n’empêche le démon d’agiraussi en l’absence de cette chaîne [initia-tique, n.d.a.]... l’initiation, procure une “am-biance” favorable à l’activité du démon» (49).

Concluons cet article par les motsd’Antoine de Motreff qui expliquent bien lesdangers qui font que: «L’analyse que RenéGuénon fait de l’initiation est en partie exac-te: l’initiation peut bien conférer une influen-

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ce spirituelle d’origine non humaine, car elleconstitue un pacte (au moins implicite) avecle démon. Cette influence s’exerce sur l’ima-gination... Il y a donc une sorte d’illumina-tion démoniaque... qui peut permettre à l’ini-tié de connaître certaines choses qu’il nepourrait connaître naturellement. Toutefoiscette connaissance aura pour effet de l’éloi-gner de Dieu, de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de son Eglise... D’un point de vuemoral, une telle initiation constitue un péchémortel contre la vertu de religion» (50).

Notes

1) J.-A. CUTTAT, in Annuaire de l’E.P.H.E., (VèmeSection: Sciences religieuses), 1958-1959, p. 68.

2) M.-F. JAMES, Esotérisme et Christianisme autourde René Guénon, Nouvelles Editions Latines, Paris1981, p. 17. Dans le présent article je me base substan-tiellement sur le très bon livre de Mme James (auquelje renvoie le lecteur désireux d’approfondir le sujet) etje le complète par différentes autres études et par lalecture des principales œuvres de Guénon.

3) Le rapport qui unit Guénon à une penseuse juiveque l’on essaye de présenter comme très près de laconversion au Catholicisme, Simone Weil, est symptoma-tique. En réalité dans sa pensée on retrouve plusieurs élé-ments de la Cabale impure et du système talmudique.«Elle n’a probablement pas connu Guénon, à qui elle nefait jamais référence, mais certaines de ses notes, ré-flexions et méditations se rattachent singulièrement à lapensée de Guénon, et un livre comme Lettre à un reli-gieux prouve que la jeune philosophe considérait aumoins comme probables beaucoup de choses queGuénon considérait comme certaines» (P. Sérant, RenéGuénon. La vita e l’opera di un grande iniziato, Convivio,Firenze 1990, p. 29). Le religieux qui répondit à la lettrede S. Weil fut le Père Guérard des Lauriers o.p., qui écri-vit qu’étant donné les affirmations de S. Weil on n’auraitpu lui accorder ni le Baptême ni l’absolution!

4) M.-F. JAMES, op. cit., p. 29.5) P. CHACORNAC, La vie simple de René Guénon,

éd. traditionnelles, Paris 1958, p. 24.6) M.-F. JAMES, op. cit., pp. 44-45.7) Ibid., p. 46.8) Ibid., p. 100.9) Cf. A. BAGGIO, René Guénon e il Cristianesimo,

in «Nuova Realtà», 1987, p. 39.10) N. MAURICE-DENIS BOULET, L’ésotériste René

Guénon, in “La Pensée Catholique”, 77, 1962, p. 23.11) M.-F. JAMES, Esotérisme, Occultisme, Franc-

maçonnerie et Christianisme aux XIXè et XXè siècles,Nouvelles Editions Latines, Paris 1981, pp. 156-157.

12) Ibid., p. 158.13) Cf. SAUVETRE, Un bon serviteur de l’Eglise.

Monseigneur Jouin, Casterman, Paris 1936.14) Ivi.15) E. JOUIN, Les fidèles de la Contre-Eglise: Juifs et

Maçons, p. 139.16) Jn VIII, 32.17) A la fin du XIXème siècle, durant le pontificat

de Léon XIII, un certain Léo Taxil sortit de la Franc-Maçonnerie et en révéla les rites secrets et les cérémo-nies sataniques dans un livre qui fit beaucoup de bruit et

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fut souvent cité dans les milieux catholiques antimaçons.Par la suite, ou parce qu’il avait effectivement menti ou àcause des menaces reçues, Léo Taxil rétracta tout, jetantainsi le discrédit sur les milieux catholiques qui l’avaientcru. Il faut cependant ajouter que des auteurs sérieuxcomme Mgr Antonino Romeo et le Professeur GiovanniVannoni affirment que Taxil s’était réellement converti,mais qu’à cause des menaces de mort de la part desfrancs-maçons, il avait dû rétracter ses révélations; le casTaxil prête encore à discussions.

18) M.-F. JAMES, Esotérisme et Christianisme, p. 127.19) P. SÉRANT, René Guénon. La vita e le opere di

un grande iniziato, Convivio, Firenze 1990, p. 14.20) Ivi, p. 198.21) Pour les références des articles cités cf. M.-F.

James, op. cit. pp. 132-162.22) Lettre de H. de Lubac à N. Maurice-Denis

Boulet, 31 déc. 1962. Inédite.23) N. MAURICE-DENIS, “Les Doctrines Hindoues”,

La Revue universelle, 15 juillet 1921, p. 246.24) P. SÉRANT, René Guénon. La vita e le opere di

un grande iniziato, Convivio, Firenze 1990, p. 100.25) M.-F. JAMES, op. cit., p. 277.26) P. DI VONA, Evola Guénon De Giorgio, SeaR,

Borzano (RE) 1993, p. 191.27) Ibid., pp. 195-196.28) M.-F. JAMES, Esotérisme et Christianisme, p. 295.29) Ibid., p. 303.30) L. MÉROZ, René Guénon ou la sagesse initia-

tique, Plon, 1962.31) E. VATRÉ, La droite du Père. Enquête sur la

Tradition catholique aujourd’hui, Guy Trédaniel, 1994.32) Le sel de la terre, n° 13, été 1995, pp. 34-35.33) ANTOINE DE MOTREFF, Qui a inspiré René

Guénon? in Le sel de la terre, n° 13, été 1995, pp. 33-64.34) R. GUÉNON, Aperçus sur l’initiation, Villain et

Belhomme-éd. traditionnelles, Paris 1973, p. 34.35) Ibid., p. 169.36) A. DE MOTREFF, op. cit., p. 42.37) R. Guénon, op. cit., p. 53.38) Ibid., p. 41.39) Ibid., p. 58.40) R. Guénon, Initiation et réalisation spirituelle, Villain

et Belhomme-éd. traditionnelles, Paris 1974, pp. 48-49.41) Cf. Aperçus sur l’Initiation, pp. 27-28.42) Cf. Initiation et réalisation spirituelle, pp. 81-82.43) Ibid., pp. 78-79.44) A. DE MOTREFF, op. cit., p. 48.45) Cf. Initiation et réalisation spirituelle, p. 71.46) A. DE MOTREFF, op. cit., pp. 55-58.47) S. T. II-II, q. 10, a. 1, ad 3um.48) S. T. II-II, q. 10, a. 3 in corpore. II-II q. 96, a. 1.

II-II q. 97, a. 1. I q. 114. II-II q. 165 a. 1.49) A. DE MOTREFF, op. cit., p. 61.50) Ibid., p. 63.

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XXIIEME PARTIE: “LA LUTTE POUR LECONCILE DURANT LA PRÉPARATION”; JEANXXIII ENTRE BEA ET OTTAVIANI

Par M. l’abbé Francesco Ricossa

Dans cette XXIIème partie, nous poursui-vrons la relation de la “lutte pour le

concile durant la préparation”, lutte entre“les théologiens romains”, groupés symboli-quement derrière le cardinal Ottaviani (de laCommission théologique), et les “théolo-giens œcuménistes” représentés par le cardi-nal Bea (du Secrétariat pour l’Unité desChrétiens). Nous avions analysé les docu-ments “de moindre importance”; venons-enmaintenant aux principaux schémas préparéspar la Commission théologique et combattuspar le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens.

Voici comment Joseph Komonchak (1)expose l’état de la question: “Quoiqu’il ensoit, ce rapport généralement glacé [entre laCommission théologique et le Secrétariat]se fit plus froid encore à propos de deux su-jets centraux pour la détermination du butdu concile, et sur lesquels les deux orga-nismes entrèrent en un conflit ouvert préfi-gurant le drame de la première période duconcile. Le premier concernait la réceptionet la communication de la parole de Dieu, lesecond la nature et la mission de l’Eglise.Sur ces importantes questions les deux orga-nismes préparèrent des textes complètementdifférents par des procédés différents; avec,au fond, des prémisses complètement diffé-rentes sur la nature et le but du concile.Jamais à aucun autre moment il ne fut aussiclair que l’histoire de la phase préparatoiren’était pas seulement une partie de bras defer institutionnelle, mais également unelutte sur la définition de la nature et de lamission de l’église dans le monde moderne”.

Premier conflit: le schéma sur les “sourcesde la Révélation” (2)

De notoriété publique, c’est surtout dansles domaines biblique et exégétique que na-quit et que se déchaîna le modernisme dudébut de ce siècle. Le néo-modernisme sui-vit le même cheminement. La Commission

“Le Pape du Concile”

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de la Commission théologique condamnaitouvertement la thèse de Congar: “L’Ecrituresainte n’est pas la seule source de laRévélation contenue dans le Dépôt de la Foi.En effet, outre la Tradition divine expliquantla Sainte Ecriture, on a aussi la Tradition divi-ne des vérités qui ne sont pas contenues dansl’Ecriture sainte” (p. 294). A ce texte, leSecrétariat de Bea réagit avec huit vota élabo-rés par J. Feiner (une seule dissension, cellede C. Boyer); ces vota “représentent une ré-pudiation formelle de l’esprit et des positionsdu schéma De fontibus de la CommissionThéologique” (p. 296). Selon Bea “la questionétait encore controversée” en dépit du décretdu Concile de Trente. Vatican II devait parconséquent éviter de condamner l’opinionselon laquelle toutes les vérités révélées sontcontenues dans la seule Ecriture sainte. LaTradition ne devait pas être présentée commeune source indépendante de la SainteEcriture, mais “comme un processus vivantpar lequel l’Esprit guide l’Eglise” (p. 296).Comment le Secrétariat put-il s’occuper d’untexte déjà élaboré par une autre Commission?C’est évident: il avait, de par son but institu-tionnel, à “traiter le sujet d’un point de vueœcuménique” (p. 295), et il ne devait pasheurter les protestants pour lesquels existeseulement l’Ecriture sainte. Dût-il allerjusqu’à démentir le concile de Trente!

B) L’interprétation biblique et les genreslittéraires. La Commission théologique avaitaussi pour but la condamnation des “opinionserronées ou imprudentes” sur l’historicité desEvangiles, théories “qui étaient diffusées”dans les écoles catholiques (p. 297). De qui ils’agissait, la polémique extrêmement violentequi avait éclaté suite à un article de MgrAntonino Romeo (4) dans la revue Divinitas,le montrait de façon évidente. J’ai déjà parléde cet épisode symbolique dans un précédentarticle (5); j’y reviens maintenant pour ajouteraux témoignages déjà cités de Spadafora et deSchmidt, la présentation des faits parKomonchak, qui les insère dans le cadre de lapréparation à Vatican II. Selon Komonchak,Romeo “prit à parti l’Institut Biblique lui-même l’accusant d’avoir abandonné les posi-tions du magistère et de participer pratique-ment à ce que l’intransigeance de Romeovoyait comme une vaste campagne pour sub-stituer à la foi de l’Eglise une nouvelle concep-tion du christianisme inspirée de Teilhard deChardin et imbue de maçonnerie” (pp. 297-298). En réalité, l’intervention de Romeo ne

théologique devait lui barrer la route. Leschéma fut confié à Mgr Garofalo. “Lesdeux principaux centres d’études bibliques[progressistes] de l’époque, l’Institut Bi-blique Pontifical et l’École biblique deJérusalem n’étaient pas représentés à laCommisssion théologique et il ne s’y trou-vait pas d’exégètes allemands. La sous-com-mission allait commencer son travail,lorsque Garofalo demanda que E. Vogt et lePère Benoît y soient admis (...) en tant queconsulteurs, mais Ottaviani déclara à Trompque c’était aux cardinaux du Saint-Office àprendre la décision (...). La nomination deVogt ne parvint que le 1er mars [1961; lestravaux ayant commencé, eux, en octobre1960] comme un signe de la confiance dupape dans l’Institut Biblique; quant àBenoît, il ne fut jamais nommé du fait del’hostilité du Saint-Office à son endroit (...)”(p. 293, n. 400). Le schéma s’orienta doncsur des bases solidement traditionnelles, sefondant sur les vota des évêques, sur celuide la Congrégation pour les Séminaires (qui“dénonçait l’abus fait par les catholiques del’idée de genre littéraire, abus indubitable-ment influencé par les études protestantes etpar la Formgeschichte; ces catholiques met-taient en discussion l’historicité desEvangiles au point de faire craindre un re-tour au modernisme”) (p. 292, n. 397) et surle votum du Saint-Office (qui revenait sur“la nécessité de la tradition comme secondesource indispensable à la connaissance desvérités qui ne se trouvent pas dans les écri-tures”, p. 292). C’est sur ces deux points(historicité des Evangiles et nécessité de latradition) qu’eurent lieu les principauxconflits entre la Commission théologiqued’Ottaviani et le Secrétariat de Bea.

A) Ecriture et Tradition. “Dans la derniè-re moitié des années 50, un débat avait éclatéentre théologiens catholiques sur la question,délicate d’un point de vue œcuménique, de lasuffisance matérielle de l’écriture sainte; autre-ment dit il s’agissait de savoir si toute la révé-lation est en quelque manière contenue dansl’Ecriture Sainte ou si certaines vérités révé-lées se trouvent seulement dans la tradition.Ce point tournait en partie autour de l’inter-prétation du décret du Concile de Trente rela-tif à cette question (3); selon certains théolo-giens, le concile avait mis fin une fois pourtoutes à cette question, tandis que pourd’autres il l’avait laissée ouverte [Geiselmann,Beumer, Congar]” (pp. 293-294). Le schéma

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“L’article de Mgr Romeo a été largement dif-fusé dès sa publication, sept semaines durant,et en toute liberté. Mais à peine une simplerectification était-elle publiée par nous que lavente des extraits respectifs fut interdite (c’estvrai, pour les deux partis). Mais par la suited’autres violents articles furent publiés contrenous, et ce sans aucun empêchement. Nousn’avons pas répondu, pour ne pas descendreau même niveau (sic), pour éviter une contro-verse formelle, pour ne pas nous exposer àune nouvelle interdiction” (p. 298, n. 416). Peuaprès, “le Saint-Office publiait un texte géné-ralement interprété comme une réponse à lacontroverse: le monitum, du 20 juin 1961; cetexte critiquait ceux qui mettent en discussionl’historicité des Saintes Ecritures et rappelaitque, dans l’interprétation de la Bible, les ca-tholiques doivent suivre le magistère. Cinqjours plus tard était annoncée la mise à l’Indexdu livre de Jean Steinmann, La vie de Jésus.La campagne se poursuivit les mois suivants.[Le Cardinal] Ruffini entra publiquement enlice avec un article dans L’OsservatoreRomano [du 24 août 1961: Genere letterari eipotesi di lavoro nei recenti studi biblici ;Genres littéraires et hypothèses de travail dansles études bibliques récentes], critiquant, d’unemanière qui semblait répudier Divino afflanteSpiritu [dans l’interprétation arbitraire qu’endonnaient les néo-modernistes], la référenceréférenceaux genres littéraires dans l’interprétation dela Bible...” (p. 299). Les défenseurs de l’ortho-doxie cherchèrent aussi à éloigner de l’ensei-gnement les exégètes néo-modernistes dénon-cés par Romeo; en 1962 fut obtenue la destitu-tion des jésuites Lyonnet et Zerwick, maisc’est en vain que le cardinal Ottaviani deman-da au cardinal Spellman celle d’un autre exé-gète dénoncé par Romeo, Myles M. Bourke,du séminaire de New York.

Quel fut le comportement de Jean XXIIIface au débat ouvert par l’article de MgrRomeo? Nous avons déjà rapporté dans laXIIème partie, les dures paroles de Roncallicontre Romeo et Spadafora. Jean XXIII“avait téléphoné au directeur de La CiviltàCattolica pour l’informer lui et le recteur duBiblique qu’il avait lu l’article de Romeo‘avec déplaisir et dégoût’ . Le 2 marsL’Osservatore Romano annonçait qu’E.Vogt, recteur de l’Institut Biblique Pon-tifical, était nommé à la commission théolo-gique”; “le même Vogt interpréta le gestedu pape comme ‘showing that His confiden-ce in the Biblical was unshaken’ [une preuve

tombait pas comme un coup de tonnerre dansun ciel serein... Elle entendait répondre - je lerappelle - à un article du père jésuite AlonsoSchöchel de l’Institut Biblique (Dove va l’ese-gesi cattolica? [Où va l’exégèse catholique?]paru dans La Civiltà Cattolica le 3 septembre1960), et elle réagissait aux erreurs diffusées àpleines mains par des exégètes de cette institu-tion tels que les Pères Lyonnet et Zerwick.“La réponse du Biblique fut immédiate eténergique”, avec un article de réplique intituléPontificium Institutum Biblicum et recens libel-lus R.mi D.ni A. Romeo. Face aux graves accu-sations et contre-accusations réciproques entrele Biblique et Mgr Romeo (dont la personnemettait en cause l’Université du Latran deMgr Piolanti et la Congrégation des Sémi-naires de Mgr Pizzardo), comment réagirentles autorités de l’Eglise? Très différemment - ilfaut le dire - selon qu’on considère le Saint-Office ou Jean XXIII. Pour ce qui est duSaint-Office, il commença par interdire la dif-fusion des deux articles (celui de Romeo et laréponse du Biblique). La décision, apparem-ment impartiale, du Saint-Office, était en réali-té favorable à Romeo, comme l’observa amè-rement le Père Vogt, recteur du Biblique,

Le cardinal Ottaviani

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que Sa confiance dans le Biblique demeuraitinchangée], (lettre à R. Murphy du 25 mars1961). Tromp nota dans son journal (1-2 fé-vrier 1961) que ni Ottaviani ni lui ne sa-vaient rien de la nomination et que Felici luiavait expliqué que Vogt avait été nommépar désir exprès du pape” (p. 299 et n. 419).Même comportement pour le protégé ducardinal Spellman: “un an après [la de-mande de destitution par le cardinal Otta-viani] nonobstant les objections du déléguéapostolique, de la congrégation pour les sé-minaires et les universités et du Saint-Office,Bourke fut nommé camérier secret dupape” (p. 300, n. 425). Pourtant, même unpersonnage proche de Jean XXIII, MgrDell’Acqua, admit que ça n’est “pas à tort”que ceux du Biblique étaient accusés de dé-viationnisme et d’être à moitié hérétiques(quoique seulement “sous certains aspects”)(n. 426). Mais en 1961 Jean XXIII ne désa-vouait pas le Roncalli de sa jeunesse: rappe-lons l’épisode de 1911, lorsque, pour lecompte de l’Evêque de Bergame, donRoncalli avait dû faire une relation de laconférence du Père Mattiussi sur la luttecontre le modernisme (6). Si pour Romeo,en 1961, il éprouva “du dégoût”, pourMattiussi, en 1911, il avait éprouvé de la “ré-pugnance”; la défense de la foi, la dénoncia-tion de l’erreur, la condamnation de ceuxqui errent a toujours donné du dégoût et ré-pugné à Angelo Giuseppe Roncalli!

Et pourtant, l’objet du litige était d’im-portance: la véridicité même de l’Ecrituresainte! Le schéma préparé par la Com-mission théologique, qui “avait ouvertementpris fait et cause pour un parti dans lacontroverse publique” (p. 302), autrementdit s’était rangé du côté de Mgr Romeo,“condamne nettement les erreurs qui quovisde modo et quovis de causa, nient ou affai-blissent la vérité objective des événement dela vie du Christ (...). A propos de l’enseigne-ment du Christ, le texte condamne les opi-nions selon lesquelles les paroles attribuéespar les évangiles à Jésus-Christ (...) ne se-raient pas de lui ou reflèteraient plus laconscience de l’église primitive que l’espritet les paroles du Christ même” (p. 301) (7).Pourtant, face à la gravité de la situation,non seulement Jean XXIII ne soutint pas lesinitiatives de la Commission théologique,mais il permit que le Secrétariat pour l’Unitédes Chrétiens présente, dans cette matièreégalement, un “contre-schéma”. “... le secré-

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tariat pour l’unité des chrétiens, une fois de-venu conscient de l’absence totale de sensibi-lité œcuménique de la commission théolo-gique, se sentit finalement obligé de réaliserdes textes qui représentent un défi clair etexplicite aux prétentions de la commissionthéologique à l’exclusivité de compétencesur la doctrine” (p. 304-305). En effet, “lacommission théologique considérait que lesecrétariat pour l’unité des chrétiens de Bean’avait aucun droit de rédiger des schémas”(p. 291); par les faits, le Secrétariat démon-trait qu’il pensait tout autrement.

Second conflit: le schéma sur l’Eglise (8)

L’un des buts principaux de Vatican IIdevait être “l’achèvement de la constitutionDe ecclesia de Vatican I” (p. 305). “Toutcomme le De fontibus, le texte sur l’Eglise af-frontait des problèmes de grand intérêt œcu-ménique, mais cette fois encore la commis-sion théologique manœuvra avec une souve-raine indépendance vis-à-vis du Secrétariatpour l’Unité des Chrétiens. Toutes les re-quêtes du Secrétariat pour l’Unité des Chré-tiens en vue de la formation d’une commis-sion mixte furent repoussées par Ottaviani etTromp parce que le Secrétariat pour l’Unitédes Chrétiens n’était pas une commission etqu’une commission mixte aurait compromisl’indépendance de la commission théolo-gique” (p. 307). Voyons ensemble les pointsde plus grande divergence.

A) Nature de l’Eglise. Ses membres. Leschéma de la Commission théologique re-prenait le magistère de Pie XII contre les er-reurs contemporaines: “tout dans les pre-miers paragraphes est orienté de façon àpréparer la conclusion du chapitre: l’identifi-cation de l’église catholique avec le corpsmystique enseignée par Pie XII dans MysticiCorporis et Humani generis”; “seule‘l’Eglise’ catholique romaine était à bondroit appelée l’Eglise” (pp. 308-309). Ce-pendant, comme si l’enseignement de PieXII n’était pas contraignant, mais constituaitseulement une opinion personnelle et dé-passée, le secrétariat de Bea avait confié àMgr Jaeger (9) un “contre-schéma” qui insis-tait sur le concept de peuple de Dieu et surles “dimensions invisibles de l’Eglise qui,selon les protestants, sont négligées par lescatholiques” (p. 310). De la diversité duconcept d’Eglise dépend la diversité de posi-tion sur qui est et qui n’est pas membre de

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l’Eglise (10). “Ce thème faisait l’objet d’unegrande attention dans les deux organismespréparatoires. Tromp l’inclut dans son sche-ma compendiosum sur les fausses interpré-tations de Mystici Corporis, ‘in primis in sep-tentrionalibus’ [lui-même était hollandais, et‘connaissait son monde’]. Dans le mêmetemps le Secrétariat pour l’Unité desChrétiens institua une sous-commissionpour discuter la question du rapport desbaptisés non-catholiques avec l’église:‘membra Ecclesiæ: quo sensu?’. La discus-sion du thème s’ouvrit publiquementlorsque, peu après la création du Secrétariatpour l’Unité des Chrétiens, Bea commençaà soutenir qu’en vertu de leur baptême lesnon-catholiques étaient membres du corpsmystique. Dans son journal [à partir du 1eroctobre 1960] Tromp prit note des discoursdans lesquels Bea avait exposé cette thèse etdiscuta du problème avec Ottaviani etParente; ces deux derniers recommandèrentla prudence, parce que l’on disait que les ob-servations de Bea étaient proches des opi-nions du pape Jean. La question fut chaude-ment débattue par les deux organismes pré-paratoires aux sessions plénières de février1961. (...) Bea fit observer que MysticiCorporis était trop générique dans l’expres-sion de sa position et que le langage bibliqueet patristique aurait été plus utile” (p. 311)...pour contourner et ensevelir l’encyclique duPape Pacelli! “Lorsqu’après les réunions defévrier, Willebrands renouvela à Tromp larequête du secrétariat pour l’unité des chré-tiens en vue de l’institution d’une commis-sion mixte avec la commission théologiqueafin de discuter de ce sujet, Tromp exprimason ‘désappointement’ pour la ‘propagande’que faisait Bea à sa ‘théorie extrêmementdiscutable’ tout en sachant que ni Ottavianini Tromp ne pouvaient affronter publique-ment le sujet avec lui” (p. 312). En mai,“Tromp prit directement parti contre la po-sition de Bea et il expliqua qu’admettre que45% des chrétiens sont réellement membresde l’église aurait rendu difficile la défensedu caractère œcuménique des Conciles deTrente et de Vatican I, que cela aurait impli-qué une invitation des évêques hérétiques etschismatiques à Vatican II, que cela seraitrevenu à nier l’unité de l’église et à annullersa revendication d’infaillibilité. Pour Tromp,enfin, le point clé en jeu dans la question desmembres était l’identification du corps mys-tique avec l’église catholique romaine”

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(p. 312), identification affirmée par Pie XII.C’est précisément la préoccupation qu’ex-primait le cardinal Ottaviani, répondant aucardinal Bea lors de la réunion de la com-mission centrale dont Jean XXIII était pré-sident: “On ne doit pas retenir tout ce quiest exposé par le cardinal Bea, car certainesde ses affirmations sont quelque peu dange-reuses. Je comprends son zèle, le grand zèlequi le caractérise, du fait qu’on [JeanXXIII!] lui a confié le Secrétariat pour lesnon-catholiques, et aujourd’hui certaine-ment il fera en sorte que dans le concile laporte leur soit plus ouverte, mais nous nedevons pas exagérer, non ne devons pasdire, comme cela a été fait dans une certaineConférence [de Bea] - et c’est avec stupeurqu’on l’a remarqué - que quiconque vientd’être baptisé, tout en n’étant pas membrede l’Eglise, devient membre du CorpsMystique sans autre forme de procès. Cetteaffirmation est dangereuse (...). L’Eglise ca-tholique et le Corps Mystique s’identifient”(p. 313). Bea, de son côté, contournait l’obs-tacle constitué par les encycliques de PieXII en présentant l’Eglise comme “l’en-semble des moyens pour obtenir la grâce”;étant donné qu’en dehors de l’Eglise catho-lique il existe aussi des moyens de la grâce(par exemple, les sacrements), Bea enconcluait que les chrétiens non-catholiquesétaient “membres du corps du Christ” et encommunion, bien qu’imparfaite, avecl’Eglise catholique (pp. 312-313). Le dis-cours d’Ottaviani, que nous venons de citer,soulignait que le fait même de créer un or-ganisme comme le Secrétariat, dont le butétait d’aller à la rencontre des non-catho-liques (hérétiques, schismatiques...) ne pou-vait pas ne pas se heurter aux exigences dela défense de la doctrine, exigences quiconstituaient la raison d’être de laCommission théologique, du Saint-Office...et de l’Eglise même!

B) Episcopat et primat romain. Si leConcile Vatican I avait été réuni pour définirles questions concernant la papauté, celui deVatican II aurait dû l’être pour poursuivreles travaux de Vatican I, c’est-à-dire pour dé-finir la doctrine sur l’épiscopat. S’accordersur la sacramentalité de l’épiscopat ne pré-senta aucune difficulté (p. 316). “Les pro-blèmes surgirent tant au sein de la commis-sion théologique qu’entre la commissionthéologique et le Secrétariat pour l’Unité desChrétiens à propos de la question du rôle des

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évêques dans l’église” et plus exactementlorsqu’il s’agit d’établir “si le pouvoir de juri-diction tirait lui aussi son origine de l’ordina-tion ou s’il dérivait au contraire de la déléga-tion papale (...) Tandis que Congar etd’autres proposaient que le concile necherche pas à définir le sujet, qui, selon eux,devait encore faire l’objet d’un légitimedébat théologique, le chapitre de Schauf[dans le schéma de la commission théolo-gique] défendait la doctrine, soutenue avecforce par Pie XII, selon laquelle les évêquesreçoivent leur autorité juridictionnelle dupape” (p. 314). Tromp, qui avait collaboréavec Pie XII à la rédaction de l’encycliqueMystici Corporis, rappelait que c’est Pie XIIen personne qui avait voulu que cette doctri-ne sur l’origine de la juridiction des évêquesfut insérée dans l’encyclique. Sur ce pointnous assistons aussi à un affrontement: d’uncôté la majorité de la Commission théolo-gique (et un membre du secrétariat,Maccarrone) défendent le magistère ordinai-re de l’Eglise rappelé par Pie XII; de l’autre,la minorité progressiste de la Commissionthéologique et le Secrétariat de Bea s’oppo-sent à Pie XII et prétendent rediscuter ceque celui-ci avait établi clairement. En phasepréparatoire, les progressistes se limitèrent,en cette occasion, à tenter d’éviter une défi-nition dogmatique de la thèse à laquelle ilss’opposaient (cf. p. 315); durant le Concile ilsréussiront à renverser les positions, en sorteque, sur ce thème également, LumenGentium affirmera exactement le contrairede ce que Pie XII avait enseigné et que leschéma de Schauf voulait confirmer. Je n’endirai pas plus sur la question, à laquelleSodalitium a déjà dédié une étude exhaustive(11). Je ferai seulement remarquer que laquestion est liée à celle de la collégialité, quideviendra une des plus grandes nouveautésdu Concile. En phase préparatoire, c’est lecontraire de la collégialité qu’enseigne laCommission théologique, autrement dit quele corps épiscopal “ne pouvait exercer cette[pleine et suprême] autorité que de façon ex-traordinaire et avec la permission du pape”(pp. 315-316); les seules et timides voix en fa-veur d’un plus grand pouvoir des évêquesétant celles d’Hermaniuk et de Betti.

C) Eglise et Etat. La liberté religieuse.C’est sur ce thème surtout que s’alluma untrès vif débat avant, pendant et après leConcile. Comme nous l’avons vu de manièreplus détaillée (12), “la question [de la liberté

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religieuse] avait été sollicitée par le Conseilœcuménique des églises, qui voyait dans l’en-seignement officiel de l’Eglise un sérieux em-pêchement au dialogue et à la coopérationœcuménique” (p. 316). Bea se proposait doncde présenter un schéma pour renverser “l’en-seignement officiel de l’église” selon les desi-derata du Conseil œcuménique des églises.La Commission théologique se proposait lebut contraire. “La tâche consistant à rédigerle texte de la commission théologique fut as-signée à R. Gagnebet. Ce choix fut probable-ment motivé par le fait que seulement deuxannées auparavant Gagnebet avait été leprincipal auteur d’un document préparé parle Saint-Office pour condamner comme erro-nées une série de propositions qui voulaientrésumer les opinions de divers auteurs catho-liques - entre autres Jacques Maritain et JohnCourtney Murray - engagés dans une révisionde la doctrine moderne classique sur église etétat. Il semble que seule la mort de Pie XIIait empêché sa publication” (p. 316; voir aussinote 460). Après avoir décrit les thèses duschéma préparatoire (p. 317), Komonchakconclut: “le chapitre de la commission théolo-gique sur église et état était donc une réaffir-mation de la doctrine classique que de nom-breux catholiques avaient critiquée dès la finde la seconde guerre mondiale. Il repoussaitles arguments communs à un grand nombred’entre eux : que la ‘thèse’ classique reflétaitun moment du développement politique dé-passé par la montée des démocraties plura-listes modernes, lesquelles avaient besoind’une autre articulation des principes fonda-mentaux de la liberté et de l’indépendance del’église. Ce chapitre du schéma De Ecclesiaaurait réalisé la répudiation de ces opinions,répudiation mise en échec en 1958” (p. 318).De son côté au contraire, le cardinal Beaconfia à Mgr De Smedt la tâche de préparerun schéma sur la liberté religieuse: “toutepersonne avait droit à la liberté religieuse quigouvernait les actes publics ou privés, et quel’état avait le devoir de reconnaître et de dé-fendre” (p. 319). La nouveauté de la doctri-ne, en opposition avec le magistère del’Eglise, fit qu’à l’intérieur même duSecrétariat des voix de dissension et decondamnation s’élevèrent: celles de CharlesBoyer s.j. et d’E. Hanahoe, “qui défendaientla position classique” (p. 318). “Mais le 1erfévrier 1962, le pape Jean déclarait à Bea quece schéma et celui sur les juifs pouvaient êtreenvoyés par le secrétariat pour l’unité des

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chrétiens directement à la commission cen-trale préparatoire, nulla alia commissioneinterveniente” (p. 318, n. 464), contournantainsi la Commission théologique.

Les conflits se poursuivent à la Commissioncentrale (13)

Jusqu’ici j’ai examiné les points les plusimportants (et les plus discutés) des diversschémas élaborés par les Commissions prépa-ratoires à la seule exception de la Commissionliturgique, au travail de laquelle je consacreraila prochaine partie. Les divers schémas de-vaient cependant être soumis à l’appréciationde la Commission centrale, présidée par JeanXXIII en personne, qui devait les approuver,les revoir, faire les amendements. A laCommission centrale, la polémique à distanceva se transformer en face à face.

“Les procès-verbaux des réunions de lacommission centrale révèlent que les discus-sions en son sein furent caractérisées parune grande liberté”, ce qui veut dire, pourKomonchak, “que ses membres n’hésitèrentpas le moins du monde à critiquer ouverte-ment (...) les textes préparés par les commis-sions préparatoires. (...)” (K., p. 324).Pratiquement deux groupes se formèrentdans la commission: le progressiste (Bea,“Alfrink, Döpfner, Frings, Hurley, König,Léger, Liénart, Maximos IV, Montini etSuenens”), qui critiquait les schémas “pourleur caractère négatif et défensif” et “pourla tentative de clore des questions encore lé-gitimement discutées”, et le groupe fidèle aumagistère romain (“Browne, Lefebvre,Ottaviani, Ruffini, Siri”). Directementconfrontés l’un à l’autre, les cardinaux Beaet Ottaviani ne manquèrent pas de manifes-ter publiquement leurs divergences. Sur leschéma De fontibus revelationis “Bea criti-qua le caractère défensif du schéma et sa po-sition restrictive vis-à-vis du travail des exé-gètes catholiques”; il convenait de le refaireavec la collaboration du Biblique et des exé-gètes... que le schéma voulait condamner!“Ce schéma de constitution satisfera peu lesexégètes d’aujourd’hui...”, déclara Bea (S.,p. 390). Ottaviani interrompit trois fois l’in-tervention de Bea: le schéma était “une ré-ponse nécessaire aux exégètes catholiquesqui étaient en train de mettre la foi en péril”(K., p. 327). Il en sortit une révision dutexte, qui demeurait cependant encore voi-sin du texte primitif. En mai-juin 1962, lors-

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qu’il fut question du schéma De ecclesia, laCommission théologique montra encoreplus de fermeté à défendre son texte. Lespoints mis en discussion (identité entreCorps Mystique et Eglise catholique, ques-tion des membres de l’Eglise, de sa structuremonarchique, juridiction de l’évêque tenuenon de sa consécration mais du pape, etc.)ne pouvaient être mis en doute: “la commis-sion théologique, après de continuelles dis-cussions, est arrivée à des conclusions surlesquelles elle ne peut en aucune façon reve-nir” (p. 334) (14). Mais Bea n’entendait pasnon plus revenir sur ses propres positions,car “dès lors il apparaissait clairement qu’undocument sur l’Eglise aurait occupé une po-sition centrale au Concile. Et il faut dire quele Cardinal soutint à partir de ce momenttrois idées qui caractérisent de façon parti-culière la constitution conciliaire sur l’Eglise[Lumen gentium]: l’importance fondamenta-le du thème Eglise, Peuple de Dieu; l’appar-tenance substantielle à l’Eglise de tous ceuxqui sont baptisés validement; le concept deCollège Apostolique auquel succède leCollège Episcopal” (S., p. 384).

Sur le premier point, Bea insistait pourcontrecarrer une présentation trop “hiérar-chique” de l’Eglise. Pour ce qui est du second,le schéma de la Commission théologique avaitprévu un chapitre intitulé: “Des membres del’église militante et de sa nécessité pour le salut”.“Dans ce schéma était soutenue la doctrineselon laquelle seuls sont ‘véritablement’membres de l’Eglise ceux qui, régénérés par lebaptême, professent l’authentique foi catho-lique, reconnaissent l’autorité de l’Eglise et nesont pas séparés du fait d’hérésie, schisme ougraves délits de l’organisme du CorpsMystique du Christ. Tous les autres (et passeulement les catéchumènes) sont ‘ordonnés’ àl’Eglise par un ‘désir d’appartenir à l’Eglise’conscient ou inconscient, c’est-à-dire qu’ilssont mus par un désir conscient d’appartenir àl’Eglise, ou bien, ne connaissant pas le Christet l’Eglise, ils sont diposés de manière géné-rique à accomplir la volonté de Dieu, leurCréateur” (S., p. 385). C’était la doctrine dePie XII dans Mystici Corporis et Humani gene-ris. De ces encycliques, Bea refusait la consé-quence “c’est-à-dire que les autres chrétiensn’appartiennent à l’Eglise que ‘in voto’. Il at-taque à fond cette dernière affirmation. (...)Une telle doctrine offense gravement lesautres chrétiens. Et ici le cardinal cite, sans endonner le nom [c’était Peter Brunner], la

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conférence d’un professeur luthérien de théo-logie dogmatique; selon ce dernier aucun chré-tien ne peut comprendre comment, avec ladoctrine sur les limites de l’Eglise en tant queCorps Mystique du Christ, Pie XII peut laisserde côté l’efficacité salutaire d’un baptême vali-dement conféré, le considérant pratiquementcomme n’existant pas du tout. Il est impossiblede comprendre comment le baptême peut êtreà la fois valide, et en même temps inefficacequant à l’incorporation salutaire au Christ (15).Et le professeur conclut: ‘N’est-ce pas, dogma-tiquement parlant, mépriser un sacrement ins-titué par le Christ?” (S., p. 385). Au lieu d’ad-hérer à ce qu’avait dit Pie XII, Bea préférasuivre la doctrine du luthérien Brunner, quidevint ainsi doctrine “conciliaire” dans deuxdocuments au moins: Lumen gentium etUnitatis redintegratio! c’est en contournantl’obstacle, comme nous l’avons dit, que Bea yparvint: il était “plus prudent - déclara-t-il -d’éviter le terme de ‘membres’ de l’Eglise” et“on ne doit pas se limiter au concept de ‘CorpsMystique du Christ’”. D’autre part, “les élé-ments pour lesquels l’homme est constitué ausens plein membre de l’Eglise visible, neconstituent pas un apanage exclusif des catho-liques. En effet, beaucoup de non-catholiques,baptisés eux aussi, professent la vrai foi, bienqu’incomplètement. Ils se soumettent à leurspropres pasteurs selon le ministère qui leursemble légitime ...” (S., p. 386) (16). Bea en dé-duit, à l’encontre des paroles explicites de PieXII, qu’ils “demeurent unis à l’Esprit mêmequi est l’âme du Corps Mystique du Christ.C’est donc avec raison qu’ils sont appelés nosfrères, bien que séparés, et fils de l’Eglise, com-me les appelle le Saint-Père [Jean XXIII] dansla constitution [de convocation à Vatican II]Humanæ salutis.” (ibidem). Voilà pour ce quiconcerne la démolition du schéma sur l’Egliseélaboré par la Commission théologique. MaisBea avait aussi préparé un schéma sur l’œcu-ménisme où était traitée la même question del’appartenance à l’Eglise des non-catholiques.Si ceux-ci sont unis à l’Esprit-Saint, alors“l’Esprit du Christ ne refuse pas de se servirdes communautés séparées comme moyen desalut” (S., p. 387): extra Ecclesia... salus!

Venons-en pour finir au troisième pointecclésiologique proposé par Bea à laCommission centrale: la collégialité. Le sché-ma de la profession de foi proposé par laCommission théologique disait: “Il (Jésus-Christ) a donné [l’Eglise] à paître à saintPierre, prince des apôtres, et à ses successeurs,

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les Pontifes Romains”. Bea proposa de modi-fier la formulation de la façon suivante: “...auxPontifes Romains et aux évêques, successeursdes apôtres” (S., p. 387). Chaque fois que seprésentait, dans le schéma sur l’Eglise, l’ex-pression “à saint Pierre et à ses successeurs”, ilproposait de lui substituer “à saint Pierre avecles apôtres” (S., p. 388). Naturellement, dansla question connexe “de l’origine de la juridic-tion des évêques”, il s’opposa, pour des motifsœcuméniques, à une définition de la doctrinede Pie XII (p. 392). Par rapport aux schémasproposés par d’autres Commissions, il fut “laconscience œcuménique de la Commissioncentrale préparatoire” (ibidem), s’opposant àla doctrine de saint Thomas (S., pp. 390-392),proposant la communicatio in sacris avec les“orthodoxes” (S., p. 394), facilitant les ma-riages mixtes (S., p. 395-96), etc.

Des schémas préparés par le Secrétariat,cinq arrivèrent à la Commission centrale: li-berté religieuse, œcuménisme, prière pourl’unité, Parole de Dieu, juifs. Ce dernier, nousl’avons déjà dit, fut (provisoirement) repous-sé, tandis que les deux précédents passèrentfacilement. Celui sur l’œcuménisme, qui setrouvait “‘en concurrence’ avec celui de laCommission doctrinale” et avec un autre dela Commission sur les Eglises orientales, ob-tint 30 oui et 14 oui sous réserve (plus oumoins les mêmes voix que celles obtenues parla “théologique”) (S., p. 399). Nous arrivonsenfin au schéma sur la liberté religieuse, quele Secrétariat opposait au chapitre sur la “to-lérance religieuse” (17). “A l’une des dernièresséances de la Commission centrale, en juin1962, un nouveau conflit eut lieu, plus grave,et même un affrontement direct à propos”des deux schémas (S., p. 397). En effet, “lestextes de la commission théologique et du se-crétariat pour l’unité des chrétiens arrivèrentensemble à la commission centrale, et provo-quèrent la plus dramatique confrontationqu’ait jamais vécue cet organisme. (...)Ottaviani attaqua le schéma du secrétariatpour l’unité des chrétiens utpote quæ sapitfortissime influxum contactuum cum acatholi-cis [en tant que fortement influencé par lescontacts avec les non-catholiques]. Aprèsavoir illustré cette malheureuse tendance,Ottaviani demanda que seul son texte fut exa-miné par la commission centrale, ajoutant enobservation finale qu’il ne voyait pas com-ment le secrétariat pour l’unité des chrétienspouvait avoir la compétence pour proposerun texte sur église et état. Bea, de son côté,

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nia catégoriquement que le secrétariat ait ou-trepassé les compétences que lui avait assi-gnées le pape (...). Le texte (...) était une ré-plique aux critiques fondées de la position del’église catholique (...)” (K., pp. 319-320)mises en avant par les non catholiques (cf. S.,p. 398). Le débat s’ouvrit: “il est facile d’ima-giner le climat de tension dans lequel se dé-roula la longue discussion” (les Actes qui ysont relatifs couvrent 54 pages in folio ) (S.,ibidem). Soumis aux voix, le schémad’Ottaviani obtint 19 oui, 14 non, 28 oui sousréserve; celui de Bea, 16 oui, 11 non, 22 ouisous réserve: les membres de la commissionétaient divisés tout comme les deux orga-nismes préparatoires”. C’est alors que le car-dinal Confalonieri, refusant la thèsed’Ottaviani sur la supériorité de la commis-sion théologique (cf. K., n. 468) décida de ren-voyer la question à Jean XXIII lequel, suivantles desiderata de Bea (cf. K., p. 319), décidaen juillet de créer une Commission mixte spé-ciale présidée par Ciriaci et comprenantOttaviani, Bea, Tromp et Willebrands. Mais“la commission papale spéciale ne se réunitjamais” (K., p. 320): les “différences fonda-mentales” étaient trop profondes entre quiacceptait pleinement le magistère des Papescontraire au “nouveau droit” instauré parl’Illuminisme et les Révolutions, et qui, aucontraire, à la suite de Maritain et deCourtney Murrey, voulait que le Concile bap-tise le libéralisme. Après ce ‘match nul’ auConcile on n’avait pas à revenir sur ce thème(cf. S., p. 399): il revint pourtant en scène, etce fut le triomphe des libéraux, consacré parDignitatis humanæ.

L’enjeu: le magistère de l’Eglise

Komonchak cherche à présenter laCommission théologique comme un organis-me tenacement attaché à ses propres opinionsthéologiques et ce jusqu’au mépris total dupoint de vue d’autrui. La réalité est tout autre.Plusieurs fois, des abondantes citations quej’ai faites du même Komonchak, est émergé lepoint central de la discussion entre les deux“partis” dont Ottaviani et Bea étaient en faitles chefs. Pour Ottaviani, la doctrine proposéeétait indiscutable, parce qu’elle ne faisait quereprendre le magistère de l’Eglise, spéciale-ment celui des deux derniers Conciles (Trenteet Vatican I) et celui du dernier Pape, Pie XII.Il était inconcevable de mettre en discussionle magistère ordinaire du Pape. Et c’était jus-

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tement ce que voulait le front adverse: niertoute valeur obligatoire au magistère ordinai-re (18): prétendre le contraire signifiait, nousl’avons vu, vouloir “mettre fin à des questionsencore légitimement discutées”. Et pourtant,douze ans seulement auparavant, dans l’ency-clique Humani generis, Pie XII écrivait: “il estvrai que les papes laissent généralement auxthéologiens la liberté sur les questions dispu-tées entre les docteurs les plus renommés,mais l’histoire enseigne que bien des chosesqui furent d’abord laissées à la libre discus-sion ne peuvent plus désormais supporter au-cune discussion. Il ne faut pas estimer nonplus que ce qui est proposé dans les ency-cliques ne demandent pas de soi l’assenti-ment, puisque les papes n’y exercent pas lepouvoir suprême de leur magistère. A ce quiest enseigné par le magistère ordinaire, s’ap-plique aussi la parole: Qui vous écoutem’écoute (Lc 10, 16); et la plupart du temps,ce qui est exposé dans les encycliques appar-tient déjà d’autre part à la doctrine catho-lique. Si les papes portent expressément dansleurs actes un jugement sur une matière quiétait jusque-là controversée, tout le mondecomprend que cette matière, dans la penséeet la volonté des Souverains Pontifes, n’estplus désormais à considérer comme questionlibre entre les théologiens” (Doc. Cath. tome47, 10 sept. 1950, p. 1159, n° 1077; DZ, 3885).Les supérieurs ecclésiastiques devaient doncimposer à leurs sujets la doctrine de cette en-cyclique de Pie XII sous peine de péché mor-tel (“leur en faisant une grave obligation deconscience” Doc. Cath., ibidem, p. 1167)!Comment Bea et compagnie pouvaient-ils re-mettre en question ce que Pie XII venait dedéclarer soustrait à la libre discussion, et sou-tenir encore des doctrines que ce mêmePontife avait condamnées? “La lutte durantla préparation” du Concile ne fut donc pasune lutte légitime entre deux écoles théolo-giques différentes, mais une lutte terribleentre l’orthodoxie catholique des uns, et lenéo-modernisme des autres.

Et Jean XXIII? (19)

Le lecteur se demandera peut-être si j’aioublié Jean XXIII en chemin? Ne suis-je pasen train d’écrire une biographie du “Pape duConcile”? Justement. L’analyse du Concile(en l’occurrence de la première session,l’unique qu’ait dirigée Roncalli) et de sa pré-paration tiennent le rôle central dans une vie

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va trop rigoureux et négatif”, K., p. 376, n.629). “Il semble qu’il n’ait commencé à prê-ter une oreille bienveillante aux plaintes etaux craintes [des cardinaux et évêques pro-gressistes] qu’au printemps 1962 lorsqu’il de-manda à Suenens de rédiger un plan orga-nique pour une intégration des matériaux dela préparation” (p. 379). Comment expliquerle “mystère” (K., p. 378) des actions appa-remment conservatrices de Roncalli?

Il y a deux réponses possibles, et il n’estpas dit qu’elles s’excluent totalement l’unel’autre. La première est que Jean XXIII aitété moins progressiste que les Suenens,Liénart, Frings, etc. (il n’avait pas de peine!)et qu’il se serait laissé entraîner par ce cou-rant non contre son gré certes, mais plus parambition, désir de louanges de la part dumonde, que par forte conviction doctrinale.L’autre est qu’il était plus dégourdi, malin,prudent et, en définive, plus efficace, que lesmodernistes transalpins: la forteresse quereprésente la Curie (et l’Eglise) ne pouvaitpas être prise de l’extérieur, il fallait la tra-hir de l’intérieur.

Quoiqu’il en soit de ces hypothèses, les faitsdemeurent, et ils sont à la charge de JeanXXIII, déjà dans cette partie embryonnaire deConcile. J’ai déjà signalé la façon dont il “insis-ta sur la distinction entre préparation conciliai-re et Curie” (K., p. 375). Mais la responsabilitéla plus grave réside dans la création duSecrétariat pour l’Unité des Chrétiens, et dansl’aval donné à ses schémas: “il créa leSecrétariat pour l’Unité des Chrétiens avecl’idée de réaliser ses espérances œcuméniquesconservées jalousement et il soutint l’effort deBea pour doter cet organisme de grandes res-ponsabilités” (K., p. 375). Institutionnellement,le Secrétariat poursuivait des finalitéscontraires à celles du Saint-Office (et de l’E-glise); le conflit était donc inévitable. La Curie,qui avait dû subir l’institution du Secrétariat,chercha à désamorcer le danger virtuel en sou-tenant que le Secrétariat n’était pas habilité àrédiger des schémas préparatoires au Concile:il s’agissait d’un “Secrétariat”, non d’une“Commission”: l’organisme de Bea était vuseulement comme un “bureau de relations pu-bliques” avec les non-catholiques, sans poids,sans rôle ni portée doctrinale. Cette interpréta-tion qui minimisait les compétences duSecrétariat n’était pas arbitraire comme l’ad-mettent tant Komonchak que le secrétaire deBea, le Père Schmidt. Voyons ce qu’affirme cedernier. Je le rappelle, dans un premier temps

de Jean XXIII. Un petit chapitre est dédiépar Komonchak au rôle de Jean XXIII dansla préparation du Concile. Le jugement denotre auteur est très nuancé. Selon lui, cen’est qu’avec le discours d’ouverture duConcile, que Jean XXIII prit ouvertementposition en faveur du courant innovateur (20).Avant ce moment précis, la position de JeanXXIII était, pour Komonchak, obscure etambigüe. Obscure, car “dans quelle mesurele pape avait suivi de près le travail de la pré-paration en cours, cela n’est pas clair”; am-bigüe parce que (21), selon notre auteur, ilavait accordé encore trop de place à la Curieet aux théologiens conservateurs, avec pourrésultat final un travail préparatoire auConcile, somme toute, encore fidèle à la tra-dition: “seuls, la commission liturgique et lesecrétariat pour l’unité des chrétiens sem-blent avoir été réellement à la hauteur de lavision du pape”, tandis que, dans les autrescommissions, il y eut “contraste entre la vi-sion du pape et la réalisation effective” (K.,p. 374). Komonchak rappelle que “le papeétait entouré de personnes qui ou bien necomprenaient pas ses intentions ou bien s’yopposèrent activement” (p. 375); mais celan’explique pas non plus l’acquiescement deJean XXIII aux schémas préparatoiresconservateurs (mis à part le De ordine mora-li de la Commission théologique, qu’il “trou-

Le livre de Schmidt sur le cardinal Bea

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(13 mars 1960), le nouvel organisme de Bea de-vait être une “Commission” (comme lesautres); pourtant deux semaines plus tard JeanXXIII décidait de le nommer “Secrétariat”.Les conservateurs, je le répète, pensèrent à undéclassement; mais Bea savait qu’il s’agissaitd’une ruse de Jean XXIII pour lui donner uneplus grande liberté d’action (22). Lorsque, le 5juin 1960, avec le Motu Proprio Superno Deinutu, Jean XXIII institua les Commissions pré-paratoires, on commença à discuter du rôle dece “Secrétariat” anomal. Dans le Motu Proprio“la description est très succincte et plutôt géné-rique, et créera plus tard quelque ambiguïté ence qui concerne la compétence du Secrétariat àpréparer des schémas pour le Concile” (S., p.349). Ceux de la Commission théologiquen’avaient pas de doute à cet égard: le PèreTromp (de la théologique) déclara au P.Willebrands (du Secrétariat): “Que voulez-vous? Vous n’êtes qu’un bureau d’informa-tions” (S., p. 362, n. 18). Bea qui était d’unautre avis, allait démentir Tromp dès le débutdes travaux préparatoires, au mois de no-vembre (cf. S., p. 362). En juin 1961, le “bureaud’informations” avait déjà préparé 11 travaux(23). Mais, ajoute Schmidt: “Ce travail si impor-tant se heurte à un grave problème avec lequelle secrétariat sera constamment confronté du-rant toute la période préparatoire et qui netrouvera de solution qu’au début du Concile.Le problème est celui-ci: le Secrétariat est-il ha-bilité à préparer des schémas à présenter auConcile? La question se corse lorsqu’il ne s’agitpas de schémas d’ordre purement pastoral etpratique, mais de schémas de nature doctrina-le. Le problème vient de la manière dont cetorganisme est présenté dans le Motu ProprioSuperno Dei nutu qui assigne au Secrétariatcomme première tâche d’aider les autres chré-tiens à suivre les travaux du Concile. Il est vraique le document y ajoute une finalité plus gé-nérale: celle d’aider les autres chrétiens à trou-ver plus facilement la voie pour parvenir àl’unité ‘que Jésus-Christ a implorée la veille desa passion’. Il est cependant facile de voir qu’ily a là une base plutôt fragile pour le plan d’im-portance que le Secrétariat s’était fixé” (S., p.364). Ainsi, les objections des conservateursétaient donc fondées, le P. Schmidt lui-mêmel’admet ... Mais Bea bénéficiait, en cachette, del’appui de Jean XXIII. C’est ce qu’affirme lefutur cardinal Willebrands: Bea informait JeanXXIII du détail des plans du Secrétariat, et enil recevait l’approbation “sans se laisser embar-rasser par les aspects juridiques” (ivi). Que le

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fait de n’être qu’un Secrétariat ne fut pas undéclassement, Jean XXIII l’avait répété à Bealors des audiences des 16 et 17 décembre 1961:“Le Cardinal Président du Secrétariat - luiavait-il dit - a toutes les facultés que requiertson office, comme n’importe quel autre Préfetde la S. Congrégation, et il ne dépend d’aucunautre Dicastère romain” (pp. 364-365).Lorsque “le 8 mars 1962, Jean XXIII rendit vi-site au Secrétariat réuni en session plénière”(S., p. 372) Bea soumit à Roncalli les “relationset schémas des décrets qui avaient été prépa-rés” (p. 373): “ceci suppose clairement en Beal’assurance que, de l’avis du Pape, le Secré-tariat a la compétence pour préparer des sché-mas en vue du Concile” (S., p. 365). Mais c’estplus tard seulement que fut franchi le pas déci-sif, je l’ai déjà écrit: “à l’audience accordée auCardinal [Bea] le 1er février 1962, le Pape déci-da que le Secrétariat proposerait les schémassur la liberté religieuse et sur ce qui concerneles juifs directement à la Commission centralepréparatoire, sans l’intervention d’aucuneautre Commission [en l’occurrence, la théolo-gique]” (S., p. 374). Cette décision du 1er fé-vrier 1962 est extrêmement grave: non seule-ment Jean XXIII allait contre la lettre de la loipour favoriser le Secrétariat (ce qui entre dansle cadre des pouvoirs du Pape) mais il approu-vait deux schémas directement opposés à l’en-seignement de l’Eglise. C’est donc en vain quele cardinal Ottaviani protesta en séance decommission centrale préparatoire contestant“sèchement” à Bea le droit de présenter unschéma sur la liberté religieuse (cf. pp. 365,397-398). A la fin de la période préparatoire,les résultats des novateurs “sont donc forte-ment positifs et dépassent les espoirs les plusaudacieux”; face aux difficultés, “le soutienpermanent apporté par le pape Jean au travaildu Secrétariat est un motif d’espérance. (...)“Le Pape [observait son secrétaire, MgrCapovilla] lisait attentivement les nombreuseset fréquents ‘billets de travail’ envoyés par leCardinal [Bea] et il y trouvait une entièreconformité avec sa ligne magistérielle et pasto-rale, dans l’esprit et dans la lettre, pour l’exécu-tion du projet conciliaire. (...) Et voici pourfinir un témoignage de Bea lui-même (...):‘Tout ce que nous avons fait jusqu’à mainte-nant, n’aurait certainement pas pu être réalisésans la bénédiction, le soutien constant, l’aideefficace et les prières de Votre Sainteté’ [Bea àJean XXIII, mars 1962]. Ce n’est pas là uneformule d’usage, nous en avons eu plusieurspreuves, ne serait-ce qu’au cours de ce cha-

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pitre. C’est un signe d’espérance pour le futur”(S., p. 403). Mais ce qui est espérance pour lesnovateurs est angoisse pour tous les bonscatholiques ... Avec le prochain article qui trai-tera des travaux de la Commission liturgiquenous ne sortirons pas du triste cadre de la situa-tion.

Notes

1) J. KOMONCHAK, La lotta per il concilio durante lapreparazione, dans Storia del concilio Vaticano II dirigéepar Giuseppe Alberigo, Peeters/Il Mulino, Leuven/Bologna 1995, vol. I, p. 291. A l’occasion de la sortie dusecond volume de la Storia del concilio Vaticano II diri-gée par Alberigo, L’Osservatore Romano du 13 nov. apublié un article très critique, accusant en substancel’œuvre de l’Institut pour les Sciences religieuses deBologne de partialité en faveur du parti progressiste etde peu de respect pour la curie romaine. Sans aucundoute, et ça n’est pas une nouveauté, l’Institut dirigé parAlberigo, qui partage les positions de Dossetti, présenteune histoire du concile d’un point de vue “progressiste”.Mais cela n’enlève rien à la valeur historique et docu-mentaire des volumes en question; il suffit de savoir dis-tinguer entre les idées personnelles des auteurs et l’ob-jectivité des faits qu’ils présentent.

2) Ibidem, pp. 291-305. Les références aux pages àl’intérieur du paragraphe concernent toutes l’article deKomonchak.

3) “Et comme le synode sait que cette vérité et dis-cipline [du Christ] est contenue dans les livres écrits etdans les traditions non écrites - qui recueillies par lesapôtres de la bouche même de Jésus-Christ et desapôtres, sous l’inspiration du Saint-Esprit, transmisespour ainsi dire de la main à la main, sont parvenuesjusqu’à nous - suivant l’exemple des pères orthodoxes,avec une égale piété et révérence, il admet et vénèretous les livres, tant de l’ancien que du nouveauTestament (car Dieu est l’auteur de l’un et de l’autre)ainsi que les traditions elles-mêmes concernant la foi etles mœurs, parce qu’il les considère comme dictées ora-lement par le Christ lui-même ou par le Saint-Esprit, etconservées sans interruption dans l’Eglise catholique”(Conc. de Trente, 8 avril 1546, session IV, Denz. 783).

4) Sur Mgr Romeo (1902-1979), cf. la commémora-tion qu’en a fait Mgr Francesco Spadafora (disciple deRomeo) dans La Palestra del Clero, Rovigo, n° 21,année 1979. A propos de la polémique entre MgrRomeo et l’Institut Biblique Pontifical, Mgr Spadaforaécrit: “Elle eut, en 1960, un épilogue favorable: les fau-teurs de la nouveauté furent désavoués et éloignés del’enseignement; mais en 1962, avec le début du pontifi-cat de Jean-Baptiste Montini, elle refit surface et ce futpire encore”. [Noter le lapsus calami de Spadafora:Paolo VI fut élu en 1963]. Enfin, il est intéressant de re-marquer que Mgr Romeo était un admirateur de MgrBenigni et de sa Storia sociale della Chiesa, comme ilressort de la rubrique Antisemitismo de l’EnciclopediaCattolica, qui est justement de Mgr Romeo.

5) Sodalitium, n° 35, pp. 14 à 16 (“Le Pape du Con-cile”, XIIème partie: Le “Bon Pape” prépare le Concile).

6) Cf. “Le Pape du Concile”, IIème partie: Roncalliet le modernisme in Sodalitium, n° 23, pp. 10 à 15.

7) C’est précisément cette thèse, que le schéma dela Commission théologique condamnait sans demi-me-sures, qui fut par contre soutenue par la Commission

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pour les rapports religieux avec le Judaïsme dans le do-cument intitulé Sussidi per una corretta presentazionedegli ebrei e dell’ebraismo nella predicazione e nella cate-chesi della Chiesa cattolica [Matériel pour une présenta-tion correcte des juifs et du judaïsme dans la prédicationet la catéchèse de l’Eglise catholique] (24/6/1985) aupoint IV, 1, a, document loué par Jean-Paul II dans lediscours du 31 octobre 1997 (cf. Sodalitium, n° 45, p. 61).

8) KOMONCHAK, op. cit., pp. 305-321.9) Sur Mgr Jaeger, cf. “Le Pape du Concile”,

15ème partie: “Les œcuménistes préparent eux aussi leConcile”, in Sodalitium, n° 38, pp. 60 et 62-63; et 16èmepartie: Le Secrétariat pour l’union des chrétiens, inSodalitium, n° 39, p. 22-23.

10) Sur la question cf. “Le Pape du Concile”, 16èmepartie “Le Secrétariat pour l’unité des chrétiens”, inSodalitium, n° 39, pp. 24 à 26, et Commentaire sur l’en-cyclique Ut unum sint, in Sodalitium, n° 41, pp. 33-39.

11) ABBÉ FRANCESCO RICOSSA, Les consécrationsépiscopales dans la situation actuelle de l’Eglise,Sodalitium, numéro spécial (44), 1997, Verrua Savoia.

12) Cf. “Le Pape du Concile”, 20ème partie: JeanXXIII inaugure l’œcuménisme in Sodalitium, n° 43, p. 27.

13) KOMONCHAK, op. cit., pp. 321-335. à partir de cechapitre je me baserai également sur l’œuvre du secrétai-re du cardinal Bea, Stjepan Schmidt, Agostino Bea, il car-dinale dell’unità, Città Nuova, Roma 1987, pp. 382 à 403(Cette biographie du cardinal Bea a récemment été ré-éditée par une autre maison d’édition). Dans le texte, lescitations extraites de Komonchak seront indiquées avecla lettre K., celles extraites de Schmidt, avec la lettre S.

14) En une autre occasion (schéma sur le dépôt dela foi) elle alla jusqu’à déclarer: “Il est clair que laCommission théologique ne peut pas être le moins dumonde d’accord avec la majorité de la Commission cen-trale, et qu’elle laisse la grave responsabilité de cela à laCommission même et aux pères réunis en Synode”(Komonchak, p. 332).

15) Il est facile de répondre au luthérien Brunner età l’indéfinissable Bea, que ce n’est pas Pie XII qui dépré-cie le baptême, mais les protestants en le rendant ineffi-cace quant à l’incorporation au Christ. En effet, demême que l’attachement au péché mortel rend inefficacele baptême quant à son effet de justification et d’infusionde la grâce, l’attachement au schisme et à l’hérésie rendinefficace l’incorporation au Christ et à l’Eglise dans lesadultes. Seul demeure le caractère baptismal: mais ce ca-ractère indélébile est présent aussi dans les damnés quepersonne n’imagine incorporés au Christ et à l’Eglise!

16) Bea remplace les critères objectifs exprimés parPie XII pour être membres de l’Eglise (professer la vraiefoi, être soumis aux pasteurs légitimes) par des critères sub-jectifs (professer une foi quelconque, être soumis à leurspasteurs) qui constituent exactement les motifs pour les-quels ils ne peuvent appartenir à l’Eglise (une professionde foi erronée, une soumission à des pasteurs illégitimes).

17) Sur cette question j’ai déjà publié le témoigna-ge de Mgr Lefebvre, membre de la Commission centra-le préparatoire; cf. “Le Pape du Concile”, 16ème partie:Le Secrétariat pour l’union des chrétiens in Sodalitium,n° 39, p. 29.

18) Dans la présentation du schéma De depositofidei, la Commission théologique attaquait l’épiscopathollandais, pour lequel “l’ultime et absolue certitudeque nous avons concernant la vérité de la foi est la défi-nition extraordinaire de l’Eglise”. “Ces affirmations nepeuvent être vraies”, répétait la Commission théolo-gique (Komonchak, op. cit., p. 331).

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19) Komonchak, op. cit., pp. 373-379.20) En déclarant une fois de plus son désaccord

avec les prophètes de malheur, il autorisait par avancela sévère critique des textes préparatoires qui allait êtreformulée de façon dramatique par les pères conciliairesdans la première période. Tout doute sur la position dupape s’évanouit lorsqu’il intervint à l’encontre du règle-ment conciliaire pour retirer de l’ordre du jour conci-liaire le schéma De fontibus revelationis, l’une despierres d’angle de la vision de la commission théolo-gique sur le concile” (Komonchak, op. cit., p. 374).

21) “...certaines ambiguïtés demeurent dans les ac-tions du pape lui-même” (ibidem, p. 375).

22) “Le Pape du Concile”, 16ème partie: LeSecrétariat pour l’union des chrétiens, in Sodalitium, n°39, p. 9; cf. Schmidt, op. cit., p. 348.

23) Les thèmes de ces travaux étaient les suivants:“les relations des baptisés non-catholiques avec l’Eglisecatholique; comment promouvoir d’une part les conver-sions d’individus et de l’autre l’unité avec les communau-tés [non-catholiques]; la structure hiérarchique de l’Eglise;le sacerdoce commun des fidèles et la position des laïcsdans l’Eglise; la Parole de Dieu et son importance pour laliturgie; la doctrine et la vie de l’Eglise; les problèmes li-turgiques; le problème des mariages mixtes; commentprier pour l’union des chrétiens; le problème œcuméniquegénéral et son importance pour l’Eglise (avec référenceparticulière au Conseil œcuménique des Eglises); et pourfinir, les questions concernant les juifs” (Schmidt, p. 363).“S’y ajoutait le document sur la question de l’invitationd’observateurs au Concile. Il y avait donc, en tout, 11Sous-commissions. Plus tard il viendra s’en ajouter une

Vie Spirituelle

pour le thème Tradition et Ecriture sainte.

“Si tu savais le don de Dieu”(Jn IV, 10). Réflexions sur le

Sacré-Cœur de JésusPar M. l’abbé Ugolino Giugni

Pourquoi parler du Sacré-Cœur de Jésusdans les pages de Sodalitium? Pour

mieux connaître “le don que Dieu” nous afait en nous révélant la dévotion à son Sacré-Cœur. Et parce qu’il est juste de rendre à ceCœur “qui a tant aimé les hommes” notre tri-but d’amour et de dévotion, spécialementpendant le mois de juin qui Lui est consacré.Cet article n’a pas d’autre intention que cellede faire connaître un peu plus et de répandrecette dévotion si belle et si consolante afinque le divin Cœur soit davantage aimé deshommes; en effet on peut aussi dire duSacré-Cœur ce que St Bernard appliquait àla Très Sainte Vierge: “Numquam satis”.L’auteur ne se propose donc pas d’écrirequelque chose de nouveau sur le sujet (car iln’en serait pas capable), mais de mettre à laportée des lecteurs ce qui a déjà été abon-damment écrit, en se référant particulière-ment aux écrits de Ste Marguerite-MarieAlacoque, la confidente du Cœur de Jésus.

Qu’est-ce que la dévotion au Sacré-Cœur deJésus?

On pourrait dire simplement que c’est ladévotion envers Jésus. Le Sacré-Cœur n’est

rien d’autre que Jésus Notre-Seigneur mieuxcompris et mieux aimé; le Sauveur plusproche de ses créatures; son amour qui serévèle à nous. La Sacrée Congrégation desRites déclara, en instituant la fête du Sacré-Cœur, qu’elle n’a pas comme fin de commé-morer un mystère en particulier de la vie deNotre-Seigneur mais de condenser toutes lesfêtes en son honneur. Elle ne nous rappellepas une grâce déterminée, mais la sourcemême de toutes les grâces; non pas un mys-tère en particulier mais le principe même etla raison intime de tous les mystères. Lemotif de ce culte réside dans le fait quetoute la Rédemption, avant d’être réaliséeextérieurement durant la vie sur terre del’Homme-Dieu, s’était déjà accomplie inté-rieurement et invisiblement dans le sanc-tuaire de son Cœur. Si toutes les autres fêtesen l’honneur du Sauveur ont comme objetdans une certaine mesure la charité duChrist, aucune autre que celle du Sacré-Cœur veut honorer la charité totale en elle-même, principe de tous les mystères del’Homme-Dieu. « Dieu est amour, Deus ca-ritas est (I Jn IV, 16). [Et on ne pourrait pastrouver une meilleure définition de Dieu,n.d.a.]. Son Cœur éternel a toujours aimé;chercher dans cet amour éternel de Dieu lepourquoi de toute la succession des mystèresrévélés, c’est la théologie du Sacré-Cœur. -Dieu aime, et aimer veut dire se donner. Ilnous a tout donné, voilà la création. -Aimer, c’est parler, pour se faire com-prendre à celui qu’on aime: Dieu a parlé etvoilà la Révélation. Aimer, c’est se rendre

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semblable à celui qu’on aime, et voilàl’Incarnation. Aimer, c’est souffrir pourcelui qu’on aime: voilà la Rédemption. -Aimer, c’est vivre à côté de celui qu’onaime: voilà l’Eucharistie. - Aimer, c’ests’unir et ne faire qu’un avec celui qu’onaime: voilà la communion. - Aimer, c’estjouir toujours avec l’être aimé: voilà leParadis. Sic Deus dilexit.

Et comme la personne de Jésus est unepersonne divine, son Cœur créé synthétisetoutes les amours du Cœur incréé de Dieu eten résume toutes les manifestations... Ilest l’expression vivante et palpi-tante de tous les mystères ca-tholiques » (1).

Mais en quel sensest compris le motCœur? Ou mieux,en quel sensl’Eglise l’entend-elle quand ellenous invite àhonorer leCœur de Jésus?L’objet de ladévotion com-prend deux élé-ments: l’élé-ment matériel,sensible, immé-diat qui est leCœur physiquede Jésus en tantqu’il est uni hyposta-tiquement (2) à la per-sonne du Verbe; ce Cœurs’il est considéré commesymbole de l’amour est l’élé-ment formel ou spirituel. L’amourde Jésus est l’objet principal de cette dé-votion, mais étant donné que l’amour est ab-solument spirituel, il a été nécessaire de luitrouver un symbole qui naturellement nepeut être que son Cœur. Puisque l’homme estcomposé d’âme et de corps ces deux élé-ments se reflètent nécessairement dans touteson activité (même le fait d’aimer); quandl’homme aime raisonnablement, cette activitéqui procède de la volonté détermine autantde mouvements analogues et corrélatifs dans1’appétit inférieur, et donc dans le Cœur. Orle Seigneur Jésus était parfaitement homme,et plus qu’en tout autre homme son Cœur etses sentiments étaient en complète harmonie.Jésus disait à Ste Marguerite “Je te ferai lire

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dans le livre d’amour” (c’est-à-dire sonCœur) “lis-y mon amour souffrant... les im-pressions de dégoût, de terreur, de tristessede ma vie mortelle...”. Ce Cœur divin estmaintenant soustrait aux émotions violenteset aux affections de douleur incompatiblesavec son état de gloire, mais reste sensible àtous les sentiments qui ne peuvent troubler laparfaite béatitude du ciel; c’est pour nous unedouce consolation de penser que nos sacri-fices, notre amour, notre affection peuventagir sur le Cœur de Jésus pour le faire palpi-

ter d’une amoureuse jouissance.L’élément spirituel,

l’Amour, qui a porté le Filsde Dieu à accepter la mort

et à se donner à nous dansle Saint-Sacrement del’Autel, est incompara-blement plus impor-tant que l’élémentmatériel, toutcomme dans l’hom-me l’âme est plusimportante que lecorps. Mais lesdeux élémentssont corrélatifs, ilsconstituent doncun unique objet dela dévotion. Sinous considérons

en premier lieu leCœur physique de

Jésus, par la loi dusymbolisme il nous

conduira directement àl’Amour de Jésus. Ste

Marguerite-Marie décrivaitainsi l’objet de ce culte: “Mon divin

Sauveur m’a assuré qu’Il éprouve un trèsgrand plaisir à être honoré sous la figure deson Cœur de chair, pour toucher au moyende cet objet le cœur insensible des hommes”.C’est donc au Cœur de Jésus vivant et véri-table, qui fait partie de sa sacro-sainte huma-nité, qui fut transpercé sur la Croix et qui vitdans l’Eucharistie, auquel l’Eglise, Ste Mar-guerite-Marie et les fidèles pensent quand ilsaccomplissent une pratique en son honneur.

D’autre part le Cœur de Jésus est honoréen tant qu’il est hypostatiquement uni à saPersonne Divine: le terme de ce culte est tou-jours la personne de Jésus avec sa dignité in-finie, incréée et divine; et son Cœur commepartie de sa très sainte humanité. “Le Sacré-

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Cœur, présenté par l’Eglise, au culte public,est donc Jésus qui montre son Cœur”. Enface de nous est placé le Cœur de l’Homme-Dieu qui du haut du crucifix avec la poitrinedéchirée attire à Lui tous les cœurs (Quand jeserai élevé de terre j’attirerai à moi tous leshommes, Jn XII, 32), avec une force qui faitmépriser le martyre, qui exulte face à la mort,qui ne connaît pour limites ni le temps ni l’es-pace ni la haine des méchants.

Pie XII résume ainsi la légitimité du cultequi est rendu au Sacré-Cœur: « Rien parconséquent ne s’oppose à ce que nous ado-rions le Cœur très sacré de Jésus-Christ entant que participation et symbole naturel ettrès expressif de cet amour inépuisable quenotre divin Rédempteur ne cesse d’éprouverà l’égard du genre humain. Bien qu’il ne soitplus soumis aux vicissitudes de cette vie mor-telle, il n’en continue pas moins de vivre et debattre, il est uni de façon indissoluble à laPersonne du Verbe divin, et, en elle et parelle, à la volonté divine. C’est pourquoi,puisque le Cœur du Christ déborde d’amourdivin et humain, et qu’il est rempli des trésorsde toutes les grâces que notre Rédempteur aacquis durant sa vie par ses souffrances et parsa mort, il est la source éternelle de cetamour que son Esprit répand dans tous lesmembres de son Corps mystique.

Le Cœur de notre Sauveur reflète doncd’une certaine façon l’image de la divinePersonne du Verbe et de sa double naturehumaine et divine, et en lui nous pouvonsconsidérer non seulement le symbole, maiscomme la somme de tout le mystère de notreRédemption. Lorsque nous adorons le Cœurtrès sacré de Jésus-Christ, nous adorons parlui et en lui tant l’amour incréé du Verbedivin que son amour humain, ses autres sen-timents et ses autres vertus, puisque c’estl’un et l’autre amours qui ont poussé notreRédempteur à s’immoler pour nous et pourtoute l’Eglise son épouse, selon les parolesde l’Apôtre: “Le Christ a aimé l’Eglise et s’estlivré lui-même pour elle, afin de la sanctifier,après l’avoir purifiée dans l’eau baptismale,avec la parole, pour la faire paraître devantlui, cette Eglise, glorieuse, sans tache, sansride ni rien de semblable, mais sainte et im-maculée” (Eph. V, 25-27) » (3).

Le Sacré-Cœur de Jésus dans l’Evangile

Où trouver sinon dans l’Evangile le fon-dement de cette dévotion? Et verbum caro

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factum est. Et vidimus et credimus... (LeVerbe s’est fait chair... nous l’avons vu etpuisque nous l’avons vu nous avons cru, Jn I,14; cf. I Jn I, 1-2) nous dit l’Apôtre bien-aiméSt Jean l’Evangéliste, qui a appuyé sa tête surle Cœur de Jésus durant la dernière Cène.

Jésus a dit à ses disciples (et donc aussi ànous) “apprenez de moi que je suis doux ethumble de Cœur” (Matth. II, 28-30) pour at-tirer notre attention sur les dispositions inté-rieures de son âme très sainte symboliséepar son Cœur.

Ouvrons donc quelques pages del’Evangile pour découvrir le Cœur de Dieuqui voulut attirer les hommes à lui avec sabonté et sa miséricorde.

Marie-Madeleine. Jésus passa par leschemins de la Galilée et de la Judée en fai-sant du bien (transiit benefaciendo...) et encherchant des âmes à pardonner et à rache-ter. Certaines vinrent à Lui spontanémentpour être pardonnées: l’une d’elles futMarie-Madeleine, la pécheresse de Mag-dala. La fatigue du péché s’était emparéed’elle, une grâce intime avait sollicité soncœur de retourner au bien, une parole deJésus, entendue peut-être par hasard, avaitfait le reste vainquant les dernières résis-tances. Prosternée aux pieds du Maître etpleurant à chaudes larmes, elle avait faitl’humiliante confession de ses fautes en im-plorant le pardon de son Seigneur. Ce par-don ne se fit pas attendre; après avoir expli-qué au pharisien qui la recevait que juste-ment celui auquel la dette a été remise aimeencore plus, il se retourna avec douceur versMadeleine: “Femme tes péchés te sont par-donnés” (Luc VII, 48). En effet “Il lui a étébeaucoup pardonné parce qu’elle avait beau-coup aimé” (ibidem, 46). Le Maître adorableavait reconnu en elle une âme ardente etchoisie, que le plaisir peut fasciner l’espaced’un instant mais pas satisfaire, et en avaitfait une conquête de son amour infini.D’une fille pécheresse et perdue d’Israël,méprisée par les pharisiens orgueilleux,Jésus avait fait une sainte, une perle pourson Paradis, un miracle d’amour, la bien-aimée de son Cœur, au point que c’estd’abord à elle (après la très Sainte Vierge)que Jésus apparaîtra après sa Résurrection.La Madeleine est l’œuvre du pardon miséri-cordieux du Sauveur.

Zachée. Il avait péché, en suivant la voielarge et facile, en s’enrichissant par desmoyens plus ou moins licites, et jouissait de

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faux biens dans lesquels, jusqu’alors, il avaitplacé son bonheur. Il comprend que sonâme est faite pour quelque chose de plusgrand, de plus utile et de meilleur. Deboutdevant le Maître, avec un cœur large, unevolonté entièrement déterminée au bien:“Voici, dit-il, que je donne la moitié de mesbiens aux pauvres, et si j’ai fait tort à quel-qu’un en quoi que ce soit, je lui en rendsquatre fois autant” (Lc XIX, 8) (...). Quellen’est pas la joie de Jésus lorsqu’il voitZachée répondre si fidèlement à la grâce!Ses regards miséricordieux ne se serontdonc pas en vain fixés sur cette âme; sesavances toutes pleines d’amour n’auront pasété, cette fois, repoussées! Considérantl’œuvre sublime opérée par sa miséricorde,le divin Maître s’écrie: “Le salut est vraimententré aujourd’hui dans cette maison... Celui-là est bien aussi un fils d’Abraham”. Puis ilajoute ces belles paroles, splendide et divinsommaire de sa propre vie: “Le Fils del’homme est venu chercher et sauver ce quiétait perdu” (ibidem 10) » (4).

La Samaritaine. Jésus ne trouvait pastoujours des âmes aussi promptes à corres-pondre comme celle de Zachée, parfois il de-vait combattre pour les conquérir, commedans le cas de la samaritaine. Dans la ville deSichar il y avait beaucoup d’âmes à sauver;dans sa miséricorde Jésus avait vu unefemme pécheresse, et Il voulait non seule-ment la retirer du mal mais en faire l’apôtrede ses concitoyens. Jésus fatigué par le voya-ge avait laissé ses apôtres continuer leur che-min et s’était assis près du puits de Jacob.Faiblesse divine, lassitude mystérieuse qui lefaisait faiblir sous le poids des péchés dumonde; Il attendait l’âme pour laquelle Ils’était déjà tant fatigué mais qui jusqu’alorsavait résisté à sa miséricorde. La femmes’approche pour puiser de l’eau; disciple desdoctrines erronées en tant que samaritaine,un caractère tenace et porté à la raillerie,une nature sensuelle, ennemie du travail,étaient autant d’obstacles à son retour aubien. Mais Jésus médecin des âmes, qui estvenu non pour celles qui se portent bienmais pour les malades, est là pour la sauver.

« Le Maître divin commence donc, avecla pécheresse, ce sublime colloque que nousa transmis le Saint Evangile. Le respect deJésus pour les âmes, la rare prudence qui ac-compagne toutes ses paroles et tous sesactes, sa douceur, sa patience, son humilitén’y paraissent pas moins que sa profonde

la vie sans souci et sans remords. Mais unjour une grâce secrète avait répandu dansson âme comme un vague désir d’une viemeilleure. Le bruit des miracles de Jésusavait dû arriver jusqu’à lui, uni au désir devoir le Maître. Pour ce faire, puisque Jésusarrivait dans sa ville, insouciant du respecthumain, il était monté sur un sycomore, caril était de petite taille. « Une touche bienfai-sante de la grâce le pousse à désirer de voirle Christ. Il ne tient pas à lui parler; il n’arien à lui dire, ce lui semble; il veut seule-ment le voir... Tandis qu’il le considère,s’avançant lentement accompagné par lafoule, il sent tout à coup le regard de Jésusfixé sur lui. Ce regard profond et doux, aurayonnement lumineux, qui pénètrejusqu’au fond des âmes, le remue étrange-ment; et voilà qu’il s’entend appeler par sonnom: “Zachée - dit Jésus avec une douceurinfinie - hâte-toi de descendre, car je veux au-jourd’hui loger dans ta maison” (Lc XIX, 5).Dans sa maison... bouleversé jusqu’au plusintime de son âme par cette attention duMaître, il ne peux rien répondre. Il court àson logis... il fait tout préparer... Jésusentre... que ce passe-t-il il alors dans l’âmede Zachée? Une vive lumière lui montrel’injustice de sa vie. La bonté de Jésus qui adaigné le choisir pour son hôte, malgré lemépris général dont il est l’objet de la partdes Juifs, lui apparaît si miséricordieuse et sidouce, que son cœur en est profondémenttouché. A la vue du Christ pauvrement vêtu,vivant d’aumônes, passant, en faisant lebien, en répandant la lumière et la paix, lefront serein, le regard tout rempli de miséri-corde, et la main toujours levée pour bénir,

Jésus dit:“Zachée hâte-

toi dedescendre, car

je veuxaujourd’huiloger dans ta

maison” (Lc XIX, 5)

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par sa miséricorde, lui donnèrent pour lapremière fois, d’une voix unanime, ce nomsi doux de “Sauveur”.

Dix-neuf siècles déjà ont répété cette pa-role des heureux Samaritains: “Il est vrai-ment le Sauveur du monde” (ibidem, 42).Bien d’autres siècles, peut-être, la répéte-ront encore: les échos de l’éternité la réper-cuteront sans fin! Oui, Jésus est le Sauveurdu monde, parce qu’Il est la Miséricorde: lemonde a tant besoin de miséricordieux par-dons! » (5). C’est justement en parlant avecla Samaritaine que Jésus prononça ces admi-rables paroles qui peuvent si bien se rappor-ter à son Sacré-Cœur: “Si tu savais le don deDieu, et qui est Celui qui te dis - donne-moi àboire - peut-être lui en eus-tu demandé toi-même, et il t’aurait donné d’une eau vive (...).Qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aurajamais soif; mais l’eau que je lui donnerai de-viendra une fontaine d’eau jaillissante jusquedans la vie éternelle”(Jn IV, 10-14).

Nombreux sont les autres passages desEvangiles dans lesquels plus qu’ailleurs onvoit la bonté et la miséricorde du Sacré-Cœur de Jésus. Les paraboles du bon sama-ritain, du bon pasteur, de la femme adultèreet tant d’autres endroits de l’Evangile ensont un exemple; je ne citerai pour finir quele cas du bon larron. C’est un criminelcondamné à mort justement pour ses crimeset qui est supplicié avec le Seigneur. Dismas

connaissance des cœurs. Il demande d’abordà la Samaritaine un léger service. Il suppor-te, sans en rien témoigner, ses impertinentessaillies. Il entre peu à peu dans son esprit,excitant, avec une sainte habileté, sa curiosi-té naturelle. Il l’amène ainsi à déclarer l’irré-gularité de sa position. C’est seulementlorsque, d’elle-même, elle a dit: “Je n’aipoint de mari” (Jn IV, I7), que Jésus lui faitvoir qu’il connaît l’état de péché dans lequelelle vit. Mais il le fait simplement, sans luiadresser de reproches, sachant bien qu’ellen’est pas capable de les recevoir; sans lafrapper de son mépris, sans même l’humilierpar un terme dur. Cette douceur admirable,ce regard divin qui lit dans son âme, don-nent à cette pauvre femme la confiance d’in-terroger Jésus. Et Lui, avec une incompa-rable bonté, répond à ses questions, dissipeses doutes, éclaire son intelligence. Quand Ils’est ainsi rendu maître de son esprit, Il luidéclare sa divine mission.

Elle, en proie à la plus vive agitation, re-tourne en hâte vers la ville. Un troubleétrange s’est emparé de son âme; des pen-sées qu’elle n’a jamais eues viennent l’as-saillir. Sous l’influence de la grâce, un chan-gement, dont elle n’a pas encore conscience,s’opère en elle. Quand elle rentre à Sichar,elle se sent pressée de dire à tous ceuxqu’elle rencontre: “Venez, venez voir unhomme qui m’a dit tout ce que j’ai fait: ne se-rait-ce pas le Christ?” (Jn IV, 29). Elle nesait encore si elle doit croire; mais elle com-prend que cet homme si pur, si grave et sidoux qui lui a parlé dans le chemin, n’estpoint une créature vulgaire. Elle veut queles autres en jugent.

Le soir de ce même jour, quand, appelépar les habitants, Jésus entra dans Sichar, Ilretrouva la pécheresse: la grâce toute-puis-sante l’avait transformée. Elle vint alorsd’elle-même à son charitable Sauveur, nonpour avouer des crimes qu’Il connaissaitdéjà, mais pour recevoir un pardon que safoi et sa contrition réclamaient, et que leCœur infiniment bon de Jésus avait hâte delui donner. La miséricorde avait encore unefois triomphé. Elle avait fait, d’une créaturemisérable en qui tout semblait impur et vicié,une âme enrichie par la grâce, un apôtre dela vérité, un trophée glorieux pour le Christ.Elle avait opéré un miracle nouveau.

Et lorsque, deux jours plus tard, Jésuss’éloigna de la ville, ceux qu’Il avait attirés àson amour, illuminés de sa vérité et sauvés

Jésus et la Samaritaine: “Si tu savais le don de Dieu”

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(c’était son nom) est frappé de la mansuétu-de de Jésus, qui au lieu de maudire pardon-ne ses ennemis: “Père, pardonnez-leur, carils ne savent pas ce qu’ils font” (Lc XXIII,34). Ces paroles de Jésus opèrent la conver-sion du délinquant parce que rien de sem-blable n’avait jamais été vu ni entendu sur laterre jusqu’alors. Touché par l’émotion, lebon larron reprend d’abord son compagnon:“Ne crains-tu point Dieu, quand tu subis lamême condamnation? Encore pour nous,c’est avec justice; car nous recevons ce quenos actions méritent; mais celui-ci n’a rienfait de mal” (ibidem 40-41); et il dit à Jésus:“Seigneur, souvenez-vous de moi quandvous serez arrivé dans votre royaume”. Cesont des paroles remplies d’une grande hu-milité (il demande seulement de se souvenirde lui, il ne s’estime pas digne de lui deman-der autre chose), espérance (il parle duroyaume de Jésus qu’il ne voit pas avec lesyeux du corps; en effet quel royaume peutavoir sur terre quelqu’un qui meurt nu surune croix...) et foi (il appelle “Seigneur” etcroit en son royaume dans lequel Il ira aprèsla mort). La réponse du Sacré-Cœur estcomme toujours au-dessus des attentes dudemandeur. A celui qui lui demande de sesouvenir seulement de lui, Jésus donne sonroyaume: “En vérité je te le dis, aujourd’hui-même tu seras avec moi au Paradis”. Ainsipardonne l’Agneau de Dieu qui est venu en-lever les péchés du monde. Tant est grandesa miséricorde et sa bonté qu’il permet aubon larron son dernier... vol, celui du ciel.Mais il s’agit d’un vol...qui enrichit le volé,et rend le Sauveur plein de joie pour cettepremière âme que sa Croix a sauvée en lafaisant le premier membre de sa SainteEglise, après la très Sainte Vierge Marie.

Les dons de Jésus: manifestation de sonCœur très sacré

La bonté et la miséricorde du Seigneurse manifestent aussi dans les dons qu’il nousa laissés avant de monter au ciel. Pie XII, àqui le Sacré-Cœur apparut en 1954 pour leguérir d’une grave maladie écrivit (6), deuxans après, l’encyclique “Haurietis Aquas”peut-être même comme remerciement pourcette grâce. On y lit: « Lorsqu’il fut suspenduà la croix, notre divin Rédempteur sentit sonCœur bouillonner de sentiments divers etimpétueux, d’un amour intense, d’épouvan-te, de miséricorde, de violent désir et de paix

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sereine, sentiments qui sont exprimés d’unefaçon significative par ces paroles: “Père,pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ilsfont” (Lc XXIII, 34); “Mon Dieu, mon Dieu,pourquoi m’avez-vous abandonné?” (Matth.XXVII, 46); “Je te le dis en vérité, aujour-d’hui tu seras avec moi dans le Paradis” (Lc23, 43); “J’ai soif” (Jn XIX, 28); “Père, je re-mets mon esprit entre vos mains” (Lc XXIII,46). Qui pourrait décrire dignement les senti-ments dont était imprégné le Cœur divin, in-dices de son amour infini, aux moments où ilse donnait lui-même aux hommes dans le sa-crement de l’Eucharistie, où il leur donnaitsa Mère très Sainte et nous faisait participerà la charge sacerdotale?

Avant de partager la dernière Cène avecses disciples, le Christ Notre-Seigneur, quisavait qu’Il devait instituer le sacrement deson Corps et de son Sang, par l’effusion du-quel une Nouvelle Alliance devait être scel-lée, sentit son Cœur s’animer de sentimentsardents, qu’Il exprima à ses Apôtres par cesparoles: “J’ai ardemment désiré manger cettePâque avec vous avant de souffrir” (LcXXII, 15); ces sentiments ont, sans aucundoute, été plus ardents lorsque “Il prit dupain et, après avoir rendu grâces, Il le rompitet le leur donna, en disant ‘Ceci est moncorps, donné pour vous. Faites ceci en mé-moire de moi’. Et pareillement pour lacoupe, après qu’ils eurent soupé, en disant:‘Cette coupe est la nouvelle alliance en monsang, répandu pour vous”’ (Lc XXII, 19-20).On peut donc affirmer que la divineEucharistie, en tant que sacrement par le-quel Il se donne aux hommes, et sacrificepar lequel Il s’immole perpétuellement “dulever jusqu’au coucher du soleil” (StAugustin, De sancta virginitate, 6 - ML 40.399), ainsi que le sacerdoce (7), sont desdons du Cœur très sacré de Jésus.

Un don très précieux également de ceCœur très sacré est... Marie, la Mère de Dieuet aussi notre Mère très aimante à tous. Ellea été la Mère de notre Rédempteur selon lachair et son Associée pour ramener les filsd’Eve à la vie de la grâce, ce qui lui valutd’être appelée [par Jésus Lui-même] la Mèrespirituelle de tout le genre humain » (8).

Origines de cette dévotion

La dévotion au Cœur de Jésus comme denombreux dogmes et cultes de l’Eglise a euau cours des siècles un développement ho-

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mogène, pour arriver à sa véritable révélationau XVIIème siècle. Peut-être le premier“dévot” au Sacré-Cœur fut-il St Jean quiposa sa tête sur le côté du Sauveur durant ladernière Cène; c’est lui en effet qui nous rap-porte dans son évangile le coup de lance quiouvrit et blessa la poitrine du Seigneur Jésus(Jn XIX, 31s). La plupart des Pères del’Eglise dans leurs commentaires de ce passa-ge évangélique ne se réfèrent pas au Cœurvéritable de Jésus « mais au sein, à la poitri-ne, à la blessure du côté. Le passage était fa-cile et spontané; cependant il ne semble pasque les Pères l’aient accompli. Ils ont entrevule Cœur, à travers la poitrine déchirée, maisse sont arrêtés sur le seuil du “Temple deDieu”. Même ceux qui parlèrent expressé-ment du “Cœur”, ne le considérèrent cepen-dant pas comme symbole ou emblèmed’amour, mais comme figure, image, méta-phore des affections de l’âme et donc aussi del’amour. (...) Dans la blessure du côté lesPères virent la source de l’Eglise et des sacre-ments... De leurs considérations théologiqueset mystiques naîtra la dévotion aux cinqplaies, à partir de laquelle plus tard se déve-loppera la dévotion au Sacré Côté: c’est pré-cisément cette dévotion qui petit à petit révé-lera aux âmes le Cœur de Jésus et son amour.Historiquement, la blessure du Côté nous ap-paraît comme la providentielle et logique pré-paration du culte du Sacré-Cœur » (9).

C’est le Moyen Age qui marque le débutet la constitution de cette dévotion. « Le chris-tianisme désormais victorieux se renforce dansla possession pacifique de son credo et de sonculte. C’est le temps des grands théologiens etdes grands mystiques médiévaux. Le centre deleurs méditations est encore le ChristRédempteur, mais ce n’est plus la Divinité quifrappe davantage leur intelligence et leurcœur, mais l’humanité de Jésus Sauveur, spé-cialement dans ses mystères les plus humains:l’Incarnation et la Passion: “pourquoi Dieus’est-il fait homme?” » (10). Par amour... répon-dra le dévot du Sacré-Cœur dans les sièclessuivants! Un exemple de cette période nousest donné par St Anselme († 1109) qui dit: “Ledoux Jésus... dans l’ouverture de sa poitrine;cette ouverture en effet nous révéla les ri-chesses de sa bonté, c’est-à-dire l’amour deson Cœur pour nous” (11). St Bonaventure en-suite († 1274) nous offre une idée la plus exac-te et la plus complète possible de cette dévo-tion; il en donne le double objet, la fin, l’esprit,l’acte propre et plusieurs actes de dévotion,

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c’est pourquoi il peut être placé parmi les pre-miers dévots du Sacré-Cœur (l’Eglise prendchez lui certaines leçons pour l’office de lafête). Ensuite deux mystiques bénédictines SteGertrude († 1298) et Ste Mathilde († 1303)rendirent plus chaude cette dévotion au Sacré-Cœur, en y ajoutant une multitude d’exercicespratiques. « Fréquents et très divers sont lesactes d’hommage qu’elles adressaient auCœur de Jésus: innombrables les faveurs trèsspéciales qu’elles en recevaient: échange duCœur, repos sur le Cœur divin, enseignementsspirituels, et surtout les révélations qui consti-tuent la première “théologie du Sacré-Cœur” » (12). Un vrai précurseur de Ste Mar-guerite-Marie fut certainement St Jean Eudes(1601-1680) que l’Eglise a déclaré “auteur duculte liturgique des Saints Cœurs de Jésus etde Marie, le Père, le docteur, l’apôtre de cemême culte”. Mais la vraie institutrice, cellequi par mission divine devait répandre dans lemonde l’amour pour le Sacré-Cœur, a certai-nement été Ste Marguerite-Marie Alacoque.

La dévotion au Sacré-Cœur ne fut doncpas découverte ou inventée par Ste Mar-guerite-Marie, la voyante de Paray-le-Monial; elle existait déjà avant elle, maisn’avait pas encore une large et vive influen-ce sur la masse des fidèles et manquait d’uncontenu bien déterminé. Ce fut précisémentla charge et la mission spéciale que Dieuconfia à Ste Marguerite-Marie: c’est à elleque fut réservé de faire fleurir cette dévo-tion d’une manière plus manifeste, de l’ac-créditer avec une quantité de merveilles, dedonner lieu à un culte public et universel. Sila dévotion au Sacré-Cœur existait déjàavant Ste Marguerite-Marie, il est toutefoisdifficile de dire quelle fut l’influence des“précurseurs” sur elle. Avec une grandeprobabilité, d’après les spécialistes de sa vie,elle n’en lut pas les œuvres et n’en subit au-cune influence, c’est pourquoi l’on peutconclure que “la dévotion au Sacré-Cœur deJésus-Christ a pour auteur Jésus-Christmême. C’est Lui qui l’a révélée; qui en acommandé l’institution; qui en a expliqué lanature; qui en a enseigné la pratique; qui ena prescrit la forme” (13). Ste Marguerite-Marie fut donc l’apôtre officielle choisie parJésus pour faire connaître à tous leshommes les abîmes de son amour infini etpour la diffusion de ce culte.

Dans la vie autobiographique de SteMarguerite-Marie, qu’elle écrivit par obéis-sance, nous lisons: « Une fois, donc, étant

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devant le saint Sacrement [le 27 décembre1673, n.d.a.] me trouvant un peu plus de loi-sir, car les occupations que l’on me donnaitne m’en laissaient guère, me trouvant touteinvestie de cette divine présence, mais si for-tement, que je m’en oubliai de moi-même etdu lieu où j’étais, et je m’abandonnai à cedivin Esprit, livrant mon cœur à la force deson amour. Il me fit reposer fort longtempssur sa divine poitrine, où il me découvrit lesmerveilles de son amour, et les secrets inex-plicables de son sacré Cœur, qu’il m’avaittoujours tenus cachés, jusqu’alors qu’il mel’ouvrit pour la première fois, mais d’unemanière si effective et sensible qu’il ne melaissa aucun lieu d’en douter, par les effetsque cette grâce produisit en moi (...).

Et voici comme il me semble la choses’être passée. Il me dit: “Mon divin Cœur estsi passionné d’amour pour les hommes, etpour toi en particulier, que ne pouvant pluscontenir en lui-même les flammes de son ar-dente charité, il faut qu’il les répande par tonmoyen, et qu’il se manifeste à eux pour lesenrichir de ses précieux trésors que je te dé-couvre, et qui contiennent les grâces sancti-fiantes et salutaires nécessaires pour les reti-rer de l’abîme de perdition; et je t’ai choisiecomme un abîme d’indignité et d’ignorancepour l’accomplissement de ce grand dessein,afin que tout soit fait par moi”. Après il medemanda mon cœur, lequel je le suppliai deprendre, ce qu’il fit, et le mit dans le sienadorable, dans lequel il me le fit voir commeun petit atome qui se consommait dans cetteardente fournaise, d’où en le retirantcomme une flamme ardente en forme decœur, il le remit dans le lieu où il l’avait pris,en me disant: “Voilà, ma bien aimée, un pré-cieux gage de mon amour, qui renferme danston côté une petite étincelle de ses plus vivesflammes, pour te servir de cœur et te consom-mer jusqu’au dernier moment, et dont l’ar-deur ne s’éteindra, ni ne pourra trouver derafraîchissement que quelque peu dans la sai-gnée, dont je marquerai tellement le sang dema croix, qu’elle t’apportera plus d’humilia-tion et de souffrance que de soulagement.C’est pourquoi je veux que tu la demandessimplement, tant pour pratiquer ce qui vousest ordonné, que pour te donner la consola-tion de répandre ton sang sur la croix des hu-miliations. Et pour marque de la grandegrâce que je viens de te faire n’est point uneimagination, et qu’elle est le fondement detoutes celles que j’ai encore à te faire,

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quoique j’aie refermé la plaie de ton côté, ladouleur t’en restera pour toujours, et sijusqu’à présent tu n’as pris que le nom demon esclave, je te donne celui de la disciplebien-aimée de mon sacré Cœur”.

Après une faveur si grande, et qui duraun si long espace de temps, pendant lequel jene savais si j’étais au ciel ou en terre, je de-meurai plusieurs jours comme toute embra-sée et enivrée, et tellement hors de moi queje ne pouvais en revenir pour dire une parolequ’avec violence, et m’en fallait faire une sigrande pour me récréer et pour manger, queje me trouvais au bout de mes forces poursurmonter ma peine; ce qui me causait uneextrême humiliation. Et je ne pouvais dor-mir, car cette plaie, dont la douleur m’est siprécieuse, me cause de si vives ardeursqu’elle me consomme et me fait brûler toutevive. Et je me sentais une si grande plénitudede Dieu, que je ne pouvais m’exprimer à masupérieure comme je l’aurais souhaité et fait,quelque peine et confusion que ces grâcesme fassent ressentir en les disant, pour magrande indignité, laquelle m’aurait fait choi-sir mille fois plutôt de dire mes péchés à toutle monde; et ce me serait été une grandeconsolation, si l’on m’avait permis de le faireet de lire tout haut ma confession généraleau réfectoire, pour faire voir le grand fondsde corruption qui est en moi, afin que l’on nem’attribuât rien des grâces que je recevais.

Celle dont je viens de parler au sujet dema douleur de côté m’était renouvelée lespremiers vendredis du mois en cette maniè-re: ce sacré Cœur m’était représenté commeun soleil brillant d’une éclatante lumière,dont les rayons tout ardents donnaient àplomb sur mon cœur, qui se sentait d’abordembrasé d’un feu si ardent, qu’il me semblait

Sainte Marguerite-Marie Alacoque

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m’aller réduire en cendres, et c’était particu-lièrement en ce temps-là que ce divin Maîtrem’enseignait ce qu’il voulait de moi, et medécouvrait les secrets de cet aimable Cœur.

Et une fois, entre les autres, que le saintSacrement était exposé, après m’être sentieretirée toute au dedans de moi-même par unrecueillement extraordinaire de tous messens et puissances, Jésus-Christ, mon douxMaître, se présenta à moi, tout éclatant degloire avec ses cinq plaies, brillantes commecinq soleils, et de cette sacrée Humanité sor-taient des flammes de toute part, mais sur-tout de son adorable poitrine, qui ressemblaitune fournaise; et s’étant ouverte, me décou-vrit son tout aimant et tout aimable Cœur,qui était la vive source de ces flammes.

Ce fut alors qu’il me découvrit les mer-veilles inexplicables de son pur amour, etjusqu’à quel excès il l’avait porté d’aimer leshommes, dont il ne recevait que des ingrati-tudes et méconnaissances. “Ce qui m’estbeaucoup plus sensible”, me dit-il, “que toutce que j’ai souffert en ma Passion; d’autantque s’ils me rendaient quelque retourd’amour j’estimerai peu tout ce que j’ai faitpour eux, et voudrais, s’il se pouvait, enfaire encore davantage; mais ils n’ont quedes froideurs et du rebut pour tous mes em-pressements à leur faire du bien. Mais, dumoins, donne-moi ce plaisir de suppléer àleurs ingratitudes autant que tu en pourrasêtre capable”. Et lui remontrant mon im-puissance, il me répondit: “Tiens, voilà dequoi suppléer à tout ce qui te manque”. Et enmême temps, ce divin Cœur s’étant ouvert, ilen sortit une flamme si ardente que je pensaien être consommée, car j’en fus toute péné-trée, et ne pouvais plus la soutenir, lorsqueje lui demandai d’avoir pitié de ma faiblesse.“Je serai ta force”, me dit-il, “ne crains rien,mais sois attentive à ma voix et à ce que je tedemande pour te disposer à l’accomplisse-ment de mes desseins. Premièrement, tu merecevras dans le saint Sacrement autant quel’obéissance te le voudra permettre, quelquemortification et humiliation qui t’en doiventarriver, lesquelles tu dois recevoir comme desgages de mon amour. Tu communieras deplus tous les premiers vendredis de chaquemois. Et, toutes les nuits du jeudi au vendre-di, je te ferai participer à cette mortelle tristes-se que j’ai bien voulu sentir au jardin desOlives, et laquelle tristesse te réduira, sansque tu la puisses comprendre, à une espèced’agonie plus rude à supporter que la mort.

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Et pour m’accompagner dans cette humbleprière que je présentai alors à mon Pèreparmi toutes mes angoisses, tu te lèveras entreonze heures et minuit, pour te prosterner pen-dant une heure avec moi, la face contre terre,tant pour apaiser la divine colère, en deman-dant miséricorde pour les pécheurs, que pouradoucir en quelque façon l’amertume que jesentais de l’abandon de mes apôtres, quim’obligea à leur reprocher qu’ils n’avaient puveiller une heure avec moi, et pendant cetteheure tu feras ce que je t’enseignerai. Mais,écoute, ma fille, ne crois pas légèrement à toutesprit et ne t’y fie pas; car Satan enrage de tedécevoir; c’est pourquoi ne fais rien sans l’ap-probation de ceux qui te conduisent, afinqu’ayant l’autorité de l’obéissance, il ne tepuisse tromper, car il n’a point de pouvoirsur les obéissants” » (14). Dans une autre ap-parition Jésus dit: “Dans l’excès de ma misé-ricorde, j’ai voulu dans ces derniers temps,manifester aux hommes, les trésors infinis demon sacré Cœur”. La révélation du Sacré-Cœur a donc pour origine, d’après les pa-roles mêmes du Seigneur, l’excès de sa misé-ricorde pour les hommes.

Caractère et fin de la dévotion au Sacré-Cœur

Après avoir lu les consolantes paroles dela révélation du Sacré-Cœur, voyons-enmaintenant le caractère. La dévotion auSacré-Cœur est essentiellement, commenous l’avons vu, une dévotion d’amour, unculte à l’amour de Dieu. L’amour veutl’amour “celui qui n’aime pas demeure dansla mort” (I Jn III, 14). Seul celui qui aimedonne vraiment tout, parce qu’en aimant ilse donne lui même, et le Cœur de Jésus estun cœur humain qui ne demande que del’amour. Il l’a révélé Lui-même à SteMathilde “il ne me manque que le Cœur del’homme”. En effet étant Dieu Il a tout, rienne lui manque, rien ne peut lui manquer, iln’y a que le cœur de l’homme qui ayant étécréé libre, peut résister à l’amour de Jésus.La dévotion au Sacré-Cœur est la révélationde l’Amour infini de Dieu pour amenerl’homme à un échange d’amour. Les Papesen encourageant ce culte au Sacré-Cœur deJésus ont enseigné cette vérité. Léon XIIIdisait: « Jésus n’a pas de désir plus ardentque de voir allumé dans les âmes le feud’amour dont son Cœur est consumé. Allonsdonc à Celui qui, comme prix de sa charité,ne nous demande rien d’autre qu’une cor-

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rité découle cette conséquence que lescœurs des hommes se soumettent pleine-ment et parfaitement à l’autorité suprêmedu Seigneur, puisque, en réalité, le senti-ment de notre amour s’attache à la volontédivine au point de ne faire qu’un en quelquesorte, selon ce qui est dit: “Celui qui s’unitau Seigneur n’est avec lui qu’un esprit” (ICor. VI, 17) » (16).

Le Sacré-Cœur veut régner dans le cœurde l’homme parce qu’en en possédant lecentre, le moteur de toute activité, il possèdetout l’homme. « Mais l’amour ne se con-quiert que par l’amour! En profond connais-seur du cœur humain, Dieu a voulu seconformer à une loi admirable et universellede psychologie: “Si tu veux être aimé, aime!”Il pouvait nous imposer de l’aimer: c’étaitson droit. Mais on ne commande pas àl’amour! Et alors Dieu a préféré choisir uneautre voie, une voie plus conforme à la natu-re même de l’amour: “Il nous a aimés le pre-mier” (I Jn IV, 10), “afin que - explique StAugustin - si nous avions de la difficulté àl’aimer, au moins nous n’hésitions pas àéchanger son amour puisqu’Il nous aime”,parce que de tous les motifs qui poussent àaimer, le plus efficace est celui d’être préve-nu dans l’amour. Certainement a le cœurtrop dur celui qui ne voulant pas accorderson amour comme don, refuse encore de ledonner comme paiement d’une dette. QuandDieu a voulu rallumer dans le cœur del’homme, glacé par l’hérésie janséniste, sonamour pour lui, il a eu recours à nouveau aumoyen le plus abordable et le plus persuasif:lui révéler, une autre fois l’immense amourde son Cœur pour lui. On ne résiste pas àl’amour “l’amour supporte tout” (cf. I Cor.XIII, 7). La dévotion au Sacré-Cœur (...) estune admirable chaîne d’or qui lie et serre en-semble le Cœur de Dieu et celui de l’homme.S’il est vrai que la religion est la rencontre dedeux cœurs... alors avec raison Pie XI appel-le la nôtre “synthèse de toute la religion”...réservée par la Providence pour donner lu-mière et chaleur à tout le dogme, à toute lamorale chrétienne » (17).

Si cet amour “méconnu” et outragé deDieu est la note dominante de la dévotion auSacré-Cœur, l’amour de la part de l’hommene peut être qu’un amour réparateur.L’homme déchu après Adam doit tenircompte de sa condition de pécheur et doncdans une certaine manière, en aimant il en-tend le dédommager du tort à lui fait, alors

respondance d’amour » (15). Pie IX dans lebref de béatification de Ste Marguerite-Marie dit: « L’auteur et le consommateur denotre foi, Jésus, n’a rien eu plus en vue qued’exciter dans les âmes des hommes lesflammes dont son Cœur brûlait, ainsi quenous le voyons dans l’Evangile en donnerl’assurance à ses disciples: “Je suis venu jeterle feu sur la terre, et quelle est ma volontésinon qu’il s’allume?” (Lc XII, 49). Orcomme moyen d’exciter davantage ce feu dela charité, il a voulu qu’on établît dans sonEglise la vénération et le culte de son trèssacré Cœur, et qu’on le propageât ». EnfinPie XII dit: « Ce lien très étroit que lesSaintes Ecritures (“L’amour de Dieu a étérépandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saintqui nous a été donné”, Rm. V, 5) affirmentintervenir entre la divine charité, qui doitbrûler dans les cœurs des chrétiens, etl’Esprit-Saint, qui est essentiellementAmour, nous dévoile à tous ... la nature inti-me elle-même de ce culte au très saint Cœurde Jésus-Christ. Car, s’il est manifeste quece culte... requiert de notre part une volontéde nous consacrer à l’amour du divinRédempteur... de même il est égalementmanifeste, et dans un sens encore plus pro-fond, que ce même culte suppose avant toutque nous rendions amour pour amour à cedivin Amour. En effet, du fait seul de la cha-

Le Sacré-Cœur de Jésus apparaissant à Ste Marguerite-Marie

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que Dieu continue d’aimer l’homme d’unamour de miséricorde. La miséricorde eneffet est un mot latin qui signifie un cœur (leCœur divin) qui se penche sur une misèrenaturelle (celle de l’homme pécheur). Dansla révélation du Sacré-Cœur à Ste Mar-guerite-Marie et dans les demandes qu’Il luifait, la réparation semble se présentercomme le premier et le plus essentiel acte dedévotion. La dévotion au Sacré-Cœur estdonc l’Amour de Dieu, qui demande etcherche l’amour réparateur de l’homme.

Pratique de cette dévotion

Comment peut-on pratiquer cette dévo-tion sans la connaître? Il est nécessaire desortir de notre torpeur et de nous approcherde Jésus dans la méditation et la prière,pour avoir “les sentiments qu’avait en lui leChrist Jésus” (Phil. II, 5) et donc de sonSacré-Cœur. Autrement nous mériterions lereproche que le Seigneur Lui-même faisait àla Samaritaine: “vous adorez ce que vous neconnaissez point...” (Jn IV, 22). Ce sera dansle recueillement de la prière et dans l’assis-tance (ou célébration, pour les prêtres) à lasainte Messe que nous trouverons le Sacré-Cœur. Disce Cor Dei in verbis Dei (ap-prends le Cœur de Dieu dans la parole deDieu) dit St Bernard. Et après l’avoir connunous pourrons nous conformer à lui,puisque c’est justement à cette conformitéque doit tendre la dévotion au Sacré-Cœur.

Si Dieu “nous a prédestinés à êtreconformes à l’image de son Fils” (Rom. VIII,29) comme dit St Paul, quelle est l’image duFils à laquelle tous ceux qui veulent parvenirau salut éternel doivent se conformer, sinonle Sacré-Cœur de Jésus? En effet le SeigneurJésus parle ainsi au dévot: « Tous ne peuventpas imiter mes actions extérieures, faire lesmiracles que j’ai fait. La diversité des voca-tions ne permet pas même à tous de suivremon genre de vie extérieure: mais tous, grandset petits, savants et ignorants, peuvent et doi-vent imiter les sentiments de mon Cœur, quel-le que soit leur condition. Si donc vous voulezvous sauver, il faut que vous deveniezconformes à mon Cœur; il faut que votrecœur éprouve les mêmes sentiments que lemien. Vous auriez distribué tous vos biensaux pauvres, voué votre corps aux plus rudesaustérités, connu tous les mystères, fait desmiracles éclatants, si votre cœur ne ressem-blait pas au mien, vous ne seriez rien encore,

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et tout cela vous serait inutile pour l’éternité.C’est sur votre ressemblance avec mon Cœurque vous serez jugé; c’est elle qui fixera votresort éternel.(...) Ainsi, tout ce que vous faitesne vous servira de rien, si vous ne le faites passelon mon Cœur. (...) Plus vous conformerezvotre cœur à mon Cœur, plus vous assurerezvotre salut » (18) .

En outre ce serait une grave illusion delaisser cette connaissance du Cœur de Jésusqui s’acquiert en se conformant à Lui, à unniveau purement théorique. St Jacques (II,26) en effet nous avertit “que la foi sans lesœuvres est morte”. La vraie dévotion auSacré-Cœur exige une réforme de l’intelli-gence et une transformation morale.

« Etre dévoué au Sacré-Cœur signifie leconnaître et le faire connaître, en défendreles droits, en promouvoir le culte, en prê-cher les gloires.

Etre dévoué au Sacré-Cœur, c’est cher-cher dans le Cœur physique de Jésus l’amourqui a donné au monde l’Eucharistie; c’est étu-dier au pied du tabernacle cette divine charitéqui a révélé aux hommes le Sacré-Cœur.

Ce n’est pas tout. Etre dévoué au Sacré-Cœur, c’est pratiquer cette dévotion avecl’enthousiasme de l’amour; si on se contentede la subir avec une sorte de résignation,elle ne produira pas ses fruits; elle n’estpoint un feu qui végète sous la cendre, elleest la flamme qui s’élève ardente et joyeuse.

Etre dévoué au Sacré-Cœur, c’est vivre sadévotion. Il ne suffit pas d’aimer le Sacré-Cœur, il est indispensable de vivre avec luid’une vie intime, dans une douce familiarité,de ne pas faire un pas sans le consulter, de

La première image du Sacré-Cœur, dessinée sur indica-tion de Ste Marguerite-Marie, vénérée de son temps à la

Visitation de Paray-le-Monial et conservée à la Visitation de Turin

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nous cacher en lui, nous, nos talents, nos dé-sirs, afin qu’il soit glorifié dans toutes nosœuvres “il faut qu’il croisse et que je diminue”(Jn III, 30). Il faut en outre étudier ses vertus,celles de sa vie mortelle, celles de sa vie eu-charistique, les saisir, les aimer, les pratiquerpour son amour et pour sa gloire, professerpour toutes les paroles sorties de ses lèvresdivines le même respect qui nous fait adorerles moindres parcelles de l’Hostie sainte.

Etre dévoué au Sacré-Cœur signifie com-patir à ses peines et s’adonner au devoir de laréparation d’une manière affective et effecti-ve, efficace et constante, intelligente et géné-reuse, afin d’expier les crimes monstrueuxpar lesquels ses ennemis insultent son nom,violent ses commandements, profanent sonsacrement d’amour et persécutent son Eglise;c’est lui offrir des compensations pour lesfautes, matériellement moins graves, mais enfait plus douloureuses, commises par tousceux qui devraient être ses amis.

Etre dévoué au Sacré-Cœur signifie ac-cepter les sacrifices les plus pénibles avec vi-sage souriant, conserver la paix et la joiemême quand le cœur saigne, chercher en toutet malgré tout sa plus grande gloire. “Celuiqui dit le connaître...” - a écrit l’Apôtre del’amour - et “ne garde pas ses commande-ments est un menteur...” (I Jn II, 4).

Etre dévoué au Cœur de Jésus veut direpartager son agonie et ses joies, brûler dudésir de le faire connaître et d’étendre sonrègne, de glorifier son nom, de faire sa vo-lonté, de sauver les âmes (...).

Etre dévoué au Sacré-Cœur veut direaimer passionnément la sainte Eglise, fleurvirginale germée dans son sang, et s’unir àelle par l’adhésion parfaite à ses enseigne-ments et la soumission à son chef. C’estaimer la vie intérieure, la vie cachée, le si-lence, le recueillement, la mortification.C’est aimer les âmes... les aimer toujoursdans l’immolation continue, perpétuelle ettotale de nos goûts, de nos idées et de notrebien-être » (19).

De ce qui est exposé jusque-là nous pou-vons conclure qu’être dévoué au Sacré-Cœurveut dire surtout pratiquer une dévotion ré-paratrice qu’on peut exprimer par certainsactes principaux: dédommager Jésus dudéshonneur qui lui est causé et le consoler dela tristesse que lui cause le péché [réparationaffective], faire renaître dans le prochain lavie de la grâce par le zèle pour la gloire deDieu et pour le salut des âmes [réparation ef-

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fective]. Enfin il faudra expier nos propres pé-chés et ceux d’autrui, en nous soumettant vo-lontairement à la peine et à la douleur [répa-ration afflictive]. Le passage de l’un à l’autredegré est facile et spontané. Ce sont les troisanneaux de l’unique chaîne de l’amour, quid’affective devient efficace et afflictive, c’est-à-dire qui du cœur passe aux œuvres, jusqu’àse consumer dans l’immolation, puisque la foisans les œuvres serait morte.

Les promesses du Sacré-Cœur. Conclusion

Dans la pratique de la dévotion auSacré-Cœur les “promesses” que Jésus fit àSte Marguerite-Marie et à tous les dévots duSacré-Cœur méritent un propos particulier.Elles constituent un fait singulier et leSeigneur les a certainement voulues pour at-tirer davantage encore les hommes à sonamour infini.

Le Sacré-Cœur en se révélant à SteMarguerite-Marie ne s’est pas limité à évo-quer en général les bienfaits et les fruitsmerveilleux que la nouvelle dévotion porte-rait mais voulut les spécifier d’après les be-soins des âmes et le fit par les désormais cé-lèbres et consolantes “douze promesses”. LaSainte resta confuse et ravie de tant debonté et tous les hommes doivent fairecomme elle. Je me limiterai ici à rapporterles douze “promesses” du Seigneur, qui fe-ront ensuite l’objet d’une étude et d’un com-mentaire dans un autre article avec la pra-tique des neuf premiers vendredis du mois.

Si cet article (qui n’a certainement pas putraiter de manière exhaustive le sujet) a allu-mé dans le cœur des lecteurs une étincelled’ardente charité pour l’amour infini deDieu, l’auteur s’estimera heureux d’avoir at-teint le but qu’il s’était proposé, puisque s’ac-compliront les paroles de Jésus: “Je suis venujeter le feu sur la terre, et quelle est ma volontésinon qu’il s’allume?” Aimons un peu plus ceCœur très aimant et faisons-le aimer auxautres; il sera notre consolation dans cette vieet notre récompense dans l’autre...

Sacré-Cœur de Jésus j’ai confiance en vous!Sacré-Cœur de Jésus, fournaise ardente de

charité, rendez mon cœur semblable au vôtre!

Notes

1) Manete in Dilectione mea, Paray-le-Monial 1925,pp. 16-17.

2) Hypostatiquement du grec upostasis = substance= suppositum, sujet existant, donc personne. Union hy-

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postatique indique donc l’union dans la personne deJésus de la nature divine avec la nature humaine aumoyen de l’Incarnation.

3) PIE XII, lettre encyclique Haurietis aquas, du 15mai 1956, in La Documentation Catholique, Maison dela Bonne Presse, Paris 1956 - Toujours sur le Sacré-Cœur on peut consulter la très belle encyclique de PieXI Miserentissimus Redemptor noster du 8 mai 1928.

4) LOUISE M. CLARET DE LA TOUCHE, Le Sacré-Cœur et le sacerdoce, Gabriel Beauchesne, Paris 1930,pp. 35-39. Il s’agit d’un livre très beau dont on peutconseiller la lecture même aux laïcs. Les idées pour laméditation quotidienne y sont très nombreuses. On voitqu’il a été écrit par une vraie disciple de l’amour infini.

5) Ibidem, pp. 40-44.6) Cette apparition eut lieu probablement dans les

premiers jours de décembre 1954 quand le Pape étaitgravement malade, les médecins n’avaient plus laisséd’espoir, et tout le monde catholique priait et offraitdes sacrifices pour sa guérison. Alors que Pie XII setrouvait au lit seul dans sa chambre et récitait comme ilavait coutume de le faire la belle prière de St Ignace“Anima Christi” arrivé aux mots “et jube me venire adTe” il vit le Sacré-Cœur debout à côté de son lit. LeSeigneur le réconforta en lui faisant comprendre que

son heure n’était pas encore venue; en effet la santé dePie XII à partir de ce moment commença à s’améliorer,et il put reprendre peu à peu toutes ses activités. LePape lui-même confia la vision à Mgr Tardini et à SœurPascalina. La nouvelle fut révélée au monde entier parl’hebdomadaire “Oggi” en 1955, et ne fut jamais dé-mentie par la salle de presse du Vatican. (Cf. ROBERT

SERROU, “Pie XII le pape roi”, Perrin, Paris 1992).7) M. de la Touche appelle l’Eucharistie et le sacer-

doce “création de l’amour infini” et don de la miséricordedu Sacré-Cœur qui “un jour sentit l’Amour Infini débor-der de son Cœur; et, voulant créer un être qui pût conti-nuer son œuvre, subvenir à tous les besoins de l’homme;un être qui pût aider cet homme, le soutenir, l’éclairer, lerapprocher de Dieu, Il créa le prêtre!” (op. cit., p. 4).

8) PIE XII, Haurietis aquas, op. cit.9) P. AGOSTINI S.C.J. “Il Cuore di Gesù - Storia

Teologia pratiche promesse”. Studentato delle Missioni,Bologna 1950, pp. 25-26.

10) P. AGOSTINI S.C.J., op. cit., p. 27.11) 10ème méditation in Migne P. L. 158 Col. 762 A.B.12) P. AGOSTINI S.C.J., op. cit., p. 31.13) P. DE GALLIFET JOSEPH, L’Excellence de la dé-

votion au Cœur adorable de Jésus-Christ, VeuveBaltasard, Nancy 1745, p. 4. Cité in P. AGOSTINI S.C.J.,op. cit.

14) “Vie de Sainte Marguerite-Marie Alacoque écri-te par elle-même” in “Vie et œuvres de Sainte Mar-guerite-Marie Alacoque”, Ancienne Librairie Pous-sielgue, J. de Gigord, Paris 1920, tome II pp. 69-73.

15) LÉON XIII encyclique du 28 juin 1889.16) PIE XII, Haurietis aquas, op. cit.17) P. AGOSTINI S.C.J., op. cit, pp. 158-159. Pour la

citation de St Augustin la référence est la suivante: decatechizandis rudibus, c. 4 n. 7 in R.J. 1589.

18) P. ARNOLD S.J., Imitation du Sacré-Cœur de Jésus,Pellion et Marchet Frères Dijon 1883, livre I, chapitre IV.

19) Manete in Dilectione mea, op. cit., pp. 26-28.

LES DOUZE PROMESSES DU SACRE-CŒUR DE JESUSen faveur des personnes dévouées

à son divin Cœur

1. Je leur donnerai toutes les grâces nécessairesdans leur état.2. Je mettrai la paix dans leur famille.3. Je les consolerai dans toutes leurs peines.4. Je serai leur refuge assuré pendant la vie et sur-tout à la mort.5. Je répandrai d’abondantes bénédictions surtoutes leurs entreprises.6. Les pécheurs trouveront dans mon Cœur la sour-ce et l’océan infini de la miséricorde.7. Les âmes tièdes deviendront ferventes.8. Les âmes ferventes s’élèveront rapidement à unegrande perfection.9. Je bénirai moi-même les maisons où l’image demon Sacré-Cœur sera exposée et honorée.10. Je donnerai aux Prêtres le talent de toucher lescœurs les plus endurcis.11. Les personnes qui propageront cette dévotionauront leur nom écrit dans mon Cœur, et il n’ensera jamais effacé.12. Je te promets, dans l’excès de la miséricorde demon Cœur, que Son amour tout-puissant accorderaà tous ceux qui communieront les premiers vendre-dis, neuf fois de suite, la grâce de la pénitence fi-nale, qu’ils ne mourront point dans ma disgrâce, nisans recevoir leurs sacrements, et qu’il se rendraleur asile assuré à cette heure dernière. “Je régnerai malgré Satan et ses suppôts”

(Notre-Seigneur à Ste Marguerite-Marie)

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Mgr Williamson contre leConcile Vatican... I!

Par M. l’abbé Giuseppe Murro

«Majeure: le Pape est infaillible.Mineure: or ces derniers papes sont libéraux.Conclusion: • (libérale) donc il faut se faire libéral• (sédévacantiste) donc ces “papes” ne sontpas de vrais papes».

Si nous demandions à un catholique cequ’il pense de ce syllogisme, les avis se-

raient différents. Après brève réflexion, lesdiscussions porteront sur l’étrange mineurequi est le “moteur” du syllogisme: il y auraceux qui l’acceptent, ceux qui la réfutent,ceux qui feront des distinctions. Mais àaucun catholique normal ne peut venir àl’esprit de déplacer la discussion sur la ma-jeure et mettre en doute l’infaillibilité duPape, en exhumant le gallicanisme enterrépar le Concile Vatican I.

Voici au contraire ce qu’écrit, à proposde ce syllogisme inventé par lui, MgrWilliamson (que nous indiquerons pour desraisons de commodité tout au long de l’ar-ticle par l’abréviation W) dans un écrit du 9août 1997, intitulé Considérations libéra-trices sur l’infaillibilité traduit en français parla revue Le sel de la terre (1) (pour qui ne lesaurait pas, W est l’un des quatre évêquesde la Fraternité St Pie X et le Directeur duSéminaire des Etats-Unis):

“Ici, la logique est bonne et la mineureaussi; donc, si les conclusions laissent à dési-rer, le problème est à chercher dans la ma-jeure, racine commune des deux conclusionsopposées” (p. 21).

W veut démontrer que ceux qui ont suivile Concile Vatican II (indiqués par le terme“libéraux”) et ceux qui refusent l’autorité deJean-Paul II (indiqués par le terme “sédéva-cantistes”) sont dans l’erreur: et la “racinecommune” de cette erreur serait rien moinsque de croire à l’infaillibilité du Pape! “Leslibéraux - dit W - partagent avec les sédéva-cantistes une notion de l’infaillibilité très ré-pandue depuis 1870 (Concile de Vatican I),notion pourtant fausse” (2).

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Exposition de la thèse de W

Pour W le problème serait donc constituépar la définition de l’infaillibilité du Pape de1870. D’après lui cette définition serait mal in-terprétée (“notion fausse”), et même si elleétait bien interprétée “elle a contribué beau-coup [per accidens] à une dévalorisation de laTradition…”. Les “libéraux”, adversaires de ladéfinition, auraient changé de stratégie: neplus nier l’infaillibilité des définitions solen-nelles, mais affirmer que tout ce qui n’est passolennellement défini peut être mis en doute.Contre cette nouvelle erreur, les théologienscatholiques, au lieu de rappeler que “ce n’estpas la définition qui fait la vérité”, en seraientarrivés à inventer une fausse infaillibilité duMagistère ordinaire: “les manuels de théolo-gie écrits entre 1870 et 1950, qui, pour établirune vérité non solennellement définie, se sen-tent - visiblement - dans le besoin de construi-re un magistère ordinaire infaillible a priori,calqué sur le magistère extraordinaire in-faillible a priori...”. Ces “‘bons’ auteurs desmanuels ont d’une certaine façon joué le jeudes libéraux, inconsciemment sans doute, enéclipsant la vérité objective derrière la certitu-de subjective, et ils ont ainsi contribué à pré-parer la catastrophe de Vatican II, et de ce‘magistère ordinaire suprême’ de Paul VIgrâce auquel, de fait, il a mis par terrel’Eglise!”. W étend sa critique même à ceuxqui croient à l’infaillibilité [négative] d’un riteliturgique promulgué par le Pape, commeMichael Davies (3). Au contraire, toujoursselon W, pour répondre aux libéraux, il eût étésuffisant alors et il l’est encore aujourd’hui,d’en appeler à la vérité objective, contenuedans la Tradition, comme a fait Mgr Lefebvre.

Liste des erreurs de W

Pour faciliter la lecture de cet article, no-tons tout de suite les erreurs présentes dansle texte de W.

a) Négation de l’infaillibilité du Ma-gistère ordinaire du Pape avec l’adjonctionalléguée comme prétexte de conditions. Lamême chose vaut pour le Magistère Ordi-naire Universel (4).

b) Négation de la règle prochaine denotre foi (le Pape), confondue avec la règleéloignée (la Révélation).

c) Affirmation du fait qu’un rite litur-gique promulgué par le Pape peut être “in-trinsèquement nocif”.

Polémique

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d) Affirmation du fait qu’une définitiondogmatique peut être bonne en elle-mêmemais mauvaise per accidens, c’est-à-dire àcause des circonstances.

e) Affirmation du fait que les définitionsde l’Eglise sont dues uniquement à la dimi-nution de la charité chez les fidèles.

J’examinerai une à une ces thèse de W.Mais, d’abord, puisqu’on discute de la défi-nition de 1870, j’en donne les termes.

La définition dogmatique du Concile Vatican I

Dans la session du 18 juillet 1870, aprèsbeaucoup de discussions dues aux objectionsdes anti-infaillibilistes tendant à éviter la défi-nition, les Pères du Concile (quand nous disonsConcile dans cet article, il s’agit du ConcileVatican I) proclamèrent solennellement:

“Nous attachant fidèlement à la traditionrecueillie dès le commencement de la foi chré-tienne, pour la gloire de Dieu notre Sauveur,pour l’exaltation de la religion catholique et lesalut des peuples chrétiens, avec l’approbationdu saint Concile, Nous enseignons et Nous dé-finissons comme dogme divinement révélé:

Que lorsque le Pontife Romain parle excathedra, c’est-à-dire, lorsque remplissant sacharge de Pasteur et de Docteur de tous leschrétiens, il définit, en vertu de sa suprêmeautorité Apostolique, la doctrine sur la foi ousur les mœurs qui doit être tenue par l’Egliseuniverselle, il est doué, par l’assistance divinepromise dans la personne du bienheureuxPierre, de cette infaillibilité dont le divinRédempteur a voulu que son Eglise fût pour-vue en définissant une doctrine sur la foi ousur les mœurs; et par conséquent, que detelles définitions du Pontife Romain sont ir-réformables par elles-mêmes et non en vertudu consentement de l’Eglise.

Que si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise,avait la témérité de contredire notre défini-tion, qu’il soit anathème” (DS 3074-5) (5).

Selon ce qu’affirme le texte dogmatique, lePape dans l’exercice de sa fonction de Pape (etnon comme personne privée) est infaillible.En d’autres termes, quand, comme pasteur etdocteur universel, le Pape donne un jugementdéfinitif sur une doctrine (relative à la foi ou àla morale), il a le privilège de l’infaillibilité,c’est-à-dire de jouir d’une assistance spécialedu Saint-Esprit pour enseigner la vérité révé-lée sans la moindre erreur. En cela le Pape sedistingue de tous les autres hommes, catho-liques ou non, lesquels n’ont pas cette assistan-

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ce promise par Notre-Seigneur à St Pierre et àses successeurs (Matth. XVI, 19) (6).

Structure de l’article

Puisque W conteste l’autorité en la ma-tière à tous les théologiens des 128 dernièresannées, je me limiterai à citer les textes duConcile Vatican I, comme on les trouvedans le recueil édité par Mansi. En lisant lesactes et l’histoire du Concile, on s’aperçoitcomment W (et beaucoup de traditiona-listes) reprennent les arguments qui étaientle “cheval de bataille” de la minorité libéra-le et anti-infaillibiliste à Vatican I, cher-chant, avant la définition, à augmenter dé-mesurément les conditions de l’infaillibilitédu Pape et, après la définition, à en dimi-nuer la portée de telle manière que le Papene serait infaillible que très rarement.

Après la crise advenue avec le ConcileVatican II et l’introduction du nouveau missel,les “traditionalistes” ont commencé justementà résister à l’“aggiornamento” (qui contreditbeaucoup de vérités de la doctrine catho-lique), en refusant les réformes. Mais quandon leur fit observer que les nouveaux ensei-gnements et les réformes étaient promulguéspar Paul VI (et ensuite par Jean-Paul II), etque par conséquent - comme tous les décretsdu Souverain Pontife - ils devaient être accep-tés puisque garantis par l’infaillibilité, de nom-breux “traditionalistes” ne trouvèrent rien demieux que de reprendre les arguments des li-béraux. Ils ont soutenu que le Pape est in-faillible seulement à certaines conditions toutà fait extraordinaires qui ne sont pas toutesprésentes dans ces réformes; et puisqu’elles nesont pas garanties par l’infaillibilité nous nesommes pas tenus d’obéir. Beaucoup n’ontpas compris, ou ont craint de comprendre, quele refus des réformes mettait en discussionl’autorité qui les avait promulguées.

W suit ce courant de pensée qui à notreavis est contraire à la définition du Concile,tant dans les termes que dans le sens.

Analysons maintenant les points niés parW, en nous étendant plus particulièrementsur le premier.

a) Première erreur de W sur le Magistère or-dinaire et sur les conditions pour l’infaillibilité

Les théologiens distinguent en général unMagistère ordinaire du Pape (seul) et unMagistère ordinaire de l’Eglise (“ordinaire et

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universel”). Le second a été défini comme in-faillible par Vatican I (DS 3011): j’en parleraià la fin de ce point a). Quant au Magistère or-dinaire du Pape, en général on affirme qu’ilest théologiquement certain qu’il est in-faillible. En effet, le Pape jouit de la même in-faillibilité que l’Eglise (DS 3074). Or, l’Egliseest infaillible dans son Magistère ordinaire(DS 3011). Donc, le Pape aussi est infaillibledans son Magistère ordinaire (7). Cette argu-mentation, serait suffisante pour prouvercombien W se trompe gravement. Mais en li-sant les textes du Magistère et les actes deVatican I, je me suis aperçu qu’en réalité lamême définition de l’infaillibilité du Papequand il parle ex cathedra (DS 3074) ne faitaucune distinction entre Magistère ordinaireou solennel du Pape. Chaque fois que le Papeparle non en tant que personne privée, maisen tant que Pape, il enseigne authentique-ment (avec autorité) (8), et donc il peut ensei-gner ex cathedra. Cet enseignement n’est pasrare et extraordinaire, comme dans les défini-tions dogmatiques solennelles (ImmaculéeConception, 1854; Assomption, 1950) maisc’est tous les jours que le Pape peut ensei-gner, de manière définitive, à l’Eglise univer-selle, sur des sujets qui se réfèrent à la foi ou àla morale; évidemment toute l’Eglise est obli-gée d’embrasser, au for externe et interne,l’enseignement de l’autorité suprême. LePape chaque fois qu’il parle de cette manière,n’est pas tenu d’employer un mode détermi-né, ou la forme solennelle: s’il parle commePape, il suffit qu’on comprenne, d’une maniè-re ou d’une autre, qu’il veut donner un juge-ment définitif sur un sujet lié même seule-ment indirectement à la foi ou à la morale.

En conclusion: nous affirmons que leterme ex cathedra indique seulement l’in-faillibilité du Pape tant dans le Magistère or-dinaire que solennel (8 bis). W soutient que leterme ex cathedra indique le Magistère so-lennel, en en exagérant les quatre condi-tions, et en niant toute infaillibilité auMagistère ordinaire. J’en viens maintenant àprouver ma thèse, avec les textes du Ma-gistère et les actes de Vatican I.

Enseignement de l’Eglise sur le MagistèreOrdinaire du Pape

Clément VI en 1351 demanda au pa-triarche des Arméniens de signer une formu-le de foi, dans laquelle on disait aussi: “Si tua cru et crois encore maintenant que seul le

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Pontife Romain peut mettre fin aux doutesqui surgissent autour de la foi catholique, parune délibération authentique à laquelle ondoit adhérer de façon irrévocable, et quetout ce que lui-même déclare être vrai, envertu de l’autorité des clefs à lui remise parle Christ, doit être considéré comme vrai etcatholique, et ce qu’il déclare être faux et hé-rétique, doit être considéré comme tel” (9).

Pie XI enseigne: “Le magistère de l’Eglise,établi ici-bas d’après le dessein de Dieu pourgarder perpétuellement intact le dépôt des vé-rités révélées et en assurer la connaissance auxhommes, s’exerce chaque jour par le PontifeRomain et les évêques en communion aveclui; mais il comporte encore, toutes les foisqu’il est nécessaire pour s’opposer plus effica-cement aux erreurs et aux attaques des héré-tiques ou développer avec plus de clarté ou dedétails certains points de la doctrine sacrée,afin de les mieux faire pénétrer dans l’espritdes fidèles, la mission de procéder par décretsà des définitions opportunes et solennelles”(10). Encore Pie XI: “Rien ne convient moins àun chrétien… de regarder l’Eglise, envoyéepar Dieu cependant, pour enseigner et régirtoutes les nations, comme médiocrement in-formée des choses présentes et de leurs as-pects actuels ou même [de] n’accorder son as-sentiment et son obéissance qu’aux définitionsplus solennelles dont Nous avons parlé,comme si l’on pouvait prudemment penserque les autres décisions de l’Eglise sont enta-chées d’erreur ou qu’elles n’ont pas un fonde-ment suffisant de vérité et d’honnêteté” (11).

Pie XII: «Il ne faut pas estimer non plusque ce qui est proposé dans les encycliquesne demande pas de soi l’assentiment, lesPapes n’y exerçant pas le pouvoir suprêmede leur Magistère. Cet enseignement estcelui du Magistère ordinaire auquel s’ap-plique aussi la parole: “Qui vous écoute,m’écoute” (Lc X, 16); et le plus souvent cequi est proposé et rappelé dans les ency-cliques appartient déjà par ailleurs à la doc-trine catholique. Que si les SouverainsPontifes portent expressément dans leursactes un jugement sur une matièrejusqu’alors controversée, il est évident pourtous que cette matière, cesse par là même,suivant la pensée et la volonté de ces mêmesPontifes, d’appartenir au domaine des ques-tions librement discutées entre théologiens»(12). Encore Pie XII: «Le Magistère n’est-ilpas… la première charge de notre Siègeapostolique? (…) Sur la Chaire de Pierre,

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Nous prenons place uniquement commeVicaire du Christ, Nous sommes son repré-sentant sur terre; Nous sommes l’organe parl’intermédiaire duquel fait entendre sa voixCelui qui est le seul Maître de tous (Eccededi verba mea in ore tuo, Jér. I, 9)» (13).

Il résulte de ces textes que l’Eglise a ensei-gné que le Magistère infaillible peut être soitordinaire (exercé tous les jours) soit solennel.

Enseignement du Concile Vatican I sur leMagistère du Pape

La matière traitée par le Concile fut prépa-rée par des commissions qui s’étaient réuniesavant le Concile lui-même et elle fut présentéeaux Pères sous forme de schémas. Ces der-niers étaient discutés par les Pères qui, s’ilsl’estimaient nécessaire, proposaient des amen-dements, examinés ensuite par les membresde la Députation de la Foi (14). La Députationjoua donc un rôle central, en répondant aussiaux objections de ce qui était contraire auxschémas proposés. Pour notre question les in-terventions des membres de la Députation dela Foi sont donc de grande importance ainsique leurs réponses aux objections: ce sont eneffet ces prélats qui expliquèrent le sens exactde la définition conciliaire, en corrigeant lesfausses interprétations. Pour une bonne inter-prétation du Concile, les schémas proposés ai-dent également, même ceux qui ne furent pasdiscutés du fait de l’interruption du Concile;normalement les schémas qui furent traités,reçurent peu de modifications, au moins pasdans la substance. Enfin sont également utilescertaines interventions des Pères favorables àla définition dans laquelle on peut trouver despreuves incontestables sur l’infaillibilité duPape: le Concile leur donna raison en définis-sant le dogme. En m’appuyant sur ces témoi-gnages, j’examinerai successivement les cé-lèbres “quatre conditions” qui, en réalité, nesont que l’explication du terme ex cathedra,expression que je commenterai à la fin. Suivraun appendice sur le Magistère ordinaire duPape et sur le Magistère ordinaire et universel.Je conclurai ainsi l’analyse de la première er-reur de W [point a)].

Les quatre conditions

Selon la thèse de W le Pape est infaillible“à quatre conditions”, et non “à trois etdemi”. Etant donné que W n’a pas inventéces conditions, mais qu’elles sont tirées de la

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définition conciliaire, voyons quelle significa-tion en a donné le Concile. Rappelons cequ’elles sont. Le Pape: 1) en vertu de sa su-prême autorité; 2) définit; 3) une doctrine surla foi ou les mœurs; 4) en affirmant que cettedoctrine doit être tenue par toute l’Eglise.

1ère condition: Le Pape utilise sa suprêmeautorité

Différentes objections étaient apparuescontre la définition de l’infaillibilité duPape, parmi lesquelles certaines portant surla doctrine, d’autres sur l’opportunité de ladéfinition, d’autres sur l’objet qu’il seraitdifficile de délimiter, d’autres sur le termemême qui pouvait être mal interprété. LaDéputation de la Foi par l’intermédiaire deMgr Gasser, évêque de Bressanone (15) ré-pondit aux objections et donna l’explicationdu texte, qui fut ensuite défini.

“Le sujet de l’infaillibilité est le RomainPontife, en tant que Pontife, ou bien en tantque personne publique en relation à l’Egliseuniverselle” (16). “Or, quelques Pères du Con-cile, dit Gasser, ne se contentent pas de cesconditions; ils veulent encore introduire danscette constitution dogmatique certainesconditions ultérieures qui de différentes ma-nières se trouvent dans plusieurs traités dethéologie et qui se rapportent à la bonne vo-lonté et au zèle du Pape pour la recherche dela vérité”. Gasser répondit que peu impor-taient les motivations et les intentions duPontife, qui regardaient sa conscience, maisque seul comptait le fait qu’il parlait àl’Eglise: “Notre-Seigneur Jésus-Christ (...) avoulu faire dépendre le charisme de la véritéde ses [du Pontife] rapports publics avectoute l’Eglise; autrement, le don de l’In-faillibilité ne serait pas un moyen efficacepour le maintien et le rétablissement del’unité chrétienne. C’est pourquoi il n’est pasà craindre que l’Eglise puisse jamais être in-duite en erreur par la mauvaise volonté oupar la négligence d’un Pape. La protection deJésus-Christ et l’assistance promise à Pierresont si puissantes, qu’elles empêcheraient lejugement du Pape s’il était erroné ou nuisibleà l’Eglise, et que, si, de fait, le Pape rend undécret, ce décret sera infailliblement vrai” (17).

La première condition indique donc quele Pape parle comme Pape et non en tantque personne privée: cela sera encore mieuxmontré dans le paragraphe traitant de la for-mule ex cathedra.

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2ème condition: Il définit.3ème condition: Une doctrine sur la foi oules mœurs.

Mgr Gasser explique ce point: “On de-mande l’intention manifeste de définir unedoctrine, veut dire mettre fin à la fluctuationsur une doctrine ou sur une chose à définir,en donnant un sentence définitive, et enproposant cette doctrine comme devant êtretenue par l’Eglise universelle” (18).

En d’autres termes, le Pape fait com-prendre, d’une certaine manière, qu’une doc-trine ne peut être librement discutée dansl’Eglise. Si au contraire il ne veut pas ré-soudre la ques-tion, alors ellereste ouverte, iln’y a pas de défi-nition, mais uneorientation pra-tique qui peutêtre revue. Pare x e m p l e ,Grégoire XVI seprononça de ma-nière définitivesur la liberté reli-gieuse dans unesimple ency-clique (19), et -puisque certainscroyaient qu’il n’avait pas porté un jugementdéfinitif - il le répéta dans une autre ency-clique (20). Léon XIII a donné un jugementdéfinitif sur la validité des ordinations angli-canes; Pie XII sur le caractère licite des “mé-thodes naturelles” ou sur la matière et laforme du Sacrement de l’Ordre. Pie XII tou-jours confirma dans l’encyclique Humani ge-neris que la doctrine exposée dans MysticiCorporis était définitive (21) et, dans la mêmeencyclique, il clarifia comment, alors que surcertains points de la théorie évolutionniste ily a encore liberté de recherche et discussion(donc il ne définit pas) sur d’autres points aucontraire (comme la création directe de l’âmehumaine de la part de Dieu, ou la condamna-tion du polygénisme) il n’y a pas cette liberté(DS 3896-7).

Pour ce qui regarde la troisième condi-tion (l’objet de la définition) personne nemet en doute que le Pape soit infailliblequand il définit un dogme concernant direc-tement la foi ou la morale, et/ou condamnel’hérésie opposée (objet primaire du Ma-

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gistère). Cette infaillibilité du Pape est defoi, celui qui la nie est hérétique. Le Pape,cependant, est infaillible également quand iltraite de tout ce qui a une relation même in-directe avec la foi et la morale (objet secon-daire du Magistère): cette infaillibilité duPape est au moins théologiquement certaine(22), celui qui la nie commet un péché trèsgrave contre la foi (23). Pour rendre explicitel’infaillibilité du Pape y compris sur l’objetsecondaire, certains Pères conciliairesavaient proposé d’ajouter au mot “définit”,le mot “décrète” (decernit). Mgr Gasser ré-pondit ainsi: «La Députation de la foi n’a pasl’intention de donner à ce verbe [définit] le

sens juridique,pour lequel il si-gnifie seulementque l’on met finà des contro-verses qui surgi-rent en matièred’hérésie oud’une doctrine,qui appartient àproprement par-ler à la foi. Maisle mot “définit”signifie que lePape, directe-

ment et de façon àclore la question,

prononce son jugement sur une doctrine quiconcerne les choses de la foi et de la morale,de telle sorte que désormais chaque fidèlepuisse être certain de la pensée du SiègeApostolique, de la pensée du Pontife Romain;de telle manière que chacun sache avec certi-tude que telle ou telle doctrine est considéréepar le Pontife Romain comme hérétique,proche de l’hérésie, certaine ou erronée, etc.Tel est le sens du terme “definit” (...) En ap-pliquant cette infaillibilité aux seuls décrets duPontife Romain, il faut faire une distinction:de telle manière que quelques-uns (et la mêmechose vaut pour les définitions dogmatiquesdes conciles) sont certains de foi: c’est pour-quoi celui qui nierait que le Pontife dans cedécret serait infaillible, déjà, par le fait même(…) serait hérétique; d’autres décrets duPontife Romain sont eux aussi certains quantà l’infaillibilité, mais cette certitude n’est pasla même (...) en sorte que cette certitude seraseulement une certitude théologique en cesens, que celui qui nierait que l’Eglise ou de lamême façon le Pontife dans ce décret serait

Une session du Concile Vatican I

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infaillible, ne serait pas ouvertement hérétiqueen tant que tel, mais commettrait une erreurtrès grave et, en se trompant de cette manière,un péché très grave» (24).

En résumant: la 2ème condition, définir,signifie enseigner de manière définitive; la3ème (sur la foi et les mœurs) inclut nonseulement les choses révélées, mais aussi -bien que différemment - les choses connexesà la révélation.

4ème condition: Il affirme que cette doctri-ne doit être tenue par toute l’Eglise

L’expression “doit être tenue” est liée àce qui vient d’être dit, c’est-à-dire indiquel’assentiment qu’il faut donner y compris auxvérités non contenues formellement dans ledépôt de la révélation, qui ne sont pas stric-tement “de foi” (ces dernières doivent être“crues” et non seulement “tenues”). LeConcile a fait cette distinction pour mettreen évidence que l’objet de l’infaillibilité estdouble, contre les libéraux qui voulaient lerestreindre uniquement aux vérités de foi.Salaverri expose largement cette distinctionfaite au Concile (25). En outre si le Pape parlecomme Pape, et définit une doctrine concer-nant la foi et la morale, il est évident quetous les fidèles sont tenus de l’embrasser,même si cela n’est pas dit explicitement.

W, au contraire, semble vouloir dire quele Pape, pour être infaillible, devrait spécifierexplicitement que toute l’Eglise est tenued’adhérer à cette doctrine, comme si unchrétien pouvait ne pas adhérer à la Révé-lation! Cette interprétation est fausse.Durant le Concile, l’évêque de Burgos, MgrAnastasio Yusto, pensa qu’il était nécessaired’ajouter, précisément dans ce point de ladéfinition, la phrase suivante, pour rendreplus explicite le devoir des fidèles d’embras-ser la doctrine proposée: “L’obligation res-tant ferme, à laquelle tous les catholiquessont tenus de se soumettre au Magistère su-prême du Pontife Romain quant aux autresdoctrines, qui ne sont pas proposées commede foi…” (26). Mgr Gasser, au nom de laDéputation de la Foi, jugea cette phrase in-opportune, en ajoutant que cela avait déjàété fait dans la Constitution dogmatique ap-prouvée par le Concile (27). Le Concile eneffet avait défini: “L’Eglise, qui avec la char-ge apostolique d’enseigner, a reçu le mandatde garder le dépôt de la foi, a aussi, par Dieu,le droit et le devoir de proscrire la fausse

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science, pour que personne ne soit trompé parla philosophie et par des manœuvres vaines.C’est pourquoi les fidèles chrétiens non seule-ment n’ont pas le droit de défendre comme lé-gitimes conclusions de la science les opinionsreconnues contraires à la doctrine de la foi,spécialement si elles sont condamnées parl’Eglise, mais sont strictement tenus de lesconsidérer plutôt comme des erreurs, quin’ont qu’une trompeuse apparence de vérité”(28). Il ressort de cela qu’il est évident que lesfidèles sont toujours tenus d’adhérer aux ju-gements de l’Eglise: il n’est pas nécessaireque l’Eglise spécifie cette obligation.

Cette question, n’est pas non plus nouvel-le, et a déjà été résolue depuis longtemps (29).Nous rapportons un texte du P. Kleutgen, auConcile: “On doit la soumission de l’esprit àl’Eglise qui définit, même si elle n’ajouteaucun précepte. Puisqu’en effet Dieu nous adonné l’Eglise comme mère et maîtressepour tout ce qui concerne la religion et lapiété, nous sommes tenus de l’écouter quandelle enseigne. C’est pourquoi, si la pensée etla doctrine de toute l’Eglise apparaît, noussommes tenus d’y adhérer, même s’il n’y apas de définition: combien plus donc si cettepensée et cette doctrine nous apparaissentpar une définition publique?” (30).

Mais, certains, croient que quand le Papes’adresse à une ou à quelques personnes,même s’il définit une doctrine qui vaut pourtoute l’Eglise, il ne serait pas infaillible. Ils’agit d’une erreur (31). Le Pape peut s’adres-ser à quiconque, même à une seule personne,mais s’il parle comme Pape, comme personnepublique, comme Chef de toute l’Eglise (et cequ’il dit a rapport au dépôt révélé, avec la vo-lonté de clore une question) toutes les “condi-tions” sont réalisées. Ainsi Pie XII, dans undiscours adressé aux sages-femmes italiennes(29-10-1951) - donc un groupe particulier depersonnes - résolut la discussion sur l’usagedes “méthodes naturelles”. Les erreurs deMarsile de Padoue furent condamnées dansun document adressé à l’évêque de Worcester(DS 941); Benoît XIV résolut le problème del’incorporation des hérétiques à l’Eglise envertu du Baptême, dans une lettre à l’évêqued’York (DS 2566 et ss.). C’est pourquoiGrégoire XVI, en s’adressant à l’évêque deFribourg, enseigna: “[Ce que nous venons dedire] est conforme aux enseignements et aver-tissements que vous savez déjà formulés, véné-rable frère, soit dans nos Lettres ouInstructions aux divers archevêques et évêques,

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soit dans celles de notre prédécesseur Pie VIII,édictées par ses ordres ou par les nôtres. Il im-porte peu que ces instructions aient été donnéesseulement à quelques évêques qui avaientconsulté le Siège Apostolique, comme si la li-berté était accordée aux autres de ne pas suivrecette décision!” (32).

Conclusion: toutes les fois que le Papeparle comme Pape, et définit une doctrinequi concerne la foi ou la morale, il est in-faillible et tous les catholiques sont obligésde tenir ou de croire la doctrine définie.

Ex cathedra

Cette expression, qui renferme en elle-même la signification des soi-disant “quatreconditions”, a été expliquée de manière ex-plicite par le Concile.

Mgr Gasser: «Le pontife est dit infailliblequand il parle “ex cathedra”. Cette expressiona dans l’école un sens tout à fait déterminé,reçu dans la définition même, savoir: lorsquele Pape parle ex cathedra: premièrement il nedécide rien comme personne privée, ni simple-ment comme évêque, ou chef d’un diocèse oud’une province de l’Eglise, mais il parlecomme pasteur et docteur de toute la chrétien-té; deuxièmement, il ne suffit pas de présenterla doctrine d’une manière quelconque; on re-quiert encore l’intention manifestée de mettrefin, par une décision définitive, aux fluctua-tions d’une doctrine, et d’obliger toute l’Egliseà accepter cette décision. Ce dernier estquelque chose d’intrinsèque à toute définitiondogmatique sur la foi ou la morale, qui est en-seignée par le suprême pasteur et docteur del’Eglise universelle et qui doit être tenue partoute l’Eglise universelle: [le Pape] doit aussiexprimer cette même propriété et cette note dedéfinition proprement dite en quelque maniè-re, quand il définit la doctrine qui doit êtretenue par toute l’Eglise» (33).

Le P. Kleutgen expliquait dans la relationau schéma réformé: «Ce que l’on voit par lacharge de l’Eglise, on le connaît aussi par lesparoles par lesquelles Jésus-Christ a promisl’assistance de l’Esprit divin: “Il vous ensei-gnera toutes choses” (Jn XIV, 26); “Il vousenseignera toute la vérité” (Jn XVI, 13). Cesmots certes ne doivent pas être pressés, selonnous, [de manière à comprendre] que l’Egliseserait instruite par le Saint-Esprit même dansles choses qui n’ont rien à voir avec le salutéternel; mais il ne faut pas non plus lesprendre d’une manière si restrictive, qu’on

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pense que l’Eglise n’est guidée que dans lesaffirmations révélées. Une promesse si amplene comprend-elle donc pas toutes les chosesdont la connaissance est nécessaire pour com-prendre avec fruit la doctrine du Christ, et lasuivre dans toute notre vie? Et il n’est pas re-quis, pour que les jugements de l’Eglise surces choses soient très certains, que l’Esprit-Saint lui fasse de nouvelle révélations, maisseulement qu’il la dirige, et dans la compré-hension de la parole de Dieu, et dans l’usagede la raison. Est-ce que nous-mêmes nous nejugeons pas chaque jour beaucoup de chosesnon révélées à partir des vérités révélées, etest-ce que nous ne devons pas faire ainsi? Ceque donc nous faisons chacun avec risqued’erreur, l’Eglise le fait dans ses jugementspublics, en étant protégée contre ce risque parl’assistance du Saint-Esprit (…).

Dans d’autres livres publiés on lit, d’aprèsune sentence commune des théologiens, quele Pontife Romain alors seulement parle “ecathedra”, quand il propose à croire desdogmes de foi divine. Il est vrai que, si l’onconsidère seulement les mots, on lit cela chezplusieurs théologiens plus récents; mais cettesentence est loin d’être commune parmi lesthéologiens. Tous les anciens et beaucoupparmi les récents rendent ces paroles “parlaree cathedra” avec ces ou semblables: “iudicia-liter”, ou “in iudicio determinare”, “pro po-testate decernere”, “cum auctoritate aposto-lica”, “ut papam loqui” (34) etc. de telle sorteque la locution e cathedra se distingue del’autre par la manière avec laquelle enseignele pontife, non par la chose qu’il transmet, nipar la censure qu’il émet. Il semble que mêmeles plus récents (…) n’en donnent pas une si-gnification différente. En effet puisque,comme il arrive parfois, ils expliquent lachose au moyen des contraires, ils ne disentpas: il n’y a pas de locution e cathedra, si lePontife Romain condamne une opinion parune censure mineure; mais si ce qu’il luisemble, il l’exprime ou le conseille, sans tou-tefois décréter quelque chose avec autorité.Donc ces théologiens parlent de dogme defoi, lorsqu’ils distinguent la sentence définieavec autorité apostolique par la sentence dudocteur privé, et non lorsqu’ils distinguent lasentence définie avec la note d’hérésie de celledéfinie avec une censure mineure» (35).

Il ressort clairement de ces explicationsque le terme ex cathedra s’oppose au terme“docteur privé”, et indique le Pape quand,comme personne publique, il définit

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quelque chose qui fait partie de l’objet pri-maire ou secondaire du Magistère.

De manière claire et populaire Mgr deSégur, dans un ouvrage approuvé par Pie IX,confirme cette conclusion: “Il faut distinguerici: dans le Chef de l’Eglise, il y a le Pape etl’homme. L’homme est faillible, comme tousles autres hommes. Lorsque le Pape parlecomme homme, comme personne privée, ilpeut parfaitement se tromper, même quand ilparle des choses saintes. Comme homme, lePape n’est pas plus infaillible que vous et moi.

Mais quand il parle comme Pape, commeChef de l’Eglise et comme Vicaire de Jésus-Christ, c’est une autre affaire. Alors il est in-faillible: ce n’est plus l’homme qui parle, c’estJésus-Christ qui parle, qui enseigne, qui jugepar la bouche de son Vicaire” (36).

Magistère ordinaire et conditions

Dans certains textes du Concile il ressortclairement que les Pères, quand ils parlentd’infaillibilité, ne font pas de distinction entrele magistère ordinaire, qui s’exerce continuel-lement, et le magistère solennel. Et ils n’affir-ment pas non plus que l’infaillibilité n’existeque dans des canons, des formes solennellesou dans des conditions particulières.

Mgr Gasser, au nom de la Députation dela foi, dans l’intervention susmentionnée,s’exprimait ainsi: “Dans l’Eglise de Jésus-Christ (...) le centre de l’unité doit agir sansinterruption, avec une certitude constante etsans exception” (37). “Les Pontifes romains sesont toujours levés comme témoins, docteurset juges de l’Eglise entière, pour la défense dela vérité chrétienne, parce qu’ils savaientqu’en vertu de la promesse divine ils étaientprotégés contre l’erreur. Qu’on ne dise pasque les Papes, en affirmant ainsi l’autorité duSiège romain, ont parlé dans leur proprecause, et que pour cette raison leur autoritén’a point de valeur. S’il en était ainsi, si pourcette raison il fallait récuser le témoignage desPapes de Rome, c’en serait fait de toute la hié-rarchie de l’Eglise: car l’autorité de l’Egliseenseignante ne peut se prouver que parl’Eglise enseignante elle-même” (38).

Le même rapporteur de la Députationtrouve une autre preuve de l’infaillibilité duPape dans la nécessité pour les catholiques dela communion avec la chaire de Pierre (39):«Cette foi des Papes en leur Infaillibilité per-sonnelle, l’Eglise l’a affirmée (...) quand elleregardait l’union avec le Saint-Siège comme

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entièrement et absolument nécessaire. Carl’union avec la Chaire de Pierre était et valaitl’union avec l’Eglise et avec Pierre lui-même, etpar conséquent avec la vérité révélée par Jésus-Christ. Saint Jérôme écrit ainsi: “Je ne connaispas Vitalis, je rejette Mélétius, Paulinus m’estinconnu. Celui qui ne recueille pas avec toi(c’est-à-dire avec le Pape Damase), disperse;en d’autres termes, celui qui n’est pas avecJésus-Christ est avec l’Antéchrist (40) (...)“L’Eglise a fait connaître son assentiment à lafoi des Papes, en ce que tous les chrétiens, véri-tablement croyants, rejetaient toute doctrinecomme erronée dès qu’elle avait été condam-née et rejetée par un Pape. “Comment l’Italieadmettrait-elle, dit saint Jérôme (41), ce queRome a rejeté? Comment les évêques admet-traient-ils ce que Rome a condamné?”. Enfin,nous pouvons encore prouver cet assentimentpar ce fait que, dans toutes les questions de foi,on avait recours au Siège apostolique, commeà Pierre et à l’autorité de Pierre, et que jamaisil n’a été permis d’en appeler du Siège romainet de ses décisions dogmatiques».

Mgr Gasser répondait encore ainsi à quel-qu’un qui soutenait que le Pontife, en don-nant des définitions, devait observer une cer-taine forme: “Ceci ne peut être fait, en effet ilne s’agit pas d’une chose nouvelle. Déjà desmilliers et des milliers de jugements dogma-tiques furent promulgués par le Siège aposto-lique; mais où est donc le canon qui prescrit laforme à observer dans ces jugements?” (42).

Mgr de Ségur disait la même chose: «[LePape] est infaillible quand il parle commePape (...) mais non pas quand il parle commehomme. Et il parle comme Pape, lorsqu’il en-seigne publiquement et officiellement des véri-tés qui intéressent toute l’Eglise, au moyen dece qu’on appelle une Bulle, ou une Encyclique,ou quelque autre acte de ce genre» (43).

Une confirmation de ce que nous avonsexposé se trouve dans différentes interven-tions des Pères du Concile du Vatican, parmilesquels Mgr de la Tour d’Auvergne, évêquede Bourges (44), Mgr Maupas, évêque de Zara(45), Mgr Freppel, évêque d’Angers (46). Poureux le Pape est infaillible avec son Magistèreordinaire, qui s’exerce continuellement, sansnécessité d’en exagérer les conditions.

Magistère ordinaire universel et conditions

Jusqu’à maintenant on a parlé unique-ment du magistère du Pape. Les dominicainsd’Avrillé, qui ont publié le texte de W, affir-

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ment, dans une note, qu’il faut également desconditions dans le magistère ordinaire et uni-versel des évêques (unis au Pape). Et, dulcisin fundo, on ne sait pas quelles sont cesconditions! Le Concile du Vatican ne l’auraitpas dit. Il aurait défini que ce magistère estinfaillible, mais n’en ayant pas précisé lesconditions il resterait complètement obscur,nous ignorerions quand il existe. En pratiquele Concile aurait défini… rien du tout! Lisezplutôt: “Le concile Vatican I a aussi exposéque les catholiques devaient croire, en plusdes jugements solennels, l’enseignement dumagistère ordinaire universel (DS 3011).Mais il n’a pas précisé à quelles conditions cemagistère ordinaire est infaillible” (47). Orl’affirmation, dite de cette manière, contreditla définition du Concile du Vatican, qui ex-pose clairement quand ce Magistère est in-faillible, en définissant que tout enseigne-ment du M.O.U. est de foi: “Est à croire defoi divine et catholique tout ce qui est contenudans la parole de Dieu ou écrite ou transmise,et que l’Eglise, soit par un jugement solennel,soit par son magistère ordinaire et universel,propose à croire comme divinement révélé”(DS 3011). La définition a été reprise égale-ment par le Code pie-bénédictin (can. 1323,§1). Pie IX déjà dans Tuas libenter avait en-seigné que l’acte de foi ne doit pas être limitéaux vérités définies, mais doit s’étendre à “cequi est transmis comme divinement révélé parle magistère ordinaire de toute l’Eglise disper-sée sur la terre” (48). Complètement obscur?Pour qui ne l’aurait pas encore compris (maisil n’est pire aveugle…), tout cela veut direque chaque fois que l’Eglise, c’est-à-direl’union morale de tous les évêques unis auPape, enseigne une vérité comme apparte-nant au dépôt révélé, elle doit être crue defoi divine. Les fameuses conditions? Elles ysont toutes: 1ère: tous les évêques avec lePape constituent l’Eglise enseignante, la su-prême autorité; 2ème: propose à croire;3ème et 4ème: une vérité contenue dans laRévélation, qui requiert d’elle-même l’assen-timent à cause de l’autorité de Dieu quirévèle (49). Ce que l’on peut dire tout au plusc’est que le fidèle a une plus grande facilité àconnaître une vérité enseignée par le magis-tère solennel que par le magistère ordinaireet universel. Nous avons déjà parlé lon-guement dans Sodalitium de tout ce qui re-garde le Magistère Ordinaire et Universel etnous invitons les lecteurs à se reporter auxarticles publiés (50).

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b) Deuxième erreur de W: négation de laRègle prochaine de notre foi, confondueavec la règle éloignée

W affirme d’abord une chose juste: la dé-finition de l’Eglise ne “fait” pas les vérités,elles nous ont été révélées par Dieu, ellesexistent avant la définition de l’Eglise, la-quelle les porte à la connaissance des fidèles.Pour s’en convaincre, il suffit de relire préci-sément Vatican I, là où il est écrit: “Ce n’estpas, en effet, pour publier, sous sa révélation,une doctrine nouvelle, que le Saint-Esprit aété promis aux successeurs de Pierre, maispour garder saintement et exposer fidèlement,avec son assistance, le dépôt de la foi ou la ré-vélation transmise par les Apôtres” (PastorÆternus, ch. IV, DS 3070). L’objet de notrefoi, donc, est la divine révélation (contenuedans la Tradition et dans l’Ecriture) et lemotif de la foi est l’autorité de Dieu qui serévèle, comme l’enseignent tous les manuelstant méprisés par W. Mais W poursuit:“Dire que (…) là où il n’y a pas de définitionà quatre conditions, il n’y a pas de vérité cer-taine, c’est perdre tout sens de la vérité, c’estla maladie du subjectivisme qui ne peutconcevoir de vérité objective sans certitudesubjective” (51). Ici il démontre ne pas com-prendre pleinement le rôle important du ma-gistère de l’Eglise. En effet, comment un fi-dèle peut-il tout seul connaître la vérité “ob-jective”? St Augustin écrivait: “Je ne croiraispas aux Evangiles, si l’autorité de l’Eglise ca-tholique ne me le disait” (52). De la mêmemanière, paraphrasant St Augustin, on peutdire: “Je ne croirais pas à la Tradition, sil’autorité de l’Eglise catholique ne me le di-sait”. Un fidèle, comment peut-il savoir, parexemple, que l’Evangile de St Jean est inté-gral, que les quatorze Epîtres de St Paul oules livres des Macchabées sont révélés, quecertaines œuvres de Tertullien sont bonneset d’autres non, que le Concile de Nicée estœcuménique, qu’il faut interpréter rigoureu-sement certains écrits de St Augustin…? Ildevrait se fier à sa perspicacité, se donnant àun libre examen de l’Ecriture ou de laTradition, comme soutiennent les anglicanset les orthodoxes? Ne serait-ce pas tomberdans un autre subjectivisme? C’est juste-ment ce qu’affirment les protestants pour laSainte Ecriture: chacun la lit et est capablede lui-même d’en comprendre le sens.Même chose pour les modernistes: étantdonné que nombre d’entre eux avaient ac-

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compli des études approfondies d’exégèse,ils estimaient pouvoir interpréter les SaintesEcritures tout seuls, sans devoir se sou-mettre au Magistère de l’Eglise, et St Pie Xcondamna leur théorie (DS 3401-8). Et voilàque W soutient la même chose à propos dela Tradition: chacun peut de lui-même cher-cher dans la Tradition les vérités à croire, laTradition serait la règle prochaine de la foi,indépendamment du Magistère de l’Eglise(53). A part l’énorme difficulté pratique (onne voit pas comment un fidèle peut consul-ter Migne, Mansi, la Patristique…), com-ment fera-t-on pour choisir et interpréter letexte d’un ou de plusieurs Pères? Commentfera-t-on pour juger si telle tradition estbonne ou mauvaise? La discipline de l’Eglisea changé à travers les siècles; par exemple: lacommunion sous les deux espèces est-elleplus “traditionnelle” que celle sous uneseule espèce? Même parmi les plus grandsPères de l’Eglise il peut y avoir des discor-dances, ou des interprétations douteuses. Cefut exactement cela l’erreur des jansénistes:prendre St Augustin comme règle prochainede la foi, prétendre savoir lui donner la justeinterprétation, indépendamment du Ma-gistère de l’Eglise.

La Tradition ne peut être règle prochai-ne: si un doute surgit entre les catholiques,qui pourra le résoudre? La Tradition estmuette, le Magistère au contraire parle, peutrésoudre les questions. Dieu Lui-même, ennous donnant la Révélation, a voulu nousdonner l’instrument, objectif et non subjectif,afin qu’infailliblement nous puissionsconnaître quelles sont les vérités que nousdevons croire pour notre salut. Cet instru-ment est le Magistère de l’Eglise, qui puisedans la Révélation (contenue dans l’Ecritureet la Tradition) et, assisté par le Saint-Esprit,propose à croire aux fidèles les vérités révé-lées ou connexes au révélé. La définition in-faillible sur le Magistère ordinaire et univer-sel, considérée ci-dessus (DS 3011), juste-ment illustre ceci: tout fidèle doit croire defoi le révélé que l’Eglise lui propose de croi-re. C’est pourquoi l’on dit: Ecriture et Tra-dition constituent la Règle éloignée de la Foi;le Magistère est la Règle prochaine de notrefoi, c’est-à-dire qu’elle est plus proche du fi-dèle. Sodalitium a déjà traité de ce sujet (54).

Si la règle prochaine de la Foi était laTradition, alors tout progrès du dogme seraitimpossible: la charge de l’Eglise serait uni-quement de conserver les dogmes, comme

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affirment les “orthodoxes”. En effet, seloncette manière de voir, si l’on voulait étudierle dépôt révélé pour le connaître plus pro-fondément et pour expliciter les véritéscontenues de manière implicite, on se trou-verait devant un problème insoluble: les vé-rités découvertes grâce à cette étude, étant“nouvelles” à notre connaissance, contredi-raient la règle prochaine, la Tradition, etl’Eglise ne pourrait jamais les définir.

Au contraire, pour la doctrine catholique,la Tradition est la règle éloignée, alors que leMagistère vivant est la règle prochaine denotre foi. C’est le Magistère qui donne labonne interprétation de l’Ecriture et de laTradition, et ce n’est pas à nous de le faire.Nous prouverons notre assertion par l’autoritédu Magistère et du Concile Vatican lui-même.

Enseignement de l’Eglise sur la Règleprochaine de la foi

Pie XII (55) enseigne: «Et bien que ceMagistère sacré doive être pour tout théolo-gien, en matière de foi et de mœurs, la règleprochaine et universelle de vérité, - puisquec’est à lui que le Christ Notre-Seigneur aconfié tout le dépôt de la foi, Ecriture Sainte etTradition, à garder, à défendre et à interpréter- toutefois le devoir qu’ont les fidèles d’éviteraussi les erreurs qui voisinent plus ou moinsavec l’hérésie, et par conséquent d’“observeraussi les constitutions et décrets par lesquels leSaint-Siège proscrit et prohibe de telles opi-nions mauvaises” (56), est parfois aussi ignoréd’eux que s’il n’existait pas. Ce qui est exposédans les encycliques des Souverains Pontifessur le caractère et la constitution de l’Egliseest, par certains, délibérément et habituelle-ment, négligé dans le but de faire prévaloirune notion vague qu’ils disent prise aux an-ciens Pères, spécialement aux Grecs. LesPapes, en effet, répètent-ils, n’entendent pas seprononcer sur les questions qui sont matière àdiscussion entre les théologiens; c’est pourquoiil faut retourner aux sources et expliquer parles écrits des anciens les constitutions et dé-crets récents du magistère. C’est peut-êtrebien dit, mais ce n’est pas exempt de sophis-me. De fait, il est vrai que les Papes laissentgénéralement aux théologiens la liberté sur lesquestions disputées entre les docteurs les plusrenommés, mais l’histoire enseigne que biendes choses qui furent d’abord laissées à lalibre discussion ne peuvent plus désormaissupporter aucune discussion».

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Léon XIII: «Quant à déterminer quellessont les doctrines révélées de Dieu, c’est lamission de l’Eglise enseignante, à laquelleDieu a confié la garde et l’interprétation deses paroles. Dans l’Eglise, le docteur suprêmeest le Pontife Romain. (…) [Il faut l’obéissan-ce au Magistère de l’Eglise et du Pape].L’obéissance doit être parfaite, parce qu’elleest exigée par la foi elle-même, et elle a cela decommun qu’elle ne peut pas être partielle…C’est ce que St Thomas d’Aquin expliqued’une manière admirable dans le passage sui-vant: “(…) Or, il est manifeste que celui quiadhère à la doctrine de l’Eglise comme à unerègle infaillible donne son assentiment à toutce que l’Eglise enseigne; autrement, si, parmiles choses que l’Eglise enseigne, il admet cequ’il veut et n’admet pas ce qu’il ne veut pas,il adhère non plus à la doctrine de l’Eglisecomme à une règle infaillible, mais à sapropre volonté… L’unité [de l’Eglise] ne sau-rait être sauvegardée que si toute questionsoulevée en matière de foi est résolue par celuiqui est le chef de l’Eglise entière, de sorte quesa sentence soit fermement acceptée par toutel’Eglise. C’est pourquoi de l’autorité duSouverain Pontife seul relève une nouvelleédition du Symbole comme toutes les autreschoses qui regardent l’Eglise universelle”(57)… C’est pourquoi le Souverain Pontifedoit pouvoir déclarer avec autorité ce quecontient la parole divine, quelles doctrinesconcordent avec elle et quelles doctrines s’enécartent: pour la même raison, il doit pouvoirmontrer ce qui est bien et ce qui est mal, cequ’il faut faire et ce qu’il faut éviter pour faireson salut; autrement, il ne pourrait être ni l’in-terprète infaillible de la parole de Dieu, ni leguide sûr de le vie humaine» (58).

St Pie X place également dans la règle dela foi les lois de l’Eglise et tout ce que le Papecommande: “C’est dans cette obéissance à lasuprême autorité de l’Eglise et du SouverainPontife, autorité qui nous propose les véritésde la foi, nous impose les lois de l’Eglise etnous commande tout ce qui est nécessaire àson bon gouvernement, c’est dans cette autori-té que se trouve la règle de notre foi” (59).

Enseignement du Concile du Vatican sur laRègle prochaine de la foi

Mgr Gasser, dans sa mémorable inter-vention, prouve que le Pape est infailliblepuisque son Magistère constitue la règle dela foi (60): “Un témoignage indirect [de l’in-

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faillibilité provient de] la règle de foi que lespremiers Pères ont composée (...). St Irénée,qui montre la règle de la foi dans l’accord desEglises fondées par les Apôtres, propose enmême temps, comme vous le savez, une autrerègle plus courte et plus sûre: la tradition del’Eglise romaine, avec laquelle tous les fidèlesde la terre doivent être d’accord, à cause de saprééminence, et dans laquelle ils conserventtous, par leur union avec le centre de l’unité,la tradition apostolique. Ainsi donc, selon StIrénée (60 bis), la foi de l’Eglise romaine est enmême temps, à cause de sa primauté, la lignede conduite pour toutes les autres Eglises, et àcause de sa dignité, comme point central, leprincipe conservateur de l’unité (...).

Cette même règle de foi, St Augustin l’ex-pose en ces termes (...) Il suffit donc [pourlui], pour condamner l’erreur des Donatistes,qu’aucun Pape romain n’ait été donatiste, etcette règle, il la déclare, à cause de l’autoritéde Pierre, plus certaine et plus indubitable”.

En conclusion: nous avons prouvé tantpar le Magistère de l’Eglise que par les do-cuments explicatifs du Concile du Vatican,que la proposition de l’Eglise est nécessairepour la Foi de tout catholique. Même en nefaisant pas partie du motif de la foi (“objetformel quo”), elle est cependant une condi-tion sine qua non pour que l’assentiment denotre intelligence soit un acte de foi divine(61). St Thomas n’a pas attendu Vatican Ipour enseigner: “Ce qu’il y a de formel enl’objet de la foi c’est la Vérité première tellequ’elle est révélée dans les saintes Ecritures etdans l’enseignement de l’Eglise. Dès lors,quiconque n’adhère pas, comme à une règleinfaillible et divine, à l’enseignement del’Eglise qui découle, lui, de la Vérité premièrerévélée dans les saintes Ecritures, celui-là n’apas l’habitude de la foi. S’il soutient deschoses qui sont de foi, c’est autrement quepar la foi. (...) Si [quelqu’un], de ce quel’Eglise enseigne il retient ce qu’il veut, et cequ’il ne veut pas retenir, ne le retient pas, àpartir de ce moment-là il n’adhère plus à l’en-seignement de l’Eglise comme à une règle in-faillible, mais à sa propre volonté [et ainsi ildevient hérétique]” (II-II, q. 5, a. 3).

Par conséquent, je crois aux Evangiles età la Tradition parce que l’Eglise me le dit etde la manière dont elle me le dit; de cettefaçon la Foi comporte la soumission de l’in-telligence. Si au contraire je crois pour unautre motif, alors je préfère à l’Eglise unautre critère: mes convictions, un saint, un

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Père de l’Eglise, un évêque, un prince…,mais tout cela n’est pas la règle prochaine dela Foi, c’est la ruine de la Foi.

c) Troisième erreur de W: un rite liturgiquepromulgué par le Pape peut être intrinsè-quement mauvais

W attaque Michael Davies car il «refusetoute nocivité intrinsèque au missel de lanouvelle messe, parce que celui-ci a été “so-lennellement” promulgué par le suprême lé-gislateur» (p. 22).

W soutient, avec raison, que le nouveaumissel est mauvais. Mais il soutient aussi, àtort, que celui qui l’a promulgué était la légiti-me autorité de l’Eglise et donc que la légitimeautorité peut promulguer un rite mauvais. Wne réussit donc pas à répondre à M. Daviessans nier l’enseignement de l’Eglise selon le-quel ses lois, sa discipline, son culte, ne peu-vent être nocifs. Pie XII écrit: «Tout au longde son existence séculaire, l’Eglise est réelle-ment régie et gardée par le Saint-Esprit, nonseulement dans l’enseignement et la définitionde la foi, mais aussi dans le culte, dans les exer-cices de piété et de dévotion des fidèles. Cemême Esprit la “dirige infailliblement pour laconnaissance des vérités révélées” (Const. Ap.Munificentissimus Deus, 1/11/1950, définitiondogmatique de l’Assomption)» (62). De nom-breux autres arguments d’autorité, déjà rap-portés par l’abbé Ricossa (63), existent: «Aceux qui niaient que les enfants avaient lepéché originel St Augustin répondait quel’Eglise les baptisait, et “qui pourra jamais allé-guer un argument quelconque contre une Mèreaussi sublime?” (Serm. 293, n° 10). St Thomas,en se demandant si le rit de la Confirmation estconvenable, après avoir présenté toutes les ob-jections possibles, répond simplement:“Cependant, tel est l’usage de l’Eglise, qui estdirigée par le Saint-Esprit”; de fait il ajoute :“Appuyés sur cette promesse du Seigneur à sesfidèles: ‘là où deux ou trois sont assemblés enmon nom, je suis au milieu d’eux’ (Matth.XVIII, 20), nous devons tenir fermement queles décisions de l’Eglise sont dirigées par la sa-gesse du Christ, et que, par conséquent, les ritsobservés par l’Eglise dans ce sacrement [laconfirmation] comme dans les autres sont cequ’ils doivent être” (III, q. 72, a. 12). Telle est,en substance, la réponse que l’Eglise a toujoursdonnée à tous les hérétiques qui critiquaientl’un ou l’autre de ses rites, ou leur ensemble.Ainsi, furent condamnés les hussites, par le

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concile de Constance et par le Pape Martin V,lesquels refusaient l’usage de la communionsous une seule espèce (D. 626 et 668) et mépri-saient les rites de l’Eglise (D. 665); ainsi, leconcile de Trente condamna les luthériens, quiméprisaient le rit catholique du baptême (D.856), la coutume de conserver le Saint-Sacrement au tabernacle (D. 879 et 889), lecanon de la Messe (D. 942 et 953), et toutes lescérémonies du missel, les ornements, l’encens,les paroles prononcées à voix basse, etc. (D.943 et 954), la communion sous une seule es-pèce (D. 935)... De la même manière, les jansé-nistes réunis au synode de Pistoia furentcondamnés par Pie VI pour avoir amené àpenser que “l’Eglise, qui est dirigée par l’Espritde Dieu, puisse constituer une discipline nonseulement inutile (...) mais même dangereuseou nocive...” (D. 1578, 1533, 1573). Ensomme, pour faire court, il est impossible quel’Eglise donne du poison à ses fils (D. 1837,Vatican I). Il s’agit d’une vérité “si certainethéologiquement, que la nier serait une erreurtrès grave ou même, d’après l’opinion de laplupart, une hérésie” (cardinal Franzelin)».Même sur ce point, donc, pour sauvegarder lalégitimité de Paul VI et Jean-Paul II, W doitcontredire la doctrine de l’Eglise.

d) Quatrième erreur de W: une définitiondogmatique peut être bonne en elle-mêmemais mauvaise per accidens, c’est-à-dire àcause des circonstances

Voici ce que soutient W: “Non pas que ladéfinition du magistère solennel ou extraor-dinaire infaillible du pape fût une mauvaisechose per se, au contraire, mais per accidens(64), par la méchanceté des hommes, elle acontribué beaucoup à une dévalorisation dela Tradition” (65). Cette affirmation est trèsgrave, mais révélatrice de l’embarras que ladéfinition de l’infaillibilité crée chez les re-présentants de la Fraternité. Si une défini-tion infaillible (qui plus est faite solennelle-ment par un Concile Œcuménique) peut cau-ser chez celui qui y croira un mal, même seu-lement “accidentel”, cela veut dire que leSaint-Esprit, cause de cette définition, estcause du mal chez les bons catholiques!

Autre chose serait de dire: chez celui quin’a pas cru, la définition a été occasiond’achoppement. Cela est vrai non seulementpour le Concile du Vatican, mais pour tousles autres Conciles; c’est vrai pour la mortde Jésus sur la Croix, pierre d’achoppement,

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scandale pour les juifs, folie pour les païens(66); pour la Loi de l’Ancien Testament,comme l’explique bien St Paul, qui a été oc-casion de chute (67). Mais ni les définitions,ni Notre-Seigneur, ni la Loi n’ont été causeper accidens du mal; la cause fut seulementla mauvaise volonté de celui qui agit mal, decelui qui ne voulut pas croire.

Mais W pourrait répondre en alléguant laphrase par laquelle il précise sa pensée: «Ladéfinition de 1870 a été bonne per se, parcequ’elle a permis d’ancrer les esprits catho-liques là où les libéraux faisaient tout pourque tout flotte. Mais dès que la définition futchose faite, les méchants libéraux ont tout desuite changé de tactique: “Oui d’accord, biensûr, nous avons toujours cru (hypocrites!!)qu’il y a un magistère a priori infaillible ausommet de l’enseignement de l’Eglise, maisen-dessous de ce sommet qui ne voit pasmaintenant que rien n’est absolument sûr?”Et les libéraux de s’en donner à cœur joiepour mettre en doute toute vérité au-dessousde ce sommet constitué par le corps de véri-tés définies infailliblement selon les quatreconditions de la nouvelle définition de 1870»(68). Pour W (j’ai déjà cité ailleurs ce qu’il dit)les catholiques répondirent à cette tactique li-bérale en construisant “un magistère ordinai-re infaillible a priori, calqué sur le magistèreextraordinaire infaillible a priori, avec seule-ment trois conditions, ou trois conditions etdemie, au lieu de quatre (69). Mais non, juste-ment! Il faut quatre conditions et pas seule-ment trois et demie pour qu’il y ait a prioriinfaillibilité. Mais ce magistère à trois condi-tions et demie, était comme nécessaire pourasseoir une vérité catholique dans ces espritsfaussement éblouis par le magistère solennelà quatre conditions” (pp. 21-22).

En effet, les “libéraux”, qui, comme Wet avant lui, avaient contesté l’opportunitéde la définition de l’infaillibilité du Pape,avancèrent un argument semblable à celuiauquel se réfère W... Lisons Léon XIII, danssa condamnation de l’américanisme: “Il im-porte davantage de signaler une opinion donton fait un argument en faveur de cette libertéqu’ils proposent aux catholiques. Ils disent àpropos du magistère du Pontife romain, que,après la définition solennelle qui a été faite auConcile du Vatican, il n’y a plus d’inquiétudeà avoir de ce côté; c’est pourquoi, ce magistè-re sauvegardé, chacun peut maintenant avoirplus libre champ pour penser et agir” (évi-demment puisque, les américanistes, comme

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W, pensaient que tout le magistère quin’était pas ultra-solennel, n’était pas in-faillible) (70). Si W et Léon XIII signalent lemême danger, ils ne donnent toutefois pas lemême remède! Pour W il se trouve dans la“Tradition” interprétée sans le magistère.Pour Léon XIII au contraire il n’en est pasainsi: “Etrange manière en vérité de raison-ner; s’il est en effet une conclusion à tirer dumagistère de l’Eglise, c’est, à coup sûr, quenul ne doit chercher à s’en écarter et que, aucontraire, tous doivent s’appliquer à s’en ins-pirer toujours et à s’y soumettre de manière àse préserver plus facilement de toute erreurde leur sens propre” (ibidem)!

Sans motif, donc, W critique l’opportuni-té de la définition de 1870, en suivant lestraces de Döllinger. L’Eglise a jugé bien dif-féremment sur l’opportunité du ConcileVatican I. Le même Pie IX en parle explici-tement (71): “Certes, les vicissitudes de notreépoque… attestent avec quelle opportunité ladivine Providence a permis que la définitionde l’Infaillibilité pontificale fût proclaméealors que la règle droite des croyances et de laconduite allait, au milieu de difficultés si mul-tipliées, être privée de tout appui”.

Pie XI en donne le même jugement (72):“L’Eglise ne demande rien d’autre que d’êtreécoutée avant d’être condamnée: d’autantplus facilement est parvenue à tous, au moinsaux chercheurs, la connaissance des Actes dudernier Concile, d’autant plus clairement ap-paraîtra cette ignorance, témérité et audacequ’eurent les ennemis de l’Eglise, quand ilsjugèrent comme un crime la décision et les ef-fets de la décision de Notre prédécesseur desainte mémoire Pie IX. Quiconque considèreattentivement l’ensemble des documents, quiconcernent et relatent la longue préparationdu Concile et les travaux de cette importanteet célèbre assemblée des évêques, doit néces-sairement - à moins qu’il ne haïsse la religionet ne soit aveuglé par des préjugés - recon-naître et proclamer que ce n’est pas sans l’ins-piration et la protection divine qu’eut lieu lapréparation, la convocation et la session duConcile œcuménique du Vatican; et doit re-connaître que ce Pontife, qui pour tant demérites est voué à l’éternité et à l’immortalité,ne visait pas tellement l’opportunité contin-gente - qui était niée par les critiques faiblesd’esprit - mais prévoyait et pressentait plutôtles nécessités des temps futurs”.

La définition de l’infaillibilité, opportuneen 1870, est encore plus opportune et provi-

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dentielle pour notre temps, per se et per ac-cidens, même si elle ne l’est pas pour W!

e) Cinquième erreur de W: les définitions del’Eglise seraient dues seulement à la diminu-tion de la charité

Nous nous arrêtons rapidement sur cepoint. W dit que “au fur et à mesure que lacharité se refroidit” les vérités définies aug-mentent toujours plus (73): ici il veut presquediminuer la nécessité du magistère, qui ne serévèle plus être une règle stable de notre foi,toujours nécessaire, mais un remède excep-tionnel et contingent dû à la méchanceté deshommes. Au contraire, l’histoire nous en-seigne que les occasions de définitions del’Eglise sont multiples: la charité qui se re-froidit, des erreurs nouvelles qui voient lejour, l’approfondissement de problèmesthéologiques, une plus grande ferveur. SiLéon XIII se prononça sur la validité des or-dinations anglicanes, Pie XII sur la matièreet la forme de l’Ordre, on comprend bienque la charité n’a rien à y voir. Si Pie IX dé-finit le dogme de l’Immaculée et Pie XIIcelui de l’Assomption, ce ne fut certes pas àcause d’une moindre dévotion envers laBienheureuse Vierge Marie! Et on ne peutpas non plus dire qu’avant la définition il yavait plus de ferveur envers ces dogmes,quand justement beaucoup de catholiquesles niaient! L’Eglise en effet a l’assistancedu Saint-Esprit non seulement pour conser-ver le dépôt révélé, mais encore pour l’expli-quer et l’exposer (DS 3070).

Même là, en somme, notons que W a desidées préconçues, et que pour cette raison il aun jugement erroné sur beaucoup de choses.

Conclusion

Beaucoup de “traditionalistes” croientqu’embrasser la vraie Foi dans les matièresexposées ci-dessus signifie risquer d’accep-ter tout le Concile Vatican II avec ses ré-formes. C’est ce qui semble être l’obstacle leplus grave, qui leur empêche de prendre ausérieux la doctrine de l’Eglise comme nousl’avons examinée dans les paragraphes pré-cédents. La solution de ce nœud a été expo-sée par la Thèse de Cassiciacum: Il est im-possible d’accepter ces réformes, parce quel’acte de Foi à leur égard est métaphysique-ment impossible. Si nous croyons parexemple, de foi, que la liberté religieuse est

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une erreur, comment pouvons-nous croirequ’elle est en même temps une vérité révé-lée? Si nous croyons que l’œcuménisme estmauvais, comment mon intelligence peut-elle croire qu’il est une bonne pratique pourl’Eglise? Il y a une impossibilité réelle pourmon intelligence d’adhérer à deux proposi-tions contradictoires, toutes les deux propo-sées à croire par le Magistère: les premières,par celui des Pontifes du passé, les secondes,par celui des “pontifes” du post-concile(Vatican II). Or le Magistère ne peut pas secontredire ni la Foi non plus. Donc l’un desdeux est dans l’erreur. Mais si l’un des deuxest dans l’erreur, alors cela veut dire, ipsofacto, que l’“autorité” qui avait promulguéce “magistère” erroné n’était pas assistéepar le Saint-Esprit. Elle n’était pas formelle-ment l’Autorité (74).

Nous avons montré avec surabondancede documents que le Pape est infaillibleavec le Magistère ordinaire; que ceMagistère traite tant des vérités révéléesque des vérités connexes au révélé; que parce Magistère infaillible le Pape est la règleprochaine de notre foi.

Etant donné que W n’accepte pas l’auto-rité des “bons auteurs des manuels [de théo-logie]”, parce qu’ils “ont d’une certainefaçon joué le jeu des libéraux” (75), nousn’avons pas voulu les prendre en considéra-tion, mais nous nous sommes limités aux do-cuments du Magistère, du Concile duVatican et de son explication. Il est possibleque W réfute aussi l’autorité de ceux-ci: alorsn’y aura-t-il plus aucune autorité intermé-diaire entre le fidèle et la Tradition? Chacunsera-t-il pour lui-même la règle de sa proprefoi (76)? Dans ce cas nous voudrions poser àW quelques questions. S’il avait vécu autemps où l’on discutait sur la validité duBaptême donné par les hérétiques, ou enquel jour il faudrait célébrer Pâques, com-ment se serait-il comporté? Aurait-il suivi la“tradition” ou les décisions du Pape? S’ilavait vécu au temps où les jansénistes contes-taient l’infaillibilité du Pape sur les faits dog-matiques, à qui aurait-il donné raison?Interpréter seul la Tradition, parce que celanous semble évident ou dans le sens où nousla comprenons, n’est-ce pas cela un subjecti-visme dans l’acte de foi, l’acte le plus impor-tant pour notre salut? «On ne peut pas - ditPie XII - scruter et expliquer les documentsde la “Tradition”, en négligeant ou en mini-misant le magistère sacré» (77).

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Notes

1) Le sel de la terre, Couvent de la Haye-aux-Bons-hommes, F - 49240 Avrillé, n° 23, Hiver 1997-8, pp. 20-22.

2) Ibidem, p. 20.3) En note les Dominicains d’Avrillé expliquent:

«Michael Davies est un auteur anglais qui a écrit plu-sieurs livres pour défendre la Tradition et en particulierMgr Lefebvre. Pourtant il ne suit pas complètement lespositions de Mgr Lefebvre, notamment sur la nouvellemesse. Il est président d’Una Voce».

4) Pour le Magistère Ordinaire Universel, cf.Sodalitium n° 40 pp. 36 et ss.; n° 43 pp. 38 et ss.

5) Conc. Vat. I, Const. dogm. Pastor Æternus, ch.IV, 18-7-1870.

6) Sodalitium n° 40 p. 37.7) Sodalitium n° 43 p. 47. Voir aussi la citation de Mgr

d’Avanzo, pp. 42 et 49. SALAVERRI, Sacræ TheologiæSumma, Theologia Fundamentalis, T. III De EcclesiaChristi, B.A.C., Madrid 1962. Livre 2, c. 2 a. 2, n° 647-8.

8) Sodalitium n° 40 p. 37.8 bis) Un prêtre qui a lu cet article dans l’édition ita-

lienne de Sodalitium a émis l’objection suivante:«D’après vous le Magistère et le Concile du Vatican

ne font pas de distinction entre le magistère ordinaire etle magistère solennel du Pape. Ils ne distinguent certaine-ment pas quand ils parlent de l’un en particulier et non del’autre, mais c’est une errreur de penser que “excathedra” équivaut au magistère ordinaire et au magistè-re solennel en même temps. Il suffit de voir le canon duCode de Droit Canonique au n° 1323 § 2: “Prononcer lesjugements solennels appartient en propre tant au Concilequ’au Pontife Romain quand il parle ex cathedra”. Dureste cela me semble clair dans les actes de Vatican I.

On dirait que vous introduisez cette affirmationpour rappeler une vérité importante qui est que le Papeseul - sans l’Episcopat - peut parler infailliblement fré-quemment, et non de manière aussi extraordinairecomme il arrive une fois par siècle ainsi que le croientles minimalistes contredisant le Saint Concile. Mais surce point W a raison (seulement sur ce point), en soute-nant que ex cathedra est synonyme de “solennel”; maisil n’a pas raison de penser que cela n’arrive que rare-ment ou presque jamais. Le Pape est infaillible tous lesjours comme premier et principal élément du M.O.U.et non en définissant ex cathedra; c’est pourquoi, cetype de magistère papal est appelé extraordinaire.

En pratique le Pape définit ex cathedra chaque foisqu’il: définit un dogme de foi, mais aussi quand il défi-nit une doctrine comme certaine, ou la condamnecomme hérétique, favorable ou sentant l’hérésie, schis-matique, contraire aux oreilles pies. Il définit aussi excathedra chaque fois qu’il canonise un saint ou (commeil est plus probable) le béatifie, quand il approuve défi-nitivement un Institut de perfection, quand il pro-mulgue des lois universelles disciplinaires ou litur-giques, etc. Dans toutes ces occasions le Pape régnantest infaillible parce qu’il définit ou détermine du hautde la chaire suprême. C’est pourquoi les définitions excathedra d’un Pape, qui règne même seulement deuxans, sont très nombreuses. Mais tout cela n’a rien à voiravec le Magistère ordinaire du Pape, qui par sa nature,comme le M.O.U. ne définit pas mais plutôt transmet.S’il y a une définition papale, il y a un jugement solen-nel, c’est-à-dire ex cathedra».

Tout d’abord nous faisons remarquer que la diver-gence d’opinions entre Sodalitium et notre critique,pour importante qu’elle soit, ne touche pas le fond de la

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question: nous sommes tous les deux convaincus de lagrande extension de l’infaillibilité du Magistère papal,et ce contre la Thèse de W et de la Fraternité.

Quant à la Thèse qui nous critique, bien qu’étantrespectable, elle est très loin d’être aussi sûre que nousla présente notre contradicteur. A ce propos il noussemble suffisant de citer l’abbé Bernard Lucien:«Précisons encore que parmi les partisans d’une “visionlarge” de l’infaillibilité pontificale, on peut découvrir(au moins) trois catégories:

- les uns tiennent que la définition de Vatican I esteffectivement très restreinte (c’est-à-dire que les casd’infaillibilité qu’elle décrit sont rares), mais qu’ellen’est nullement restrictive (c’est-à-dire qu’elle n’exclutnullement qu’il y ait infaillibilité en d’autres cas);

- d’autres admettent que la définition de Vatican Iest restrictive, mais ils reconnaissent qu’en elle-mêmeelle est large;

- d’autres enfin - parmi lesquels nous nous insérons -tiennent à la fois que la définition de Vatican I est largeet qu’elle n’est pas restrictive» (Bernard Lucien, L’in-faillibilité du Magistère Pontificale Ordinaire, in SedesSapientiæ, n° 63, p. 42).

A ce qu’il nous semble notre contradicteur peut êtreclassé dans la seconde catégorie, tandis que nous nousplaçons, avec l’abbé Lucien, dans la troisième. Quant àl’objection déduite du canon 1323 § 2 du Code de Droitcanonique, il est facile de répondre, que le Code n’éta-blit pas une identité entre jugement solennel et locutionex cathedra: tout jugement solennel, pour le Code, ap-partient au Pape qui parle ex cathedra ou au Concileœcuménique, d’accord; mais le Code ne dit pas que lePape qui parle ex cathedra, le fait en s’exprimant seule-ment de manière solennelle. C’est pourquoi l’abbéLucien peut, malgré le canon 1323 § 2 qu’il cite à la page38, établir comme une caractéristique du courant mini-maliste sur l’infaillibilité du Pape la position qui identi-fie jugements solennels et locutions ex cathedra (p. 45).

9) CLÉMENT VI, “Lettre Super quibusdam à Mek-hithar, Catholicos des Arméniens”, 29-9-1351, DS 1064.

10) PIE XI, Mortalium animos, 6-1-1928. DS 3683.Le texte est rapporté in E. P. n° 871.

11) PIE XI, Casti Connubii, 31/1/1930, E. P. n° 905.12) PIE XII, Humani Generis, 12-8-1950, E. P. n° 1280.13) PIE XII, Commossi, 4-11-1950, E. P. n° 1295.14) Les membres de la Députation de la Foi étaient

vingt-quatre, choisis par les Pères, et le président, leCardinal Bilio, avait été nommé par Pie IX.

15) 84ème Congrégation générale, 11-7-1870, Mansi52, 1204-18.

16) MGR GASSER, ibidem, Mansi, 52, 1225.17) MGR GASSER, ibidem, Mansi, 52, 1214.18) Ibidem, Mansi 52, 1225.19) GREGOIRE XVI, Mirari vos, 15-8-1832, DS 2730.20) GREGOIRE XVI, Singulari quadam, 25-6-1834, E.

P. “La paix intérieure des nations”, n° 29.21) Humani Generis, 12-8-1950: “Certains sont

d’avis qu’ils ne sont point liés par la doctrine que Nousexposions (...) en notre encyclique et qui s’appuie surles sources de la révélation, à savoir que le Corps mys-tique du Christ et l’Eglise catholique romaine sont uneseule et même chose”. E. P., L’Eglise, n° 1282.

22) L’objet de l’infaillibilité de l’Eglise et du Papeest double: ce qui est contenu formellement dans laRévélation, est appelé objet primaire; ce qui estconnexe (lié) nécessairement à la Révélation, est appe-lé objet secondaire. Le sujet a été traité in Sodalitiumn° 40, pp. 40-47.

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23) MGR GASSER, ibidem, Mansi 52, 1226: “D’autresvérités (...) quoique non révélées, sont cependant néces-saires pour la conservation, l’explication et la confirma-tion des vérités révélées. De telles vérités, parmi les-quelles il faut compter les faits dogmatiques, en tant quesans eux le dépôt de la foi ne pourrait être ni conservé niexpliqué, n’appartienent pas, il est vrai, directement audépôt de la foi, mais sont une condition nécessaire de lagarde de ce dépôt. C’est pourquoi la doctrine unanimedes théologiens catholiques est que l’Eglise est infaillibleaussi dans la proclamation authentique de ces vérités, etque le rejet de cette Infaillibilité serait une très grave er-reur. Les avis ne diffèrent que sur le degré de certitudeavec lequel les théologiens soutiennent cetteInfaillibilité: doit-elle être regardée comme un dogme defoi dont la négation serait une hérésie, ou bien est-elleune simple déduction d’une vérité révélée et n’est-ellepas, par suite, que théologiquement certaine? Puisqu’ilen est de l’Infaillibilité pontificale comme del’Infaillibilité de l’Eglise, cette même question se pose iciaussi; mais comme les membres de la Députation de laFoi ont unanimement décidé de ne pas résoudre mainte-nant cette question, il suit nécessairement qu’on ne défi-nit maintenant qu’un seul point (…): l’obligation de croi-re sur l’objet de l’Infaillibilité pontificale la même choseque sur celui de l’Infaillibilité de l’Eglise”. Cf. TH.GRANDERATH S. J., Histoire du Concile du Vatican, de-puis sa première annonce jusqu’à sa prorogation d’aprèsles documents authentiques, T. 3, 2ème p., p. 114-115.

24) MGR GASSER, 86ème Congr. Générale, 16-7-1870, Mansi 52, 1316.

25) SALAVERRI, op. cit., Epilogue, n° 909-910.26) Amendements proposés au ch. IV de la

Constitution De Ecclesia, 7-7-1870, Mansi, 52, 1135.27) MGR GASSER, 84ème Congr. générale, 11-7-

1870, Mansi 52, 1229.28) Constitution dogmatique Dei Filius, définie le

24-4-1870, DS 3018.29) ABBÉ BERNARD LUCIEN, L’infaillibilité du

Magistère ordinaire et universel de l’Eglise, Documentsde Catholicité, Bruxelles 1984. Annexe, pp. 131-146.Sodalitium n° 40, pp. 49-50.

30) P. KLEUTGEN, dans l’exposé théologique duschéma sur l’Eglise, au Concile, Mansi 53, 330 B, citépar B. LUCIEN, op. cit., p. 135.

31) “Non videtur requiri, ut documentum quod defi-nitionem continet, ad universam Ecclesiam immediatedirigatur; sufficit ut toti Ecclesiæ destinetur, licet proxi-me forsan dirigatur ad episcopos alicuius regionis in quadamnandus error grassatur” (Zapelena, De EcclesiaChristi, pars altera, Thèse 18, p. 195).

32) GREGOIRE XVI, Non sine gravi, à l’évêque deFribourg, 23/5/1846, E. P., n° 190.

33) MGR GASSER, ibidem, Mansi 52, 1225.34) “Avec jugement”, “déterminer avec jugement”,

“discerner avec autorité”, “avec autorité apostolique”,“parler en tant que pape”.

35) Actes de la Députation de la Foi: Relation du P.Joseph Kleutgen sur le schéma réformé, Mansi, 53, 326-9.

36) MGR DE SEGUR, Le Pape est infaillible, Paris1872, p. 192, ouvrage approuvé par Pie IX le 8-8-1870.

37) MGR GASSER, ibidem, Mansi 52, 1206. Cf.GRANDERATH, op. cit., p. 94.

38) MGR GASSER, ibidem, Mansi 52, 1207. Cf.GRANDERATH, op. cit., p. 96.

39) MGR GASSER, ibidem, Mansi 52, 1207.40) ST JEROME, Ad Damasum Papam, Migne, P. L.

XXII, 356, cité par Gasser.

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41) ST JEROME, Enarrationes in Psalmos, XL, 30,Migne, P. L. XIV, 1082, cité par Gasser.

42) MGR GASSER, ibidem, Mansi 52, 1215.43) MGR DE SEGUR, op. cit., p. 192.44) Mgr de la Tour d’Auvergne, en demandant la

condamnation du gallicanisme, cita une Lettre deClément XI (Litt. apost. archiepiscopis et episcopisaliisque ecclesiasticis viris Parisiis congregatis, 15-1-1706) dans laquelle, puisque certains évêques considé-raient que les décrets du Saint-Siège devaient être sou-mis à l’examen des évêques, le Pape le réprimandaainsi: “Qui vous a constitués juges au-dessus de nous?Peut-être appartient-il aux inférieurs de discerner surl’autorité du supérieur? Qu’il soit dit pour votre paix, vé-nérables frères, que cette chose ne peut en aucun cas êtretolérée… Interrogez vos aînés, et ils vous diront qu’iln’appartient pas aux évêques particuliers de discuter surles décrets du siège apostolique, mais de les accomplir”.75ème Congr. générale, 20-6-1870, Mansi, 52, 820-1.

45) Mgr Maupas, évêque de Zara, en affirmant la né-cessité de la définition dit: “Le caractère de notre temps etsurtout le danger de corruption qui ne cesse de menacerles fidèles d’aujourd’hui exigent [la définition]: l’infailliblemagistère de l’Eglise doit veiller sans cesse à condamnerles erreurs qui, sous le faux nom de science, se multiplientde toute part et redressent la tête. Oui, la définition est né-cessaire, car sans elle le magistère infaillible de l’Eglisen’existerait qu’in abstracto; en fait il ferait défaut, vu l’im-possibilité de réunir continuellement tous les pasteurs del’Eglise, ou même de les interroger tous”. Intervention àla 76ème Congr. générale, 23-6-1870, Mansi 52, 837. Voiraussi: TH. GRANDERATH, op. cit., p. 38.

46) L’intervention de Mgr Freppel est d’un reliefparticulier. Appelé à Rome comme consultant dans lescommissions préparatoires, durant le Concile il futconsacré évêque. Les anti-infaillibilistes voulaient in-troduire, dans le texte de la définition, certaines condi-tions pour l’infaillibilité du Pape (parmi lesquelles laconsultation des évêques, la recherche diligente, l’en-quête sur les sources, etc.). Bien que les conditions dontparle W soient très différentes de celles réclamées àl’époque, la réponse de Mgr Freppel est éclairante puis-qu’elle démontre que l’on ne doit pas introduired’autres conditions, sinon “on ouvrirait le plus vastechamp aux subterfuges des hérétiques” qui mettraienttoujours en doute si le Souverain Pontife a justement etsuffisamment observé les conditions requises pour l’in-faillibilité. 81ème Congr. générale 2-7-1870, Mansi 52,1038-41. Cf. GRANDERATH, op. cit., p. 85.

47) Le sel de la terre, op. cit., p. 21, note 1.48) PIE IX, Tuas libenter, 21/12/1863, à l’archevêque

de Munich, DS 2875-80, in Sodalitium n° 40, L’infailli-bilité de l’Eglise, pp. 48-49.

49) “Puisque l’homme dépend totalement de Dieucomme son créateur et Seigneur et que la raison crééeest soumise complètement à la Vérité incréée, noussommes tenus, quand Dieu se révèle, à lui prêter, avecla foi, la pleine soumission de notre intelligence et denotre volonté” Conc. Vatican, Const. dogm. Dei Filius,ch. 3 De fide, 24-4-1870, DS 3008. Voir aussi ce que j’aidit à propos de la 4ème condition.

50) Sodalitium n° 43, pp. 40-47; n° 40, pp. 47-49.51) Le sel de la terre, op. cit., p. 22.52) ST AUGUSTIN, Contra epistulam manichei, 5, 6.

R.J. 1581.53) Newman avant de se convertir étudia la

Tradition et se convertit en voyant que les Pères étaientsoumis au jugement de l’Eglise de Rome. Le Pontife

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Romain en effet n’est jugé par personne, pas même parla Tradition: au contraire, c’est lui qui juge la Tradition.

54) Sodalitium n° 43, pp. 31-34.55) PIE XII, Humani Generis, 12-8-1950, DS 3884-5

et E. P. n° 1278-9.56) C.J.C., can. 1324; Conc. Vat., De Fide cath., DS 3045.57) ST THOMAS, Somme théologique, II II, q. 5, art.

3; q. 1, art. 10.58) LEON XIII, Sapientiæ Christianæ, 10-1-1890, E.

P. nn° 510, 511, 512, 513.59) En italique dans le texte. ST PIE X, Grand

Catéchisme, Petite Histoire de la Religion, Itinéraires -Reprint: Dominique Martin Morin, Paris 1978, p. 354.

60) MGR GASSER, ibidem, Mansi 52, 1207.60 bis) ST IRÉNÉE, Adv. haer. III, 3, 1. 2. TH.

GRANDERATH, op. cit., pp. 96-97.61) ZUBIZARRETA, Theologia dogmatico-scholastica,

III, n° 366. A ce propos MARIN SOLA O.P., écrit(L’Evolution homogène du dogme catholique, n° 149 etss.) commentant St Thomas, II, II, 5, 3, ad 2um:“Quiconque cherche à adhérer à la Vérité Première del’Ecriture et de la Tradition par un autre chemin quel’Autorité de l’Eglise, n’a pas une vraie foi divine, maisune autre foi, une foi à lui, une foi créée, humaine: unefoi scientifique ou acquise. (…) L’homme ne peut par-venir à l’assentiment de foi divine, que par un seulmoyen: l’autorité de l’Eglise. Sans ce moyen, l’acte denotre foi divine est totalement impossible”.

62) PIE XII, Inter complures, 24/10/1954, E. P.,L’Eglise, II, 1389.

63) F. RICOSSA, préface à A. V. XAVIER DA SIL-VEIRA, La nuova messa di Paolo VI, Ferrara, ed. promanuscripto, pp. 4-6.

64) En note les dominicains d’Avrillé expliquent:«Les expressions per se et per accidens, signifient icique, dans le premier cas, la conséquence suit l’essencede la chose, dans le deuxième cas, cette même consé-quence arrive à cause de circonstances en soi indépen-dantes de la chose (ici, la circonstance déterminante est“la méchanceté des hommes” actuels)».

65) Le sel de la terre, op. cit., p. 20.66) I Cor. I, 2367) Rom. VII, 7 et ss.68) Le sel de la terre, op. cit., p. 21.69) Selon W, seul le magistère solennel est infaillible, et

pour qu’il y ait magistère solennel il faut les quatre condi-tions. S’il en manque une seule (ou une demie, comme ildit), il n’y a plus magistère solennel ni infaillibilité.

70) LÉON XIII, Lettre au cardinal Gibbons, Testembenevolentiæ, du 22 janvier 1899, E. P., L’Eglise, I, 633.

71) PIE IX, Lettre à un évêque d’Allemagne, 6-11-1876, E. P. n° 437.

72) PIE XI, Epist. ad R. P. D. Ludovicum Petit, 5-XI-1924, in A.A.S., Polyglottis Vaticanis 1924, EpistulaVIII, p. 463.

73) Le sel de la terre, op. cit., p. 22.74) H. BELMONT, L’exercice quotidien de la Foi dans

la crise de l’Eglise. Bordeaux 1984, pp. 12-13 etBrimborions, Grâce et vérité, Bordeaux 1990, pp. 51-69.

75) Le sel de la terre, op. cit., p. 22.76) Les définitions du Magistère solennel en effet

sont rares et ne recouvrent pas tout le révélé, ni toute ladoctrine catholique.

77) PIE XII, Inter complures, 24/10/1954, E. P.,L’Eglise, II, 1389.

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Quand le fils de l’homme viendra, trouvera-t-illa foi sur la terre? (Lc 18, 8)”. C’est par cette

question surprenante que débutait l’homélie deJean-Paul II pour le XXème anniversaire de sonélection, dimanche 18 octobre (O.R., éd. it., 19-20/10/98, pp. 6-7). Et il poursuivait ainsi: “Toutau long des deux mille ans de l’ère chrétienne,cette demande faite un jour par le Christ à ses dis-ciples, a bien souvent interpellé les hommes que laDivine Providence a appelés pour assumer le mi-nistère de Pierre. Je pense en cet instant à tous meslointains et proches Prédécesseurs. Je pense, toutspécialement à moi (...). (...) Combien de fois suis-je revenu en pensée aux paroles de Jésus que Lucnous a conservées dans son Evangile. Peu avantd’affronter la passion, Jésus dit à Pierre: ‘Simon,Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vouscribler comme le froment; mais j’ai prié pour toiafin que ta foi ne défaille point; et toi, quand tuseras converti, affermis tes frères’ (Lc 22, 31-32).‘Affermir ses frères dans la foi’ est donc l’un desaspect essentiels du service pastoral confié à Pierreet à ses successeurs. Dans la liturgie de ce jour,Jésus pose la question: ‘Quand le fils de l’hommeviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?’. C’est unequestion qui s’adresse à tous, mais plus particuliè-rement aux successeurs de Pierre. ‘Quand il vien-dra, trouvera-t-il...? (...) Lors de sa venue, trouve-ra-t-il la foi sur la terre?” (n. 1). Face à l’optimis-me post-conciliaire artificiel, Jean-Paul II sembleangoissé par la perte de la foi, évidente de nosjours - une véritable apostasie - et par le souci(oublié depuis le Concile) de conserver intègrecette foi; mais aussi angoissé par la pensée de saresponsabilité: “Après vingt ans de service sur leSiège de Pierre, je ne peux pas, aujourd’hui, ne pasme poser des questions: As-tu maintenu tout cela?As-tu été un maître diligent et vigilant de la foi del’Eglise?” (n. 2). A cette question capitale, Jean-Paul II en a, hélas, ajouté une autre: “As-tu cher-ché à rendre proche des hommes d’aujourd’hui lagrande œuvre du Concile Vatican II?”. Ce Concileque lui-même a encore appelé “printemps” desti-né à devenir “été” dans le nouveau millénaire,c’est-à-dire “développement dans la maturité”(audience générale, Doc. n° 2190, p. 863).Quelle tragédie! Ne pas voir que c’est précisé-ment Vatican II qui fait disparaître - si c’étaitpossible - de la face de la terre la foi catholique,grâce au “bouleversement” du “chemin désor-mais consolidé et séculaire” de l’Eglise, selon

LL’’OOSSSSEERRVVAATTOORREE RROOMMAANNOO

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l’expression de Mgr Duprey, secrétaire duConseil pontifical pour l’Unité des Chrétiens!(discours tenu au VIIème colloque internationalpromu par l’Institut Paul VI sur Paul VI et l’œcu-ménisme, dans O.R., 19-20/10/98, éd. it., p. 4.Duprey parlait expressément du décret Unitatisredintegratio et des hésitations de Paul VI à le si-gner). Dans ce numéro de Sodalitium nous pré-sentons à la fois des textes dans lesquels Jean-Paul II poursuit la voie, qualifiée par lui d’“irré-versible”, de l’hérésie œcuméniste, et d’autrestextes dans lesquels il semble confirmer - partiel-lement - ses frères dans la foi. Ne fermons pas lesyeux sur la réalité d’une Eglise sans Pasteur;mais, ne le nions pas non plus, “une fois repenti”,l’élu au Trône de Pierre - ou son successeur -confirmera de nouveau ses frères, soutenant de-puis la Chaire de vérité “le nouvel Israël, l’Eglise”qui “se trouve en plein combat contre les divers‘Amalécites’” (O.R., 19-20/10/98, éd. it., p. 7). Acette intention et confiants dans les divines pro-messes sur l’indéfectibilité de Son Eglise, élevonsau Seigneur notre prière.

Sodalitium

Les responsables de la mort du Christ

Reprenant la tradition inaugurée par saintLéonard de Port Maurice, chaque année, leVendredi saint, Jean-Paul II préside le Cheminde Croix au Colisée. Cette année encore lestextes des méditations ont été rédigés par unhétérodoxe, un schismatique grec cette fois,Olivier Clément (considéré comme hétéro-doxe même par de nombreux corréligion-naires). Le texte de la première station estcelui-ci: “Oh non, ça n’est pas le peuple juif,peuple que nous avons si longtemps crucifié,(...) ce ne sont pas eux mais nous, nous tous etchacun d’entre nous, parce que nous sommestous les assassins de l’amour” (O.R., 12/4/98,éd. it., p. 6). Voilà qui est une belle inversionde la perspective traditionnelle: non seulementles juifs infidèles n’ont pas crucifié le Christ,mais ils ont été crucifiés par les chrétiens, quimême ont crucifié le Christ. En somme, pourO. Clément et Jean-Paul II, c’est comme si,dans la tragédie de la Passion, “l’unique juif àêtre concerné fut le juif tué”, pour reprendreune expression de G. K. Chesterton (dans TheWay of the Cross, 1935).! Et l’enseignementdu nouveau Catéchisme de l’Eglise catholiqueva dans le même sens (n. 598). Il est vrai que,spécialement dans les écrits de dévotion, on atoujours insisté sur le fait que “tous les pé-cheurs furent les auteurs de la Passion du

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Christ”. Mais il faut distinguer entre la causeefficiente et la cause finale. Les pécheurs sontcause finale de la Passion (“c’est pour moi queJésus souffre, pour mes péchés”, nous fait mé-diter saint Ignace); ceux qui voulurent et réali-sèrent historiquement la condamnation à mortde Jésus en sont la cause efficiente. Or, parmiles causes efficientes de la mort du Christ,l’unique “chrétien” à figurer est JudasIscariote, le traître. Quant aux autres cou-pables, il suffit de lire les Evangiles pour lesconnaître.

Discours aux “United Jewish Appeal Fede-rations of North America”

Le 3 septembre 1998, à Castel Gandolfo,Jean-Paul II a reçu une délégation desUnited Jewish Appeal Federations of NorthAmerica (texte anglais et traduction italien-ne dans O.R., 4/9/98, p. 5 éd. it.). Voici lespassages les plus significatifs du discours:

1) “Votre présence met en évidence les liensétroits d’affinité spirituelle que les chrétiens par-tagent avec la grande tradition religieuse duJudaïsme et qui remonte à Moïse et à Abraham”

2) “Par des moyens divers, juifs et chrétienssuivent le chemin religieux du monothéismeéthique. Nous adorons l’unique vrai Dieu...”

3) “Nous y [livre de la Genèse] voyonsque tout être humain possède une dignité ab-solue et inaliénable, parce que nous avons ététous créés à l’image et à la ressemblance deDieu (cfr Gn 1, 26)”

4) “Je suis sûr que nous partageons la fer-vente espérance que le Seigneur de l’Histoireguide les efforts réalisés par les chrétiens etles juifs et tous les hommes et les femmes debonne volonté pour œuvrer ensemble à l’ins-tauration d’un monde d’authentique respectde la vie et de la dignité de tout être humain,sans discrimination d’aucune sorte”.

Quelques observations:1) Les juifs actuels ne sont pas les héritiers

d’Abraham, de Moïse et de leur tradition,mais les héritiers de la tradition pharisaïque.

2) Les façons différentes de concevoirDieu des juifs et des chrétiens ne sont paschose indifférente! Les chrétiens croient en laSainte Trinité et en la divinité du Christ; lesjuifs orthodoxes croient en un Dieu panthéisteet/ou gnostique aux nombreuses émanations(cf. I. SHAHAK, Histoire juive - Religion juive,ch. 3, éd. La Vieille Taupe, 1996).

3) La dignité humaine est inaliénableseulement à la racine (c’est-à-dire dans la na-

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ture que l’on ne peut perdre), mais pas enacte: St Thomas écrit: “Par le péché l’homme(...) déchoit de la dignité humaine” (II-II q.64, a. 2 ad. 3) et Léon XIII précise: “si l’intel-ligence adhère à des fausses opinions, si lavolonté choisit et s’unit au mal (...), toutesdeux déchoient de leur dignité native (...)”(Enc. Immortalæ Dei du 1er/11/1885).

4) Nier toute discrimination (= disparitéde traitement ou de droits), “d’aucune sorte”,même celles en faveur des catholiques, estcontraire à la doctrine sociale de l’Eglise.

JEAN-PAUL II ET LE “DIALOGUEINTER-RELIGIEUX”

Nous nous référons ici à deux interven-tions de Jean-Paul II qui sont: d’une part leMessage au Cardinal Edward I. Cassidy,Président du Conseil pontifical pour laPromotion de l’Unité des Chrétiens du 26août 1998, à l’occasion de la “XIIème ren-contre de prière organisée par la Com-munauté de Saint Egide sur le thème: ‘Paix estle nom de Dieu’” (Doc. cath., n° 2190 du18/10/98, p. 864 à 866; nous attribuerons à cetexte la lettre initiale M), d’autre part le dis-cours aux fidèles à l’occasion de l’audiencegénérale du 9 septembre 1998 (Doc. cath.,ibidem, p. 859-860, U pour abréger). A cesdeux documents s’ajoute le discours pronon-cé lors d’une autre audience générale(Osservatore Romano éd. it. du 17/9/98, p. 4;initiale U2); ce dernier discours est un déve-loppement de U et prépare le thème del’“encyclique” de Jean-Paul II sur les rap-ports entre foi et raison. Le thème des deux

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premiers discours et de notre commentaireest celui des relations entre l’Eglise et les re-ligions non chrétiennes, thème déjà traitépar Vatican II, principalement dans la Dé-claration Nostra Ætate (NA) du 28 octobre1965. Nous verrons comment Jean-Paul IInon seulement fait siennes les principales in-novations conciliaires dans ce domaine, maiscomment il va bien au-delà du Concilemême, sur la voie de l’indifférentisme, dumodernisme et du traditionalisme.

I. La doctrine de Jean-Paul II

a) Nouvelle évaluation des religions nonchrétiennes: “estime, respect sincère, pro-fonde sympathie, collaboration cordiale”

Telle est la nouvelle approche du Concileet du post-Concile vis-à-vis des fausses reli-gions existant dans le monde, sans exception(“L’Esprit de vérité et d’amour, dans la pers-pective du troisième Millénaire bien prochedésormais, nous guide sur les voies de l’an-nonce de Jésus-Christ et du dialogue de paixet de fraternité avec les disciples de toutes lesreligions” U, 4). Vatican II s’était limité aurespect: “Elle [l’Eglise] considère avec un res-pect sincère (1) ces manières d’agir et de vivre,ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’ellesdiffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, apportent cependantsouvent un rayon de la vérité qui illuminetous les hommes” (NA, 2; U, 1). Jean-Paul IIabonde en ce sens: “Pour les motifs que nousvenons de rappeler l’attitude de l’Eglise et dessimples chrétiens vis-à-vis des autres religionsest empreinte de respect sincère, de sympathieprofonde, et aussi, quand il est possible et op-portun, de collaboration cordiale” (U, 4); “ils[les représentants des grandes Religions mon-diales] savent avec quelle estime je considèreleurs traditions religieuses” (M, 2ème col.).Aidons-nous du dictionnaire italien (leNuovo Zingarelli, 1989) pour apprécier lestermes à leur juste valeur: respect: “senti-ment né de l’estime et de la considérationenvers les personnes considérées comme su-périeures, envers principes ou institutions”;sympathie: “attraction et inclination instinc-tives pour des personnes ou des choses (dugrec sympatheia, conformité dans le sentir);collaboration: “fait de travailler ensembleavec d’autres”; estime: “opinion bonne, favo-rable, des qualités, des mérites, de l’activité,etc d’autrui”. Une telle évaluation se porte

Jean-Paul II reçoit les représentants des “United JewishAppeal Federations of North America”

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non pas tant sur les adeptes des religions nonchrétiennes, mais sur les religions mêmes,sur leur ensemble (comportant des chosesvraies et des choses qui diffèrent en de nom-breux points de ce que croit l’Eglise), surleur doctrine dogmatique et leurs préceptesmoraux. Cette attitude nous paraît profondé-ment innovatrice, et Jean-Paul II semble leconfirmer lorsque, la résumant en ce termede“vision” ou d’“esprit d’Assise” (M, 1èrecol.; U, 2) il écrit: “Mon esprit se rappelle en-core avec une vive émotion cette mémorablejournée d’Assise où, pour la première foisdans l’histoire (2) des représentants desgrandes religions du monde se sont réunispour demander la paix à Celui qui est le seulà pouvoir la donner en plénitude” (M, 1èrecol.) Aussi dans un article sur le dialogueinter-religieux publié dans la revue napolitai-ne Il Gesù nuovo (n. 3, mai-juin 1996, p.143), le père jésuite Armando Gargiulo put-il écrire sans craindre d’être démenti: “LeConcile Vatican II a été le premier dans l’his-toire conciliaire de l’Eglise, à parler de façonpositive des autres religions”. Affirmer qu’ilaura fallu à l’Eglise 2000 ans pour découvrirune “vérité” aussi importante semble uneénormité! Cette nouvelle attitude peut-ellese fonder toutefois sur l’autorité de laRévélation, de la Tradition ou du magistèreecclésiastique, du moins implicitement?Jean-Paul II pense que oui.

b) Les “semences du Verbe”Jean-Paul II écrit:“Reprenant l’enseigne-

ment conciliaire, j’ai voulu, dès la premièrelettre encyclique de mon pontificat [Redemptorhominis] rappeler l’ancienne doctrine formuléepar les Pères de l’Eglise, selon laquelle il est né-cessaire de reconnaître ‘les semences du Verbe’présentes et à l’œuvre dans les diverses religions(cfr Ad Gentes, 11; Lumen Gentium, 17). Cettedoctrine nous pousse à affirmer que, bien quepar des voies différentes, ‘cependant l’aspirationla plus profonde de l’esprit humain est tournée,malgré la diversité des chemins, vers une direc-tion unique, en s’exprimant dans la recherche deDieu et en même temps, par l’intermédiaire dela tension vers Dieu, dans la recherche de la di-mension totale de l’humanité, c’est-à-dire dusens plénier de la condition humaine’(Redemptor hominis, 11). Les ‘semences de vé-rité’ présentes et à l’œuvre dans les diverses tra-ditions religieuses sont un reflet de l’uniqueVerbe de Dieu, qui ‘éclaire tout homme’ (cfr Jn1, 9) et qui s’est fait chair dans le Christ Jésus

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(cfr Jn 1, 14). Elles sont également un ‘effet del’Esprit de vérité qui est à l’œuvre au-delà desfrontières visibles du Corps Mystique’, et qui‘souffle où il veut’ (Jn 3, 8) (cfr Redemptor ho-minis, 6 et 12)” (U, 1). En ce qui concerne lemagistère de l’Eglise, Jean-Paul II ne peut seréférer qu’à lui-même et au Concile Vatican II.Mais dans le cas présent, il va bien au-delà duConcile: Ad Gentes se limitait à écrire que lesmissionaires “doivent bien connaître les tradi-tions nationales et religieuses des autres, heu-reux de découvrir et prêts à respecter ces se-mences du Verbe qui se cachent en elles”, tandisque Lumen Gentium affirme que l’Eglise,après avoir tiré les non-chrétiens de “l’esclava-ge de l’erreur”, “n’a qu’un but: tout ce qu’il y ade germes de bien dans le cœur et la pensée deshommes ou dans leurs rites propres et leur cul-ture, non seulement ne pas le laisser perdre maisle guérir, l’élever et l’achever pour la gloire deDieu, la confusion du démon et le bonheur del’homme.” Vatican II ne fait donc qu’une allu-sion rapide, à la doctrine sur les “semences duVerbe” de saint Justin (soulignant la nécessitéde corriger et purifier les erreurs mêlées à cer-taines vérités) et sans même citer son auteur,saint Justin, apologiste et philosophe chrétiendu IIème siècle, ce que fait au contraire explici-tement Jean-Paul II (dans U2, 1). Celui-ci seréfère donc en dernière analyse à saint Justin;mais, est-ce à tort ou à raison qu’il le fait?

Plus apologiste que philosophe et théolo-gien, écrivain en tous cas non systématique,saint Justin tire l’expression logoi spermatikoi -raisons séminales - de l’école stoïcienne (à la-quelle il avait appartenu), pour expliquer le faitque l’on puisse trouver dans la philosophiegrecque des vérités révélées par ailleurs dansl’Ancien Testament: “quant aux analogies quirapprochent des autres religions le judaïsme,précurseur divinement autorisé du christianis-me, il l’explique pour une part (et c’est là unesolution très discutable) par des plagiats deslivres sacrés des Juifs effectués par les philo-sophes et par une astucieuse imitation des dé-mons (thèse du plagiat) et pour l’autre part (etc’est une solution plus perspicace) par une to-lérance divine, tout à fait provisoire, d’élé-ments imparfaits, dans le but de faciliter l’ac-ceptation de ce qui est essentiel (théorie de lacondescendance, sugkatabasis) ou, enfin, enaccommodant de façon superficielle la théoriestoïcienne des ‘raisons séminales’ (logoi sper-matikoi) au moyen de ‘semences du verbe’élargies aux âmes de bonne volonté”(Enciclopedia cattolica, rubrique Religioni, X,

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707). C’est sur cette voie que s’engagerontdeux auteurs pas toujours orthodoxes commeClément d’Alexandrie et Origène (remis envogue par de Lubac). Etienne Gilson, dansL’Esprit de la philosophie médiévale (Vrin,Paris 1969, pp. 23-25) montre comment la pen-sée de saint Justin peut être développée dansun sens correct (il cite saint Ambroise - en réa-lité l’Ambrosiaster - et saint Thomas d’Aquin:omne verum, a quocumque dicatur, a Spiritusancto est) et comment elle peut fonder unephilosophie chrétienne, sans rejeter (commec’est la tendance chez les protestants) ce qu’il ya dans la philosophie classique de vrai, de bon,c’est-à-dire de conforme à la réalité et à la loinaturelle. Mais saint Justin peut être aussi malinterprété, si on lui attribue ce qu’il n’a pas dit.C’est ce que fait Jean-Paul II. D’abord et avanttout, Justin se réfère surtout à la philosophiegrecque pré-chrétienne; Jean-Paul II à toutesles religions (pré et post-chrétiennes). Justinadmet une intervention des démons dans lestraditions non chrétiennes; Jean-Paul II n’enparle pas. Enfin, une interprétation correcte deJustin réduit l’intervention divine (du Verbe,ou de l’Esprit Saint) à la lumière de la raisonnaturelle que Dieu imprime dans chaquehomme; tandis que Jean-Paul II, qui souventne distingue pas (selon son “maître” de Lubac)entre ordre naturel et surnaturel, semble sur-naturaliser la recherche de Dieu de la part deshommes (dans les diverses religions) et laconnaissance naturelle de Dieu à laquelle ilsparviennent (non sans un mélange d’erreurs)qui, si vrai soit-elle (et seulement dans cettemesure) n’en est pas moins une simple partici-pation à la Vérité. Nous verrons ensuite la va-leur salvatrice (et donc surnaturelle) que Jean-Paul II donne à cette recherche et à cetteconnaissance (naturelle) de Dieu.

c) “La lumière, la vraie, celle qui éclairetout homme, venait dans le monde” (Jn 1, 9)

Justin appuie sa doctrine (stoïcienne) des‘semences du Verbe’ sur la phrase évangé-lique ci-dessus. Jean-Paul II la reprend et lafait sienne, à la suite de Nostra ætate: “Les ‘se-mences de vérité’ présentes et à l’œuvre dans lesdiverses traditions religeuses [sans exception!n.d.r.] sont un reflet de l’unique Verbe de Dieu‘qui éclaire tout homme’ (cfr Jn 1, 9) et qui s’estfait chair dans le Christ Jésus (cfr Jn 1, 14)” (U,1); “l’ouverture de l’esprit humain à la vérité etau bien se réalise toujours avec pour arrière-plan la vraie ‘Lumière qui éclaire tout homme’(Jn 1, 9). Cette lumière est le Christ Seigneur

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lui-même, qui a éclairé depuis les origines lespas de l’homme et est entré dans son ‘cœur’”(U2, 2). Quel est donc le sens de cette expres-sion évangélique? Puisque Jean-Paul II citeexpressément saint Thomas dans sonCommentaire de saint Jean, nous aurons re-cours au même écrit (Commentaire del’Evangile de saint Jean l I-VI, Città Nuova,1990) dans la lectio V, où il examine le verseten question. Or, le Docteur angélique com-mence par contredire immédiatement cequ’affirme Jean-Paul II: “La nécessité de lavenue du Verbe émerge bien du défaut deconnaissance divine dans le monde” (n. 124);en effet, “avant la venue du Verbe il y eut dansle monde une certaine lumière, que les philo-sophes se vantaient de posséder; mais c’étaitune fausse lumière, parce que, comme le ditl’Epître aux Romains (1, 21 et suiv.) ‘ils sontdevenus vains dans leurs pensées et leur cœursans intelligence s’est enveloppé de ténèbres. Sevantant d’être sages, ils sont devenus fous’. (...)Il y eut aussi une autre lumière que les juifs sevantaient de posséder, et qui provenait de ladoctrine de la Loi; mais c’était une lumière pré-figurative (...)” (n. 125). Cependant, “que ledéfaut pour lequel les hommes ne connurentpas Dieu, et ne furent pas éclairés par le Verbene dépend pas d’un manquement de Dieu oudu Verbe, [Jean] le démontre (...) par l’efficaci-té de la lumière divine: ‘La lumière, la vraie,celle qui éclaire tout homme, venait dans lemonde’ (...)” (n. 124). “L’efficacité du Verbe serévèle par le fait qu’elle ‘éclaire tout homme quivient dans ce monde’. Tout ce qui est par parti-cipation, dérive en effet de ce qui est tel par es-sence (...) Or, puisque le Verbe est vraie lumiè-re par sa nature, il est nécessaire que tout autreêtre lumineux soit éclairé par lui et participe delui. Donc il ‘éclaire tout homme qui vient dansce monde’” (n. 127). Mais de quelle façon?“L’illumination par le Verbe peut s’entendre dedeux manières: ou relativement à la connais-sance de la lumière naturelle (...) ou relative-ment à la lumière de la grâce (...)” (n. 129).“(...) Si (...) nous prenons le mot ‘monde’ dansle sens de réalité créée, et ‘illumination’ dans lesens de lumière naturelle de la raison, l’expres-sion de l’Evangéliste ne contient rien de faux.En effet tous les hommes qui viennent en cemonde visible sont éclairés au moyen de la lu-mière de la connaissance naturelle qui participede la vraie lumière de laquelle tous les hommesreçoivent par participation toute lumière deconnaissance naturelle (...)” (n. 129). “Si aucontraire l’illumination se réfère à la lumière de

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la grâce, alors la phrase ‘éclaire tout homme...’peut avoir trois explications: premièrement (...)‘éclaire tout homme qui vient’ au moyen de lafoi ‘en ce monde’ spirituel qui est l’Eglise, illu-minée par la lumière de la grâce [Origène].Deuxièmement, (...) ‘Le Verbe éclaire’ - pource qui dépend de lui; puisque pour sa part il nese refuse à personne, et même ‘veut que tous sesauvent et parviennent à la connaissance de lavérité’ comme dit saint Paul (1 Tm 2, 4) - ‘touthomme qui vient...’ c’est à dire qui naît, ‘dansce monde’ visible. Et si quelqu’un n’est paséclairé, la faute vient de l’homme qui se sous-trait à la lumière qui l’éclaire’ [Chrysostome].Troisièmement, (...) en disant... ‘éclaire touthomme qui vient dans ce monde’ on ne veutpas indiquer dans l’absolu tous les hommes,mais chaque homme qui est éclairé; car person-ne n’est éclairé sinon par le Verbe (...)[Augustin]” (n. 130). En résumé: Dieu éclairetous les hommes en leur donnant la lumièrede la raison pour connaître des vérités natu-relles; il offre à tous les hommes la lumière dela grâce (suffisante) pour se sauver; seuls sonteffectivement éclairés par la grâce les hommesqui ont la foi (cf. Jn 1, 12) et sont dans l’Eglise,les autres ne sont pas illuminés, par leur faute,ayant repoussé la lumière (Jn 1, 10-11). Telleest la doctrine de saint Thomas, faussée et em-brouillée par Jean-Paul II. De la même maniè-re, la doctrine de saint Paul exprimée dansl’Epître aux Romains, attribue au monde seu-lement deux lumières avant la venue duChrist: la raison pour les Gentils et la Loi pourles Hébreux, condamnant par contre en blocla religion des Gentils en tant qu’aberrationde la raison, et montrant l’incapacité de sauverde la religion hébraïque; d’un rôle salvateurdes fausses religions il n’y a pas trace, etmême, il y a le contraire.

d) L’Esprit de Vérité... auteur des faus-ses religions!

Au contraire, après s’être bien gardé dedistinguer entre lumière naturelle de la raison(donnée à tous) et lumière surnaturelle de lagrâce (proposée à tous mais donnée seule-ment aux croyants), Jean-Paul II déduit dupassage évangélique que toutes les religions(ou ‘traditions religieuses’) viennent du Verbeet de l’Esprit Saint. “Elles [les semences de vé-rité] sont ‘effet de l’Esprit de vérité qui est àl’œuvre au-delà des frontières visibles du CorpsMystique’ et qui ‘souffle où il veut’ (Jn 3, 8) (cfrRedemptor hominis, 6 et 12) (...) Dès mainte-nant, en cette année pneumatologique, il est op-

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portun que nous prenions le temps de nous de-mander en quel sens et par quelles voiesl’Esprit-Saint est présent dans la recherche re-ligieuse de l’humanité et dans les diverses ex-périences et traditions qui l’expriment. Il fauttout d’abord avoir conscience que toute re-cherche de l’esprit humain en direction de lavérité et du bien [objectif ou subjectif? n.d.a.],et en dernière analyse de Dieu, est suscitée parl’Esprit Saint” (U, 1 et 2). Cette bizarrerie, il lajustifie avec la Tradition: “S’appuyant sur lesPères de l’Eglise, saint Thomas d’Aquin peutaffirmer qu’aucun esprit n’est ‘tellement enténé-bré qu’il ne participe en rien à la lumière divi-ne. En effet toute vérité connue de qui que sesoit est due totalement à cette lumière qui brilledans les ténèbres; car toute vérité qui que soitcelui qui l’énonce, vient de l’Esprit Saint’(Super Joannem, 1, 5, lect. 3, n. 103)”. Maisl’appui de saint Thomas (et des Pères, en l’oc-currence l’Ambrosiaster) vacille dès que l’onse donne la peine de contrôler: voici le textedans son entier: “Mais même si certains es-prits sont enténébrés, c’est-à-dire privés dugoût et de la lumière de la sagesse, ils ne le sontjamais cependant au point de ne pas participerau moins un peu à la lumière divine. Puisquece peu de vérité [naturelle, n.d.a.] que qui-conque est en mesure de connaître [naturelle-ment, n.d.a.] dérive tout entier d’une participa-tion de ladite lumière qui brille dans les té-nèbres, en effet - toute vérité quelle qu’elle soitet quelle que soit la personne qui l’énonce, vientde l’Esprit Saint - [Ambrosiaster, Comm. inep. 1 ad Cor., c. 12, 3, PL 17, 258]. Mais les té-nèbres, autrement dit les hommes dans les té-nèbres, ne comprirent pas la lumière dans latotalité de sa vérité”. Saint Thomas affirmepar conséquent qu’il y a des hommes qui sontdans les ténèbres simpliciter quant à laconnaissance de la vérité: ils sont dans l’er-reur; mais puisque l’erreur et le mal à l’étatpur n’existent pas (pas même en satan) cequ’il y a en eux de vrai et de bon vient de Dieu(de même en satan, en tant qu’il existe et qu’ilpossède des connaissances naturelles vraies).De cela on ne peut certes pas déduire que lestraditions religieuses et le sentiment religieuxde l’homme, dans leur ensemble, pour le seulfait d’avoir pour objet “Dieu”, est bon, etdonc vient de l’Esprit Saint! Eh bien pourtantc’est ce que fait Jean-Paul II... Reprenons lacitation où nous l’avons laissée (U, 2): “Il fauttout d’abord avoir conscience que toute re-cherche de l’esprit humain en direction de lavérité et du bien et en dernière analyse de Dieu,

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est suscitée par l’Esprit Saint. C’est précisémentde cette ouverture primordiale de l’homme àl’égard de Dieu que naissent les diverses reli-gions. Bien souvent, nous trouvons à leur origi-ne des fondateurs qui ont connu, avec l’aide del’Esprit de Dieu, une très profonde expériencereligieuse. Transmise aux autres, cette expérien-ce a pris forme dans les doctrines, les rites et lespréceptes des différentes religions”. Bouddhaet Mahomet sont, indubitablement, fonda-teurs de grandes religions. Alors, l’expériencereligieuse de ces deux hommes se serait ac-complie avec l’aide de l’Esprit de Dieu, setransmettant ensuite aux autres et se structu-rant en religion. De cette façon l’Esprit de vé-rité serait l’auteur du bouddhisme (avec sonathéisme) et de l’islam (avec son refus de laTrinité et de la divinité du Christ). Nous de-meurons frappés de stupeur devant une telleconséquence! L’Esprit-Saint serait donc l’ins-pirateur de Bouddha et de Mahomet! Bienplus: il l’est de tout homme: “toute prière au-thentique est suscitée par l’Esprit Saint, qui estmystérieusement présent dans le cœur de touthomme” (U, 2 qui cite l’Allocution de Jean-Paul II aux membres de la Curie romaine(22/12/86), allocution qui commente justementla réunion d’Assise).

e) Digression: l’origine des religionsselon le Modernisme

Plus que dans saint Justin, saint Ambroiseet saint Thomas, c’est dans l’encycliquePascendi que nous trouvons une doctrine sinonidentique, du moins ressemblant à celle deJean-Paul II, là où Saint Pie X décrit la doctrinedes modernistes sur l’origine des religions: “Ils’ensuit, puisque l’objet de la religion est Dieu,que la foi, principe et fondement de toute reli-gion, réside dans un certain sentiment intime en-gendré lui-même par le besoin du divin” (n. 10)[serait-ce “l’ouverture primordiale de l’hommeà l’égard de Dieu” dont parle Jean-Paul II, delaquelle “naissent les diverses religions”?]. Cesentiment religieux, ou ouverture primordiale àDieu, qui existe en tout homme, est, pour lesmodernistes, une Révélation: “ce sentiment quiapparaît dans la conscience, et Dieu qui dans cesentiment, quoique confusément encore, se ma-nifeste à l’âme, n’est-ce point là une révélation,ou tout au moins un commencement de révéla-tion? Ils ajoutent même que, du moment queDieu est tout ensemble cause et objet de la foi,dans la foi on trouve donc la révélation etcomme venant de Dieu et comme portant surDieu (...) De là... cette doctrine absurde des mo-

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dernistes que toute religion est à la fois naturelleet surnaturelle, selon le point de vue” (n. 12).(Nous avons déjà vu que Jean-Paul II confondrecherche naturelle de Dieu et révélation sur-naturelle faite par Dieu). Comment passe-t-onchez les modernistes de ce vague sentiment re-ligieux “révélé” aux diverses religions structu-rées? Dieu (“l’Inconnaissable”) se manifeste ànous relié à un “phénomène”: ce phénomène“sera un fait de la nature enveloppant quelquemystère, ce sera encore un homme [les fonda-teurs des grandes religions, nous y sommes!]dont le caractère, les actes, les paroles [bref: dontl’“expérience religieuse”] paraissent déconcer-ter les lois communes de l’histoire” (n° 12). Peuà peu, l’expérience religieuse du fondateur,dans lequel s’est manifestée la Révélation divi-ne (autrement dit le sentiment religieux), esttransfigurée et défigurée, pour devenir religion:“transmise aux autres - dit Jean-Paul II - cetteexpérience a pris forme dans les doctrines, lesrites et les préceptes des différentes religions” (U,2). La conséquence de cette doctrine modernis-te est l’estime et le respect pour toutes les reli-gions, et même leur “vérité” radicale! Exposantla pensée moderniste, saint Pie X écrit encore:“la doctrine de l’expérience jointe à celle dusymbolisme consacre comme vraie toute reli-gion, sans excepter la religion païenne. Est-cequ’on ne rencontre pas dans toutes les religionsdes expériences de ce genre? Beaucoup le disent.Or de quel droit les modernistes dénieraient-ilsla vérité aux expériences religieuses qui se fontpar exemple dans la religion mahométane? Eten vertu de quel principe attribueraient-ils auxseuls catholiques le monopole des expériencesvraies? Ils s’en gardent bien: les uns de façonvoilée, les autres ouvertement, ils tiennent pourvraies toutes les religions. Et c’est aussi bien unenécessité de leur système. Car, posés leurs prin-cipes, à quel chef pourraient-ils arguer une reli-gion de fausseté? (...) Tout au plus, dans cettemêlée des religions, ce qu’ils pourraient revendi-quer en faveur de la religion catholique, c’estqu’elle est plus vraie...” (nn. 22-23) ou, selonl’expression de Jean-Paul II, qu’elle est la “ré-vélation plénière de Dieu dans le Christ” (U, 3).

f) Conséquence de cette nouvelle doctrine.La première conséquence concerne le

salut des non chrétiens. Il ne se réalise pasmalgré mais grâce aux religions non chré-tiennes: “Normalement, ‘c’est par la pratiquede ce qui est bon dans leurs propres traditionsreligieuses et en suivant ce que leur dicte leurconscience, que les membres des autres reli-

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gions répondent positivement [tous? n.d.a.] àl’invitation de Dieu et reçoivent le salut [enco-re une fois, tous? n.d.a.] en Jésus-Christ,même s’ils ne le reconnaissent pas [même ex-plicitement? n.d.a.] comme leur Sauveur (cfrAd gentes, 3, 9, 11)’ ( Instruction ‘Dialogue etannonce’ du Conseil pontifical pour leDialogue inter-religieux et de la Congrégationpour l’Evangélisation des peuples, du 19 mai1991, n° 29). En effet, comme l’enseigne leConcile Vatican II, ‘puisque le Christ est mortpour tous et que la vocation ultime del’homme est réellement unique, à savoir divi-ne, nous devons tenir que l’Esprit offre à tous,d’une façon que Dieu connaît, la possibilitéd’être associés au mystère pascal’ (Gaudium etspes, 22). Cette possibilité se réalise par l’adhé-sion intime et sincère à la Vérité, le don géné-reux de soi-même au prochain, la recherche del’Absolu suscitée par l’Esprit de Dieu. Unrayon de la Sagesse divine se manifeste égale-ment par la réalisation des préceptes et despratiques conformes à la loi morale et au sensreligieux authentique” (U, 3). Dans ce longpassage que je viens de citer, Jean-Paul II nementionne ni la nécessité de la grâce (ni ac-tuelle ni sanctifiante), ni la nécessité de croireexplicitement au Christ suffisamment annon-cé, ni la nécessité de croire - selon les parolesde l’Epître aux Hébreux - à l’existence d’unDieu unique rémunérateur, ni la nécessitéd’adhérer en tout à la loi naturelle, ni la né-cessité de ne pas adhérer à la conscience vin-ciblement erronée... S’il l’avait fait, commentne pas voir que les religions non-chrétiennes,plutôt qu’un moyen, sont un obstacle au salut,puisqu’elles manquent, s’opposent même àces exigences. J’en reparlerai dans l’examencritique. Mais si toutes les religions sont unmoyen de salut, sympathie, dialogue, collabo-ration sont alors une obligation.

Il s’agit là de «la nécessaire reconnaissancedes ‘germes du Verbe’ et des ‘gémissements del’Esprit’» (U, 4). A fortiori, éviter non seule-ment la haine, mais aussi les conflits et lesguerres religieuses est un devoir: «Qu’aucunehaine, aucun conflit, aucune guerre ne soit al-lumé par les religions. La guerre ne peut ja-mais être motivée par la religion» (M, 4èmecol.) (3). Jean-Paul II conclue (U, 4) que ladoctrine qu’il vient d’exposer n’atténue enrien “la tension missionnaire” ou la foi enJésus-Christ “unique Médiateur et Sauveur dugenre humain”. Mais qu’il soit nécessaire de lerappeler est justement symptomatique!Excusatio non petita, accusatio manifesta,

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pourrait-on dire! Et en fait, si les religions nonchrétiennes sont déjà un instrument de salutplutôt qu’un obstacle, la tension missionnaireest destinée à s’atténuer ou à se transformeren simple engagement social, cela ne peutéchapper à personne et c’est ce qui est effecti-vement arrivé. Nous avons exposé honnête-ment la doctrine de Jean-Paul II en en mon-trant les difficultés. Il est opportun mainte-nant de dédier une seconde partie de cet ar-ticle à une réfutation plus explicite des argu-ments avancés dans les discours en question.

II. Examen critique

a) Sur le respect des autre religions.Respecter ou détester?

Voici ce qu’écrit le grand théologien tho-miste R. Garrigou-Lagrange (sous l’autoritéduquel Karol Wojtyla a étudié et obtenu sesdiplômes): “Le respect de toutes les religions,si fausses ou perverses soient-elles, n’est quel’orgueilleuse négation du respect dû à laVérité. Pour aimer sincèrement le vrai et lebien, il faut n’avoir aucune sympathie pourl’erreur et le mal” (Dieu. Son existence et sanature. XI éd., Beauchesne 1950, p. 757). Or,les religions non chrétiennes sont des opinionsfausses et perverses. Donc, elles ne peuventêtre respectées comme le font Vatican II et,surtout, Jean-Paul II. On objectera que leConcile et Jean-Paul II ne respectent dans lesfausses religions que ce qu’il y a en elles devrai et de bon, autrement dit ‘les semences duVerbe’ et ‘les gémissements de l’Esprit’. Cecin’est pas vrai, car nous avons vu que ‘le res-pect’ a pour objet ‘préceptes et doctrines’ qui

Dialogue inter-religieux: rencontre de Jean-Paul II avecles moines bouddhistes pendant son voyage en

Thaïlande en 1984

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en de nombreux points diffèrent de ce quel’Eglise croit et professe. L’objection, detoutes façons, même si elle est mieux structu-rée, peut et doit être repoussée. Voici com-ment le même Père Garrigou-Lagrange pré-sente (en 1945!) cette objection devenue au-jourd’hui l’expression mot pour mot de la doc-trine conciliaire et qu’il qualifie d’“indifféren-tiste”: “Il faut admettre tout ce qui est vrai ethonnête. Or, dans toutes les religions il y aquelque chose de vrai et d’honnête. Par consé-quent, pour être juste, il faut admettre plus oumoins toutes les religions même si le christianis-me est meilleur et plus vigoureux”. EtGarrigou-Lagrange répond, utilisant la métho-de scolastique: “je distingue la majeure: ‘tout cequi est absolument (simpliciter) vrai et bon,doit être admis’ je le concède (concedo); mais‘ce qui est vrai et bon’ seulement en un certainsens - secundum quid tantum - (c’est-à-dire,sous l’un de ses aspects accidentels), mais est ensoi (simpliciter) faux et mauvais, ne peut êtreadmis. Et de la même façon je contredistinguela mineure. En effet, comme l’écrit SaintThomas, ‘il est impossible de trouver uneconnaissance qui soit totalement fausse, sansaucun mélange de vérité. Saint Bède dit en effetqu’il n’y a pas de fausse doctrine qui n’insèrequelque vérité dans le faux. C’est pourquoimême l’enseignement que les démons impartis-sent à leurs prophètes contient des vérités qui lerendent acceptable: voilà pourquoi l’intellect selaisse conduire à la fausseté par l’apparence devérité, comme la volonté se laisse entraîner aumal par l’apparence de bien. D’où les parolesde Chrysostome: ‘Il a été concédé au démon dedire parfois des vérités, pour, avec ce peu de vé-rité, avaliser son mensonge’ (II-II, q. 172, a. 6)(4). Même dans la négation hégélienne du prin-cipe de non contradiction il y a une apparencede vérité, en ce sens que ce qui devient est en uncertain sens et n’est pas en un autre sens. C’estpourquoi les choses qui sont fausses dans l’ab-solu peuvent, sous un certain aspect, être aumoins apparemment vraies. Mais dans unedoctrine fausse en soi, la vérité n’est pas présen-te comme âme de la doctrine, mais comme ser-vante de l’erreur. Donc, pour conserver l’équité,nous ne devons pas considérer selon le mêmecritère le catholicisme et le protestantisme; et quiplus est, pour connaître profondément ce quiest bien, il faut l’aimer, de même que pourconnaître parfaitement un mal qui s’oppose à lasainteté, il faut le haïr, comme le font Dieu et lessaints. Et ce, sans préjudice pour l’objectivitéscientifique, puisqu’au contraire, la détestation

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du mal nous libère des passions désordonnéeset des préjugés” (De Revelatione, vol. II, p. 408,traduction du latin par nos soins). La sainethéologie nous apprend donc à haïr les faussesreligions, et non certes à les respecter ou à lesregarder avec sympathie.

b-c-d) Les “semences du Verbe”- La “lu-mière qui éclaire tout homme”- Les “gémis-sements de l’Esprit”: Dieu, auteur de toutesles religions

Dans notre exposé de la doctrine de Jean-Paul II nous, avons déjà analysé les fonde-ments “traditionnels” de la nouvelle doctrinesur les religions non chrétiennes. Ni la théoriede Saint Justin sur les “semences du Verbe”ni le commentaire de Saint Thomas au pro-logue de l’Evangile de Saint Jean, ne justifientla prétention de Jean-Paul II d’attribuer àDieu, et particulièrement au Verbe ou àl’Esprit-Saint, l’origine de toutes les religionspassées, présentes et futures. Au contraire, laSainte Ecriture nous dit que “toutes les divini-tés des gentils sont des démons” (Ps. 95, 5);les païens “immolèrent aux démons, et non àDieu” (Deut. 32, 17); “ce que les païens of-frent en sacrifice, ils l’immolent à des démons,et non à Dieu; or je ne veux pas que voussoyez en communion avec les démons. Vousne pouvez boire à la fois au calice du Seigneuret au calice du démon; vous ne pouvezprendre part à la table du Seigneur et à latable du démon” (I Cor 10, 20-21). Dansl’Epître aux Romains (Rm 1, 18-32), lacondamnation des religions non chrétiennesest tout simplement radicale, comme l’estcelle des juifs incrédules (Rm, 9 et 10). Lesfausses religions tirent leur origine naturellede la raison de l’homme aveuglée par les pas-sions et blessée par le péché originel, et leurorigine préternaturelle de l’esprit deMensonge, de satan, de l’esprit qui souffle oùil peut, et certes pas de Celui qui souffle où Ilveut. Rien de tout cela dans les discours deJean-Paul II cités plus haut; il n’y fait aucontraire que répéter son propre enseigne-ment, celui de Redemptor hominis, 6. Citonsin extenso, le passage de cette ‘encyclique’ re-pris partiellement dans U, 1: “La fermeté de lacroyance des membres des religions non-chré-tiennes est parfois un effet de l’Esprit de véritéopérant au-delà des frontières visibles duCorps Mystique”. Cette proposition, “en tantque telle est captieuse, sentant l’hérésie, condui-sant à une proposition déjà condamnée chezBaïus (D. B. 1063, D.S. 1963); en tant qu’elle

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attribue à l’Esprit Saint la croyance à des véri-tés religieuses d’ordre naturel: [elle est] mal-sonnante, favorisant la confusion de l’ordre dela raison et de celui de la foi, conduisant à unsystème déjà condamné comme hérétique parle Concile Vatican I (D.S. 3032) (5); en tantqu’elle attribue à l’Esprit Saint l’appartenanceà des communautés non chrétiennes: [elle est]erronée; en tant qu’elle attribue à l’Esprit Saintla croyance à l’ensemble de la doctrine profes-sée par des membres des religions non-chré-tiennes: [elle est] hérétique” (6).

e) Digression: l’origine des religionsselon le traditionalisme

Au point (e) de la première partie nousavions comparé la pensée de Jean-Paul II etcelle des modernistes sur l’origine des reli-gions et sur leur valeur. Permettons-nous uneautre digression, cette fois sur le traditionalis-me. Ne nous étonnons pas de cet assemblagemodernisme-traditionalisme, l’un exaltant lamodernité et l’autre la tradition: le point dedépart des deux systèmes est en effet com-mun: c’est le fidéisme. Né catholique et“contre-révolutionnaire” avec de Bonald etde Maistre, le traditionalisme est passé ensui-te au libéralisme avec Ventura et deLamennais; avec ce dernier même, il estpassé ouvertement à l’indifférentisme. On nepeut exclure une influence du traditionalismedu XIXème siècle sur celui du XXème, qu’ilsoit “chrétien” (Panunzio, Mordini...) ou éso-térique (Guénon, Schuon...). Joseph deMaistre, “communément considéré commeun précurseur du traditionalisme” (7) est défi-ni élogieusement par un catholique traditio-naliste contemporain comme “le derniergrand maçon catholique” (8)! On trouvaitdéjà dans le traditionalisme du XIXème uneappréciation positive des traditions (reli-gieuses et culturelles) des peuples non chré-tiens. Dans l’impossibilité où nous nous trou-vons de connaître la vérité (vérité morale etreligieuse surtout) par la raison, nous devonsrecourir à la révélation. Or il existe une révé-lation primitive de Dieu qui a été transmise àtous les peuples par le langage et lescroyances communes à toute l’humanité. Delà à l’indifférentisme il n’y a qu’un pas et ausiècle dernier Lammenais le franchit (D.1613). Mais déjà de Maistre, martiniste, sou-tenait un christianisme ésotérique et trans-cendantal unissant, au-delà des différentesconfessions religieuses, tous les initiés. Lestraditionalistes du XXème ayant abandonné

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le catholicisme, comme Guénon et Schuonparlent d’ “unité transcendante de toutes lesreligions”. La légende des trois anneaux quel’on trouve dans Boccace et Lessing et qui aété reprise par un traditionaliste catholiquebien connu (9) expose un principe semblable:la vraie religion est une, mais toutes les reli-gions sont filles du Père, et dans toutes (dumoins dans les trois monothéistes) on peutplaire au Père. Nous ne pensons pas quecette idée soit loin de celle exprimée parJean-Paul II dans les discours que nous ve-nons de commenter, lorsqu’il écrit parexemple: “l’aspiration la plus profonde del’esprit humain est tournée, malgré la diversitédes chemins, vers une direction unique, ens’exprimant dans la recherche de Dieu”; et:“les semences de vérité présentes et à l’œuvredans les diverses traditions religieuses sont unreflet de l’unique Verbe de Dieu”; et encore:les “fondateurs” des religions “ont connu,avec l’aide de l’Esprit de Dieu, une très pro-fonde expérience religieuse...”.

f) Les fausses religions: obstacle au salutou moyen de salut?

“Normalement, c’est à travers la pratiquede ce qui est bon dans leurs propres traditionsreligieuses et en suivant ce que leur dicte leurconscience, que les membres des autres reli-gions répondent positivement à l’appel deDieu et reçoivent le salut en Jésus-Christ,même s’ils ne le reconnaissent pas commeleur Sauveur” (U, 3). Même si Jésus reste“unique Médiateur et Sauveur du genre hu-main” (U, 4), les fausses religions sont ici dé-crites comme un moyen - normal - de salutpour les non chrétiens [lesquels semblent -soit dit en passant - se sauver tous, étantdonné que le Saint-Esprit est “mystérieuse-ment présent dans le cœur de tout homme”(U, 2)]. Cette phrase de Jean-Paul II est plei-ne d’ambiguïté et d’omissions coupables.

Tout d’abord, les non chrétiens peuventne pas reconnaître Jésus comme leur Sauveurpar infidélité positive ou par infidélité négati-ve. Des premiers, Jean-Paul II ne fait pasmention. Dans leur cas, la foi chrétienne a étésuffisamment proposée, et ils l’ont refusée etméprisée; ces infidèles ne peuvent absolu-ment pas se sauver, selon les paroles duSeigneur: “qui ne croira pas sera condamné”.Bien différent est le cas de l’infidèle négatif,celui auquel la foi chrétienne n’a pas été suffi-samment proposée: il l’ignore sans qu’il soitde sa faute (ignorance invincible). Leur infi-

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délité n’est pas péché (Jn XV; Rm X; D.B.1068), ce pour quoi, selon saint Thomas, «ilssont damnés pour les autres péchés qui ne peu-vent être remis sans la foi, mais ils ne sont pasdamnés pour le péché d’infidélité» (II-II, q.10). Certains d’entre eux peuvent-ils excep-tionnellement se sauver? Oui, comme l’ensei-gnait déjà Pie IX: “Vous et Nous savons etvous savez que ceux qui ignorent de façon in-vincible (= sans culpabilité de leur part) notretrès-sainte religion et qui, observant avec soinla loi naturelle et ses préceptes, gravés par Dieudans le cœurs de tous, et disposés à obéir àDieu, mènent une vie honnête et droite, peu-vent avec l’aide de la lumière et de la grâce di-vine, acquérir la vie éternelle” (D.S. 2866).Mais pour ce salut - exceptionnel - il y a desconditions: outre le devoir d’être non cou-pables de leur infidélité invincible, ils doiventnon seulement admettre avec la raison l’exis-tence d’un vrai Dieu unique, créateur et ré-munérateur de l’homme (Hébr. XI), maisavoir aussi la foi surnaturelle (D.S. 375, D.S.2123, D.S. 3008), la charité et l’état de grâce,qui incluent le désir, au moins implicite, dubaptême et de l’eucharistie. Jean-Paul II, parcontre, ne fait aucune distinction entrecroyance naturelle et foi surnaturelle lorsqu’ilparle de la possibilité de salut du non-chré-tien, réalisée “par l’adhésion intime et sincèreà la Vérité, le don généreux de soi-même auprochain, la recherche de l’Absolu suscitée parl’Esprit de Dieu” (U, 3), recherche qui se réa-lise également au moyen de “la réalisation despréceptes et des pratiques conformes à la loimorale et au sens religieux authentique” (U, 3)des diverses religions.

Aussi qui ne voit que les religions non

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chrétiennes, avec leur ensemble de doctrineset de rites, sont plus des obstacles qu’uneaide au salut? Toutes s’opposent plus oumoins à la connaissance naturelle de Dieu,(prêchant l’athéisme, le panthéisme, le poly-théisme), et à la loi naturelle (admettant despratiques morales plus ou moins contraires àla droite raison). Donc pour se sauver, çan’est pas à leur religion que doivent regarderles infidèles, mais à la raison et à la droiturede leur conscience (encore que la conscienceerronée ne justifie pas toujours du péché!).Inutile d’objecter que Jean-Paul II parle depratiques “conformes à la morale et au sensreligieux authentique”: soit parce qu’elles sonten elles-mêmes des œuvres bonnes seulementsur le plan naturel sans valeur salvatrice, soitparce que leur bonté ne vient pas tant du faitqu’il s’agit de pratiques de telle ou telle autrereligion (en soi nuisible) mais de pratiquesconformes à la morale naturelle.

“Il faut rappeler encore et reprendre l’erreurgravissime dans laquelle se trouvent misérable-ment certains catholiques, lesquels pensent queparviennent à la vie éternelle les personnes vivantdans les erreurs et loin de la vraie foi et de l’unitécatholique. Ceci est indubitablement contraire àla doctrine catholique” (Pie IX, D.S. 2865); lesnon-catholiques sont dans “cet état où nul nepeut être sûr de son salut éternel” (Pie XII, D.S.3821; la Foi catholique, Dumeige, p. 270) cepour quoi on ne doit pas réduire “à une vaineformule la nécessité d’appartenir à la vraie Eglisepour obtenir le salut éternel” (Pie XII, enc.Humani generis, D.B. 2319). Contre Lamennais,Grégoire XVI a condamné l’indifférentisme,c’est-à-dire“cette opinion perverse... que l’onpeut quelle que soit la foi que l’on professe obte-nir le salut éternel de l’âme, si les mœurs seconforment à la norme droite et honnête” (D.S.2730) (10); et Pie IX a condamné dans le Syllabusles deux propositions: “16. Les hommes peuventtrouver le chemin du salut éternel dans le culte den’importe quelle religion. 17. Tout au moins doit-on avoir bonne confiance dans le salut éternel detous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véri-table Eglise du Christ” (D.S. 2916-2917). A cetenseignement de l’Eglise nous nous conformonsfidèlement. A cet enseignement de l’Eglise doitpréalablement se conformer quiconque vou-drait nous condamner pour ce commentaire dela doctrine de Jean-Paul II.

AD TUENDAM FIDEM

La Lettre apostolique sous forme de Motu

Dialogue inter-religieux: Jean-Paul II avec les sorciersdu Vaudou, à Cotonou en 1993

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Proprio, Ad tuendam fidem du 18 mai 1998(texte latin dans l’O.R., 30 juin-1er juillet1998, pp. 1, 4 et 5; traduction française DC,n° 2186, 10/07/98 n° 14, pp. 651 à 656) a sur-pris favorablement de nombreux commenta-teurs. L’incipit même du document de Jean-Paul II (reprenant le pluriel de majestéjusque-là abandonné) rappelle que “le devoirprincipal” du Pape “est de confirmer les frèresdans la foi (cfr Lc, 22, 32)” avec conséquem-ment le devoir pour lui de “défendre la foi del’Eglise catholique contre les erreurs qui sur-gissent de la part de certains fidèles, surtout deceux qui se consacrent expressément aux disci-plines de la sacrée théologie”. Il faut recon-naître qu’un tel langage, abandonné avec lediscours inaugural de Vatican II tenu parJean XXIII, est bien fait pour réconforter lefidèle! La crise actuelle d’autorité de l’Egliseconsiste en effet substantiellement en unrefus pratique de l’“autorité” de condamnerl’erreur et l’hérésie. Le document que nousallons commenter (n.b.: le pluriel que nousutiliserons ne sera pas celui de majesté, maisle pluriel rédactionnel!) est composé de deuxparties: la Lettre apostolique de Jean-Paul II,et un document de la Congrégation pour laDoctrine de la Foi. Il s’insère dans la ligne deréaffirmation de l’autorité du magistère del’Eglise qui refleurit depuis une dizaine d’an-nées, non sans tâtonnements et imprécisions(cf. B. Lucien, L’infaillibilité du magistèrepontifical ordinaire. Une doctrine catholiqueen voie de développement, in Sedes Sapientiæ,n. 63, pp. 33-54, qui cite la Profession de foi etle Serment de fidélité du 9/1/89, l’Instructionsur la vocation ecclésiale du théologien du24/5/90, l’Explicitation de la Réponse donnéepar la Congrégation pour la Doctrine de laFoi à un doute sur la doctrine de Ordinatiosacerdotalis, du 28/10/95, le Discours du24/11/95 de Jean-Paul II, l’article de MgrBertone du 20/12/96). Dans ce contexte, on avoulu insérer dans le (nouveau) code de droitcanon (de 1983) ce qui se trouve exprimédans la (nouvelle) profession de foi (de 1989)(11). Cette profession de foi énumère trois ca-tégories de vérités: les vérités révélées propo-sées par le magistère solennel ou par le ma-gistère ordinaire et universel, à croire de foiferme; celles concernant la foi et les mœursproposées “de façon définitive”, à embrasseret tenir fermement; et enfin celles proposéespar le magistère seulement authentique, parun acte non définitif, auxquelles il faut adhé-rer “avec une soumission religieuse de la vo-

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lonté et de l’intelligence”. La première catégo-rie a sa place dans le Code au can. 750, latroisième au can. 752; la seconde par contrene se trouvait pas dans le Code. Ad tuendamfidem a pour but de l’y insérer, et elle le faiten ajoutant un second paragraphe au can.750. La même chose a été faite pour le Codedes Canons des Eglises Orientales; enfin, ontété adaptés à la nouvelle situation les canonsconcernant les peines pour les transgresseurs.

Est particulièrement intéressante la Notedoctrinale de la Congrégation pour laDoctrine de la Foi illustrant la formule conclu-sive de la Professio fidei, souscrite parRatzinger et Bertone de la Congrégation dela Doctrine de la foi, et faisant suite à laLettre apostolique de Jean-Paul II. Cette notevise à mieux faire comprendre, par quelquesexemples, les trois derniers alinéas de laProfessio fidei, c’est-à-dire les trois ordres oucatégories de vérités. Au premier genre ap-partiennent “les doctrines de foi divine quel’Eglise propose comme divinement et formel-lement révélées, et, comme telles, irréfor-mables. (...) Pour cette raison, qui les mettraitobstinément en doute ou les nierait se mettraitdans une situation d’hérésie...” (n. 5). Suiventles exemples de ce type de doctrine: “les ar-ticles du Credo, les divers dogmes christolo-giques, (DS 301-302) et mariaux (DS 2803,3903); la doctrine de l’institution des sacre-ments par le Christ et leur efficacité à conférerla grâce (DS 1601, 1606); la doctrine de la pré-sence réelle et substantielle du Christ dansl’Eucharistie (DS 1636) et la nature sacrificiel-le de la célébration eucharistique (DS 1740,1743); la fondation de l’Eglise par la volontédu Christ (DS 3050); la doctrine sur le Primatet l’infallibilité du Pontife romain (DS 3059-3075); la doctrine sur l’existence du péché ori-ginel (DS 1510-1515); la doctrine sur l’immor-talité de l’âme spirituelle et sur la rétributionimmédiate après la mort (DS 1000-1002); l’ab-sence d’erreur dans les textes sacrés inspirés (cfDS 3293, Dei Verbum n. 11); la doctrine sur lagrave immoralité du meurtre direct et volontai-re d’un être humain innocent (EvangeliumVitæ)” (n. 11). La seconde catégorie incluedes propositions que l’Eglise ne propose pas“comme formellement révélées” (à la différen-ce du cas précédent), même si, dans le futur,certaines d’entre elles peuvent être proposéescomme telles (par exemple l’ordination sacer-dotale à réserver uniquement aux hommesou l’illicéité de l’euthanasie). Il s’agit de véri-tés qui - sans être révélées - sont strictement

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connexes avec la Révélation. Ces proposi-tions sont enseignées infailliblement (n. 6) etirrévocablement (n. 9) par l’Eglise, que cesoit par le magistère solennel ou par le magis-tère ordinaire et universel (n. 6) et qui les re-fuserait “ne serait plus en pleine communionavec l’Eglise catholique” (n. 6); on ne leurdoit pas un assentiment de foi divine, mais unassentiment qu’on appelait autrefois “de foiecclésiastique” (n. 8). On est heureux de trou-ver parmi les exemples de doctrine infaillible“la déclaration de Léon XIII dans la LettreApostolique Apostolicæ Curæ sur l’invaliditédes ordinations anglicanes (DS 3315-3319)”(n. 11). La troisième catégorie de doctrinesregroupe celles qui n’ont pas été enseignéespar un acte “définitif”. Le document ne le ditpas, mais fait comprendre qu’elles sont réfor-mables et non infaillibles. A ce groupe appar-tiennent non seulement les déclarationsd’ordre prudentiel (propositions témérairesou dangereuses que tuto doceri non potest)mais également les doctrines qualifiées devraies ou erronées (n. 10). La Congrégationpour la Doctrine de la Foi, au n. 11, est visi-blement embarrassée à ce propos, évitantd’en donner des exemples concrets. Mais, àjuste titre, elle rappelle l’obligation pour le fi-dèle d’observer pour ces doctrines aussi “unesoumission religieuse de la volonté et de l’intel-ligence” (n. 10) (c’est la moindre des choses!).

Le catholique, qui depuis plus de trente ansn’entend presque plus parler d’infaillibilité, deConcile de Trente, d’hérésie et de dogmes, nepeut que se réjouir et exulter (comme pour lesnn. 49-56 de l’encyclique Fides et Ratio qui vamême jusqu’à reprendre l’encyclique Pascendide saint Pie X et Humani generis de Pie XII!).Mais il ne faut pas exagérer. Tout d’abordparce que bonum ex integra causa, malum exquocumque defectu. Et puis ce ne sont pas lesdéfauts qui manquent, non seulement dans lesautres documents, mais aussi dans celui quenous sommes en train de commenter. Ce docu-ment reprend, par exemple, la collégialité, parlaquelle les Evêques, de façon stable, “exercentavec le Pontife romain le pouvoir suprême etplénier sur toute l’Eglise” (n. 4). Ensuite pource qui est de la thèse sur la “foi ecclésiatique”,la meilleure théologie thomiste en a déjà dé-montré l’inanité, démontrant que même en cescas est dû un assentiment de foi divine (admet-tons-le cependant, cette question était encorediscutée parmi les théologiens). Enfin il sembleque l’on veuille distinguer le magistère in-faillible du magistère seulement authentique

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en se basant sur le fait que le premier enseigneune doctrine “de manière définitive” et l’autrenon. Pour l’ambigüité des termes “définir” et“définitif” nous renvoyons aux excellentes (12)études de B. Lucien (déjà cité, in SedesSapientiæ n° 63, spécialement pp. 39-42, et autexte Le magistère pontifical, in SedesSapientiæ, n° 48, pp. 53-77, spécialement pp.64-65). En bref, alors que le terme “définir”utilisé par Vatican I signifie “délimiter avecprécision”, l’adjectif “définitif” (utilisé parVatican II, dans Lumen gentium) signifie plu-tôt quelque chose d’“affirmé irrévocable-ment”. Or, ce second sens est à exclure: “lescritères énumérés ont directement pour rôle depermettre de savoir quand le pape parle infailli-blement et donc irrévocablement. Aussi, il y au-rait un cercle vicieux à énumérer, parmi ces cri-tères, l’irrévocabilité car elle n’est pas observableen elle-même et n’est connue que comme uneconséquence de l’infaillibilité de l’acte. Cela re-viendrait à dire: le pape est infaillible quand ilparle infailliblement” (Lucien, op. cit., n° 63, p.40). Alors ils ont beau jeu les “minimalistes”qui annulent pratiquement l’infaillibilité duPape en disant qu’un enseignement du Papeest infaillible quand il est définitif; mais quandest-il définitif? Voilà qui est quasiment impos-sible à savoir (p. 40, et 41 n° 23). Le documentque nous commentons utilise continuellementle critère de l’irrévocabilité pour discerner l’in-faillibilité, alors qu’au contraire c’est à l’infailli-bilité de décider de l’irrévocabilité. Il est doncà craindre que de cette façon on finisse parfaire passer aussi dans la troisième catégoriedes doctrines enseignées par l’Eglise (cellesdites révocables et par conséquent faillibles)l’enseignement contredit par Vatican II (parexemple les condamnations de la liberté reli-gieuse ou de l’œcuménisme). Où MgrRatzinger et Mgr Bertone classeraient-ilsQuanta cura de Pie IX et Dignitatis humanæ?Enfin si la nature du magistère ordinaire uni-versel semble bien clarifiée par le texte de laCongrégation pour la Doctrine de la Foi, onest surpris par la définition qu’en donne Jean-Paul II reprenant le (nouveau) code de droitcanon, can. 750. Le MOU serait le magistère“qui est manifesté par la commune ahésion desfidèles sous la conduite du magistère sacré”. Sil’ahésion des fidèles au magistère a soninfaillibilité in credendo, il n’en reste pas moinsque le magistère est toujours affaire de l’Egliseenseignante, et que c’est essentiellement enelle que l’on doit rechercher le MOU. Leconsensus des fidèles est plutôt un confirmatur

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ou un a fortiori.Pour conclure il reste encore à voir avec

quel sérieux sera appliqué ce qu’il y a debon dans Ad tuendam fidem, ou bien si laprotection de la Foi demeurera dans la pra-tique ce qu’elle a été jusqu’ici, autrement ditlettre morte ou intention velléitaire.

CATHOLIQUES ET LUTHÉRIENS. CASSIDYCONDAMNE CASSIDY

La chimère: unir l’Eglise catholique et les“églises” luthériennes

Le numéro de l’O.R., éd. it, qui publie Adtuendam fidem, rapporte aussi un discours deJean-Paul II qui va en sens opposé (28 juin1998, O.R. du 30/06 - 1er/07 cit., p. 7). A cetteoccasion Jean-Paul II a claironné un succès del’œcuménisme faisant augurer pour un trèsproche avenir “la pleine unité visible” (n. 2)(qui présuppose une unité invisible et uneunité visible à moitié pleine déjà atteinte)entre Catholiques et Luthériens. Sur quoi sefonde cette “bonne nouvelle”? EcoutonsJean-Paul II: “A l’issue d’un processus d’éva-luation minutieux intéressant l’Eglise catho-lique et la Fédération luthérienne mondiale,nous pouvons maintenant nous réjouir d’uneimportante acquisition œcuménique. Je me ré-fère à la Déclaration commune de l’Eglise ca-tholique et de la Fédération luthérienne mon-diale sur la Doctrine de la Justification. CetteDéclaration affirme, comme il ressort de cedialogue commencé immédiatement après leConcile Vatican II, que les églises appartenantà la Fédération luthérienne mondiale et l’Eglisecatholique sont parvenus à un haut degré d’ac-cord sur une question aussi controversée du-rant des siècles que celle de la justification.Même si la Déclaration ne résout pas toutes lesquestions relatives à l’enseignement de laDoctrine de la Justification, elle exprime unconsensus, sur des vérités fondamentales decette doctrine (voir Réponse de l’Eglise catho-lique à la Déclaration commune de l’Eglise ca-tholique et de la Fédération luthérienne mon-diale sur la doctrine de la justification)” (n. 2).

Vingt ans qu’on nous l’annonce: l’accord est(quasiment) conclu...

Suivons le conseil de Jean-Paul II, et li-sons la fameuse réponse (cf. La Docu-mentation Catholique, n° 2187, 2-16/8/98, pp.713-715). Dans la présentation du documentà la Salle de Presse vaticane le 25 juin (DC,

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pp. 716-718), son signataire, le cardinalCassidy, (président du Conseil pontificalpour la Promotion de l’Unité des Chrétiens),en a également tracé l’histoire: une succes-sion d’échecs retentissants travestis en succèséblouissants! Le dialogue commencé en 1967et parvenu à sa “quatrième phase”, a enfantéjusqu’à sept documents (sans compter deuxétudes théologiques): en 1972, en 1980, en1981, en 1994, puis une première version dela Déclaration commune en 1994, une pre-mière révision en 1996 suivie d’une seconde,la définitive, en 1997. Dans tous ces docu-ments, on claironne un succès imminent: le“consensus de vaste portée” dont parle déjàle Rapport de Malte (1972) (n. 4, p. 716), de-vient en 1980 “un large consensus” (ibidem)et en 1997 on peut annoncer qu’il “existe unconsensus sur des vérités fondamentales de ladoctrine de la justification” (n. 8, p. 717). Ensomme Cassidy, satisfait, peut déclarer qu’il“existe un haut degré de consensus” (DC nn.6, p. 717) qui “résout virtuellement une ques-tion longuement débattue” (DC, n. 9, p. 718)aussi s’agit-il “d’un résultat exceptionnel dumouvement œcuménique” (n. 2, p. 716). Lebut recherché consistait à priver de portéeles anathèmes du Concile de Trente contreles Protestants et, chose incroyable maisvraie, ceux des Protestants contre l’Eglise ca-tholique, en ouvrant la voie à l’union des 124“églises” luthériennes avec l’Eglise catho-lique: but atteint “là où ce consensus est réali-sé, les condamnations prononcées récipro-quement au XVIème siècle ne s’appliquentplus au partenaire respectif aujourd’hui”(DC, n. 6, p. 717). En réalité la Réponse à laDéclaration commune, élaborée avec la col-laboration de Cassidy et de Ratzinger, est unrejet solennel. Cassidy (dans la réponse)condamne pour hérésie Cassidy (dans laDéclaration commune) (13). “L’Eglise” (dansla réponse) condamne “l’Eglise” (dans laDéclaration commune). On a ainsi uneunion “virtuelle”, mais pas du tout “réelle”.

La Déclaration commune catholique-luthé-rienne est hérétique: c’est celui-là même quil’a écrite qui le dit

Dans ce paragraphe nous n’examineronspas les 44 affirmations communes de laDéclaration (DC 1997, n. 2168, pp. 875-885),mais la critique qu’en fait, dans la Réponse del’Eglise catholique, le cardinal Cassidy lui-même, nous limitant aux points essentiels. Ladoctrine du n. 29 de la Déclaration - nous dit-

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il - “n’est pas acceptable. En effet cette affirma-tion [l’homme justifié est simultanément justeet pécheur] n’est pas compatible avec le renou-vellement et la sanctification de l’homme inté-rieur dont parle le Concile de Trente (DS 1528,1561)”. Cassidy, toujours, définit comme“équivoque” la doctrine exprimée aux numé-ros 28-30 et “ambiguë” celle du n. 22, pourconclure: “Pour toutes ces raisons, il est doncdifficile de voir comment on peut affirmer quecette doctrine sur le ‘simul iustus et peccator’,dans l’état actuel de la présentation qu’on enfait dans la Déclaration commune, ne tombepas sous les anathèmes des décrets de Trentesur le péché originel et la justification” (DC, n.1, p. 714). La Réponse cite ensuite de nom-breux autres cas dans lesquels la Déclarationparle, à tort, de consensus atteint entre catho-liques et luthériens. Mais pour nous c’estassez d’une citation. Elle suffit à démontrerque la ‘Déclaration commune’ a produit untexte hérétique, passible de condamnation surla base des canons du Concile de Trente, et ceselon le jugement du supérieur même desthéologiens catholiques qui ont collaboré àl’élaboration du texte. Si pour Cassidy, end’autres points, catholiques et luthériens sesont accordés réellement dans laditeDéclaration, cela n’améliore certes pas la si-tuation: la Déclaration demeure hérétique, etmême de manière encore plus ambiguë et parconséquent plus dangereuse. Comment peut-on qualifier tout cela de “résultat exceptionneldu mouvement œcuménique”? Vingt annéesde dialogue œcuménique avec les luthérienssur un seul des points qui les sépare des ca-tholiques pour un “résultat exceptionnel”:une ‘Déclaration commune’ faite au nom del’Eglise catholique et qui n’échappe pas à lacensure d’hérésie! Des catholiques sont doncdevenus luthériens. Les luthériens ne sont paspour autant devenus catholiques.

N.B. Le lecteur trouvera dans la Revuede Presse de Sodalitium un commentaire desécrits du Cardinal Biffi (Bologne), de MgrCaffara (Ferrare), du Père Galot, et d’autresnouvelles tirées de l’O.R.

Par contre il ne trouvera rien sur l’ency-clique Fides et ratio, publiée après la clôturede cette rubrique, mise à part la brève allu-sion ci-dessus.

Notes1) A propos du terme “sincère respect”, C. Barthe

écrit (dans Trouvera-t-Il encore la Foi sur la terre? F.-X.

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de Guibert, Paris 1996, p. 129): “Sincera cum observantiaconsiderat... illa præcepta et doctrina, dit le texte latin.Les traductions françaises habituelles rendent observan-tia, qui est plus qu’un simple respectus (lequel ferait déjàdifficulté), par ‘respect sincère’, ce qui est trop faible. Ilserait plus juste de traduire ce qu’a dit le Concile, dans lecontexte, par ‘respect religieux’ (voir II Machabées 6, 11,dans le texte de la Vulgate, où des juifs se laissent brûlerdans des cavernes en raison du respect sacré - ob religio-nem et observantiam - qu’ils portent au sabbat)”.

2) En réalité il y eut un précédent, le Parlement des Re-ligions qui eut lieu à Chicago en 1893 lors d’une expositioninternationale pour le 4ème centenaire de la découverte del’Amérique. Ce “Parlement” était soutenu par le cardinalGibbons. Le 22/01/1899, dans une lettre apostolique au car-dinal Gibbons (Testem benevolentiæ), le Pape Léon XIIIcondamnait ce courant de pensée dénommé américanisme.

3) Cette affirmation est contredite par la SainteEcriture, par le Magistère de l’Eglise et par la praxis del’Eglise, qui donnent l’exemple d’innombrables guerresentreprises légitimement “au nom de la religion”.

4) Il est symptomatique que précisément dans cet articlesaint Thomas présente, entre autres objections, l’argument del’Ambrosiaster invoqué par Jean-Paul II, selon lequel “toutevérité quelle qu’elle soit, qui que soit celui qui la dit, vient del’Esprit Saint”. Saint Thomas, dans l’ad. 1, n’en dément pas leprincipe, mais il en évite toute fausse interprétation. Parfois,écrit-il, les “prophètes des démons” (c’est-à-dire des religionsnon chrétiennes) disent la vérité poussés par Dieu (commedans le cas de Balaam ou des Sybilles); d’autres fois pousséspar le démon, avec un mauvais dessein; mais dans ce cas éga-lement la vérité - en tant que telle! - même si elle “est énon-cée par le démon, vient de l’Esprit-Saint”.

5) “Si quelqu’un dit que la révélation divine n’est pasdistincte de la connaissance naturelle de Dieu et de la mora-le et qu’en conséquence, il n’est pas nécessaire pour la foidivine que l’on croit la vérité révélée par l’autorité de Dieuqui la révèle, qu’il soit anathème” (Session III, can. 2).

6) Lettre à quelques évêques sur la situation de laSainte Eglise et mémoire sur certaines erreurs ac-tuelles... Paris 1983, pp. 37-38.

7) VACANT, Etudes sur le Concile du Vatican I, p. 142.8) ATTILIO MORDINI, Il tempio del cristianesimo [Le

temple du christianisme], Verità del CET, Torino 1963,p. 142. Ce n’est pas par hasard non plus que Mordini seréclame de la théorie du Verbe séminal ou spermatiquede saint Justin dans Verità del linguaggio [Vérité du lan-gage], Volpe, Rome 1974, pp. 74 et 88-89.

9) Nous parlons du Professeur Franco Cardini.10) Et le Pape poursuit: “De cette source empoison-

née de l’indifférentisme découle cette maxime fausse etabsurde ou plutôt ce délire: qu’on doit procurer et garan-tir à chacun la liberté de conscience” [Autrement dit deNostra Ætate découle Dignitatis humanæ].

11) La profession de foi et le serment de fidélité de1989 remplacent la formule adoptée par Paul VI en1967, formule qui elle-même abrogeait le serment anti-moderniste et la profession de foi tridentine. La formulede Paul VI eut si peu de succès qu’elle ne fut même pasinsérée dans la collection du Denzinger-Hünermann.

12) Même si nous n’approuvons pas - c’est évident -le nouveau point de vue de l’auteur, qui reconnaîtmaintenant l’Autorité de Jean-Paul II.

13) En effet il faut garder présent à l’esprit que la“Déclaration commune” est faite au nom de l’“Eglisecatholique” (et pas seulement des “églises” luthé-riennes), et que matériellement elle est aussi l’œuvredes théologiens du Conseil pontifical pour l’Unité des

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Oui, j’ai une âme immortelle

Même si nous sommes persuadés d’avoirune âme spirituelle et immortelle,

sommes-nous pour autant capables de prou-ver cette vérité de foi à ceux qui en doutent?

Saint Pierre est pourtant formel: «Sanc-tifiez dans vos cœurs le Seigneur Jésus-Christ, étant toujours prêts à répondre pourvotre défense à quiconque vous demanderacompte de votre espérance» (I Pi, III, 15).

C’est pour nous aider à remplir cette obli-gation que le Père Barbara a entrepris la pu-blication d’une série d’études apologétiques.

Dans ce premier tome, il établit l’existen-ce, la spiritualité et l’immortalité de l’âme hu-maine; il en profite pour bien montrer l’ob-jectivité, c’est-à-dire la vérité de nos connais-sances intellectuelles, mise en doute, de nosjours, par la philosophie des marxistes.

Une étude toute simple, qui donne desconvictions.

Oui, c’est évident, Dieu existe vraiment

Au dire de la Bible qui contient la Parolede Dieu, seuls les insensés nient Son

existence (cf. Ps. XIII); les gens normauxévidemment se rendent compte que l’exis-tence d’un Dieu-Créateur s’impose à la ré-flexion, tant elle est comme évidente.

Et pourtant, que de chrétiens sont em-barrassés dès qu’il s’agit de justifier leurcroyance en ce dogme!

C’est à leur intention surtout, que lePère Barbara a composé le second tome deson apologétique.

Dans cet ouvrage, après les preuves clas-siques qu’il rappelle rapidement, le Pères’est appliqué à faire observer les traces deson action créatrice, que Dieu s’est plu àlaisser à profusion dans ses œuvres, pourque, par elles, les hommes découvrent faci-lement et plus rapidement Son existencepersonnelle.

Pour faciliter l’observation de ces tracesdivines, qui exigent absolument l’existenced’un Dieu-Créateur, l’auteur a choisi très ju-dicieusement de faire des comparaisons avecdes réalisations humaines très expressives.

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Un opuscule très intéressant, qui se litfacilement et qui rend service.

R. P. BARBARAOui, j’ai une âme immortelle91 pages, 60 F. Oui, c’est évident, Dieu existe vraiment87 pages, 60 F. Forts dans la Foi, 16 rue des Oiseaux37000 Tours

“Allons enfants de la Patrie”

Un livre courageux. Car il faut avoir ducourage, pour un homme de tradition tel

que le Professeur Jean de Viguerie, pour écri-re une critique aussi radicale d’un certain “pa-triotisme”. Personne n’est épargné. Les an-ciens combattants. Barrès, Péguy, Psichari,Charlier, même Maurras... c’est le patriotismenationaliste. Mais le patriotisme des catho-liques y passe aussi: Claudel, d’accord, leCardinal Mercier, même Veuillot. En vrai ico-noclaste, de Viguerie dénonce l’existenced’une religion de la Patrie. Une religion idolâ-trique. Une religion sanglante, funéraire, quiconsidère tous les citoyens comme autant devictimes qui doivent s’immoler joyeusementsur l’autel de la Patrie. Une religion haineusequi prêche la haine de l’ennemi, de l’étrangeret, à l’opposé, l’idolâtrie de la Nation.

Cette religion n’est-elle pas “de droite”?Les pacifistes, les anti-militaristes, les gauchesde tout genre l’ont dit, l’ont pensé. En réalité,nous rappelle l’auteur, ce culte qui veutprendre la place du culte de Dieu tire son ori-gine prochaine de l’Illuminisme et de laRévolution française qui a leur tour repren-nent (en la déformant) la conception païennede la Patrie chez les anciens romains. Ce pa-triotisme ne s’oppose pas à l’internationalis-me apatride, loin de là. Là encore les illumi-nistes et les jacobins nous apprennent que cesdeux “religions” apparement opposées nesont que les deux faces de la même médaille,ou les deux phases d’un même processus.

On est étonné d’apprendre alors qu’enfrançais le mot “patrie” ne fait son entréedans le langage qu’au seizième siècle. Etavant? Avant il y avait bien sûr l’attache-ment à la France, “fait de gratitude et depiété”, mais qui garde sa place, qui n’est pasla première, dans l’échelle des valeurs. PourSt Thomas, la patrie est le lieu de la naissan-

Recensions

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ce et de l’éducation, “à la patrie tout hommedoit la ‘piété’ en vertu de la justice. Il s’agit dese reconnaître débiteur à cause des bienfaitsreçus. Tout homme est débiteur d’abord vis-à-vis de Dieu, ensuite vis-à-vis de ses parentset de sa patrie”. Mais bientôt, déjà à la fin duMoyen Age, avec la décadence de la scolas-tique, la patrie va prendre de plus en plus deplace, va demander de plus en plus de sacri-fices, va se transformer et se personnifier.Le mérite de l’auteur est de ne pas se limiterà blâmer la Révolution de 1789, mais de dé-nicher le mal aux racines, qui sont toujoursantérieures à la Révolution, et même àl’Illuminisme.

Toutefois on ne peut pas tout approuverdans ces pages. Attaquer l’acceptation par-tielle du patriotisme révolutionnaire par lescatholiques, d’accord. Mais il aurait fallurappeler que le Saint-Siège n’est pas tombédans ce piège-là (rappellons-nous de l’œuvre,pendant les deux guerres mondiales, deBenoît XV et de Pie XII). De même, l’élogede “l’amitié politique au sens d’Aristote” posedes problèmes si l’on s’en sert pour approu-ver l’édit de Nantes (comme le Professeur lefait dans l’entretien réalisé avec l’abbé deTanoüarn, cf. Pacte, n° 23, avril 1998, pp. 5-6) ou pour prôner (même si c’est pour atta-quer de Gaulle!) l’entrée des musulmans al-gériens loyaux à la France au Parlement. Caralors “l’empirisme organisateur” de la “Tra-dition capétienne” (Pacte, p. 5), vous ne letrouverez ni dans la Somme de St Thomaspas plus que dans les actes du Magistère del’Eglise. Sous ces réserves, un livre passion-nant et passionné, à lire et à étudier.

abbé Francesco RicossaJEAN DE VIGUERIE

Les deux patries. Essai historique surl’idée de patrie en France.DMM, Bouère 1998. 279 pages.

De Cranmer à MontiniUne confrontation révélatrice du Père Morerod.

L’Académie Nationale des Lincei et laCongrégation pour la Doctrine de la Foi

ont récemment publié les actes de la journéed’études dédiée à L’ouverture des archives duSaint-Office Romain (Rome, 22 janvier 1998),ouverture sollicitée par le professeur Carlo

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Ginzburg “par une courageuse lettre (ainsi s’ex-prime le cardinal Ratzinger) adressée au Saint-Père, Jean-Paul II un an après son élection ausiège de Pierre” (op. cit., p. 185). La requête aeu un résultat positif, et les archives du Saint-Office sont maintenant ouvertes aux étudiants,“sans distinction de pays ou de foi religieuse”(p. 97) (Le même Ginzburg se présentait danssa lettre comme “juif de naissance et athée”, p.185). Toujours avec l’intention de divulguer lesdocuments des archives du Saint-Office, l’ini-tiative a été prise de constituer “une Collectionde publications de textes des Archives, du nom‘Fontes Archivi Sancti Officii Romani’ éditéepar la Casa Editrice Olschki de Florence, dontle premier volume, intitulé ‘La validité des ordi-nations anglicanes’ (...) est aujourd’hui à la dis-position de tous” (Mgr Bertone, p. 100). Lesactes de la journée d’études, proposent, de lap. 103 à la p. 127, la présentation du livre ci-dessus, du Père François von Gunten o.p., ré-cemment décédé, faite par son disciple le PèreCharles Morerod o.p.

Dans les limites de cette brève recen-sion, je me bornerai à traiter de l’interven-tion du Père Morerod, et en particulier desappréciations dudit Père concernant le nou-veau rite du sacrement de l’Ordre promul-gué par Paul VI.

L’auteur, en parcourant à nouveau lesarguments de Léon XIII et de ses théolo-giens qui amenèrent à la déclaration de l’in-validité des ordinations anglicanes (Apos-tolicæ curæ, 1896) examine le défaut deforme, matière et intention dans lesdites or-dinations. A propos de la forme (pour ce quiconcerne la tradition des instruments), ilétablit un parallèle inattendu entre l’ordinalanglican de 1552, et celui “promulgué” parPaul VI en 1968: “Même le rite d’ordinationutilisé dans l’Eglise Catholique de 1969 à1989 était peu explicite à propos de la dimen-sion sacramentelle du ministère du prêtre. Lerite anglican de 1552, ne pourrait-il êtrequ’une adaptation pastorale de la liturgie,comme celui de Vatican II? Les mêmes ar-chevêques [anglicans] de Canterbury etd’York le suggèrent dans leur réponse de1897 à Léon XIII” (pp. 113-114). En note, lePère Morerod détaille la difficulté: “Dans lerite d’ordination utilisé par l’EgliseCatholique de 1968 à 1989, on ne dit pas ex-plicitement que le prêtre est ordonné pour cé-lébrer les sacrements (...)” (p. 114, n° 48). En1662 les anglicans ajoutèrent à leur rite desmots qui allaient dans le sens catholique: “le

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P. Franzelin, suivi par Léon XIII, verra danscet ajout - bon en lui-même - une reconnais-sance de l’insuffisance de la formule précé-dente” (p. 112). De la même manière, en1989, on ressentit l’exigence de compléter lerite post-conciliaire: “le rite de 1989 dévelop-pe notablement la prière d’ordination duprêtre pour introduire explicitement la di-mension sacramentelle dans son ministère.(...) Mais la rénovation du rite n’a pas totale-ment supprimé une certaine ambiguïté, cf.Pierre Jounel (...): ‘D’une manière un peusurprenante, la prière insiste moins que leschéma d’homélie sur le caractère sacrificielde la messe’” (p. 114, n° 48). L’auteur admetdonc que le nouveau rite d’ordination, mê-me après une correction dans le sens catho-lique, reste “ambigu”!

Quelle est, alors, la différence entre l’ordi-nal anglican de 1552 et l’ordinal post-conciliai-re de 1969? “C’est cela la différence entre le riteanglican de 1552 et le rite catholique (mêmeseulement implicite) de 1969” écrit l’auteur, ci-tant von Gunten: “(...) De fait, la forme de l’or-dination des prêtres, telle qu’elle a été promul-guée par Paul VI n’indique pas explicitement lerapport au sacrifice eucharistique. Cependantcette prière est l’expression d’une communautéqui enseigne que l’ordination sacramentelleconfère le pouvoir d’offrir le sacrifice de lamesse. Au contraire les paroles de l’ordinal an-glican ne reflètent pas l’enseignement d’uneEglise qui croit que le sacerdoce est pouvoird’offrir sacramentellement le sacrifice duChrist” (p. 116, n° 53). En soi, donc, Cranmeraurait modifié le rite catholique, en 1552, exac-tement dans la même direction que Bugnini-Paul VI en 1968, en créant deux rites qui n’af-firment pas “le rapport au sacrifice eucharis-tique”. Mais l’ordinal de Cranmer est invalide.Comment celui de Paul VI peut-il être valide?L’auteur répond: au moyen de l’intention ec-clésiale. Il écrit: “Le rite de 1552 a été utilisépour l’ordination de Matthew Parker et de tousles évêques anglicans jusqu’en 1662. Il est im-possible de connaître l’intention de tant de per-sonnes. (...) Du point de vue de l’intention, il estimportant de connaître l’intention non seule-ment de quelques personnes, mais de la com-munauté dans laquelle se célèbrent les ordina-tions. L’intention personnelle est importante,mais est importante surtout l’intention ecclésialequi se manifeste durant la liturgie commecontexte des actions personnelles. Dans lecontexte d’une Eglise qui croit dans le sacre-ment de l’ordre et le célèbre dans sa liturgie, il

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n’y a donc pas besoin d’avoir peur d’un défautinconnu d’intention personnelle, mais nous de-vons présupposer la validité du sacrement.Dans le cas des ordinations anglicanes, nous nepouvons ni ne devons connaître l’intention inté-rieure ni d’une ni de tant de personnes indivi-duellement (“Concernant le propos ou l’inten-tion, étant en elle-même quelque chose d’inté-rieure, l’Eglise ne juge pas; mais du momentqu’elle se manifeste à l’extérieur l’Eglise doit lajuger”, Léon XIII, Denz.-H. 3318). Nous de-vons voir comment la liturgie de l’ordination,donc le rite, manifeste à l’extérieur l’intention dela communauté ecclésiale elle-même” (p. 110).Dans ce passage l’auteur, avec une confusion àlaquelle je ferai allusion, soutient la théologiede l’intention enseignée par Léon XIII et ex-pliquée dans le détail et défendue par le PèreM.L. Guérard des Lauriers o.p. (Réflexions surle nouvel Ordo Missæ, dactylographié, 1977,387 pp.) et non celle défendue par MgrLefebvre, selon laquelle la validité d’un sacre-ment dépendrait de la foi du ministre! L’inten-tion du ministre se manifeste dans l’adoptiondu rite de l’Eglise, qui véhicule l’intention del’autorité ayant promulgué ledit rite. Pourl’auteur la catholicité de Paul VI garantit la va-lidité d’un rite ambigu; pour le P. Guérard desLauriers, un rite ambigu ne peut venir d’uneauthentique autorité.

L’auteur essaye ensuite de repousser latentative néo-œcuménique (le “néo” estajouté pour rappeler la première tentativecatho-anglicane de soutenir la validité del’ordinal de 1552, tentative brisée par LéonXIII) de reconsidérer la décision “irréfor-mable” de Léon XIII sur l’invalidité des or-dinations anglicanes. Mais comment pouvoirréformer une décision irréformable? La voiea été ouverte par le cardinal Willebrands en1985 (p. 118, L’Osservatore Romano,8/3/1986), alors Président du SecrétariatPontifical pour l’unité des Chrétiens. Le col-laborateur et successeur de Bea ne pouvaitpas proposer (explicitement) de contredireApostolicæ curæ (déjà les évêques catho-liques anglais rappelèrent à l’époque à LéonXIII que le Saint-Siège s’était plusieurs foisprononcé contre la validité des ordres angli-cans, en exprimant la crainte de voir “leSaint-Siège d’aujourd’hui en contradictionavec le Saint-Siège des siècles passés” p. 108);il essaya donc de la contourner. Les angli-cans auraient pu maintenir leur rite, en chan-geant leur doctrine eucharistique: dans cecas, la foi de la “communauté ecclésiale”

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Brèves nouvelles de laFraternité Saint Pie X

Par M. l’abbé Francesco Ricossa

Dix ans désormais se sont écoulés depuisles consécrations épiscopales de juin

1988, et on ne parle plus beaucoup de laFraternité Sacerdotale Saint Pie X. Nous pré-sentons ici à nos lecteurs quelques brèvesnouvelles de la société fondée par MgrLefebvre, pour les tenir au courant du groupequi, qu’on le veuille ou non, rassemble la ma-jeure partie des “traditionalistes” catholiques.

Les aveux candides de Mgr Tissier deMallerais

Dans une “interview” accordée par MgrTissier (l’un des quatre évêques sacrés parMgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer) à larevue française de la Fraternité, Fideliter (n°123, pp. 25-29), on trouve des aveux candideset déconcertants. Mgr Tissier (T) affronte unepremière difficulté, celle de la (sa) juridiction.T. admet que son sacre fut “accompli contrela volonté du pape” et qu’il n’a reçu juridic-tion ni de Mgr Lefebvre (“il ne pouvait pasnous [la] donner”) ni du Pape (“le Pape a re-fusé de nous [la] donner). Il prétend alorsl’avoir de l’Eglise (“c’est l’Eglise qui nous ladonne”) comme si on pouvait opposerl’Eglise (qui accorde la juridiction) au Pape(qui la nie), ou comme si l’Eglise hiérarchiquen’était pas, en dernière analyse, le Pape.Cependant, pour T. il y a un problème encoreplus grave que celui de la juridiction. Laissonsparler T.: “ces évêques, non reconnus par le

étant changée, “l’intention ecclésiale” du riteanglican changerait aussi, et par conséquenton assurerait, quoique sans effet rétroactif,sa validité. L’auteur ne nie pas la validité decette hypothèse, reprise aussi par le succes-seur de Willebrands, Cassidy, égalementparce qu’admise par son maître von Gunten(p. 119 et n° 62); l’auteur se borne à démon-trer que cette voie est à présent pratique-ment impraticable, puisque les anglicans sesont à nouveau éloignés de la conception ca-tholique du sacrement par l’ordination desfemmes et l’acceptation des ordres luthé-riens. C’est la thèse même de Willebrandsqui me semble au contraire erronée et de-vant être réfutée, et ce sur la base de ce quevon Gunten même écrit ailleurs: “Remar-quons que l’erreur doctrinale des anglicanssur le sacrement de l’ordre n’aurait pas entraî-né l’invalidité de leurs ordinations, s’ilsavaient continué à utiliser le rituel en usagejusqu’en 1550. Comme on le sait, l’Eglise atoujours considéré vrai le baptême donné aunom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, parles infidèles et les schismatiques. Mais auXVIème siècle, les anglicans ont modifié lerite ‘dans le but manifeste d’en introduire unautre non admis par l’Eglise, et de rejeter ceque fait l’Eglise’” (p. 113, n° 44). Pour VonGunten, donc, la foi (ecclésiale) erronéen’invalide pas le sacrement si le rite utiliséreste le rite catholique; on ne voit pas pour-quoi une supposée foi ecclésiale corrigée desanglicans pourrait changer la valeur d’un ritenon catholique qui véhicule une autre foi! Sivraiment les anglicans arrivaient à abjurerleurs hérésies, ils devraient abjurer le rite quiles véhicule. Et il ne sert à rien d’avancerl’argument tiré de certains rites orientaux, oude l’église antique, eux aussi plus ou moinsexplicites sur la doctrine eucharistique,comme justement rappelle l’auteur (p. 112),puisqu’ils ne furent pas introduits pour véhi-culer l’hérésie; mais introduire aujourd’huiun rite archaïque insuffisant par rapport àl’évolution homogène du dogme, en suppri-mant exprès ce qui avait été adopté au coursdes siècles pour expliciter la foi (comme on aen partie fait en 1969 avec le N.O.M.) n’est-ce pas suivre les traces de Cranmer? L’au-teur oublie que la réforme liturgique post-conciliaire est née dans un contexte nond’orthodoxie - comme il le prétend, enen ga-rantie de sa validité - maisais de générale hété-rodoxie et crise de la foi qui jette plus d’undoute sur un rite qu’en présence du cardinal

D’autres ouvrages parus en italien sont re-censés dans l’édition italienne de

Sodalitium; les lecteurs intéressés peuventse la procurer en nous écrivant.

Ratzinger et de Mgr Bertone, un enseignantde l’Université Pontificale Angelicum tel quele P. Morerod a dû définir “ambigu”.Cependant, les contradictions inhérentes à laRéforme des années 60 arrivent, même len-tement, au grand jour, chose dont tous lesbons catholiques ne peuvent que se réjouir.

abbé Francesco Ricossa

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pape, seraient-ils légitimes? Jouiraient-ils de la‘succession apostolique formelle’? Seraient-ils,en un mot, des évêques catholiques?” Ce pro-blème, explique T., “touche aussi à la divineconstitution de l’Eglise, telle que toute la tradi-tion l’enseigne: il ne peut y avoir d’évêque légi-time sans le pape, chef de droit divin du corpsépiscopal. Alors la réponse est moins évidente,et même elle n’est pas du tout évidente...”. T.,donc, à dix ans de son sacre, ne sait pas direau nom de quoi sa consécration et son épisco-pat, fut un acte légitime! L’espace d’un mo-ment, il semble évoquer la “solution” sédéva-cantiste: “...à moins de supposer... (...) il fautreconnaître que si nous pouvions affirmer que,pour cause d’hérésie, de schisme ou dequelque vice d’élection secret, le pape ne seraitpas réellement pape, si nous pouvions pronon-cer un tel jugement, la réponse à la questiondélicate de notre légitimité serait évidente...”(1). Si, pour T., le “sédévacantisme” est laseule explication évidente pour justifier sapropre consécration, on s’attendrait à une ad-hésion publique au sédévacantisme, ou à sonrefus motivé. Rien de tout cela. Le sédéva-cantisme est refusé (uniquement) parce queMgr Lefebvre l’a refusé: “l’ennui, si je puisdire, est que ni Monseigneur Lefebvre, ni mesconfrères, ni moi-même, n’étions et ne sommessédévacantistes. (...) ...Mgr Lefebvre ne se sen-tait ni les éléments suffisants ni les pouvoirs re-quis pour porter un tel jugement. Ceci est capi-tal à noter”. A ce point, même l’interviewerest un peu déconcerté: si l’on ne peut pas sa-crer des évêques contre la volonté du pape etsi Jean-Paul II est Pape, et si Jean-Paul IIétait opposé aux consécrations de MgrLefebvre, et s’il n’y a pas d’autres solutions“évidentes”... “alors, comment MonseigneurLefebvre s’est-il sorti du dilemme? (...)”. T.,qui n’a pas de réponses théologiques, doctri-nales, déconcerte encore plus le lecteur parune réponse que nous pourrions définircomme “charismatique”: “(...) Notre fonda-teur a pris le problème de plus haut et l’a réso-lu en même temps de la façon la plus concrètequi soit. C’est la marque de l’intuition surnatu-relle qui était la sienne, et de l’action en lui dudon de sagesse, don du Saint-Esprit. (....) SeulMgr Lefebvre pouvait porter un tel jugement[c’est-à-dire: que ‘le pape Jean-Paul II n’estplus catholique’]! Il était le seul aussi qui eûtl’autorité morale pour décider: ‘Je sacre’. Il n’yen avait pas un autre. Aussi bien n’est-ce paspar mes propres lumières que j’ai accepté lesacre, mon sacre, comprenez-le bien! ‘seul

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Monseigneur Lefebvre a pu décider ce sacre,seul il a reçu la grâce pour le décider. Nous,nous avons eu la grâce pour le suivre’. C’estpar ces mots très simples, très beaux, d’un desmes confrères de la Fraternité, que je doisconclure: ils représentent ma conviction la plusintime, mon assurance la plus solide, de ce queje suis dans le droit chemin”. T., dans sa sincè-re et émouvante affection pour MgrLefebvre, ne se rend pas compte combien sapensée est aberrante. Il substitue comme cri-tère de catholicité un évêque au pape. Ilcondamne quiconque se soumet aveuglémentau Pape, qui a le charisme de l’infaillibilité, etpar ailleurs il suit un évêque dans une déci-sion contraire au Pape, sans trouver d’autremotif décisif que l’infaillibilité charismatiquede cet évêque. De cette manière T. révolu-tionne totalement la constitution divine del’Eglise, en opposant le charisme d’une (pré-sumée) sainteté à celui de l’autorité papale.

Mgr Fellay et le sédévacantisme

Toujours dans Fideliter (n° 125, pp. 3-5), aété publiée une interview accordée au Figaro(du 3 juin 1998) par Mgr Fellay (F.), supérieurgénéral de la Fraternité et une autre des 4évêques sacrés en 1988. F. revient lui aussi surle sédévacantisme. A la question: “le siège dePierre est-il ou non vacant?” il répond: “Il estparfaitement occupé. Le Saint-Père, vicaire duChrist, a été légitimement élu, il est doué de tousles pouvoirs du souverain pontife (...)” et ilpoursuit: les sédévacantistes “prétendent ré-soudre un problème mais en créent un plusgrave. En effet, le pape pose des actes qui ont étéantérieurement condamnés par l’Eglise; dèslors, pour sauver l’infaillibilité pontificale, ils af-firment qu’il n’y a plus de pape. Voilà une posi-tion facile qui, en réalité, dissout la visibilité del’Eglise. Nous ne pouvons accepter”. F. essayede donner un argument au refus du sédévacan-tisme: il comporterait la dissolution de la visibi-lité de l’Eglise. Nous pouvons être encore plusradicaux que lui: il crée un problème pour l’in-défectibilité de l’Eglise (2). Mais refuser la posi-tion sédévacantiste, ou la marginaliser (3)comme solution au problème de l’infaillibilité,laisse intact ce dernier problème. C’est aussi unproblème d’indéfectibilité (si l’Eglise mainte-nant se trompe, elle a fait défection) et de visi-bilité (puisque la Fraternité ne suit pas en réali-té le chef visible de l’Eglise, le “pape”, maisuniquement le chef invisible, le Christ: F. écrit:“... nous avons de la peine à entendre la voix du

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Christ [en celle du Pape]. (...) sans choisir ànotre guise, nous nous en tenons constammentà l’adhésion pleine et entière au Christ dont lesouverain pontife est le vicaire”. Un catholiquedirait: nous nous en tenons constamment àl’adhésion pleine et entière au SouverainPontife, puisqu’il est le Vicaire du Christ). LaFraternité semble ignorer la solution apportéepar la Thèse de Cassiciacum, qui résout tant leproblème de l’infaillibilité (étant donné queJean-Paul II n’est pas formellement Pape) quecelui de la visibilité (puisque Jean-Paul II estmatériellement pape). Mgr Tissier confirmecette ignorance. Dans l’article susmentionné,parlant des sédévacantistes, il écrit (p. 27): “lalogique abrupte d’un père Guérard desLauriers faisait conclure à ce dernier: ‘Le papea promulgué une hérésie (avec la liberté reli-gieuse), donc il est hérétique, donc il n’est paspape formellement’”. Et T. conclut en disantque le P. Guérard n’avait pas l’autorité pourfaire de telles affirmations. T. ignore (?) que lePère Guérard, à la différence des sédévacan-tistes, n’a jamais soutenu qu’un théologiencomme lui avait l’autorité pour démontrer queJean-Paul II (ou Paul VI) est formellement hé-rétique. Ou T. ne connaît pas la “logiqueabrupte” du Père Guérard (et alors qu’il évited’en parler) ou bien il la connaît (et alors qu’ilévite de la calomnier). En tout cas, il feraitbien d’en étudier la “logique abrupte”, pouréviter les illogismes d’un abbé de la Rocque...

“Luther” écrit dans Fideliter

Ce jeune prêtre a écrit un article intituléStabat mater dolorosa (Fideliter, n° 125, pp. 8-12) en reprenant à son compte l’audacieuse etun peu dangereuse similitude entre la Passiondu Christ et de Marie, et celle de l’Eglise dansla crise actuelle, pour critiquer les tenants del’indult sur sa “gauche” et les sédévacantistessur sa “droite”. Trop logiques, ces positions!Le glaive qui transperça le cœur de Marie se-rait, selon l’auteur, les contradictions de laPassion. Et voilà que pour l’imiter, il faudraitadhérer aux thèses contradictoires de laFraternité! “Dans cette Eglise crucifiée, descontradictions profondes se présentent à l’intel-ligence fidèle”, écrit de la Rocque, oubliantque l’intelligence, même fidèle, peut adhérerà des propositions mystérieuses ou apparem-ment contradictoires, mais jamais à des“contradictions profondes”. En voici une, àtitre d’exemple: “Unique instrument de salut,cette même Eglise nous paraît par moment re-

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lever de la bête apocalyptique (Ap. 12, 3) quientraîne les âmes sur le chemin de la perdition.N’est-ce pas saint Pierre lui-même qui, établipour confirmer ses frères dans la foi (Lc 22,32), la leur fait perdre par ce faux œcuménismeet cette liberté religieuse maintes fois condam-née par les papes?” (p. 10). Depuis Luther onn’avait plus entendu un prêtre identifierl’Eglise catholique à la Bête de l’Apocalypse.Mais au moins Luther ne se contredisait pasau point de dire que la Bête apocalyptiqueétait l’unique moyen de salut!

Une “Petite Eglise”....

Dans l’interview susmentionnée duFigaro à l’“évêque auxiliaire” (4) Mgr Fellay,le journaliste du quotidien parisien deman-de avec perspicacité: “risquez-vous de deve-nir une ‘petite Eglise’?” (5). Pas trop sûr delui, Mgr Fellay répond: “J’espère que non.(...)” (p. 4). Mais de nombreux petits indiceslaissent croire que oui (à l’exception dessacres. Les évêques de la Petite Eglise,comme on le sait, ne sacrèrent pas de nou-veaux évêques, et les fidèles encore existantse trouvent, désormais depuis très long-temps, sans prêtres). Dans la Lettre des do-minicains d’Avrillé (n° 7, sept. 1998, p. 11),on recommande la lecture du livre de JoëlMorin et Emmanuel Vicart intitulé Le PapePie VII: précurseur de Vatican II, à deman-der au Prieuré Sainte-Anne de Lanvallay,un prieuré de la Fraternité Saint Pie X. Jen’ai pas encore lu le livre, mais le titre esttout un programme: si Pie VII fut un précur-seur de Vatican II, la Petite Eglise fut unprécurseur de la Fraternité Saint Pie X.

...qui rêve de rentrer dans la “GrandeEglise”!

Cependant, peut-être pour éviter la tristefin de la Petite Eglise, il y a actuellement dansla Fraternité un fort mouvement d’ouvertureà l’égard de celle qui était appelée l’“Egliseconciliaire”, et à l’égard des explorateurs quis’y sont déjà aventurés (les ex-ralliés) en ad-hérant à la Commission Ecclesia Dei. A latête de ce mouvement, un prêtre de laFraternité, l’abbé de Tanoüarn, à travers lescolonnes des deux revues qu’il dirige, Pacte etCertitudes. Mais qu’on ne pense pas à une ini-tiative en marge de la Fraternité: parmi lestrès fidèles de l’abbé de Tanoüarn il y a aussides prêtres qui, à une époque, représentaient

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l’aile la plus intransigeante de la société fon-dée par Mgr Lefebvre, à savoir les abbésAulagnier, Ph. Laguérie, Celier, etc. L’asso-ciation 496 (toujours dirigée par l’abbé deTanoüarn) a aussi organisé une journée com-mémorative des sacres avec un congrès à laMutualité de Paris, le 21 juin (La Traditioncatholique, une arche pour l’Eglise). A notresurprise, parmi les conférenciers, GérardLeclerc, éditorialiste de La France Catho-lique, Christophe Geffroy, rédacteur en chefde La Nef, Paul Airiau, directeur de Ré-surrection, revue du Sacré-Cœur de Mont-martre et le Père Lelong, tous conservateurs,sans doute, mais tous fidèles, récents ou devieille date, de Vatican II. “Nous avons dé-montré qu’il était possible de débattre en toutecourtoisie avec des catholiques ‘conciliaires’ ou‘ralliés’”, écrit l’abbé de Tanoüarn dans Pacte(n° 26, p. 1). L’abbé de Tanoüarn est-il ouvertet intelligent? Pourquoi alors n’a-t-il pas aussiinvité à débattre “en toute courtoisie” des re-présentants du sédévacantisme ou de la Thèsede Cassiciacum? (6). Autrement, le soupçond’“ouvertures honteuses” n’est pas seulementune mauvaise pensée...

L’abbé de Tanoüarn prépare-t-il donc le“ralliement” (comme l’on dit en France) dela Fraternité à Vatican II? Peut-être. Oumieux: le but est toujours le même: celuid’être reconnus par les “autorités” de Va-tican II avec un spécial droit de fronde, ou,comme s’exprime l’abbé de Tanoüarn,comme “instance critique face aux déborde-ments conciliaires”. Petite Eglise, oui, mais ilfaut avouer que critiquer de l’intérieur laGrande Eglise est un peu moins incommodeque la critiquer de l’extérieur.

Dernière heure…

Du 24 au 26 octobre s’est tenu à Romeun pèlerinage organisé par la FraternitéSaint Pierre avec la collaboration del’Association Internationale Una Voce, àl’occasion des 10 ans du Motu ProprioEcclesia Dei qui institua la commission dumême nom suite aux consécrations épisco-pales et à l’excommunication de MgrLefebvre.

Le pèlerinage s’est conclu par un congrèsen présence des cardinaux Ratzinger, Mayeret Stickler; ce dernier ayant célébré unemesse solennelle qui clôtura le pèlerinage.

La présence de M. l’abbé Aulagnier, as-sistant du Supérieur Général de la Fra-

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ternité Saint Pie X, visiblement décontractéet tout heureux de ses nouveaux compa-gnons, en dit long sur la probable rentrée de“la Petite Eglise dans la Grande Eglise”...

Notes

1) En réalité la chose serait moins évidente qu’ellene le paraît à T.! Constater que Jean-Paul II n’est pasPape est une condition nécessaire à la légitimité d’uneconsécration épiscopale, qui ne serait donc pas accom-plie “contre le Pape”. Mais d’autres difficultés subsistent,comme en témoigne ma polémique avec l’abbé Belmont(cf. Sodalitium n° 44) qui, bien que ne reconnaissant pasl’Autorité de Jean-Paul II, n’admet pas la licéité desconsécrations. Nous ne le suivons pas sur cette voie, maisnous soutenons que les évêques consacrés de cette ma-nière sont des évêques “diminués”, qui exercent de ma-nière licite le pouvoir d’ordre mais n’ont pas celui de ju-ridiction, ni celui de magistère et, de ce point de vue,n’ont pas la succession apostolique formelle.

2) J’en reparlerai dans un prochain numéro deSodalitium.

3) Mgr Fellay admet qu’il y a des sédévacantistesdans la Fraternité, mais précise qu’ils sont “en marge”de la Fraternité.

4) Ainsi sont définis les 4 évêques de la Fraternitéin Fideliter, n° 123, p. 22, dans l’article: Un statutd’évêque auxiliaire.

5) Sous le nom de “Petite Eglise” on désigne l’égli-se schismatique anti-concordataire, qui s’opposa - ets’oppose encore! - au concordat entre Pie VII etNapoléon.

6) Etaient présents, c’est vrai, l’abbé Schæffer etl’abbé Barthe, mais le premier était déguisé en “lefeb-vriste” et le second en “rallié”.

AVIS AUX LECTEURS: Par manque de place noussommes contraints de renvoyer au prochain numéro unnouvel article du Père Torquemada sur Massimo Intro-vigne: notre dossier sur lui se fait toujours plus volumi-neux et intéressant. Sodalitium.

Sur cette photo tirée de Présent du 5 novembre, vouspouvez voir de gauche à droite: le Père Argouarc’h,

l’abbé Aulagnier, l’abbé Mora, Mgr Wach, MgrWladimir et le Père de Blignières

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Belgique. L’abbé Stuyver est toujours à larecherche d’une maison et d’une église

qui lui permette de développer son apostolat.Cet été, auxiliaire du curé de Steffeshausen, ila prêché pour la première fois les ExercicesSpirituels de St Ignace en flamand, même sicette retraite ne s’est déroulée que pendanttrois jours. Nous souhaitons que les fidèlesbelges, particulièrement de langue flamande,découvrent toujours plus nombreux lesgrâces particulières des Exercices. L’abbéStuyver collabore aussi avec l’abbé Medina,et aide les religieuses de l’école de Dro-genbos où il se rend tous les mardis.

France. Travaux à la chapelle d’Annecy,qui possède maintenant une belle table decommunion. Un pas de plus doit être franchià Lyon, où nous espérons pouvoir rapide-ment ouvrir un oratoire.

Italie. Depuis le 23 août, la Sainte Messepour les fidèles de Ferrare est célébrée dansl’église dédiée à St Louis de Gonzague, prèsprèsd’Albarea. Les travaux de restructuration nesont pas finis, et nous pensons faire une inau-guration officielle de la petite église au moisde juin, pour la fête de St Louis. Entre-tempsle toit a été refait et le plafond de la sacristie,les chéneaux ont été remplacés, l’eau courantea été mise, nous avons acheté les bancs pourl’église, la cloche (de 1740) a été remise surson campanile. D’autres frais à Milan, où pourle moment nous nous contentons d’un local enlocation. Là aussi il fallait franchir le pas, étantdonné la bonne volonté des milanais, auxquelsrevient la médaille d’or pour la participationaux Exercices Spirituels (médaille noire, aucontraire, aux turinois). Le nouvel oratoire esttout à installer, c’est pourquoi nous comptonssur votre aide. Une bienfaitrice, enfin, nous apermis de décorer de manière artistique lesautels latéraux de l’église de Verrua.

Apostolat estival. Cette année aussi nousavons pu assurer, grâce à Dieu, une œuvrede formation pour la jeunesse. A Raveau,du 9 au 23 juillet, des enfants belges, fran-çais et italiens, de 8 à 13 ans ont participé àla colonie St Louis de Gonzague de laCroisade Eucharistique, dirigée par l’abbéGiugni, aidé de l’abbé Ercoli. Les fillettes,sous la direction de l’abbé Murro, se sont re-trouvées à Verrua du 9 au 18 juillet, pour

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faire plusieurs excursions dans le Parc duGrand Paradis et passer quelques jours dansle Canavese. L’abbé Ercoli a organisé et di-rigé deux camps pour adolescents; l’un enTouraine du 16 au 23 avril et l’autre à Ver-rua (comme camp-base) avec des excursionsdans les montagnes du Grand Paradis, luiaussi, du 28 juillet au 8 août. Là encore lecamp était “international” (Belgique-France-Italie). Pour ce faire, outre l’aide deDieu, il faut celle des hommes. Que leSeigneur récompense donc tous ceux quinous ont aidés. En plus des colonies, l’apos-tolat estival consiste surtout dans lesExercices Spirituels...

Exercices Spirituels. La retraite supplé-mentaire du mois de mai a eu lieu (du 27 au30) mais avec seulement trois personnes; denombreuses défections s’étant malheureuse-ment produites au dernier moment. Durantl’été ont eu lieu les quatre sessions habi-tuelles d’exercices, deux à Raveau et deux àVerrua. Du 5 au 10 octobre, l’abbé Scho-onbroodt a prêché à Verrua les Exercices auxprêtres de l’Institut. En tout, 58 personnesont fait les Exercices de mai à octobre.

Séminaire. A la rentrée des vacances,nous aurions dû, comme chaque année, de-puis désormais le ‘lointain’ 14 janvier 1987,reprendre les cours pour les séminaristes. Iln’en a pas été ainsi cette année. Des 4 sémi-naristes qui restaient après l’ordination del’abbé Ercoli, un est resté provisoirementchez lui pour des motifs de famille et desanté, alors que les trois autres sont retour-nés dans le monde (le dernier le 18 sep-tembre). Puisque par ailleurs les quelquesdemandes d’entrée au ‘séminaire’ n’ont pasété reçues, cette année nous nous accordonsune sorte d’‘année sabbatique’. Nous pou-vons donc faire un premier bilan: en 11 ans,25 séminaristes sont entrés au séminaire.Parmi eux, un est en congé provisoire, unautre poursuit ses études aux Etats-Unis,quatre ont été ordonnés prêtres dansl’Institut et quatre autres l’ont été ailleurs,s’étants’étant séparés de nous; les autres ont aban-donné la carrière ecclésiastique. L’Institut al’intention (si Dieu veut) de poursuivre ceservice qui a comme but de donner de bonsprêtres à l’Eglise, sans toutefois abandonnerles critères sévères établis par l’Eglise elle-même dans l’acceptation et dans l’examendes candidats au sacerdoce.

Conférences (organisées par notre CentroCulturale e Librario, ou avec sa collaboration).

Vie de l’Institut

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A Ferrare, le vendredi 17 avril, à la Ligue duNord, l’abbé Ricossa a tenu une conférencesur la Franc-Maçonnerie. Chez les Filles deJésus de Modène, il a parlé sur le thèmeJudaïsme et Islam, le samedi 23 mai. La confé-rence était organisée par le Movimento apos-tolico ciechi, et presentée par Ruggero Forlani.Parmi les présents, l’aumônier du mouvementet l’abbé Giorgio Maffei, de Ferrare. Dans lasalle des conférences du Sénat, à Rome, a eulieu le 9 juin, un débat sur Tradition occidenta-le et New Age, organisé par la revue Rivo-luzione italiana. Avec l’abbé Nitoglia, sont in-tervenus le professeur Cecilia Gatto Trocchi etle sénateur Riccardo Pedrizzi (Alleanza Na-zionale). Le sujet a été présenté par CarloMarconi, rédacteur en chef de la revue R.I. Ledébat a été annoncé sur Lo Stato et Il Secolod’Italia (9/6/98, p. 16) et toujours Il Secolod’Italia en a publié un compte rendu le 11 juin.Le 26 juin se sont tenues deux conférences.Dans la salle du conseil municipal de Ceriale(Savone), l’abbé Ricossa a parlé sur Mon-dialisme et République universelle. Qui secache et qu’est-ce qui est caché dans le secretdes loges maçonniques. A Riva del Garda,l’abbé Nitoglia a parlé pour présenter le livrede Israël Shahak, Histoire juive et judaïsme. Lepoids de trois millénaires (éd. italienne duCentro librario Sodalitium). Le livre deShahak a été présenté, toujours par l’abbéNitoglia, à Vercelli, auprès du Cercle G.Guareschi, le 9 octobre et à Brescia, à l’HôtelMaster, le 23 octobre. Le 12 novembre, auCentre communal culturel de Valenza, l’abbéRicossa a été l’un des conférenciers de la soi-rée dédiée au thème: Prélèvements -Transplantations. La mort cérébrale n’est pasla mort. Enfin, le mercredi 18 novembre,l’abbé Nitoglia a présenté l’édition italiennedu livre d’Emmanuel Ratier “Les guerriersd’Israël” (éd. Sodalitium) au Cercle Culturelde Gallarate (Varèse).

Centro librario Sodalitium. Nous avonsréédité en langue française la magnifiqueétude d’Arthur Preuss Etudes sur la franc-maçonnerie américaine, un classique désor-mais introuvable (mais toujours actuel) éditéen son temps par la R.I.S.S. L’édition a étésignalée par le célèbre historien EmilePoulat dans la revue Politique Hermétique,par Emmanuel Ratier dans Faits et docu-ments (n° 45, 1-15 avril 1998, p. 11), parLectures Françaises n° 498 p. 59, par le cata-logue Pour une croisade du livre Contre-ré-volutionnaire (n° 250, p. 7) et par les cata-

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logues des Editions D.F.T. (p. 18) et de laLibrairie Roumaine Antitotalitaire (nov.1998, p. 5). Une autre nouveauté: l’opusculede l’abbé Nitoglia, Dalla sinagoga allaChiesa: le conversioni di Edgardo Mortara,Giuseppe Stanislao Coen ed Eugenio Zolli.La revue de Brescia Chiesa viva (n° 295, mai1998, p. 18) en a fait une belle recension.Enfin, depuis le mois de novembre la traduc-tion italienne d’un autre livre-enquêted’Emmanuel Ratier sur les milices sionistes,intitulé I guerrieri di Israele est à la disposi-tion des lecteurs. Le Centro librario a établiun appendice dédié au phénomène des mi-lices sionistes (et organisations similaires) enItalie. Le Centro Librario a été présent avecun stand au salon du Livre de Turin (21-24mai). Merci à ceux qui nous ont aidés, spé-cialement à Alberto, de Rome. De grandeimportance la recension du livre de Shahak,sous la signature de Giovanni Santambrogio,publiée dans le prestigieux supplément litté-raire Domenica du Sole 24 Ore (n° 230,23/8/98, p. 21). “Vade retro, Stato ebraico!”,est le titre de la recension qui se conclutainsi: “Un livre qui est un mélange explosif”.

Ils parlent de nous. Lo Stato du 22 oc-tobre (supplément à Il Borghese, n° 41/98, p.3) a interviewé l’abbé Nitoglia sur le sujet:Catholiques, êtes-vous disposés à partir aunom de la foi? Une croisade pour l’an deuxmille. L’abbé Ricossa a été interviewé à laradio durant l’émission de Rai-Uno Senzarete, consacrée aux Catholiques et la politique(le 27 octobre). Le n° 5 de Avanguardia (mai1998, pp. 8-11 et 12-17) publie une recensiondu livre de Shahak, par Manuel Negri, et l’ar-ticle de l’abbé Nitoglia, tiré de Sodalitium,sur le Grand Kahal. Nous remercions larevue sicilienne, qui maintient cependanttoujours une attitude de profond désaccordpar rapport à notre position (cf. la rubrique“Ils parlent mal de nous”). Le n° 299 deChiesa viva (octobre 1998) publie l’article del’abbé Nitoglia: Le Grand Kahal: un terriblesecret. Dans la Contre-Réforme catholique (n°346, mai 1998, p. 33) a été publiée intégrale-

Année scolaire 1998-1999ECOLE SAINT-JOSEPH

38470 Serre-Nerpol04.76.64.24.11

Internat privé catholique pour filles (pri-maire et secondaire) tenu par les Sœurs duChrist-Roi.

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ment la recension que Sodalitium (n° 46)avait faite des trois tomes de Pour l’Eglise.Quarante ans de Contre-Réforme Catholique,avec un commentaire de l’abbé de Nantes.Dans le numéro suivant l’abbé de Nantes estrevenu sur la question (pp. 27-30, mais voiraussi p. 36) avec l’article Le traditionalisme enexamen. “Quel gâchis!”. La CRC a aussi ré-pondu par une cassette (20 francs) ou unevidéo-cassette (100 francs) intitulée: LaDroite du Seigneur: réponse à Sodalitium:Quel gâchis! A la suite, vous trouverez notreréplique. Le Père Vinson, dans Simple lettre(n° 112, sept.-oct. 1998) expose notre position(p. 2) et signale nos centres de messes (p. 4);grand merci, mon Père! L’uomo qualunque(11 juin 1998, pp. 12-13) dédie deux grandespages au “traditionalisme”. Gianandrea deAntonellis vient au secours du “traditionalis-me catholique” enfermé dans les “nouveauxghettos”; Marco Respinti au contraire (et noslecteurs ne seront pas surpris) repousse avechaine et mépris tous les traditionalistes dansle ghetto ci-dessusci-dessus, les liquidant en deuxlignes comme hérétiques et/ou schismatiques,pour consacrer ensuite trois colonnes à defantomatiques “traditionalistes” USA parti-sans de von Balthasar, Maritain ou vonHildebrand, et souhaitant la collaborationavec les protestants (lesquels, au contrairedes abhorrés “traditionalistes”, paraît-il, nesont pas hérétiques ou schismatiques commeles autres!). De Antonellis, au contraire, bienqu’avec une certaine ambiguïté et quelqueconfusion et franchissement des limites, pré-sente effectivement au lecteur un panoramadu “traditionalisme catholique” italien, endonnant une grande place à l’Institut MaterBoni Consilii, et en permettant au lecteur des’adresser directement aux différentes orga-nisations, s’il désire en savoir plus. Parailleurs, Radio-Courtoisie a consacré uneémission à Sodalitium en recommandant lelecture de la revue.

Ils parlent mal de nous. Parle mal denous, mais pas trop mal quand-même, la sec-tion de Chieti du GRIS, dans trois articles,deux dédiés aux “groupes traditionalistes”(19/10/97 et 26/10/97) et un à l’O.M.S.A.(Ordine missionario per la salvezza delleanime, maintenant Opera della DivinaProvvidenza) du 10/5/98, p. 3, publiés dans Ilnuovo amico del popolo (hebdomadaire del’archidiocèse de Chieti-Vasto). Dans ce der-nier article, on lit entre autres: “Nous savonsbien que ce groupe, et nous l’avons aussi écrit

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sur ces colonnes, a eu des fréquentations avecdes prêtres provenant de groupes ‘traditiona-listes’ comme l’Institut Mater Boni Consilii,une association de prêtres sortis du mouve-ment lefebvriste qui considère ‘vacant’ lesiège de Pierre. Ces prêtres, une fois consta-tées les étrangetés doctrinales de l’O.M.S.A.,s’en sont éloignés. Le groupe a ensuitecontacté les prêtres lefebvristes du PrieuréMadonna di Loreto de Spadarolo de Riminiqui donc, et nous serons heureux d’être dé-mentis, paraîtraient accepter les mêmes dévia-tions doctrinales rejetées avec fermeté parl’Institut Mater Boni Consilii” (cf. Sodalitiumn° 45 p. 86). Parle mal de nous, bien quesans nous nommer expressément, Inter mul-tiplices una vox (juin 1998) dans un articled’un certain Giovanni Servodio (un pseudo-nyme) contre la thèse du “complot judéo-maçonnique” (pp. 16-21). L’auteur ne se li-mite pas à nier l’existence d’un tel complot,mais propose une exégèse de la SainteEcriture sur le problème juif tout à faitconforme à l’exégèse post-conciliaire. Onpeut lire une réponse partielle mais suffisan-te à Servodio, paradoxalement, dans lamême revue (pp. 3-6), là où elle rapporte ceque, avec compétence et autorité, Mgr Spa-dafora écrivit à l’époque sur la question.

La revue Avanguardia (n° 3, mars 1998,pp. 22-23) publie un article (Materialismo me-tafisico e politico nelle posizioni della rivistaSodalitium) de Gioacchino Grupposo qui ras-semble tous les préjugés anti-chrétiens dunéo-paganisme moderne. L’auteur prétend seréférer, contre le “matérialisme” chrétien, àla “tradition hellénique”. Dommage que dela “tradition hellénique” Grupposo ne pren-ne, au fond, que le gnosticisme, qui, plus en-core que le néo-platonisme, est héritier du ju-daïsme cabalistique (cf. les études d’EricPeterson)). Grupposo considère comme “ma-térialiste” le christianisme, parce qu’il conçoitl’homme comme union d’âme et de corps,alors que déjà Aristote (qui fait bien partiede la “tradition hellénique”) avait corrigél’idéalisme excessif de Platon; mais ensuiteGrupposo, qui méprise tant le corps, accusele christianisme de “haine viscérale contre lecorps”, et ceci seulement parce qu’il prêcheascèse et chasteté (qui, évidemment, sont deschoses trop élevées pour notre “spiritualis-te”). Grupposo brouille les cartes pourconfondre ses lecteurs: le panthéisme néo-gnostique qu’il propose irait très bien aux ca-balistes de tous les temps (quant à l’axiome

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de Grupposo: “la divinité ne peut pas s’incar-ner”, Baruch Spinoza le soutenait depuislongtemps). L’article de l’abbé Nitoglia surGuénon (qui avec Evola est défini parAvanguardia comme “points de repère politi-co-culturels du néo-fascisme”) a provoquéune nouvelle réaction de la part de cetterevue qui a publié un article possibiliste deFrancesco Ibba (n° 7/98, pp. 21-23) et unelettre ouverte de rupture de RobertoVultaggio (n° 8/98, pp. 21-23), lequel, commed’habitude, distingue entre une maçonnerie“bonne” et une maçonnerie “mauvaise”. Apropos de franc-maçonnerie, National Hebdo(hebdomadaire du Front National) écrit (3-9/9/98, p. 7): “Etranges apparentements.Charlie-Hebdo a publié, sous la signature dufranc-maçon émérite Xavier Pasquini, un dos-sier sur l’association traditionaliste Travail,[sic!] Famille, Propriété, née au Brésil. Nousne voulons pas nous prononcer sur cette asso-ciation controversée, mais le dossier publiépar Charlie est directement recopié par ungroupe traditionaliste ultra, Sodalitium, régu-lièrement cité en Italie comme le groupe catho-lique traditionaliste le plus extrémiste”. Nousne lisons pas Charlie-Hebdo et nous neconnaissons pas Pasquini; nous ne pouvonscertes pas interdire à qui que ce soit de re-prendre des informations publiées par nous,pour des fins diamétralement opposées auxnôtres. Nous invitons les rédacteurs deNational Hebdo à lire ce que nous avons déjàécrit et ce que nous écrirons encore sur laTFP et Introvigne, ce qui leur permettra deprendre position sur l’“association controver-sée”, en se rappelant que les francs-maçonspeuvent se cacher à gauche comme à droite(et vice-versa)... En attendant, un site inter-net (qui n’a rien à voir avec nous) consacreune grande place à la question, reprenantmême plusieurs articles de Sodalitium; nousle signalons pour les curieux: http://xenu.com-it.net/cesnur/txt/avv1.htm. Il semblerait que lesite du Cesnur (l’organisation de M.Introvigne) ait répondu en nous attaquantviolemment. Changeant de sujet, même leslégitimistes nous traitent d’extrémistes (“larevue Sodalitium est rédigée par des sédéva-cantistes... tout sauf modérés), au moins ceuxde Légitimiste (n° 164, juin 98, p. 4), puisquenous aurions fait “une apologie de la Liguequi confine à la furie furieuse”, en faisant al-lusion à l’assassinat de Henri III. Nous aime-rions connaître l’avis du Légitimiste, qui, àraison, n’aime pas “les meurtriers”, sur l’as-

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sassinat de Henri de Guise et de son frèrecardinal... Enfin, le Bulletin de l’OccidentChrétien (n° 45) admet l’erreur commise dansle n° 39, signalée dans le dernier numéro deSodalitium, mais cette erreur ne fait pas réflé-chir les rédacteurs du BOC. Dommage.

L’abbé de Nantes...... comme nous l’avonsvu, parle bien et mal de nous: il mérite doncune rubrique à part. Sodalitium est un “pé-riodique des plus intelligents”, ses rédacteurssont “si doués”. Le commentaire que l’abbéde Nantes fait de notre recension lui arrachepas mal de compliments: “Bravo”, “pulchre,recte, optime”, “éloge intelligent et coura-geux”. Ailleurs, ce même abbé de Nantes“trouve effrayant l’orgueil de ce prestolet[l’abbé Ricossa] qui s’invente une hérésie bé-tonnée, après la bataille, pour justifier sonschisme depuis longtemps consommé”. Onaurait de la peine à croire qu’il s’agit dumême auteur que celui des lignes précé-dentes. Et pourtant... N. (lire: abbé deNantes) “ne désespère pas voir” “réconcilié”le “‘Traditionalisme’ catholique français” [etaussi celui d’ailleurs, nous supposons], encommençant par une “réconciliation frater-nelle” entre Sodalitium et la CRC: voilàpour les compliments. Mais nos positionssont inconciliables: d’où les critiques “d’uneextrême sévérité”. Si on ne peut pas s’accor-der, on peut, au moins, se comprendre, etcommencer par bien connaître la position del’adversaire. Or, il y a là des malentendus.C’est N. lui-même qui parle d’un “malenten-du” (n° 346, p. 33). Je veux, dans ce contex-te, me borner à les signaler (grands et petits)pour aider N. à mieux nous connaître, quitteà nous juger encore avec “une extrême sévé-rité”. Commençons par quatre malentendusde détail (au moins quant à notre sujet)...

Retraitants et prédicateurs à l’issue des Exercices à Raveau

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1) Sur les intentions de Sodalitium. Larecension faite par R. (lire: abbé Ricossa)dans Sodalitium, reprise et commentée parN. dans la CRC, n’avait pas pour but de“tirer au clair les diverses positions et doc-trines qui se partagent le ‘traditionalisme’ ca-tholique, en France et ailleurs”. C’était unerecension, et rien de plus (une analyse de cegenre aurait demandé bien plus qu’une peti-te page). De même, pour en rester aux in-tentions de R., N. ne sert pas “d’instrument”“à un vieux règlement de comptes” entre R.et Mgr Lefebvre. Notre intérêt pour la posi-tion de N. (sur bien des questions, et surtoutsur celle de l’Autorité dans l’Eglise) est sin-cère et désintéressée. De même que nousn’avions pas l’intention de “démolir” MgrLefebvre, de même nous n’avions pas cellede “juger” N., ni pour l’exalter avec un“éloge maximum”, ni pour le couvrir d’un“flot d’injures”. Le “je n’aime pas” (dont N.a “ras le bol”) de R. vis-à-vis “du style, desidées politiques, de la position sur l’Autoritédans l’Eglise et de la (fausse) mystique deN.” n’est pas “un caprice” ou du “sentimen-talisme” ayant trait à la sympathie ou à l’an-tipathie... C’était une formule pour - juste-ment - ne pas présenter les opinions de R.en dogmes infaillibles, pour ne pas semblers’ériger en “notre juge à tous, avec une auto-rité supérieure, voire suprême”. Evidem-ment, il y a eu malentendu...

2) Sur la (fausse) mystique. C’est là, pourN., un “coup bas, pas très franc”. Et quandR. parle ensuite “de doctrines et comporte-ments certainement sectaires”, eh bien, alorslà ce “certainement est assassin”. Il y a enco-re, visiblement, malentendu. R. juge la mys-tique de N. “fausse”. Il ne parle que de cequi a été publié dans la CRC. C’est exprèsqu’il ne s’est pas prononcé sur les “horriblesrumeurs”. Donc, Sodalitium n’accuse pas laCRC d’être sectaire, puisqu’il ne s’intéressepas aux “horribles rumeurs” en question. Cen’est pas tout le monde qui en a fait autant.

3) Sur une question de préséance. “Vousme dites ‘l’un des premiers et des plus coura-geux’. Excusez-moi, mais je fus le premier et leseul courageux en décembre 1965...” (CRC n°347, p. 28). En France, oui. Mais R. pensait auMexique, par exemple au Père Saenz. Donc,l’un des premiers et des plus courageux.

4) Sur le “Pape hérétique”, depositus veldeponendus. N. (CRC n° 347, p. 29, 2ème co-lonne, point 4), se plaint du fait que R. lais-serait croire que pour lui, N., le Pape serait

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un hérétique déposé. Pas du tout. Avec laconcision d’une recension, R. écrit bel etbien que pour N. le Pape est un hérétique àdéposer (il aurait pu préciser, il est vrai, laposition de N., qui propose une solution plusoriginale). N. ne veut pas franchir les bar-rières canoniques; la Thèse de Cassiciacumnon plus, sans suivre pour autant aucune despositions sur le “Pape hérétique”.

Sodalitium-CRC: où nos routes bifurquent(infaillibilité, magistère, thèse deCassiciacum)

Dans le point 5 de son analyse: (CRC n°347, Une troisième voie) N. est d’abord heu-reux de voir que Sodalitium n’embrasse pasla solution de Mgr Lefebvre, ni celles des sé-dévacantistes (complets). “On aurait pu croi-re qu’emporté par un réel enthousiasme pourla méthode canonique du “frappe à la Tête”,l’abbé Ricossa pousserait tout ce monde-làvers notre ligue CRC! (...) Mais non! Un obs-tacle inattendu se dresse, et c’est là où nosroutes bifurquent. (...) Et voici la ruine detoutes nos illusions, en dix lignes.Incompréhensibles, illisibles, mais d’autantplus catégoriques, infaillibles, irrévocables”.Et oui! Là vraiment il n’y a pas que des mal-entendus: les routes bifurquent effective-ment. Nous ne voulons pas, ici, convaincreN. (il n’y a jamais eu, dans la recension deR., l’intention de donner une “démonstra-tion” en dix lignes, même pas “pseudo”),mais souligner les points où il n’a pas com-pris notre position (“illisible”!).

I) Sur la distinction “materialiter-forma-liter”. C’est une “subtilité”, pour N. (p. 30,1ère col.) que cette distinction (qui remontepourtant au Cardinal Cajetan). Le fait estque N. ne la comprend pas. Les “papes ma-terialiter”, selon notre Thèse exposée parN., sont “des intrus, peut-être corporelle-ment, matériellement (materialiter) assis dansla Chaire de Vérité”, “l’occupant indigne-ment, illégalement: matériellement”, “maisspirituellement dépourvus ou dépouillés detoute autorité”. Nous comprenons bien quesi la Thèse de Cassiciacum disait cela, il n’yaurait aucune distinction réelle entre notreposition et le sédévacantisme total. Or, avecles sédévacantistes, la Thèse dit que les oc-cupants de la Chaire de Vérité sont “dé-pouillés de toute autorité”. Mais, à la diffé-rence des sédévacantistes, elle n’affirme pasqu’ils sont “des intrus” qui occupent cette

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Chaire “illégalement” et seulement “corpo-rellement”. Pour nous leur élection est légaleet leur donne une puissance réelle et pro-chaine à la réception de l’Autorité.

II) Sur le magistère. N. attribue à R. le faitde soutenir, pour le Pape, “une infaillibilitéillimitée” (“pour mieux s’en affranchir”). Etdans la majeure du point 6 (p. 30) nous attri-bue un “syllogisme surprenant”, qui serait le“dogme nouveau” inventé par R contre N.:“l’infaillibilité du Pape et du Peuple, absolue etuniverselle dans toute l’étendue du magistèreauthentique...” (point 7). Ce syllogisme sur-prend effectivement, mais il surprend R. enpremier, puisqu’il ne le soutient pas le moinsdu monde, de même que le “dogme” inven-té... par N., pour l’attribuer à R., et mieuxl’accabler! Ici, les points 6 et 7 sont à rejeterpresque en bloc, car il serait trop long et com-plexe de discerner le peu de vrai d’une multi-tude d’erreurs ou imprécisions. Bornons-nousà préciser à N. que R. ne pense pas que tout lemagistère authentique du Pape et de l’Eglise(le “Peuple” n’a rien à voir, puisqu’il n’en-seigne pas, il croit ce qui est enseigné) est in-faillible, même s’il faut accepter corde et orece magistère simplement authentique. Quantà notre position sur l’infaillibilité, nous ren-voyons aux articles de l’abbé Lucien, et à ceuxde l’abbé Murro dans Sodalitium, ainsi qu’àune réponse précédente à N., parue dansSodalitium (n° 37, p. 68).

III) Sur les “démocrates-chrétiens”.Dans la cassette dédiée à Sodalitium, N.nous accuse (car il s’agit bien d’une faute!)d’être (comme tous les catholiques italiens,à l’exception de St Pie X) des démocrates-chrétiens. Accusation étonnante, puisquetout le monde connaît notre opposition radi-cale à la démocratie chrétienne de Sangnier,de Murri, de Sturzo, de De Gasperi, etc.,notre position politique se référant plutôt aucatholicisme intégral. Seule explication pos-sible de cette accusation: entendre “démo-crate-chrétien” pour “non maurrassien”.Tout en croyant, avec Pie VI et St Thomas,que la monarchie est en principe le meilleurdes gouvernements, R., en effet, n’est pasmaurrassien. Il est avec Léon XIII et Pie XI,comme avec St Pie X et Pie XII, sans êtrepour autant démocrate-chrétien. Cette ques-tion, qui en soi est secondaire, pourrait ex-pliquer toutefois pourquoi N. et MgrLefebvre ne sont pas gênés de s’opposer à ladoctrine et aux ordres de quelqu’un qu’ilsconsidèrent toujours comme le Pape légiti-

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me étant donné l’attitude passée des catho-liques d’Action Française envers Rome.

En conclusion, nous partageons avec laCRC “cette attention passionnée, portée au‘problème’ majeur ‘de l’Autorité dansl’Eglise’. Car de sa solution dépend la surviede la Chrétienté et le salut de nos âmes à tous”(p. 29). Nous partageons avec N. la tristesseet l’étonnement en constatant combien peusont, parmi nos “fidèles” respectifs, ceux quis’y intéressent (cf. p. 27 de la CRC, n° 347).Et aussi ce que N. écrit: “vita in motu, l’inertieintellectuelle, c’est la mort”: Voilà pourquoion peut dialoguer avec N.! Pour le reste, nosroutes pourront bien continuer à bifurquer;au moins, nous bifurquerons en connaissantmieux la route prise par l’interlocuteur.

Petite réponse à Sub tuum præsidium.Une fois n’est pas coutume. C’est exception-nellement que nous allons répondre briève-ment à Sub tuum præsidium (n° 56, p. 44),que son directeur, M. l’abbé Zins, a bienvoulu nous envoyer. Z. (abbé Zins) fait réfé-rence aux recensions des ouvrages de l’abbéBarthe et de Chiron parues dans Sodalitiumn° 46, laissant croire que nous partageonssubstantiellement les opinions de ces auteurs(ce qui n’est pas). Ensuite, il prétend relever“un révélateur aveu de taille” là ou nous écri-vions, à propos de l’ouvrage de l’abbéBarthe: «le livre se termine en espérant la so-lution de cette impasse, solution certaine, euégard aux promesses divines, et solution quipeut venir seulement de l’Eglise, c’est-à-diredu “pape” et des “évêques” (ou, selon notreposition, de la “hiérarchie” materialiter). Encela, nous sommes d’accord avec l’auteur...».Z. prétend voir dans ces lignes l’aveu suivant:pour nous «L’Eglise c’est la “hiérarchie mate-rialiter”, et donc aussi, logiquement, la “hié-rarchie materialiter” c’est l’Eglise”. Et de cet“aveu”, qu’il “faut lire à travers les lignes”même si c’est “écrit noir sur blanc”, c’est faci-le de faire découler logiquement les plusaberrantes hérésies, ce que Z. ne manque pasde faire à notre charge. Malheureusement,cet “aveu” n’en est pas un. La “hiérarchie”matérielle n’est pas l’Eglise (enseignante), etceci tant qu’elle demeurera “matérielle”, demême qu’un être en puissance n’est pas l’êtreen acte, tant qu’il ne passe pas de la puissan-ce à l’acte. De ce fait, les hérésies prononcéespar les membres de la “hiérarchie” matériel-le dépourvue de toute Autorité ne peuvent etne doivent pas être imputées à l’Eglise. Maisles membres de la “hiérarchie” matérielle

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peuvent devenir - demain, dans le futur - lesmembres de la hiérarchie aussi formelle-ment, une fois revenus de leurs erreurs; etalors leurs paroles et actions pourront êtreattribuées à l’Eglise hiérarchique. Que cetteconversion des membres matériels de la “hié-rarchie” ne puisse se faire sans l’interventionde la grâce, nul n’en doute (puisque touteconversion est l’œuvre de Dieu); et, étantdonné la situation actuelle, cette conversionsera un miracle au moins moral. Mais que cemiracle puisse se passer de la divine constitu-tion de l’Eglise, qui par volonté de Dieu estfondée sur une succession ininterrompue dela hiérarchie constituée d’évêques et duSouverain Pontife jusqu’à la fin du monde,voilà ce que les sédévacantistes completsimaginent parfois, sans se rendre compted’aller ainsi contre la foi. Si la thèse de Z.était vraie, le monde aurait dû finir en 1958ou en 1965, avec l’extinction totale de la hié-rarchie et, donc, de l’Eglise. Hénoch et Elie,que Z. attend de ses vœux, ne pourraientfonder qu’une nouvelle Eglise si la précéden-te, fondée par Jésus-Christ sur Pierre et sessuccesseurs, s’est éteinte voici trente ans.Mais la question est si importante, que nousy reviendrons, s’il plaît à Dieu.

(P.S.: Z. déclare impossible tout retour à lalégitimité pour les évêques qui, reconnaissantJ.P. II, font partie de “l’église conciliaire”(c’est-à dire tous!). Toutefois nous lisons dansS.T.P. n° 11, avril 1988, un mois avant lessacres de Mgr Lefebvre: “Mais il est plus pro-bable que Mgr L. se mettra au même rangschismatique que le P. Guérard en sacrant desEvêques sans autorisation et sans déclarationpréalable de la vacance du Saint-Siège quiseule pourrait rendre légitime sa position” (p.41). Si nous avons bien compris, Mgr L., en

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avril 1988, pendant ses pourparlers avec leCardinal Gagnon, n’était pas encore schisma-tique et, s’il avait déclaré la vacance du Siègeapostolique, sa position aurait été légitime.Pourquoi, étant una cum Joanne Paolo, MgrLefebvre était encore un évêque catholique, etpourquoi aurait-il pupourquoi aurait-il pu “rendre légitime saposition” en déclarant le Siège vacant, alorsque cette possibilité (après une semblable dé-claration de vacance du Siège) est refusée auxautres évêques? Peut-être parce que c’est MgrLefebvre qui, en 1978, au cours d’une Messeuna cum, ordonna diacre l’abbé Zins?).

Ostension du Saint-Suaire. Résidant prèsde Turin, nous ne pouvions pas manquer lerendez-vous avec le Saint-Suaire, exposé à laCathédrale de Turin aux mois d’avril, mai etjuin. Le pèlerinage officiel de l’Institut s’estdéroulé le 7 mai, mais plusieurs d’entre nousse sont rendus à maintes reprises pour prierdevant cette extraordinaire relique. Nom-breuses furent les visites de fidèles et amis àl’occasion de l’Ostension; parmi les prêtres:l’abbé Sanborn et l’abbé Neville, des Etats-Unis, le Père Vinson avec les Sœurs duChrist-Roi et l’abbé Milani avec les Sœursdu Clos-Nazareth (Crézan), l’abbé Guépin etl’abbé Roger, de France; parmi les fidèles,des pèlerins italiens, français et autrichiens.

Ad multos annos. “Je ne pensais vrai-ment pas que vous étiez encore si nombreuxà vous souvenir de moi”: c’est par ces pa-roles que le Père Barbara commence, pourles absents, le récit de la magnifique journéedu 20 juin, où l’on a fêté les 60 ans de sacer-doce du Révérend Père (il fut ordonné le 26juin 1938 en Algérie). “Quand on prend del’âge et, plus encore quand la Providencevous met à la pointe du combat, les amis quivous restent sont plutôt le petit nombre. Làencore, j’ai pu me rendre compte que j’étaistrès entouré. Ils étaient venus d’un peu par-tout; non seulement d’Italie, de Belgique et deSuisse, mais jusque d’Angleterre”. Lesprêtres étaient au nombre de 9 (plusieursautres ayant envoyé leurs vœux) dont troisde l’Institut: l’abbé Ricossa (diacre à laMesse et qui a prononcé l’homélie), l’abbéStuyver (sous-diacre) et l’abbé Cazalas, des-servant habituel de la chapelle Saint-Michel.Le célébrant (le Père Barbara n’a pas pu cé-lébrer lui-même la Messe) était le curé deSteffeshausen, l’abbé Paul Schoonbroodt,qui a fêté ses 40 de sacerdoce cette année.“Parmi les amis - écrit encore le Père - il yavait une de mes anciennes paroissiennes de

Les abbés Ercoli et Medina dans les Alpes avec les jeunes

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Mahelma (Algérie); je l’avais laissée toutejeune-fille, je la retrouvais grand-mère”. Plusde 130 amis l’ont entouré pour le repas,agrémenté par un concert de harpe et haut-bois, le tout, organisé en cachette par uneinépuisable Sœur Marie-Bernadette. L’abbéRicossa a profité de son séjour à Tours pours’entretenir avec le Père Barbara sur salongue vie au service de l’Eglise: nous allonspublier tout cela dans un prochain numéroen l’honneur du Père Barbara.

Bénédiction des maisons. Après les céré-monies de la Semaine Sainte (auxquelles ontassisté, comme de coutume, des hôtes exté-rieurs à Verrua), les prêtres de l’Institut ontvisité (presque) tous les fidèles pour la bé-nédiction pascale des maisons. Rappelonsaussi la bénédiction des locaux des établisse-ments Meat (de Villastellone) et CR (deSan Secondo de Pinerolo), ainsi que laMesse dans la chapelle de la famille Bichirià Tetti Rolle di Moncalieri.

Baptêmes. Trois en Belgique, administréspar l’abbé Stuyver, le 13 avril, le 17 mai(Jacinta Dachemans), le 31 mai (Stefanie

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Meskens). Cinq en France: le 9 mai, celui deJean-Marie Sinniger à Mornant et le 11 oc-tobre, à Annecy, celui de Hella Waizeneggeradministrés par l’abbé Murro. A Cannes le 11juillet, celui de Mathilde Marie Chiocaninipar l’abbé Nitoglia. Le 11 octobre, celui deThéophane Moreau et le 28 novembre celuide Louis Cazalas par l’abbé Cazalas.

Premières communions. A Maranello, ledimanche de Pâques 11 avril: Alberto Cesari.A Crézan, le 19 avril: Bernard Langlet. AGradizza (Ferrare), le 24 mai, Alessandro etSimone Moschetta. A Turin, le 31 mai,Maria Teresa Durando, Elena Sardi, CamillaTheodorou. A Sabbioncello San Pietro(Ferrare), le 14 juin, Beatrice Moschetta. AAnnecy, le 26 juillet, Luca Radice.

Mariages. Le 25 juillet, à Raveau, l’abbéMurro a béni le mariage d’Alexis Bontempset de Claire Langlet. L’homélie a été pronon-cée par l’abbé Hervé Belmont. Ce dernier abéni à son tour le mariage de Gilbert Cort vander Linden et de Catherine Garot le 5 sep-tembre à Tours, dans la chapelle Saint-Michel. Enfin, dans l’église de Cantavenna, se

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sont unis par le sacrement du mariage le 3 oc-tobre Domenico Splendore et Cinzia Ga-rancini, milanais, qui ont préparé le “grandpaspas” par les Exercices Spirituels de St Ignace,au mois d’août. A tous ces jeunes époux, lesfélicitations et les vœux de Sodalitium.

Défunts. L’abbé Stuyver a administrél’extrême-onction à Maurice Moens (28mars) et à Luc Laremans (26 mai), enBelgique. L’abbé Cazalas a célébré à Méri-gny, le 11 mai, les funérailles de MadameMonique Rabany, décédée le 8 mai muniedes sacrements. Elle était la veuve deJacques Rabany, l’un des premiers et desplus décisifs défenseurs de la foi dans la criseactuelle, et l’un des plus fidèles collabora-teurs du Père Barbara. Le 18 mai est mort su-bitement Angelo Arturo Castelli, l’ancienmaire de Verrua Savoia. En reconnaissancedes bienfaits reçus, les prêtres de l’Institut sesont rendus à son domicile pour la récitationdu rosaire. L’Institut était très lié àGeneviève Pons, née Roffidal, que leSeigneur a rappelée à Lui, entourée de laprière et de l’affection des siens, le 9 juin.Née dans une famille depuis toujours en pre-mière ligne dans l’apostolat des Exercices deSaint Ignace, très unie aux C.P.C.R. deChabeuil, notre amie avait consacré sa vie àl’éducation chrétienne de ses enfants, qui,tout en étant ouverte sur l’extérieur, portel’empreinte de sa vie tout entière modeléepar le célèbre Principe et Fondement igna-tien. Elle a été parmi les premiers et les plusactifs défenseurs de la Messe et de la foi.Tous les ans, la famille Pons passait plusieursjours auprès de nous à Verrua et à Raveau,faisant vraiment partie de notre “famille spi-rituelle”. Malade depuis longtemps, elle s’estpréparée à faire une bonne mort en suivantune dernière fois les Exercices avec son mari(chez le Père Vinson), en recevant l’extrême-onction le 23 avril à Crézan des mains del’abbé Murro, en communiant souvent enviatique, la dernière fois le 7 juin. L’abbéRicossa a célébré la Messe de Requiem dansl’église paroissiale d’Ollioules, le 12 juin, etl’abbé Giugni le rite des funérailles àOllioules et au cimetière de Saint-Jeannet.Le même jour, à Cannes, l’abbé Giugni ad-ministrait l’extrême-onction à la mère de M.Chiocanini, qui a toujours fréquenté la cha-pelle de l’abbé Delmasure tant qu’elle le put(elle avait 102 ans). L’abbé Seuillot a célébréses funérailles le 22 juin. Le 6 juillet est décé-dée, après avoir reçu tous les sacrements,

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Mme Marie-Thérèse Vigant; la messe de fu-nérailles a été célébrée à la chapelle Saint-Michel de Tours par l’abbé Cazalas. Le 21juillet est morte à Tours, à 91 ans, MmeAngèle Barbara née Louvat, et l’abbéRicossa a célébré ses funérailles à la chapelleSaint-Michel le 27. Belle-sœur du PèreBarbara, elle sut, par sa discrétion, son tact etsa foi, ramener son mari à la pratique reli-gieuse et même à la ferveur, devenant en-semble les deux “piliers” de la chapelle Saint-Michel et deux précieux collaborateurs duPère Barbara, à qui nous adressons noscondoléances. Le 4 août, l’abbé Murro etl’abbé Giugni ont célébré les funérailles deMlle Geneviève de Maubec, décédée àCrézan (elle logeait chez les Sœurs du Clos-Nazareth) le 1er août. L’abbé Ricossa luiavait administré l’extrême-onction le 8 juillet.Le 18 octobre est morte la maman de notrecher séminariste Christ, Godelive Vander-berghe. En 1994 elle était restée veuve deChristiaen Van Overbeke. Les parents deChrist étaient de fervents chrétiens, degrands travailleurs, des âmes apostoliques degrande foi et d’exemple pour tous. L’abbéStuyver, qui lui avait administré tous les sa-crements (l’extrême-onction le 3 et le via-tique, pour la dernière fois, le 17), a célébréses funérailles le 24 octobre, dans l’église pa-roissiale de Erpe (le 21 il avait remplacél’abbé Medina pour un enterrement àCharleroi). Nous sommes tous particulière-ment proches de Christ et des siens en cedouloureux moment. Rappelons enfin leDocteur Renato Carnaghi, mort le 7 mai. Ils’était éloigné depuis longtemps, mais nousn’oublions pas l’amitié et la générosité aveclaquelle il nous suivit depuis la naissance denotre Institut. Que le Seigneur leur fasse mi-séricorde ainsi qu’à tous les fidèles défunts,que nous recommandons à vos prières.

Sodalitium souhaite à ses lecteurs une sainte fête deNoël et leur présente ses

meilleurs vœux de bonne etsainte année

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CENTRES DE MESSES

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