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N° 79 Septembre 2016

N° 79 Septembre 2016 - Cour de cassationA - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL 1. Emploi et formation *Contrats à durée déterminée Soc., 14 septembre 2016

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SOMMAIRE

A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL ................................................ 3

B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS ......................................................................................... 6

C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL ...................................................................................................... 14

D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL ......................................................... 16

E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES .......................................... 16

F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL ................................................................................................ 32

G - ACTIONS EN JUSTICE ........................................................................................................................ 40

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A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL

1. Emploi et formation

*Contrats à durée déterminée

Soc., 14 septembre 2016 Cassation Arrêt n° 1601 FS-P+B+R+I N° 15-16.764 - CA Angers, 17 février 2015 M. Louvel, Pr. Pt. - M. Flores, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

Sommaire

La clause 4, point 1, de l’accord-cadre du 18 mars 1999, mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 s’oppose à l’instauration d’une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui serait justifiée par la seule circonstance qu’elle est prévue par une norme nationale générale et abstraite, telle une loi ou une convention collective. L’inégalité de traitement en cause doit être justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et fondée sur des critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet.

Il en résulte que l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement du salaire du salarié déclaré inapte consécutivement à une maladie ou un accident et ni reclassé, ni licencié, à l'expiration du délai d'un mois à compter de l'examen médical de reprise du travail, ne peut être exclue au seul motif que l’article L. 1243-1 du code du travail, qui est une norme générale et abstraite, excluait la rupture du contrat de travail à durée déterminée en raison de l'inaptitude physique et de l'impossibilité du reclassement.

Il résulte de la combinaison des articles L. 1226-2, L. 1226-4 et L. 1242-15 du code du travail interprétés à la lumière de la clause 4 de l’accord-cadre du 18 mars 1999, mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 que, lorsqu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise, le salarié sous contrat à durée déterminée, victime d'un accident du travail ou d'une maladie non-professionnelle, n'est pas reclassé dans l'entreprise, l'employeur doit, comme pour les salariés sous contrat à durée indéterminée, reprendre le paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail.

Note :

En cas d’inaptitude d’un salarié engagé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, l’article L. 1226-4 du code du travail prévoit qu’à défaut de licenciement ou de reclassement dans le délai d’un mois suivant la date de l’examen médical de reprise du travail, l’employeur doit, à l’expiration de ce délai, reprendre le paiement du salaire.

Cette disposition posait une difficulté de transposition aux salariés sous contrat à durée déterminée, dans la mesure où, avant la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, l’article L. 1243-1 du code du travail n’ouvrait pas la

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possibilité de rompre le contrat de travail à durée déterminée en cas d’inaptitude d’origine non-professionnelle. La Cour de cassation avait jugé que les dispositions du code du travail relatives à l’obligation de reclassement s’appliquaient au salarié en contrat à durée déterminée, mais que les dispositions instituant l’obligation pour l’employeur de reprendre le paiement du salaire au salarié déclaré inapte à la suite d’une maladie ou d’un accident et ni reclassé, ni licencié, n’étaient pas applicables au contrat à durée déterminée, lequel ne peut pas être rompu par l’employeur en raison de l’inaptitude physique et de l’impossibilité du reclassement du salarié (Soc., 8 juin 2005, pourvoi n° 03-44.913, Bull. 2005, V, n° 193 ; Soc., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-40.633, arrêt non publié ; Soc., 7 janvier 2015, pourvoi n° 13-20.224, arrêt non publié).

Mais cette solution, fondée sur l’économie des dispositions du code du travail, heurtait les dispositions de la clause 4 de l’accord-cadre du 18 mars 1999, mis en œuvre par la Directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, qui dispose que, pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. Cette clause exprime une disposition de droit social communautaire qui ne peut pas faire l’objet d’une interprétation restrictive (CJCE, arrêt du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C-307/05). Elle s’applique aux éléments de détermination de la rémunération (CJCE, arrêt du 15 avril 2008, Impact, C-268/06). La Cour de Luxembourg souligne qu’une différence de traitement ne saurait être justifiée par une norme nationale générale et abstraite, telle une loi ou une convention collective. Au contraire, l’inégalité de traitement en cause doit être justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans laquelle elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin vérifiable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet.

La différence de traitement des salariés à durée déterminée avec les salariés à durée indéterminée ne reposait que sur la rédaction de l’article L. 1243-1 du code du travail, qui ne permettait pas la rupture du contrat de travail en cas d’inaptitude non professionnelle, c’est-à-dire sur le statut légal du contrat à durée déterminée. Or, la loi ne peut justifier par elle-même une différence de traitement qu’elle institue alors que le droit communautaire lui demande de mettre en œuvre l’égalité de traitement. Dès lors, la chambre sociale a retenu que, la différence de traitement critiquée reposant sur une norme générale et non sur des éléments précis et concrets, sa jurisprudence devait être modifiée afin d’assurer l’application du principe d’égalité de traitement prévu par la directive et repris par l’article L. 1242-15 du code du travail. Si le défaut de conformité au droit de l’Union a été corrigé par le législateur avec la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 précitée, l’arrêt du 14 septembre 2016, ici commenté, définit, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la notion de cause objective d’une justification à une différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée.

3 - Modification dans la situation juridique de l'employeur

*Transfert d’une entité économique autonome

Soc., 21 septembre 2016 Rejet

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Arrêt n° 1528 FS-P+B N° 14-30.056 - CA Aix en Provence, 30 octobre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Depelley, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén.

Sommaire n° 1

La cour d’appel qui constate que le salarié n’exerçait pas l’essentiel de ses fonctions au sein de l’activité reprise par une nouvelle société, en a exactement déduit que l’ensemble de son contrat de travail devait se poursuivre avec la société sortante.

Note :

En l’espèce, une salariée engagée en 1993 pour exercer des fonctions de responsable réseau d’une société exploitant plusieurs boutiques situées dans divers aéroports était privée de sa rémunération à compter du mois de février 2011. L’employeur lui expliquait que selon lui, son contrat de travail avait été transféré aux sociétés qui avaient repris les activités des deux boutiques situées dans les terminaux 1 et 2 de l’aéroport de Nice dont il avait cessé l’exploitation. La salariée avait alors saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Les juges du fond avaient fait droit à sa demande en fixant la date de rupture de son contrat de travail au 30 mai 2011, date à laquelle elle était entrée au service d’un nouvel employeur.

L’employeur avait formé un pourvoi en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir tiré toutes les conséquences du transfert au moins partiel du contrat de travail de la salariée à la suite de la reprise de la boutique du terminal 1 de l’aéroport de Nice par une nouvelle société .

La salariée formait, quant à elle, un pourvoi incident en faisant grief aux juges du fond d’avoir fixé la date de rupture de son contrat de travail au 30 mai 2011 alors que la date de résiliation ne pouvait être fixée qu’au jour de la décision de justice la prononçant.

Sur le transfert du contrat de travail en cas de transfert partiel d’activité

Rappelons que l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail qui prévoit le maintien des contrats de travail en cours au profit du nouvel employeur en cas succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, suppose le transfert d’une entité économique pourvue d’une autonomie qui conserve son identité et poursuit son activité et à laquelle est rattaché le salarié appelé à changer d’employeur.

La chambre sociale juge ainsi que les salariés ne passent au service du nouvel employeur que s’ils sont affectés à l’activité transférée (Soc., 12 novembre 1997, pourvoi n° 95-43.605, Bull. 1997, V, n° 363 (1) ; Soc., 9 novembre 2005, pourvoi n° 03-47.188, Bull. 2005, V, n° 313).

Lorsqu’un salarié est partiellement affecté à l’activité transférée, la chambre sociale retient depuis un arrêt du 30 mars 2010 que dès lors que le contrat de travail du salarié s’exécute pour l’essentiel dans le secteur d’activité repris par la nouvelle société, l’ensemble de son contrat de travail lui est transféré, alors même qu’il continue à exercer des tâches dans un secteur encore exploité par la société cédante (Soc., 30 mars 2010, pourvoi n° 08-42.065, Bull. 2010, V, n° 78).

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En l’espèce, la cour d’appel avait constaté que la salariée, occupant un poste de responsable réseau rattaché à la direction marketing de la société cédante, n’exerçait pas l’essentiel de ses activités au sein de la boutique du terminal 1 dont l’activité avait été reprise par la nouvelle société et en avait déduit que le contrat de travail de cette dernière devait se poursuivre avec l’employeur initial. La chambre sociale approuve cette décision et rejette en conséquence le moyen formé de ce chef.

B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS 1- Durée du travail, repos et congés * Astreinte Soc., 8 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1510 FS-P+B N° 14-26.825 - CA Caen, 19 septembre 2014 M. Frouin, Pt. - Mme Schmeitzky-Lhuillery, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. Sommaire Fait une exacte application de l’article L. 3121-5 du code du travail, la cour d’appel qui, ayant constaté que les salariés avaient mis en place de leur propre initiative un service d’appel téléphonique en dehors de leurs heures de travail, en a déduit que la seule connaissance par l’employeur d’une situation de fait créée par ces salariés ne saurait transformer cette situation en astreinte. Note : Dans la présente affaire, une association de santé assurant un service de soins infirmiers à domicile, avait engagé en 2004, en qualité d'infirmière coordinatrice, madame X... Celle-ci avait alors mis en place, avec une collègue, un système de permanence téléphonique afin d'être joignable hors de ses heures de travail dans le but de renseigner et de coordonner les aides-soignantes de l'association et d'assurer la continuité du service. Par lettre du 5 janvier 2011, madame X..., soutenant avoir assuré des astreintes depuis son embauche, en avait réclamé le paiement à son employeur. Celui-ci ayant contesté l'existence d'astreintes, madame X... avait pris acte de la rupture de son contrat de travail et saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives notamment au paiement de ces astreintes. La cour d'appel l'avait déboutée de sa demande au motif que le service mis en place ne constituait pas une astreinte notamment parce qu'il avait été mis en place par les salariés de leur propre initiative et organisé comme ils l'entendaient, sans que cela résulte d'une demande de l'employeur qui n'avait, à aucun moment, imposé une quelconque obligation à ce titre. D'autre part, s'il ressortait des attestations produites que l'employeur était au courant du service ainsi mis en place (le planning établi par les infirmières coordinatrices étant affiché dans la salle de transmission), la seule connaissance, par l'employeur, d'une situation de fait créée par ses salariés ne saurait, ipso facto, transformer cette situation en astreinte.

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La salariée avait formé un pourvoi en cassation en faisant valoir, d'une part que si son contrat de travail ne prévoyait pas de mention express quant à l'existence d'astreintes, celles-ci étaient inhérentes à sa fonction et à ses horaires de travail et aux horaires de travail des aides-soignantes. D'autre part, l'accomplissement des astreintes ayant été accepté implicitement par l'employeur, elle devait en obtenir le paiement. Sur ce dernier point, la salariée se fondait sur une jurisprudence rendue en matière d'heures supplémentaires, selon laquelle le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires qu'il a réalisées de sa propre initiative, avec l'accord au moins implicite de l'employeur (Soc., 2 juin 2010, pourvoi n° 08-40.628, Bull. 2010, V, n° 24 ; Soc., 31 janvier 2012, pourvoi n° 10-21.750, arrêt non publié).

La question posée à la chambre sociale de la Cour de cassation était donc la suivante : la qualification d'astreinte peut-elle être retenue lorsque des salariés ont mis en place, de leur propre initiative, un système de permanence téléphonique afin de pouvoir être joignables hors de leurs heures de travail et que l'employeur a connaissance de la mise en place de ce service ?

L'article L. 3121-5 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, définit la notion d'astreinte comme étant « une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ».

Les astreintes sont mises en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d'entreprise ou d'établissement, qui en fixe le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. A défaut de conclusion d'une convention ou d'un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail (article L. 3121-7 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016).

La Cour de cassation a souligné le lien étroit existant entre astreintes et pouvoir de direction de l'employeur en affirmant qu'il devait y avoir obligation imposée au salarié par l'employeur d'effectuer des astreintes (Soc., 23 mars 2011, pourvoi n° 10-11.906, arrêt non publié ; Soc., 26 novembre 2014, pourvoi n° 13-22.482, arrêt non publié).

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel. Elle décide que les périodes litigieuses ne constituaient pas des périodes d'astreinte, la cour d'appel ayant constaté, dans l'exercice souverain de son pouvoir d'appréciation, que les salariés avaient mis en place de leur propre initiative un service d'appel téléphonique en dehors de leurs heures de travail et que la seule connaissance par l'employeur d'une situation de fait créée par ces salariés ne saurait transformer cette situation en astreinte. Le salarié ne peut donc être à l'initiative d'un régime d'astreinte. En effet, contrairement aux heures supplémentaires, le régime de mise en place des astreintes nécessite un accord collectif ou, à défaut une consultation des représentants du personnel après information de l'inspecteur du travail.

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Il convient de noter que la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite loi travail), a modifié la définition de l'astreinte. Une période d’astreinte est désormais une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise (article L. 3121-9 du code du travail). L'ancienne définition liait l'astreinte au fait pour le salarié d'avoir « l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité ». D'autre part, pour la mise en place des astreintes, l'article L. 3121-11 du code du travail prévoit désormais que l'accord d'entreprise s'appliquera en priorité, l'accord de branche n'intervenant qu'à défaut.

*Convention de forfait par jours

Soc., 8 septembre 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1507 FS - P+B N° 14-26.256 - CA Versailles, 16 septembre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Goasguen, Rap. - Mme Robert, Av. Gén.

Sommaire

Répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, l’avenant à l’accord collectif sur la réduction du temps de travail dont les dispositions relatives aux conditions de contrôle et de suivi de l’organisation du travail, de l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail des cadres au forfait jours assurent la garantie du respect des repos, journalier et hebdomadaire, ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en organisant le suivi et le contrôle de la charge de travail selon une périodicité mensuelle par le biais d’un relevé déclaratif signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service de ressources humaines, assorti d’un dispositif d’alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d’entretien auprès du service de ressources humaines.

Note :

Le droit à la protection de la santé et du repos des salariés est garanti par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et par l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne révisée ainsi qu'à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989. Des normes sociales européennes ultérieures complètent le dispositif (article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ; articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003).

La droit à la santé et au repos figure ainsi au nombre des exigences constitutionnelles (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-71.107, Bull. 2011, V, n° 181, publié au rapport annuel de la Cour de cassation ; Soc., 31 janvier 2012, pourvoi n° 10-19.807, Bull. 2012, V, n° 43, publié au rapport annuel de la Cour de cassation).

Dès lors, les Etats ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du travail que dans le respect de ces principes généraux. Or, les conventions de forfait en jours (articles L. 3121-53 et suivants du code du travail) introduites par la loi Aubry II (loi n° 2000-37 du 19

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janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail) doivent être prévues par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche applicable à l’entreprise (voir en dernier lieu l'article L. 3121-63 créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016). En conséquence, les conventions et accords collectifs, organisant les conventions de forfaits en jours, sont examinés par la Cour de cassation à l'aune du droit à la protection de la santé et du repos des salariés. Par un arrêt fondateur du 29 juin 2011 (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-71.107, Bull. 2011, V, n° 181, précité), la Cour de cassation a décidé que les stipulations d'un accord collectif doivent assurer « la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires (…) dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ». Une jurisprudence abondante s'est ensuite prononcée sur la validité de conventions et accords collectifs litigieux (Soc., 31 janvier 2012, pourvoi n° 10-19.807, Bull. 2012, V, n° 43, précité ; Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-14.540, Bull. 2012, V, n° 250 ; Soc., 24 avril 2013, pourvoi n° 11-28.398, Bull. 2013, V, n° 117 ; Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121 ; Soc., 11 juin 2014, pourvoi n° 11-20.985, Bull. 2014, V, n° 137 ; Soc., 13 novembre 2014, pourvoi n° 13-14.206, Bull. 2014, V, n° 262 ; Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-22.890, Bull. 2014, V, n° 301 ; Soc., 4 février 2015, pourvoi n° 13-20.891, Bull. 2015, V, n° 23 ; Soc., 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-26.444, Bull. 2015, V, n° 140). En l'espèce, un avenant du 10 novembre 2008 à un accord d'entreprise du 21 février 2000 sur la réduction du temps de travail prévoit le recours au forfait en jours. Le contrôle et le suivi de l’organisation du temps de travail, de l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail sont effectués par relevé auto-déclaratif des cadres. Ce relevé est signé par le supérieur hiérarchique puis validé par le service des ressources humaines. Le salarié licencié demande la nullité de la convention de forfait en jours. Pour juger nulle la convention de forfait, la cour d’appel relève qu’il « n’existe pas de dispositif permettant de contrôler effectivement la durée maximale de travail en l’absence de toute mention dans l’accord collectif de l’obligation de déclarer la durée de travail tant quotidienne qu’hebdomadaire » et que « le dispositif ne prévoit (…) rien pour le contrôle effectif de l’amplitude de travail ». La Cour de cassation censure cette décision. En effet, d'une part le contrôle des juridictions doit porter sur la validité des accords collectifs lesquels doivent garantir le « respect des repos, journalier et hebdomadaire, ainsi que des durées maximales raisonnables de travail ». La Haute Cour avait précédemment ajouté le terme « raisonnable » (Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-22.890, Bull. 2014, V, n° 301 ; Soc., 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-26.444, Bull. 2015, V, n° 140) et validé le système auto-déclaratif (Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-22.890, Bull. 2014, V, n° 301). D'autre part, l’instauration d’un relevé déclaratif ne doit pas avoir pour effet de dégager l’employeur de ses responsabilités. Ce dernier doit en effet veiller à ce que la durée maximale raisonnable de travail ne soit pas dépassée. Or, en l’espèce, le relevé déclaratif est signé par le supérieur hiérarchique, validé par les ressources humaines et assorti d’un dispositif d’alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d’entretien auprès du service de ressources humaines.

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Le système d'auto-déclaration, sous la responsabilité de l'employeur, a d'ailleurs a été repris par le nouvel article L. 3121-65, I, du code de travail, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Dès lors, le droit à la santé et au repos du salarié était garanti. *Temps de travail effectif – Définition Soc., 8 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1511 FS-P+B N° 14-23.714 - CA Nîmes, 24 juin 2014 M. Frouin, Pt. - M. Belfanti, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. Sommaire Constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. Ayant constaté que la sujétion imposée au salarié de se tenir, durant les permanences, dans un logement de fonction mis à disposition à proximité de l'établissement afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel en a exactement déduit que la période litigieuse ne constituait pas du travail effectif. Note : Dans la présente affaire, un salarié avait été engagé en qualité de médecin résident par une maison de convalescence. Son domicile étant assez éloigné de son lieu de travail, l'employeur avait mis à sa disposition un logement de fonction à proximité de l'établissement dans lequel le médecin avait l'obligation de se tenir durant les permanences afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence. Ayant été licencié, le médecin avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification de ces périodes de permanence en temps de travail effectif au motif que ces permanences s'effectuaient, non pas à son domicile, mais dans un lieu imposé par son employeur. La cour d'appel l'avait débouté de sa demande. Elle avait considéré que le lieu d'accomplissement des permanences n'était pas situé dans l'enceinte même de l'établissement et que, même si le médecin avait conservé son domicile antérieur, le « pied-à-terre » mis à sa disposition, s'il ne présentait pas toutes les commodités d'un logement permettant de partager une vie familiale, ne pouvait davantage être assimilé à une chambre de garde ou de veille et que d'ailleurs le médecin se faisait adresser ses courriers dans son logement de fonction.

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Compte tenu, dès lors, de la possibilité pour le salarié de pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, était caractérisé un temps d'astreinte et non un temps de travail effectif. Le pourvoi formé par le salarié à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel posait à la chambre sociale de la Cour de cassation la question suivante : la qualification d'astreinte peut-elle être retenue lorsque le salarié doit se tenir pendant la période d'astreinte dans un logement de fonction (donc dans un logement non librement choisi par lui) et qu'il dispose d'un domicile personnel distinct de ce logement de fonction ? L'article L. 3121-1 du code du travail définit la durée du travail effectif comme étant « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » et l'article L. 3121-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au moment des faits, dispose qu'une « période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ». Le temps de travail effectif ouvre droit à une rémunération alors que le temps d'astreinte donne lieu à une simple compensation, financière ou sous forme de repos, sauf les temps de déplacement et d'intervention qui eux sont rémunérés (Soc., 31 octobre 2007, pourvoi n° 06-43.834, Bull. 2007, V, n° 183). Il est de jurisprudence constante que l'astreinte effectuée sur le lieu de travail doit être requalifiée en temps de travail effectif (Soc., 15 février 1995, pourvoi n° 91-41.025, Bull. 1995, V, n° 57). Il en a ainsi été jugé dans le cas d'un médecin qui, pour assurer une permanence de soins en continuité au sein d'un établissement était contraint de demeurer sur place ou de se tenir dans un local de garde prévu à cet effet afin de rester pendant toute la durée de sa garde à la disposition immédiate de l'employeur sur le lieu de travail (Soc., 8 juin 2011, pourvoi n° 09-70.324, Bull. 2011, V, n° 153). De même pour des responsables ou veilleurs de nuit dans des établissements médico-sociaux, devant être prêts, à tout moment, à répondre à une sollicitation des pensionnaires, sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. La totalité des heures de veille constitue, dans ce cas, du travail effectif (Soc., 2 juin 2004, pourvoi n° 02-42.618, Bull. 2004, V, n° 147). Il se dégage de cette jurisprudence que l’élément déterminant pour retenir l’existence d’un travail effectif est la mise à disposition permanente et immédiate de l’employeur empêchant le salarié de vaquer à des occupations personnelles (Soc., 20 février 2013, pourvoi n° 11-26.401, Bull. 2013, V, n° 53). C'est également ce critère qui a été retenu pour qualifier de travail effectif le temps pendant lequel des salariés étaient tenus de rester dans les locaux imposés par l'employeur et situés à proximité de leur lieu de travail afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention sans pouvoir vaquer à leurs occupations personnelles (Soc., 2 avril 2003, pourvoi n° 01-40.032, Bull. 2003, V, n° 131). Concernant le logement de fonction, il est de jurisprudence constante que si le salarié assurant une permanence dans ce logement peut vaquer à des occupations personnelles, la permanence

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ainsi assurée constitue un temps d’astreinte et non un temps de travail effectif (Soc., 3 juin 1998, pourvoi n° 96-42.455, Bull. 1998, V, n° 292 ; Soc., 16 juin 2004, pourvoi n° 02-43.755, Bull. 2004, V, n° 167). Cette jurisprudence s'applique également lorsque le logement de fonction est situé au sein de l'établissement (par exemple le cas d'une directrice de résidence pour personnes âgées, Soc., 31 mai 2006, pourvoi n° 04-41.595, Bull. 2006, V, n° 197). Le présent arrêt se situe dans la droite ligne de cette jurisprudence. La chambre sociale approuve le raisonnement de la cour d'appel : dès lors que la sujétion imposée au salarié de se tenir, durant les permanences, dans un logement de fonction mis à disposition à proximité de l'établissement afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles, la période litigieuse ne constituait pas du temps de travail effectif. La qualification d'astreinte peut donc être donnée à la permanence effectuée par un salarié dans un logement de fonction, imposé par l'employeur, situé à proximité de l'entreprise et ne constituant qu'un simple « pied-à-terre », dès lors que le salarié peut librement vaquer à ses occupations personnelles. Il convient de noter que la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite loi travail), a modifié la définition de l'astreinte. Une période d’astreinte est désormais une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise (article L. 3121-9 du code du travail). L'ancienne définition liait l'astreinte au fait pour le salarié d'avoir « l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité ». 2- Rémunérations *Salaire (à travail égal, salaire égal) Soc., 14 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1600 FS-P+B+R+I N° 15-11.386 – CA Douai, 30 septembre 2014 M. Louvel, Pr. Pt. - M. Schamber, Rap. - M. Liffran, Av. Gén. Sommaire Une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant d’établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. Une cour d’appel, ayant constaté que la disparité du coût de la vie invoquée par l’employeur pour justifier la différence de traitement qu’il avait mise en place entre les salariés d’un établissement situé en Ile-de-France et ceux d’un établissement de Douai était établie, en a exactement déduit que cette différence de traitement reposait sur une cause objective et pertinente. Note :

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Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise sa jurisprudence en matière de justification de l’atteinte portée au principe d’égalité des salaires par une décision unilatérale de l’employeur. Dans un arrêt du 29 octobre 1996 (Soc., 29 octobre 1996, pourvoi n° 92-43.680, Bull. 1996, V, n° 359), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « la règle de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes est une application de la règle plus générale “à travail égal, salaire égal” énoncée par les articles L. 133-5, 4° et L. 136-2, 8° du code du travail » et « qu’il s’en déduit que l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ». La chambre sociale a précisé par arrêt du 24 septembre 2008 (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-45.579, Bull. 2008, V, n° 175) que l’application de la règle « à travail égal, salaire égal » est subordonnée à l’appartenance des salariés concernés à une même entreprise. A l’intérieur du périmètre de comparaison ainsi constitué par l’entreprise, il appartient au salarié qui se prétend désavantagé par rapport à d’autres salariés placés dans la même situation que lui, de soumettre au juge les éléments susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, l’employeur devant alors, pour échapper à la sanction de l’atteinte portée au principe d’égalité, rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence de traitement (Soc., 25 mai 2005, pourvoi n° 04-40.169, Bull. 2005, V, n° 178). Le 21 janvier 2009 (Soc., 21 janvier 2009, pourvoi n° 07-43.452, Bull. 2009, V, n° 15), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’appartenance de salariés à des établissements différents ne pouvait, à elle seule, justifier une différence de traitement entre eux, lorsque l’inégalité résulte d’une décision unilatérale de l’employeur. La même solution a été adoptée le 28 octobre 2009 (Soc., 28 octobre 2009, pourvoi n° 08-40.466, Bull. 2009, V, n° 239) lorsque l’inégalité dénoncée résulte d’un accord d’entreprise. Pour la chambre sociale, « il ne peut y avoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». Au cas d’espèce, un syndicat, agissant dans le cadre de la défense de l’intérêt collectif de la profession, a entendu faire cesser une inégalité de rémunération en obtenant l’application, dans un établissement de province, des barèmes de rémunération plus avantageux mis en place par l’employeur dans les établissements d’Île-de-France de l’entreprise. Les juges du fond, devant lesquels il n’était pas discuté que les salariés se trouvaient placés dans une situation identique, ont rejeté la demande du syndicat en reconnaissant le caractère réel et pertinent de la justification avancée par l’employeur, à savoir la disparité du coût de la vie entre la région parisienne et la province. Le pourvoi du syndicat soutenait qu’une telle justification, qui ne tient ni à l’activité, ni aux conditions de travail, ne saurait être qualifiée de pertinente. L’auteur du pourvoi invoquait l’arrêt du 21 janvier 2009 précité qui pouvait en effet être compris comme ayant exclu toutes justifications non fondées sur une caractéristique propre à l’établissement lui-même, solution qui semblait avoir été reprise dans un arrêt du 28 mai 2014 (Soc., 28 mai 2014, pourvoi n° 12-27.811, arrêt non publié).

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La critique est écartée par une formule qui lève les incertitudes et qui marque le contrôle opéré par la Cour de cassation. Il résulte ainsi de l’arrêt du 14 septembre 2016, ici commenté, que constitue une justification pertinente d’une inégalité en matière de rémunération par décision unilatérale de l’employeur, la disparité avérée du coût de la vie entre les secteurs géographiques d’implantation d’établissements différents. *Plan d’épargne entreprise Soc., 21 septembre 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1525 FS-P+B N° 13-24.437 - CA Orléans, 10 juillet 2013 M. Frouin, Pt. - M. Déglise, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire En l’absence de modification, autre que de forme, de l’accord au sens de l’article L.3322-6 du code du travail instaurant un plan d’épargne d’entreprise, et de nouveau dépôt de cet accord auprès de l’administration du travail, les dispositions de cet accord ne peuvent être contestées qu’au regard des dispositions légales en vigueur au moment de sa constitution, conformément à l’article 2 du code civil aux termes duquel la loi ne dispose que pour l’avenir. Encourt en conséquence la censure l’arrêt d’une cour d’appel qui retient que les dispositions de l’article L. 443-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 relative à l’épargne salariale, présentant un caractère d’ordre public social, étaient applicables dès son entrée en vigueur et que le plan d’épargne d’entreprise résultant d’un accord signé le 2 mars 2000 était contraire à l’article précité, alors qu’elle avait constaté que ledit accord avait été signé au sein du comité central d’entreprise conformément aux articles L. 443-1 et R. 443-1 du code du travail alors applicables, lequel n’avait pas été dénoncé, ce dont il résultait que celui-ci, conforme aux dispositions législatives en vigueur lors de sa conclusion, ne pouvait être contesté au regard des dispositions postérieures de l’article L. 3332-12 du code du travail issues de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001, lesquelles ne sont pas d’ordre public absolu.

C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL 3- Maternité 3-1 Protection contre le licenciement *Période de protection et nullité du licenciement – Cas Soc., 14 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1599 FS-P+B N° 15-15.943 - CA Paris, 4 février 2015 M. Louvel, Pr. Pt - Mme Guyot, Rap. - M. Liffran, Av. Gén. Sommaire n° 1

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La période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité n’est suspendue que par la prise des congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée. Sommaire n° 2 L’existence ou l’absence d’actes préparatoires à un licenciement est souverainement appréciée par les juges du fond. Note : Il résulte de l’article L. 1225-4 du code du travail qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. Dans un arrêt du 30 avril 2014 (Soc. 30 avril 2014, pourvoi n° 13-12.321, Bull. 2014, V, n° 111 (1)), la chambre sociale avait décidé que la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité, prévue par l'article L. 1225-4 du code du travail, était suspendue par la prise des congés payés, son point de départ étant alors reporté à la date de reprise du travail par la salariée. Par un arrêt du 8 juillet 2015 (Soc., 8 juillet 2015, pourvoi n°14-15.979, Bull. 2015, V, n° 150), la chambre sociale a précisé que cette solution ne s'étendait pas à l'arrêt maladie suivant la fin du congé de maternité. A l'occasion d'une affaire dans laquelle la salariée, à la fin de son congé de maternité, avait été dispensée d'activité par son employeur, la chambre sociale, dans l'arrêt commenté (Soc., 14 septembre 2016, pourvoi n°15-15.943, Bull. 2016, V, en cours de publication), décide par un attendu de principe que la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité n'est suspendue que par la prise des congés payés suivant immédiatement la fin du congé de maternité. Cette solution se justifie au regard, tant de la pratique courante consistant pour les salariées à accoler les congés payés auxquels elles ont droit à leur congé de maternité, que de la finalité de repos qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Cette finalité spécifique est en effet différente de celle de la protection relative de quatre semaines suivant le congé de maternité et ne se confond pas avec elle. En dehors de la prise de congés payés suivant le congé de maternité et pour les motifs qui précèdent, la Cour de cassation considère, conformément aux dispositions de l'article L. 1225-4, que la période de protection complémentaire de quatre semaines suit immédiatement le congé de maternité. Pour le surplus, la chambre sociale affirme le pouvoir souverain des juges du fond pour apprécier l'existence ou l'absence d'actes préparatoires au licenciement.

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D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL

1- Accords et conventions collectives *Accords collectifs et conventions collectives divers Soc., 14 septembre 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1489 FS-P+B N° 14-26.101 - CA Grenoble, 4 septembre 2014 M. Frouin, Pt. - M. Belfanti, Rap. Sommaire Le temps d'accueil des participants et les heures de « pause » pendant les actions de formation constituent du temps de formation au sens de l'article 10.3 de la convention collective nationale des organismes de formation du 10 juin 1988.

E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES

1- Elections professionnelles *Vote par voie électronique Soc., 21 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1566 FS-P+B N° 15-60.216 - TI Poissy, 3 juillet 2015 M. Frouin, Pt - Mme Lambremon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire Les articles R. 2314-12 et R. 2324-8 du code du travail selon lesquels, préalablement à sa mise en place ou à toute modification substantielle de sa conception, le système de vote électronique utilisé par accord d’entreprise ou de groupe, pour les élections au sein des institutions représentatives du personnel, est soumis à une expertise indépendante destinée à vérifier le respect des articles R. 2314-8 à R. 2314-11 et R. 2324-4 à R. 2324-7 du même code, n’imposent pas, en l’absence de modification substantielle de ce système, qu’une telle expertise soit diligentée avant chaque scrutin. Note : Dans la présente affaire, un accord d’entreprise sur l’organisation du vote électronique dans les sites tertiaires et de développement avait été conclu au sein de la société Peugeot Citroën automobiles, le 22 décembre 2010. Le 6 septembre 2011, un protocole préélectoral avait été

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conclu lors du renouvellement des membres du comité d’entreprise et des délégués du personnel de l’établissement Peugeot sport. Puis les élections s’étaient déroulées du 29 septembre au 12 octobre 2011. Se prévalant notamment du fait que le système de vote électronique n’avait pas fait l’objet d’une expertise indépendante depuis sa mise en place en 2005, un salarié et le syndicat départemental de la métallurgie des Yvelines CFTC avaient saisi le tribunal d’instance, pour solliciter l’annulation des élections. Le jugement d’instance les avait déboutés de leur demande. Un pourvoi en cassation avait été ensuite formé. Se posait ainsi la question de savoir si l’utilisation de ce système de vote électronique était subordonnée à la réalisation d’une expertise indépendante, avant chaque scrutin, c’est-à-dire si l’expertise indépendante du système de vote électronique était exigée non seulement lors de la conception initiale du système et lors de chaque modification de la conception, mais aussi avant chaque scrutin par vote électronique. Rappelons que la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a autorisé le recours au vote électronique pour les élections des représentants du personnel en la subordonnant à la conclusion d’un accord d’entreprise (article L. 2314-21 du code du travail pour les élections des délégués du personnel et article L. 2324-19 du code du travail pour celle des représentants du personnel au comité d’entreprise). Les articles R. 2314-8 à R. 2314-11 du code du travail pour les délégués du personnel et les articles R. 2324-4 à R. 2324-7 du même code pour les membres du comité d’entreprise précisent les modalités de la mise en place de ce vote électronique. L’article R. 2314-9 du code du travail prévoit ainsi que l’employeur peut choisir un prestataire chargé de mettre en place le système de vote électronique sur la base d’un cahier des charges respectant les dispositions prévues par le code du travail. Il ajoute que le système retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes. L’article R. 2314-12 du même code indique, par ailleurs, que préalablement à sa mise en place ou à toute modification substantielle de sa conception, le système de vote électronique est soumis à une expertise indépendante destinée à vérifier le respect des article R. 2314-8 à R. 2314-11 du code du travail, et que le rapport de l’expert est tenu à la disposition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Dans un arrêt du 13 mars 2015 n° 368748, le Conseil d’Etat a ainsi décidé qu’une expertise indépendante du système était nécessaire non seulement lors de sa mise en place et après chaque modification substantielle mais également lors de chaque scrutin, même si aucune modification n’était intervenue depuis. C’est sur cette décision que se fondait le demandeur au pourvoi. La Cour de cassation rejette cette argumentation en considérant que dès lors que le tribunal avait constaté qu’il résultait de l’expertise indépendante conduite en juillet et octobre 2012 que le système de vote électronique utilisé pour le scrutin ne présentait aucune modification

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substantielle depuis celle qui avait été diligentée en 2005 lors de la sa mise en place, il pouvait en déduire le respect des dispositions du code du travail. 2 - Représentation du personnel 2.2 Institutions représentatives du personnel *Comités central d’entreprise et d’établissement- Attributions Soc., 21 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1569 FS-P+B N° 15-17.658 - CA Rennes, 6 mars 2015 M. Frouin, Pt. - M. Huglo, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire n° 1 Aux termes de l'article L. 2323-78 du code du travail, lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de façon préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur des explications. Une cour d'appel, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, retient que la situation financière de la filiale, extrêmement délicate dans la mesure où son capital social est détenu intégralement par la société mère, cette dernière ayant été contrainte de lui apporter mensuellement des sommes importantes afin de lui permettre de faire face au paiement des salaires et à la trésorerie, rendait indispensable pour le comité d’entreprise d'obtenir des informations sur la stratégie de la société mère à l'égard de sa filiale compte tenu de la situation de dépendance de cette dernière. Sommaire n° 2 Il appartient au seul expert-comptable désigné par le comité d'entreprise par application des articles L. 2323-78 et L. 2325-35 du code du travail de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission. Note : Les articles L. 2323-78 et L. 2323-79 du code du travail, devenus les articles L. 2323-50 et L. 2323-51 du code du travail depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2016 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, disposent que lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications. Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. Ce rapport, au titre du droit d'alerte économique, est transmis à l'employeur et au commissaire aux comptes. Pour la rédaction de ce rapport, le comité d'entreprise peut se faire assister, une fois par exercice comptable, d'un expert-comptable. Dans la présente affaire, le comité d'entreprise de la société Avon polymères France, filiale de la société Avon automobiles, elle-même détenue intégralement par la société MGI Coutier depuis le mois de juillet 2011, avait décidé, le 27 mars 2012, le recours à la procédure d'alerte

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fondée sur l'article L. 2323-78 du code du travail et avait remis une liste de questions à la direction de l'entreprise. L'employeur avait apporté des réponses à toutes les questions relatives à la stratégie de l'entreprise, mais avait refusé de répondre à celles visant la société mère, la société MGI Coutier, au motif qu'elles dépassaient le cadre du droit d'alerte exercé à son encontre. Ayant estimé les réponses de la société Avon polymères France insuffisantes, notamment quant à la situation économique et financière de la société mère, le comité d'entreprise avait décidé le recours à l'assistance d'un expert-comptable en vue de rédiger le rapport prévu dans le cadre de la procédure d'alerte. Émettant des réserves sur la légitimité de la procédure d'alerte et sur la mission proposée par l'expert-comptable, la société Avon polymères France avait saisi le tribunal de grande instance d'une demande de suspension de la procédure d'alerte. La cour d'appel, confirmant le jugement du tribunal de grande instance, l'avait débouté de sa demande en décidant que les faits invoqués par le comité d'entreprise (succession de déficits comptables, niveau d'activité faible, stagnation des commandes, baisse des effectifs, chômage partiel...) étaient de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise et justifiaient la mise en œuvre de son droit d'alerte. Elle jugeait également que l'absence de réponse de l'employeur aux questions posées par le comité d'entreprise s'analysait en une insuffisance de réponse qui permettait à ce dernier de recourir à un expert. Elle justifiait sa décision par le fait que l'appréciation de la situation d'une entreprise déterminée dans un groupe pouvait supposer l'examen d'informations financières ou comptables détenues par la société mère du groupe, dans la mesure où cette dernière était susceptible de prendre des décisions affectant l'entreprise en question, son activité et son avenir. En l'espèce, l'obligation d'information pesant sur la société Avon polymères France pouvait donc être étendue à des questions relatives à la situation économique et financière de la société mère. La légitimité du questionnement du comité d'entreprise était confortée par la situation financière de la société Avon polymères France, extrêmement délicate dans la mesure où son capital social était détenu intégralement par la société mère, ce qui révélait une situation de dépendance économique évidente, cette dernière ayant été contrainte de lui apporter mensuellement depuis le début de l'année 2012 entre 350 000 à 400 000 euros afin de lui permettre de faire face au paiement des salaires et aux besoins de trésorerie. Il était donc indispensable pour le comité d'entreprise d'obtenir des informations sur la stratégie de la société mère à l'égard de la société Avon polymères France compte tenu de la situation de dépendance de cette dernière. Au soutien de son pourvoi en cassation, la société Avon polymères France faisait valoir que le périmètre d'exercice du droit d'alerte se limitait à l'entreprise à l'exclusion de toute autre structure et que, par conséquent, la mission de l'expert-comptable ne pouvait être étendue à l'appréciation de la situation économique, financière ou sociale de la société qui en détenait le capital social et exerçait sur l'entreprise un pouvoir économique. La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante : le droit d'alerte dans ses deux phases (celle de demande d'explications à l'employeur et celle de l'établissement d'un rapport avec l'aide d'un expert-comptable) peut-il porter sur la situation économique et financière de la société mère ? Concernant le périmètre d'investigation en matière de droit d'alerte, la chambre criminelle de la Haute juridiction a jugé que dans le cadre de l'assistance en vue de l'examen annuel des

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comptes « l'expert du comité d'entreprise d'une filiale peut, si cela s'avère nécessaire, réclamer la communication des comptes à la société mère » (Crim., 26 mars 1991, pourvoi n° 89-85.909, Bull. Crim. 1991, n° 145). La chambre sociale a, quant à elle, décidé que le pouvoir d'investigation de l'expert-comptable désigné dans une société pouvait être étendu aux autres sociétés du groupe (Soc., 8 novembre 1994, pourvoi n° 92-11.443, Bull. 1994, V, n° 298) ou qu'il pouvait porter sur la fusion projetée entre la société mère et une autre société (Soc., 29 septembre 2009, pourvoi n° 08-15.035, Bull. 2009, V, n° 209). Elle a également jugé que « l'expert-comptable du comité d'entreprise ayant, comme le commissaire aux comptes, accès aux comptes et documents des sociétés mères ou filiales, il en résultait que les informations relatives aux entreprises d'un groupe situées dans un autre pays devaient être communiquées au comité d'entreprise d'une société filiale française dès lors qu'il n’était pas établi que cette société n’était pas en mesure de les recueillir » (Soc., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-21.903, Bull. 2001, V, n° 367 et Soc., 5 mars 2008, pourvoi n° 07-12.754, Bull. 2008, V, n° 50). Par ailleurs, c'est au seul expert-comptable désigné par le comité d'entreprise qu'il appartient d'apprécier les documents utiles à l'exercice de sa mission (Soc., 8 novembre 1994, pourvoi n° 92-11.443, Bull. 1994, V, n° 298). Par le présent arrêt, la chambre sociale rappelle tout d'abord que l'appréciation du caractère préoccupant de la situation économique d'une entreprise, dont se saisit le comité d'entreprise qui exerce le droit d'alerte, relève du pouvoir souverain des juges du fond (Soc., 11 mars 2003, pourvoi n° 01-13.434, Bull. 2003, V, n° 92). Concernant le périmètre d'investigation du comité d'entreprise et de l'expert-comptable, elle admet, conformément à sa jurisprudence antérieure, que la compréhension globale de la situation économique d'une entreprise puisse nécessiter la recherche d'information au-delà de son seul périmètre. Elle approuve donc la décision de la cour d'appel qui a retenu que le comité d'entreprise et l'expert-comptable pouvaient réclamer à la société employeur, intégralement détenue par la société mère, des informations sur la stratégie développée par cette dernière à l'égard de sa filiale. Soc., 21 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1573 FS-P+B N° 15-13.364 - CA Versailles, 16 décembre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire Ayant constaté que le projet "Evolution des centres de services partagés" avait un effet direct local sur les conditions de travail des salariés de l'établissement "siège", la cour d'appel en a exactement déduit, au regard des dispositions de l'article L. 2327-2 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause, que le comité de cet établissement devait être consulté préalablement à la mise en œuvre du projet dans l'établissement, peu important que la décision émane de la seule direction générale. Note : L’arrêt rendu par la chambre sociale le 21 septembre 2016 aborde la question des compétences respectives d’un comité d’établissement et d’un comité central d’entreprise, institués au sein d’une entreprise divisée en établissement distincts, et vient préciser les cas

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dans lesquels l’employeur est tenu de procéder à la consultation concurrente de ces deux institutions. Le présent litige est né au sein d’une grande entreprise à établissements multiples. Cette dernière a décidé de regrouper les “centres de services partagés” qui mutualisaient les activités support de ses cinq branches opérationnelles. A cette fin, il a été décidé de créer une direction des services partagés au sein de l’établissement “siège” et d’organiser la mutation du personnel de quatre centres de services partagés sur les cinq que comptait l’établissement “unité de services partagés infrastructures” (USPI) vers l’établissement “siège”. Dans le cadre de cette réorganisation, seul le comité central d’entreprise a été consulté. Le comité de l’établissement “siège” a saisi le président du tribunal de grande instance en la forme des référés, afin d’obtenir la suspension de la mise en œuvre du projet “évolution des centres de services partagés” dans l’attente de sa consultation et de celle de tous les comités d’établissement concernés par la réforme. Ce dernier a été débouté de ses demandes en première instance. Toutefois infirmant l’ordonnance de référé, la cour d’appel a déclaré le comité d’établissement bien fondé en ses demandes, et a ordonné à la société de procéder à la consultation du comité de l’établissement “siège” sur le projet litigieux. C’est à l’encontre de cette décision que la société a formé pourvoi. Aux termes de l’article L. 2323-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, “Le comité d’entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle”. Sur la question spécifique des conditions de travail, l’article L. 2323-27 du même code précise que “le comité d’entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l’organisation du travail, de la technologie, des conditions d’emploi, de l’organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération”, et qu’“à cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l’employeur dans les domaines [susmentionnés] et formule des propositions. (...)”. Ces textes peuvent toutefois donner lieu à des difficultés pratiques lorsqu’ont été mis en place au sein de l’entreprise un comité central et des comités d’établissements. En effet, l’article L. 2327-2 du code du travail, applicable en la cause, se borne à indiquer que “le comité central d’entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l’entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement” et l’article L. 2327-15, alors applicable, à énoncer que "les comités d’établissement ont les mêmes attributions que les comités d’entreprise dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements”.

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C’est en conséquence à la Cour de cassation qu’a incombé la tâche de préciser les hypothèses de consultation du seul comité central d’entreprise et les situations impliquant consultation concurrente du comité central et du comité d’établissement. A cet égard, la Haute juridiction énonce que le comité d’établissement n’a pas à être informé ni consulté sur la décision de principe emportant création de services dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise ou du groupe : celle-ci relève de la décision de la direction générale et de la compétence du comité central d’entreprise (Soc., 5 juillet 2006, pourvoi n° 04-18.814, Bull. 2006, V, n° 239). Cette règle connaît toutefois un tempérament important. En effet, le niveau où est prise la décision à l’origine d’un projet ne suffit pas à déterminer celui de l’institution représentative du personnel à laquelle doit être soumis le projet en cause. A cet égard il est jugé, tant par la chambre sociale que la chambre criminelle de la Cour, que le comité d’établissement recouvre ses attributions consultatives dès lors que l’application de la décision de la direction générale implique l’adoption de dispositions spécifiques à l’établissement (Crim., 11 février 1992, pourvoi n° 90-87.500, Bull. crim. 1992, n° 68 (2) ; Soc., 5 juillet 2006, préc.). En d’autres termes, le comité d’établissement doit être consulté dès lors qu’une réorganisation des services décidée par la direction centrale de l’entreprise nécessite des mesures d’aménagement locales, relevant du chef d’établissement (Soc., 25 juin 2002, pourvoi n° 00-20.939, Bull. 2002, V, n° 217 (2)). Ces principes devaient se trouver réaffirmés dans le cadre du présent litige. Par cette décision du 21 septembre 2016, la chambre sociale rappelle en effet que lorsqu’un projet de réorganisation, conçu par la direction générale d’une entreprise, a un effet direct local sur les conditions de travail des salariés d’un établissement, le comité de cet établissement doit être consulté préalablement à la mise en œuvre du projet. En l’espèce, les juges d’appel avaient retenu, en vertu de leur pouvoir souverain d’appréciation, que le projet “évolution des centres des services partagés”, loin de constituer une pure décision de principe de la direction générale, avait une incidence directe sur les conditions de travail des salariés de l’établissement “siège”. En particulier, la modification projetée impliquait des transferts d’activités et de personnels de l’établissement “UPSI” vers l’établissement “siège” et le projet lui-même contenait des “feuilles de route” décrivant le détail des créations/suppressions d’emplois ainsi que la manière d’atteindre cette cible. Les juges du second degré avaient dès lors tiré toutes les conséquences légales de leurs constatations, en jugeant que la consultation du comité de l'établissement “siège” était nécessaire, et en imposant à l’employeur de lui communiquer au préalable des informations précises et écrites sur la mise en œuvre du projet. Partant, la cour d’appel était fondée à suspendre la mise en œuvre du projet de réorganisation dans l’attente de l’issue de cette consultation.

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Le pourvoi ne pouvait donc qu’être rejeté. Soc., 21 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1575 FS-P+B N° 15-19.003 - CA Basse-Terre, 13 avril 2015 M. Frouin, Pt - Mme Salomon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire n° 1 Ayant constaté que l'employeur avait remis au comité central d'entreprise un document d'information correspondant au sujet soumis à sa consultation, la cour d'appel en a exactement déduit que le comité étant, dès cette date, en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée, le point de départ du délai dans lequel le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté avait commencé à courir du jour de cette remise. Sommaire n° 2 Il résulte des articles L. 2323-3 et R. 2323-1 du code du travail qu'un accord conclu entre l'employeur et le comité d'entreprise ou, le cas échéant, le comité central d'entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, peut allonger le délai à l'expiration duquel le comité d'entreprise est réputé avoir rendu son avis. La cour d'appel en a exactement déduit qu'en l'absence de vote dans les conditions de ces articles, le comité d'entreprise ne pouvait se prévaloir de la tenue d'une réunion pour soutenir que ce délai aurait été prolongé. *Comités d’entreprise et d’établissement- Fonctionnement Soc., 21 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1576 FS-P+B N° 14-25.847 - CA Versailles, 7 octobre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - M. Boyer, Av. Gén. Sommaire Aux termes de l'article L. 2323-83 du code du travail, le comité d'entreprise a le monopole de la gestion des activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise. Il en résulte que le montant de la contribution de l'employeur au financement de ces activités doit être fixé en tenant compte de la totalité des dépenses sociales de la période de référence, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L. 2323-86 du code du travail, ce dont la cour d'appel a exactement déduit que la taxe sur la valeur ajoutée facturée à l'employeur au titre de l'activité sociale de transport, devait être comprise dans l'assiette des dépenses sociales acquittées par l'employeur au cours de la période de référence précédant l'interruption ou le transfert de cette activité au comité d'entreprise. Soc., 21 septembre 2016 Cassation

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Arrêt n° 1572 FS-P+B+I N° 15-13.363 - CA Versailles, 16 décembre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire Prive sa décision de base légale, la cour d'appel qui déclare recevable la demande d'un comité central d'entreprise tendant à obtenir la suspension de la mise en oeuvre d'un projet de réorganisation de certains services communs à plusieurs entités, sans rechercher si le délai de trois mois dont disposait ce comité pour donner son avis, sur lequel il avait reçu communication par l'employeur des informations précises et écrites le 17 mars 2014 et souhaitait disposer de l'avis des CHSCT concernés, n'était pas expiré au moment où le premier juge a statué, le 9 juillet 2014, en sorte que ce dernier ne pouvait plus statuer sur les demandes. Note : En l’espèce, les sociétés GDF Suez et GDF Suez Energie avaient décidé de créer une entité managériale commune entre une filiale de GDF Suez Energie et un établissement de GDF Suez. Au cours d’une réunion organisée le 25 mars 2014, le comité central d’entreprise de la société GDF Suez avait été informé de ce projet pour lequel il devait donner son avis. Les informations écrites relatives à ce projet lui avaient été transmises lors de l’envoi de la convocation à la réunion, soit le 17 mars 2014. Au cours d’une réunion extraordinaire du 23 avril 2014, les membres du comité central d’entreprise avaient demandé la consultation préalable du comité d’établissement de GDF Suez ainsi que du CHSCT de cet établissement. C’est ainsi que le 21 mai 2014, le comité central de la société GDF Suez avait saisi le président du tribunal de grande instance en la forme des référés aux fins d’obtenir la suspension de la mise en œuvre du projet d’entité managériale commune dans l’attente de la mise en œuvre d’une procédure d’information-consultation de tous les CHSCT qui lui aurait permis de rendre son avis. Par ordonnance du 9 juillet 2014 confirmée en appel, le président du tribunal de grande instance avait fait droit à cette demande. Un pourvoi a été formé. La question qui se posait était celle de savoir si le délai dont disposait le comité central d’entreprise pour donner son avis sur le projet de création d’une entité managériale commune n’était pas expiré au jour où le juge du fond devait statuer, de sorte que ce dernier ne pouvait se prononcer sur la suspension de la mise en œuvre dudit projet ou si plus précisément la saisine du président du tribunal de grande instance avait suspendu ce délai. L’article L. 2323-3 du code du travail dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 prévoit que le comité d’entreprise émet des avis et vœux dans l’exercice de ses attributions consultatives qui portent notamment sur les questions intéressant l’organisation du travail. Sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise, adopté à la majorité des membres élus du comité fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus, ces délais ne pouvant être inférieurs à 15 jours.

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Il est à noter que depuis le 1er janvier 2016, dans les entreprises pourvues d’un délégué syndical, les délais de consultation du comité d’entreprise ne sont plus fixés par accord entre l’employeur et la majorité des élus du comité d’entreprise mais le sont par accord collectif, ou à défaut par décret (article L. 2313-3 du code du travail modifié par la loi du 17 août 2015). Les délais applicables à défaut d’accord résultent des dispositions de l’article R. 2323-1-1 du code du travail. Cet article prévoit ainsi que le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’un mois, porté à deux mois en cas d’intervention d’un expert et à trois mois en cas de saisine d’un ou de plusieurs CHSCT, voire quatre mois lorsqu’une instance de coordination des comités d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail est mise en place. L’article R. 2323-1 du code du travail précise par ailleurs que ce délai court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation. En outre, les membres élus du comité d’entreprise peuvent, s’ils estiment ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants, le juge devant se prononcer dans un délai de huit jours. Cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis mais en cas de difficultés particulières, le juge peut décider de le prolonger (article L. 2323-4 alinéas 2 et 3 du code du travail). En revanche, le texte ne précise pas si la saisine du juge en la forme des référés suspend le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. C’est la question qui était soumise à la Cour de cassation. En l’espèce, à défaut de délais négociés, le comité central d’entreprise devait, en principe, disposer d’un délai d’un mois à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation. Or, lors d’une réunion du 23 avril 2014, ses membres avaient demandé la consultation préalable d’un comité d’établissement ainsi que du CHSCT de cet établissement, ce qui avait eu pour effet d’étendre le délai de consultation à une durée totale de trois mois. Cependant ce délai courait à compter de la date de transmission au comité des informations écrites, soit à compter du 17 mars 2014 et se terminait le 21 mai 2014. Ainsi sauf à considérer que la saisine du juge avait suspendu le délai de consultation du comité central d’entreprise, le délai de trois mois dont disposait le comité central pour donner son avis était expiré à la date de l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance le 9 juillet 2014. C’est ce que retient la Cour de cassation, en censurant pour manque de base légale l’arrêt d’appel confirmatif. En effet, selon la Haute juridiction, les juges du fond auraient dû rechercher si le délai de trois mois dont disposait le comité central d’entreprise pour donner son avis sur le projet de création d’une entité managériale commune à deux filiales du groupe, sur lequel il avait reçu communication par l’employeur des informations précises et écrites le 17 mars 2014, et

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s’agissant d’un projet de réorganisation relatif à l’organisation du travail, sur lequel il souhaitait disposer de l’avis des CHSCT concernés, n’était pas expiré au moment où le premier juge a statué soit le 9 juillet 2014. Ainsi, le délai de trois mois dont dispose le comité central d’entreprise pour faire connaître son avis est un délai préfixe qui n’est susceptible ni de suspension, ni d’interruption. De fait, les textes de l’article R. 2323-1-1 du code du travail fixant les délais dont dispose le comité d’entreprise pour rendre son avis sont issus de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, qui indique que les demandes d’information et d’éclaircissement du comité « ne doivent en aucun cas conduire à empêcher la bonne marche de l’entreprise, y compris le fonctionnement des organes de gouvernance” et qu’à, cet effet, “un délai préfixe est laissé aux institution représentatives du personnel par le code du travail - sauf accord entre l’employeur et l’institution représentative du personnel concernée - pour faire connaître leur avis ». *Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail Soc., 28 septembre 2016 Cassation Arrêt n° 1689 F-P+B N° 15-60.201 - TI Paris 3ème, 7 juillet 2015 Mme Lambremon, f.f. Pt - Mme Farthouat-Danon, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire Lorsqu'un seul comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) à compétence nationale est institué au sein d'un établissement, les salariés de cet établissement sont éligibles à la délégation du personnel au CHSCT, quel que soit le site géographique sur lequel ils travaillent. N'entre pas dans les prévisions de l'article L. 4611-7 du code du travail un accord collectif qui, en procédant à une répartition des sièges par site, restreint cette capacité que les salariés tiennent de la loi, peu important que l'accord augmente par ailleurs le nombre des sièges offerts. *Syndicat – Représentativité Soc., 9 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1751 FS-P+B N° 16-20.575 - TI Paris 15ème, 4 juillet 2016 M. Frouin, Pt - Mme Lambremon, Rap. - M. Boyer, Av. Gén. Sommaire Il résulte de l'article R. 2122-36 du code du travail que les organisations syndicales qui déposent leur candidature en vue du scrutin national organisé par le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social auprès des Très Petites Entreprises (TPE) pour mesurer l'audience des organisations syndicales et apprécier leur représentativité en application de la loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010, joignent à leur

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déclaration de candidature, notamment, les éléments et documents permettant de justifier de leur indépendance et de leur transparence financière. Justifie sa décision au regard de ce texte, le tribunal d'instance saisi d'une demande d'annulation de la décision de la direction générale du travail ayant déclaré recevable la candidature d'une organisation syndicale, qui, constatant que lors du dépôt de sa déclaration de candidature, celle-ci a fourni un bilan simplifié, un compte de résultats simplifié et une annexe et que l'organisation syndicale qui conteste son indépendance ne fournit aucun élément au soutien de sa contestation, déboute cette dernière de sa demande d'annulation. Soc., 9 septembre 2016 Cassation Arrêt n° 1752 FS-P+B N° 16-20.605 - TI Paris 15ème, 4 juillet 2016 M. Frouin, Pt - M. Huglo, Rap. - M. Boyer, Av. Gén. Sommaire Viole l’article L. 2122-10-6 du code du travail, ensemble les articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, le tribunal d’instance qui décide qu’un syndicat ne respecte pas les valeurs républicaines en ce qu’il résulte de ses statuts qu’il poursuit manifestement un but politique, apparaissant comme l'outil pour diffuser la doctrine de certains courants politiques, et qu'il s'agit d'une organisation régionaliste défendant des intérêts régionalistes, sans constater que le syndicat, indépendamment des mentions figurant dans ses statuts, poursuit dans son action un objectif illicite, contraire aux valeurs républicaines. Note commune aux deux arrêts : La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 “portant rénovation de la démocratie sociale” a eu pour objet de modifier en profondeur le cadre juridique d’ensemble du dialogue social, en faisant de l’audience des organisations syndicales aux élections professionnelles la clef de voûte de la réforme de la représentativité syndicale (M-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier, Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles et des désignations de représentants syndicaux dans l’entreprise, éd. Dalloz). L’un des points marquants de la réforme a été de définir de nouveaux critères de la représentativité syndicale en réservant un rôle majeur au critère de l’audience électorale. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, ce sont désormais les salariés, par les votes qu’ils expriment à l’occasion des élections des représentants du personnel, qui sont en mesure de conférer, ou de retirer, la représentativité à une organisation syndicale et les avantages qui en découlent. Toutefois, cette nouvelle détermination de la représentativité nécessitait d’instaurer un dispositif électoral spécifique aux entreprises de moins de onze salariés dans lesquelles les élections de représentants du personnel ne sont pas obligatoires. Cette question constituait un véritable enjeu, dans la mesure où l’on dénombre actuellement quatre millions de salariés travaillant dans ces très petites entreprises (TPE).

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La loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010 “complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008” a répondu à cette nécessité. L’article L. 2122-10-1 du code du travail, issu de cette loi, dispose désormais que “en vue de mesurer l’audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, (...), un scrutin est organisé au niveau régional tous les quatre ans (...)”. Ce scrutin de représentativité, organisé par vote électronique, diffère considérablement de celui tendant à la mise en place ou au renouvellement des institutions représentatives du personnel dans les entreprises d’au moins onze salariés, dans la mesure où les salariés concernés votent directement pour un syndicat et non pour une liste de candidats membres de l’entreprise. Le législateur a par ailleurs déterminé avec minutie les organisations syndicales pouvant faire acte de candidature à ce scrutin. L’article L. 2122-10-6 du code du travail prévoit ainsi que peuvent faire acte de candidature les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines, d’indépendance et de transparence financière, légalement constituées depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné. Cette possibilité est également ouverte aux syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel. Enfin, cette déclaration de candidature s’effectue auprès des services du ministre chargé du travail, dans des conditions que précisent les dispositions réglementaires du code. L’article R. 2122-36, 4° du code du travail impose ainsi aux organisations syndicales de joindre à leur déclaration de candidature “les éléments et documents permettant de justifier de [leur] indépendance et de [leur] transparence financière”. Des contestations ont été formées à l’encontre de candidatures de syndicats dans le cadre du scrutin organisé du 28 novembre au 12 décembre 2016 par le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Deux d’entre elles ont été l’occasion, pour la chambre sociale, de définir des lignes directrices quant à l’interprétation des nouvelles dispositions légales et réglementaires. 1/ Sur la contestation d’une candidature motivée par le défaut d’indépendance du syndicat (arrêt n° 1751) Le litige ayant donné lieu au pourvoi n° 16-20.575 a trait à la candidature de l’Union des syndicats anti-précarité (USAP) au scrutin précité. En application de l’article R. 2122-36, 4°, du code du travail précité, l’USAP a joint à sa déclaration de candidature des documents comptables, en l’occurrence, un bilan simplifié, un compte de résultats simplifié et une annexe. Par une décision en date du 7 juin 2016, la Direction générale du travail a déclaré cette candidature recevable. Cependant, la Confédération générale du travail (CGT) a saisi le tribunal d’instance aux fins de voir prononcer l’annulation de cette décision en faisant valoir que l’USAP n’aurait pas fourni, lors de son dépôt de candidature, d’éléments suffisants permettant de justifier de son indépendance.

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Le tribunal d’instance a débouté la CGT de sa demande, décision à l’encontre de laquelle cette dernière a formé pourvoi. La question posée avait en l’espèce trait à la charge de la preuve : appartenait-il à l’USAP de prouver son indépendance par des éléments autres que ceux déjà produits lors de sa déclaration de candidature, ou bien appartenait-il à la CGT de faire la démonstration de son défaut d’indépendance ? Bien que se posant pour la première fois dans le cadre du scrutin concernant les TPE, la question posée n’est pas totalement inédite. La chambre sociale s’est en effet déjà prononcée sur le critère de l’indépendance du syndicat en fonction du montant et de l’origine de ses ressources, et notamment du montant des cotisations perçues, lesquelles assurent la possibilité de mener une action en toute indépendance par rapport à l’employeur (Soc., 8 janvier 1997, pourvoi n° 95-60.995, Bull. 1997, V, n° 13). Aussi a-t-il été jugé que ne remplissait pas ce critère un syndicat qui ne réclamait aucune cotisation à ses adhérents et dont les ressources provenaient d’une subvention versée par l’employeur (Soc., 31 janvier 1973, pourvoi n° 72-60.096, Bull. 1973, V, n° 51), a fortiori lorsqu’il a été le seul à obtenir cette subvention (Soc., 31 janvier 1973, pourvoi n° 72-60.076, Bull. 1973, V, n° 50). L’absence d’indépendance peut également résulter d’autres circonstances, telles l’adoption récurrente par le syndicat d’une position conforme à celle de l’employeur (Soc., 11 janvier 1979, pourvoi n° 78-60.672, Bull. 1979, V, n° 31), son attitude critique et hostile à l’égard des autres organisations syndicales, notamment à l’occasion de l’exercice par ces dernières du droit de grève (Soc., 23 février 1973, pourvoi n° 72-60.110, Bull. 1973, V, n° 107), l’absence de propositions propres pour défendre et promouvoir la situation des salariés de l’entreprise (Soc., 26 mai 1977, pourvoi n° 77-60.019, Bull. 1977, V, n° 353), ou encore l’immixtion et la complaisance manifeste de l’employeur à son égard (Soc., 10 octobre 1990, pourvoi n° 89-61.346, Bull. 1990, V, n° 455). Notons surtout que la jurisprudence a déjà eu l’occasion de préciser les règles de preuve en cas de contestation en justice de l’indépendance d’un syndicat. Sur ce point, la chambre sociale juge que, par exception à la règle selon laquelle il incombe au syndicat, défendeur à l’instance en contestation de sa représentativité, de rapporter la preuve de celle-ci (Soc., 24 février 1993, pourvoi n° 92-60.003, Bull. 1993, V, n° 69), le défaut d’indépendance d’un syndicat à l’égard de l’employeur doit être établi par la partie qui l’allègue (Soc., 22 juillet 1981, pourvoi n° 81-60.695, Bull. 1981, V, n° 748). Le critère d’indépendance étant présumé rempli, la charge de la preuve pèse sur le demandeur à la contestation (Soc., 10 mai 2012, pourvoi n° 11-17.574, arrêt non publié). La décision rendue par la chambre sociale le 9 septembre 2016 vient réaffirmer ces règles probatoires.

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En l’espèce, la Haute juridiction retient que, si l’USAP avait fourni des documents comptables destinés à justifier de son indépendance lors du dépôt de sa candidature, la CGT s’était quant à elle bornée à invoquer leur insuffisance, sans fournir le moindre élément au soutien de sa contestation. En s’abstenant de tout effort probatoire, alors qu’il lui appartenait d’étayer sa demande par des éléments justifiant le défaut d’indépendance allégué, la CGT avait méconnu les règles de preuve applicables en la matière et n’était dès lors pas fondée à revendiquer l’invalidation de la décision administrative. C’est donc à bon droit que le tribunal d’instance avait débouté la CGT de sa demande et confirmé la candidature de l’USAP au scrutin. Le pourvoi de la CGT ne pouvait qu’être rejeté. 2/ Sur la contestation d’une candidature motivée par la méconnaissance des valeurs républicaines (arrêt n° 1752) Le litige ayant donné lieu au pourvoi n° 16-20.605 a trait à la candidature du Syndicat des travailleurs corses (STC) au scrutin concernant les TPE. Lors du dépôt de sa candidature, le STC a, conformément aux dispositions de l’article R. 2122-36, 2°, du code du travail, joint à sa déclaration une copie de ses statuts. Les statuts déposés indiquent : - en leur article I.1 que le syndicat a pour dénomination “Sindicatu di i travagliadori corsi”, - en leur article II.3 que “Le contenu de son indépendance ne saurait aboutir à l’isolement du Syndicat dans la lutte du Peuple Corse. Le STC, combattant et condamnant la domination de type colonial subie par la Corse, ne peut rester indifférent, ni à la forme de l’Etat dominateur (...), ni à la nature des liens de dépendance imposés à la formation sociale Corse (...), ni au contenu de la démarche du projet d’émancipation du Peuple Corse (...)”, - et au même article que le STC peut s’engager dans des coalitions à condition que leurs objectifs soient compatibles avec les siens : “ (...) s’acheminer vers une démocratisation généralisée de l’économie, base fondamentale pour l’autodétermination du Peuple Corse”. En vue de ce scrutin, le STC a également déposé une profession de foi contenant la déclaration suivante : “ (...) Priorité, à qualification égale, à l’embauche locale (pour la Corse, corsisation des emplois) et, au niveau des mutations dans le secteur public, priorité aux fonctionnaires qui voudraient revenir dans leur région d’origine”. Par décision en date du 1er juin 2016, la Direction générale du travail a déclaré recevable la candidature du STC et, par décision du 16 juin suivant, sa propagande électorale. Les Confédérations CFDT, CGT, CFTC et FO ont saisi chacune le tribunal d’instance d’une demande d’annulation de cette décision. Retenant que le STC poursuivait manifestement un but politique qui excédait les objectifs des organisations syndicales, apparaissant comme l’outil pour diffuser la doctrine de certains courants politiques, et qu’il s’agissait d’une organisation régionaliste défendant des intérêts

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régionalistes, le juge d’instance a jugé que l’objet de l’organisation syndicale était illicite et a annulé la décision de recevabilité de sa candidature au scrutin. C’est contre cette décision que le STC a formé pourvoi. La difficulté juridique était en l’espèce la suivante : selon quels critères le juge du fond peut-il retenir qu’un syndicat, candidat au scrutin concernant les TPE, ne respecte pas les valeurs républicaines ? Le critère du respect des valeurs républicaines a été introduit par la loi du 20 août 2008 en tant que critère de la représentativité syndicale, et s’est substitué à cette date au critère tiré de l’attitude patriotique durant l’Occupation, devenu obsolète. La “Position commune” des partenaires sociaux du 9 avril 2008, ayant donné lieu à la loi précitée, précise que le respect des valeurs républicaines “implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse, ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance”. Toutefois, cette précision n’a reçu aucune consécration légale, les députés estimant nécessaire de donner au juge un pouvoir d’appréciation le plus large possible sans le lier par une définition trop restrictive. Cette absence de définition des termes de “respect des valeurs républicaines” a engendré un important contentieux. A cet égard, il ressort de différentes décisions que cette notion, pouvant conduire le juge du fond à priver une organisation syndicale de son droit d’exercer les prérogatives syndicales, devait être entendue dans un sens très limitatif, au regard notamment de la convention n° 87 de l’Organisation Internationale du Travail du 9 juillet 1948 “sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical” précisément adoptée pour empêcher les Etats d’exercer un contrôle sur la ligne idéologique des syndicats. Saisi d’une contestation sur le respect des valeurs républicaines par une organisation syndicale, le juge du fond doit ainsi doit rechercher, non pas dans les statuts, mais dans l’action syndicale concrètement menée sur le terrain, si le syndicat poursuit un objectif illicite, contraire à ces valeurs. Il en résulte qu’est valide la désignation d’un représentant de section syndicale par un syndicat dont les statuts mentionnent que son objet est de former et d’organiser les travailleurs pour “l’abolition de l’Etat”, dès lors qu’il n’est pas démontré que ce syndicat poursuit dans son action un objectif illicite, contraire aux valeurs républicaines (Soc., 13 octobre 2010, pourvoi n° 10-60.130, Bull. 2010, V, n° 235). De même a-t-il été jugé que “la référence à la lutte des classes et à la suppression de l’exploitation capitaliste dans les statuts d’un syndicat ne méconnaît aucune valeur républicaine” (Soc., 25 janvier 2016, pourvoi n° 14-29.308, non publié). L’arrêt rendu par la chambre sociale le 9 septembre 2016 est une nouvelle affirmation de ces principes. En l’espèce, la Haute juridiction maintient la distinction entre la vocation statutaire du syndicat, qui ne peut lui être opposée pour faire obstacle à sa candidature, et l’examen de

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l’objectif qu’il poursuit dans son action syndicale, qui seule doit être prise en considération par le juge saisi de la contestation. Elle censure en conséquence, au visa des articles L. 2122-10-6 du code du travail et des articles 3 et 8 de la convention n° 87 de l’OIT, la décision du juge d’instance, qui, méconnaissant son office, a annulé la décision administrative au seul examen des statuts du syndicat et de sa profession de foi. Soc., 30 septembre 2016 Cassation Arrêt n° 1955 FS-P+B N° 16-60.288 - TI Bordeaux, 4 août 2016 M. Frouin, Pt - Mme Farthouat-Danon, Rap. Sommaire Il résulte de l'article L. 2122-10-6 du code du travail que peut présenter sa candidature au scrutin organisé au niveau régional, en vue de mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, l'organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance et de transparence financière, qui est légalement constituée depuis au moins deux ans et à laquelle les statuts donnent vocation à être présente dans le champ géographique concerné. A vocation à être présente dans le champ géographique d'une région, au sens de ce texte, l'organisation syndicale dont les statuts couvrent une partie de son ressort géographique.

F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL 2 – Licenciements 2.1- Mise en œuvre *Lettre de licenciement – Signature Soc., 21 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1529 FS-P+B N° 14-18.593 - CA Fort-de-France, 23 janvier 2014 M. Frouin, Pt - M. Huglo, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén Sommaire Il résulte des dispositions de l'article L. 5124-4, alinéa 3, du code de la santé publique qui prévoient qu'en cas de décès du pharmacien propriétaire d'un établissement pharmaceutique, les héritiers non pharmaciens ne peuvent faire poursuivre l'exploitation de l'établissement que de façon temporaire et en le faisant gérer par un pharmacien autorisé, de l’article R. 4235-13 du même code qui dispose que le pharmacien gérant après décès est tenu d’exécuter lui-même les actes professionnels ou à en surveiller attentivement l’exécution s’il ne les accomplit pas lui-même et de l’article R. 4235-51 du même code selon lequel les ayants-droit doivent

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respecter l’indépendance professionnelle du gérant après décès que ce dernier a seul la qualité d’employeur envers le personnel salarié de l’officine.

Note : En l’espèce, un pharmacien avait été engagé en mai 2000 en qualité de pharmacien adjoint, puis de pharmacien assistant par un autre pharmacien propriétaire de son officine. En 2003, le propriétaire de l’officine décédait laissant pour lui succéder, deux héritiers, son fils mineur et son épouse non pharmacienne. Désignée par ordonnance du tribunal de grande instance administratrice de la succession, cette dernière n’avait pas souhaité confier la gérance de la pharmacie au salarié en poste et avait décidé d’engager en qualité de gérant un autre pharmacien, qui y avait été autorisé par décision préfectorale. Elle avait ensuite licencié l’ancien salarié, par une lettre revêtue de sa signature. Estimant notamment que la procédure de son licenciement était irrégulière, l’administratrice de la succession n’ayant pas qualité pour le licencier, le salarié avait saisi le conseil des prud’hommes, qui l’avait débouté de sa demande en première instance. Ce jugement avait été infirmé par la cour d’appel qui avait déclaré la procédure de licenciement irrégulière. Un pourvoi en cassation avait été formé. Rappelons qu’en droit français, une pharmacie ne peut être gérée que par son propriétaire qui ne peut être qu’un pharmacien. L’article L. 5124-4 du code de la santé publique prévoit au surplus que “le pharmacien responsable et les pharmaciens délégués doivent exercer personnellement leur profession” et qu’ “ils doivent se faire assister et, en cas d'absence temporaire ou s'ils font l'objet d'une interdiction d'exercer, se faire remplacer”.

Il résulte également du dernier alinéa du même article qu’en cas de décès du pharmacien propriétaire d'un établissement pharmaceutique, son conjoint ou ses héritiers non pharmaciens peuvent faire gérer l'établissement par un pharmacien autorisé à cet effet par le directeur général de l'agence régionale de santé pendant un délai qui ne peut excéder deux ans. L’article R. 4235-13 du code de la santé publique indique par ailleurs que “l’exercice personnel auquel est tenu le pharmacien consiste pour celui-ci à exécuter lui-même les actes professionnels ou à en surveiller attentivement l'exécution s'il ne les accomplit pas lui-même.”

L’article R. 4235-51 en vigueur depuis le 8 août 2004 du même code prévoit en outre que “le pharmacien chargé de la gérance d'une officine après décès du titulaire doit, tout en tenant compte des intérêts légitimes des ayants droit, exiger de ceux-ci qu'ils respectent son indépendance professionnelle”.

Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation en déduit que le gérant, après décès, a seul la qualité d’employeur envers le personnel de l’officine.

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Ayant constaté en l’espèce que la lettre de licenciement n’avait pas été signée par le gérant de l’officine mais par l’administratrice de la succession, la cour d’appel pouvait, en conséquence, en déduire que le licenciement du salarié était irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse. *Pouvoir d’y procéder Soc., 28 septembre 2016 Cassation Arrêt n° 1665 FS-P+B N° 15-13.499 – CA Toulouse, 19 décembre 2014 M. Frouin, Pt. - M. Betoulle, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire En application de l’article L. 114-19 du code de la mutualité en vigueur au moment du litige, le licenciement des dirigeants salariés des mutuelles ne peut être prononcé sans décision préalable du conseil d’administration. Note : Engagé par une société mutualiste en qualité de directeur général en novembre 1984, un salarié a été licencié pour faute grave le 23 février 2010, après un entretien préalable en date du 18 février 2010. Le salarié a alors saisi le conseil de prud'hommes, pour notamment faire juger son licenciement nul pour défaut d'autorisation du conseil d'administration. Débouté de cette prétention en première instance comme en appel, le salarié a formé pourvoi à l'encontre de cette dernière décision. Devant la Cour de cassation, il invoquait à l'appui de son pourvoi la violation de l'article L. 114-9 du code de la mutualité, en soutenant que le conseil d'administration avait bien donné pouvoir au président, le 4 février 2010, pour engager une procédure de licenciement à son encontre, mais non pour prononcer le licenciement. Dans l'arrêt attaqué, la cour d'appel avait constaté que chronologiquement, le conseil d'administration avait donné pouvoir au président pour engager une procédure de licenciement à l'encontre du directeur le 4 février 2010 ; que l'entretien préalable s'était déroulé le 18 février 2010 ; que le 24 février, le directeur avait reçu en main propre la lettre de licenciement datée du 23 février ; que le conseil d'administration avait pris acte du licenciement et nommé un nouveau directeur le 1er mars. Elle avait précisé que le conseil d'administration avait bien autorisé l'engagement de la procédure de licenciement, et non le licenciement, et que le remplaçant du directeur licencié avait été nommé après le licenciement de ce dernier. Elle en avait déduit que le président avait été autorisé à engager la procédure de licenciement, et à la mener jusqu'au bout. Ce raisonnement est invalidé par le présent arrêt. S'appuyant sur l'article L. 114-19 du code de la mutualité, dans sa version alors applicable [abrogée par l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015], suivant laquelle « dans les organismes nommant un ou plusieurs dirigeants salariés, le conseil d'administration nomme ceux-ci et fixe leur rémunération. Ces dirigeants assistent à chaque réunion du conseil d'administration. Ils sont révocables à tout moment par le conseil d'administration », la

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chambre sociale confirme la nécessaire intervention du conseil d'administration pour engager la procédure de licenciement des dirigeants salariés de mutuelle. Elle pose en outre le principe d'une consultation préalable du conseil pour prononcer leur licenciement. Cette solution respecte tout d'abord l'esprit de la procédure de licenciement personnel, et notamment des articles L. 1232-2 à L. 1232-6 du code du travail, relatifs à l'entretien préalable. A ce moment de la procédure, l'employeur a l'obligation d'indiquer les motifs d'une décision qui n'est qu'envisagée, et le salarié fait valoir toute explication utile. L'article L. 1232-6 précité impose, avant la prise de décision par l'employeur, l'écoulement d'un délai de deux jours ouvrables, qui est un délai de réflexion. Le prononcé du licenciement au cours de l'entretien préalable serait prématuré et rendrait la procédure de licenciement irrégulière (Soc., 15 novembre 1990, pourvoi n° 88-42.261, Bull. 1990, V, n° 559). De ces différentes phases de la procédure de licenciement, il s'infère que l'autorisation donnée par le conseil d'administration pour son engagement ne vaut pas pour le prononcé du licenciement. La solution dégagée par la décision commentée est en second lieu conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation. Par un arrêt antérieur concernant précisément les directeurs salariés de mutuelle, la chambre sociale a jugé que « les directeurs salariés de mutuelle nommés par application de l'article L. 114-19 du code de la mutualité, qui n'ont pas la qualité d'administrateur, ne sont investis d'aucun mandat distinct de celui qu'ils tiennent de leur contrat de travail, auquel il ne peut être mis fin que par décision du conseil d'administration, ce qui constitue une garantie de fond » (Soc., 12 juillet 2010, pourvoi n° 08-45.633, Bull. 2010, V, n° 167). La qualification de garantie de fond justifie l'exigence d'une délibération portant spécifiquement sur la décision prise à l'issue de l'entretien préalable, délibération qui sera donc postérieure à cet entretien. En l'espèce, comme le pourvoi en faisait grief à l'arrêt, le président - non autorisé spécifiquement par le conseil d'administration à notifier le licenciement - ne disposait pas du pouvoir de licencier le directeur salarié, ce qui privait le licenciement de cause réelle et sérieuse (voir sur ce point Soc., 30 septembre 2010, pourvoi n° 09-40.114, Bull. 2010, V, n° 208 (1). La solution est à rapprocher de la jurisprudence relative au licenciement de certains salariés d'association, selon que les statuts prévoient le recrutement et le licenciement par le conseil d'administration ou par le président de l'association (Soc., 4 avril 2006, pourvoi n° 04-47.677, Bull. 2006, V, n° 134 ; Soc., 2 mars 2011, pourvoi n° 08-45.422, Bull. 2011, V, n ° 58). 2.4 Licenciement économique *Mesures d’accompagnement Soc., 21 septembre 2016 Cassation partielle sans renvoi Arrêt n° 1532 FS-P+B N° 15-10.310 - CA Paris, 5 novembre 2014 M. Frouin, Pt. - M. Maron, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire

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Selon l'article 44, paragraphe IV, de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011, jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions conventionnelles et réglementaires d'application de l'article 41 de la loi relatif au contrat de sécurisation professionnelle, la convention de reclassement personnalisé reste applicable selon les modalités en vigueur à la date de promulgation de ladite loi. Les organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs ont, en application de l’article L. 1233-68 du code du travail, conclu le 19 juillet 2011 une convention relative au contrat de sécurisation professionnelle dont l'arrêté d'agrément, pris le 6 octobre 2011, a été publié au Journal officiel le 21 octobre 2011. Par ailleurs, un arrêté du 1er septembre 2011 relatif à la mise en œuvre du contrat de sécurisation professionnelle disposant dans son article 1er que, dans les conditions prévues à l'article L. 1233-66 du code du travail, l'employeur est tenu de proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle, a été publié au Journal officiel le 23 septembre 2011. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l'entrée en vigueur de l'article 41 de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011, dont l'exécution nécessitait les mesures d'application définies par la convention du 19 juillet 2011 relative au contrat de sécurisation professionnelle, a été reportée à la date de publication de l'arrêté du 1er septembre 2011 et ne s'est appliquée qu'aux licenciements intervenus dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique engagée, au sens de l'article 29 de ladite convention, postérieurement à cette date. Note : Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) a été créé par l'article 41 de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et de la sécurisation des parcours professionnels et codifié aux articles L. 1233-65 et suivants du code du travail, en remplacement de la convention de reclassement personnalisée. Il permet aux salariés d'entreprises de moins de 1000 salariés ou faisant l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire et dont le licenciement économique est envisagé, de bénéficier d'un ensemble de mesures favorisant un retour accéléré à l'emploi durable, le cas échéant au moyen d'une reconversion ou d'une création ou reprise d'entreprise. Il comprend des mesures d’accompagnement, un appui au projet professionnel, ainsi que des périodes de formation et de travail. L'employeur est tenu de le proposer, lors de l'entretien préalable ou à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel, à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique, qui peut refuser d'en bénéficier. L'adhésion du salarié au CSP emporte rupture du contrat de travail et le salarié est placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Cette loi a été précédée d'une convention conclue le 19 juillet 2011 par les organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs, relative au CSP dont l'arrêté d'agrément, pris le 6 octobre 2011, a été publié au Journal officiel le 21 octobre 2011. L'article 29 de cette convention prévoyait que « la présente convention s'applique aux salariés compris dans une procédure de licenciement pour motif économique engagée à compter du 1er septembre 2011 »

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et précisait que par « date d'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique », il y avait lieu d'entendre : - la date de l'entretien préalable visé à l'article L. 1233-11 du code du travail - la date de présentation de la lettre de convocation à la première réunion des instances représentatives du personnel prévue aux articles L. 1233-28 à L. 1233-30 du code du travail. Dans la présente affaire, un salarié avait été engagé par le cercle de jeux parisien Wagram, en qualité de croupier-changeur, selon contrat à durée indéterminée du 8 mars 2010. Cette association avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 29 juillet 2011, convertie, le 22 septembre 2011, en liquidation judiciaire. Le salarié avait été convoqué le 30 août 2011 à un entretien préalable prévu le 8 septembre suivant et avait reçu notification le 9 septembre 2011 de son licenciement pour motif économique. Il avait adhéré le 27 septembre 2011 à une convention de reclassement personnalisé. Estimant qu'il avait été privé du bénéfice du nouveau dispositif du CSP, il avait saisi la juridiction prud'homale pour demander que la date d'engagement de sa procédure de licenciement soit fixée au 8 septembre 2011 et obtenir des dommages et intérêts pour privation du bénéfice des droits au CSP, entré en vigueur, selon lui, le 1er septembre 2011, date indiquée dans la convention signée par les partenaires sociaux le 19 juillet 2011. Le mandataire liquidateur considérait également que la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au CSP était le 1er septembre 2011 mais il soutenait que le salarié ne pouvait en bénéficier dans la mesure où le représentant des salariés qui, à défaut de comité d'entreprise ou de délégués du personnel, exerce leurs fonctions dans le cadre des procédures collectives, avait été convoqué à la réunion du 26 août 2011, et qu'il convenait de retenir cette date, antérieure à la date d'entrée en vigueur du texte sur le CSP, pour déterminer la date d'engagement de la procédure de licenciement. La cour d'appel avait fait droit à la demande du salarié, retenant le 1er septembre 2011 comme date d'entrée en vigueur des dispositions sur le CSP et la date du 8 septembre 2011 comme date d'engagement de la procédure de licenciement. Le mandataire liquidateur, dans son pourvoi en cassation, faisait uniquement grief à l'arrêt de la cour d'appel d'avoir fixé la date d'engagement de la procédure de licenciement au 8 septembre 2011. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, la chambre sociale de la Cour de cassation a relevé d'office le moyen tiré de ce que les dispositions de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 n'étaient pas applicables au 8 septembre 2011 et en a avisé les parties. Le problème juridique soulevé portait donc sur la détermination de la date à partir de laquelle l'employeur était tenu de proposer à chaque salarié, dont il envisageait de prononcer le licenciement pour motif économique, le bénéfice du CSP. Pour répondre à cette question, la Cour fonde sa décision sur plusieurs textes : - l'article 1er du code civil dispose que les lois, lorsqu'elles sont publiées au Journal officiel de la République française, entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Ce principe connaît toutefois une exception : l'entrée en vigueur de celles

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de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ; - l'article 44, paragraphe IV, de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 énonce que jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions conventionnelles et réglementaires d'application de l'article 41 de la présente loi, la convention de reclassement personnalisé reste applicable selon les modalités en vigueur à la date de promulgation de ladite loi ; - l'article 41 de la loi dispose qu'un accord conclu et agrée définit les modalités de mise en œuvre du CSP. A défaut d'accord ou d'agrément de cet accord, ces mesures d'application et leurs modalités de financement sont fixées par décret en Conseil d’État ; - les organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs ont conclu le 19 juillet 2011 une convention relative au CSP dont l'arrêté d'agrément, pris le 6 octobre 2011, a été publié au Journal officiel le 21 octobre 2011 ; - un arrêté du 1er septembre 2011, relatif à la mise en œuvre du CSP disposant dans son article 1er que, dans les conditions prévues à l'article L. 1233-66 du code du travail, l'employeur est tenu de proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique le bénéfice d'un CSP, a été publié au Journal officiel le 23 septembre 2011. La Cour déduit de l'ensemble de ces textes que « l'entrée en vigueur de l'article 41 de la loi n° 2011-893, dont l'exécution nécessitait les mesures d'application définies par la convention du 19 juillet 2011 relative au CSP, a été reportée à la date de publication de l'arrêté du 1er septembre 2011 et ne s'est appliquée qu'aux licenciements intervenus dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique engagée au sens de l'article 29 de ladite convention, postérieurement à cette date », soit le 24 septembre 2011. Il en résulte que jusqu'au 23 septembre 2011, le dispositif de la convention de reclassement personnalisé restait applicable. Les employeurs n'ont eu l'obligation de proposer le CSP qu'aux salariés inclus dans une procédure de licenciement engagée à partir du 24 septembre 2011. La Cour casse donc l'arrêt de la cour d'appel au motif que le licenciement du salarié ayant été engagé avant le 23 septembre 2011, l'employeur ne pouvait être condamné à verser au salarié des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de ne pas avoir pu bénéficier du dispositif du CSP. Il ne pouvait en effet bénéficier que de la convention de reclassement personnalisé, ce qui lui avait été proposé par le mandataire liquidateur. 2-8 Nullité du licenciement *Obligation de réintégration Soc., 14 septembre 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1598 FS-P+B N° 15-15.944 – CA Versailles, 4 février 2015 M. Louvel, Pr. Pt. - Mme Goasguen, Rap. - M. Liffran, Av. Gén. Sommaire

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Le seul fait de confier à un prestataire de service le nettoyage des locaux ne caractérise pas une impossibilité matérielle de réintégrer dans son emploi d’entretien des locaux ou, à défaut, dans un emploi équivalent, un salarié dont le licenciement a été déclaré nul et dont le poste a été supprimé. 3. Résiliation judiciaire *Date d’effet Soc., 21 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1528 FS-P+B N° 14-30.056 - CA Aix en Provence, 30 octobre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Depelley, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire n° 2 En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu’à cette date le contrat de travail n’a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur Note : En l’espèce, une salariée engagée en 1993 pour exercer des fonctions de responsable réseau d’une société exploitant plusieurs boutiques situées dans divers aéroports était privée de sa rémunération à compter du mois de février 2011. L’employeur lui expliquait que selon lui, son contrat de travail avait été transféré aux sociétés qui avaient repris les activités des deux boutiques situées dans les terminaux 1 et 2 de l’aéroport de Nice dont il avait cessé l’exploitation. La salariée avait alors saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur. Les juges du fond avaient fait droit à sa demande en fixant la date de rupture de son contrat de travail au 30 mai 2011, date à laquelle elle était entrée au service d’un nouvel employeur. L’employeur avait formé un pourvoi en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir tiré toutes les conséquences du transfert au moins partiel du contrat de travail de la salariée à la suite de la reprise de la boutique du terminal 1 de l’aéroport de Nice par une nouvelle société. La salariée formait, quant à elle, un pourvoi incident en faisant grief aux juges du fond d’avoir fixé la date de rupture de son contrat de travail au 30 mai 2011 alors que la date de résiliation ne pouvait être fixée qu’au jour de la décision de justice la prononçant. La chambre sociale de la Cour de cassation a déjà jugé qu’en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur (Soc., 11 janvier 2007, pourvoi n° 05-40.626, Bull. 2007, V, n° 6). De fait, le contrat de travail comporte au-delà de la prestation de travail proprement dite une série d’autres droits concernant la personne du salarié et de sa famille : couverture sociale de

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base; complémentaire, régimes de prévoyance, droit à la retraite, qu’il serait difficile de remettre en cause de manière rétroactive, sans conséquences dommageables. Une date de rupture antérieure à celle de la décision de justice prononçant la résiliation ne pourrait ainsi être retenue que si le salarié n’était plus au service de l’employeur. Dans un arrêt postérieur, la chambre sociale a précisé que “la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date” (Soc., 14 octobre 2009, pourvoi n° 07-45.257, Bull. 2009, V, n° 222). Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui fixe la date de résiliation au jour de la demande en justice, alors qu'en l'absence de rupture du contrat de travail à cette date la relation contractuelle s'était poursuivie (Soc., 24 avril 2013, pourvoi n° 11-28.629, Bull. 2013, V, n° 113). Dans cette ligne de jurisprudence, la chambre sociale énonce dans l’arrêt commenté qu’en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu’à cette date le contrat de travail n’a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur. Ayant constaté en l’espèce que la salariée n’était plus à la disposition de l’employeur au-delà du 30 mai 2011, date à laquelle elle bénéficiait d’un nouveau contrat de travail auprès d’un autre employeur, la cour d’appel pouvait en déduire que la résiliation de son contrat de travail avait pris effet à la date du 30 mai 2011. Le pourvoi est donc rejeté.

G - ACTIONS EN JUSTICE *Compétence en droit intra-communautaire Soc., 28 septembre 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1662 FS-P+B N° 15-17.288 - CA Rennes, 30 mai 2014 M. Frouin, Pt - M. Maron, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire Il résulte de l’article 19, § 2, a), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale qu’un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, le lieu de travail habituel étant l’endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l’intégralité de la période d’activité du travailleur. En cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d’activité doit être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités et lorsque le salarié a effectué une succession de contrats à durée

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déterminée, il y a lieu en premier lieu de rechercher si ces contrats doivent être considérés dans leur ensemble pour déterminer une compétence juridictionnelle unique. Ne donne dès lors pas de base légale à sa décision la cour d’appel qui retient qu’en l’absence de volonté claire des parties sur la localisation de l’emploi, dans le cadre des contrats successifs au cours desquels le salarié a travaillé, pour son employeur italien, en différents lieux de France et d’Italie, la juridiction prud’homale française est incompétente pour statuer sur les demandes, sans rechercher si la France n’était pas le lieu de travail habituel où le salarié avait accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l’intégralité de la période d’activité du travailleur. Note : En l’espèce, un salarié avait été engagé par une société de droit italien disposant d’un établissement à Nice, par plusieurs contrats à durée déterminée, à partir du 6 février 2008. Les contrats de travail variaient dans leurs stipulations : si les premiers contrats stipulaient de façon claire un lieu d’exécution en France, les contrats conclus par la suite prévoyaient que le salarié était engagé pour « faire face à l’ordre d’exécution de travaux sur le chantier AKER France à Saint Nazaire », mais que son lieu de travail se trouvait à Ceranesi (Italie) et que la société se réservait le droit de le « transférer auprès d’un autre siège, établissement, filiale, bureau, département autonome ou chantier ». Des lettres d’engagement postérieures précisaient en tant que raison de prorogation l’exécution de travaux sur un chantier à Saint-Ouen. Après la rupture de son contrat de travail, le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes. Confirmant le jugement qui lui était déféré, la cour d’appel avait déclaré in limine litis les juridictions françaises incompétentes pour statuer sur ses demandes et renvoyé le salarié à mieux se pourvoir. Appréciant les stipulations du seul dernier contrat de travail avec la société italienne, la cour d’appel avait conclu à l’incompétence du conseil de prud’hommes, en l’absence de volonté claire des parties sur la localisation de l’emploi du salarié en France. Un pourvoi en cassation avait été ensuite formé. Se posait ainsi la question de savoir si les juridictions pouvaient considérer que le salarié avait accompli habituellement son travail en France, de sorte que les juridictions françaises pouvaient être compétentes. Suivant l’article 19, § 2, a), du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles I), un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail. Dans un arrêt Weber, la Cour de Luxembourg précise que le lieu de travail habituel désigne « en principe, l’endroit où le travailleur a accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur » (CJCE, arrêt du 27 février 2002, Weber, C-37/00, point 50). Elle précise que ce critère temporel « fondé sur la durée respective du temps de travail effectué dans les différents Etats contractants en cause, implique logiquement que l’intégralité de la période d’activité du travailleur soit prise en compte pour déterminer l’endroit où le salarié a accompli la partie la plus significative de son emploi et où dans un tel cas de figure, se situe le centre de gravité de son rapport contractuel avec l’employeur » (point 52). Par

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ailleurs, « la période de travail la plus récente devrait être retenue lorsque le travailleur, après avoir accompli son travail pendant une certaine durée à un endroit déterminé, exerce ensuite ses activités de manière durable en un lieu différent, dès lors que, selon la volonté claire des parties, ce dernier est destiné à devenir un nouveau lieu de travail habituel » (point 54). La Cour de cassation a mis en œuvre cette jurisprudence en décidant que les juges du fond devaient prendre en compte l’ensemble de la période d’activité du salarié dont le contrat stipulait un lieu de travail à Londres et qui avait été autorisé à travailler à son domicile pour ne venir à Londres qu’un jour par semaine, pour apprécier si l’intéressé avait accompli la majeure partie de son temps de travail à Londres. Ainsi, le fait que dans la période la plus récente, le travail ait été effectué en France ne pouvait être considéré comme résultant d’une volonté claire des parties d’y fixer le lieu de travail habituel (Soc., 27 novembre 2013, pourvoi n° 12-24.880, Bull. 2013, V, n° 294). La Haute Juridiction avait, par ailleurs, retenu la compétence de la juridiction française pour connaître de l’action engagée à l’encontre de leur employeur ayant son siège au Royaume-Uni par des pilotes de ligne qui commençaient et terminaient leurs prestations à partir d’un aéroport international situé en France, où ils s’acquittaient par conséquent de l’essentiel de leurs obligations, peu important que des cycles de rotation les aient conduits dans différents pays du globe (Soc., 11 avril 2012, pourvoi n° 11-17.096, Bull. 2012, V, n° 118 ; voir également Soc., 4 décembre 2012, pourvoi n° 11-27.302, Bull. 2012, V, n° 312). Dans l’espèce commentée, la difficulté résidait dans le fait que le salarié avait été engagé par plusieurs contrats à durée déterminée successifs. La cour d’appel avait alors déclaré les juridictions françaises incompétentes en retenant que si les premiers contrats prévoyaient de façon claire que le lieu d’exécution du travail était le chantier naval de Saint-Nazaire, il n’en était pas de même des suivants en exécution desquels le salarié avait travaillé en différents lieux de France et d’Italie. Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation, qui reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si la France n’était pas le lieu de travail habituel où le salarié avait accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de toute la période d’activité du travailleur. *Contredit Soc., 21 septembre 2016 Rejet Arrêt n° 1533 FS-P+B N° 14-28.031 - CA Paris, 9 octobre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Slove, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire La procédure de contredit est orale et sans représentation obligatoire. Il s'ensuit qu'est irrecevable le contredit formé en vertu d'un mandat, antérieur au jugement entrepris, de représenter le salarié devant le conseil de prud'hommes sans qu'il soit justifié d'aucun autre pouvoir, que ce soit un mandat de représentation devant la cour, qui emporterait

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pouvoir de former un recours contre la décision de première instance, ou encore un mandat spécial d'exercer une voie de recours, donné dans le délai prévu par la loi pour former contredit. *Prescription Soc., 8 septembre 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1508 FS-P+B N° 15-12.600 – CA Lyon, 5 décembre 2014 M. Frouin, Pt. - Mme Schmeitzky-Lhuillery, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. Sommaire N’est pas applicable à l’action des salariés qui n’étaient pas partie à une décision de justice la prescription décennale prévue à l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, en sa rédaction issue de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991. *Séparation des pouvoirs Soc., 14 septembre 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1602 FS-P+B N° 15-21.794 - CA Rennes, 20 mai 2015 M. Louvel, Pr. Pt - M. Flores, Rap. - M. Liffran, Av. Gén. Sommaire Aux termes de l'article 256 de la charte du football professionnel, tout contrat, ou avenant de contrat, non soumis à l'homologation ou ayant fait l'objet d'un refus d'homologation par la commission juridique est nul et de nul effet. La Ligue du football professionnel participant à l'exécution d'une mission de service public administratif en organisant, conformément à l'article R. 132-12 du code du sport, la réglementation et la gestion de compétitions sportives, la décision de refus d'homologation constitue un acte administratif qui s'impose au juge judiciaire. Fait une exacte application de la loi la cour d'appel qui, ayant constaté que la Ligue du football professionnel avait refusé d'homologuer l'avenant au contrat de travail litigieux, a décidé que celui-ci était nul.

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