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Revue de la qualité de vie au travail Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail ENJEUX (P. 2 À 4) Absentéisme dans les entreprises : comprendre pour prévenir ARGUMENTS (P. 5 À 8) La concertation, un remède contre la démobilisation Interviews de Gilles Arnaud, médecin du travail ; Jean-Pierre Dumont, enseignant chercheur ; Jean-Claude Montblanc, Régis Revéret, consultants ; Philippe Tourré, groupe Carrefour. CÔTÉ ENTREPRISES (P. 9 À 13) Hôpitaux Une charte de prévention contre l’absence Industrie Un plan global pour renforcer la motivation Services marchands Statistiques et analyse, deux alliées face à l’absence Téléphonie Plus d’autonomie pour moins d’arrêts ALLER PLUS LOIN (P. 14 À 15) Points de vigilance Des outils de mesure adaptés, une étude des trajectoires professionnelles, les caractéristiques de la population salariée passées au crible. Des livres et des sites Sur le management, les statistiques, l’emploi, la démographie, les arrêts maladie, etc. L’absentéisme, des solutions à bâtir ensemble CHANGEMENT Travail & N°300 JANV/FÉV 2005 - 5

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Revue de la qualité de vie au travail

Bimestriel du réseau Anactpour l’amélioration des conditions de travail

ENJEUX (P. 2 À 4)

Absentéisme dans les entreprises : comprendre pour prévenir

ARGUMENTS (P. 5 À 8)

La concertation, un remèdecontre la démobilisationInterviews de Gilles Arnaud, médecin du travail ; Jean-PierreDumont, enseignant chercheur ;Jean-Claude Montblanc, RégisRevéret, consultants ; PhilippeTourré, groupe Carrefour.

CÔTÉ ENTREPRISES (P. 9 À 13)

HôpitauxUne charte de préventioncontre l’absenceIndustrieUn plan global pourrenforcer la motivationServices marchandsStatistiques et analyse, deux alliées face à l’absenceTéléphoniePlus d’autonomie pourmoins d’arrêts

ALLER PLUS LOIN (P. 14 À 15)

Points de vigilance Des outils de mesure adaptés, une étude des trajectoiresprofessionnelles, lescaractéristiques de la populationsalariée passées au crible.

Des livres et des sitesSur le management, les statistiques, l’emploi, la démographie, les arrêtsmaladie, etc.

L’absentéisme,des solutions à bâtir ensemble

CHANGEMENTTravail

&N°300 JANV/FÉV 2005 - 5 €

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°300 janv/fév 2005 ENJEUX

Lquilibre de la pyramide des âgesempêche une répartition équitabledes efforts. Les plus jeunes sont par-fois placés directement à des postesde responsabilité technique ou mana-gériale, pendant que les anciens res-tent confinés à des postes répétitifsexigeant des efforts physiques pro-noncés, alors même que cette popu-lation connaît des problèmes de santépersistants. Il n’existe pas de voie àune sortie professionnelle valorisantepour ces salariés, par le développe-ment de parcours professionnels adap-tés et de compétences alternatives. Deuxième forme : les arrêts de courtedurée. Cette forme d’absentéisme poseen priorité la question de l’intégrationdes jeunes et des nouveaux engagésdans l’entreprise. La précarité peutjouer un rôle dans le processus d’in-tégration de cette catégorie de sala-riés. Pour nombre d’entre eux, le déve-loppement du temps partiel, l’intérimet les CDD servent de sas d’entréeavant l’obtention d’un CDI. Le lien à l’entreprise se trouve d’emblée fragi-lisé et instrumentalisé. Lorsque l’accès au CDI est possible, ce n’estqu’à l’issue d’une longue période. Onassiste alors à une décompensationchez les salariés passés à travers cefiltre de la précarité. Lorsque ceux-ciaccèdent enfin au CDI, ils multiplientles absences de moins de cinq jours. A l’opposé de ceux de longue durée,ces arrêts sont donc moins le refletdu développement de pathologiesmédicales que d’un problème d’inté-gration dans l’entreprise. Ce type d’arrêt tient également lieu de sou-pape de sécurité : on s’arrête pour“tenir”, face à des conditions de

mode de régulation des départs enretraite de l’autre, dont l’arrêt mala-die devient souvent l’antichambre.Mais, sur le terrain de l’entreprise,des questions plus pressantes seposent. Imprévisible et souvent intem-pestif, l’absentéisme de courte duréedésorganise la production et consti-tue une véritable source d’embarraspour l’encadrement contraint de “jon-gler” avec les effectifs nécessaires enles redistribuant. Les arrêts courts serévèlent donc extrêmement pertur-bants pour la marche de l’entreprise.Elles sont nombreuses à être confron-tées à cette situation, sans pourtantqu’aucune solution évidente ait étémise en place.

> Pathologie médicale ou faillite de l’intégrationdans l’entreprise ?

Les observations sur le terrain et lesintervent ions consécut ives auxdemandes des entreprises montrentl’existence de deux formes d’absen-téisme, appelant chacune des réponsesdistinctes. Première forme : les arrêts de longuedurée. Ils témoignent avant tout de la problématique du vieillissement etde l’usure professionnelle. Un aspectqui s’est imposé avec force ces der-nières années, dans le contexte duvieillissement de la population sala-riée. Les évolutions organisationnellesrécentes pénalisent souvent les plusanciens. Que penser des ateliers quiont connu des plans sociaux succes-sifs et dans lesquels se retrouve aujour-d’hui une population âgée ? Le désé-

Le phénomène de l’absentéisme connaîtces dernières années des fluctuationsimportantes, globalement marquéesà la hausse, comme en attestent lesderniers chiffres de la Sécurité Socialesur les arrêts maladie. En effet, encinq ans, la facture a augmenté demoitié. La première victime de ce phé-nomène de retrait et d’altération del’engagement au travail est la collec-tivité, à qui il revient de supporter lecoût des indemnisations, mais aussil’entreprise, qui doit limiter les dys-fonctionnements organisationnelsprovoqués par les absences. En effet,comment pallier le manque de sala-riés à des postes-clés et la nécessitéde recourir à des intérimaires, lorsqueles nouvelles organisations du travail(les effectifs et les stocks en particu-lier) sont souvent calculées au plusjuste ? La moindre absence peut alorsentraîner de graves conséquences :une surcharge de travail pour le per-sonnel présent, un souci pour l’enca-drement devant combler le poste etdes retards éventuels dans les délaisde production. Face à cette augmentation, les arrêtsdépassant les trois mois de salariésâgés de plus de 55 ans sont pointésdu doigt. La progression des arrêtsmaladie traduirait un double phéno-mène : le vieillissement de la popula-tion active d’un côté, avec son cortègede pathologies liées à l’avancée enâge… et à l’usure professionnelle ; le

Absentéisme dans les entrep pour prévenir

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Révélateur du fonctionnement de l’entreprise, de l’intérêt que lui portent lessalariés mais aussi de l’état de santé global d’une population, l’absentéismeest devenu un problème de société. Plutôt que d’accabler les absents, ildevient urgent d’identifier ce que révèle cette désaffection et de trouverles moyens adaptés à chaque situation.

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travail exigeantes. Ici, le rythme deproduction et l’intensité du travail peu-vent être en cause. Ces arrêts sontsouvent annonciateurs de pathologiesplus graves : on s’interrompt un courtmoment, avant de s’arrêter pour deplus longues périodes.

> Construire des indica-teurs d’alerte pertinents

L’absentéisme représentant un fac-teur de discorde potentielle entre la direction et les salariés, commeentre les salariés eux-mêmes, il esturgent de s’entendre sur la réalité duphénomène. Une objectivation d’au-tant plus nécessaire que les indica-teurs existants dans l’entreprise sonttrès souvent incomplets. La définitionde l’absentéisme est le plus souventprise dans un écheveau qui ne permetpas toujours de bien isoler sa spéci-ficité. L’absentéisme comprend pêle-mêle, les congés maternité, les arrêts

rises : comprendre

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>

consécutifs à des accidents de travail,les congés formation, etc. Qu’est-ceque l’on mesure alors et que signifientces indicateurs lorsqu’ils montrent,par exemple, une augmentation du“taux d’absence” ces dernières années(voir encadré page 4) ?L’analyse peut être affinée en croisantles données d’absentéisme avec d’autressources d’informations. Quelles sont,par exemple, les caractéristiques démo-graphiques de la population salariée ?Est-il possible d’identifier et d’isolerdes éléments de l’organisation du tra-vail ou du management qui explique-raient un taux d’absentéisme plus fortdans un atelier ou un service ? Il estmême utile de relier les taux obser-vés avec d’autres indicateurs tels queles changements dans l’organisationdu travail, les taux de rebuts ou de non-qualité dans les ateliers, les caracté-ristiques organisationnelles ou mana-gériales, le nombre de dossiers traitésd a n s u n s e r v i ce , d e p e rs o n n e s rencontrées, etc. Ces taux peuvent

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Les organisations modernes sont de plus en plus complexes et tenduesen termes d’effectifs : la moindreabsence peut avoir des répercussionsimportantes sur l’organisation. Ainsi, les remplacements sont-ilsressentis comme un problème majeurpar un grand nombre de responsables.L’absentéisme perturbe l’organisationet il coûte cher. Il est tentant de vouloirle réduire en renforçant les contrôles,d’autant que, à court terme, desrésultats peuvent apparaître. Mais l’absentéisme est aussi le signede dysfonctionnements divers qu’ils’agit d’objectiver avec rigueur. Quels liens avec les questions de santéet de conditions de travail ? Quel rôleattribuer à la motivation au travail et à l’absence de trajectoiresprofessionnelles valorisantes ? Si on évite de traiter uniquement le symptôme pour s’attaquer auxcauses, l’analyse et le traitement de l’absentéisme permettentd’enclencher des démarches de progrès sur les risquesprofessionnels, les parcours,l’organisation et le management. Car c’est bien tout cela qui est en jeu, et se cache derrièrel’absentéisme. Constater une haussedes absences, c’est un point dedépart..., mais ce n’est jamaissuffisant. Pour le combattredurablement, il faut un vrai projet qui intègre différentes dimensions :l’organisation et les conditions detravail, les trajectoiresprofessionnelles, voire le sens du travail.

Henri RouilleaultDirecteur Général de l’Anact

Source : rapport annuel de la Cnam 2003

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également être mis en lien avec descaractéristiques socio-démographiquesde la population (âge, genre, etc.). Cetravail de délimitation est là pour ren-forcer le dialogue social, en évitant la culpabilisation systématique dessalariés absents. Le problème concernel’ensemble des acteurs de l’entreprise:direction, encadrement, salariés etreprésentants du personnel. Grâce à cette objectivation, il devientpossible de considérer le taux d’ab-sentéisme comme un indicateur d’alertepertinent, soit de l’état de santé despersonnes, soit du degré d’implica-tion du personnel ou encore des condi-tions de travail au sens strict.

> La concertation plutôtque la répressionLes moyens de lutter contre lesabsences sont divers. On pense immé-diatement à des dispositifs de contrôles:contre-visites médicales, convocationsystématique des salariés absentspour entretien, pénalités diverses,etc. Mais, ces procédures peuvents’avérer insuffisantes et manquerleurs cibles. Une action sur la ques-tion nécessite la mise en œuvre d’unedémarche participative. Car la réduc-tion de l’absentéisme ne peut se fairesans la participation des principauxintéressés : les salariés. Il paraît nécessaire alors d’informerces derniers sur les conséquenceséconomiques et organisationnellesde l’absentéisme. A cette occasion,l’accroissement de la charge de

travail pesant sur les collègues peutêtre l’objet d’un débat. Cette démarcheminimale devrait être suivie d’effetstangibles. Parallèlement, en cas d’ab-sence, des procédures à suivre peu-vent être indiquées (qui appeler etquand ?) pour faciliter le contact entrel’entreprise et le salarié .Il est possible d’aller encore plus loin.L’entreprise est susceptible de procé-der à un véritable diagnostic des situa-tions de travail, dans la perspectived’un véritable effort d’objectivation du phénomène. Cette méthode vise-rait l’organisation des services et du travail, la gestion des horaires etdes plannings, le suivi des urgenceset des pics de production (voire leurrésorption). Un exemple : des horaires rigides sontsusceptibles de devenir source d’ab-sentéisme. Une gestion plus collec-tive du temps de travail permet demieux concilier les contraintes des uns

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et des autres, entre leur activité et leurvie privée, notamment. Il est égale-ment possible d’intervenir sur le tra-vail lui-même, en enrichissant celui-ci ou en favorisant une organisationplus valorisante pour les individus. Cesmesures doivent être adaptées aucontexte propre à l’entreprise et, en la matière, il existe de nombreux pointsd’appuis. L’objectif étant de définir desaxes d’amélioration qui puissent êtresuivis de mesures concrètes. Travaillersur la notion de trajectoires profes-sionnelles peut se révéler pertinent,à la fois pour prévenir les risquesd’usure professionnelle, mais aussipour offrir des possibilités de déve-loppement des compétences aux nou-velles recrues (en réduisant, parexemple, les sas de précarité avantune embauche définitive). La pers-pective d’avoir une véritable carrièreest une grande source de motivation,particulièrement pour ceux qui vien-nent d’être embauchés. On joue ici surles facteurs de motivation profes-sionnelle. Dans tous les cas, il ne suffit pas deréprimer. Organiser un débat social ausein de l’entreprise est déterminant :sensibiliser le personnel, mobiliserl’encadrement, consulter les instancesreprésentatives, impliquer la méde-cine du travail, etc. L’absentéisme estpréjudiciable en terme de performanceet de conditions de travail. Mais, ladémonstration doit être menée auprèsde tous les acteurs de l’entreprise.

Thierry Rousseau (chargé de mission, dépar-tement changements technologiques et orga-nisationnels de l’Anact).

Des données fiables pour une action efficaceMalgré les apparences, le calcul de l’absentéisme recèle des difficultés. Très souvent, dans les entreprises, l’absentéisme désigne l’ensemble des arrêts, sans distinction : les congés payés, les congés maternités, voire les congés formation, mais aussi les arrêts consécutifs à un accident de travail et ceux délivrés à la suite d’une prescription médicale. Difficile alors d’y voir clair et d’interpréter les évolutions constatées. Tout d’abord, l’indicateur global lui-même doit faire l’objetd’une analyse : que mesure-t-on exactement ? Ensuite, il peut être utile de distinguer le taux de fréquence (le nombre d’arrêts) et la durée des absences. Des arrêts longs, mais en nombre restreint,peuvent traduire un vieillissement de la population et l’apparition de pathologies nécessitant destraitements sur de longues périodes. A l’inverse, des arrêts courts et répétés peuvent être l’indice de difficultés dans l’intégration de nouveaux arrivants. En tout état de cause, il est nécessaire de caractériser précisément le problème afin que les actions engagées ne ratent pas leurs cibles.

Source : rapport annuel de la Cnam 2003

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moins rapide, moins aimable… Avecla création de cette brochure, noussouhaitons une prise de conscience.

Concrètement, qu’avez-vousproposé ?Nous avons mis en place des actionspermettant de cerner le problème etde le prévenir, même dans le casd’un simple retard qui peut êtrepréjudiciable à l’ensemble dufonctionnement d’un magasin. Parexemple, si l’employé de sécuritén’est pas là pour ouvrir les grilles,cela entraîne toute une série dedysfonctionnements. Premier point : la remise d’une carted’appel à tous les salariés. Certainsnous ont expliqué que s’ils neprévenaient pas, c’est parce qu’ils ne savaient pas qui appeler. La carteleur fournit donc les coordonnéesexactes du contact à prévenir en cas d’absence. Deuxième point : l’organisation d’unentretien de retour. L’encadrement a été formé pour conduire celui-ci demanière positive afin d’instaurer un vrai dialogue. Lorsque le salariérevient, il a la possibilité d’évoquerles causes de son absence et de trouver des solutions avec

La concertation, un remède contre la démobilisation

son manager. Cela peut, par exemple,être un problème d’horaire oud’aménagement du temps de travailsur lequel il est possible etrelativement facile d’intervenir. Dans la brochure, nous rappelonségalement les consignes de sécuritéélémentaire pour que chacun prennel’habitude du bon geste lors desmanutentions et manipulations.Enfin, nous proposons gratuitement à tous les salariés qui le souhaitentle vaccin contre la grippe.

Les premiers effets se font-ils sentir ?C’est encore un peu tôt pour le dire.Mais nous sommes convaincus qu’ilfaut communiquer. Cette action estune évolution vers une améliorationde la situation. Elle devrait débloquercertains verrous avec des solutionssimples et concrètes. Les cadresaussi s’impliquent particulièrement,grâce à la création d’un modulespécifique sur les consignes à suivreet les actions à mener. L’absentéismen’est pas une fatalité. En informantnos équipes sur notre programme,nous voulons en faire le combat de tous.

Propos recueillis par Béatrice Sarazin(département information-communication de l’Anact).

Les conditions de travail, premières responsables du taux d’absentéisme ?En tout cas, les chiffres semblent le montrer. Mais, avant de tirer desconclusions hâtives sur un phénomène source de bien des crispations, des critères d’évaluation précis doivent être posés. Pour y parvenir,le dialogue et l’action concertée sont à privilégier. Interviews croisées decinq acteurs : un responsable des rémunérations, un médecin du travail, un chercheur et deux consultants.

CCarrefour a diffusé cette annéeauprès de tous ses salariés unebrochure intitulée “Absentéisme, et si nous en parlions ?”. Pourquoi cette démarche ?Nous avons vu notre tauxd’absentéisme augmenter demanière assez importante : il estpassé de 5,06 % en 1999, à 7,5 % en2004. Dans ce taux, nous avons prisen compte les arrêts maladie decourte et longue durée, les accidentsdu travail et de trajets, enfin, les absences injustifiées quireprésentent 14 % de ce taux. Nous n’avons pas comptabilisé les absences anticipées etprogrammables comme les congésmaternité ou congés payés. Les objectifs de cette brochureconsistent à communiquer sur leproblème dans une démarche d’aideet de soutien, comprendre quellessont les causes des absences ettrouver des solutions avec lessalariés. Globalement, toutes lescatégories professionnelles sontconcernées ainsi que toutes leszones géographiques. Ce phénomènegrandissant génère pour nous unediminution de la performance globaleet coûte cher. En effet, le chiffreannoncé équivaut à l’absence de 25salariés à temps plein toute l’année,dans chaque magasin, ou encore à167 magasins fermés pendant unmois. De plus, les clients pâtissentégalement de la situation : service

PHILIPPE TOURRE, Responsable des rémunérations,

direction des ressources humaines du groupe Carrefour

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°300 janv/fév 2005 ARGUMENTS

LLes entreprises s’adressent-elles à vous sur des problèmesd’absentéisme en tant que tel ?Les éventuelles raisons del’absentéisme, démotivation,démobilisation ou mal-être,correspondent davantage auquestionnement de l’entreprise plutôtque l’absentéisme lui-même. Mais ce n’est pas toujours ainsi. Dans lesecteur public, parler d’absentéismeest un sujet tabou, ce qui ne facilite pas son traitement. Or, pour agirréellement, il faut considérer que ce phénomène a de multiples sources(charge de travail, vieillissement,rapport au travail, lassitude, etc.) qui s’imbriquent et se conjuguent. Il convient de les aborder dans leurglobalité, sans les isoler. Il y a doncune dimension managériale évidente.Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le secteur public soit à la fois celui où manager est le plus difficile et celui qui connaît le plus fort tauxd’absentéisme, sans que les conditionsphysiques de travail y soient piresqu’ailleurs, au contraire...

Le management est donc un leviercentral pour agir sur l’absentéisme ?Il est essentiel comme pour tout ce qui touche au fonctionnement des organisations. Il s’agit ici de s’intéresser au rôle particulier du management de proximité et à la question de la cohérencemanagériale. Nous travaillons à partir de ce que vivent les personnesqui encadrent des équipes, ce quipermet de mettre en évidence la nécessité de redéfinir des règles, les conditions de leur application ou de faire émerger de “bonnespratiques”. Au-delà, il s’agit parfois de retravailler l’articulation des rôlesentre les différents niveauxhiérarchiques.La pertinence des règles, l’imbricationdes rôles dans la hiérarchie,l’exemplarité de la direction, la qualitéde la communication interpersonnelle et la façon dont s’exerce l’autorité,

forment une cohérence managérialeindispensable au bon fonctionnementd’un collectif de travail. L’organisation et les conditions detravail, gérées par un encadrement deproximité, doivent être regardées auplus près, sans toutefois, mettrel’accent dessus tout de suite. Il estpréférable de s’appuyer d’abord surles justifications d’absence.

A quel moment l’entreprise doit-elleconsidérer qu’elle a un problèmed’absentéisme ? L’absentéisme est non seulement un indicateur de mauvaise santé dessalariés, mais aussi de l’organisation.Cela doit être une préoccupationconstante. Il est vrai qu’améliorer

le management permet en premier de réduire l’absentéisme court et récurrent, le plus gênant pour une entreprise, mais il convient de s’intéresser à toutes les formesd’absentéisme. Il faut que les indicateurs permettent un pilotagesubtil et qu’ils soient déclinés sur le terrain dans une logique de responsabilisation collective et de possibilité d’analyse et d’action. Si certains partent du principe que“l‘absentéisme génère del’absentéisme“, on peut inverser la tendance et faire la démonstrationque le “présentéisme génère le présentéisme”. Faire prendreconscience à l’entreprise qu’elle peutsortir de l’ornière en améliorant la “qualité” du management, toujoursdans un esprit de valorisation du collectif et du participatif, est un moyen d’y parvenir. D’ailleurs, les gains en matière de performances’ajoutent à ceux liés à la réduction de l’absentéisme.

Propos recueillis par Béatrice Sarazin.

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venir pointer le matin pour êtreensuite renvoyés chez eux par le médecin du travail. Cela leurpermet de montrer à la collectivitéde travail qu’ils ne sont pas en arrêtde complaisance. Ils évitent ainsi les réflexions de l’employeur et deleurs collègues. Ce fonctionnementest assez ancien. Ce qui est plusnouveau en revanche, c’est latendance des médecins traitants,depuis cinq ans environ, à solliciterl’avis du médecin du travail avant deprononcer la prolongation des arrêtsde travail de longue durée. Il s’agitvraisemblablement d’une démarchede prudence avec deux objectifs :s’assurer auprès du médecin dutravail qu’il est justifié de poursuivrel’arrêt car ils ne connaissent pas lespostes de l’entreprise et également,se couvrir vis-à-vis du contrôlemédical. L’avis du médecin du travailpeut en effet permettre de prévenir

Comment analysez-vous lephénomène de l’absentéisme ?Dans son rapport, la Caisse nationaled’assurance maladie indique queplus de 93 % des arrêts sontmédicalement justifiés. Celacorrespond tout à fait à ce quej’observe. Je dirais même qu’il existeune forme de “présentéisme” dansl’entreprise. Dans bon nombre decas, les salariés viennent travaillermalades. C’est le cas lorsqu’ils sontaffectés d’une maladie courante(grippe, angine, gastro, etc.), etsurtout lorsqu’ils sont en situationprécaire. Ceux qui ont une pathologieen relation avec le travail (asthme,lombalgie, dépression, etc.) viennentaussi car, en l’absence de possibilitéde poste aménagé ou de mutation, ilscraignent de perdre leur emploi. Le“présentéisme” est une telle réalitédans l’entreprise que beaucoup desalariés malades le lundi, préfèrent

GILLES ARNAUD, médecin du travail

JEAN-CLAUDE MONTBLANC, directeur d’Appui consultants,

cabinet conseil en management et en changement d’organisation

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CComment la question del’absentéisme est-elle abordéedans l’entreprise ?Pendant longtemps, les partenairessociaux n’osaient pas aborder le sujet car cela déclenchait desconflits presque automatiques. Touteintention de la direction de contrôlerla “régularité” des maladiesprovoquait une campagne contre les “médecins flics”. Or, toutes les institutions représentatives dupersonnel peuvent être concernées,selon la manière dont la question estposée : contrôle du suivi des textespour les délégués du personnel,politique générale pour le comitéd’entreprise (CE), négociationséventuelles d’accords pour lesdélégués syndicaux.Mais, depuis quelques années, c’estpar le biais du CHSCT que cettequestion redevient discutable.Contrairement au CE, qui a unedimension politique et stratégiqueforte, le CHSCT est une structure deconcertation, plus discrète, plusconcrète, moins soumise aux enjeux

l’on rencontre le plus souvent. Mais,il lui est très difficile d’aborder le thème de l’absentéisme de front. A un moment ou un autre, il seretrouve forcément confronté ausecret médical et au légitime refusdes salariés de livrer desexplications sur leurs arrêts. En revanche, on peut rassembler et analyser des données sanitairescollectives sur un secteurprofessionnel, sur un métier, sur une tranche d’âge, compareravec des données d’entreprises demême secteur et isoler ainsi ce quirelève de problématiques généraleset ce qui tient à des sources locales.A noter enfin, que sur le sujet del’absentéisme comme sur beaucoupd’autres (35 heures, harcèlement,horaires de travail), il existe unedichotomie entre les moyens trèsfaibles des PME et des TPME et ceuxdes grandes entreprises.

Que doivent faire les partenairessociaux pour parvenir au dialoguesur l’absentéisme ?Pour être traitée efficacement, la notion d’absentéisme doit êtremise à plat par les partenairessociaux. Une tâche difficile, car noussommes là, face à un mot “valise”.Que trouve-t-on derrière cettenotion ? Lorsqu’un patron aborde leproblème de l’absentéisme, veut-ilparler des problèmes de gestion deproduction et d’efficacité ou decongés maladie et du surcoût pourl’entreprise ? Lorsqu’un syndicataborde le problème de l’absentéisme,veut-il parler de stress au travail, deharcèlement, etc. ? Selon les pointsde vue, la notion revêt des aspectstrès différents. Et si l’on ne prend pasla peine d’écouter d’abord l’autre et de s’entendre ensuite sur le concept, le champ d’analyse etd’intervention, ainsi que sur les moyens et méthodes, on risquede passer à côté du sujet. C’est avanttout une affaire de méthode. Ne passe risquer au débat sans s’êtreauparavant mis d’accord sur la façonde traiter le sujet.

Propos recueillis par Chrystelle Alour.

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les risques de contestation. Lesarrêts de complaisance sont trèsrares et les chiffres en la matièremontrent qu’ils ne progressent pas.Le chiffre donné dans le rapport de 2004 est, par exemple, identique à celui de 1994 et 1997. La marge de manœuvre pour faire baisser les indemnités journalières est doncextrêmement réduite si l’on attaquele problème sous cet angle.

Quel angle d’analyse proposez-vous ?Les éventuelles solutions pourdiminuer les indemnités journalièresne se situent pas du côté du contrôlemais du côté de l’amélioration desconditions de travail. L’enquêtemontre que les salariés étant le plus souvent en arrêt maladie sont les ouvriers et que les arrêts les plus longs touchent en majoritéles plus de 55 ans. Par ailleurs, il faut mettre enrelation les chiffres des arrêtsmaladie avec ceux des maladiesprofessionnelles. On observe que les trois premières causes d’arrêtssont les maladies du système

ostéo-articulaire, les troublespsychologiques et les lésionstraumatiques. La première maladieprofessionnelle en France touche le système ostéo-articulaire, avecles TMS. En ce qui concerne lestroubles psychiques, on observeaujourd’hui dans l’entreprise, une montée du stress et de ses conséquences. Les médecins du travail savent très bien, parexemple, que de nombreux arrêts de longue durée font suite à desdépressions réactives liées auxconditions de travail. Enfin, lesaccidents du travail n’ont pas baisséet l’on observe que les lésionstraumatiques arrivent en troisièmeposition. L’ensemble des chiffres sur les arrêts maladies a doncmanifestement un lien avec lesconditions de travail. Si l’on rajoute à ces chiffres, l’espérance de vie parcatégories professionnelles, ce lienapparaît d’autant plus évident.

Propos recueillis par Chrystelle Alour(journaliste).

RÉGIS REVERET,consultant en relations sociales

publics. On y traite d’hygiène et des conditions de travail, des préoccupations en principecommunes à l’employeur et auxsalariés. Les acteurs se parlentvolontiers grâce à cet organe plusconfidentiel. Les sujets sont posés à plat, sans enjeux polémiques.L’intervention de tiers comme lemédecin du travail ou l’ingénieurprévention de la CRAM, par exemple,permet d’aborder le thème del’absentéisme de façon pluspragmatique et moins conflictuelle.Ils y ont une position d’expert et demédiateur. Le médecin peut apporter uneanalyse objective sur les conditionsde travail dans l’entreprise et leursliens éventuels avec les maladiesprofessionnelles ou encore sur le type de problématiques que

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°300 janv/fév 2005 ARGUMENTS

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Chacun souligne les difficultés à interpréter les chiffres del’absentéisme. Quel regard portez-vous sur l’aspectstatistique du phénomène ?Effectivement, les analysesstatistiques ne sont pascomparables entre elles, car les critères de calcul ne sont jamaisles mêmes. Quel type d’absenceprend-t-on en compte ? Commentensuite traite-t-on la question ?Nous le voyons bien dans le secteurhospitalier : certainsétablissements calculent leur tauxd'absentéisme en multipliant le nombre des jours d'absence parcinq/septième. Cela leur permet de comparer ce taux aux chiffresdes jours effectivement travaillés.D'autres établissements ne le fontpas et ne calculent pas de la mêmefaçon... au final, les résultats nesont évidemment pas les mêmes.Toutefois, les analyses sontimportantes à l’intérieur desétablissements car révélatrices des évolutions historiques et des effets de la démographie sur l’absentéisme. Ce genre d‘étude peut êtreaccompagné d’une analyse cliniquepermettant de comprendre, en collaboration avec la médecine du travail, les types de pathologiesqui génèrent les différents typesd’absences. Le but de cette

JEAN-PAUL DUMOND, enseignant et chercheur à l’École nationale

de la santé publique

démarche est de cerner desproblèmes par services ou ateliers.Mais cela n’invalide pas la pertinence d’une analysestatistique.

L’analyse statistique reste donc essentielle ?Oui, et on la mésestime tropsouvent. Elle offre pourtantbeaucoup d’enseignements.Premier point-clé : elle permetd’identifier les populationsparticulièrement concernées parl’absentéisme. Par exemple, dansle secteur hospitalier, on sait queles aides-soignantes de plus de 45 ans représentent la catégorie la plus souvent absente à cause dela pénibilité de leur travail : porterles patients, avoir des positionssouvent douloureuses pour le dos,travailler seule pour gagner du temps, etc. Le suivi de cettepopulation permet donc de mesurerl’efficacité des politiques deformation sur le port de charges oud’aménagement des équipements. Deuxième point-clé : l’analyse parclasses d’âges est insuffisammentréalisée dans les bilans sociaux.Elle est pourtant fondamentalepour connaître la conséquence d’un vieillissement ou d’unrajeunissement de la populationsur les absences. Il y a parfois desévolutions du taux d’absentéisme

liées aux effets de la démographie.Dans ce cas, aucun problèmeparticulier n’est à signaler. Enrevanche, si on a une baisse globaledu taux d’absentéisme associée à une augmentation des taux parclasses d’âge : cela signifie qu’il y a,pour certaines catégories,davantage recours à l’absentéismedonc, on peut en déduire, unedégradation de la santé. Troisième point-clé : l’analysestatistique permet de mesurer ladiffusion de l’absentéisme. En effet,la fréquence et la durée moyennedes absences sont très révélatricesd’un phénomène.

Quelles sont globalement lesgrandes tendances del’absentéisme ?Dans le secteur hospitalier, onpointe trois périodes : la fin desannées 80 avec une diminutionde l’absentéisme, une stabilisationau milieu des années 90, enfin une lente progression, davantageaccentuée à partir de 1999. Les transformations de la structuredémographique sont sans aucundoute très importantes dans cetteévolution. On note ainsi une baisseconstante des absences pourmaternité depuis la fin des années80 contre une augmentation desmaladies de longue durée. End’autres termes, les jeunes mèresdeviennent moins nombreuses et les “baby-boomers” approchentde l’âge de la retraite.Il est difficile de dire quel a étél’effet de la réduction du temps detravail sur l’absentéisme. Surplusieurs cas étudiés en détail, j’aipu noter une baisse de la maladieordinaire à partir de 2002 /2003,mais des DRH m’ont fait partd’observations contraires dans leurétablissement. Il faudra attendreles données nationales pourconnaître avec davantage deprécisions, l’évolution desdifférentes formes d’absentéisme,et ceci, par classes d’âges.

Propos recueillis par Béatrice Sarazin.

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L

Avec une baisse significative de son taux d’absentéisme en moins d’un an,

la démarche de prévention menée par l’hôpital de Blois est un succès.

À l’origine de cette réussite, la volonté partagée par l’ensemble des acteurs

de déterminer ce qui, dans les conditions de travail, suscitait les absences.

Une charte de préventioncontre l’absence

pneumologie s’intègre dans unedémarche générale de prévention ausein de l’établissement. Dans cecontexte, et parmi les différentesmesures qui entrent en synergie, il est permis de penser que tous leséléments de prévention décrits, concou-rent à une dynamique positive en faveurde la réduction de l’absentéisme.

Le 7 octobre dernier, l’hôpital de Bloisa organisé, avec le soutien de l’ARH etde l’Union hospitalière du Centre, unejournée d’informations qui a permisde communiquer cette expérience auxhôpitaux de la région Centre. De nom-breux établissements se déclarentintéressés et souhaitent à leur tourengager une démarche.

Saïd Arezki (chargé de mission, Aract Centre).

>>> HÔPITAL DE BLOISSecteur : hospitalierActivité : médecine généraleEffectifs : 2000 salariésRégion : Centre

L’hôpital de Blois est engagé depuisplusieurs années dans une démarchede prévention de l’absentéisme, sou-tenue par l’Aract Centre. En collabo-ration avec cette association régio-nale, le cabinet Geste (cabinet conseil)a organisé une formation-action dansle service de pneumologie. L’enjeu ?Déterminer les actions-clés suscep-tibles de prévenir les absences (Tra-vail & Changement n°293). Une hypo-thèse de départ a été formulée : lesconditions de travail, plus que les fac-teurs personnels, engendrent desarrêts de travail. Trente propositions,formalisées dans une charte signéepar la direction et le service de pneu-mologie, ont vu le jour. Plusieurs pro-blématiques susceptibles d’agir surla pénibilité du travail y sont abordées.

“Ce n’est plus le même service !”

Quelques exemples parlants ont contribué à l’évolution des conditionsde travail : la création d’un service de médecine de jour a eu un effet indé-niable sur la charge de travail. Un nou-vel outil d’élaboration des planningsa été mis en place pour les infirmières,destiné à favoriser la responsabilisa-tion de chacun. Cette procédure a intro-duit davantage d’équité et d’efficacité.Les plannings sont adaptés au travailà effectuer: l’aménagement d’un postesur le créneau 9h-17 h permet, parexemple, de mieux répartir les tâcheset de faire le lien avec l’équipe du soir.Sans oublier l’adaptation des postes

Soutienpsychologique : des solutions dansl’organisationPour faire face aux événements douloureux,comme les décès, le soutien psychologique n’estplus seulement assuré dans le cadre formel de la réunion avec un psychologue. La paroleentre salariés est encouragée, le rôle du collectifrenforcé et des solutions efficaces peuvent parfois être trouvées dans l’organisation : pourun membre du personnel plus affecté que lesautres par un événement particulier, un posteà l’administration peut lui permettre de s’extrairepour un temps de la relation avec le patient. Ces protocoles ont l’avantage d’être souples et de ne pas s’inscrire dans “le formalisme dont souffre l’hôpital”, selon l’expression du médecin du travail.

de femmes enceintes, l’augmentationdes moyens de la médecine du travailet le développement du temps partiel.Du coup, les aides-soignantes veulentadopter la même formule. Au niveaudu collectif, les relations se sont amé-liorées, au point que, de l’avis géné-ral, “ce n’est plus le même service”(voir encadré).

Absences en chute libre

Six mois après la signature de la charte,deux tiers des actions ont été réali-sés et ont produit des effets positifssur l’ensemble du service. Les consé-quences sur le nombre d’arrêts ontlargement dépassé les attentes ini-tiales. Le service enregistre aujour-d’hui une diminution de l’absentéismede 80 % depuis l’année 2003. “On estallé bien au-delà de ce qu’on espérait,la tendance s’est complètement inver-sée”, constate l’infirmière cadre. Uneévolution qui concerne toutes les catégories professionnelles et tousles types d’absences. Aujourd’hui,lorsqu’il y a des arrêts, ils sont de pluscourte durée. De plus, une gestion desressources humaines (GRH) renou-velée contribuant à l’amélioration desprocédures d’intégration et à la défi-nition d’un contrat spécifique a eu poureffet de motiver les nouveaux arri-vants et de stabiliser l’équipe. Désor-mais, les nouvelles recrues entrentdans le service avec la convictionqu’elles auront des opportunités réellespour développer des compétences. Le succès de l’action entreprise en

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D

Un plan global pour renforcer Organisation du travail, parcours professionnel, polyvalence…, plusieurs facteurs

doivent être mis à plat pour comprendre l’augmentation de l’absentéisme.

C’est la démarche qu’a menée Inoplast en collaboration avec l’Anact.

>>> INOPLASTSecteur : industrieActivité : équipement automobileEffectifs : 1200 salariésRégion : Rhône-Alpes

l’âge des absents. Le sentiment decertains, selon lequel les absencesseraient plutôt concentrées sur lestrès jeunes, ne se vérifie pas pleine-ment. Elles sont réparties de manièreégale entre les moins de 30 ans et les populations des 30-45 ans. En revanche, plus on avance en âge,moins les absences sont fréquentes,même si leur durée se prolonge. Autrepoint-clé, l’ancienneté : 68 % desabsents ont une ancienneté inférieureou égale à 5 ans. Ce sont donc les plusrécents dans l’entreprise qui s’ab-sentent le plus. L’entreprise recruteà tous les âges : les salariés nouvel-lement arrivés ne sont pas forcémentles plus jeunes. L’évolution de la pyra-mide des âges montre d’ailleurs unestabilité certaine. L’hypothèse impli-cite du lien entre le rajeunissementde la population et l’augmentation del’absentéisme ne peut donc pas êtrepleinement validée.

Motiver pour durer

Dans ce contexte, une réflexion surles trajectoires professionnelles etles compétences s’impose. Les par-cours ne sont pas tous homogènes.Le processus d’intégration dans l’en-treprise peut être marqué par diffé-rentes étapes (intérim, contrat à duréedéterminée). Un élément susceptibled’expliquer pour une part “la mise àdistance du travail” observée chez lesnouveaux embauchés et notammentles plus jeunes. En témoigne l’impor-tance des absences après titularisa-t i o n . A l ’ i s s u e d ’ u n e p é r i o d e d’intérim, certains salariés ne consi-dèrent pas avoir réellement suivi unparcours d’intégration. Le fait d’avoirtravaillé plusieurs mois sur des rem-placements de courte durée ne suffitpas à construire ce parcours, et

Quatre actions ciblées contre l’absentéismeA la suite de la démarche avec l’Anact, Inoplast a engagé un véritable “plan absentéisme” :

1- INFORMATION : sensibiliser les salariés par une campagne d’information (affichage des tauxd’absentéisme dans les secteurs de production, impacts économiques, mode de calcul, etc.).

2- FORMATION : une réflexion sur les parcours professionnels a mené à une réduction de la période de CDD avant l’embauche définitive des salariés.

3- AUTONOMIE : l’accueil et la formation sur le poste de travail sont renforcés afin de réduire l’absentéisme des nouveaux.

4- CONDITIONS DE TRAVAIL : les opérateurs sont plus fortement impliqués grâce à la mise en place d’équipes autonomes. Les compétences des salariés ont été développées au sein de ces groupes.

Dans le contexte d’une production enflux tendu, l’absentéisme génère desperturbations importantes dans lagestion du personnel. Spécialiste dela production de pièces en matériauxcomposites pour l’industrie automo-bile (hayons et pièces diverses), Inoplastconnaît une augmentation régulièrede l’absentéisme depuis trois ans.Confrontée à cette préoccupationd’ordre à la fois financier et fonction-nel, la direction a fait appel à l’Anactpour analyser les causes du phéno-mène.Deux axes sont privilégiés : élaborerdifférentes hypothèses explicativesde l’absentéisme et de son évolution,puis proposer des pistes de réflexionpour ag ir sur le phénomène.Ladémarche s’articule autour d’entre-tiens semi-directifs avec des interlo-

cuteurs divers, d’une analyse statis-tique des principales manifestationsde l’absentéisme à partir de donnéesen provenance des ressources humainesmais aussi, des indicateurs de pro-duction et des observations des situa-tions de travail.

L’absentéisme des nouvelles recrues

L’analyse quantitative montre une nette prédominance des arrêts courts, inférieurs à 5 ou 3 jours (voir graphique).Or, plus l’absence est courte, plus elleperturbe la production. Il faut réor-ganiser les équipes, combler les effec-tifs, réguler les urgences. Pour despériodes aussi limitées dans le temps,le recours aux intérimaires n’est paspossible. Autre élément important :

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la motivation

sation) et l’évolution des absences.Dans deux secteurs de l’usine, le tauxde non-qualité, issu des indicateursde production montre une relationavec les chiffres d’absence. Lorsquela qualité pose problème, on assisteà des arrêts plus fréquents (voir info-graphie). Les différents événementsqui ponctuent le cours de la produc-tion ont ainsi un impact significatif surl’absentéisme. La démarche permettant de croiserdifférents facteurs inhérents à l’or-ganisation du travail, a fait émergerles principales causes de l’absen-téisme. L’entreprise a désormais enmain les clés lui permettant d’appro-fondir l’analyse et de tenter de remé-dier à ce phénomène.

Thierry Rousseau (chargé de mission, département changements technologiques et organisationnels de l’Anact) et Marion Gilles(chargée de mission, département santé et travail de l’Anact).

en ligne de compte (chaleur, durée devie de la matière, etc.) et font varierde façon importante la qualité despièces. L’observation sur le terrainmontre que le processus de travail estorganisé pour répondre aux variationsdans la qualité des pièces fabriquées.Il existe de nombreux postes de détec-tion des défauts, de retouches, de fini-tions, etc. Les salariés réalisent unvéritable travail de carrossier pourrendre les pièces prêtes à la peinture.Leur tâche consiste pour une bonnepart à répondre au défi que pose lamaîtrise quotidienne de la qualité. Onpeut aussi penser que cette chargevarie en fonction de l’évolution du tauxde qualité. Plus celui-ci pose problème,plus il est nécessaire d’intervenir surles pièces, parfois dans des délais quise resserrent. Le croisement de cer-taines données statistiques permetd’étayer cette hypothèse et de poserun lien entre le travail (et son organi-

le manque de perspectives profes-sionnelles peut être mal vécu. Or, unequestion se pose : qu’est-ce qui per-met de développer la motivation dansune industrie de série ? Pour beau-coup, c’est l’existence d’un horizonprofessionnel qualifiant, la possibi-lité de se projeter dans l’avenir : espé-rer une formation de peintre, d’opé-rateur robot, etc. Une véritableperspective professionnelle s’imposepour garder une motivation dans ladurée. C’est pourquoi l’entreprisefavorise la mise en place d’équipesautonomes (EA).

Cette nouvelle organisation permetde redéfinir les emplois de produc-tion : opérateur EA, technicien d’ate-lier, superviseur. Elle offre la possi-bilité, à l’intérieur de chaque emploi,d’étoffer ses compétences et de sesentir reconnu. Elle permet aussi dedonner des perspectives d’évolutionet donc, de construire des parcoursprofessionnels. De ce fait, l’organi-sation du travail ne repose pas uni-quement sur de la polyvalence maisaussi sur un élargissement du contenudu travail et des responsabilités.

La qualité en cause

Autre facteur à analyser : les pro-blèmes de qualité. Le process de mou-lage des pièces est une opération déli-cate car la matière première estparticulièrement instable. De nom-breux paramètres de production entrent

Dans lasemaine qui suit unepériode de non-qualité,l’absentéismeaugmente.

62 % desarrêts sontinférieurs àcinq jours.

Relation entre l’absentéisme et la qualité

Durée des arrêts sur l’année 2003

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Confrontée à une augmentation de son taux d’absentéisme, la QUB a mis en place

une démarche destinée à objectiver le phénomène. Une étude statistique associée

à un examen des conditions de travail a permis à cette entreprise de révéler

un certain nombre de facteurs concordants.

Statistiques et analyse,deux alliées face à l’absence>>> QUB, GROUPE KÉOLISSecteur : services marchands Activités : exploitation du réseau de bus de la ville de QuimperEffectifs : 125 salariés dont 104 conducteursRégion : Bretagne

UUn taux d’absentéisme en augmenta-tion entre 2001 et 2003, le souci d’assurer un service 7 jours sur 7 alliéà une exigence de ponctualité… Autantde données antinomiques sur fond de continuité du service public qui inci-tent, en 2004, la QUB filiale du groupeKéolis chargée des transports urbainsde la v i l le de Quimper, à réagir. Au-delà des répercussions écono-miques, que traduit cette évolution etcomment y faire face ? Afin de comprendre et d’enrayer lephénomène, la QUB a entrepris deuxdémarches : une étude statistiquemenée par un cabinet spécialisé etune analyse des conditions de travaildes salariés réalisée par l’antenneAnact Bretagne. Objectifs : expliquerles causes de l’absentéisme et leurlien avec l’organisation du travail, trou-ver les moyens d’y remédier.

Des chiffres révélateurs

Un impératif : l’étude statistique et sonanalyse. Les chiffres montrent que lesarrêts maladie se concentrent à 90 %chez les conducteurs représentant…80 % de l’effectif total. Or, les absencesde ces salariés posent systématique-ment la question du remplacementcar, contrairement aux autres caté-gories du personnel, leur travail nepeut en aucun cas être reporté ou trans-féré sur les conducteurs déjà en ser-vice. Pour cette fonction, les chiffres

révèlent aussi une corrélation entreles absences et l’ancienneté. Ces don-nées représentent un point de départfondamental et permettent d’axer demanière très précise le diagnostic enregardant quel est le ressenti collec-tif par catégories d’âge et d’ancien-neté. Une façon de comprendre ce qui,dans les conditions de travail desconducteurs, pose problème.

Une combinaison de facteurs

Le diagnostic ne révèle pas une causede détérioration majeure des condi-tions de travail des conducteurs. Il relie plusieurs évolutions “à la marge”qui, cumulées, sont sources d’un ressenti négatif, notamment chez lesplus anciens. Parmi ces évolutions,l’augmentation continue du trafic etles exigences accrues en termes deponctualité ont pour conséquence derenforcer le niveau de vigilance à laconduite et rendre plus aléatoires lestemps de récupération entre deux tra-jets. Ces éléments se conjuguent avecla répétitivité de l’activité, des pers-pectives d’évolution limitées et la rela-tive indifférence au travail bien faittant par la hiérarchie que par la clien-tèle... De plus, certains conducteursplus âgés connaissent une sensibilitéaccrue à la pénibilité physique, mal-gré la rénovation du parc de véhicule.Pris un à un, ces différents effets sont

Part dans l’effectif total

Part dans l’absentéisme total :maladie, AT, MP, maternité

Ancienneté de 0 à 4 ans

Ancienneté de 5 à 9 ans

Ancienneté de 10 à19 ans

Ancienneté de plus de 20 ans

Les liens entre absentéisme et ancienneté

peu apparents. Mais leur combinai-son constitue très certainement uncreuset dans lequel se profile pro-gressivement le début d’un désenga-gement collectif.Cette analyse a incité la direction àcréer un groupe de travail chargé d’éla-borer des pistes d’actions concrètes :aménagement de la durée de service,développement de différentes formesde mobilité et d’évolution, travail auprèsdu management intermédiaire et desresponsables de groupe, actions visantà valoriser l’image du transport col-lectif et surtout du professionnalismedes personnes qui le réalisent.

Depuis juillet dernier, le groupe detravail a étudié trois axes : le suivi desabsences, le rôle de la maîtrise, l’op-timisation et l’amélioration des condi-tions de temps de battements desconducteurs.

Alain Chevance (chargé de mission, antenneAnact Bretagne) avec Béatrice Sarazin.

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Être chargé de clientèle dans un secteur en forte croissance, comme celui de

la téléphonie, exige flexibilité et adaptabilité. Ces deux facteurs seraient justement

à l’origine de la hausse des arrêts maladies dans les centres d’appel de Cegetel

Service. Pour y remédier, la direction et les CHSCT se sont mobilisés.

Plus d’autonomie pour moins d‘arrêts

>>> CEGETEL (service Lyon)Secteur : téléphonieActivités : centre de relations clientèleEffectifs : 640 salariésRégion : Rhône-AlpesC

Cegetel Service a constaté sur sescentres de relation clientèle, des dif-ficultés liées aux arrêts maladie dontle taux atteint presque 8% en moyennesur l’année. Ce niveau, plus élevé quecelui observé dans le reste du groupe,a attiré l’attention de la direction et desCHSCT. En 2002, le problème est atta-qué de front. Sur le site de Lyon, dansun premier temps, un groupe de tra-vail interne est mis en place. Mais, rapi-dement, la nécessité d’un regard externese fait sentir. A la demande de la direc-tion et des CHSCT, l’Aravis(1)a donc réa-lisé un diagnostic sur le travail des 540conseillers de clientèle de la plate-forme téléphonique de Lyon, le but étantde comprendre les raisons des absencesde cette catégorie de salariés.

Répétition et monotonie

Bien que, comme le souligne EvelyneCruz, directrice de Cegetel ServiceLyon, “les rémunérations soient plu-tôt élevées, comparées à celles dumarché, et le turnover faible, par rap-port à ce que l’on observe dans la pro-fession”, les difficultés existent.L’essentiel de celles-ci concerne l’agen-cement des horaires et la pénibilité dutravail. Comme dans bon nombre decentres d’appels, les amplitudes horairessont jugées pénibles et contraignantes:entre 7 h et 22 heures, du lundi audimanche inclus. Ces horaires, chan-geants en fonction des semaines, sonttoutefois anticipés et non imposés. Leschargés de clientèle déplorent égale-ment le caractère répétitif et monotonede leurs tâches, soumises, de surcroît,à un contrôle permanent des respon-sables de groupes. En toile de fond, lesentiment général que la fonction évo-lue vers une standardisation où la quan-tité prend le pas sur la qualité…

Ces différentes facettes donnent le sen-timent d’un travail fortement prescrit,laissant peu de marges de manœuvreet d’autonomie, alors que les attentesqualité sont élevées et exigent un inves-tissement personnel fort. Cette situa-tion contradictoire est courante pourun centre d’appels, et l’absentéismeest utilisé alors comme une “soupape”chez quelques collaborateurs. S’ap-puyant sur ce diagnostic organisationnelet les analyses réalisées sur les autresétablissements de Cegetel Service, ladirection a pris une série de mesures.Selon Evelyne Cruz, “les facteurs demotivation sont nombreux et il faut agir

à tous les niveaux : des petits change-ments peuvent avoir des effets impor-tants sur les présents comme sur lesabsents” (voir encadré).

Après plusieurs mois d’actions, Cege-tel Service Lyon constate un gain de2 % sur le taux d’absentéisme mala-die. Informer aussi le personnel, quantà l’impact de l’absentéisme sur lescoûts économiques de l’entreprise, aentraîné une forte prise de conscience.

Gérard Paljkovic (chargé de mission, Aravis)avec Béatrice Sarazin.1. Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail en Rhône-Alpes.

Depuis 2002, deux grands axes d’action1- CONDITIONS DE VIE PROFESSIONNELLEConcernant l’amélioration des conditions detravail, un accord a été signé à l’automne 2003.Des actions nationales de formation etd’information ont eu lieu depuis sur tous les thèmes prévus par l’accord. Des actionsindividuelles de soutien (relaxation, gestion dustress, etc.) et d’information sur l’hygiène devie (tabagisme, alimentation, etc.) sont menées,permettant aux salariés de se sentir moinsisolés. Des appuis spécifiques sont proposéslors des retours d’absences maladie pour éviterl’engrenage. En effet, les produits évoluent viteet afin que le chargé de clientèle absent soitrapidement réintégré, il est pris en charge etformé sur les nouveautés. Une négociation esten cours, depuis début 2004, sur l’améliorationde l’aménagement du temps de travail.

2- L’ENCADREMENT ET LES MEILLEURS COLLABORATEURS ASSOCIENT LEUR EXPÉRIENCE.Les cadres sont formés pour améliorerl’intégration des nouveaux salariés, le développement personnel et le coachingindividuel et collectif. Cela leur permetd’arriver à un management davantage axé sur le dialogue. Par ailleurs, Cegetel a mis en œuvre des parcours professionnels pourdonner des perspectives. Concernant la“relation téléphonique avec le client”, si lesphases d’appel restent très normées dans la forme, le chargé de clientèle a la possibilitéde répondre à la demande du client de façonplus “personnelle”. Cette autonomie, basée sur la confiance, dépend d’un outil très puissant de gestion des connaissances, mais aussi del’appui managérial et du contrôle de l’activité.

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Impliquer le personnel3

L’absentéisme est rarement un objetde débat social dans l’entreprise.Pourtant, il peut rapidementcristalliser des oppositions. La nécessité de réduire le phénomènepeut être mal perçue par les salariéset leurs représentants : ils peuvent y voir la mise en place de méca-nismes de contrôle et de coercition.La notion d’arrêt de complaisance estsouvent brandie. Le risque est alorsde stigmatiser des populations qui ont

de réels problèmes de conditions de travail. On peut ainsi passer à côté d’un signal précurseur de pathologiesplus lourdes. Par ailleurs, lesdysfonctionnements entraînés par l’absentéisme ne sont pastoujours considérés à leur justemesure par les salariés. Souvent, ces derniers ne se sentent pasconcernés par les absences, sauflorsqu’elles retentissent sur leurcharge de travail. L’absentéisme,

c’est souvent l’affaire del’encadrement intermédiaire. Sonattitude et sa formation sont despoints-clés dans le traitement duproblème. Un management rigide etculpabilisateur n’est pas efficace.Dans tous les cas, un débat socials’impose, non seulement entre ladirection, le personnel et leursreprésentants (CHSCT), mais aussiavec l’encadrement, afin de mettre àplat les difficultés vécues au travail.

L’absentéisme, révélateur de réels dysfonctionnements

Il existe de multiples causes àl’absentéisme et pour cette raison, il ne faut négliger aucune sourced’explication. Dans un premier temps,l’absentéisme apparaît comme étantle reflet de l’état de santé de lapopulation. En effet, le plus souvent,une décision médicale est à l’origined’une absence et par conséquent la justifie. L’arrêt de travail témoigneici d’un problème de santé au sensstrict. Mais, ce n’est pas l’unique

cause et à l’oublier, on risquerait de passer à côté d’un réel problèmede fond : les conditions de travail. Dans un second temps, il faut aussiconsidérer l’absentéisme comme le révélateur d’une réalité : s’absenterrenvoie à un phénomène de retrait et d’altération de l’engagement autravail. Les conditions de travaildeviennent alors l’objet central d’uneréflexion sur l’absentéisme. Entrentici en ligne de compte, aussi bien

la nature du travail (pénibilité, typed’organisation, horaires, etc.), que les formes de reconnaissance et de progression dont bénéficient les salariés : l’organisation destrajectoires professionnelles, le développement des compétences,l’enrichissement du travail, etc. Dansce sens, l’absentéisme peut êtreconsidéré comme un doubleindicateur de l’état de la populationsalariée, à la fois sanitaire et social.

L’absentéisme n’est pas un indicateurqui s’utilise aisément. Une hausse desabsences n’implique pas forcémentde liens avec les caractéristiques dela population salariée et du travail. Il faut d’abord savoir ce que l’onmesure et s’interroger sur lapertinence des dispositifs de recueild’information. Dans les entreprises, la plupart des outils de mesure sontglobaux. Les absences recouvrent des jours d’arrêts maladie, des arrêtslongs, des congés (dont ceux de

maternité) ainsi que des arrêtsinjustifiés… Il est donc nécessairede croiser les données des absencesavec d’autres indicateurs. Unepremière piste pour opérer ces croisements s’oriente vers les grandes caractéristiques de la population salariée : l’âge,l’ancienneté, le genre, etc. L’objectifde cette démarche est d’affinerl’analyse, si possible en caractérisantles différentes formes d’absentéisme,plus particulièrement en fonction

de la fréquence et de la durée desarrêts. Une seconde piste concerneles caractéristiques du travail. Il s’agit ici d’identifier des unités de travail homogènes permettant de recouper, par exemple, la hausseconstatée de l’absentéisme dans unatelier ou un service : les contraintesphysiques, une absence de régulationde la charge de travail, des horairesmal adaptés, etc. L’important est deprocéder à un diagnostic approfondides situations de travail.

2

1

POINTS DE VIGILANCE

Comment utiliser les données chiffrées ?

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Téléchargez le rapport complet de l’Inspection générale des affaires sociales(IGAS) et de l’Inspectiongénérale des finances sur les dépenses d’indemnitésjournalières surwww.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices/034000656.shtml

Données issues des sériesstatistiques nationales et tous les numéros de “Point de conjoncture”édités par l’assurance maladie, avec les chiffresnationaux, sont sur www.ameli.fr

OUVRAGES

Statistiques nationales des accidents du travail, des accidents de trajet et desmaladies professionnelles.Remarques, année 2002,CNAMTS, 2004, 2 volumes,548 pages.

Age et conditions de travaildans l’Union européenne,Fondation européenne pourl’amélioration des conditionsde vie et de travail, 2003, 177 pages.

La charge de travail : del’évaluation à la négociation,sous la direction de BertrandPoète et Thierry Rousseau,Editions de l’Anact, 2003, 81 pages, (coll. Agir sur).

La démographie du travail pour anticiper le vieillissement,Anne-Françoise Molinié,Serge Volkoff, Editions de l’Anact, 2002, 76 pages, (coll. outils et méthodes).

La prévention de l’absentéisme sur le lieu de travail : résumé, Fondation européenne pourl’amélioration des conditionsde vie et de travail, 1997, 39 pages.

Les raisons de l’absence,Danilo Klaric, Editions de l’université deBruxelles, 1982, 270 pages.

ENQUÊTES

Point de conjoncture, CNAMTS, n° 11, 2003.

Enquêtes emploi de l’Insee de 1982 à 1998,Insee Première, n°606, 1998. à

lire

Retrouvez des cas

d’entreprises traitant

des problèmes

d’absentéisme sur

www.anact.fr

sur

anac

t.fr

ARTICLES

Arrêts maladie : les absents n’ont pastoujours tort,Santé et Travail, n° 47, avril 2004, pp 23-39.

Rénover le management en intégrantles jeunes, Wladimir Lazikoff et Philippe Zarifian,La lettre du Gipmis, n° 19, janvier 2004,pp. 1-4.

Les conditions de travail des seniors,Nicole Guignon et Ariane Pailhe,Premières Synthèses, n° 19, février 2004, 4 pages.

Comment juguler l’absentéisme,Entreprise et Carrières, n° 666, 2003,pp 14-21.

Intensité et conditions de travail,Damien Carton et Michel Gollac, 4 Pages du CEE, n° 58, juillet 2003, 4 pages.

Jeunes travailleurs : la galère, Santé et travail, n° 33, 2000, pp. 21-51.

Les absences au travail,Bref social, n° 12728, 1998.

L’absentéisme: une approche théorique,Gesine Stephan, Problèmes économiques,n° 2268, 25 mars 1992, pp. 28-32.

L’absence au travail. Indicateur socialou indicateur de santé ?,Marcel Goldberg et Anne Chevalier,Sciences sociales et santé, 1992, pp. 47-73.

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Page 16: N°300 JANV/FÉV 2005 - 5 Travail · PDF fileRevue de la qualité de vie au travail Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail ENJEUX (P. 2 À 4)

TRAVAIL ET CHANGEMENT, le bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail.Directeur de la publication : Henri Rouilleault, [email protected] - Directeur de la rédaction : Michel Weill, [email protected] - Responsable des éditions : Sylvie Setier,[email protected] - Rédactrice en chef : Béatrice Sarazin, [email protected] - Contributeurs au dossier : Saïd Arezki, Alain Chevance, Marion Gilles, Gérard Paljkovic, Thierry Rousseau.Réalisation : Reed Publishing ( chef de projet : C. Alour, secrétariat de rédaction : R. Wengrow, direction artistique : A. Ladevie, P. Lopez, fabrication : I. Lanfrit ) - 2, rue Maurice Hartmann,92133 Issy-Les-Moulineaux Impression : Imprimerie Chirat, 744, rue Sainte-Colombe, 42540 Saint-Just-La-Pendue - Dépôt légal : 1er trimestre 2005 - Numéro de commission pari-taire : 1007 B 06503 Une publication de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, 4 quai des Etroits, 69321 Lyon Cedex 05, tél. : 04 72 56 13 13.