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Nanotechnologies / Maxiservitude Des contributions grenobloises à l'automatisation du cheptel humain I- D'où l'on parle Qu'on s'en félicite ou qu'on s'en défie, chacun s'accorde à voir dans la "liaison recherche-industrie" le moteur de l'économie grenobloise depuis la domestication de la "houille blanche" en 1869 par l'entrepreneur Aristide Bergès : ingénieur et patron. Ce que personne ne voit ou ne veut voir, ce sont les rapports de production, l'ordre social, les effets sur le milieu et somme toute l'évolution politique qu'entraîne de cycle en cycle ce moteur économique. Les uns parce qu'ils y trouvent leur avantage, si mince et illusoire soit-il. Les autres par aveuglement véritable ou veulerie enragée. Car ils ne veulent ni agir suivant leurs idées ni perdre la face en avouant leurs redditions. Et changeraient-ils d'avis qu'ils le feraient sans le dire, ou en expliquant encore pourquoi ils avaient raison d'avoir tort. Pourquoi s'en prendre au Centre d'Etudes Nucléaires Grenoblois (CENG), quand un quelconque comité Chiapas vous pourvoit en bonne conscience à bon marché ? Il est bien plus judicieux pour un chercheur à l'INRA de s'opposer à Le Pen qu'aux chimères génétiques ; comme il est bien plus gratifiant pour un écolo-citoyen de perpétuellement chicaner les effets de cette liaison recherche-industrie (nuisances, risques majeurs, abus de pouvoir) plutôt que de dénoncer cette liaison et par là de s'attaquer enfin aux causes. Mais il est vrai qu'on quitterait alors l'expertise technicienne pour la contestation politique, ce qui serait anti-grenoblois. Ces choses-là ne sont pas mystérieuses. Il n'y a pas besoin de diplôme pour dire que le roi est nu. Ni que cette cuvette est le fief d'une techno-caste au règne à peine troublé de quelques remontrances issues de ses propres rangs (Ades, Verts, Frapna). Si un ingénieur nucléaire encadre l'Adès (l'Hadès !… Tout de même ! qui n'a pas tressailli à ce lapsus militaro-mortifère ?), que le directeur général et le chargé de relations publiques de l'université Joseph Fourier (biotechs et Biopolis) administrent les Verts entre deux expulsions de gitans, pourquoi le rédacteur en chef d'Isère Nature (mensuel de la Frapna) ne serait-il pas aussi l'ex-chargé de com' de Schneider, conseiller municipal à La Tronche et défenseur des labos militaires sis sur sa commune ? (cf Isère Nature, juin 2002) On finit par en rire. Et si ces banalités égrenées dans quelques papiers, lors de quelques réunions publiques, ont pu faire sensation, tout le mérite en revient au silence, à l'interdit, aux dénégations qui les recouvraient. Voici trente ans qu'elles auraient pu, qu'elles auraient dû se dire ; certains avaient commencé dans les années 70 à dénoncer "la fac au service des patrons", qui par un prodigieux tête-à-queue, célébrèrent finalement les "grains de technopole" et le "territoire endogène innovant" (c'est Grenoble). N'importe quel économiste ou sociologue, dans une ville où ils se marchent dessus, aurait pu en dire autant à condition d'avoir la moindre conscience professionnelle. N'importe quels républicains, révolutionnaires et radicaux, dans une ville où l'on éclate de bouffissure progressiste, auraient dû en dire autant, s'ils avaient eu la moindre conscience politique. Mais voilà des décennies que les uns font carrière tandis que les autres font

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Nanotechnologies / MaxiservitudeDes contributions grenobloises à l'automatisation du cheptel

humain

I- D'où l'on parle

Qu'on s'en félicite ou qu'on s'en défie,chacun s'accorde à voir dans la "liaisonrecherche-industrie" le moteur del'économie grenobloise depuis ladomestication de la "houille blanche"en 1869 par l'entrepreneur AristideBergès : ingénieur et patron.Ce que personne ne voit ou ne veutvoir, ce sont les rapports de production,l'ordre social, les effets sur le milieu etsomme toute l'évolution politiquequ'entraîne de cycle en cycle ce moteuréconomique. Les uns parce qu'ils ytrouvent leur avantage, si mince etillusoire soit-il. Les autres paraveuglement véritable ou veulerieenragée. Car ils ne veulent ni agirsuivant leurs idées ni perdre la face enavouant leurs reddit ions. Etchangeraient-ils d'avis qu'ils le feraientsans le dire, ou en expliquant encorepourquoi ils avaient raison d'avoir tort.Pourquoi s'en prendre au Centred'Etudes Nucléaires Grenoblois (CENG),quand un quelconque comité Chiapasvous pourvoit en bonne conscience àbon marché ? Il est bien plus judicieuxpour un chercheur à l'INRA des'opposer à Le Pen qu'aux chimèresgénétiques ; comme il est bien plusgratifiant pour un écolo-citoyen deperpétuellement chicaner les effets decette liaison recherche-industrie(nuisances, risques majeurs, abus depouvoir) plutôt que de dénoncer cetteliaison et par là de s'attaquer enfin auxcauses. Mais il est vrai qu'on quitteraitalors l'expertise technicienne pour lacontestation politique, ce qui seraitanti-grenoblois.Ces choses-là ne sont pas mystérieuses.Il n'y a pas besoin de diplôme pour dire

que le roi est nu. Ni que cette cuvetteest le fief d'une techno-caste au règne àpeine troublé de quelques remontrancesissues de ses propres rangs (Ades, Verts,Frapna). Si un ingénieur nucléaireencadre l'Adès (l'Hadès !… Tout demême ! qui n'a pas tressailli à ce lapsusmilitaro-mortifère ?), que le directeurgénéral et le chargé de relationspubliques de l'université Joseph Fourier(biotechs et Biopolis) administrent lesVerts entre deux expulsions de gitans,pourquoi le rédacteur en chef d'IsèreNature (mensuel de la Frapna) neserait-il pas aussi l'ex-chargé de com' deSchneider, conseiller municipal à LaTronche et défenseur des labosmilitaires sis sur sa commune ? (cf IsèreNature, juin 2002)On finit par en rire. Et si ces banalitéségrenées dans quelques papiers, lors dequelques réunions publiques, ont pufaire sensation, tout le mérite en revientau silence, à l'interdit, aux dénégationsqui les recouvraient. Voici trente ansqu'elles auraient pu, qu'elles auraientdû se dire ; certains avaient commencédans les années 70 à dénoncer "la facau service des patrons", qui par unprodigieux tête-à-queue, célébrèrentfinalement les "grains de technopole" etle "territoire endogène innovant" (c'estGrenoble). N'importe quel économisteou sociologue, dans une ville où ils semarchent dessus, aurait pu en direautant à condition d'avoir la moindreconscience professionnelle. N'importequels républicains, révolutionnaires etradicaux, dans une ville où l'on éclatede bouffissure progressiste, auraient dûen dire autant, s'ils avaient eu lamoindre conscience politique.Mais voilà des décennies que les unsfont carrière tandis que les autres font

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des comités Chiapas, braient que lefascisme ne passera pas, réclament despilules de sodium pour les voisins del'Institut Laüe Langevin ou fustigent "lafausse conscience" en doctesconciliabules. Sans jamais s'aviser, lesuns que leur carrière mène auxhorreurs, les autres que si les zapatistesavaient passé leur temps à faire descomités Dauphiné, leur cause n'auraitjamais franchi les lisières de la forêtLacandon ; que le fascisme à front detaureau est une solution archaïque parrapport à ce qui se mijote dans noslaboratoires technopolitains ; que lespilules de sodium ne suppriment ni lesréacteurs nucléaires ni les nucléocrates ;que fustiger la "fausse conscience"reste de la fausse conscience tantqu'elle en reste là.C'est devant ce constat de mutisme quele premier venu, pour peu qu'il lui resteun brin d'échine, peut faire œuvre utilequoi qu'en disant ce que tout le mondetait. D'où l'on voit qu'il serait abusifd'attribuer à d'autres qu'au simplecitoyen des discours trop communspour mériter des noms propres. Ce quiprésente le double avantage deretourner le mot de citoyen contre ceuxqui s'imaginent l'avoir déposé, et derire des transes radicales à sa moindremention.A vrai dire, le titre de simple mitoyen,piéton et résident de cette mitée ,suffisait pour dire ce que n'importe quiaurait dû dire. La preuve. Et si c'estencore trop, l'on dira comme tel autre :"C'est un homme ou une pierre ou unarbre qui va commencer le quatrièmechant."

II- La prochaine révolutionindustrielle

Le temps file cependant, à Grenobletoujours plus vite qu'ailleurs, toujoursavec un temps d'avance, et c'est iciplutôt qu'ailleurs que se fomente laprochaine révolution industrielle : celle

des nanotechnologies. On parle deMinatec, bien sûr, le méga-projeteuropéen qui ne se reconnaît que deuxrivaux, à Los Angeles et à Tsukuba(Japon). Minatec en fait n'étant que lapièce centrale (formation, recherche etapplications) d'un dispositif quicomprend Nanotec 300 (fabrication deplaquettes de silicium) et Crolles 2 (sitede recherche et de production co-fondép a r P h i l i p s , M o t o r o l a e tSTMicroelectronics).Quelques chiffres, ça fait sérieux.Minatec, de source officielle, c'est150 millions d'euros d'investissement(mais Le Point du 4/10/02 dit 170millions, et Les Echos du 15/04/02, 180millions d'euros). Soit près de 127millions d'investissement public, dont113 environ des collectivités locales.On comprend devant ces chiffres queJean Therme, le directeur local duCommissariat à l'Energie Atomique, aitrendu un hommage insistant aux élusde l'Isère pour leur "courage" et "lesrisques" qu'ils savaient prendre avecl'argent public (cf conférence au CRDPde Grenoble le 27/11/02).De Nanotec 300, Pascal Colombani,administrateur général du CEA, nousdit que c'est un projet à 400 millionsd'euros, plus du double de Minatec, ànégocier "avec les financeurs potentiels,collectivités locales, industriels, Etat…" (LeDaubé, 01/06/02)Enfin Crolles 2, c'est 2,8 milliardsd'euros d'ici 2007, le plus grosinvestissement industriel en Francedepuis la construction des dernièrescentrales nucléaires, "grâce à des aidespubliques massives atteignant 543millions d'euros (395 de l'Etat et 148 descollectivités locales)" selon l'AFP(12/04/02).Soit au bas mot 3,350 milliards d'eurosd a n s l e s n a n o t e c h n o l o g i e sgrenobloises, dont 670 millionsd'argent public, comprenant 261millions de financement local - hors

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Nanotec 300, bien sûr, dont le montagereste à négocier.Commence-t-on à voir tout le prix quenos technarques attachent à ces projets? Et s'il se trouvait encore des citoyensassez simples pour croire à leur"démocratie", n'auraient-ils pas dûdébattre avec eux de ces colossaleslargesses, au lieu d'en trancher entreélus ? Las, même sur cette question degros sous qui touche à leur fonds decommerce, les économes de l'Adèsn'auront pas dépassé une courageuseabstention de vote.

Quant aux ressources humaines etmatérielles, elles seront à la hauteur deces crédits mirifiques.Minatec : 60 000 m2 de bâtiments sur lePolygone scientifique, 4500 profs,ingénieurs, étudiants, etc.Nanotec 300 : 150 chercheurs et "unnouveau bâtiment évolutif" avec dessalles blanches.Crolles 2 : 5000 m2 de salles blanches,550 chercheurs, 650 ingénieurs ettechniciens et 4500 emplois indirects(sous-traitants, sous-traités, etc).A quoi s'ajoutent "les 4 milliards d'eurosdéjà mobilisés en dix ans par les acteursde la filière microélectronique avec lesoutien des collectivités locales", "unefilière innovante" avec dans la cuvette3000 chercheurs qui déposent chaqueannée 300 brevets de portée mondiale,15 000 salariés répartis dans 200établissements, les plus grandes firmesdu secteur (Atmel, STMicroelectronics,Philips, Motorola, Infineon, OnSemiconductor, Soitec, Memscap,Thales, ASML, Applied Materials,Silvaco, Air Liquide, Synopsis), "plus de25 start up à fort potentiel" créées dansles cinq dernières années (Tronics,Apibio, Team Photonics, IrocTechnologies, Xenox, Opsitec,Polyspace…). Ladite filière s'adossantpar ailleurs à 220 laboratoires, 5centres de recherche, etc (cf Lettre deMinatec, n°4, sept 02).

Il est vrai que certains contestent cettenanovision. Le secteur des nouvellestechnologies compte 35 000 salariés àGrenoble. Depuis la ZIRST deMontbonnot, Jean-Pierre Verjus,dircom' de l'Institut National deRecherche en Informatique etAutomatique (INRIA) proclame que"parler de Grenoble comme de la capitaledes nano et microtechnologies est uneerreur stratégique. L'industrie des logicielsemploie la moitié des effectifs dans leshigh tech du bassin d'emploi. Surtout leslogiciels sont devenus indissociables dumatériel. Dans un téléphone mobile, il y aautant de puces que de logiciels. Mieuxvaut nous présenter comme la capitale dunumérique." (L'Essentiel de Grenoble etde l'Isère, 7/02/01)De leur côté, Raymond Avrillier etChrist ine Garnier, écologistesgrenoblois, estiment au conseil de laMétro que "les créations d'emploisprévues à Minatec (1200 chercheurspublics, 1000 emplois industriels directs)sont surestimés, qu'il n'y a pas definanceurs privés alors que cet argentpublic va bénéficier entre autres à desentreprises privées – les start up – qui vontpeut-être, par la suite, partir ailleurs fairebénéficier d'autres territoires (notammentle Voironnais) de leurs taxesprofessionnelles." (Le Daubé 22/12/01)Alors ? Grenoble est-elle la capitale dunano ou du numérique ? Devons-nousguerroyer contre les félons voironnaisq u i b r a c o n n e n t n o s t a x e sprofessionnel les ? Et s i lesnécrotechnologies créaient bel et biende l'emploi, de la croissance, desrevenus, devrions-nous en vouloir pourautant ?Ceci dit pour rappeler aux lecteurs duMonde Diplomatique, aux voyageurs del'anti-mondialisation, aux pourfendeursde la marchandisation, où ils vivent etde quoi ils vivent, eux qui prétendentun peu vite que leurs vies ne sont pas àvendre. Si ces étourneaux sautillent etse dispersent d'une action à l'autre,

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suivant l'actualité du jour, les maîtresdu monde qu'ils disent combattresavent bien, eux, où se trouve le front.Ils savent où concentrer leur effort deguerre pour ouvrir au marché denouveaux espaces, de nouveaux profits,et surtout de nouveaux pouvoirs. "LeVivant, nouveau carburant del'industrie", nous explique sur quatrepages Le Monde du 10 septembre 2002."A l'aube du XXIe siècle, les progrèsobtenus dans l'ingénierie à l'échellenanométrique des organismes vivantspermettent d'extraire la même brique debase, la molécule de carbone, et de latransformer, comme le fait la pétrochimie,en lessives, texti les, plastiques,carburants, etc.""La commission (NDR européenne) veutpromouvoir les nanotechnologies",rapporte le Pan European du 15 juin2002. "… c'est la raison pour laquellel'exécutif de l'Union européenne a décidéde lui allouer 700 millions d'euros au titredu 6e programme cadre de Recherche etDéveloppement (2002-06). Ce thèmedevrait faire l'objet d'une journéed'information présidée par le commissaireeuropéen chargé de la Recherche, PhilippeBusquin, le 14 juin à Grenoble (France),au centre de recherche de pointe du CEA-Minatec… Avec les contributions dusecteur privé, l'investissement globaldevrait atteindre un milliard d'euros."

Le gouvernement américain, de soncôté, injecte chaque année 600 à 700millions de dollars dans ce secteur.Tim Harper, directeur exécutif del'European Nanobusiness Association,note sobrement : "Le montantcommunément accepté du marchémondial des nanotechnologies en 2015est au-dessus d'un trillion d'euros." Millemilliards si l'on préfère. Soit unquarantième du PIB de la planète en2000 (Courrier de l'Unesco, nov. 2000).Mais encore une fois, c'est l'intentionqui compte, la maîtrise de la matière, etnon l'argent qu'on y met.

On s'étonne d'autant plus d'avoir àinsister sur ce mécanisme que la"liaison recherche-industrie" est uneidée reçue du capitalisme, depuis lamachine de Watt (1736-1819) et lapremière révolution industrielle.Grenoble ne se signalant que par uncertain paroxysme, une obsessionlocale, faute de matières premières oude possibilités commerciales, dedevenir ce fameux laboratoire où lestechno-rats s'enorgueillissent tantd'expérimenter les effets de latechnification du monde."Ce qui se joue à Grenoble est réellementessentiel pour l'avenir de notre économie.Ces retombées iront bien au-delà desquelques 8000 emplois que Crolles 2,Minatec et Nanotec créeront dans lesprochaines années. C'est l'affirmation dela volonté de l'Europe d'occuper uneposition stratégique sur l'échiquiermondial des technologies majeures quifaçonnent le XXIe siècle." (PascalColombani, administrateur général duCEA, in Lettre de Minatec n°4, sept 02).

III- Découvrons les nanotechnologies

M a i s q u ' e s t - c e q u e l e snanotechnologies finalement, et enquoi servent-elles ce projet ? Le préfixe"nano" fait référence au milliardièmede mètre, soit environ un cent millièmede l'épaisseur d'un cheveu. Né en 1981dans le laboratoire d'IBM à Zürich, lemicroscope à effet tunnel est le premieroutil à avoir permis l'observation de lamatière à l'échelle de l'atome, entre 0,2et 0,3 nanomètre. A l'aide d'une sondemétallique, il "palpe", la surface àétudier en mesurant les interactionsentre la pointe de la sonde et lesatomes de l'échantillon, dont ilreconstitue l'image par ordinateur avecune précision de 0,01 nanomètre. Aveccet instrument, voir c'est toucher. Ildevient possible de manipuler desatomes, un par un, pour dessiner par

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exemple le logo d'IBM à l'aide de 35atomes de xénon.La nanotechnologie concerne lafabrication et la reproduction demécanismes et de produits élaborés detoutes pièces à partir d'atomes ou demolécules. Le matériel génétique et lamatière inerte deviennent ainsi desjeux de Légo manipulables à volonté,dans les nano-usines du futur.Exactement comme la nature produitdes arbres, des montagnes et des êtresvivants avec de la matière premièremoléculaire. Il ne s'agit plus derefaçonner les éléments puisés dansl'environnement mais bel et biend'instaurer une nouvelle nature : desnanorobots capables d 'auto-reproduction et programmés pourassembler atome par atome lesmatériaux qui transformeront l'eau envin, le charbon en diamant, etc.Modifier un matériau à l'échellemacroscopique, c'est en effet changerradicalement ses priorités. On sait queles propriétés de nombreux matériauxnaturels aux qualités mécaniquesexceptionnelles tiennent en bonnepartie à leur structure à l'échellenanométrique, et non à leur seulecomposition chimique. Ainsi lesnanotubes de carbone, dotés depropriétés extraordinaires, permettentde fabriquer des diodes et destransistors de taille moléculaire. Outrel'ordinateur miniature, ils pourraientdonner naissance à des matériauxcomposites d'un type nouveau, descâbles souples ultra-résistants ou desconteneurs d'hydrogène liquide.La nanotechnologie est à la matièreinerte ce que la biotechnologie est auvivant. La recherche sur lesn a n o t e c h n o l o g i e s s ' i n t é r e s s eactuellement surtout aux molécules decarbone, mais elle pourrait s'étendre àla table complète des éléments. Entre10 et 100 nanomètres notamment, lanature réalise de nombreuses machinesmoléculaires. Les virus sont des robots

chimiques, les bactériophages, desnano-machines, les flagelles desspermatozoïdes, des micro-moteursbiologiques. D'où la continuité entrebio et nanotechnologies, aboutissantaux nanobiotechnologies. Leschercheurs savent déjà manipuler desbactéries pour leur faire produire dessubstances particulières, notammentmédicamenteuses. En manipulantatomes et molécules un à un, on revientau stade antérieur à l'apparition de lavie. Autrement dit, si je peuxrassembler comme je veux atomes etmolécules, je peux créer une autre vie.Virus artificiels, connexions entre nerfset ordinateurs, transparence absolue dugénome, machines microscopiques etdonc invisibles, biopuces pour effectuerdes tests biologiques ou génétiques enun clin d'œil et avec un encombrementminimal. Une compagnie d'assuranceou un employeur pourrait ainsidéterminer instantanément lesprédispositions génétiques d'unindividu, à l'aide d'une infime prise desang (compression de Libération du 2-3/12/00, de Science et Vie de février2000, janvier 2001, octobre 2002 et deDéfis du CEA, mai-juin 2002).

Dans l'immédiat c'est en électronique,pour la fabrications des "puces", ques'imposent micro et nanotechnologies.Une puce est une plaquette de siliciumsur laquelle sont gravés les composantsélémentaires, les transistors, qui parextension ont donné leur nom auxpostes de radio de l'époque yéyé.Depuis 1975, le nombre de transistorspar plaquette de silicium double tousles 18 mois, de 2300 jadis à 55 millionsaujourd'hui, tandis que leur prix chuteverticalement. En 1973, le coût d'unmillion de transistors équivalait à celuid'une maison : 76 000 ¤ ; en 2005, il nevaudra plus que le prix d'un Post-It :0,004¤. Concurrence oblige. Maisinversement le vo lume desinvestissements nécessaires pour suivre

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une telle croissance double tous lesquatre ans. A tel point que l'industriede l'électronique est devenue la pluscoûteuse, devant l'automobile et lenucléaire (cf Chroniques du CEA, n°7,mars 2002). "Les budgets investis ontdoublé en dix ans", confirme JoëlMonier, directeur de la R&D deSTMicroelectronics (Isère Magazine, mai2002). Dans Le Monde, il estime que cecoût a été "multiplié par dix en troisans". On ne dispose pas du chiffreénoncé dans une troisième interview,mais bref, le financement est si élevéqu'il contraint certains groupes às'allier pour éviter que la concurrencene conduise prématurément aumonopole. C'est pour fabriquer despuces que ST, Philips et Motorola ontbâti leur usine de Crolles 2, à 3 milliardsd'euros. c'est pour mettre au point lesnouvelles technologies du silicium quele CEA bâtit Nanotec 300, son centre derecherche à 400 millions d'euros. Etc'est pour dépasser le silicium, grâceaux nanopuces, aux transistorsmoléculaires, aux ordinateurs à ADN (cfDemain le nanomonde, Jean-LouisPautrat, éditions Fayard), que ce mêmeCEA allié à l'INPG nous inflige sonMinatec à 150 ?… 180 millions d'euros? Avec l'appui du ministère de laRecherche et du commissaire européenà la Recherche. Comprenons bien : avec208 milliards de dollars en l'an 2000, lemarché des composants est le premierau monde (cf Chroniques du CEA, n°71,mars 2002).Mais pourquoi tant de puces ?

IV - A quoi servent lesnanotechnologies ?

Le Pan European du 15/06/02 nousrésume. "La nanotechnologie permetdéjà de nouvelles applications dans dessecteurs aussi divers que les technologiesde l'information (TI), l'industrie

automobile, les cosmétiques, les produitschimiques et les emballages. Elle devraitégalement ouvrir la voie à de nouvellesapplications et favoriser le développementde nouveaux secteurs industriels. Lestockage et la distribution d'énergie, ladétection, les mesures et les essais, lesprocesseurs et les techniques d'affichage,la bio-analyse et l'administration desmédicaments, la robotique et les appareilsmédicaux figurent parmi les secteurs lesplus prometteurs."On croirait entendre le Senhor Olivares,le blanc-qui-vend-tout, dans les albumsde Tintin. Ne sommes-nous pas cessauvages que les trafiquantsdépouillaient de leurs richesses et deleur liberté en échange de leurcamelote; gris-gris, verroteries, eau-de-feu ? Ne sommes-nous pas ces gogosque Pérec décrivait dans Les Choses (unehistoire des années soixante) et quicomblent d'objets fétiches, leur videintérieur ?Ce futur est tellement obsolète quenous imposent nos technarques. Quandon entend Jean Therme et ses pareilsnous agiter leur pacotille sous le nez,outre la honte que l'on ressent d'être àce point insulté, on ne peut s'empêcherde songer que c'est justement à cesachats de pacotille, qu'ils mesurent "lemoral des ménages". Que leur bonheur,c'est décidément le taux de croissance.On songe encore aux pathétiquesappels à la "consommation patriotique"qui aux Etats-Unis et en France suivirentles attentats du 11 septembre 2001. ABush le père, déclarant "non-négociable" "notre niveau de vie", alorsqu'il faudrait 12 planètes comme lanôtre d'ici 2050 pour étendre au restedu monde ce "niveau de vie", souslequel déjà succombe la terre. (cfSilence n°280, fév 2002)Mais qu'importe puisque nostechnarques ont inventé le feurafraîchissant et le développementdurable ? Puisque Jean Therme,directeur de cette "entreprise

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citoyenne" qu'est le CEA, a signé avecl'Ademe (Agence de l'environnement etde la maîtrise de l'énergie) un"partenariat" pour "optimiser" ses"gestions de déplacements etd'énergie". (Le Daubé. 27/03/02) Cequi somme toute ne peut pas faire plusde mal qu'un sparadrap sur une jambede bois.

Quand on lit la propagande desnanotechnologies dans leurs dossiersde presse, dûment régurgités par celle-ci, que l'on a deux fois assisté au mêmenuméro communicationnel, avec lesmêmes transparents, de Jean-CharlesGuibert (responsable des programmesde partenariat à Minatec) ou de JeanTherme (directeur du CEA-LETI), onreste finalement effaré de ce qu'ils nousoffrent pour vendre leurs projets.A quoi servent les puces ? A tout. Vousaurez tout pour rien : une cafetière(1 puce), un pèse-personne (1 puce),une carte bancaire (1 puce), un radio-réveil (3 puces), un auto-radio, unorgan ize r (6 puces), une télé, unportable (10  puces), un micro-ordinateur (50 puces !), sous oublier lasempiternelle 607 Peugeot-qui-embarque-autantd'électro-nique-qu'un-Airbus-d'il-y-a-dix-ans."Demain de nouveaux produits bourrésde composants électroniques miniaturisésenvahiront notre quotidien" nousavertissent les Nouvelles de Grenoble(sept 2002). "Nos mobiles deviendrontde véritables instruments multimédiasconnectés à Internet. Nos styloscommuniqueront à distance avec desordinateurs. Santé, mais aussi matériaux,vêtements, voitures… plein de domainesbénéficieront d'améliorations encoreinsoupçonnées ou de tota lestransformations." Minatec : Maxitoc.Et C h r o n i q u e (trimestriel du CEAGrenoble) de renchérir numéro aprèsnuméro, nous promettant "des jeuxvidéos, des télécommandes, destéléphones du 3e type, l'écharpe

multimédia, des biopuces etc" qui"changeront en profondeur notre viequotidienne" (n°69, p.6)Sans doute. Et à elle seule cetteprédiction justifierait un de ces débats-spectacles dont la société du mêmenom a le rituel. Mais il est typique denos technarques de changer d'abord"en profondeur notre vie quotidienne",puis de nous communiquer ensuite, lecaractère souhaitable et souhaité de ceschangements.Science et Vie d'octobre 2002 ajoute aucatalogue : des disques durs à hautedensité, de l'anti-polluant pour diesel,du verre auto-nettoyant, du bétonultra-haute performance, des "boîtesquantiques" pour suivre à la trace lesprotéines d'une cellule, tandis que IsèreMagazine de décembre 2002 nousrabâche encore l'écharpe et le frigo"communicants" (et d'ailleurs qu'ils sedébrouillent entre eux, ces objets n'ontplus besoin de nous) ou l'étiquette desupermarché "intelligente", quoiqueson QI n'ait pas été divulgué.

V- Grenoble et les nano-armes

Quand elles ne sont pas futiles, lesapplications des nanotechnologies sonteffroyables. Aussi nos technarquescommuniquent-ils le moins possible surle côté militaire et policier de leurstechnologies duales. Pour compenser,on reproduira in extenso, cet articuletdu Daubé paru le 3 avril 2001 :"Les microtechnologies, un enjeu de taillepour la Défense.La journée "Science et Défense" menéepar la Direction Générale pourl'Armement, inaugurait hier les 2e

rencontres internationales des micro etnanotechnologies, Minatec 2001, qui sedéroulent au World Trade Center jusqu'au6 avril."La pertinence d'une journée "Science etdéfense" dans le cadre de la semaineMinatec, provient du fait que lesperformances de nombreux équipementset systèmes de défense dépendent très

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directement des caractéristiques et de ladisponibilité des composants issus de lam i c r o é l e c t r o n i q u e e t d e smicrotechnologies. Une tendancerenforcée par l'évolution de ces mêmestechnologies qui génère des améliorationsmajeures de performances, économiquesou techniques, voire des ruptures dansl'architecture ou les concepts d'emploi."Une introduction de Laurent Malier,responsable du départements Composantsde la Direction Générale pour l'Armement,pour mettre en lumière le rôledéterminant des technologies dans lessystèmes de défense (missiles, élémentsstructuraux, radars…)Cette journée était l'occasion d'exposer,aux quelques 200 congressistes, lespriorités déduites des besoins de défenseet ce, par le biais de différentesconférences réparties selon trois grandesthématiques: microtechnologies pourl'électronique et le traitement du signal,capteurs intégrés pour la maîtrise durenseignement et enfin, matériaux ets t r u c t u r e s " i n t e l l i g e n t s " o unanostructurés.L'objectif ? Tisser des liens pour une priseen compte optimale des besoins dedéfense.Avec, en 2000, près de 90 MdF decommandes passées à l'industrie (niveaurecord depuis dix ans), un investissementen recherche et développementstechnologiques sur les trois dernièresannées représentant plus de 300 MF dontenviron un tiers portant sur lestechnologies génériques, la DirectionGénérale pour l'Armement vise à devenirun acteur majeur de l'Europe de laDéfense, tant au niveau de la conceptiondes programmes d'armement que de leurréalisation.Un objectif auquel cette journée devraitcontribuer, sans compter sur le fait qu'ellepropulse également Grenoble au rang decapitale internationale.Pourquoi avoir choisi la capitaledauphinoise ? Pour son rayonnementmondial à travers ses nombreuxlaboratoires, centres de recherches etuniversités qui constituent une sourceinépuisable d'innovations dans laquelle la

Direction Générale pour l'Armementpioche régulièrement. Un choix qui, selonLaurent Malier, s'est imposé toutnaturellement."

Tout naturellement.On imagine en effet "le rayonnementmondial" de notre "capitaleinternationale" quand des populationsd'Irak, du Liban, du Kurdistan et autresPalestines reçoivent sur la tête ces"matériaux et structures "intelligents"ou nanostructurés", dont noslaboratoires, centres de recherches etuniversités "constituent une sourceinépuisable". C'est là qu'on mesuretoute la pert inence de cesinternationalistes qui loin de seconcentrer sur des mesquinerieslocales, combattent par procurationdans des guerres lointaines. Et il doitêtre bien doux pour ces bombardésexotiques de savoir qu'à Technopolis,après une dure semaine au service de"l' innovation", le progressistegrenoblois trouve encore la force demanifester contre leur massacre.

Dans La Guerre au XXIe siècle (EditionsOdile Jacob, janvier 2000) un certainLaurent Murawiec, ex (?) militantd'extrême-droite, ex-consultant duministère de la Défense et chargé deconférences à l'EHESS, désormaisanalyste à la Rand Corporation, la boîteà idées du Pentagone, disserte sur"Mems, robots et silicone" (cf p.183)"Les MEMS (NDR Systèmes Micro-Electro-Mécaniques) sont les premièresgénérations de micro-machines : il s'agitde capteurs et de moteurs miniatures dela taille d'un grain de poussière dont lesprototypes entrent déjà en serviceaujourd'hui dans l'industrie (…) L'airbagqui équipe les voitures comporte undétecteur de mouvement de la taille d'uncheveu; ce petit morceau de siliconedétecte une accélération brutale duvéhicule avant de déclencher legonflement du ballon.(…) Plusl'ingénierie au niveau atomique, déjà

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courante, maîtrisera la constructionatome par atome, plus on pourra passerdu niveau microscopique au niveau dunanomonde, de l'infiniment petit. Plustard, après 2020 peut-être, ce seront lesmachines moléculaires qui prendront leuressor, capteurs moléculaires, nanotubesde carbone à partir desquels on construirades transistors moléculaires…La Défense se sera emparée de ce nouveaumicrocosme pour y porter l'attaque et ladéfense. Une application des MEMSactuellement à l'étude serait une"poussière de surveillance" qui seraitvaporisée au-dessus d'un champ debatai l le , ou d'une aire sousobservation;(…) Les pionniers de latechnologie des MEMS, les utilisent déjàdans l'aéronautique pour améliorer laportance des ailes des avions en réduisantles turbulences.(…)La technologie MEMS a et aura desapplications militaires multiples: ellecontribuera à rendre l'obus "intelligent",à stabiliser les missiles (un MEMS à20$ au lieu d'un gyroscope à 1000$ !), àaméliorer l'analyse des menaces (enremplaçant les spectomètres delaboratoires à 17 000 $ l'unité) (…)La robotique de bataille a devant elle unbrillant avenir. Contrairement auxanticipations de la science-fiction, il s'agitmoins de robots-guerriers que de petitsrobots légers, peu coûteux, versatiles,monofonction, micro ou nanorobotsutilisés comme capteurs ou transmetteurs,ou comme armes hautement spécialisées.Les chercheurs ambitionnent de fairecoopérer ces micro-unités sous la forme deréseaux neuronaux de bataille.(…) Letriage et la modélisation des donnéesseraient effectués par une architectureenglobante d'intelligence artificielle (…)Les androïdes de la science-fictionviendront plus tard, les androïdes deguerre en particulier, avec ledéveloppement de la puissance de calcul,des réseaux neuronaux, de lareconnaissance de forme et des capacitésde simulation. C'est donc la robotiqueplus que les robots qui sera exploitée parla guerre (…)

On passera ensuite aux ordinateurs àmolécules d'ADN pour exploiter leursprodigieuses capacités de stockage. Onpassera également aux ordinateursquantiques, et finalement à la bionique,c'est à dire à l'intégration directe entrel'homme et la machine – qui faitaujourd'hui ses premiers pas en chirurgie,pour donner aux tétraplégiques lacapacité de mouvoir un curseurd'ordinateur par la pensée, c'est à direpar l'intermédiaire d'un entrelacement del'organique et du silicone au niveauneuronal."

Certes, quand la guerre devientchirurgicale, la moindre des choses estque la chirurgie répare ensuite sesdégâts et serait-on tétraplégique, qu'onrêverait sans doute de cette prothèseintégrée. Mais à supposer que laditeprothèse ne soit pas un pur leurre, onvoit comme les nécrotechnologiesavancent toujours sous couvert civil,humanitaire ou médical. Ce qui avaitc o n d u i t l e m a t h é m a t i c i e nGrothendieck, médaille Fields 1966, àrenoncer et appeler au renoncement àtoute recherche . Les plus abstraitesportant leurs applications en elles,comme la nuée l'orage.On n'a pas ici de ces vains scrupules etla technocom grenobloise s'égosille àcélébrer Tronic's et PHS Mems, deux"essaimages" du CEA-LETI fabricants deMEMS. Créée en 1997, Tronic's vaaugmenter sa capacité de productionde quelques milliers de capteurs àplusieurs millions par an. Tronic'sbénéficiera pour cette opération d'uneaide exceptionnelle de 275 000 ¤ duconseil général de l'Isère. La sociétéemploie 20 personnes et a réalisé en2001 un chiffre d'affaires de 1,5 M¤(Lettre de Minatec n°3, avril 2002). Maisla perle de "l'essaimage" grenoblois, lagloire des start up locales, c'estMemscap, un scion de l'INPG (InstitutNational Polytechnique de Grenoble)."Sans-fil et optique pour Memscap" (LeMonde 31/01/02). "MEMS, comment des

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microsystèmes ont fait la fortune d'unchercheur grenoblois" (Objectif Rhône-Alpes , avril 2001). "Memscap, uneréussite grenobloise" (Le Daubé , avril2002) "Memscap vers le futur" (Le Daubé5/11/02). On ne reproduira pas tout lepress book mais puisque letechnogratin se rengorge sur la valeurexemplaire de cette boîte, autant s'yarrêter un peu.

A l'origine de cette parabole, Jean-Michel Karam, un étudiant de l'Esiee(Ecole Supérieure d'Ingénieurs enElectrotechnique et Electronique, àParis) et du laboratoire Tima(Techniques de l'Informatique et de laMicroélectronique pour l'Architecturedes ordinateurs) de l'INPG. "Quand jesuis arrivé dans ce laboratoire en 94, j'aitout de suite créé un groupe de recherchespécialisé dans les Mems qui est devenurapidement le premier laboratoire publicà faire des produits technologiques pourl'industrie. C'est là que j'ai vu qu'il y avaitun marché énorme et que c'était lemoment de monter ma boîte. Du coup,j'ai quitté mon poste de chercheur oùj'avais la sécurité de l'emploi pour lancerM e m s c a p . " (Objectif Rhône-Alpes,avril 01)Détail touchant, Karam "débauche" leprof qui l'avait poussé dans cette voie,retour de "débauche" en somme. En1997, à 27 ans, il lance Memscap avec400 000 F de fonds propres et 12millions de frs de filiales de FranceTelecom et de la Banque Populaire. Enavril 2000, il "lève" encore 72 millionsde frs auprès des mêmes et d'ungroupe suisse. En avril 2001, "il crée lasurprise en levant 760 millions de frs alorsque le Nasdaq est au plus bas." "Même siaujourd'hui Memscap ne réalise que 20millions de frs de chiffre d'affaire avec100 salariés, cette entreprise est valoriséeen bourse à 2,8 milliards de frs. Et ce n'estqu'un début pour son PDG, Jean-MichelKaram qui affiche sans complexe sonambition : devenir le leader mondial dansson secteur." (id)

Un an plus tard, c'est chose faite et leDaubé revient sur "le fabuleux destin dela jeune entreprise". Implantée dans huitpays. Présente sur tous les marchés.Disposant déjà de 73 brevets. Avec unenouvelle usine à 520 millions de francs,construite à Bernin dans le Grésivaudanet un chiffre qui double chaque année.Dans moins de cinq ans, Memscapvaudra au moins des dizaines demilliards de dollars selon Jean-MichelKaram. "Dans l'une des salles deconférence situées au rez-de-chaussée del'immense et toute nouvelle usine –la" f a b " - d u s p é c i a l i s t e d e s"Microelectromechanicals Systems", et enprésence du consul général des Etats-Unisà Lyon, Cameron Scott Thomson, on fait lepoint sur le marché mondial de cesé t o n n a n t s m i c r o - c o m p o s a n t sélectroniques qui croît sans faiblir, sur lesperspectives de Memscap, sur ses résultatsdu troisième trimestre." (Le D a u b é5/11/02)Principaux clients ? La Nasa, Kodak,Microsoft, Motorola, Bosch, Xerox,Samsung et STMicroelectronics."Rappelons que les MEMS de la sociétérebondissent dans les secteurs descommunications sans fil et optiques, dumédical et du biomédical, de l'aérospatialet du militaire." (id)

Rebondissons. Comme le dit Jean-Charles Guibert, "ambassadeuritinérant de Minatec" : "La vocation infine, c'est de créer de l'industrie et desemplois" (Chronique du CEA n°73,automne 2002). Comme le répèteVincent Comparat, simultanémentdirecteur de recherches à l'Institut desSciences Nucléaires et du Rouge et leVert, bulletin de l'Ades : "Minatec(…)Les recherches effectuées ne sont paspilotées par des intérêts militaires (mêmesi elles peuvent avoir des implicationsmilitaires) et ne posent pas à priori deproblèmes d'éthique importants. Ellesvisent à assurer à Grenoble une positionde leader sur les développements futursdans les micro et nanotechnologies.(…)

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C'est la poursuite du modèle dedéveloppement grenoblois qui a été uneréussite par le passé, et qui avait tendanceà s'essouffler à cause d'une concurrencebeaucoup plus forte d'autres pôlesuniversitaires et de recherche. C'est aussila poursuite du modèle qui associerecherche, formation et transfert versl'industrie. De ce point de vue lescollectivités, conseil général, Métro et Villede Grenoble, se devaient de soutenirfermement cette initiative." (Le Rouge etle Vert N°84 fév/mars 2002)

En somme "le développementgrenoblois" (recherche, industrie,emplois) n'a pas d'odeur. Notre niveaude vie n'est pas négociable. Lescomparatistes ne voient nulle objectionaux nanotechnologies tant qu'ellesservent à remplir les magasinsd'électro-ménager. Et ces gens qui sontpourtant les mieux placés pour savoir( é c o l o - c i t o y e n s , m a i s a u s s iscientifiques, économistes, sociologuesetc.), ignorent ce que sait n'importequel lecteur du D a u b é  : "Lerayonnement mondial" de notre "capitaleinternationale", "à travers ses nombreuxlaboratoires, centres de recherches etuniversités qui constituent une sourceinépuisable d'innovations dans laquelle laDirection Générale pour l'Armementpioche régulièrement."Où l'on voit que le "développementgrenoblois" était du "développementdurable" avant la lettre.

VI – La robotique folle

C'est bien l'avis de Geneviève Fioraso(adjo inte au déve loppementéconomique, à l'innovation, aucommerce et à l'artisanat à la ville deGrenoble), qui n'est pas une techno-dinde puisqu'elle parle courammentl'anglais, et même en chaque occasion.Dans chacun de ses glougloutements,respectueusement reproduits par lesA f f i c h e s (31/05/02), Le D a u b é(18/09/02), les Nouvelles de Grenoble

(sept 2002), elle nous serine : " AGrenoble, innover pour développer lesemplois, les services et la culture desnouvelles technologies"."Le numérique, des micro etnanotechnologies aux services sur Interneten passant par le développement logiciel,les multimédias, la robotique et lestélécommunications : plus de 30 000emplois directs aujourd'hui dansl'agglomération, les biotechnologies, lesnouvelles technologies de l'énergie."Notons au passage ce techno-pidgin :ces gens parlent comme ils pensent, enstyle télégraphique. Et intéressons-nousà la robotique en effet proliférante dansla cuvette. Que ce soit à l'INRIA (InstitutNational de Recherche en Informatiqueet Automatique), à l'INPG et bientôt àMinatec. Peu importe que cetterobotique soit "civile" ou "militaire",que ces automates soient soudeurs,guerriers, chirurgiens ou polyvalents,quand leur destin réside dans la volontéde leurs ingénieurs. Ainsi le laboratoireIntelligent Autonomous Systems deBristol (Grande-Bretagne) a mis aupoints des s lugbots , des robotscarnivores qui chassent les limaces etles broient pour en tirer l'énergienécessaire à leur alimentation.Pourquoi des limaces ? "Pour débuternous n'avions pas la prétention deconstruire un robot puma capable dechasser un zèbre, explique Ian Kelly,chercheur en fin d'études qui refuse d'êtrepris en photo après avoir avoué qu'ilcraint des représailles des associations dedéfense des animaux." (Science et Vie,nov 2000). A défaut de les dévorer, lesrobots chasseurs d'hommes (drones)survolent déjà certaines régions pourtuer leurs proies à l'improviste et nuldoute qu'on ne les emploie toujoursplus au maintien de l'ordre. Il semblecependant que leur malfaisanceaugmente avec leur miniaturisation. Siles chercheurs nous leurrent avec "desmachines à récurer les artères, descorrecteurs de gènes, des tueurs de virus etde tumeurs, des puces mille fois plus

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puissantes que les ordinateurs actuels, descapteurs d'énergie solaire à hautrendement ou des armées de milliards derobots capables de dépolluer sols etnappes phréatiques" (Libération , 2-3/12/00), il s'en trouve au sein dusystème pour trahir leur effroi.

"Les technologies que je pointerais dudoigt comme par t i cu l iè rementinquiétantes pour les cent prochainesannées sont les nanotechnologies,l ' intel l igence art i f ic iel le et lesbiotechnologies (…). Avec lesnanotechnologies (c'est-à-dire lapossibilité de créer des robots minusculescapables de manipuler directement lesatomes) se pose le problème de la massevisqueuse grise : ces nano-entitéspourraient se multiplier jusqu'à réduire lemonde à une masse gluante. Quant auxbiotechnologies, il est évident que nousavons là un gros problème, car elles serapprochent des nanotechnologies et del'intelligence artificielle. Une fois que nousaurons commencé à implanter desnanotechnologies dans des organismes etque nous nous mettrons à élever desbactéries à capacités nanotechnologiques,nous serons en mesure d'aller bien plusloin que le Borg (un être monstrueuxamalgame de technologie et de chair) deStartrek. Et ces organismes surhumainspourraient ne pas beaucoup nousaimer…" (Ian Pearson, chercheur encybernétique. New Scientist dansCourrier International, oct 02).

"L'impact des technologies del'information sur les cinquante prochainesannées sera plus important que tout ceque nous connaissions jusqu'alors,puisque les ordinateurs nous permettrontde modéliser puis de transformer lemonde physique. Le Human GenomeProject marque les débuts de la biologieen tant que science de l'information, et lananotechnologie, qui offrira les moyensde concevoir et de manufacturer desproduits à l'échelle de l'atome, n'est pasloin derrière (…). Ces nouvelles sciencesdu XX Ie s ièc le – génét ique,nanotechnologie et robotique (nous

abrègerons en GNR) – pourraient biencréer une masse gigantesque de nouvellesrichesses, peut-être de l'ordre d'un millionde milliards de dollars. Cette prodigieusecréation de richesses, accompagnée desautres impacts des nouvelles technologies,débouchera sur des changementsinfiniment plus importants que ceux desdeux premières phases de la révolutionindustrielle (…).Très certainement, l'ingénierie génétiquepourra permettre l'eugénisme, ce qui nousobligera à décider qui nous voulons être ;les spécialistes de la nanotechnologiepourront changer arbitrairement lemonde physique, et il nous reviendra dedécider dans quel genre de monde noussouhaitons vivre ; les ingénieurs de larobotique pourront mettre en marche desmachines plus puissantes et plusintelligentes, dont le pouvoir nousmenacera, de sorte que nous devronsdécider, avant de créer de telles espèces, sinous (du genre homo sapiens) voulonscontinuer à exister (…).Grâce aux biotechnologies, lesnanotechnologies seraient à même dedétruire la biosphère, une armée derobots complètement cinglés comme nousn'en voyons encore que dans les filmspourrait débouler (…). Plus encore,certaines technologies sont si dangereuses– les nanotechnologies illimitées, parexemple – que nous devrions purement etsimplement en interdire la pratique,comme le reconnaissent certains desnanotechniciens les plus en pointe"(Libération, 24/08/00).

L'auteur de ces lignes, Bill Joy, estdirecteur scientifique et co-fondateurde Sun Microsystems, l'une des plusgrosses boîtes d' informatiqueaméricaines, il a été nommé vice-président du Comité présidentielconsultatif des technologies del'information des Etats-Unis, créé pourservir de "guide et de conseil dans tousles secteurs de l'information high tech,d'accélérateur du développement destechnologies de l'information, vitales

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pour la prospérité américaine du XXIe

siècle".Pour les internautes, il est surtoutl'inventeur du langage Java, " c e tincontournable standard du net", dit leD a u b é , dans son compte-rendud'inauguration du nouveau site derecherche et développement de SunMicrosystems, voici un mois, àMontbonnot."Pour les personnalités invitées, àcommencer par le préfet, AlainRondepierre, cette ouverture vientrenforcer "l'intelligence" d'une vallée quidéploie ses seniors de l'innovationtechnologique jusqu'à Crolles et sonprometteur triptyque STMicroelectronics)Philips – Motorola. Une opinion partagéepar Jim Mitchell et David Nelson-Gal, vice-présidents du Sun Microsystems, RichardCazenave, député, Bernard Saugey,sénateur, Mathieu Chamussy, conseillerrégional, Edmond Roy, vice-président duConseil Général et, bien sûr, AndréEymery, maire de Montbonnot-Saint-Martin…" (Le Daubé, 15/11/02).

Dommage que Bill Joy n'ait pas été làpour leur faire part de son horreurdevant ces "innovations" auxquelles ilcontribue pourtant avec ses collègueschercheurs. Avec Jean-Louis Pautrat parexemple, physicien au CEA-LETI deGrenoble, l'un des initiateurs deMinatec, qui dans un livre en forme deprophétie auto-réalisatrice (Demain lenanomonde , J.L Pautrat. EditionsFayard, 2002), conclut par l'éthico-verbiage de routine, citant un article dece même Bill Joy ("Why the futuredoesn't need us", Wired, 8/04/00)"Le comble serait atteint le jour où cesrobots deviendraient capables de sereproduire… Certains, comme RayKurzweill (The Age of SpiritualM a c h i n e s , Penguin Books, 1999),affirment déjà qu'il sera possible defabriquer un calculateur simulant lefonctionnement du cerveau humain et deses milliards de neurones. Par uneopération semblable à la copie du disque

dur d'un ordinateur, on pourrait alorstransférer au calculateur l'ensemble del'activité cérébrale d'un individu. Nousavons aussi montré que des progrèsconvaincants avaient été réalisés dansl'utilisation de l'ADN comme support etprogramme d'automates logiques.L'auto-réplication est bien une autrepropriété de l'ADN, voire de certainspeptides. Ainsi le gray goo problem (NDRla matière grise gluante) n'est peut-êtrepas tout à fait à exclure du champ deshypothèses.La menace paraît suffisamment sérieuse àBill Joy pour qu'il souhaite voir apparaîtreune mobilisation des esprits semblables àcelle qui a permis dans la seconde moitiédu XXe siècle, d'aboutir à un relatif maisjusqu'à présent efficace contrôle desarmes nucléaires. Il en appelle à une prisede conscience des dangers courus par lasociété et à une active contribution desscientifiques à la mission de vigilance. End'autres termes, gardons-nous de nousengager dans la mise au point d'entitéscapables de s'auto-reproduire, qu'ellessoient issues de la robotique, de lagénétique ou de l'association des deux."(Demain le nanomonde)

Dans son article de Wired , Bill Joyexplique ce "gray goo problem", ceproblème de "matière grise gluante" ouplutôt grouillante qui alarme lest e c h n o l o g u e s a m é r i c a i n s ."Concrètement, les robots, les organismesgénétiquement modifiés et les nanorobotssont unis par un redoutable facteuraggravant : ils ont la capacité de s'auto-reproduire. Une bombe n'explose qu'unefois; un robot, en revanche, peut sedémultiplier, et rapidement échapper àtout contrôle."Si cela vous rappelle "l'apprenti-sorcier", dites-vous pourtant que nousne sommes pas dans un dessin animé,que ces robots ne sont pas de simplesbalais-porteurs d'eau, et qu'il n'y aurapas de maître-sorcier pour enrayer lecataclysme juste à temps.

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Tout l'effort de conscience d'un Pautratconsiste à citer Bill Joy, qui cite RayKurzweill, qui cite Theodore Kaczynski,l'un des plus lucides critiques desnécrotechnologies, mieux connu sous lenom d'Unabomber. Gagnons dutemps : lisons La Société industrielle etson avenir par Theodore Kaczynski(Editions de L'Encyclopédie desNuisances).Tout l'effort de conscience d'un Bill Joyconsiste à suer son angoisse et sesremords, et à en appeler à la consciencede ses pairs, pour contrôler les technosfolles qu'ils ont mises au point. Lacomparaison avec le nucléaire estlumineuse. Faut-il rappeler à l'honnêtePautrat, physicien au Commissariat àl'Energie Atomique, que le contrôle"relativement efficace" de l'armenucléaire aboutit à sa disséminationdans 70 pays, en grande partie grâce àla France et au CEA (cf A f f a i r e satomiques , D. Lorenz. Editions desArènes), à l'usage de munitions àl'uranium appauvri, à la hantise des"bombes sales" aux déchets radioactifs,sans compter les ravages de l'atomecivil. Mais comme titrait Le Monde aulendemain d'Hiroshima : "Unerévolution scientifique".Des états d'âme de Bill Joy et Cie, onpeut dire ce que disaient André Bretonet les surréalistes à proposd'Oppenheimer et Cie. " L e sprotestations contre la course auxarmements que certains physiciensaffectent de signer aujourd'hui, nouséclairent au plus sur leur complexe deculpabilité, qui est bien dans tous les casl'un des vices les plus infâmes del'homme. La poitrine qu'on se frappe troptard, la caution donnée aux mornesbêlements du troupeau par la même mainqui arme le boucher, nous connaissonscette antienne. Le christianisme et sesmiroirs grossissants que sont les dictaturespolicières nous y ont habitués.Des noms parés de titres officiels, au basd'avertissements adressés à des instancesincapables d'égaler l'ampleur du

cataclysme, ne sont pas à nos yeux unpasse-droit moral pour ces messieurs, quicontinuent en même temps à réclamer descrédits, des écoles et de la chair fraîche.De Jésus en croix au laborantin"angoissé" mais incapable de renoncer àfabriquer de la mort, l'hypocrisie et lemasochisme se valent.""Démasquez les physiciens, videz leslaboratoires" proclamait ce tract qui,depuis le 18 février 1958, n'a fait quegagner en urgence, tandis que nous necessions de perdre du temps, enattendant qu'il soit trop tard.

VII – Tout le pouvoir aux puces

"Nos amies les puces prennent le pouvoirpartout" bêtifiait Le Daubé du 4 avril2001, dans un énième article à la gloiredes nécrotechnologies locales. "Lespuces font des sauts de géant. Minatecdéroule son tapis d'innovations àGrenoble. Un rendez-vous des micro etnanotechnologies consacré par sesintervenants internationaux, et quipromet de surprenantes révolutions dansnotre quotidien très miniaturisé. GemPlus,par exemple. Les cinq mille ingénieurs dupremier fournisseur mondiales desolutions pour cartes à puces travaillentau… tout petit et tout intelligent dans uneépaisseur de plastique d'un millimètre. Etmême moins pour le système puce etantenne noyé dedans, l'antennepermettant de communiquer à distanceavec un lecteur, permettant à unutilisateur de régler son accès à untramway, une remontée mécanique ou unimmeuble sécurisé… Et même mieux,puisque, selon Jean-Luc Ledys, deGemPlus, on pourra sur la carte incluredu film, des images, du son, avec de lareconnaissance vocale !" Nos amies lespuces prennent le pouvoir partout."Bosch les positionne partout dansl'automobile. Philips comme Nokia,propose des "vidéo-tablettes" permettantde suivre son trajet auto ou train partoutsur la planète… Voilà de quoi motiver noschercheurs, tout particulièrement portéspar les mesures d'accompagnement du

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ministère français de la Recherche, quiregardent de près les innovations levéesau CEA, et tout particulièrement auLETI/CEA-Grenoble, fer de lance du projetde pôle Minatec."On ne saurait mieux que ce valet decom' dire que les chercheurs sont desmercenaires, les commandos de chocdu techno-capitalisme. Et il n'est quetrop vrai qu'ils travaillent à larévolution et à la miniaturisation denotre quotidien. Mais, s'il vous plait,quand nous a-t-on demandé notre avissur cette prise de pouvoir "par lespuces" ? Et qui peut croire qu'elle selimitera à la sotte bimbeloterie dont onbourre nos vacuités contemporaines ?

Applied Digital Solutions, une boîte deFloride, commercialise depuis l'andernier "VeriChip", une puce de la tailled'un grain de riz, qu'un simple piqûreinjecte dans le corps humain. VeriChipfonctionne comme un émetteur radio.Quand on l'active grâce à un scanner,elle livre le "code d'identification" duporteur. Il suffit alors d'introduire cecode dans une banque de donnéesinformatiques pour récupérer le dossierde la personne concernée (patient,victime, suspect, etc.). VeriChip est laversion up to date de la carted'identité, une des inventions les plusliberticides de la Révolution française.Qui s'offusque de VeriChip doitréclamer l'abolition de la carted'identité, à l'introduction de laquelleles anglais ont résisté deux cents ans.Selon son vice-président, Keith Bolton,Applied Digital Solutions aurait signédes contrats avec des sociétésd'Amérique du Sud, avides d'acquérirla technologie VeriChip pour identifierleurs employés. La puce coûte environ220 ¤, le scanner environ 1650. (cf.Libération 11-12/05/02)VeriChip peut être dotée d'un systèmeGPS relié au réseau satellitaire quipermettra de surveiller tous lesmouvements du porteur. "Là encore,

selon Keith Bolton, ce sont les étatsd'Amérique du Sud qui le réclament. Faceà leurs problèmes de kidnapping, ilspensent que cet appareil de détectionserait la solution immédiate." A SâoPaulo, par exemple, l'homme d'affairesAntonio de Cunha Lima s'apprête àlancer VeriChip. "C'est un garde du corpsélectronique, explique Lima, qui refused'en révéler le prix. Il est ce qu'il y a deplus sûr contre l'enlèvement. Il aura ungrand succès au Brésil. J'ai déjà une listed'attente: des hommes d'affaires, desprofess ions l ibérales…" (Libération26/07/02)En septembre 2002, nos amies les pucesfont de nouveaux sauts de géant dansles esprits. Après le meurtre de deuxfillettes, Holly et Jessica, dans la petiteville de Soham (Grande-Bretagne),Kevin Warwick, un chercheur encybernétique de l'Université deReading, propose d'implanter VeriChipdans le bras ou l'estomac des enfantspour prévenir les enlèvements. Cetteproposition rencontre un vif succès,suivant l'agence Reuters (3/09/02)."Après l'affaire Holly et Jessica, nousavons discuté en famille de ce que nouspourrions faire… je sais que rien n'estinfaillible, mais nous pensons que la pucejouera un certain rôle pour la protéger"déclare la maman d'une petite Wendy,dans les colonnes du Daily Mirror.Mais qui protégera la petite Wendy desa maman ? Et comment pourra-t-elle"vivre sa vie" quand à toute heure dujour et de la nuit, sa maman saura oùelle se trouve, ce qu'elle fait et à qui elleparle ? Comme il est désuet ce"panoptikon" dont Foucault nousparlait dans Surveiller et Punir, habiledispositif architectural pour "tout voir"dans les lieux du pouvoir. Nos amies lespuces prennent le pouvoir partout.Parallèlement à VeriChip, AppliedDigital Solutions commercialise unemontre reliée au système GPS. Cettemontre est utilisée par les autoritéspénitencières de Californie poursurveiller les prisonniers en liberté

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conditionnelle. Trop facile à ôterestime-t-on à Londres, au Ministère dela Peur. "La dernière idée en vogueconsisterait à implanter sous la peau despédophiles déjà condamnés un "tag"électronique apte à signaler les indicesavant-coureurs d'une possible récidive.Cette puce en silicone serait mise en placesous simple anesthésie locale.Selon des documents obtenus parl'hebdomadaire The Observer, ceminuscule équipement, relié à un satellite,enregistrerait les battements de cœur et latension artérielle de l'individu surveillé, etalerterait sur l'imminence d'un éventuelacte de délinquance. Il décèlerait non pasl'état d'excitation sexuelle du pédophile,mais sa nervosité et sa peur. Le systèmefonctionnerait de la même manière quecelui qui permet de retrouver la trace d'unvéhicule disparu. La mise au point de cesystème a d'ailleurs été demandé à lacompagnie Tracker, qui gère le plus grandréseau de recherche des voitures volées.Cette innovation perfectionnerait lesméthodes de contrôle actuelles, qui nepermettent que de localiser le délinquantsans enregistrer ses pulsions.Le projet, salué par les associations delutte contre les crimes sexuels, suscitel'hostilité des défenseurs des droitsciviques. John Wadham, directeur del'Organisation Liberty, dénonce cette"vision effrayante de l'avenir". "Oùs'arrêtera-t-on, demande-t-il. Implantera-t-on ensuite des puces sous la peau desmarginaux ou des demandeurs d'asile ?"(Le Monde 19/11/02)John Wadham est bien naïf. C'est soussa peau à lui, sous la peau de tous lesmal-pensants, de chaque individu,qu'on implantera cet électroflic. Et avecempressement. "De nombreuxadolescents réclament la VeriChip parcequ'ils pensent que c'est cool" dit le vice-président d'Applied Digital Systems.(Libération 12/05/02)Cool. Les années 2000 seront gaies,vigoureuses, technologiques et actives,comme disent les médias branchés.

"A terme, selon Libération (id), certainsimaginent d'implanter des puces près ducerveau ou de la moelle épinière, ce quipermettrait d'agir sur les émotions ou lesmouvements."Le terme, c'est maintenant. Voici treizeans déjà, qu'à l'hôpital de Grenoble onimplante des électrodes dansl'hypothalamus des victimes de lamaladie de Parkinson pour calmer leurstremblements à l'aide de stimulationsélectriques. (cf Dauphiné News n°4, janv1989)Louable invention. Au DownstateMedical Center de Brooklyn, l'équipede John Chapin implante égalementdes électrodes dans le cerveau deroborats (ou de rabots comme préfèrele dire Jean-Louis Pautrat), téléguidésensuite par radio. Les signaux produitspar une micropuce fixée sur le dos desanimaux, sont émis à partir d'unordinateur (Le Monde 5-6/05/02). Pourdresser les rats, il suffit comme avec leshommes, de stimuler les zones deplaisir et de douleur. Jean-Louis Pautratnote plaisamment "qu'au cours duréglage d'une de ces installations dethérapie, la patiente aurait même affirméque le système stimulait parfaitementl'orgasme! Sommes-nous en présence desfutures cyberdrogues ?" (cf Demain lenanomonde, p.229)Mais après tout si l'avenir de lareproduction passe par les fivettes, lesmères-porteuses, le clonage et leProcédé Bokanovsky, pourquoi le plaisirne jaillirait-il pas d'une connexionélectronique ?Une expérience célèbre avait montrécomment des rats équipés d'électrodes,et disposant d'une pédale pourdéclencher à volonté ce spasme deplaisir, finissaient par mourir de faim,mais heureux, à force d'appuyer sansrelâche sur leur pédale.On voit toute la richesse d'applicationque technarques et maîtres-rats sauronttirer de ces ingénieux dispositifs, et quilaissera loin derrière les grossières

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expériences des docteurs nazis. Neserait-ce qu'en termes militaires, lesperformances de roborats, robots-singes, robots-pigeons ou robots-dauphins pourraient surpasser celles depurs automates. En terme de maintiende l 'ordre , une populat ion"électronifiée" offrirait enfin la solutionfinale aux troubles à l'ordre public.Aussi la Darpa, une agence du Ministèrede la Défense américain, a-t-elle bienraison de financer ces recherches.

Selon le précieux Pautrat, John K.Chapin, reconnaît que "ce ne seraitcertainement pas une bonne idée derépéter ces expériences sur des primatesou des hommes". Ces travaux impliquenten effet une forme de prise de contrôlepropre à soulever nombre de questionséthiques si elles s'exerçaient sur desanimaux supérieurs. Habituer un individuà recevoir des impulsions de récompensereviendrait, dit encore Chapin, à créer unesituation proche de la dépendance à lacocaïne."Cool.Dans Le Monde, ce même Chapinindique que : "Nous essayons d'éviter lerecours à des animaux plus gros à causedes problèmes éthiques". Cette réserveaffichée par les chercheurs permetd'esquiver une autre question plusdélicate encore: sera-t-il un jour possiblede piloter ainsi des êtres humains ?"Sachant à quelle vitesse on modifie leslois de bioéthique "compte-tenu del'avancée des connaissances" on voitbien que cette enfilade d'euphémismeset de périphrases signifie en réalité : Ilsera un jour possible de piloter ainsides êtres humains. Mais ce jour est siproche, si fort l'obscurantisme techno,si puissante la technocaste, que cejournaliste n'ose sans doute pass'avouer à lui-même ce qu'il murmure àmots couverts, de crainte d'être mal vu.Et l'on sent bien que les minauderies"éthiques" d'un Chapin ou d'un Pautratne sont que des camouflages de pureforme à de prochains faits accomplis.

"Les problèmes éthiques" sont juste leproblème que constitue l'existenced'opposants à l'automatisation del'espèce humaine.

"VeriChip constitue un progrès majeurpour la traçabilité du cheptel humain. Onvoit clairement comment son usage serépandra. D'abord en invoquant leprétexte humanitaire. La puce, nous dit-on, permet aux médecins d'intervenir plusvite en cas de problème. C'est ainsi quecommencent toutes les dérivestechnologiques : voyez le clonage humain.Puis se construiront autour d'elle dessystèmes toujours plus nombreux, quijustifieront qu'on "empucèle" des couchestoujours plus larges de la population. Unjour viendra où l'on ne pourra plus vivresans elle – comme c'est déjà le cas surInternet sans carte bancaire. Ce jour-là,on envisagera de l ' implantersystématiquement à la naissance. Sonport deviendra obl igatoire. Se"dépuceler" sera criminel". (Jean-MichelTruong, chercheur en IntelligenceArtificielle, Libération du 11-12/05/02)Ce que l'histrion Warwick confirme àcorps et à cri. Ce cyber-intégriste ne secontente pas de prêcher l'implantationde mouchards chez les enfants. Il s'esttruffé le bras de puces, ainsi que celuide sa femme, pour échanger leurssensations à distance et se connectersur ordinateur. Warwick espère ainsicommander un robot par signauxélectriques émis du cortex. Desmacaques équipés ont déjà réussi àremplacer la commande manuelle parla commande cérébrale. Si l'ordinateurrenvoie le signal vers le cerveau, c'estlui qui prend la commande du geste.Prétexte humanitaire ? Warwick ditqu'il espère ainsi faire marcher lesparalytiques. Mais évidemment ilpourra faire marcher n'importe qui. Sesambitions visent d'ailleurs rien moinsque l'interconnexion de l'humain àl'ordinateur pour accéder au savoirtotal de l'humanité et créer ainsil'espèce supérieure des cyborgs. "Ceux

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qui décideront de rester humains etrefuseront de s'améliorer auront unsérieux handicap. Ils constitueront unesous-espèce et formeront les chimpanzésdu futur."(id)"Warwick espère provoquer le débat,comme la naissance de Dolly a alimentécelui sur le clonage. Bien qu'il attended'importants progrès de l'assistanceinformatique, il ne cache pas que cettetechnologie, si elle n'est pas contrôlée, estgrosse de dangers. Par exemple, sil'ordinateur est capable de faire bouger lebras de Warwick sans la volonté de cedernier, alors cela tendrait à suggérerqu'un jour un ordinateur pourraitcontrôler un individu à distance, au lieude l'inverse – ce qui, admet-il, est uneperspective troublante. "Si nous arrivonsà créer des entités surhumaines, celapourrait signifier la fin de l'humanité",remarque Warwick. Et même ce cyborgestime que c'est là une question à laquelleles humains, et non les ordinateurs,doivent répondre." (S c i e n c e /CourrierInternational, oct,nov,déc 02)

Trop tard. Warwick, Chapin, Antinori ettous leurs pairs, ont décidé pour nous.Même quand ils feignent des étatsd'âme pour nous faire croire lecontraire ou du moins "qu'ils neferaient pas n'importe quoi." Objectifatteint : c'est à "ceux qui savent", auxspécialistes, voire aux spécialistes del'éthique, bio ou pas, que nousremettons le sort de l'humanité. Nousne sommes déjà plus tout à faithumains, nous qui abandonnons notreprérogative d'humain (le libre-arbitre),à leurs manipulations.

Parce que des écrivains clairvoyants(Aldous Huxley, Georges Orwell, PhilipK. Dick) ont romancé nos désastreslongtemps avant que des cinéastes n'enfassent des films, des lourdauds quiposent aux esprits forts voient encorede la science-fiction dans nos désastresles plus actuels. Phantasmes !… Parano!… On n'en est pas là !

Ainsi n'est-il pas vrai qu'au bout d'unsiècle et demi, les ravages de l'industriedégradent et menacent la vie sur terre.Que nous nous fassions depuis 67 ans, àla possibilité d'une apocalypsenucléaire. Que le conditionnement demasse façonne nos passivitésfrénétiques. Que des filets decontention (électroniques, génétiques,etc.) sous l'égide de "comitésd'éthique" ou de "commissions deslibertés", resserrent leurs mailles surnous, jusqu'à l'entière soumission.On a vu en avril dernier, à Grenobleplus qu'ailleurs, défiler un grandconcours de dupes nous appelant àpréférer "l 'escroc au facho".Maintenant que sous le masque del'escroc reparait comme prévu la trognedu facho, ces doubles dupes nousinvitent à combattre les loissécuritaires. Toujours après coup.Toujours à courte vue. Sans jamaisanticiper sur les innovationsautoritaires. Le Pen, Sarkozy, et tousleurs émules ne sont que desépouvantails. Ce qui rend leursmenaces crédibles, c'est l'existencepréalable d'une techno-police. Vidéo-s u r v e i l l a n c e , l o g i c i e l s d ereconnaissance et de surveillanceélectronique, biométrie, fichageinformatique et génétique, flash-balls,laser, taser, etc.Comme le claironne Science et Vied'octobre 2002 : "La science et latechnologie sont devenues les meilleuresalliées de la police. Et encore plus depuisles attentats du 11 septembre… Neuro-sciences, imagerie cérébrale, techniquesd'identification high tech, armesneutralisantes et non plus mortelles : dansle secret des laboratoires se trameactivement l'avenir de la lutte contre lacriminalité. Avec des résultats déjà inouïs!"On mesure la pertinence de cescollectifs "ras-l'front" ou "contre les loisSarkozy" qui prétendent s'opposer "aufascisme" ou à "la répression" sans mot

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dire de la science policière. Qui dûmentinformés, laissent sans réaction uneconférence du chef de la sectionbiologique du Laboratoire de PoliceScientifique de Lyon, le 21 novembre2002, à la maison du Tourisme(courtoisie du Centre de CultureScientifique Technique et Industrielle).Conférence consacrée à l'apologie dufichier génétique, au cours de laquelleon put entendre la conférencière seplaindre des entraves que les Droits del' Homme apportaient au travail depolice.Qui ne voit que ces fichiers(génét iques, photographiques,digitaux) menacent tout un chacun, etqu'il ne dépend que de nos maîtresd'étendre la qualité de "criminel" àtout mal-pensant ?Ceux qui s'opposent à Le Pen ou auxlois Sarkozy sans d'abord s'opposer àVeriChip ou au projet Nanobio,préparent notre esclavage. Ce sont lesmêmes qui défilaient en avril derniercontre "Le Pen et ses idées", sans direun mot contre l'expulsion des gitans ducampus par la police et les technarquesuniversitaires. C'est que dans leurindigence, ils ne connaissent niVeriChip, ni Nanobio, ni l'endroit où ilsvivent. Et ils n'en veulent rienconnaître, de crainte d'être confrontésà leur incapacité. Pareils au proverbialimbécile qui cherche ses clés sous leréverbère, "parce que là, au moins, il ya de la lumière", alors qu'elles gisent àtrois pas dans l'obscurité du caniveau.Ce qui ne les empêche pas de se croiremieux au fait que "les gens" et depuiser dans cette supériorité supposéel'aliment de leur activité paroissiale."Réu" pour décider d'une prochaine"réu", meeting mensuel, maniftrimestrielle, procession de Pâques,pèlerinage de Florence, JournéesMondiales de l'Antimondialisation.Mais après tout, il est bien normal queces limitants qui luttent toujours parprocuration se retrouvent ailleurs pour

ce faire. Toujours ailleurs et demain,jamais ici et maintenant.

VIII- Découvrons Nanobio

On vous parle de Grenoble aujourd'hui.Du projet Nanobio sommairementdécrit dans le numéro 69 de Chroniquedu CEA (automne 2001)"Imaginez le CEA Grenoble en 2010…Parions que le pôle Nanobio qui exploreraun nouveau domaine à l'intersection de labiologie et de la physique aura prisforme.""La stratégie du CEA Grenoble s'illustrepar un trèfle. A chaque feuille du trèfle estassocié un "programme structurant" c'està dire un projet spécifique multi-partenaire. Le pôle Minatec est dévolu auxmicro et nanotechnologies, INERA(Initiative Nouvelles Energies Rhône-Alpes) aux nouvelles énergies et NanoBioaux nano et biotechnologies. Ouverts, cesprogrammes fédèrent la recherche,l'enseignement et l'industrie. Denouveaux terrains de rechercheapparaissent entre les trois lobes de lafeuille, au CEA Grenoble on appelle celal'interdisciplinarité."Hors le CEA Grenoble on appelle celaassociation de malfaiteurs. Si l'on arendu aux prétendues biotechnologiesleur vrai nom de nécrotechnologies, sil'on a saisi quelle puissance la maîtrisede l'infini petit donnait à nostechnarques, de leur aveu même (cf Laconférence de Jean Therme au CRDP le27/11/2002 "De l'infini petit à l'infiniepuissance"), comment ne pas voir quelsurcroît de pouvoir leur donneral'hybridation du vivant et de lamatière ?Une fois de plus, comme pour Minatecet les nanotechnologies, comme pourles chimères génétiques (OGM) ou leplan Messmer (la nucléarisation d'EDF),on se dit que ce projet auxconséquences incalculables exigerait undébat public, contradictoire et loyal,avec toutes les informations àdisposition, avant de décider quoi que

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ce soit (de nouveaux assauts contre leVivant et l'espèce humaine parexemple). Que nous devrions tousdécider de ce projet qui nous concernetous, parce que le discernement entrele bien et le mal est une compétenceuniverselle, inséparable de la dignitéhumaine, et non le privilège destechnarques, ni celui des élus et de bio-éthiciens à la botte. A la date où l'onécrit, c'est quasiment dans le secret ques'élabore le projet NanoBio. Raison deplus pour partager avec le public lesmaigres informations que l'on a puglaner.

"A l'interface entre sciences du vivant ets c i e n c e s d e l ' i n g é n i e u r , l e snanobiotechnologies constituent unnouveau champ de recherche,particulièrement prometteur en termesd'applications. La diminution de taille dedispositifs d'analyse biologique, déjàentamé avec l'apparition des biopuces surle marché du diagnostic, est une tendancefo r te dans l e domaine del'instrumentation pour la biologie. Lesavantages de la miniaturisation sontnombreux, et répondent à des enjeuxtechnologiques et économiquesimportants dans les secteurs de lapharmacie et du diagnostic, ainsi quepour les recherches en sciences du vivantet de la santé.Après la miniaturisation apportée par lesmicrotechnologies, les nanotechnologiespermettront des avancées significativespour l'étude du vivant. A l'échelle dunanomètre, les dimensions du mondebiologique (molécules telles que acidesnucléiques et protéines) sont atteignablespar des nano-outils physiques ouchimiques, et permettent de repousser lesfrontières de notre connaissance (…)"Françoise Charbit, Cellule deDéveloppement Régional, projetNanobio, CEA Grenoble.

Le cévé de Françoise Charbit,disponible sur Internet, indique que"cet ingénieur ENSI en sciences desmatériaux et docteur en gestion de l'Ecole

Polytechnique, est responsable de laprospective technologique à la Directiondes Technologies Avancées du CEA, centrede recherche public orienté vers letransfert de technologies aux industriels,dans le domaine de l'électronique, desmatériaux et de la robotique. Son activitéa pour but d'aider les laboratoires àdéfinir leurs stratégies de recherche.Sa thèse sur la gestion des technologiesémergentes, réalisée à partir d'unerecherche-intervention chez Thomson CSF,a remporté le prix de la meilleure thèseCIFRE (thèse effectuée sur un problèmeposé par un industriel, en relation étroiteavec l'entreprise), décerné à l'occasiondes dix ans de cette procédure.Elle a participé à de nombreuses missionsde conseil en stratégie technologie chezdes industriels de l'électroniqueprofessionnelle (Thomson CSF, DassaultElectronique, Compagnie des Signaux)."Voilà qui dessine un "profil" familiercomme ils disent. Extrême technologie.Recherche publique asservie auxintérêts industriels (qui ne coïncidentpas forcément avec les nôtres). Etmême cette petite pointe de "dualité"civile et militaire (Thomson CSF,Dassault Electronique) qu'il fauttoujours souligner, même si lesapplications "civiles" suffisent le plussouvent aux désastres futurs.

Le 12 septembre 2002, à Lavignac, setenait une rencontre entre le projetNaTTBio-Toulouse et le projet NanoBio-Grenoble. Des traces que cetterencontre a laissées sur Internet, ilappert : Que le projet de pôle d'innovationNanoBio a été initié en mars 2002 parle CEA-Grenoble dans le but de fédérerl'ensemble des compétences présentessur le Polygone Scientifique Louis Néel,concourant aux nanobiotechnologies:p h y s i q u e , c h i m i e , b i o l o g i e ,mathématiques appliquées, micro etnanotechnologies.Que ce projet s'appuie sur le potentielde recherche du CEA (LETI, DSV, DSM,

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DRT), de l'Université Joseph Fourier, del'Inserm, de l'Inria, de l'UCB de Lyon etde l'ENS Lyon, avec un fort tropismevers le génopole Rhône-Alpes.Que plusieurs groupes de travailinterdisciplinaires ont déjà planifié 30projets du court au moyen et longterme, couvrant des domaines aussiv a r i é s q u e l e s m i c r o e tnanobiosystèmes, les plateformestechnologiques avancées et des briquestechnologiques de base (NanoBioregroupe environ 200 à 250 chercheursvenant d'une trentaine d'unités). Pourles experts et les candidats chercheurson citera les exposés sur "laB i o p h o t o n i q u e " , l e s" B i o m i c r o s y s t è m e s " o u l a"Protéomique à haut débit", qui dans lebusiness scientifique succède à lagénomique, depuis l'achèvement dudécryptage du génome humain.

Ensuite, il se passera avec le "pôleNanoBio" ce qui s'est passé avec le"pôle Minatec". "La vocation, in fine",étant "de créer de l'industrie et dese m p l o i s " (Jean-Charles Guibert,"l'ambassadeur" de Minatec). Nostechno-scientistes iront traire les fondspublics auprès de la CommissionEuropéenne, du ministère de laRecherche et des Nouvel lesTechnologies, du Conseil Général del'Isère, de la Métro et de la Ville deGrenoble. Ce que dans leur novlangueon appelle "promouvoir ce nouveauchamp disciplinaire vers les instances".De deux choses l'une. Soit "lesinstances" n'y connaissent rien, maisdûment impressionnées par l'expertisede leurs interlocuteurs, elles financentce néo-pôle. Parce que c'est bon pourl'image, l'emploi, la croissance, laconnaissance, et que si on ne le fait pas"on va prendre du retard" sur lesAllemands, les Américains, les Japonais,etc. C'est, disons, le modèle Carignon-Pinocchio. Soit "les instances" s'yconnaissent parce qu'elles sont issues

directement de la technocaste et ellesne sont que trop avides de "financerl'innovation". C'est le modèle Destot-Fioraso, modifié Corys (du nom de lamalheureuse start-down du CEA jadislancée par l'actuel maire de Grenoble etson adjointe à l'innovation.)Une fois que la technarchie a toutdécidé, f inancé, voté (moinsl'abstention de l'Ades), vient lemoment de communiquer au simplecitoyen 1) Que le pôle NanoBio c'esttout profit pour lui (voir ci-dessus,l'emploi, la croissance, etc) ; 2) Qued ' a i l l e u r s l a d é c i s i o n e s t"démocratique" puisque les élusinformés par les techno-scientistes l'ontprise pour lui ; 3) Que de toutes façonsil n'y peut rien puisque c'est le"Progrès" et qu'il n'y connaît rien."Communiquer, toujours, clame JeanTherme, directeur du CEA-LETI. La hautetechnologie ne peut progresser que si elleest acceptée, donc comprise par la société: OGM, biotechnologies… Les applicationsde la recherche préoccupent les Français.A nous d'expliquer ce qu'il en est, de fairepartager notre passion, de fairecomprendre le sens de notre travail… etde susciter des vocations.""La communication est essentielle,r e n c h é r i t P a s c a l C o l o m b a n i(administrateur général du CEA), àl'heure où subsistent certaines desinterrogations sur le nucléaire, sur le CEA,et l'image qu'en a le public. Mais, commepour toutes les autres activités, il fautdépenser l'argent de façon efficace. LeCEA n'a rien à cacher tant sur ce qu'il faitque sur la façon dont il le fait. Il doit êtretransparent." (Chronique du CEA n°69,sept-oct-nov 01)

OGM, biotechnologies, nucléaire… Pasun instant, au paroxysme de leur"communication", nos technarquesn'envisagent que celle-ci pourrait êtreréciproque. Que des opinionséduquées, curieuses, férues de techno-science comme elles ne l'ont jamais étépourraient avoir raison, que du moins

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elles devraient décider elle-même deleur destin. La morgue éclate dans cespropos où l'opinion ignorante, puérilepar définition, doit être "travaillée"pour "comprendre le sens" des OGM,des biotechnologies, du nucléaire.Comme il sied bien que le directeur duCEA-LETI dévoile la parenté profondede ces trois malfaisances. Et comme l'oncomprend cette nécessité de"communiquer toujours". Sans cematraquage permanent, qui sait ce que"le public", "les Français" iraient penserpar eux-mêmes. Ce que l'on nouscommunique, ce sont les décisionsprises à notre sujet. La "transparence"n'étant que la publication après-coupdes attendus. Ce que démontre une foisde plus l'histoire de NanoBio.

IX – Objecteurs de recherche

Interpellés sur leurs responsabilitésdans les méfaits des techno-sciences(pollutions, nuisances, catastrophes),nos technarques ont coutume derépondre qu'ils n'en ont pas. Plusimpudent qu'un vampire ministériel,les Feuerstein et les Therme nes'avouent ni coupables ni responsablesdu siphonnage des fonds publics enfaveur de leurs projets, ni des rejets etdéchets résultant de la "valorisation" deleurs recherches et autres "transferts detechnologie", ni des "dérives policièresou militaires" des applications de leursrecherches, ni des calamités bien civilesrésultant d'autres applications. "Jedép lore , dit Jean Therme, que lesAméricains aient mis au point un systèmemondial d'espionnage électronique (NDRle système Echelon) et que l'on exporteen Chine les déchets informatiques, maisje n'y suis pour rien." (conférence auCRDP 27/11/02). Les responsablesselon ces irresponsables, ce sont les"politiques" qui ont signé les décisions– sous la pression et après expertise desscientifiques. Ou bien les électeurs quichoisissent les élus. Comme si la

démocratie représentative n'était pas ladémocratie des représentants, uneuphémisme pour technocratie. Que laliberté de vote et de candidature ne soitpas grossièrement annulée par lescombinaisons de l'argent, des médiaset des machines électorales. Comme sinous voulions donner notre voix, alorsque le premier parti issu des urnes auprintemps dernier est précisément celuides abstentionnistes et du dégoûtenvers nos "élites".Ils mentent bien sûr, mais quand bienmême diraient-ils vrai que cela ne lesdisculperait pas pour autant. Ilsréincarnent en effet cette banalité dumal dont l'on vit quelques spécimensparoxystiques chez ces fonctionnairesconsciencieux qui géraient de lourdsproblèmes d'intendance et detransport, chez ces cheminots dont lestrains arrivaient imperturbablement àdestination, chez ces subordonnés quine faisaient qu'obéir à leurs supérieurs,chez ces brillants scientifiques se livrantà de passionnantes expériences sur unmatériel de choix, chez tous cesspécialistes qui ne s'occupaient que deleur partie et surtout pas du reste.C'est-à-dire du Tout. On sait que le malc'est de ne pas s'occuper d'abord duTout, mais de sa petite partie, coupéeet bornée. Chacun chez soi et les vachesfolles seront bien gardées.On sait que le tribunal de Nurembergjugea coupables les plus voyants de cesirresponsables. Mais aussi que les plussavants se sauvèrent chez leursvainqueurs avec leurs maux acquis,pour perpétuer leurs progrès enbalistique, physique nucléaire ouvirologie. Travaux aujourd'huipoursuivis par les élèves de leurs élèves,leurs héritiers.

Faut-il que ce décervelage ait étépréparé de longue main pour que l'onen soit réduit aux banalités de base, auxleçons de morale de l'école primaire etaux cours d'instruction civiques des

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collèges secondaires. Chercheur sous lablouse blanche, tu restes un citoyen, etpeut-être même un homme. Si tu necherches pas d'abord, au-delà de tonécran d'ordinateur, tu n'es que lemachin de ta machine, ton propreennemi et celui de tes semblables.

La marchandisation du vivant a unehistoire, qui va du trafic des corps àcelui des gènes et bientôt desprotéines. A Grenoble où l'on se vanted'avoir toujours une révolutiond'avance, il est bien vrai que les vieillesfamilles ont tiré leur fortune de latraite, et que leur représentant à laConstituante, Barnave, combattit detoutes ses forces un autre député del'Isère, l'abbé Grégoire, qui réclamaitl'émancipation des Noirs. Cet épisodeconnu sous le nom de "questioncoloniale" bouleversa d'ailleurs lapremière assemblée révolutionnaire etprécipita sa fin (cf Robert Chagny, Autemps de l'esclavage et de son abolition :planteurs grenoblois à St Dominique, inLa Pierre et l'Ecrit, PUG 1999).

Aujourd'hui , tandis que leséconomistes de l'Inra Grenobletravaillent sur "l'acceptabilité desOGM", le "double étiquetage" et les"perspectives des start up debiotechnologie", Roland Douce,enseignant-chercheur à l'universitéJoseph Fourier, directeur de l'Institut deBiologie Structurale, membre del'Académie des Sciences, rédige lerapport souhaité par Claudie Haigneré,ministre de la Recherche et desNouvelles Technologies pour ouvrir noschamps aux cultures transgéniques (cfLe Monde 14/12/02). On attendl'objection de conscience d'un seulchercheur parmi les 18 000 qui serventparaît-il dans nos 250 laboratoirestechnopolitains.

Coïncidence, ce même Roland Douceprésentait le 15 novembre dernier à la

presse un Partenariat pour la BiologieStructurale regroupant quatre centresde recherche grenoblois : leSynchrotron (ESRF), le LaboratoireEuropéen de Biologie Moléculaire(EMBL), l ' Institut de BiologieStructurale (IBS : lui-même une unitémixte CEA/CNRS, UJF) et l'Institut LaüeLangevin (ILL).Objectif ? Compléter le séquençage dugénome humain par l'analyse desinteractions entre gènes et protéines.Financement ? "2 à 3 millions d'euros autotal". Soit un ou deux Minatec –pardon pour l'à peu près. "Ro landDouce, directeur de l'IBS soulignait poursa part "les enjeux scientifiquesconsidérables et les enjeux industriels toutaussi considérables" de l'étude enprofondeur des protéines, ces "acteurs duvivant par excellence" (…). Le centre seraaussi ouvert à des partenariats avecl'industrie, notamment de la santé. Descontacts seraient déjà sérieusementavancés même si pour l'instant rien n'estrendu public." (Le Daubé 16/11/02)Hors ces contacts secrets, mais quidevraient apporter "une forte valeurajoutée pour la santé humaine", RolandDouce pouvait confier à l'assistance sonbon espoir de voir la création de cePartenariat pour la Biologie Structurale(PBS), entraîner l'installation àGrenoble de l'Institut de VirologieStructurale (IVS), dont on ne doute pasqu'il devrait lui aussi apporter une"forte valeur ajoutée pour la santéhumaine" et d'autres "partenariats" ou"instituts" tant ces recherchesprolifiques se reproduisent à hautdébit.

Roland Douce est ce que nous appelonsun technarque, un membre de latechno-caste, comme Bernard Bigot,dircab' de Claudie Haigneré, présent àcette signature de partenariat. Et auniveau local du techno-gratin, commeGeneviève Fioraso ou Jean Caune,chargé de la Recherche à la Métro, aussi

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présents ce jour-là, mais quis'esbignaient vite pour se rendre à uncolloque sur "la culture scientifique,technique et industrielle."La technification à Grenoble est uneactivité à temps plein. Trop-plein,même, si l'on ose dire.

L'artificialisation du Vivant a aussi sonhistoire. "Dans leur revue Courants, lesélèves de l'Institut Polytechnique deGrenoble citent, parmi les grandes datesde l'histoire dauphinoise, l'année 1738 :création de l'automation par Vaucanson(…). Ses premiers travaux scientifiques,aussi originaux qu'ignorés, eurentl'ambition de montrer par la mécaniquece que pouvait être la vie. Au sens précisque l'on donne aujourd'hui au terme"cybernétique", on peut dire sans crainted'être taxé de moderniser le personnageque Vaucanson a été un authentiqueprécurseur de cette discipline. Nousprouverons, qu'appuyé par un petitgroupe d'hommes animé par une volontéroyale, il passa toute une partie de salongue existence à la recherche de ce quefut la pierre philosophale des"biomécanistes" du temps : l'hommea r t i f i c i e l . " (cf Jacques Vaucanson,Mécanicien de génie, A. Doyon,L. Liaigre, PUF 1966).

Las, ce splendide projet, célébré par lephilosophe La Mettrie (1746 : L'HommeM a c h i n e ) et l 'encyclopédisted'Alembert (cf l'article L'âme des bêtes),était trop en avance sur son temps.Vaucanson se rabattit sur la mise aupoint de métiers à soie, dontl'introduction dans les fabriqueslyonnaises provoqua, selon nos auteurs,"le plus important mouvement de grèvequ'ait connu l'ancien régime". Lemeneur fut pendu, cinq autres envoyésaux galères, et le reste des émeutiers,amnistiés par le roi. "On a trop souventdit que les causes de cette grève furentsurtout la crainte des ouvriers de voiradopter les nouveaux métiersautomatiques de Vaucanson qui allaient

les faire mourir de faim et les réduire auchômage : rien n'est plus faux. La vindictepopulaire ne s'est acharnée surVaucanson et Montessuy qu'en tantqu'instigateurs et réalisateurs desrèglements de 1744" (id, p.195-203).Ces règlements "à l'instigation deVaucanson et Montessuy" renforçaientle despotisme des maîtres-fabricantssur les canuts qui perdaient toutemarge de marchandage et liberté deproduction individuelle. Ils instauraient"la discipline de fabrique" si nécessaireaux nouveaux procédés, aux nouvellesmachines et aux gains de production.En apparence les canuts révoltésn'étaient pas des pré-luddites, ennemisdes machines. Ni au sens classique quel'on a donné à ce mouvement (craintedu chômage et de la concurrence desmachines), ni au sens néo-luddite (refusd'être machinalisés). Mais ils haïssaientassurément ce nouveau règlement quirationalisait la production. Quelquesannées plus tard, Vaucanson introduisitle premier métier automatique, ainsidécrit au Mercure de France :"C'est une machine avec laquelle uncheval, un bœuf ou un âne font desétoffes bien plus belles et bien plusparfaites que les plus habiles ouvriers ensoye (…). Un cheval attelé peut fairetravailler trente de ces métiers, une chuted'eau un bien plus grand nombre…Chaque métier fait par jour autantd'étoffes que le meilleur ouvrier quand ilne perd pas de temps." (id, p.210)On connaît la suite. Le machinisme et lagrande industrie. L'électricité et laproduction de masse. La "liaisonrecherche-industrie". Nucléaire,cybernétique, robotique. Toute unefiliation de "l'homme-machine", peut-être née ici en effet d'un "mécaniciende génie", et qui se diversifie deuxsiècles et demi plus tard entre lesdifférents laboratoires du CEA, del'INPG, de l'INRIA, pour confluer ànouveau (in-ter-dis-ci-pli-na-ri-té) dansles bio-nanotechnologies.

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"L'homme artificiel", l'automate, "letravailleur" comme on dit en tchèque(robot), émerge de nos centres derecherche, et voilà que c'est nous. Onsait qu'Aristote voyait dans l'esclaveune machine vivante, et dansl'esclavage une nécessité tant qu'il n'yaurait pas de machine artificielle poursouffrir l'ignoble travail (tripalium :torture), indigne d'un homme libre.Mais en fait le travail n'était que lesigne de la servitude et non sa raisond'être. Contrairement à ce que pensaitTrotski, la paresse n'est pas le moteurdu progrès. Et l'avènement des robotssoudeurs, pistoletteurs, poinçonneurs,n'a pas émancipé leurs devanciers.L 'eut - i l fa i t d 'a i l leurs , que"l'organisation des loisirs" et leMinistère du Temps Libre y eussent misbon ordre. L'essentiel restant lasujétion du plus grand nombre au pluspetit nombre. Par ruse ou par force. Parle travail ou la télé. C'est ce projetd'irréversible maîtrise que poursuit latechnarchie par l'artificialisation duvivant et l'animation de l'inerte. Lamécanisation des techno-serfs via labio-cybernétique et tout unemachinerie sous commande, jusqu'àl'utopie techno-totalitaire d'un monde-machine.

On peut discuter des applications"bonnes" ou "mauvaises" de larecherche, soutenir que "l'outil estneutre" et l'usage seul en cause, qu'ilne faut pas "jeter le bébé avec l'eau dubain", "le bon grain avec l'ivraie", etc.mais un fait demeure indiscutable :dans un monde où s'opposentdominants et dominés, tout "progrèsdes connaissances" sert d'abord lesdominants, leur sert d'abord àdominer, et autant que possible àrendre irréversible leur domination. Les"retombées positives" n'étant que lesmoindres maux dont on achète lasoumission des dominés. "Progrès"curatifs et palliatifs, quand la

prévention serait de renverser ladomination qui provoque tant de nosmaux, pour s'en rendre ensuitel'indispensable thérapeute.Ce simple fait ne devrait-il pas conduiretout chercheur prétendument équipéd'une conscience à objecter ? Etl'ensemble de sa corporation àproclamer un moratoire sur touterecherche tant que ne serait pas régléela question du pouvoir ?Impossible justement, parce que tantd'otages dans l'urgence et la souffranceattendent au moins quelquesoulagement de la recherche. Desdéserteurs pourtant, peu nombreux,refusent de servir cette science-là. On acité le mathématicien Grothendiek,médaille Fields 1966, qui renonça àtoute recherche lorsqu'il s'aperçut en1970 que l'IHES (Institut des HautesEtudes Scientifiques) où il travaillaitdepuis dix ans recevait des subventionsdu ministère de la Défense. C'était direqu'il n'y a pas de science innocente, siabstraite soit-elle, qui ne puisse nuire.Grothendiek participa dès lors auxactivités du groupe "Survivre et vivre".En 1972, dans une conférence au CERNde Genève (Centre Européen deRecherches Nucléaires), il posait laquestion que devrait au moins se posertout chercheur "responsable","éthique", "citoyen", etc : "Allons-nouscontinuer la recherche scientifique ?"En 1988, il refuse le Prix Crafoord et ses270 000 dollars de récompense,dénonçant les dégradations de lascience. En août 1995, un article deScience et Vie nous apprend que"l'ermite mathématicien" a "disparu" :"Mais Grothendiek est fatigué, seul et deplus en plus amer. Il vit isolé dans un petitvillage du Vaucluse, partageant son tempsentre le soin à ses vignes et la rédactiond'un plaidoyer pour sa réhabilitationintitulé "Récoltes et Semailles, réflexionset témoignage sur un passé demathématicien" (…). Il pratique aussi laméditation nocturne, de mathématiques,

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ses visions sont devenues mystiques puisreligieuses, prophétisant la fin du mondepour octobre 1996. "Et puis, un jour, àl'occasion de la réimpression de sesouvrages, on s'est rendu compte qu'onavait totalement perdu sa trace", sesouvient Cartier (NDR un ex-collègue) : onétait en 1991, Grothendiek avait 63 ans.Depuis, plus rien. On ignore même s'il estencore vivant."

En 1969, un autre mathématicien,Theodore Kaczynski, démissionne deson poste de maître-assistant àl'université de Berkeley. CommeGrothendiek, il fait d'abord campagnepour l'arrêt total de la recherchescientifique, avec encore moins desuccès et dans un isolement pire.

"Le 22 janvier 1998 Theodore Kaczynski areconnu devant un tribunal californienêtre le terroriste que la police avaitdénommé "Unabomber", et par là mêmeêtre l'auteur du manifeste – IndustrialSociety and its future – dont"Unabomber" avait obtenu la publicationdans la presse, en assurant qu'il cesseraiten échange les attentats à la bombe qu'ilcommettait depuis 17 ans. Ces attentats,destinés selon leur auteur à frapper desindividus liés à la recherche scientifiqueou diversement impliqués dans lapromotion du progrès technique, avaientfait trois morts – le propriétaire d'unmagasin d'ordinateurs, un cadre d'unecompagnie de publicité et le président dela corporation des exploitants forestiers deCalifornie – ainsi qu'un vingtaine deblessés. Dénoncé par son frère, qui l'avaitreconnu grâce aux indices fournis par letexte du manifeste, Kaczynski avait étéarrêté le 3 avril 1996. Lors de son procès,commencé en novembre 1997, le droitd'assurer lui-même sa défense lui futrefusé, le juge invoquant sa"schizophrénie paranoïde" et sa volontéde "manipuler le procès" ; il finit donc paraccepter de plaider coupable et futcondamné à la prison à vie." (note del'Encyclopédie des Nuisances à son

édition de La société industrielle et sonavenir).

Voilà qui rassurera une fois de plus lesimbéciles quant à la proximitésupposée du génie et de la folie. Depuisl'invention de la psychiatrie d'ailleurs,ne faut-il pas être fou pour dénoncer,seul contre tous, l'ordre du monde ? Onne discutera pas ici de savoir s'il estplus humain d'isoler ces insoumis dansleur for intérieur ou dans une cellulecapitonnée ; de brûler les hérétiques enplace publique ou de les lapider à lavieille mode du sacrifice. On sedemandera plutôt si ce qu'ont vu ceschercheurs qui ne se prétendent pas,eux, irresponsables, n'avait pas de quoirendre fou. Mais qu'ont-ils vu,messieurs Therme, Douce, Samarut,Van der Rest, Joyard, Feuerstein,Pautrat, etc ?

Dans son article déjà cité, Bill Joy dit :"Nous avons de la chance que Kaczynskiait été un mathématicien, et non unbiologiste moléculaire."C'était avant l'attaque au charbon quifrappa les Etats-Unis en septembre2001. Mais bien entendu, il est excluqu'un biologiste fou du CRSSA, del'université Joseph Fourier ou del'Institut de Biologie Structuralen'utilise ses compétences à des actesaussi "irresponsables", contraire àl'éthique, à la déontologie, etc.Bill Joy a vu quelque chose que n'ontpas vu nos technarques.

Tout l'automne a résonné des clameursde la recherche française devant lesrestrictions de crédit. La presse degauche, L'Humanité, L ibérat ion et L eMonde surtout, sous la signature d'unancien grenoblois de la LCR s'est faitl'écho de cette doléance. "La recherchemal-aimée de la droite" (Le Monde,28/09/02). "Les laboratoires inquiets desreports de crédits" (Le Monde 2/10/02)."Plus de 4000 scientifiques protestent

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contre les restrictions budgétaires" (LeM o n d e 19/10/02). "Les entreprisesfreinent leurs dépenses de recherche"(id). "Un budget de la recherche sans"vision à long terme". Une sévère critiquedu Conseil Supérieur de la Recherche et dela Technologie (CSRT)" (Le Monde23/10/02).

Quand on voit L'Humanité publier un"appel de scientifiques" pour "lerétablissement du budget de laRecherche", s igné par 5000s c i e n t i f i q u e s , d i r e c t e u r s d elaboratoires, d'instituts, membresd'académies, présidents d'universités,Prix Nobel et médailles Field (6/11/02),quand on lit dans Le Monde du23/10/02 l'immonde plaidoyer prodomo du Pierre-Gilles de Gennes (PrixNobel de Physique, membre del'Académie des Sciences, etc) : "Depuisle 6 août 1945, l'honneur des scientifiquesest battu en brèche. Chaque physicien estconsidéré comme co-responsable desmorts d'Hiroshima. Et pourtant ? Fermi etWigner n'avaient pas failli à l'honneur enexpliquant au président Roosevelt lapossibilité des armes nucléaires. Ladécision de les construire fut une décisiondu peuple américain, à travers sonprésident élu." On en peut que songerau tract des surréalistes : "Démasquezles physiciens, videz les laboratoires".C'est pourtant ce qui a peu de chanced'arriver.

Un des bons esprits du siècle dernierécrivait en 1967, aux premiers âges dela consommation et de lacybernétique : "Il reste une trentained'années pour empêcher que l'èretransitoire des esclaves sans maîtres nedure deux siècles." (Raoul Vaneighem,Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunesgénérations).Nous y voici. Cette prévision d'unejustesse remarquable quant à sachronologie pêchait encore paroptimisme. Nous avons des maîtres qui

visent la fin de l'Histoire et que nousservirons peut-être sans fin.

Simples CitoyensGrenoble, 9 janvier 2003

Bibliographie

La société industrielle et son avenir,Theodore Kaczynski. Editions del'Encyclopédie des Nuisances (80 rue deMénilmontant – 75020 Paris).

Totalement inhumaine, Jean-MichelTruong. Editions les Empêcheurs depenser en rond/Seuil.

The age of spiritual machines, RayKurzweil. Penguin Books.

La guerre au XXIe siècle, LaurentMurawiec. Editions Odile Jacob.

Demain le nanomonde, Jean-LouisPautrat. Editions Fayard.