NATURE REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'] NDUSTRI E LA NATURE REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'l NDUSTRI E JOURNAL

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LA NATURE REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'] NDUSTRI ELA NATURE REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'l NDUSTRI E JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRE ABONNL3MI3NTS PARIS. Uii ail. .. 20 fr. D!PARTEMENT. Un an . . . . . . . . . . . 25 fr. a --Six moil . . . . . . . . . . . . . . 10 fr. Six mois. . . . . . . . . . 42 fr. 50 UNION POSTAFE. Un an . . . . . . . . . . . . . . . 26 fr. Six moil. . . . . . . . . . . . 43 fr. Prix du numero : So centimes. LES SOIXANTE ET ONZE VOLUMES PRECEDENTS SONT EN VENTE AVEC TROIS TABLES DECENNALES Paris. Irnprimerie L:tIluRE, rue ale Fleurus, 9.RI3VUE DES SCIENCE ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'1NDUSTRIE JOURNAL HEBDOMADAIRE ]LLUSTRE TRENTE-SEPTIEME ANNIE 1909 PREMIER SEMESTRE MASSON ET C', EDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADEMIE DE btEDECINE PARIS, izo, BOULEVARD SAINT-GERMAIN ^I37' ANNEE. - N 1854. ================================= ==== 5 DECEMBRE 1908. LA NATURE REVUE DES SCIENCES ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE Penetrons dans l'observatoire souterrain, Au fond du puits au telescope (Ie second de ces puits), se dresse un bloc de pierre formant table et supportant I ' app ar eil , qui consiste en un bassin de fonte peu profond mon te sur trepied, et qui, actionne par un moteur , s'anime d'un mouvemen t rotatoirc dont la rapidite se rezle a vo- . tl lonte, L' oper a t eur verse un verre de mercure dans le bassin, qui commence a tourner lenternent. II va de soi que, s'il se tient pres de l'appareil a la dista nce voulu e (commel'indique notre photographie), sa figure est refletec en grandeur naturelle par la surface du liquide. Mais, a mesure qu'augmente la rapidite du mouvement rotatoirc imprime au bassin parle moteur, augmente aussi la grandeur de I'image refletee, car la force centrifuge contraint la surface du mercure a prendre la forme d'un parabololde. Or, on sait que c'est la la surface ideale 11 donner a un miroir de telescope, pour obtenir d'un objet ires eloigne une image agrandie, particulierement nette. Avec le mercure tournant, L -1 Fig. 1. - Dispositif du rellecteur amercure liquide, 37' 300fe. - 1" semeslre. REFLECTEUR LIQUIDE POUR TELESCOPE Ilecemment, une depeche publiee par la presse I quotidienne signala hrievement qu'un physicien I americain, M. Ie professeur Wood, de l'Universite de Johns Hopkins, poursuivait d'in ter essantes experiences en vue de substituer aux reflecteurs conca ves des grands telescopes des miroirs de mercure liquide. Grace a l'activite de notre cor res po nda nt new-yorkais,nous avons pu nous procurer des details complementaires sur ces recherches, ainsi que des documents photographiquesiIIu strant Ie probleme. L' observatoire que !L Wood a construit pres de samaison deearnpagne, a EastHampton (LongIsland), diff'er e radicalement des observatoires astronomiquesexistants. Dans Ie sous-sol d'une vieiIIe maison de bois, qui lui sert de laboratoire pendant ses vacances, iI a fait foncer deux puits profonds de 5 m. , larges d'un metre, et qui communiquent sous terre par un tunnel formant chambre. L'un des puits sert d'acces, tandis que I'autre est l'ame du telescope.REFLECTEUR LIQUIDE POUR TELESCOPE elle se realise d'elle-meme. Avec le bronze, au contraire, it faut, pour l'obtenir, un travail tres delicat, extremement minutieux, qui exige des ouvriers fort habiles : la fabrication des reflecteurs ordinaires requiert des annees de travail, tant pour la taille que pour le polissage, tandis que celle du e miroir liquide ne demande guere que quelques secondes, le temps de verser le mercure dans le bassin. Tel est, brievement expose, le principe de 1'invention de M. Wood. llatons-nous de constater qu'elle n'est pas encore au point, de 1'aveu meme de 1'inaura 50 cm. de diametre. Cette dimension ne sera d'ailleurs pas definitive : on cas de succes, l'inventeur entreprendra la construction dun telescope gigantesque. Jusqu'a plus ample informe, nous ferons sagcment de ne point vaticiner sur l'avenir de cette innovation, qui ne releve encore que du laboratoire. Indiquons en passant son point faible : le reflecteur liquide ne pout se tourner que vers le zenith, d'ou son insuffisance pour des observations d'une grande amplitude. Mais, d'autre part, son coot d'etablis- Fi;. 2. Vue exterieure de l'Observatoire de M. Wood, avec son orifice pence dans la toiture. venteur qui n'est pas encore sorti de la periode experimentale. Quand le bassin tourne a pleine vitesse, les vibrations du moteur rident legercment la surface du mercure, et 1'image reflechie perd de sa nettete. Pour supprimer ce grave inconvenient, M. Wood a imagine un disque de Ills me'talliques mu directement par le moteur et muni de flocons de coton disposes . comme l'indique une de nos figures. Le leper contact de ces tampons sur la paroi exterieure du bassin le met en mouvement et lui imprime la rapidite rotatoire requise par l'operateur, tout en supprimant les vibrations. Reste a savoir si ce dispositif demeurera efficace pour le nouveau modele que construct M. Wood, et dont le reflecteur sement est extraordinairement bas. Si nous acceptons les declarations de M. Wood, son telescope a reflecteur de 50 cm. lui reviendra a 800 fr. , tandis qu'un telescope de memo puissance, du systeme actuellement en usage, lui couterait entre 20 000 et 25 000 francs. Insistons sur cette consideration que l'invention de M. Wood n'est pas au point. Mais it est hors de doute que, s'il pelt la pousser au degre' de perfection qui la rendrait pratique, it aura merite de la science, en facilitant 1'installation, et a pen de frais, de nombreux observatoires, dont les efforts coordonnes enrichiront nos connaissances astronomiques. V. FoRBIN.3' CHRONIQUE Le rendement de la machine humaine. Existe-t-il une explication satisfaisante, scientifique, du fonctionnement du moteur humain ? Il serait difficile de l'affirmer. On ne peut qualifier de scientifique, la comparaison trop facile et superficielle qui consiste assiiniler notre machine humaine a une machine a vapeur, les aliments representant le combustible, dont 1'e'nergie latente pent etre transforme'e en travail mecanique. I1 est juste de dire que les experiences sur ce sujet sont extremement delicates, et par suite fort rares : les donne'es manquent pour 1'e'tablissement d'une the'orie. Aussi est-il interessant de signaler les. recherches qui se poursuivent actuellement, en Amerique, a la Wesleyan University, de Middletown, sous la direction de MM. Atwater et Benedickt ; Nous en trouvons le resume dans la Revue generale des Sciences. Ces travaux ont pour but de mesurer le rendement de la machine : c'est-a-dire le rapport entre 1'e'nergie fournie au corps sous forme d'aliments et l'energie produite sous forme mecanique. Les observations des savants americains ont port sur les concurrents d'une course de bicyclette de 6 jours. Des experimentateurs noterent avec precision 1'allure des coureurs, leur variation de poids, peserent et analyserent chaque morceau d'aliment; mais on ne nous dii pas comment fut value le travail mecanique : point evidemment fort delicat, puisque ce travail depend de la resistance de fair et du frottement des pneumatiques contre la piste. Quoi qu'il en soit M. Atwater aurait etabli que le rendement de la machine humaine pent atteindre chez certains athletes 36 pour 100, et . qu'il est en` moyenne de 21. pour 100. 11 est interessant de comparer ce -- rendement a celui d'un machine a vapeur qui n'utilise que 13 pour 100 de la chaleur du foyer : cette simple comparaison suffit a montrer qu'il est impossible d'assimiler notre corps a une machine thermique : on pent le mettre en evidence d'une facon plus frappante encore : ]a machine thermique exige, pour son fonctionnement, un echange de chaleur entre une source chaude et une source froide, la chaudiere et le condenseur dans une machine ;a vapeur par exemple ; et le rendement est d'autant meilleur que la difference de temperature est plus grande entre les deux sources. Carnot a demontre que si l'on designe par t, et to ces deux temperatures, dans le cas d'une machine parfaite, le rendement est de t1 - to to +273 Si l'on appliquait cette formule an corps humain, dont la temperature reste constante, et tres voisine de cello de 1'atmosphere en general, on arriverait a un resulta t evidemment absurde. Il faut dons chercher ailleurs que dans une analogie avec les machines thermiques, 1'explication de la transformation en travail de 1'energie de nos aliments. Les belles recherches de Chauveau sur le fonctionnement des muscles, ont prouve' que le travail et la chaleur qu'ils produisent sont dus a 1'energie des reactions chimiques qui se passent dans le muscle contracte. Mais par quel me'canisme 1'e'nergie chimique se trans forme-t-elle directement en travail mecanique ? La physique actuelle ne nous offre, jusqu'a aujourd'hui, l'exemple d'aucun phe'nomene analogue. Ii faut bien l'avouer : la dynamique animale, malgre les progre's de la science an xixe sicle, reste enveloppee du plus profond mystere. LE PALAIS DE GLACE DE BERLIN Un Palais de Glace imposant vient d'tre construit a Berlin. Nous croyons interessant d'en donner la description. Il comporte un grand hall de patinage, occupe par une enorme nappe gelee de 12 cm d'epaisseur, d'une superficie d'environ 2000 m 2 . 1500 personnes pourront s'y adonner simultanement et sans se goner au sport du patinage, depuis le mois de septembre jusqu'en juin. Les galeries de 5 m. de largeur, entourant le champ de patinage au rez-de-chaussee aussi bien qu'au premier e'tage, assurent aux spectateurs une temperature douce et temperee. Ce hall est haut de 18 m. , et construit en fer, a revetements en ciment arm (fig. 4). La gigantesque installation frigorifique a laquelle incombe la tache de produire et de conserver une surface glacee si enorme et si epaisse, appelle evidemment, parmi les machines si variees qui assurent le service du Palais, la plus vive attention. Cette installation, disposee suivant le systeme A. Borsig, dans une annexe de trois etages, fonctionne de la maniere suivante : un liquide tres volatil est vaporise, a une temperature inferieure a zero, daps les tubes d'un appareil rempli d'eau sale'e (Voy. fig. 3) . Refroidie ainsi, a 10 C., cette eau, qui constitue le vehicule de froid pro-. prement dit, -- sera lancee par des pompes puissantes, vers le champ de patinage, ou elle traversera un systeme de tubes d'environ 20 km de longueur . totale, recouvrant le plancher du hall. La nappe d'eau de patinage se trouve ainsi congelee et convertie en un plan de glace. Loin d'tre consommee par la vaporisation qui assure le refroidissement de lean salee, la substance volatile sera retransformee a 1'etat liquide par un groupe de compresseurs et de condenseurs, et servira a refroidir a nouveau 1'eau salee un peu echaufl'ee qui s'ecoule du champ de patinage. La production et la conservation de la glace n'entrainent done qu'une faible consommation d'eau. L'energie ne-4 LE PALAIS DE GLACE DE BERLIN Fig. 1. Salle des machines, contenant les machines a vapeur aver leurs chaudieres et les dynamos. Fin. 2. Pompes lancant 1'eau salee vers le champ de patinage.LE PALAIS DE GLACE DE BERLIN 5 cessaire a l'installation frigorifique est fournie par mecanismes de 1'etablissement. L'Eispalast renune machine a vapeur surchauffee de 250 chevaux. ferme le champ de patinage artificial le plus grand Fie-. 5. Installation frigorifique. Les tubes refrigerants circule la saumure glacee; ces tubes out un developpeinent de 20 km. Fig. 4. -- Le hall de patinage, de 2000 - metres carres de superlicie. Deux autres machines de meme force servent a la qui existe ; sa superficie est le triple de celle du Paroduction de 1 p ^ e 'energi pour l'eclairage, et aux divers ( lais de Glace de Paris. Dr ALFRED GRADENW1TL. P6 LA VISION A DISTANCE - LES ESSAIS DE M. SENLECQ Question passionnante quo celle de la transmYmission a grande distance, par le flu e'lectrique, des impressions lumineuses. Les progres de la telephotographie ont ramene en ces dernieres annees les efforts des chercheurs sur cc probleme ne presque avec 1'electricite. Nous decrivions recemment les interessants essais de M. Armengaud, et nous rappelions le nom de M. Senlecq, un precurseur dans Fig. 9. La q aieil liaiisiiietleur Senlecq. cet ordre de recherches. Ses prcniiers travaux remontent, en effet, a plus de 30 ans. M. Senlecq nous e'crit qu'il vient enfin de, vaincre la plus grave des difficultes qui ont jusqu'ici arrete' les inventeurs : l'inertie du selenium. On sait que tous les appareils concus jusque maintenant utilisent la propriete du selenium de modifier sa conductibilite' e'lectrique sous faction des rayons lumineux; on peut ainsi traduire en courants electriques d'intensites correspond antes, la gamme des intensites lumineuses. On obtient pour ainsi dire une image electrique des objets, qui permet de reconstituer a 1'extre'mite' du flu electrique, l'impression lumineuse originelle. Mais, a cute de sa precieuse sensibilite, le sele'- nium a un de'faut capital ; il ne 1110- dilic pas instantanement son hat e'lectrique soils Fig. . faction de la lu- Le disque distributeur ales ravons luiniiieux. m i e r C; q u' u n rayon tombe sur une cellule de selenium, celle-ci n'agit sur le courant qui la traverse que quelques instants apres avoir e'te' inipressionne'e, et son action subsiste encore un temps plus on moms long apres que le rayon lumineux a disparu. Pour transmettre a distance l'image d'un objet, it faut ne'cessairement la transmettre par points, puisque ion ne dispose que d'une ligne electrique; pour arriver a reconstituer directement une image lumineuse a 1'autre bout de la ligne, it faudrait que Yon ait pu faire agir sur la cellule sensible tous les points de l'objet en moms de I/tOe de seconde. On ne voit pas tres bien comment, avec le selenium, et sa facheuse inertie, les inventeurs pourront re'soudre le probleme. Aussi M. Senlecq renonce-t-il decidement an selenium ; voici le moyen qu'il propose et qui, dit-il, lui a donne des resultats tre's salis faisants . Au fob er d'une chambre noire est dispose'e une boite formee a sa partie ante'rieure d'un chassis, a sa partie posterieure, d'une plaque microphonique : cette plaque est constitue'e soit par une planchette analogue a celle du microphone Ader, soit, de preference, par une membrane en baudruche. Derriere la plaque sont places des charbons a contacts imparfaits et variables, tout comme daps le microphone Ader. Le microphone est traverse par un courant induit constant et relie a la ligne, de la meme mlianiere que dans une installation telephonique ordinaire. Quant a la boite, dans l'intervalle de it 3 mni. environ compris entre la glace et le microphone, elle est remplie d'un melange de gaz hydrogene et de chlore. C'est 1'action chimique de la lumiere sur cc melange gazeux que M. Senlecq utilise pour transmettre les impressions lumineuses. Voici comment un rayon lumineux tombe sur un point de la glace; tout le monde sait qu'il va provoquer la combinaison d'une certaine quantite' des deux gaz, hyTdrogene et chlore et former de l'acide chlorhydrique. Si meme on laissait la boite exposee aux rayons solaires, il se produirait une violente et dangereuse explosion. Mais ici, cc n'est qu'un mince pinceau lumineux qu'on laisse frapper la glace. Or M. Senlecq a observe un fait tres curieux : la combinaison qui en re'sulte produit sur la plaque microphonique le meme effet que les vibrations du son, effet variable, bien entendu, suivant l'intensite' du faisceau lumineux. Ce phenome'ne lui donne un nouveau moyen de traduire on courants e'lectriques les impressions lumineuses. Pour 1'utiliser, voici comment procede M. Senlecq, suivant un dispositif deja' utilise dans son appareil te'le'photographique que La Nature a decrit dans son numero 1809. L'image a transmettre vient, ainsi que nous 1'avons dit, se former sur la glace de 1'appareil, an foyer d'une chambre noire ; mais cette glace est recouverte d'un ecran, perce d'une serie de points tres rapproches, re'partis sur une courbe en spirale ; et 1'ecran tourne a' une vitesse convenablement re'glee. Chaque point de l'image envoie done successivement son mince pinceau de rayons sur la caisse a chlore et hydrogene, provoquant un courant microphonique en rapport avec 1'intensite' lumineuse du pinceau. Remarquez, et c'est la' un point fort important, que 1'atmosphere gazeuse de la boite reste toujours identique a elle-meme. Il suffit d'y mettre un pen ' d'eau ; 1'acide chlorhydrique forme s'y dissout aussitot. Deux flacons d'hydrogene et de chlore communiquant avec la boite microphonique assurent la constance du melange gazeux. Si la dissolution est instantanee, il n'y a pas d'inertie sensible Bans le systeme transmetteur. Pour reconstituer l'image lumineuse a 1'extre'-LA SECURITE DANS LES MINES - 7 mite de la ligne, it suffira d'employer un des nombreux dispositifs re'cepteurs de te'lephotographie imagines en ces dernieres annees ; en particulier celui que M. Senlecq lui-meme await etabli pour son appareil te'lephotographique. Nous n'avons pu verifier par nous-meme les resultats obtenus par M. Senlecq; mais le principe de son systeme nous a paru extre"mement ingenieux, et fort heureux. Queue que soft Tissue definitive de ses tentatives, M. Senlecq aura en le merite d'indiquer aux chercheurs que captive le probleme de la vision a distance par le flu e'lectrique, une voie nouvelle qui, espe'rons-le, les conduira au succes. 11. VILLERS. LA SECURITE DANS LES MINES - LA STATION D'ESSAI DE LIEVIN Depuis quelques mois la fatalite semble s'etre appesantie sur les exploitations houilleres du monde entier; les catastrophes se multiplient dans tous les pays, dans toes les gisements : Courricres d'abord en France, Monongha aux Etats-Unis, les accidents repetes du bassin de la Sarre, 1'explosion de Hamm, qui, it y a quelques jours, fauchait pros de 400 personnes en Westphalie, hier Ineme celle de Pensylvanie qui a fait 138 morts. Le nombre plus on moms celles qui voltigent :en nuages dans les galeries de mines et celles qui gisent le long des parois, peuvent s'enflammer sous 1'effet des explosifs. Et la flamme produite se propage de proche en proche, semant sur son passage l'incendie et 1'asphyxie. Le danger des poussieres a ete precisement aggrave par la lutte contre le grisou. Pour empecher que la proportion de grisou, dans l'atmosphere souterraine on travaillent les ouvriers, ne puisse atteindre le taux qui rend les Fit,. 1. vue d'ensenlble de la station d'essai de Lievin. A gauche : la galerie, la nioitie en cinneiit, la 2e sous rernblai; au centre Ies batiments et 1'observatoire crcne1 ; a droite les deux gazometres a grisou. grand des victimes n'est determine, en pareil cas, que par celui des ouvriers presents dans la mine, puisque tons a peu pres perissent. Et a Hamm, un retard d'une heure sur 1'accident, fauchant l'equipe de jour an lieu de 1'equipe de nuit, aurait produit un desastre pire encore qu'a Courrieres. Cette serie lugubre a malheureusement, avant tout, une cause generale, contre laquelle nous ne pouvons rien directement : c'est 1'approfondissement . des mines qui accroit a la fois la proportion du grisou, sa pression et ses dangers. Mais l'ingeniosite humaine a toujours su lutter contre les perils de plus en plus brands auxquels elle s'expose sciemment avec les progres de l'industrie. 11 lui suffit pour cela, ces perils, de les mieux connaitre. Pans les dernieres explosions houilleres, on sait aujourdhui quel a etc le role capital d'un ennemi, non pas nouveau, mais auparavant un peu meconnu, les poussieies 1 , et c'est contre lui que l'on dirige maintenant les efforts. 11 a ete prouve que les poussieres de charbon, 1 Voy. no 1778, 22 juin 1907 : Le role des poussieres dar,s les explosions de mines, et ii 182 1), 11 avril 1908 : La bataille contre le grisou. explosions possibles, on a pratique dans les galeries une ventilation energique ; mais, en meme temps, on a reveille les poussieres endormies, augmente leur proportion dans fair et accru le peril qui resulte de leur presence'. La France, ayant ete cruellement frappee a Courrieres par le coup de poussieres, se devait a elle-meme de lui preter une attention particuliere. D'accord avec l'administration des Travaux Publics, le Comite des Houilleres de France vient d'achever a Lievin la construction d'une importante station d'essais, oh seront etudiees methodiquement, scientifiquement, toutes les questions qui concernent la securite dans les mines. Placee sous le haut patronage de la Commission du grisou, la station de Lievin est dirigee par un ingenieur du Corps des Mines, M. Taffanel, que de longues missions a l'etranger ont documents dune facon tres precise sur les institutions analogues existant en Belgique et en Allemagne. L'etablissement francais est le plus I C'est ainsi que, pour comlatt.re maintenant les poussieres, on les arrose, cc qui developpc le mal terrible de l'ankylosto miase, tant i1 est difficile d'arriver a une solution definitive.8 LA SECURITE DANS LES MINES considerable et le mieux dote de tous ceux qui existent; c'est le seul jusqu'ici qui soit outille pour 1'etude des poussieres, ou it a obtenu deja, comme nous allons le voir, d'importants resultats. Il fallait tout d'abord preciser 1'etendue et la nature du danger : les premiers travaux de M. Taffanel ont done porte' sur 1'examen des effets des divers explosifs, soit en presence du grisou, soit en presence des poussieres, soit dans une atmosphere a la fois - grisouteuse et poussiereuse. Les experiences, pour avoir une portee pratique, devaie'nt' titre executees 'daps des conditions se rapprochant d'aussi pres-.que possible de celles de la realite, et variables au 'gre de 1'experimentateur. On a ete ainsi amene a creer une sorte de galerie a catastrophes, munie d'un materiel special fort intoressant que nous allons decriretout d'abord. L'install a t i o n de Lievin comprend une grande galerie d'experiences, un batiment principal avec bureaux, bibliotheque, laboratoire, des annexes renfermant broyeurs et ventilateurs, enfin des gazometres a grisou. La galerie presente intericurementla forme, les Fig. 2. Le mortier de t dimensions et les dispositions d'une galerie de mines, mais elle est construite de toutes pieces a la surface du terrain. La longueur actuellement construite est de 65 m. , superieure des maintenant a celle de toutes les galeries qui ;existent a 1'etranger ; mais elle ne , tardera pas a titre encore prolongee; elle pourra s'etendre sur 500 m. de longueur avec coudes et ramifications, suivant les necessites experimentales afin de reproduire, aussi exactement que possible, toutes les conditions reelles de la mine. Les 30 premiers, metres sont construits en beton arme avec une tres forte armature qui lui permet de defier la violence des explosions. Dans les parois laterales sont menages 12 hublots de verre arme, grace auxquels les experimentateurs convenablement abrites peuvent observer les progres et l'aspect de la flamme des explosions. Au deli des 30 premiers metres, l'observation directe devenant impossible, a cause de 1'eloignement, le mode de construction change. La galerie est etablie sous remblai. Des appareils enregistreurs suppleeront a l'observation directe. Sur la galerie de ciment arme se branche une galerie secondaire ; - a l'entree est un ventilateur soufflant, que 1'on isole au moment d'une explosion par une forte ; trappe en acier. Ce ventilateur permet, apres chaque essai, de renouveler rapidement lair de la galerie ; il peut aussi creer un courant d'air continu pour faciliter suivant les besoins, la formation des nuages de poussieres. Comment rea lise-t-on dans la galerie les melanges de grisou et de poussieres, soumis a 1'experience? Le grisou doit titre du grisou naturel ; on va done le puiser dans la mine voisine, a 526 m. de profondeur, et on 1'amene par une canalisation, dans un gazometre de 300 m ou it s'emmagasine jusqu'au moment d'tre utilise. Il lace en tote de la galerie. est commode pour la plupart des essais, et parf ois necessaire, d'avoir du grisou sous pression ; un petit gazometre de 25 m 3 , muni dune cloche dont on peut regler le poids a volonte, realise ce desideratum. Les poussieres, elles, sont produites artificiellement : la station possede deux broyeurs ; 1'un a boulets sert de degrossisseur; il reduit les morceaux de charbon on de roches, en grains de 1 min et demi environ; cette poussiere grossiere est placee dans le second broyeur, sorte de tambour tournant autour de son axe, on elle est porphyrisee par frottement au milieu de milliers de petits batonnets d'acier. Apres un temps suffisant, on realiseLA SECURITE DAMS LES MINES 9 Fig. 3. L'entree de la station. comprime, alimentee par un ventilateur puissant; celui-ci est forme de deux turbines centrifuges conjuguees en serie, tournant a la vitesse de 2000 tours par minute sousl'action d'un moteur de 20 chevaux, et refoulant jusqu'a 750 litres d'air par seconde. On cree done dans la galerie une atmosphere ga erie, Fig. 4. Le batiment principal; a gauche l'observatoire crenele. de composition on les deverse a bien determinee ; une vitesse bien uniforme dans une canalisation d'air on y envoie une proportion connue de poussieres qui ainsi des poussieres dune finesse invraisemblable ; un tamis comportant 4700 mailles par centimetre carre n'en retient aucune parcelle : aussi des particules fines se maintiennent-elles aisement en suspension dans fair et se pretent-elles fort bien aux etudes methodiques d'inflamma t i on. Pour les amener daps la 1 Fig. 5. Vue exterieure de la galerie : on apercoit a droite la galerie de ventilation; an premier plan la canalisation de grisou.10 LA SECURITE DANS LES MINES y frotte en nuage bien homogene. Reste a provoquer 1'explosion : a cet effet, la tete de la galerie en ciment arme est close par un fond amovible dans lequel est menage le logement d'un mortier de tir. La station Fill. 6. La pompe qui aspire le grisou dans la min d'essai possede des maintenant deux mortiers de tir faits d'un tube de canon frette, a ame cylindrique representant le trou de mine. L'un de ces mortiers pent resister a une pression interne d'environ 15 000 atmospheres. L'explosif a essayer est place dans fame du mortier avec ou sans bourrage et detone par mise de feu electrique, commandee a distance. Les observateurs se placent dans une chambre d'observation, cre'nelee comme un abri de tir, et d'ou ils observent, a l'abri, 1'efl'et d'explosions parfois terrifiantes. On voit que la station est remarquablement outillee pour etudier toutes les conditions des accidents de mines : 1'installation a e'te terminee en juillet dernier et, depuis ce moment, M. Taffanel se livre a d'interessantes experiences, dont on pout tirer deja d'uti.- les et rassurantes conclusions. Il a constate tout d'abord que les explosifs de surete donnent une securite pour ainsi dire absolue, aussi bien dans les atmospheres poussiereuses que grisouteuses. Par contre, la dynamite gomme est extremement dangereuse; dans une atmosphere renfermant 450 gr. de poussiere par metre cube, l'explosion de 160 gr. de d^-namite suffit pour provoquer un terrible coup de poussieres. L'efl'et est le meme sur un melange de 10 pour 100 de grisou et de 90 pour 100 d'air. M. Tafl'anel a pu etudier la vitesse de propagation de l'onde explosive. Celle-ci, qui atteint plusieurs milliers - de metres avec le grisou, nest que de 80 m. avec les poussieres, mais ce chiffre est beaucoup plus eleve que celui de 1 m. admis auparavant. On a pu egalement s'expliquer dde visit comment se propage pour ainsi dire indefiniment le coup de poussicres qui semblait ne pouvoir avoir qu'un effet limite. On voit, en eflet, chaque explosion limitee soulever devant elle un epais nuage de poussieres qui explose a son tour. Il en resulte une sorte de propagation par ondes successives qui pent s'etendre a toute une mine. La presence du grisou. n'augmente pas la longueur de la flamme, mais accroit la rapidite de sa transmission. La teneur en poussieres de Fair j oue un role capital. Avec 112 gr. par metre cube on a 50 pour 100 de rates. Leur grosseur intervient egalement. Autre constatation extremement interessante : la presence dans Fair de poussieres schisteuses incombustibles empe'che le coup de poussiee, res, lorsque leur proportion est suffisante et atteint 40 pour 100. Or, la plupart des mines contiennent dans leurs poussieres beaucoup de parcelles de schistes, 30 pour 100 en moyenne, ce qui explique la rarete relative du phenomene, et it ne sera pas difficile d'augmenter artificiellement cette teneur. Enfin, la teneur en matieres volatiles du charbon a une grande importance (explosion facile a 22 pour 100, rare a 13 pour 100) . Bien entendu, toutes Fig. 7. La galerie vue en bout. ces experiences vont etre continuees et les observations poursuivies dans les conditions les plus diverses, do facon a pouvoir etablir scientifiquement les lois des explosions dans les galeries de mines pour en re'duire le danger dans la mesure du possible . A. TROLLER.. . . . . . . . . . . 11 LA NOUVELLE ARMEE Ct11N01SE Les tres graves evenements qui se deroulent depuis quelques mois en Chine, +-- et oh se manifestent a la fois, suivant un dosage difficile a etablir, 1'esprit reformiste et re'volutionnaire d'une petite minorite consciente et 1'humeur foncierement xenophobe du plus grand nombre meritent d'attirer d'une facon toute particuliere l'attention sur l'organisation actuelle de 1'armee chinoise, sur son passe aussi, et sur ce qu'on peut enfin presumer de son avenir. C'est ce que nous voudrions faire en ces quelques lignes. Si en effet les vaincus de 1900, Boxers, Longs Couteaux, affilies an Nenuphar Blanc, au Lotus Bleu et au Celeste Dragon, adherents a toutes les socie'te's secretes qui pullulent, relevant la tote et redeviennent menacants, c'est qu'ils sentent que leurs revendications pourraient, le cas eche'ant, s'appuyer sur une armee veritable, toute differente de l'ancienne cohue disparate et he'te'rogene des soldats de 1'Etendard Vert ou des Huit Bannieres mandchoues. L'armee chinoise qui, it y a huit ans, n'existait pour ainsi dire pas est maintenant creee. Si le plan considerable elabore par le Conseil superieur de la guerre, le fameux Lien Ping Fou, n'est pas encore completement realise, il suffit que des maintenant les Orientaux aient une section parfaitement organise'e de l'oeuvre entreprise, pour qu'il ne soit pas indifferent aux voisins de la Chine, aux Francais en particulier, de connaitre les redoutables adversaires qu'ils auraient eventuellement a combattre. La Chine reste peut-titre un pays charmant, mais le tintement des clochettes y est deja couvert par les sonneries guerrieres des trompettes et des clairons, et - si quelques lettre's, amateurs de pittoresque, regrettent ce temps disparu, les vrais patriotes chinois sont fiers au contraire et se felicitent bien haut de cette transformation. L'ancienne armee etait composee de quatre e'lements principaux : 1 0 Les troupes dites des Huit Bannieves, parce (lu'elles s'abritaient sous les plis de huit etendards combinant les couleurs de fare-en-ciel. Cohortes uniquement composees de soldats mandchous qua les empereurs placaient aupres de chaque gouverileur, biers plus pour 1'espionner et le inaintenir daps l'obeissance que pour le suivre au combat. Les hommes qui les composaient, vivaient avec leurs familles, dans de Brands villages militaires etablis ordinairement a proximite des centres importants, cultivant d'imnienses rizieres qui leur appartenaient collectivement (voir dans la Nature no 1804, 2'1 de'- cembre 1907, p. 44, l'article de 1i. H. 1fonin on la Re forme militaire en Chine) . Soldats agriculteurs, fils degene'res des Tartares de 1'invasion, ifs avaient perdu dans cette vie de biers-titre toutes les vertus guerrieres de leurs ancetres. Ces derniers poussaient l'amour des combats au plus haut point : lorsqu'une expedition e'tait de'- cide'e par l'empereur, leur maitre, ils designaient le plus brave d'entre eux pour etre sacrifie' aux divinite's ; puffs, toutes les troupes defilaient solennellement devant un vase rempli du sang de la victime, en y trempant la pointe de leur sabre et en jurant de mourir plutot que de reculer devant 1'ennemi. Les hommes des Huit Bannieres ont ate, il y a environ un an, disperses et renvoyes dans leurs foyers, ceux qui avaient moins de quarante ans, verses dans un corps special de police, uniquement charge de maintenir 1'ordre a l'interieur des provinces en temps de paix, et de prote'ger, en temps de guerre, les lignes de communication de 1'arme'e de premiere ligne. Its font d'ailleurs, si 1'on en croit les rapports des vice-rois, un pietre service, ranconnant les villageois et les citadins, menacant les fonctionrlaires et les mandarins et protegeant les pillards et les malandrins. Au Yunnan, presque tous passerent dans les rangs des insurges re'formistes, et nos officiers des postes-frontie"res durent en de'sarmer des centaines qui avaient envahi le Tonkin a la suite des bandes re'voltees du parti de la c( Jeune Chine a. 2 Les anciennes troupes re'gulieres chinoises de 1'Etendard Vert, ainsi designees par la couleur de leurs drapeaux, second element de la puissance militaire des Celestes, s'intitulaient c( braves parce qu'ils avaient e'toufe l'insurrection des Tai-Pings en 1853. C'etaient eux que nous avions l'habitude de voir, a la frontiere du Tonkin, errer sur nos marches, couverts de loques minables et crasseuses qui e'taien t leurs uniformes, se livrer a la contrebande de l'opium, du sel et des allumettes, maquignonner des chevaux, conduire meme des troupeaux de canards, se procurant ainsi des moyens d'existence, car les piastres de lour solde leur e'taient rarement payees ou, avant d'arriver a destination, etaient volees par leurs commandants, aussi miserables qu'eux. Les vice-rois, qui les craignaient a juste titre, ne'gligeaient bien souvent de les armer : de vieux sabres ebreche's suspendus a un baudrier de corde, upe hallebarde comme on en voit aux suisses de nos cathedrales, des mousquets plusieurs fois centenaires, un arc ou meme une simple trique leur suffisaient amplement d'ailleurs pour exercer leurs ravages dans les basses-cours des villageois, les boutiques des commercants et meme les greniers a riz des mandarins. Quand cette horde de misereux, ramassis de mendiants et de coupe-jarrets etait contrainte de marcher a l'ennemi, les batailles qu'ils livraient, tournaient en carnavals parfois tragiques. Chaque soldat, pourvu dun uniforme sur la poitrine et le dos duquel e'taien t brode's, au milieu d'une sorte de cible blanche, des animaux fantastiques et des devises terribles, recevait une arme quelconque, un parasol et une paire d'espadrilles on paille de riz qui ne pouvaient d'ailleurs resister aux fatigues de la premiere journee de marche. Par groupes de12 LA NOUVELLE ARMEE CHJNOISE huit, ils se serraient autour d'un immense drapeau bariole de 4 m2 , et si la pluie venait a tomber, tons les parasols de 1'escouade s'ouvraient par enchantement. Des que 1'ennemi etait signale, l'armee tout entiere entonnait, hurlait plutut, a la mode antique, un chceur bien rythme oh se melaient les plus horribles imprecations contre 1'audacieux adversaire et les eloges les plus dithyrambiques en l'honneur des cc braves )) qui allaient donner leur vie pour la gloire de leur empereur. Puis, tous marchaient a la mort avec une froide bravoure, une heroique insouciance; et c'est ainsi que, pendant la guerre sino j aponaise, on put voir des bataillons chinois se faire ecraser, sans reculer d'une semelle, etendards deployes et chaque repas cinq kilos de nourriture varie'e et qui mourut en 1902 d'une indigestion! Les contingents n'appartenant pas a 1'armee du Pe-Tchi-Li, qu'ils fussent enroles sous les Huit Bannieres on sous l'Etendard Vert, ne pouvaient, on le comprend, titre vraiment redoutables dans ` une guerre contre les puissances occidentales. Au moment ou le canon grondait aux alentours de Pekin, pendant le siege des Legations, fare etait encore au Yunnan la veritable arme reglementaire de nombreuses compagnies chinoises. Et, encore un an plus Lard, a Ma-Li-Po, localite tres importante an sud do Yunnansen, les habitants me citaient avec fierte le nom d'un capitaine qui avait successivement place Fig. 1. Statue d'un mandarin militaire dans 1'allee des tombeaux des Ming, a Pekin (xvie sicle). ombrelles ouvertes, sous le feu des Murata et la rafale des Shrapnels japonais.. 3o Des milices monqoles et thibetaines entraient aussi dans la composition de 1'ancienne armee chinoise, mais elies n'existerent jamais que sur le papier. 40 Une seule troupe etait reellement bien armee, Bien instruite, Bien encadre'e ; c'etaient les trente-cinq mille iegulievvs du Pe-Tchi-Li, munis de Mauser a repetition, qui nous tinrent longtemps en arret devant Tien-Tsin et infligerent meme un serieux echec aux marins de la colonne Seymour avant 1'arrivee des Allies en 1900. Leur chef etait le fameux marechal Ma, le marechal cc Cheval a , qui avait acquis en Chine une notoriete considerable par son app'tit formidable lui permettant d'angloutir a huit fleches dans un panneau de deux metres de largeur pose a 60 metres environ. Le poste frontiere de Bac-Bao, on quarante reguliers cantonnais tenaient garnison, possedait, it est vrai, trois fusils a tir rapide, mais si rouilles, que les dcux sousofficiers chinois qui seuls en connaissaient le maniement, ne purent faire manceuvrer la culasse devant moi. Sept ans a peine se sont ecoules, et nous avons ete convies a assister aux manoeuvres et aux evolutions d'une armee veritable, composee de vieux soldats, qui, vers 1910, comptera cinq cent mille hommes en temps de paix, si le plan concu est me'thodiquement appliqu! Cette reorganisation est 1'ceuvre d'un chef energique et audacieux, YuanjShi-Kai, her encore petitLA NOUVELLE ARMEE CHINOISE 13 Fig. 3. - Offlciers de l'nncieuuc 31'1lltic chiuoise sur leur char de gucrrc. mandarin a boutonbleu, inconnudetaus, aujourd'hui vice-rei du Pe-Tchi-Li ct commandant en chef de l'armee du Pel-Yang. Par tous lesmOIens, Yuan-ShiKai a cherclu' a reveiller l'esprit militairc desCelestes, a creer l'idee de patriotisme dans cet empire de plus de quatre cents millions d'habitants, et itdonner a son pays un puissant organismc lui permettant de tenir dans Ie monde Ill. place qui lui revicnt. Et commc cet homme cst doue d'une volonte de fer ct d'une valeur indiscutabIe, il a deja reussi a mcttrc sur pied cent mille cornbattants bien cncadres et bien instruits qui soront Ia base solide de l'edifice social entrevu dans scs reyes d'avenir. Son plan separe I'Empirc chinois en vingt zones militaires avant chacune un corps d'armco a deux divisions de douzemillehommes, et ron estime que toutcs ces formations seront completes avec leurs services auxiliaires dans un delai de douze it quinze annecs. Le recrutemcnt s'opere, en theorie, par engagements volontaires. Les engages doivent appartenir nux bons elements du peuplc ct etre connus des mandarins; illeur est impose de savoir lire et dessiner les caracteres essentiels de l' ecriture chinoise. Bien que les parents ne soient pas encore tous tres enthousiasmes de voir leurs enfants embrasser In carriere des armes, on peut toutefois affirrner que la profession desoldatn'est plus vouecau mcpris comme jadis. Ceux qui l'adoptent ne sont plus uniqucmcnt les coolies, les barbiers et les domestiques de l'aDcicnne armee, reaardes ajuste titre commeIa lie de 1a societe. La duree du service actif est de trois ans pendant lesquels les soldats doiven t, en principe, so consacrer cxclusivcmcnt ala preparation de la guerre, et sont decharges du maintien de l' ordre local qu' assnrent seules les troupes provincialos. La solde men- Fig. 2. , Soldats maudchous des HuH Banuierns. suelle cst de trois taels, soit seize francsenviron,maisl'.Etat oblige los soldats it envoyer un taelalcur farnille, aflndemaintenir ce principe de deference cnvers les parents qui cst sacre pour tout vrai Celeste; Enfin les Chinois sont astreints a deux p6riodcs de reSOfYC, la premiere de troisans, Ia scconde de qualrc, pendant lesqucllcs ils sont tenus it plusieurs mois de rigourcux cxerciccs militaircs. Les instruetcurs sont en majorile Japonais, mais YuanShi-Kai et lcs grands chefs rnilitaires ne caehent pas leur intention de so priver bicntot de tout eOI1cours etranger ; acet effet dans chaquc province ont et{~ crccos des eccles d'officicrs et de sous-officiers d'ou sortiront chaque annce treize cents jeunes Chinois appartcnant aux meilleures classes de la societe, ear nobles, bourgeois et riches comrnercants so font honneur et gloire d'y envoyer des maintcnant leurs enfants. II y a dix ans, on dernandai l aux futurs officiers de soulever un poids de vingt-cinq kilos, et celui qui avait les biceps les plus solides recevait Ie plus haut grade, surtout s'il etait asscz riche pourgagnerlesbonnesgracesdesexaminatcurs;14 ACADEMI E DES SCIENCES aujourd'hui, parmi les epreuves eliminatoires imposees aux candidats figure la justification d'une connaissance assez approfondie des langues anglaise, allemande, japonaise ou francaise. 11 faut connaitre 1'esprit routinier des Chinois, avoir vecu pre's des mandarins epris de vieille litterature classique pour comprendre combien dut souffrir l'amour-propre de ces Chinois mis dans l'obligation d'etudier fart, les sciences et les lettres de ceux qu'ils considerent comme des Barbares, et combien fist ardente leur ficvre du progres et peutetre aussi leur soif de revanche pour ne pas se revolter contre ces exigences nouvelles. Quand je vois les soldats Celestes actuels avec leur uniforme sobre, copie sur celui des Japonais, le pantalon de zouave rentre dans la demi-botte, to ceinturon et la cartouchiere Bien astiques sur la blouse de kaki en ete et la veste de drap_ on hiver, la natte roulee sous un coquet turban, je ne peux m'imaginer que ce sont les memos hommes que j'apercevais, it y a huit ans a peine, couverts de Toques crasseuses, error dans les campagnes, a 1'af fit de quelque mauvais coup. Quand je vois leurs officiers avec leur tunique simple et correcte, et que j'apprends que beaucoup d'entre eux dans to desir de se moderniser, n'hesitent pas a sacrifier la natte nationale et a se faire couper lcs cheveux, je ne puis croire quo ce sont les chefs qui, her encore, lippus et obeses, afl'ubles de vetements de soie tombant sur des culottes bouffantes aux teintes variees, chausses de bottes feutrees ornees d'etranges papillons, se promenaient, . solennels et grotesques, au milieu des hordes indisciplinees qu'ils commandaient . Et pourtant ces mandarins que nous tournions en ridicule, viennent d'etonner nos attaches militaires aux grandes manoeuvres de Chang-Te-Fou, par lour science de la tactique moderne et par la precision de leurs evolutions ; ce sont eux qui ont achele aux Italiens leurs appareils de telegraphie sans fit ; ce sont eux qui ont installe 1'electricite dans les arsenaux de Pao-Ting-Fou et de Nanking; ce sont eux qui fabriquent des canons de 75 millimetres et des pieces de montagne d'une portee superieure a It kilometres ; ce sont eux qui inventent un fusila repetition, perfectionne et mysterieux, dont, par un retour ironique du dedain de jadis, nos etats-majors d'Europe ignorent 1'exact mecanisme ! Ce sont eux enfin qui ont inscrit dans leur nouveau reglement militaire ces conseils, temoignage d'un esprit national tout nouveau : 1827-1908). science moderns et de 1'ancienne courtoisie francaise que peu de naturalistes compterent autant d'amities en dehors de leur propre pays. Quelle que soft la rapidite' du. progres scientifique, le rayonnement de ses travaux durera pendant de longues annees, it ne sera pas -eteint quand disparaitront a leur tour ses disciples, ses collegues, ses amis qui auront garde precieusement le souvenir de son grand caractere, de sa rare amenite', de son admirable conscience scientifique. ARMAND THEVENIN. Le Ge rant : P. MAssoN. Paris. Imprimerie LAIHJRE, rue de Fleurus, 9,LA NATURE. No 1855. 12 DICLMBRE 1908. LE ROLE DE LA VITESSE DANS LES PHENOMENES 1 La masse et la vitesse. Les theories nouvelles sur la structure de la matiere conduisent a la considerer comme composee de petits tourbillons d'ether dont la rigidite et 1'energie sont dus uniquement a la rapidite de leurs mouvements de rotation. Le mouvement est a la base de tous les phe'- nomenes. Its ne sont connaissables que sous forme de mouvement et, par consequent, comme une fonction du temps. Avec de la vitesse on produit de la rigidite et les diverses proprietes des corps. En faisant convenablement varier la vitesse, on determine l'apparition de toutes les formes d'en ergie connues . Les grandes constantes de l'univers sont _le mouvement et la resistance au mouvement. Le mouvement c'est 1'energie. La resistance c' est l'inertie. L'inertie est une grandeur dont la mesure constitue ce que 1'on appelle la masse. Si la matiere ne possedait pas de l'inertie, une impulsion tres petite lui imprimerait une vitesse infiniment grande. Toute la mecanique est 1'art d'utiliser l'inertie ou de lutter contre elle. La matiere en mouvement emmagasine une certaine vitesse qu'elle peut restituer ensuite sous des formes diverses. z L'equation de la force vive T = m^ met en evidence faction de la masse et de la vitesse, et montre que, sans faire varier 1'une, on peut accroitre indefiniment le travail produit, simplement en augmentant 1'autre. 11 est facile, comme je l'ai dit ailleurs, d'imaginer une machine theorique formee d'une toute petite sphere tournant dans le chaton d'une bague produisant par le seul fait de sa vitesse de rotation autant de chevaux-vapeur qu'un millier de locomotives. 11 est toujours possible de remplacer la grandeur des masses par 1'accroissement de leur vitesse. C'est ce que fait precisement 1'artillerie moderne en substituant aux Bros projectiles des anciens fusils, des balles fort petites possedant une vitesse tres grande. Une substitution analogue s'opere egalement de plus en plus dans l'industrie. Avec les anciens moulins hydrauliques places sur les rivieres, on utilisait une masse considerable de vitesse faible, et pour y arriver on devait employer des roues d'un diametre enorme. Il en est tout autrement maintenant dans les usines etablies an has des montagnes aupres de chutes d'eau atteignant parfois 500 m. de hauteur. On utilise alors la vitesse tres grande d'une masse de liquide assez petite. Le tuyau de conduite amenant 1'eau n'a guere, en eflet, plus de 15 mm de diametre, et la roue qui la recoit quelques centimetres seulement de section . C'est egalement la force vive due a la vitesse considerable de masses tres petites qu'on utiuse dans les nouvelles turbines a vapeur. On sait que (( de la vapeur a 4 atmospheres s'ecoulant dans un condenseur out regne une pression de dixieme ' d'atmosphere acquiert une vitesse de 1070 m. par seconde a, c'est-a-dire superieure a celle dun boulet de canon. Sa force vive est communiquee a des aubes de faible diametre mais animees d'une vitesse de rotation considerable atteignant souvent 150 m. par seconde. Ainsi, avec une masse faible animee d'une grande vitesse, on obtient les memes effets qu'avec une masse considerable se deplacant avec une vitesse faible. It est possible de perforer un cuirasse' avec un obus de masse minime doue' d'une vitesse elevee Rigidite .ionne'e par la vilesse a un fluide. Un filet d'eau de 2 centimetres de diametre tombant d'une hauteur de 500 metres devient aussi resistant qu'une barre de metal et ne peut etre coupe par un coup de sabre lance avec violence. 37e anne'e. ler semestre. 2. - 1718 LE ROLE DE LA VITESSE DANS LES PFIENOMENES mais on pourrait y arriver aussi bien en lancant sur lui un simple paquebot de bois de vitesse faible, mais de masse enorme. C'est ainsi qu'on a vu recemment le Gladiator, malgre sa cuirasse d'acier de 8 cm, titre coule en quelques minutes par un simple paquebot qui I'aborda par le travers et le coupa presque entierement en deux parties. Le trou pratique dans la cuirasse avait en effet 13 m. de diametre. 2 Les forces diverses cremes par la vitesse. Les exemples elementaires qui precedent ne font qu'incompletement saisir le role du mouvement dans les phenomenes naturels. Nous allons le voir grandir en montrant des forces aussi difl'erentes que le courant electrique, le magnetisme, la lumiere, les rayons cathodiques, etc. , titre engendrees par de simples variations de mouvement d'un meme element. Toutes les vitesses autrefois observees etaient, en dehors de celle de la lumiere, tres faibles. L'automobile le plus rapide ne depasse guere 130 km a 1'heure, soit 56 m. par seconde. Un projectile atteint difficilement 1000 m. Les vitesses astronomiques, bien que superieures, sont encore relativement assez faibles. La terre parcourt 30 km par seconde, les etoile's 50 km dans le meme temps. La decouverte des emissions radio-actives et des rayons cathodiques revela 1'existence tres imprevue de particules parcourant de 30 000 a 300 000 km par seconde. L'etude des effets produits par de telles vitesses montra, qu'il suffisait de faire varier le mouvement d'un meme element pour engendrer des forces tres difl'erentes. Observons une sphere electrisee infiniment petite, mais susceptible de prendre une grande vitesse. Tant qu'elle restera en repos, elle ne pourra produire que des attractions et des repulsions sans aucun effet magnetique. Mettons-la en mouvement et donnons-lui une vitesse constante. Par le fait seul de cc mouvement, elle s'entoure de lignes de force magnetiques capables d'attirer le fer et produit en outre tous les effets d'un courant electrique. Le simple mouvement de la sphere electrisee a donc engendre un courant electrique et des phenomenes inagnetiques . Nous aeons suppose notre sphere e'lectrisee animee d'une vitesse constante. Modifions cette derniere, soit en la ralentissant, soit en 1'accelerant. Immediatement apparaissent des courants d'induction, des ondes hertziennes et, si la vitesse est assez grande, les vibrations de Tether qualifiees du nom de lumiere. Mais cc n'est pas tout et nous pourrons toujours par des variations de vitesse de notre sphere electrisee -- produire d'autres manifestations de I'energie. Si, en effet, an lieu d'operer dans fair, nous obligeons de petites spheres e'lectrisees a se mouvoir dans le vide, nous obtiendrons d'abord des rayons cathodiques, puis des rayons X quand les spheres electrise'es seront arretees par no obstacle. Les exemples precedents montrent nettement le role de la vitesse dins la production des forces naturelles. Nous allons le voir se manifester encore dans d'autres phenomenes. 30 Rigidite donnee aux fluides par la vitesse. En imprimant a un fluide quelconque, gaz ou liquide, une vitesse suffisante on lui donne aussitot la rigidite des corps les plus durs. Cette rigidite se manifeste meme a des vitesses relativement assez faibles. C'est ainsi, par exemple, qu'on perce un rocher avec un jet de liquide. Une colonne d'eau de 2 cm. seulement de diametre, tombant dune hauteur de 500 m. et ayant par consequent une vitesse de 100 m. par seconde, ne pent titre coupee par un coup de sabre lance par un homme vigoureux. L'experience, reproduite a la page precedente, a ete faite a l'usine de Lancet'. Un gaz quelconque, doue de vitesse, agit comme un projectile solide. Chacun connait les effets du vent soufflant en tempete. Le dernier cyclone observe au Mexique rasa entierement une ville et se comporta comme 1'eut fait un gigantesque boulet de canon. Ce sont des phenomenes de cet ordre qui ont conduit a supposer que les disques employes maintenant dans beaucoup d'usines pour scier des masses metalliques en leur dormant une vitesse tangentielle d'environ 100 m. par seconde (2000 tours par miflute) coupaient les metaux sans les toucher; seul, lair entraine produirait la section. Cette hypothese, bien que repetee depuis 25 ans, n'est pas encore experimentalement demontree, et, malgre l'interet pratique de sa demonstration, aucun des directeurs d'usine auxquels je me suis adresse (le Creuzot, Bussy, etc.) n'a consenti a faire executer les tres faciles experiences necessaires pour cette verification, dont aucun d'eux n'a reussi d'ailleurs a comprendre la portee. Ii faut simplement retenir de cc qui precede qu'un fluide anime d'une vitesse convenable devient par cc fait seul rigide. Vitesse et rigidite sont un peu svnonymes. 4o Stabilite des equilibres donnes aux corps par la vitesse. Les mouvements que nous pouvons observer ne sont pas tres varies. Ce sont des translations (projectiles), des vibrations (son, lumiere), des rotations (toupie tournant autour de son axe), enfin des tourbillons. A chacun d'eux correspondent des effets difl rents . Les tourbillons sont les seuls mouvements dont nous nous occuperons ici. Un fluide, liquide ou gazeux, gene dans sa translation, Arend aussitot la forme tourbillonnaire. Lord Kelvin a indique depuis longtemps le moyen de produire des anneaux tourbillonnaires a formes tre's regulieres en obligeant par un choc brusque de la fumee a sortir d'une boite perce'e d'un trou. Les tourbillons posse'dent une grande stabilite et tendent a entrainer avec eux les corps qu'ils rencontrent, ainsi qu'on 1'observe dans les cyclones.INSTRUMENTS DE MUSIQUE DANS LES PAYS DU CHART-TCHAD = 19 Ces tourbillons representent pour les physiciens modernes la forme sous laquelle se meuvent les dernieres particules des corps. Tourbillons ou gyrostats, c'est toujours a cette variete de mouvements rotatoires qu'on est conduit. Chaque atome est considers aujourd'hui comme un petit systeme solaire en miniature avec son cortege de planetes. Qu'il s'agisse de tourbillons ou de simples rotations autour d'un axe, 1'experience demontre que ces mouvements determinent dans les corps qui en sont animes une stabilite tres grande mais destinee a disparaitre avec le repos. Chacun sait qu'une toupie ne pent rester sur sa pointe qu'a la condition de tourner tres vite. Be meme pour la bicyclette qui ne se maintient verticalement sur le sol que taut qu'elle est maintenue en mouvement. La matiere etant consideree comme composee d'elements en rotation ne se touchant j amais, on pressent le role de la vitesse dans les equilibres materiels. En realite, la matiere, c'est de la vitesse. Seule, l'imperfection de nos sens nous la montre immobile. Si les mouvements des elements constitutifs des atomes s'arretaient un seul instant, ces derniers s'evanouiraient en une invisible poussiere d'ether et ne seraient plus rien, absolument rien, pas meme une legere vapeur. Le repos de la maticre serait la fin des choses, leur retour an neant. C'est ainsi d'ailleurs qu'elle y revient en se dematerialisant lentement comme nous l'avons experimentalement montre 1 . GUSTAVE LE BON. LES INSTRUMENTS D13 MUSIQUE DANS LES PAYS DU CHART-TCBAD La musique des peuples primitifs est ordinairement l'accompagnement de la danse. Les premiers instruments dont on a joue' ont du etre tres simples, leur but avant ete, sans doute, de battre la mesure et d'indiquer le rythme. Tout moyen de produire un bruit pent suffire pour cc resultat, et l'on voit les negres chanter et battre bruyamment des mains l'une contre l'autre pour exciter et guider les danseurs. Aussi l'on comprend que le tambour soit d'un usage si general dans toute l'Afrique. Par une onomatope'e toute naturelle, le tambour a ete appele tam-tam, et, comme la danse qu'il accompagne est la manifestation dune joie commune a l'occasion d'un e'venement heureux, faire tam-tam c'est se livrer a la joie et celebrer une fete. nlais ii s'en faut d'ailleurs de beaucoup que le tambour soit le seul instrument de musique. On sait que l'on distingue trois groupes d'instruments de musique : a vent, a corde et de percussion. Les trois types sont representes dans le continent noir, et si nous envisageons me'me une region plus limitee, comme les pays compris entre le lac Tchad an nord et, au sud, la haute Sangha et le. coude de l'Oubangui, nous y rencontrons egalement des instruments des trois sortes. Cette partie de 1'Afrique comprend des pays musulmans : le Baguirmi a 1'est; le Bornou et l'Adamaoua a l'ouest. Quant au centre de cette vaste region, it est occupe par des populations fetichistes, souvent tres denses, qui ne sont bien connues que depuis quelques explorations recentes, la mission Moll et la mission Lenfant notamment, pour ne titer que les dernieres et les plus importantes. L'un des membres de la mission Moll, M. E. Brussaux, fut charge de faire l'etude ethnographique de ces races si interessantes, et avant pu connaitre en detail leurs mceurs et coutumes, it a rapporte de curieuses indications sur les instruments de musique dont elles font usage'. Sur divers points, ces popu- 1 Notes de mission de M. E. Brussaux sur la race Moundan, sur la race Laka et sur la race Baya. lations fetichistes out subi l'influence de leurs voisins Musulmans et out modifie a leur contact lour costume et leur maniere de vivre, et l'on ne sera pas surpris qu'elles aient essays aussi de copier certains de leurs instruments de musique. Les sultans musulmans de ces regions, qui ont toujours eu une haute idee de leur puissance militaire, font preceder leurs armees de fanfares comprenant ordinairement des tambours, des flutes, des fifres et de grandes trompes. Ce sont a pen pre's les memes instruments que ion trouve dans tons les pays Foulbes. M. Auguste Chevalier', qui raconte un curieux defile des troupes de Senoussi, le sultan de Ndelle, signale les trompes gigantesques formees de defenses d'elephants qui precedaient chaque compagnie. Il dit aussi qua cote du sultan se trouvait no immense tam-tam creuse dans un tronc d'arbre seculaire sur lequel un homme frappait a coups redoubles. La musique de l'armee baguirmienne, dit de son cote M. Emile Gentil 3 , comptait au moms une douzaine de tambours, des flutes, des trompes et (( un clairon provenant d'un fabricant du Faubourg Poissonniere . Au Bornou, les troupes ont aussi des orchestres de fifres, de hautbois et de clarinettes, ainsi que de longues tronipettes qui poussent des sons chauds et vibrants , dit le commandant Lenfant', et qui rappellent par leur forme et leur dimension l'antique tuba des Romains. Les Moundans qui habitent le bassin du Mayo- Kabbi, dans les regions de Binder, Lere. et Bipare,, notamment, ont invite avec des courges les trompettes de guerre des Foulbes. Its ont fait ainsi un instrument assez bizarre, comme on peut le voir dans une des curieuses photographies que nous 1 Voir 1'Evolution do la maliere, He edition ('1908). a Mission Chari-lac Trhad, 1902-1904. Recit du voyage de la mission, par Aug. Chevalier (Paris, 1908), p. '149. 5 SMILE Gr:NTIL. La chute de l'einpire de Rabah (Paris, '1902), p. 87. 4 Commandant LENFAINT. La grande route du, Tchad (Paris, 1905), p. 186.20 ~ --~-------~ lNSTRUMENTS DE MUS1QUE DANS LES PAYS nu CHAR1-TCHAD -----~- Fig. 2. - MOUWlali jou.uit du Ilagcolet. La hurpc des Bayus. Fig. 1. son voyage de ,1905-11904 i, ils jouent sur des flutes en bois au en metal, et tirent des sons monotones, mais fort agreables, dehautbois graves et detrompcs creusees dans les cornes des breufs ou des cabris . Les Lakas se font aussi des tam-tarns sur lesquels ils frappent avec des hag u et t es munies de boules de caoutchouc. Les'l'oubouris, pcuple de race Laka qui habite au voisinage de la depression a Iaquellea etc donne leur nom, imitent beaucoup les instruments des ,~loundans. Comme coux-ci, ils so font des tubes avec de longues courges et des sifflets avec des corncs d'antiIopes. lIs ont aussi des flageolets qu'ils fabriquent en tiges de mil. Les Bayas, qui vivent plusau Sud que les Lakas, entre Ie 7 et Ie 4 de latitude Nord, et qui sont l'une des populations les plus nombreuscs du Congo francais, ont cux aussi un gOllt musical prononcc. Leur musique est surtout une musiquo de danse. Le principal instrument est Ie tam-tam. I'cndant que los danseurs tournent en ccrcle, un joueur de tambour chante une longue mclopde, et tout Iemonde continue Ia chanson en mesure; Ie mouvement s'accentue de plus en plus et les contorsions devienncnt desordonnees. II y a aussi des danses de guerrc qui se font egalenlcnt au son des tarnhours. On trouve chez les llavas trois especcs de tam-tams. Le plus grand, appelc aussi tam-tarn de guerre ou d'appel, est tres primitif. II est taillc dans un tronc d'arhrc et parfois sculpte. II a souvent des pieds tail1cs ell plein bois ct en haut deux poignces qui penncttent de Ie transporter. On en joue avec 1 Commandant LC;:\FA:\T, ibid., p. '12'1. devons ~l l'obligoance du commandant Moll ; ils n'on tirent que des sons rauques, mais portant tres loin (fig. 5). Les seuls instruments qui semblcnt particuliers aux ~loundans sont les flageolets et lcs cornes d'antilopes. Le flageolet est fait d'un roseau d'une longueur de 60 centimetres et d'un dinmetre de 7); il est perce de quatre trous sur Ie dessus. L'emhouchure est Iorrnee par une simple encoche, ot c'est avee les levres que l'on constitue Ie sifilct. Pour faire un instrument d'une corne d'antilopc, les ~Ioundans la percent d'un trou pres de Iapointe; ils fixent dans co trou une petite calebassc au une sphere de terre creuse et percee d'un trou exlerieur. On souffle par l'ouverture de Ia corne en faisant sifIlet en meme temps que I'on ouvre ou que l' OIl forme plus ou moins avec un doigt I'orifice de la ealehassc. On en tire des sons vihrants et prolonges, (lui, dit ~I. Drussaux, ressemblent un peu it des sons d'orgue. On garuit la corne d'ornerncnts de metal et souvent on cntourc l' embouchure de fer hattu mince, dans Ie but d'aidcr Ia vibration. Les joueurs de trompe so reunissent pour former des orchestrcs qUI vont de village en village, se louant pour les fetes et vivant de ce metier. Les ill us ic i ens 1'01'- ment une caste it part. Le chef d'orchestre, tou- 'juurs obei, sc tient au milieude scsmusiciens.Un flageolet joue un air quelesjoueurs de trompcs accompagnent en tournant en cercle et en dansant. QueIque f ois iIs font des imitations de cloches. He deux orchestres qui parcourent Ie pays, il en est un qui est plus repute. Los Lakas, qui occupent la rc;.,. gion comprise entre 7 30' et 10 de latitude Nord, sont une population tres primitive, qu'cntourcnt des peuplcs plus civilises ; au Nord ot it l'Ouest les Foulbes et les M'houms, au Nord-Est et It I'Est lcs Arabes pt les Baguirnliens. I.es Lakas aimcnt la ruusique. (( 'l'ous lcs soil'S, ecrivait 31. Ie commandan! Lenfant au retour de====== JNSTRUMBNTS DB MUSJQUB DANS LES PAYS DU'CHARJ-TCHAD ==== 21 deux mailloches en bois garnies de houles de caoutchouc. Ce tam-tam, comme nous l'apprend M. Brussaux, est depose sous un ahri al'entree de Ia case du chef. II sert dans les circonstances graves pour convoquer Ia population. Le son est sourd, mais s'entend a une grande distance, meme aplusieurs kilometres. Lesecond tam-tam est aussi creuse dans un trone d'arhre, mais il finit en pointe d'un cote et, de l'autre, il est ferme par nne peau d'antilope tendue; le cote en pointe est ordinairement muni d'un pied qui permet de Ie faire tenir debout. On en joue en Iefrappant avec les mains. C'est Ietam-tarn qui sert pourlesdanses. Fig. 5. - Moundan [ouant d'une trompe faite avecuno courge. de caoutchouc, que ron tient de la main droite. Les Bayas ont aussi une curieuse harpe dont Ie son rappelle celui de la guitare. Elle se compose d'une tres longue cote de palmier-hamhou, dont on detache par Ie milieu d'etroites bandes d'ecorce, qui restent adherentes aux extremites de Ia tige, Fig. J. - Le grand tam-tam des Bayas. Fig. 5. - Groupe de Moundans jouant avec des cernes d'antilope. Entin, un troisieme tam-tam, introduit par les Foulhes, estle grand tambour arabe. 11 est fait d'un cylindre de bois ferme par deux peaux etse porte al'aide d'une courroie passee sur l'epaule gauche. On en joue des deuxmains. La main droite est munie d'une baguette recourhee, terminee par nne boule en bois; de Ia gauche on maintient Ie tambour et on joue aussi avec les doigts. On porte de ces tam-tams devant les gens de qualite ; ils ont droit aun, deux on trois tam-tams selon leur puissance. On en envoie aussi au..devant des hotes que l'on vent honorer. Comme Ie tam-tam, nne sorte de cloche double, faite de deux cloches reliees ensemble par Ie sommet, est aussi un insigne de commandement. On tient l'instrument de Ia main gauche et on frappe aIternativement sur rune I .et sur l'autre avec un baton termine par une boule et sont destinees aformer les cordes. On les fait passer adifferentes hauteurs sur lescrans d'un chevalct22 LE SALON DE L'AUTOMOBILE place perpendiculairement sur le milieu de la tige. Des cordelettes, glissant le long de cette tige, permettent de resserrer les cordes vibrantes pour les accorder. Une calebasse, coupee en deux, et fixe'e du cote oppose au chevalet, sert de caisse raisonnante. On tient 1'instrument horizontalement, la calebasse appuyee contre la poitrine et on en joue des deux mains. Enfin les femmes et les enfants se font des especes de castagnettes avee des fruits a ecorce dure, vides an prealable et attaches ensemble par une cordelette. On tient Fun des fruits dans la main, la corde passant entre 1'index et le medius; en faisant tourner le poignet vivement, la boule libre vient frapper 1'autre, tantot d'un cote, tantot de 1'autre. Les femmes se livrent a ce jeu monotone pour accompagner les danses. GUSTAVE REGELSPERGER. LE SALON DE L'AUTOMOBILE Discute avant que de naitre, voue a 1'echec, suivant les uns, au triomphe, suivant les autres, le Salon de 1'Automobile a ouvert ses portes le 29 novembre. Htons-nous ici de constater, ce qui est un reconfort pour 1'industrie nationale, qu'il n'est ni plus ni moms reussi que le precedent. Un peu moms de lumieres, une affluence moms melee et Fin. 1. Six-cylindres Panhard. plus avertie, plus interessante sans doute pour les exposants; quelque uniformite dans les modeles; une tendance a rendre definitifs deux ou trois types de voitures exactement appropries a leur usage; enfin, un elan general communique a 1'industrie du moteur, tels sont les caracteres essentiels de cette exposition, que nous allons rapidement passer en revue. Les types actuels. -- L'automobilisme, disonsnous, tend des maintenant vers 1'uniformite des mod*eles. Cela implique la disparition d'un grand nombre de types de transition. L'an dernier, par exemple, avait vu une floraison exageree de voiturettes ; or, la voiturette recule aujourd'hui, devant la petite voiture. Ce qui distingue nettement ces deux genres, c'est le prix d'achat. La voiturette, coiltant de 3500 a 4000 fr., avee les pneumatiques et la carrosserie, n'e'tait pas viable; 1'experience 1'a prouve. Son bon marche excessif, qui n'a satisfait ni 1'a.cheteur ni le vendeur; des approximations mecaniques un peu osdes dans la construction; les deboires qu'elles ont amenes a l'usage, tout a prepare le triomphe de la petite voiture. Celle-ci, plus robuste, plus lourde, plus chere, coute de 4500 a 5500 fr., toute carrossee; elle est a deux ou quatre places ; son moteur, a un on quatre cylindres, fait aisement le service de l'homme d'affaires, du voya- ^eur de commerce, du medecin de campagne, avec une force de 8 a 12 chevaux. Imme'diatement apres, se presente 'le modele, plus eonfortable, de la voiture de famille, fermee, a quatre places interieures, qui, avec une puissance de 12 a 18 chev. , convient a la ville et au tourisme. Enfin, pour le grand tourisme et le haut luxe, les voitures de'couvertes on les limousines vastes et moelleuses se contentent aujourd'hui d'un moteur de 25 a 55 chev. , en moyenne. Et c'est tout. Bans ces trois exemples pent se resumer, a tres peu pres, la construction automobile en 1 908, en France et a l'etranger. On voit qu'il n'est plus question, ou g uere, des grosses voitures de 50 chev. et davantage qui ont mis a la raison beaucoup de fortunes, meme des plus imposantes. Quelques marques, dont la clientele est particulierement riche, en presentent encore, it est vrai, notamment les marques etrangeres, mais le gros de 1'armee n'est plus la. Petites voitures. Pour les petites voitures, jusqu'a 10 on I2 chev., qui sont toutes a cardans, deux moteurs sont en presence, le monocylindre et le 4-cylindres. Le premier vise a l'economie d'achat, le second a 1'elegance ; Fun est, en general, plus bruyant, moms souple, moms cher, plus rustique; l'autre est plus facile, plus silencieux, plus discret et plus couteux. Quant aux 2-cylindres, ils se font tout a fait rares, ce qui s'explique par leur mauvais equilibrage' et toutes sortes de motifs, qui en ont fait un compromis provisoire et souvent mal venu, entre les types precedents. Parmi les modeles les plus serieux, it faut citer la voiture legere Renault, a deux places, qui appartient a cette categorie de ve'hicules eminemmentLE SALON DE L'AUTOMOBILE 23 economiques et surs, que ion a attendus en vain plusieurs annees. Quant a la maison de Dion-Bouton, elle se presente, a son ordinaire, comme spe'cialiste du monocylindre. Son moteur 100-120 de Fan derc'est la voiture de la bourgeoisie raisonnable, qui est venue a 1'automobile des que celle-ci a su approprier ses qualites aux gouts modestes et serieux de cette clientele, espoir actuel de 1'industrie. Les modeles Fig. 2. Moteur Knight et moteur De Dion. nier est devenu un 100-130 (100 mm d'ale'sage, 1 30 mm de course) . C'est lui qui promene dans Paris ces taximetres jaunes, qui ont audacieusement adopte' le tarif des fiacres hippomobiles ; it donne jusqu'a' 12 chevaux et se montre dune souplesse remarquable. Bans le meme ordre d'idees, la maison Bayard- Clement, qui a mis 1'une des premieres en vente-la voiture a bon marche, expose encore, cette annee, un chassis des plus caracte'ristiques. Il est muni d'un moteur a 4 cylindres, de 65-100, qui fait seulement 8 chevaux, ce qui est presque une limite inferieure pour un 4-cylindres. Voitures moyennes et grosses voitures. Apres la petite voiture, nous passons a la voiture moyenne qui permet deja les carrosseries spacieuses et fermees. C'est ici le domaine inconteste' des 4-cylindres ; its font de 12 a 18 chevaux et conviennent au service de ville comme au tourisme pratique. En somme, de cette categorie sont innombrables au Salon ; pas de stand qui n'ait le sien, chacun s'e0'oreant de lutter avec les concurr nts, pour 1'economie d'achat et d'entretien. Generalement, ces chassis sont a cardan, transmission plus silencieuse que les chaines et suffisalnment re'- sistante pour de telles puissances. L'allumage a bougies y triomphe definitivement de la basse tension dont les rupteurs ss dereglaient trop aisement, le carburateur est partout du type automatique ; les cylindres sont le plus souvent fondus par paires, quelquefois d'un seul bloc. Au sommet de 1'echelle, les voitures de luxe, dont la moitie est a chaines, emploient des moteurs de 20 a 40 chevaux dont beaucoup sont des 6-cylindres, en general par groupes de deux. Ces moteurs qui se signalent par le silence, la douceur et la souplesse de leur marche, ont trouve dans la voiture de luxe leur veritable place et ils font conquise de haute Fig. 3. A, arbre a excentriques. B, biellette commandant le manchon exterieur. C, biellette commandant le manchon interieur. D, manchon exterieur. E, manchon interieur. G, villebrequin. J, distributeur de courant. L, ventilateur. N, collecteur d'echappement. 0, tuyau de sortie d'eau. P, bougie. R, culasse. T, orifice d'entree de gaz. W, piston.24 LE SALON DE L'AUTOMOBI LE lutte. C'est ainsi que la maison Panhard et Levassor expose un chassis muni d'un moteur 6-cylindres de 30 chev. , qui figure tres exactement le modele actuel de la voiture riche. Les 6-cylindres, quoique disa' 6 cylindres, type qui s'est repandu plus vite en Angleterre qu'en France. Le modele 20 chev., expose an Salon, est un des plus interessants, par la disposition d'ensemble, 1'accessibilite des organes et la facilite de demontage du moteur. Ce chassis, essentiellement adapte au tourisme, prouve avec quelle rapidite 1'industrie anglaise s'est assimile l'essentiel de 1'experience acquise par nos constructeurs, tout en conservant ce gout inne du ci confortable a qui est le signe distinctif de la race. Dj, un moteur Siddeley-Wolseley a reussi a balancer le moteur marin de la maison Panhard-Levassor, aux regates de Monaco. L'importation en France des voitures anglaises s'est accrue sensiblement en 1908 ; nos constructeurs feront done sagement, en allant voir de pros des chassis tels que le precedent ; ils y ver- Fig. 4. Moteur Farcot, tincts, y sont accoles et forment un bloc unique d'un encombrement tres reduit. Delaunay-Belleville egalement expose un des plus curieux modeles de 6-cylindres d'un seul bloc et donnant 10 chev. seulement. L'industrie etrange're. Apres cet examen rapide de la production nationale, il faut noter la Fig. 6. Moteur Gnome. Fig, 5. Moteur Gobron-Brille. valeur remarquable des modeles strangers. La maison Siddeley-Wolseley, par exemple, s'efforce deja de concurrencer chez nous les meilleures marques autochtones. Comme la plupart des maisons anglaises, elle a ports son effort sur la voiture de luxe ront qu'il est grand temps de s'armer pour une lutte qui sera rude, quoique cordiale. Le moteur Knight. C'est au stand de la maison beige Minerva que se trouve expose le veritable clou a du Salon 1908, le moteur sans soupapes Knight, construit en France par la Societe Panhard et Levassor. Et d'abord, quel interet y a-t-il a 'supprimer les soupapes actuellement employees par tous les constructeurs? C'est que, dans toute la construction automobile, il n'est pas de piece qui ait donne lieu a plus de mecomptes. Soumis a un martelage extremement rapide, an contact des gaz d'echappement parfois acides, et toujours tres chauds, les clapets sont dans des conditions particulierement difficiles ; aussi ils s'echaufl'ent, travaillent, se deforment on se brisent frequemment. De plus, leur fonctionnement produit un bruit desagreable, qu'il est interessant de supprimer, et la fatigue des ressorts de rappel, jointe a l'inertie des mises en mouvement, finit par influer defavorablement sur le regime des periodes d'admission et d'echappement,LE SALON DE L'AUTOMOBILE 25 c'est-a-dirc sur la marche merne du moteur. Dans Ie moteur Knight, Ies deux operations precedentes sont realisecs par Ie jeu de deux tiroirs-manchons, dont run contient l' autre et qui sont loges dans le cylindre; al'interieur du plus petit sc meut Ie piston et tous Ies deux sont perces de lumieres concordantes. Quand les deux Iumieres S8 font face, il y a admission ou echappcmont. L'operation est done reglee mecaniqucment comme dans la machine a vapeur; elle ne depend plus du fonctionnement d'un ressort, c'est-a-dire de Ia vitesse de rotation. De plus, la disparition des soupapes a etc complctee par celIe des engrenages de distribution, qui sont ici remplaccs par des chaines. La seule difficnltc Fig. 7. - Voiture Hayal'd-Cli~IllCllt. pratique qui aurait pu subsister, Ie graissage des manchons, a etc resolue au dcla des espcranees, par suite d'cfTcts imprevus de eapillarite, qui assurent l' ascension de l'huile entre les manchons mobiles. Ainsi cquipe, n'ayant ni clapet, ni ressorts, ni engrenages, Ie moteur Knight fonctionnc sans produire aucun bruit oxterieur sensible et son rendernent est independant de la vitesse, puisque le rcmplissagc des cylindres ct leur vidange se font dans des conditions invariables (fig. 2 et 5). Sil'cxperience lui rcconnaitdes qualites pratiques, lo moteur Knight peut amener un renouvellcment cornplet des methodes d'alimentation actuelles des moteurs et rcndre courantes des vitessesde rotation de 2500 tours, ce qui offre un interet capital pour l'avenir de l'aviation. En attendant, par Ie moteur sans soupapes et la transmissiona cardan, Ia voiture automobile a pctrolc peut lutter de silence avec les voitures clectriques, dont c'etait Hl, depuis longternps, l'unique superiorite. Les pneumatiques. - II n'y a malheureusemcnt rien a dire des pneumatiques, sinon qu'ils continuent aetre aIa fois indispensables et fragiles. Apres avoir permis l' autornohile rapide, ils s'efforcent de sauver )) les poids lourds. Esperons que ces dcrniers n'auront pas trop hesoin d'auxiliaires aussi dispendicux et que des nombreuses suspensions elastiqucs, telles que celles de Houdaille, Granieri, etc., sortira, enfin, la suspension definitive, qui donnera au carnion mecanique Ia place qu'il ambitionne legitimement. En attendant, jIichelin, Vinet, etc., ont constitue des roues it deux au trois pneurnatiques, propres h porter de lourdes charges a des allures vives, sans (lue le chassis soit expose aces vibrations, qui rendent indisponible 50 pour '100 des autobus Parisiens. Les figures 9 et 10 reproduiscnt les oscillations enrcgistrces aux usines Michelin, lars du passage d'un memo obstacle, par une roue munie d'un bandage plein et une autre tl pncumatique. Il suffit d'un coup d'reil pour y lire la difficulte de ]a suspension dans Ie prohleme du poids Iourd. Fig. 8. - Yoiture Henault Jrercs, Lcs moteurs [eyers. - Us sont nombreux au Salon de l'Automobile, et nous les reverrons encore acelni de I'Aeronautiquc. ~Iais on ne peut passer sous silence ceux qui ont attire dejtt Ia curiositr' generale. Tels sont les moteurs Gobron, Gnome et Farcot, tous trois d'un type different. Le moteur GoLron, Ie plus recent, ales caracteristiques suivantes.npese150 kg et donne80 chev.: l'alimentation est faite au moyen d'un carburatcur; le rcfroidisscmcnt cst obtenu par I'cau, au 11loyen d'une turbine calee it r extremite de l' arbre; il exigc environ 15 litres d'eau. La figure montre le dispositif en X des 8-cylindres, reparties par deux, dans quatre demi-plans rcctangulaires. Deux rnagnelos, symetriques par rapport au plan vertical de26 LA QUESTION DES LIGURES l'arbre, assurent 1'allumage. Les cylindres sont du type Gobron, . a deux pistons opposes et chambre d'explosion mediane. Le moteur. Gnome est fonde sur un principe cntierement different, qui rappelle celui du moteur Burlat, decrit ici meme dans le compte rendu du Salon 1907. L'arbre est creux et fixe, les cylindres sont mobiles et l'helice est calee sur le carter, qui tourno d'un bloc avec les cylindres, a raison de 1200 tours, it y a 7 cylindres pour 50 chev. et '14 pour se fait a l'aide d'un renvoi par pignon dangle qui actionne un arbre horizontal. Nous reviendrons, an moment du Salon de l'aeronautique, sur la theorie generale des moteurs legers. Notons seulement les efforts soutenus, qui sont faits pour refroidir par fair seul la surface exterieure des chambres d'explosion. Tel est, en resume, 1'aspect du Salon de '1908. II presente, outre les traits essentiels signales plus haut, un interet particulier, par suite de l'effort qui Fig. 9. Diagramme Michelin (pneu). 100 chev. Les poids correspondants sont de 75 et 100 kg. Le refroidissement est ici confie a l'air seul (air-cooling) et les cylindres ont des ailettes. L'alimentation se fait a travers l'arbre creux et le graissage s'opere par la force centrifuge. Tout 1'ensemble, moteur, carter, arbre est en acier nickel. Enfin, le moteur Farcot, a 8 cylindres repartis par 4 en etoile dans deux plans horizontaux superposes, constitue une troisieme solution du moteur leger. Le refroidissement est ici realise par un ventilateur a axe vertical et la commande des helices Fig. 10, Diagramme Michelin (plein). est fait, des maintenant, pour empecher le Salon de 1909 d'avoir lieu. La raison principale, mise en avant, par les promoteurs de cette ide'e, est penurie de nouveautes reelles en automobilisme. Ce point est indiscutable, ainsi qu'on vient de le voir. Hormis le moteur Knight, qui ne justifie pas un Salon a lui seul, convenons que les frais d'exposition grevent inutilement le budget des constructeurs, qui n'ont plus personne a convaincre aujourd'hui. L'automobile a triomphe, comme la machine a vapeur, or it n'y a pas de Salon pour les locomotives. ETIENNE TARIS. LA QUESTION DES LIGURES On sait depuis longtemps que les Celtes ou Gaulois ne sont pas les premiers habitants historiquement connus de notre pays. Its y sont venus par .invasion vers le Vie sicle avant notre ere. S'il existe encore aujourd'hui bien des incertitudes sur leur type physique, sur leur origine ge'ographique, sur leurs mceurs, on a pu du moms se convaincre que leur langage les rattache a cc grand groupe de families linguistiques, comprenant les dialectes grecs, Latins, germaniques, slaves, indo-iraniens, que l'on appelle le groupe indo-europeen ou aussi, mais moms heureusement croyons-nous, aryen. Le territoire de la Gaule e'tait peuple' lorsqu'ils en prirent a peu pres totalement possession. Qu'etaient ces habitants, nous ne disons pas primitifs, mais ante'rieurs aux Celtes, que par la voix de ses ecrivains (Strabon, He'cate'e de Milet, Avienus, etc.) l'antiquite' de'signait sous le nom de Ligures? La question a ete souvent debattue : M. Jullian qui ne pouvait manquer de la rencontrer an tours de sa magistrate Histoire de la Gaule 1 , en propose a son tour avec beaucoup de prudence --- une solution. (c D'un livre a 1'autre, ecrit M. Jullian a leur propos, on se heurte a des conclusions absolues et oppose'es, sans qu'on sache le motif qui rend les assertions si _fortes. Berberes, Egyptiens, Gaulois, Basques et Iberes, Mongols, toes Les noms de peuples et de races ont e'te' prononces pour creer une parente' aux Ligures. Its representent, 1 CAMILLE JULLIAN. Histoire de la Gaule. I. Les invasions gauloises et la colonisation grecque, Paris, Hachette, '1908, in-8 (Les Ligures, p. 11.0-193 et daps le rest 1, du livre, notamment pp. 229, 233, 239, 242-248, 262).LA QUESTION! DES LIGURES 27 disent les uns, les populations non aryennes de 1'Occident, anterieures et etrangeres aux Brands courants d'hommes que de'versa plus tard sur lui la race indoeuropeenne; et c'etaient, ajoute quelqu'un [M. Sergi, dans ses travaux ce'lebres sur la Race mediterraneenne) des debris de hordes venues de 1'Afrique, et flues d'une forte race qui aurait jadis revendique pour elles toutes les terres de la Mediterranee. e M. Jullian tend tres nettement vers une hypotbese diame'tralement opposee : pour lui, it parait probable cc que la plupart des Ligures furent des Arens au memc titre que la plupart des nouveaux venus, qu'ils difl'eraient a peine de leurs envahisseurs, et que ceux de la Gaule n'etaient que des Indo-Europe'ens des premiers bans, et, pour ainsi dire, des Celtes d'avant le nom celtique. e Le fondement central de cette theorie est la langue des Ligures, langue qui realisa, semble-t-il bien, une unite linguistique momentanee sur tout l'Occident. Si en debris que nous soit parvenu le vocabulaire ligure, si discutables que soient beaucoup de ces debris, si hasardeuses que soient des conjectures appuyees sur des faits de vocabulaire et non de phonetique, it semble en effet que la langue ou les dialectes ligures soient rapprochables de ce groupe indo-europeen defini sommairement plus haut. Par exemple (qu'on excuse ces details, necessaires pour faire toucher le concret de la methode) si le mot Dive ou Divonne, frequemment applique aux sources, est, comme it semble, ligure, et qu'il signifie saints ou divine, it represente dans la langue ligure un radical die, qui est des plus repandus et des plus generaux parmi les langues indo-europeennes ; on pourrait dire quelque chose d'analogue a propos de la syllabe berg qui designe les montagnes ou lieux eleves, des noms de cours d'eau tels que Rhodanus (le Rhone) qui, s'il signifie (( courant )), parait proxime de radicaux lithuaniens, irlandais ou bretons. Sans doute, it semhlera que ce sont la de bien petits faits pour tabler de grandes hypotheses, mais la moindre habitude des travaux de linguistique ou, dans un autre ordre, d'anatomie comparee ou de biologie, montre qu'un tel reproche n'est pas un argument contre une doctrine : la tres importante theorie de la mutation, qui fait en ce moment fortune .daps les sciences biologiques, n'a pas eu, entre les mains de ses fondateurs, de plus eminents antecedents. D'ailleurs, pas plus que M. Jullian, je ne me fais illusion sur la valeur de ces faits et sur les indications qu'on en lire : it faut dire simplement, avec l'auteur de l'Histoire de la Gaule : (( I'origine indo-europeenne de cette langue est la moms invraisemblable des conjectures qu'elle a suggere'es e et ajouter avec lui : e ce n'est toujours qu'une conjecture e . Et 1'essentiel, quand it s'agit d'une the'orie ou d'une conjecture, ce n'est pas tant apres tout de savoir si elle est vraie, mais, comme 1'a dit Duclaux, Si elle est feconde, si elle permet de comprendre des faits jusqu'alors incompris. Celle de M. Jullian presente ce caractere : elle lui permet par exemple d'envisager assez clairement le fameux probleme basque, si complique. Mais ces Ligures, ainsi supposes Indo-Europeens, d'ou venaient-ils, geographiquement? Iei encore, la solution proposee hypothetiquement par M. Jullian est originale et feconde 1 . On ne connait aucune tradition ligure 1 C. JULLIAN, p. 131. Le fait me semble etonnant : les Ligures seraient dons une exception unique a on fait uni- It cet egard, et d'ailleurs les Ligures semblent n'avoir pas eu de traditions d'aucune espece. Mais l'etude de leurs mceurs permet quelques suggestions : on voit en effet que, contrairement a leurs successeurs les Celtes, la vie maritime a toujours joue un role preponderant dans leur civilisation ; ils cherchaient les aventures lointaines par des voies presque uniquement maritimes; leur religion meme (( encadrait la terre e et deroulait ses plus grandes scenes sur les eaux marines, ou tout au moms sur les Iles qui bordent la cote occidentale de notre pass: on connaissait dans 1'antiquite' classique leur celebre confrerie de femmes de file des Bacchantes, situee en face de 1'embouchure de la Loire, et les fameuses prophetesses de file de Sein, et des faits analogues, qui paraissent bien rattachables aux Ligures, s'observaient le long des cotes de 1'Espagne et de 1'Italie; 1'Armorique etait la terre de leurs morts, une sorte de vaste cimetiere, commun a toes leurs hommes, jusqu'aux plus eloignes, qui, suivant une coutume dont 1'ethnographie actuelle n'est pas sans exemple, y faisaient sans doute transporter leur corps au cours de longues journees de voyage, de sorte qu'il y a peut-titre eu, le long des cCtes du Morbihan, un centre a la fois religieux et politique de la vie ligure ; it y a aussi cette sorte de renaissance artistique qui coincide, semble-t-il, en Occident, avec 1'arrivee des Ligures, et qui s'est manifestee par la creation d'une architecture grandiose et frustre, equivalent barbare, reflet sauvage, des colossales constructions de 1'Europe orientate. Que l'on groupe a 1'entour de ces petits faits epars d'autres indices, comme par exemple l'existence de rapports commerciaux anciens entre cette region armoricaine et 1'Europe du Nord, et bien d'autres mentionnes en passant par M. Jullian, et l'on pourra comprendre que cet auteur tende a voir dans les Ligures des hommes venus des mers du Nord, des conquerants marins, et qu'il pense a chercher leur patrie premiere vers ces bassins de la Baltique et de la men du Nord, d'ou 1'Europe du Sud a vu plus d'une fois venir ses ennemis barbares. Pareillement, M. Jullian assigne d'une facon tres resolue, et cette fois avec un riche faisceau de preuves, les plaines les plus basses de l'Allemagne septentriorrale, les Iles et la presqu'ile danoises, la Frise et le Jutland en resume, comme (( les terres et les rivages qui furent la plus antique patrie des Celtes a, et it s'appuie pour le faire sur les traditions des Celtes eux-memes, qui avaient conserve le souvenir de ces raz de mare'e dont 1'existence a ete notee par les geologues actuels du Schleswig-IJolstein. Ainsi s'e'bauche une espece de theorie d'ensemble, relative aux invasions subies par le Sud-Ouest de 1'Europe : par trois grandes vagues successives, elles se seraient faites de faron analogue, du moms quant aux points de depart et de direction : des hommes du Nord, les Ligures, seraient d'abord descendus, aux temps ohscurs de la pre'histoire, puis dans le meme sens, mais par voie de terre, les Celtes au moment oiu celle-ci se mele a l'histoire, et enfin, en pleine histoire cette fois, les Northmans, marins comme les Ligures. Aurait-on le droit encore, comme M. Jullian en apercoit la possibilite' toute hypothetique, d'e'largir ce tableau et de voir dans ces memes bassins de la Baltique 1'origine premiere de la langue indo-europe'enne ?... MARCEL BLOT. versel : un people sans traditions ! Il faut dire sans doute que nous ne les connaissons pas. rM^. 'LA PRESSION DE RADIATION ET LA QUEUE DES COMETES 28Les theories newtoniennes de la gravitation universelle, que personne n'ignore aujourd'hui, nous enseignent que le soleil exerce sur les diverses masses de son cortege plane'taire, une puissante action attractive. On sait moms sans doute, et la chose peut paraitre meme surprenante, qu'a cette attraction se superpose en meme temps une action repulsive. Le fait est prouve' cependant aujourd'hui, it permet meme d'expliquer certaines particularites inte'ressantes relatives aux cometes. Cette repulsion est due a la lumiere qu'e'met le globe solaire : la lumiere, suivant les theories modernes, se propage par des ondulations . de t'e'ther, ce milieu parfaitement e'lastique dont les physiciens ont rempli le vide des immenses espaces interplane'taires, comme celui des infimes interstices mole'culaires. Les rides concentriques que provoque, dans une mare tranquille; la chute d'un caillou donnent une image approximative de ce que produit la lumiere dans Tether ; les ondes de Tether, comme les rides de l'eau, sont le siege d'une energie qui se trans