Neuroanatomie-anxiete

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    LES SUPPORTS NEURO-ANATOMIQUES

    FONCTIONNELS DE LANXIETE

    1 A PROPOS DE LANXIETE.

    Lanxit est un symptme frquent, dont lintensit peut tre trs variable, pouvant tre

    modre et constante, ou bien intense et aigu. Sa forme pathologique la plus frquente,

    lattaque de panique (ou crise dangoisse aigu), qui touche environ 5% de la population

    gnrale, est prsente dans de nombreux troubles psychiatriques (trouble panique, attaque de

    panique, anxit gnralise, troubles phobiques, troubles obsessionnels compulsifs, troubles

    somatoformes et dissociatifs, bouffe dlirante aigu, schizophrnie,) ainsi que lors

    dintoxications aigus ou chroniques (alcool, cannabis, cocane,) ou de pathologies

    organiques (angor, infarctus du myocarde, embolie pulmonaire, asthme, AVC, hypoglycmie,

    etc).

    Lattaque de panique se traduit par une peur intense et sans objet, accompagne de

    symptmes variables par leur nature : on retrouve des signes psychiques (sensation de

    malaise, sentiment dinscurit, de dpersonnalisation, de dralisation, des troubles

    sensoriels), des signes physiques (tachycardie, palpitations, douleur thoracique, dyspne,

    oppression thoracique, nauses, bouffes de chaleur, sueurs, frissons, tremblements,paresthsies, cphales, douleurs abdominales, diarrhes, vomissements), ainsi que des signes

    comportementaux (agitation, fuite, sidration stuporeuse, actes auto- ou htro agressifs).

    Si lattaque de panique permet une description exhaustive des symptmes prsents dans

    lanxit, certaines pathologies sont regroupes dans ce que lon appelle les troubles de

    lanxit : lanxit gnralise, les phobies, les troubles paniques, les troubles du stress post

    traumatique (PTSD) et les troubles obsessionnels compulsifs. Toutes ces pathologies ont en

    commun une peur intense et sans objet, associe au cortge se signes possibles prcdemment

    dcrits.

    Une question se pose alors : existe-t-il un support anatomique et biologique au niveau

    neurologique qui rendrait compte des symptmes communs toutes ces pathologies ? Un

    circuit de lanxit dont lactivation serait susceptible de provoquer les ractions de peur, etdont laltration un niveau donn provoquerait des pathologies aussi varies que les phobies

    et les TOCS ? Cest ce que de nombreux chercheurs ont tent dlucider, en partant tout

    dabord dexprimentations ralises sur des animaux, quils ont ensuite tent de rapporter

    lhomme. Le sujet le plus intressant de ces recherches tait lapprentissage de la peur. En

    effet peur et anxit ont des liens trs troits : la peur est classiquement une raction un

    stimulus spcifique et immdiatement prsent, tandis que lanxit est une inquitude sur ce

    qui pourrait arriver, mais toutes deux ont en commun lapparition de signes spcifiques, tels

    que limmobilisation, la tachycardie, la sudation, etc De plus, ltude de lapprentissage de

    la peur est, comme nous le verrons plus loin, souple, et peut tre applique de faon

    comparable lhomme comme lanimal, permettant dtudier le cerveau de lanimal pour

    comprendre la peur de lhomme.

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    2 SUPPORTS.

    2.1 Supports neuro-anatomiques.

    Les structures crbrales manifestement en action dans le circuit de lanxit sont

    multiples, et leur rle encore sujet discussion. Dans la classique trilogie mentale qui

    regroupe les fonctions du cerveau en cognition, motion (affects) et motivation (capacit de

    dcision), le sige de nos motions tait, selon une thorie dveloppe initialement par Paul

    Mc Lean, localis au niveau du systme limbique. Ce terme dsignait les structures

    circonscrivant le hile des hmisphres crbraux. Dans sa thorie, Mc Lean regroupait dans ce

    systme le cortex ancien et les rgions sous-corticales qui sy rattachent, dfinissant ainsi une

    zone o devait soprer le traitement de nos motions, les aspects les plus anciens du point de

    vue volutif de la vie mentale et du comportement, par rapport au nocortex, cens tre

    lapanage des mammifres, notamment des tres humains et des primates, permettant depenser, raisonner, rsoudre des problmes.

    Les structures constituant ce systme nont jamais t bien dfinies. Schmatiquement il

    regroupait le tlencphale (hippocampe, amygdale, aire septale, msocortex et palocortex),

    le diencphale (thalamus, hypothalamus, pithalamus et zona incerta) et le msencphale.

    Mais cette thorie a rapidement pos problme. Ds 1950, on dcouvrit quune atteinte de

    lhippocampe conduisait un dficit majeur dune importante fonction cognitive : la mmoire

    long terme. A la fin des annes 1960, un nocortex rudimentaire fut dcouvert chez des

    vertbrs non mammaliens, remettant en cause la distinction entre cortex ancien et rcent.

    Malgr tout, la notion que les motions impliquent des circuits relativement primitifs

    conservs au cours de lvolution semblait juste.

    Daprs J. Ledoux, si cette thorie a chou, cest en partie parce quelle essayait deprendre en considration toutes les motions simultanment, et ce faisant ne rendait compte

    daucune de faon adquate. Cest pourquoi il a dcid, la fin des annes 1970 de ntudier

    quune motion : la peur. On la vu, peur et anxit sont trs proches, utilisant probablement

    les mmes circuits, du moins en partie. Il a ainsi pu mettre en vidence diffrentes structures

    crbrales impliques dans ces circuits, certaines entrant dans la conception du systme

    limbique, dautres appartenant au nocortex.

    2.1.1 Amygdale.

    Lamygdale est une structure grise assez volumineuse situe dans la partie antro mdianedu lobe temporale (figure 1), o elle forme la paroi antro-suprieure de la corne infrieure du

    ventricule latral, en dessous du noyau lenticulaire. Elle doit son nom sa forme en amande.

    Sa structure est htrogne, comportant une douzaine de noyaux spars par des faisceaux

    fibreux constitus par les fibres des connexions intra- et extra-amygdaliennes. Ses connexions

    sont trs nombreuses. On peut notamment citer, dans le cadre qui nous intresse, des

    connexions lhippocampe, au thalamus, aux neurones monoamines et au nuclus

    accumbens. Son rle est dterminant dans les comportements motionnels, affectifs, sociaux

    et motivationnels.

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    2.1.2 Hippocampe.

    Lhippocampe se situe la face interne du lobe temporal (figure 1). Dans le plan sagittal, il

    forme un anneau enroul autour de la corne temporale du ventricule latral dont il constitue

    pour une grande partie le plancher. Cest sa forme qui lui a valu son nom, voquant pour les

    premiers anatomistes lanimal marin dont le nom (hippokampus) signifie en grec chevalrecourb . Stricto sensu, lhippocampe comporte trois parties : les deux premires forment

    lhippocampe dorsal, rduit ltat de vestige par le dveloppement du corps calleux, la seule

    partie dveloppe dans le cerveau mature tant lhippocampe ventral.

    Initialement partie du rhinencphale, qui fait rfrence lodeur ou lolfaction, il apparut

    plus tard comme appartenant au systme limbique, et Paul Mc Lean le concevait comme le

    sige du a freudien, pensant que son architecture primitive pouvait mler les choses dune

    faon surrelle, comme dans un rve, et ne pouvait intervenir dans des fonctions plus

    complexes comme la cognition. Il apparut pourtant que lhippocampe tenait un rle crucial

    dans une fonction cognitive importante : la mmoire. Cette fonction a pu tre mise en

    vidence grce la LTP (potentialisation synaptique long terme), phnomne exprimental

    de plasticit synaptique tenu pour tre un modle cellulaire de mmoire. En effet la formation

    hippocampique est lendroit du systme nerveux central o il est le plus facile dinduire une

    LTP. Mais lhippocampe ne prend en charge quune partie de la mmoire : la mmoire

    explicite ou dclarative, c'est--dire les souvenirs dont nous avons t au moins une fois

    conscients.

    2.1.3 Cortex prfrontal.

    Les lobes frontaux, dont la masse reprsente le tiers du cerveau humain, a comme fonctions

    cognitives la mmoire court terme (ou mmoire de travail) et les fonctions excutives(prvision, rsolution dun problme, contrle du comportement). Le cortex prfrontal est une

    zone particulirement dveloppe chez lhomme et les primates, situe en avant des rgions

    de contrle du mouvement (figure 2). Il a un rle majeur dans le passage de la perception

    laction, et ces capacits fonctionnelles ont conduit Goldmann-Rakic en 1990 au concept de

    mmoire du cortex prfrontal laquelle cet auteur rserve le nom de mmoire de

    travail . Cette mmoire prsente trois caractristiques : elle est prospective (maintien de

    linformation sensorielle qui doit tre utilise pour une rponse comportementale prcise),

    rtrospective (slection de la rponse comportementale sur la base dune information passe)

    et transitoire (maintien de linformation pendant le seul temps ncessaire son utilisation).

    Cest aussi une zone de convergence synaptique : il a des connexions des systmes

    spcialiss (oue, vue,), la mmoire long terme (explicite), et aux aires qui contrlent lemouvement.

    2.1.4 Nuclus accumbens.

    Le nuclus accumbens est situ dans la rgion septale, immdiatement en dedans du

    striatum dorsal, au niveau de la limite entre le noyau caud et le putamen (figure 3). Il est

    particulirement en rapport avec la gratification et la motivation. Reli diffrentes structures

    impliques dans le traitement motionnel comme lamygdale, et des structures contrlant le

    mouvement comme le pallidum (constituant la capsule interne avec le putamen), le nuclus

    accumbens place le cerveau dans un tat de motivation en prsence dun stimulus

    suscitant lmotion, permettant de fournir vigueur et direction au comportement orient vers

    des buts positifs et loin de ceux viter.

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    2.2 Supports neurobiologiques.

    La synapse est le point de rencontre entre les parties mettrices (axones) et rceptrices

    (dendrites) des neurones. La comprhension de quelques mcanismes lorigine des transferts

    dinformation est ncessaire la comprhension plus globale du circuit de lanxit. Nous

    verrons ici tout dabord les deux principaux neurotransmetteurs, glutamate et GABA, puis desneuromodulateurs trs impliqus dans lanxit, regroups dans le systme monoamines :

    srotonine, dopamine, adrnaline et noradrnaline.

    2.2.1 Glutamate et GABA.

    Le glutamate et le GABA (pour Gamma-Amino-Butirique-Acide) sont les deux principaux

    neurotransmetteurs assurant le fonctionnement synaptique.

    Le glutamate intervient lorsquun neurone de projection (pr-synaptique) active le suivant.

    Les potentiels daction traversant laxone activent au niveau de la synapse une libration de

    glutamate : ce neurotransmetteur va permettre rapidement de changer ltat lectrique de lacellule post-synaptique par passage dions extra-cellulaires chargs positivement lintrieur

    de la cellule travers le rcepteur au glutamate, rendant ainsi la production dun potentiel

    daction plus probable. Il sagit dun neurotransmetteur excitateur ubiquitaire dans le cerveau.

    Le GABA, lui, est relch par les terminaisons des courts axones des neurones inhibiteurs

    (notamment les interneurones). En envoyant leurs axones vers les neurones de projection

    environnants, ils modulent le trafic travers une zone donne en diminuant la probabilit

    quun potentiel daction soit engendr par la cellule post-synaptique. En effet, quand les

    rcepteurs GABA sont occups, lintrieur de la cellule devient encore plus ngatif en raison

    du passage dions chargs ngativement, en particuliers le chlore, travers ces rcepteurs.

    La production dun potentiel daction dpend donc de la relation entre le glutamate

    excitateur et le GABA inhibiteur, le glutamate devant, pour dclencher un potentiel daction,franchir la garde exerce par le GABA. (Figure 4)

    2.2.2 Le systme monoamines.

    Les neuromodulateurs comprennent les neuropeptides, les monoamines et les hormones.

    Chacun peut avoir des effets excitateurs ou inhibiteurs suivant les conditions spcifiques o il

    intervient dans les circuits fonctionnels. La classe de neuromodulateurs qui nous intresse, les

    monoamines, regroupe des substances comme la srotonine, la dopamine, ladrnaline et la

    noradrnaline. Leur action est de faciliter ou dinhiber les actions du glutamate et du GABA.

    Il est intressant de noter que les neurones produisant les monoamines se trouvent seulement

    dans quelques endroits, surtout au niveau du tronc crbral, mais leurs axones stendent travers tout le cerveau. Ainsi leur fonction nentre pas dans les circuits spcifiques de la

    reprsentation prcise des stimuli, mais plutt dans des changements globaux et simultans

    dtats dans plusieurs rgions crbrales, comme par exemple le haut degr dalerte se

    produisant dans tout le cerveau quand on rencontre un danger, ou le faible niveau dactivit

    requis au moment de sendormir. Malgr tout, les neuromodulateurs nagissent pas galement

    au niveau de toutes les synapses quils atteignent. Ils sont surtout efficaces pour moduler la

    transmission au niveau des synapses dj actives quand ils arrivent : comme les systmes

    neuromodulateurs sont activs lors dexpriences porteuses dune signification, les

    neuromodulateurs peuvent faciliter slectivement la transmission au niveau des synapses

    traitant linformation de telles expriences dans des systmes neuronaux largement rpartis

    dans le cerveau.

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    3 HISTORIQUE.

    Dans la comprhension de la nature de lanxit, les travaux de Jeffrey Gray sur lanxit

    gnralise et les circuits crbraux qui lengendrent permirent de poser de premires bases

    solides. Les mthodes employes lors de ses recherches furent un vritable tour de force de

    logique neuropsychologique. Partant du fait que alcool, barbituriques et benzodiazpines,

    produits diffrents par leurs proprits et leurs formules chimiques, pouvaient tous soulager

    lanxit, Gray se proposa dtudier les effets de ces trois substances sur diverses tches

    comportementales chez le rat, et ainsi de dresser un portrait comportemental de lanxit. De

    plus il rechercha des rgions crbrales dont les lsions produiraient des effets comparables

    aux anxiolytiques sur la ralisation de ces tches afin disoler les structures anatomiques en

    action. Ce projet a conduit en 1982 ce qui fut appel la thorie neuronale de lanxit.

    Cette thorie a permis de mettre en avant certains mcanismes. Tout dabord le rle central

    du GABA dans lanxit. En effet alcool, barbituriques et benzodiazpines ont un effet direct

    sur le GABA, facilitant son action inhibitrice, et ainsi rendant difficile lexcitation du neuronepost-synaptique par le glutamate. Lalcool augmente linhibition en agissant directement sur

    le rcepteur du GABA, gardant le canal chlore ouvert plus longtemps, rendant lintrieur de la

    cellule plus ngatif. Les barbituriques agissent de la mme faon, mais sur des rcepteurs

    GABA diffrents de ceux de lalcool. Quant aux benzodiazpines, elles ont leurs propres

    rcepteurs relis ceux du GABA qui, lorsquils sont occups, facilitent la liaison du GABA

    avec son rcepteur. Les benzodiazpines agissent donc uniquement l o le GABA est relch

    de faon naturelle, c'est--dire par exemple face un stimulus menaant, au niveau des

    synapses traitant la menace.

    Deux structures anatomiques ont aussi t mises en avant : le septum et lhippocampe,

    formant le systme septohippocampique ou systme dinhibition du comportement. Quand ce

    systme est activ, le comportement en cours est inhib (immobilisation par exemple) etlorganisme devient veill, attentif et vigilant, les anxiolytiques empchant lactivation de ce

    systme.

    Mais le lien entre lactivation GABA par les anxiolytiques et linactivation du systme

    dinhibition du comportement ntait pas direct, comme le prouvait linefficacit de

    linjection de ces mdicaments directement dans lhippocampe. Lintermdiaire voqu par

    Gray fut le systme monoamines du tronc crbral, et spcifiquement ceux de la srotonine

    et de la noradrnaline, se basant sur le fait que leur activation induisait des comportements de

    type anxieux chez le rat et le singe.

    Gray avana donc lide que les anxiolytiques augmentaient la transmission GABA au

    niveau des synapses actives des neurones monoamines du tronc crbral, rduisant ainsi la

    libration de srotonine et de noradrnaline dans le cerveau antrieur, et liminant lactivationdu systme septohippocampique, ce qui empchait lapparition de lanxit.

    Malgr tout, cette thorie prsentait deux lacunes : tout dabord elle mettait au centre du

    systme la transmission GABA comme mcanisme exclusif de rduction de lanxit,

    proprit rfute par lapparition de mdicaments traitant lanxit sans affecter la

    transmission GABA. De plus, elle ne donne aucun rle lamygdale qui, comme nous le

    verrons plus tard, a pourtant un rle cl dans le circuit de lanxit. La solution viendra par

    une autre approche exprimentale, mene notamment par Joseph Ledoux : lapprentissage de

    la peur.

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    4 APPRENTISSAGE DE LA PEUR.

    4.1 Conditionnement de la peur.

    Une grande partie des dcouvertes sur les bases neuronales de la peur a t rendue possible

    ces vingt dernires annes par lapplication du conditionnement de la peur, longtemps utilis

    en psychologie du comportement, ltude du cerveau. Joseph Ledoux et plusieurs autres

    chercheurs lont utilis comme moyen dtudier les circuits dapprentissage de lmotion.

    Son principe est simple : il tient ses origines dans le rflexe pavlovien. Pavlov tudiait la

    digestion des chiens quand il remarqua quils salivaient quand la personne charge de les

    nourrir entrait dans la salle. En associant une sonnerie larrive de la nourriture, il dmontra

    quil tait possible par la suite de dclencher une salivation rflexe en faisant retentir la

    sonnerie seule. Dans ltude des circuits de lanxit, cest le conditionnement pavlovien de

    dfense ou de peur qui est utilis.Les tudes sur les bases neuronales de lapprentissage utilisant le conditionnement de la

    peur ont t effectues sur un grand nombre despces diffrentes (abeille, criquet, crevisse,

    limace, mouches et mollusques). Une tude particulirement pousse, ralise par Eric

    Kaudel de lUniversit Columbia, qui lui a dans une large mesure valu le prix Nobel en 2000,

    concernait un mollusque : Aplysia Californica, et utilisait un conditionnement trs simple. Ce

    mollusque respire par des branchies recouvertes dun tissu cellulaire appel le manteau. Si on

    le touche lgrement, la branchie se rtracte, restant ainsi protge. Le conditionnement

    classique de la peur est une forme associative dapprentissage. Cela signifie quon associe au

    toucher du manteau un choc, tel quun choc lectrique, au niveau de la queue du mollusque.

    Par la suite, le fait de toucher le manteau entranera un retrait plus important de la branchie

    quavant le conditionnement. Il est intressant de noter que la nature associative de cetapprentissage est dmontre par la relation dterminante entre les deux stimuli : la rponse

    conditionne est moins forte si le contact du manteau et le choc lectrique ne se produisent

    pas en mme temps. Ceci est distinguer des mthodes dapprentissage non associatives

    comme la sensibilisation. Dans ce cas, un stimulus fort dclench au niveau de la queue aura

    aussi pour effet un retrait plus fort lorsque le manteau sera touch, mais lapprentissage nest

    alors pas spcifique du test contact : beaucoup de stimuli aprs le choc verront aussi

    lintensit de leur rponse augmenter. Les tudes de conditionnement classiques utilisent

    souvent ces stimuli non coupls comme contrle pour sassurer que la rponse est bien induite

    par le conditionnement, et non due aux effets non associatifs dun stimulus fort.

    Chez cette forme de mollusque, le petit nombre de neurones impliqus dans les rflexes

    tudis en faisait un matriel dtude trs intressant. Mais dans les laboratoires de J. Ledoux,

    cest le rat qui a permis dapporter de nouvelles connaissances sur le conditionnement de la

    peur. Les circuits tudis peuvent tre retracs depuis le systme dentre qui recevra le

    stimulus conditionn (par exemple un bip sonore initialement associ une dcharge

    lectrique) jusquau systme de sortie qui conditionne les ractions de peur. La simplicit du

    procd de conditionnement lui confre une ralisation pratique et rapide, ainsi quune

    reproductibilit fiable. La transformation dun stimulus dpourvu de signification comme un

    bip sonore en un motif de peur ne ncessite que quelques rptitions du son en mme temps

    quun stimulus daversion comme un lger choc lectrique la patte. De plus, cette procdure

    est souple, car nimporte quel stimulus qui prdit le choc ou dautres types de stimuli

    dangereux peut servir conditionner la peur. Le conditionnement ralis est alors durable,parfois permanent, et les rponses dfinies sont automatiques : les consquences de la peur

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    telles que limmobilisation, laugmentation de la pression artrielle, ne sont pas dues un

    apprentissage, le cerveau tant programm par lvolution pour faire ces choses. Enfin ce

    conditionnement peut tre appliqu lhomme comme au rat, permettant dtudier le cerveau

    du rat pour comprendre la peur chez lhomme.

    4.2 Amygdale et conditionnement de la peur.

    Un quivalent du conditionnement de la peur cr en laboratoire se retrouve dans la nature.

    Il sagit par exemple pour un rat qui a survcu lattaque dun prdateur de ragir de faon

    automatique lorsque le son, la vue ou lodeur de ce mme prdateur se prsente lui. Ces

    stimuli qui avaient prcd la premire rencontre retiennent son attention pour augmenter ses

    chances de rester en vie. Ce genre de processus a pu stablir grce un systme rpondant

    dune part aux dangers propres lespce (de faon inne ou gntiquement programme) et

    dautre part mmorisant les nouveaux dangers expriments : lamygdale. Ainsi ce dispositif

    mis en place par lvolution pour dtecter le danger est aussi modifiable par lexprience. Il

    en rsulte que le cerveau peut traiter de nouveaux dangers en profitant des moyens de rponse

    ajusts au cours de lvolution.

    Comme nous lavons vu, lamygdale est compose dune douzaine de noyaux distincts,

    mais seulement peu dentre eux sont important pour le conditionnement de la peur. Le noyau

    latral sert de zone dentre. Il reoit des informations provenant de diffrents sens, et permet

    dtre lcoute des informations menaantes venant du monde extrieur. Ce noyau est

    connect la plupart des autres rgions de lamygdale, mais seules les connexions avec le

    noyau central sont essentielles pour le conditionnement de la peur. Le noyau central est la

    zone de sortie, et comporte des connexions avec les rseaux du tronc crbral qui contrlent le

    comportement et les changements physiologiques associs la peur.Ainsi quand le noyau latral dtecte un stimulus menaant, linformation est transmise au

    noyau central qui dclenche lexpression des comportements de dfense (comme

    limmobilisation par activation de la structure grise priaqueducale) et des changements

    physiologiques associs (augmentation de la pression artrielle par lintermdiaire de

    lhypothalamus latral par exemple). (Figure 5)

    Selon ce schma dentre des signaux au niveau de lamygdale latrale, on peut prciser le

    caractre associatif du conditionnement : cet apprentissage rsulterait de la convergence du

    signal issu dun faible stimulus conditionnel (le bip sonore) lamygdale latrale se

    chevauchant avec larrive du signal dun fort stimulus inconditionnel (choc lectrique), le

    traitement du stimulus conditionnel tant modifi de telle sorte quil parvient aux circuits

    contrlant les rponses de la peur.Larrive des signaux lamygdale latrale peut se faire par deux voies diffrentes (figure

    6) : aprs que linformation ait atteint le thalamus sensoriel, elle peut atteindre lamygdale

    directement par une voie rapide, dite basse, permettant lapprciation de quelques caractres

    du stimulus, principalement son intensit. Ainsi, si lapprciation du stimulus est grossire,

    connatre rapidement lintensit dun bruit peut nanmoins permettre dvaluer la distance du

    danger. La deuxime voie, appele voie haute, est relaye du thalamus sensoriel lamygdale

    via le cortex sensoriel. Ce cheminement comporte beaucoup plus de connexions synaptiques,

    chaque tape prenant du temps dans le processus de la transmission. Cette voie est donc

    moins rapide, mais elle permet des informations complexes sur les objets et les expriences

    de dclencher des ractions de peur. Si les informations en provenance des deux voies arrivent

    lamygdale avec des dlais diffrents, elles nen atteignent pas moins les mmes neurones.Ainsi, si linformation thalamique permet dactiver le systme pour provoquer une rponse

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    instantane, elle permet aussi de prparer les neurones de lamygdale latrale recevoir des

    informations plus prcises : ces cellules sont alors plus efficaces si le danger est confirm, ou

    bien capables darrter le processus si aucun danger nest dtect.

    Il est intressant de noter que ces rsultats obtenus par lexprimentation sur le rat mettant

    en avant le rle primordial de lamygdale dans le conditionnement de la peur ont pu tre

    confirms chez lhomme, notamment par ltude du conditionnement chez des patientsprsentant des lsions crbrales au niveau temporal, et plus rcemment grce lapport de

    limagerie fonctionnelle (IRM fonctionnelle) qui a pu montrer une activation de lamygdale

    au cours de lapprentissage de la peur chez lhomme.

    4.3 Hippocampe et conditionnement par le contexte.

    Si lamygdale a un rle central dans le conditionnement de la peur induit par des sons ou

    des stimuli visuels, lhippocampe intervient aussi dans le conditionnement, mais dune faon

    diffrente. Lorsquun rat est conditionn dans un laboratoire pour manifester de la peur face

    un stimulus donn, il pourra prsenter les mmes symptmes simplement en se retrouvant

    dans la pice o ont lieu les exprimentations, en labsence de stimulus : cest le rsultat du

    conditionnement par le contexte. En effet, dans une situation motionnellement charge, il y a

    souvent un stimulus qui ressort et dautres moins saillants bien quimportants. Suite une

    agression par exemple, on se souviendra de lagresseur, mais lenvironnement seul pourra par

    la suite provoquer de lanxit si on se retrouve sur les lieux de lagression.

    Comme le conditionnement par le son, le conditionnement par le contexte fait intervenir

    lamygdale. Mais si dans le premier cas les informations sont transmises par le systme auditif

    via le thalamus sensoriel, les informations sur le contexte proviennent de lhippocampe.

    Nous avons dj vu que lhippocampe est responsable de la mmoire dclarative, qui est lapartie consciente de la mmoire. Plus gnralement, il intervient dans le traitement de ce qui

    est relation/configuration/espace. Laspect relationnel de la mmoire dclarative tient en ce

    que lactivation dun souvenir dclaratif mne lactivation dautres souvenirs auxquels ils

    sont lis. Il en rsulte que les souvenirs dclaratifs peuvent tre activs indpendamment du

    contexte dans lequel ils ont t tablis, et par dautres stimuli que ceux initialement impliqus

    dans leur mmorisation. Laspect configurationnel suppose que les objets individuels sont

    configurs de telle faon quils peuvent rendre compte de plusieurs objets dans une seule

    reprsentation. Enfin la mmoire dclarative a aussi une composante spatiale, c'est--dire la

    mmorisation et la reconnaissance de lespace environnant.

    Ainsi dans le conditionnement par le contexte, cest lhippocampe qui fournit les

    informations contextuelles de lapprentissage motionnel lamygdale. De mme quelassociation son-choc se produit dans lamygdale au cours du conditionnement, celle

    contexte-choc sy produit galement. Mais le noyau amygdalien recevant les informations est

    diffrent : dans le conditionnement par le contexte, cest le noyau basal qui reoit les

    connexions de lhippocampe. Ce noyau communique avec le noyau central dans le contrle

    des ractions de peur lies au contexte. Cest par le biais de ces circuits hippocampe-

    amygdale que les ractions de peur peuvent tre adaptes suivant les particularits de la

    situation. Ainsi un lion pourra nous terroriser dans la savane, et nous fasciner dans un zoo.

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    5 CIRCUITS DE LANXIETE.

    Si une grosse partie des dcouvertes sur les bases neuronales de la peur vient dtudes de

    son conditionnement, cette technique exprimentale pourrait en fin de compte ne pas rvler

    tout ce que nous aimerions savoir sur la peur, particulirement chez lhomme. Par exemple,

    les circuits neuronaux de la rponse des stimuli de conditionnement pour la peur pourraient

    prendre part, sans probablement les expliquer entirement, des aspects plus complexes du

    comportement ayant un rapport avec la peur, en particulier les rponses qui dpendent non de

    stimuli spcifiques mais de concepts abstraits et de penses comme la peur dchouer, dtre

    effray ou de tomber amoureux. Malgr tout, le conditionnement de la peur a permis de

    commencer comprendre certains faits de base sur la peur, notamment comment les rponses

    de peur sont couples des stimuli spcifiques rencontrs par les gens ou les animaux dans

    leur vie quotidienne. Ainsi on peut faire le parallle avec lanxit qui est, nous lavons vu,

    une peur sans objet. On peut donc supposer que, mme en labsence de stimuli spcifiques

    comme ceux employs dans le conditionnement, les circuits de la peur et ceux de lanxitsont les mmes, avec tout de mme des rserves que nous verrons plus tard. Nous parlerons

    ici des circuits de la peur initis par un stimulus menaant, en gardant lesprit que dans le

    cadre de lanxit, cette menace est subjective.

    5.1 Dtection du danger par lamygdale.

    Lamygdale dtecte le danger en vertu de sa position dans un systme de connexions

    synaptiques. Les neurones de lamygdale reoivent en permanence des signaux sensoriels du

    monde extrieur, mais ne transmettent pas la majorit dentre eux. Ils ont tendance tre leplus souvent au repos, et nentrent en action que lorsque le stimulus est le bon, celui qui

    indiquera un danger par exemple. Cette difficult tre activs tient une inhibition tonique

    par le GABA. Comme on la vu, le GABA augmente la concentration intracellulaire en ions

    chargs ngativement. Ainsi, au repos, certains neurones de lamygdale peuvent avoir un

    potentiel membranaire de lordre de -80 mV, ce potentiel tant denviron -60 mV dans la

    plupart des rgions crbrales. Il en rsulte que le stimulus qui pourra activer lamygdale

    devra avoir des proprits bien spciales lui permettant de vaincre linhibition tonique

    produite par le GABA. Cest le cas des stimuli intrinsquement lis un danger, comme la

    vue ou lodeur dun prdateur chez lanimal, ou ceux provoquant une douleur ou une

    stimulation trop forte, ainsi que ceux ayant une rsonance motionnelle acquise au cours dun

    apprentissage antrieur. Mais mme une fois linhibition GABA vaincue, les signaux restent

    sous le contrle du GABA : si les signaux activent les neurones de projection, ils activent

    aussi les neurones GABA avec pour consquence une inhibition croissante qui son tour peut

    rduire lactivit des neurones de lamygdale.

    On voit ce niveau un possible dysfonctionnement pouvant entraner des troubles de

    lanxit : si la capacit des neurones GABA filtrer les stimuli anodins est compromise, soit

    parce quils sont moins actifs, soit parce que les neurones de projection dchargent plus

    facilement leurs potentiels daction, ces stimuli seront alors pris pour des signaux de danger.

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    5.2 Circuits activs par lamygdale.

    Les informations sur un stimulus motionnel sont transmises lamygdale par le thalamus

    via deux voies : une voie basse, directe et rapide, mais grossire, qui nous alerte de tout ce qui

    peut prsenter un danger, et une voie haute, plus lente, car relaye par le cortex sensoriel qui

    peut, par son pouvoir de discrimination, corriger en apaisant les rponses qui savrentinappropries. Le cortex sensoriel transmet aussi des informations lhippocampe, et ce

    dernier peut, grce ses connexions au cortex prfrontal, fournir la mmoire de travail des

    informations sur des relations en rapport avec le stimulus peru dans le contexte

    environnemental en cours, et sur les relations passes stockes en mmoire explicite. Ainsi,

    par ses relations avec lamygdale basale, il peut rguler les ractions de peur. (Figure 7)

    Quand les informations sensorielles sur un stimulus menaant sont dtectes par

    lamygdale latrale, elles sont transmises lamygdale centrale qui, par ses connexions aux

    aires du tronc crbral qui contrlent les ractions de peur, dclenche lexpression des

    rponses de dfense et les changements physiologiques qui les sous-tendent. Une fois que les

    signaux mis par lamygdale ont suscit ces ractions, le cerveau commence recevoir les

    rponses corporelles. Cette rtroaction corporelle peut se faire sous forme de messages

    sensoriels des organes internes (sensations des viscres), ou des muscles (sensations

    proprioceptives), ou par lintermdiaire de neuromodulateurs comme les hormones ou les

    peptides relchs par les organes et qui peuvent, via la circulation sanguine, pntrer dans le

    cerveau et influencer lactivit neuronale. Cette rtroaction est plus lente que celle qui a lieu

    dans le cerveau par voie synaptique, mais ajoute de lintensit et de la dure, et pourrait aider

    prciser linterprtation des motions prouves une fois lpisode motionnel dclench.

    Lactivit neuronale peut aussi tre influence par dautres neuromodulateurs : les

    monoamines. En effet, des connexions directes relient lamygdale aux neurones

    monoamines du tronc crbral. Ainsi, lors de menaces, srotonine, noradrnaline et dopamine

    sont libres dans de larges aires du cerveau antrieur incluant le cortex prfrontal,lhippocampe et lamygdale. Ces neuromodulateurs seront surtout actifs au niveau des circuits

    en action, et pourront moduler le fonctionnement synaptique, et donc lactivit de ces

    structures crbrales. Comme on la vu le cortex prfrontal est le sige de la mmoire de

    travail. Cette mmoire peut aussi tre influence par dautres mcanismes, notamment les

    hormones de stress libres lors de la rtroaction corporelle.

    Une zone dimportance dont nous avons peu parl pour linstant permet lorganisme

    dviter la source de menace : le nuclus accumbens. Cette rgion du striatum situe devant

    lamygdale, prs de la base du cerveau antrieur, est directement relie lamygdale dont il

    reoit des signaux lors des traitements motionnels, et envoie des signaux vers des aires en jeu

    dans le mouvement comme le pallidum. Le circuit est le suivant (Figure 8) : comme dcrit

    prcdemment, le noyau latral de lamygdale traite les proprits sensorielles du stimulusmenaant. Linformation sur la menace est ensuite envoye, par le biais de connexions au

    noyau basal, au nuclus accumbens. Linformation atteint aussi le noyau central. Ce dernier

    active les neurones dopamine qui librent leur neurotransmetteur dans le nuclus

    accumbens. La dopamine facilite la capacit des cellules du nuclus accumbens traiter

    linformation envoye par lamygdale. Il en rsulte quun signal amplifi parvient au pallidum

    qui active les systmes contrlant le comportement motiv, permettant lorganisme de ragir

    de faon viter la source de la menace.

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    5.3 Consquences sur la mmoire de travail.

    Lamygdale interagit avec le cortex prfrontal mdian. Cette rgion inclut les rgions du

    cingulaire antrieur et orbitofrontal, ainsi que les aires de transition entre elles. Ces aires sont

    connectes plusieurs rgions de lamygdale, noyau central compris, et des projections du

    noyau central vers le tronc crbral, ce qui permet aux fonctions cognitives des rgionsprfrontales de rguler lactivit de lamygdale et ses ractions lies la peur. En fait, les

    relations entre amygdale et cortex prfrontal sont rciproques : pour permettre lamygdale

    de rpondre des ractions de peur, la rgion prfrontale doit tre inactive. De mme, lorsque

    cette dernire intervient, lamygdale serait inhibe, limitant son expression de la peur. On voit

    ici aussi un possible dysfonctionnement pouvant expliquer certains troubles de lanxit : la

    peur pathologique pourrait survenir quand lamygdale chappe linfluence du cortex

    prfrontal. Mais si le cortex prfrontal rgule lactivit de lamygdale, il apparat clair que le

    traitement motionnel de lamygdale peut influencer la prise de dcision et dautres fonctions

    cognitives du cortex prfrontal.

    Le cortex prfrontal est le sige de la mmoire de travail. Si lon admet que la mmoire de

    travail reprsente notre contenu de pense immdiat, on peut alors penser que le sentiment (en

    tant quexprience consciente dune motion) est la reprsentation dans la mmoire de travail

    dlments varis dun tat motionnel intermdiaire. Ainsi le sentiment dtre effray serait

    un tat de conscience dans lequel la mmoire de travail intgrerait un stimulus immdiatement

    prsent, des souvenirs long terme en rapport avec ce stimulus, et lmotion souleve par

    lamygdale. Seule cette dernire information est spcifique dune exprience motionnelle, les

    deux autres intervenant chaque fois que lon identifie un stimulus. En dautres termes,

    lactivation de lamygdale transforme une simple exprience de la perception en une

    exprience charge de crainte. Lmotion en vient monopoliser la conscience dans le cas de

    la peur, quand lamygdale domine la mmoire de travail.

    Cette domination de lamygdale sur la mmoire de travail se fait de faons multiples. Onpeut en citer quelques unes. Par exemple, par le biais des connexions aux aires corticales du

    traitement sensoriel, lamygdale peut modifier les informations que la mmoire de travail

    reoit du monde extrieur. De plus, le cortex sensoriel intervient de faon cruciale dans

    lactivation du systme de la mmoire du lobe temporal mdian (mmoire long terme). Par

    son influence sur les aires corticales sensorielles, lamygdale peut ainsi avoir un impact sur les

    souvenirs long terme qui sont actifs et disponibles en mmoire de travail. On notera aussi

    que lamygdale interfre avec un aspect important de lattention (attention et mmoire de

    travail tant trs proches) : lattention slective. Normalement, si nous sommes vigilants un

    stimulus, nous ngligeons les autres. Mais si un second stimulus a une signification

    motionnelle, il peut dborder le processus de slection et se glisser en mmoire de travail.

    Une lsion de lamygdale empchera cela darriver. Ainsi lamygdale permet des stimulimotionnels traits de faon implicite de parvenir la mmoire de travail et la conscience.

    En rapportant ces faits lanxit, on peut dfinir cette dernire comme un tat cognitif

    dans lequel la mmoire de travail est monopolise par des penses sources dinquitude et de

    souci. La diffrence entre un tat desprit normal et un tat anxieux est que dans ce dernier cas

    les systmes en jeu dans le traitement motionnel comme lamygdale ont dtect une situation

    menaante et influencent la mmoire de travail dans ce quelle suit et traite. Cela affectera

    son tour la manire dont les fonctions excutives slectionneront linformation des autres

    rseaux corticaux et des systmes de mmoire, et prendront des dcisions sur le cours des

    actions mener.

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    5.4 Peur et anxit.

    Le rle fondamental de lamygdale dans les circuits de lanxit a donc pu tre mis jour

    grce aux recherches menes sur le conditionnement de la peur. Ainsi la thorie mettant au

    centre des circuits de lanxit le systme septohippocampique pourrait tre en accord avec

    celle de lamygdale si les rseaux de cette dernire prenaient en charge la peur tandis queceux de lhippocampe soccuperaient de lanxit. Mais le rle de lamygdale est confirm

    par de nombreuses autres expriences, notamment dans les recherches sur les mcanismes

    daction des benzodiazpines. Injectes dans lamygdale, ces dernires peuvent soulager

    lanxit. Ceci est en accord avec le fait que les rcepteurs des benzodiazpines sont

    concentrs dans les rgions dentre de lamygdale.

    Des travaux mens rcemment par Michael Davis ouvrent une autre voie dans la

    comprhension de ces circuits. Ils suggrent que lanxit pourrait tre prise en charge par une

    rgion du cerveau considre comme une extension de lamygdale et dont les voies de sortie

    des informations seraient identiques : le noyau du lit de la strie terminale. Ce dernier pourrait

    en effet activer les mmes rgions du cerveau que lamygdale. Mais les voies dentre des

    signaux de ces deux structures tant diffrentes, elles pourraient tre actives par des circuits

    distincts. Si la distinction entre ces deux circuits pourrait expliquer pourquoi des patients sous

    anxiolytiques peuvent tre moins anxieux, et pourtant conserver la capacit de ragir face un

    danger, des travaux sont encore ncessaires pour prciser les circuits en jeu et leur

    fonctionnement.

    6 CONCLUSION.

    La comprhension des circuits de lanxit a bien sr pour but dapprofondir les

    connaissances sur certaines pathologies psychiatriques, mais aussi damliorer la pratique

    mdicale en permettant de trouver des thrapeutiques (mdicaments ou psychothrapies) plus

    efficaces et mieux tolres. Mais si les progrs accomplis permettent de mieux cibler les

    problmes, comme le fait que lactivit du cortex prfrontal, de lhippocampe ou de

    lamygdale doit tre altre un niveau dans les troubles de lanxit, ils ne permettent pas de

    comprendre certaines diffrences entre les pathologies, par exemple entre le trouble panique

    et le stress post traumatique. Dans le trouble panique, la peur surgit sans un stimulus

    comportemental vident, et se traduit par une crise danxit menant une anxit

    anticipatoire avec manifestations dvitement. En revanche le stress post traumatique associe

    une sensibilit accrue aux stimuli rappelant un vnement traumatique pass avec rsurgence

    de souvenirs sous forme de flash-backs. Laltration des circuits neuronaux doit donc se situer

    des niveaux diffrents.

    Malgr tout, les avances permises par les tudes sur le conditionnement de la peur laissent

    entrevoir de grandes capacits dexprimentation. Ce conditionnement peut permettre de juger

    si les configurations dactivit neuronale dans et entre hippocampe, amygdale et cortex

    prfrontal diffrent chez les patients atteints de troubles de lanxit par rapport des sujets

    sains. De plus, leffet de mdicaments (comme les inhibiteurs spcifiques de la recapture de la

    srotonine) ou de la thrapie comportementale et cognitive sur le fonctionnement de ces

    circuits pourra tre valu, et compar au fonctionnement chez les personnes normales. Par lasuite, une fois que sera lucid en quoi les cerveaux des patients atteints de troubles de

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    lanxit diffrent entre eux et de ceux des personnes saines, il sera possible de rechercher

    chez lanimal quel type dexprience peut induire les mmes changements, par exemple

    modifier le fonctionnement de lhippocampe ou du cortex prfrontal sans changer celui de

    lamygdale, puis en reproduisant ces modifications, il sera possible dexplorer les

    changements molculaires se produisant au niveau des synapses et de trouver de nouveaux

    mdicaments plus spcifiques.Les quipes de J. Ledoux ont commenc un tel programme de recherche sur des patients

    atteints de troubles paniques et de stress post traumatique, et sil est trop tt pour prvoir les

    rsultats, il amnera forcment isoler des diffrences entre les cerveaux tudis. Et si les

    rsultats obtenus ne sont pas ceux attendus, ils forceront au moins penser les problmes

    dune autre manire.

    7 BIBLIOGRAPHIE.

    - J. LEDOUX,Neurobiologie de la personnalit, d. Odile Jacob, 2003.

    - P. CESARO, Y. KERAVEL, H. OLLAT, M. PESCHANSKI, M. SINDOU,

    Neuroanatomie fonctionnelle De la cellule aux comportements, vol 2.

    - F. FERRERI, C. AGBOKOU, Psychiatrie et dveloppement Maturation et

    vulnrabilit, d. Med-Line, 2002.

    - Annexes : figures 1, 2 et 3 : site Internet www.lecerveau.mcgill.ca/flash/index_d.html .

    8 ANNEXES.

    http://www.lecerveau.mcgill.ca/flash/index_d.htmlhttp://www.lecerveau.mcgill.ca/flash/index_d.html