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GOUVERNANCE AFRICAINE NEWSLETTER CÉLÉBRATION DU 10ÈME ANNIVERSAIRE DE LA CADEG JANVIER - JUIN 2017 DIVIDENDES ET DÉFICITS DÉMOCRATIQUES EN AFRIQUE DIVIDENDES ET DÉFICITS DÉMOCRATIQUES EN AFRIQUE #1 Volume 4

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Gouvernance africaineNEWSLETTER

Célébration du 10ème anniversaire de la CaDeG

Janvier - Juin 2017

DiviDenDeS ET DÉficiTS

DÉMocraTiQueS EN AFRIQUE

DIVIDENDES ET DÉFICITS

DÉMOCRATIQUES EN AFRIQUE

#1volume 4

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dans ce NUMÉRO JaNvieR - JUiN 2017

• Raison d’espérer et de passer à l’action : Perceptions des citoyens sur les priorités de la CADEG• Entreprises et corruption en Afrique : pertinence de la CADEG• Redevabilité démocratique dans les relations entre l’État et la société : Le rôle de la CADEG• Initiatives centrées sur les femmes pour la promotion de la justice transitionnelle en Afrique• L’Organisation des États américains, l’Union africaine et la CADEG : A Luta Continua• Remédier aux flux financiers illicites provenant d’Afrique grâce à la CADEG

• Calendrier électoral 2017• La Veille de la CADEG• Comprendre l’AAG• Le DAP en bref

• Avec Samson Itodo - Not Too Young To Run

• Vers la ratification universelle de la CADEG pour la démocratisation de l’Afrique• Victoire de la CADEG : La crise post-électorale en Gambie et les enseignements pour l’Afrique• Le mécanisme d’établissement des rapports des États sous la CADEG• La CADEG : De nouvelles chances de faire progresser l’autonomisation politique des femmes• CADEG et participation des jeunes dans le processus de gouvernance démocratique

04 Le mot du commissaire05 Le mot de la rédactrice en chef 06 Le point de vue du directeur : La rédaction de la charte 10 articles de fond 11 16 19 2224

28 34 37 394143

28 34 37 394143

50 51 54 55

27 Le point de vue des populations

49 Pour votre information

45 africa Talks DG Trends : Tête-à-tête

Publication de l’Architecture de la gouvernance africaine (AGA)Département des Affaires Politiques, Commisson de I’union AfricaineRoosevelt Street, W21, K19BP 3243Addis AbabaEthiopie

© AUC, Juin 2017

www. aga-platform.orgwww.au.int/pa#DGTrends

Dessin: Laughing Gas IllustrationImprimérie: Lotus Printing

coMiTÉ De rÉDacTion

Éditeur en chefKhabele Matlosa

MembresOlabisi Dare

Calixte MbariSalah HammadRizzan NassunaSharon Ndlovu

Sam Atoubi

Éditeur de coordinationNebila Abdulmelik

TranslatorPatricia Martinache

#1Volume 4

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04 05Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

que l’Afrique peut tirer des événements qui se sont produits en Gambie. Les travaux de réflexion, que nous avons intitulés « Le point de vue des populations » portent sur une série de sujets relatifs à la CADEG, notamment sur les perceptions qu’ont les citoyens de la démocratie, de la justice transitionnelle, de la réponse à apporter à la corruption dans les entreprises, des relations entre État et société, de l’élimination des mouvements illégaux de capitaux grâce à l’efficacité des régimes fiscaux, et de l’influence qu’a eue l’Amérique latine sur la CADEG. Pour notre interview en face-à-face, Africa Talks DG Trends, j’ai rencontré Samson Itodo, qui est à l’origine de « Not Too Young to Run ». Nous avons discuté des jeunes, de politique et de la mobilisation en faveur d’un paysage politique plus équitable. Reconnaissant la nécessité d’une redevabilité plus importante, la Newsletter comprend « La Veille de la CADEG », un outil qui fournit les informations les plus récentes quant à l’état de ratification de la Charte – notre sujet principal dans cette édition.

Prenant en compte le thème de l’UA pour 2017, Exploiter le dividende démographique par l’investissement dans la jeunesse, cette édition a intentionnellement veillé à ce que la plupart des articles soient écrits par des jeunes. Sur les onze articles, sept ont été rédigés par des jeunes – ce qui est une première pour la Newsletter. De plus, l’interview en face-à-face, exercice traditionnel de cette Newsletter depuis ses débuts, porte également sur les jeunes. Cela s’inscrit dans le cadre des efforts délibérés, tant de la part du DAP que de l’AAG, pour donner de la place aux jeunes afin qu’ils puissent structurer leurs opinions et leurs points de vue, et présenter leur contribution à une Afrique en paix et gouvernée de façon démocratique.Nous espérons que ces articles inspireront des débats et des réflexions supplémentaires entre les citoyens, les professionnels et les décideurs, et qu’ils indiqueront des pistes de recherche

La Préface du COMMissaiReCes aspirations sont reflétées dans les Objectifs mondiaux pour le développement durable (Agenda 2030) qui appellent à des « sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable…à l’accès à la justice pour tous et… à des institutions efficaces, redevables et inclusives à tous les niveaux » (Objectif n°16). L’Agenda 2063 et l’Agenda 2030 réaffirment le lien inextricable qui existe entre les notions de gouvernance démocratique et de paix et sécurité. Ils reconnaissent explicitement qu’il est impératif d’assurer la synergie, la cohérence et la coordination entre nos architectures de gouvernance et de paix, à savoir l’Architecture africaine de gouvernance (AAG) et l’Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS), respectivement. Nous devons faire plus que donner notre simple accord en faveur de la synergie entre ces deux architectures.

Il y a maintenant dix ans, les visions qui sont dorénavant reflétées dans l’Agenda 2063 et dans l’Agenda 2030 ont été articulées dans ce que nous connaissons sous le nom de CADEG – la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. La CADEG s’inspire des objectifs et des principes inscrits dans l’Acte constitutif de l’UA, en particulier dans les articles 3 (g et h) et 4 (m), qui mettent l’accent sur l’importance de la gouvernance démocratique, de la participation populaire, de l’État de droit et des droits de l’homme. Elle établit des normes, des valeurs et des standards qui ont été approuvés par les États membres de l’UA, notamment des valeurs universelles de démocratie et de respect des droits de l’homme ; d’État de droit fondé sur la suprématie de la Constitution ; de tenue d’élections régulières, libres et équitables conduites par des organismes de gestion électorale nationaux compétents, indépendants et impartiaux ; d’interdiction et de rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement ; et de promotion et de protection de l’indépendance du judiciaire, entre autres.

La CADEG est aujourd’hui saluée comme la référence pour diverses initiatives politiques et institutionnelles sur la gouvernance démocratique aux niveaux continental, régional et national. Elle est devenue le cadre normatif principal d’après lequel les progrès des États membres en matière de gouvernance démocratique doivent être mesurés. La mise en place et le fonctionnement de l’AAG et de sa Plateforme sont ancrés dans la promotion des instruments des Valeurs partagées de l’UA, notamment dans la CADEG. La CADEG oriente également le travail du Département des Affaires politiques de la Commission de l’Union africaine.Plus que jamais, les ressources – humaines, financières, techniques et intellectuelles – sont à notre portée pour remplir les promesses que nous avons faites aux générations actuelles et futures. Les contributions, dans ce numéro, fournissent des idées, des leçons et des propositions politiques que nous pouvons faire progresser. Nous devons nous montrer attentifs aux conseils fournis tant par les sages que par les jeunes – si nous voulons un jour parvenir à l’Afrique que nous souhaitons et dont nous avons besoin.

S.e. Mme Minata Samaté cessoumacommissaire aux affaires politiquescommission de l’union africaine

C’est cet effort délibéré et conscient qui nous permettra de réaliser les aspirations inscrites dans l’Agenda 2063. Nous nous sommes engagés, dans notre formulation du plan pour notre continent, à construire des États efficaces, capables et inclusifs ; à exercer un leadership redevable et à encourager une citoyenneté active. Il est incroyablement gratifiant de noter que les Aspirations 3 et 4 de l’Agenda 2063 envisagent une Afrique « de bonne gouvernance, de respect des droits de l’homme, de justice et d’État de droit et une Afrique pacifique et sûre ».

« Consacrons-nous à nous battre, ensemble, pour une paix et une justice durables sur Terre… »

L’appel général de l’hymne de l’UA nous

rappelle la raison d’être de l’Organisation de l’Unité africaine et de

son successeur, l’Union africaine. Nous ne

devons jamais perdre de vue la vision de nos

prédécesseurs en faveur de l’unité, de la solidarité

et d’une vie meilleure pour tous les peuples d’Afrique.

La redynamisation du rêve panafricain au

travers de l’Agenda 2063 appelle chacun de nous à réfléchir à notre histoire, à examiner les défis ainsi que les objectifs atteints,

et à saisir les opportunités que l’Afrique présente.

Le MOT de La RÉDaCTRiCe eN CHeF

possibles. Nous espérons également que ces articles stimuleront une pratique plus importante de la démocratie et mettront en lumière l’utilité de la CADEG dans la démocratisation de notre continent. N’hésitez pas à nous faire part de vos réflexions sur ce numéro. Bonne lecture !

nebila abdulmelikrédactrice en chef de la newsletter Gouvernance africaine

Le point de vue du Directeur évoque la toile de fond de la rédaction de la Charte et des personnes qui en ont été à l’origine. Les Articles de fond de ce numéro présentent le processus d’établissement des rapports sur la CADEG par les États, l’autonomisation politique des femmes, la participation des jeunes et les enseignements

C’est avec fierté que nous vous présentons

l’Édition janvier-juin 2017 de la Newsletter sur la

Gouvernance africaine. Ce numéro est unique, pour différentes raisons. En

effet, ce numéro est notre première publication en cinq ans ; il représente l’aboutissement de nos

efforts pour raviver cette newsletter périodique

et contribuer au corpus de connaissances sur la

gouvernance démocratique en Afrique. L’année 2017

marquant le dixième anniversaire de l’adoption de la Charte africaine de la démocratie, des élections

et de la gouvernance (CADEG), c’était le moment

idéal pour engager une réflexion sur les

dividendes et les déficits démocratiques en Afrique.

C’est la raison pour laquelle nous avons choisi

ce sujet pour ce numéro de la Newsletter sur la Gouvernance africaine.

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06 07Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Le pOiNT De vUe DU DiReCTeUR:La rédacTiOn de La cadeG

Khabele Matlosa Le Dr. Khabele Matlosa a été l’auteur principal de la rédaction de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG). Il est actuellement Directeur des Affaires politiques à la Commission de l’Union africaine. Contactez-le à [email protected] et/ou @MatlosaK.

Évolution

La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (ci-après désignée comme la CADEG ou la Charte)

a été adoptée par l’Union africaine (UA) lors de la 8e Session ordinaire de la Conférence des chefs

d’État et de gouvernement, qui s’est tenue le 30 janvier 2007 à Addis

Abeba, en Éthiopie. Ceci a constitué une évolution

historique qui a cimenté le caractère irréversible de

l’engagement de l’Afrique envers une gouvernance

démocratique et participative.

L’Afrique a fait d’importants progrès dans sa démocratisation : la règle du parti unique et les régimes militaires sont devenus tabous sur le continent. Le multipartisme et des élections régulières ont été placés au centre de la politique africaine. En bref, les bulletins de vote ont remplacé les armes en tant qu’instruments fondamentaux de la concurrence pour le pouvoir étatique. La Charte tient une place centrale dans cette histoire de défense de la démocratie en Afrique aujourd’hui alors que nous célébrons le 10e anniversaire de son adoption.

de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, qui siège à Arusha, en Tanzanie. Par-dessus tout, nous étions enthousiastes et stimulés par le soutien politique que recueillait la Charte de la part des divers leaders africains. Au sein de la CUA, nous avons reçu le soutien politique du Commissaire aux Affaires politiques d’alors, S.E. Mme Dolly Joiner Nying, et du Président de l’époque, S.E. Alpha Oumar Konaré. Dans notre travail d’élaboration de la Charte, nous nous sommes inspirés d’expériences d’autres organisations intergouvernementales régionales de par le monde, et plus particulièrement de la Charte démocratique de l’Organisation des États américains (OEA). Curieusement, la Charte, à la fin du processus, s’est révélée plus longue que toute autre charte démocratique dans le monde. À ce jour, la Charte reste le traité le plus complet au monde en matière de démocratie, surpassant

La CADEG a été développée par des experts africains pour surmonter les défis propres à l’Afrique en matière de gouvernance. En tant qu’auteur principal, j’ai été chargé par le Département des Affaires politiques (DAP) de la Commission de l’Union africaine (CUA), par l’intermédiaire du directeur d’alors, M. l’Ambassadeur Emile Ognimba, d’apporter une aide technique à l’élaboration de la Charte. L’Ambassadeur Ognimba a joué un rôle important dans le développement de la Charte, en fournissant le soutien logistique nécessaire et en travaillant de concert avec son équipe.

J’étais responsable de la rédaction de la Charte avec un groupe d’éminents experts africains de la gouvernance, les esprits les plus brillants en la matière. Nous avons travaillé sur la CADEG pendant trois ans, entre 2004 et 2006. L’un des principaux experts, qui a joué un rôle central dans l’élaboration de la Charte, est le Dr. Abdallah Hamdok, qui est l’actuel Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) ; c’est également un économiste politique renommé et un panafricaniste engagé. À l’époque, le Dr. Hamdol était Directeur régional du Bureau Afrique de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA), dont le siège est à Stockholm. Le Dr. Hamdok a présidé toutes les réunions d’experts indépendants venant de tous les États membres de l’Union africaine organisées pour valider les divers projets de Charte.

Nous avons également reçu une aide et des conseils juridiques solides sur les diverses versions de la part du Conseiller juridique de l’Union africaine de l’époque, le juge Ben Kioko, l’un des juristes les plus pointus du continent. Le juge Kioko est actuellement vice-président

même la Charte de l’OEA qui nous avait inspirés en premier lieu.

Afin de s’assurer que la CADEG se développait de manière consultative et participative, la méthodologie adoptée pour son élaboration cherchait à inclure autant de parties prenantes clé que possible, notamment les États, les organisations de la société civile, les organismes de gestion électorale, les instituts de recherche, les think-tanks et les universitaires. L’adoption de la Charte a constitué l’aboutissement de diverses réunions d’experts gouvernementaux et indépendants et de juristes qui ont débattu et affiné les différentes versions du projet de Charte entre 2004 et 2006.

Les principales réunions se sont tenues comme suit : (a) réunion des experts gouvernementaux en mai 2004 à Addis Abeba, en Éthiopie ; (b) réunions consultatives préparatoires entre l’auteur principal et le Département des Affaires politiques en mai 2005 à Addis Abeba, en Éthiopie ; (c) réunion des experts indépendants en novembre 2005, à Addis Abeba ; (d) réunion des experts gouvernementaux en mars 2006 à Addis Abeba ; (e) réunion des juristes indépendants en avril 2006 à Addis Abeba ; (f) réunion des experts gouvernementaux et réunion ministérielle consécutives à Brazzaville, en République du Congo, en juin 2006 ; (g) réunion du Conseil des ministres et Sommet de l’UA en juillet 2006 à Banjul, en Gambie ; et (h) enfin l’adoption de la Charte lors du Sommet de l’UA à Addis Abeba en janvier 2007. Quelle est l’utilité de la Charte ?

Nature

La Charte s’inspire de l’engagement de l’Afrique envers la gouvernance démocratique et participative énoncée dans le traité fondateur de l’Union africaine, l’Acte constitutif de 2000. Ce dernier engage les 55 États membres à se conformer à une gouvernance démocratique, participative, représentative et responsable dans des conditions de paix, de sécurité et de stabilité. Il appelle à une gouvernance qui garantisse un développement socioéconomique inclusif et équitable. Les articles 3 et 4 de l’Acte constitutif articulent respectivement les objectifs et les principes majeurs de l’UA. L’enjeu principal de ces deux articles est l’embrassement sans équivoque de gouvernements élus par le peuple de manière légitime ainsi qu’un rejet et une condamnation

condamnation purs et simples des changements anticonstitutionnels de gouvernement, conformément à la Déclaration de Lomé de 2000. Dans le cadre défini par ces deux articles, l’UA défend le principe démocratique de base selon lequel les élections constituent une méthode légitime de transfert du pouvoir et sont l’unique moyen démocratique d’exprimer la souveraineté populaire dans des démocraties représentatives. L’Acte constitutif reconnaît également que la gouvernance démocratique durable en Afrique nécessite une stabilité politique ainsi que la paix et la sécurité, conformément au Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine de 2002. Sans paix ni sécurité, la démocratie a de grandes chances d’être mise à mal. Sans paix ni démocratie, l’on ne peut pas parvenir de manière durable à un développement socioéconomique inclusif.

Le processus menant à l’élaboration du projet de Charte a été déclenché par le Sommet inaugural de l’UA des chefs d’État et de gouvernement, qui s’est déroulé à Durban, en Afrique du Sud, en juillet 2002. Durant ce sommet, deux déclarations ont été adoptées, qui étaient liées à la gouvernance démocratique : d’une part la Déclaration de l’OUA sur les principes régissant les élections démocratiques, et d’autre part

la Déclaration du NEPAD sur la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises.

La Déclaration du NEPAD a été suivie, l’année suivante, de la création du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), qui instaurait une auto-évaluation et une évaluation par les pairs propres à l’Afrique en matière de l’état de la gouvernance couvrant quatre thèmes principaux, à savoir (a) la gouvernance démocratique et politique, (b) la gouvernance économique et la gestion, (c) la gouvernance des entreprises et (d) le développement socioéconomique. Bien que la Charte exhorte tous les États membres de l’UA à accéder au MAEP, elle constitue également une partie clé des normes et des codes utilisé(e)s dans l’auto-évaluation et dans l’évaluation par les pairs. La Charte et le MAEP sont donc en symbiose.

L’un des facteurs principaux, dans le développement de la CADEG, était la conférence continentale coorganisée par la Commission électorale indépendante (IEC) de l’Afrique du Sud, l’Association des autorités électorales d’Afrique (AAEA) et la Commission de l’Union africaine (CUA) à Prétoria, en Afrique en Afrique du Sud, du 7 au 10 avril 2003, sous le thème « Élections,

Nebila Abdulmelik

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08 09Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

démocratie et gouvernance : Renforcer les initiatives africaines ». La Conférence rassemblait diverses parties prenantes clé, telles que les organismes de gestion électorale, des hommes/femmes politiques, des universitaires, la CUA, des représentants des États et d’autres partenaires au développement. Les participants à la Conférence de Prétoria ont convenu des principes suivants en matière de gouvernance démocratique :

• Enracinement des valeurs et des institutions démocratiques afin de promouvoir et de renforcer le constitutionnalisme et la bonne gouvernance ;

• Défense et protection de tous les droits de l’homme de base, des libertés et des obligations telles qu’inscrites dans les instruments pertinents des Nations unies relatifs aux droits de l’homme et dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ;

• Les Constitutions et les cadres juridiques doivent déterminer la durée et le nombre de mandats auxquels un chef d’État ou de gouvernement peut prétendre ;

• Pluralisme politique et libertés d’association et d’assemblée, tolérance politique et défense de la liberté des activités politiques ;

• Création d’organismes indépendants de gestion électorale (OGE) et d’autres institutions publiques autonomes qui soutiennent et enracinent la gouvernance démocratique, telles que des commissions nationales des droits de l’homme, des commission anti-corruption, des procureurs publics et des juges indépendants ;

• Institutionnalisation de la certitude et de la prévisibilité de la réglementation et des procédures en matière électorale, et de l’incertitude quant aux résultats de l’élection ; et

• Enracinement d’une culture de redevabilité des représentants élus.

La déclaration finale adoptée par les participants à la conférence exhortait les États africains à repousser les frontières de la démocratisation. C’est cette déclaration qui a constitué les

fondements de l’élaboration du Projet de Déclaration des élections, de la démocratie et de la gouvernance – le précurseur de la Charte. Un an après cette conférence, le Sommet de 2003 des chefs d’État et de gouvernement de l’UA, qui s’est déroulé à Maputo, au Mozambique, a pris en compte le Projet de Déclaration des élections, de la démocratie et de la gouvernance et a chargé la CUA de transformer cette déclaration en charte.

L’UA a organisé une réunion d’experts gouvernementaux à Addis Abeba, en Éthiopie, du 15 au 17 mai 2004 afin de discuter du Projet de Déclaration de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui émanait de la Conférence de Prétoria et avait été examinée lors du Sommet de l’UA à Maputo. Plus spécifiquement, la réunion a recommandé que :

• Le Projet de déclaration contienne une série d’engagements déjà pris par les États membres dans les domaines de la démocratie et de la gouvernance, que la Commission souhaiterait convertir en un texte juridiquement contraignant, tel qu’une Charte.

• Le document traite des questions de relations entre la démocratie et le système de l’UA, entre la démocratie et les droits de l’homme, entre la démocratie, le développement durable et la réduction de la pauvreté, entre l’analphabétisme et les conflits, entre le renforcement et la protection des institutions démocratiques, entre la démocratie et des élections libres et équitables, et qu’il traite enfin de la question de la promotion d’une culture démocratique.

• La Commission soit chargée, compte tenu de la nature juridique d’un tel document et des procédures nécessaires à l’établissement d’une Charte, d’organiser une réunion de juristes et autres experts afin d’examiner le projet et de lui donner la terminologie juridique appropriée avant de le soumettre aux Organes politiques de l’UA pour adoption.

Ainsi, la Charte épouse l’engagement ferme de l’Afrique envers la démocratie. Adoptée en 2007, elle est entrée en vigueur en 2012, une année déclarée par les Organes politiques de l’UA comme « l’Année des Valeurs partagées ». La Charte constitue, en effet, l’une des valeurs

partagées principales de l’Union africaine. Le quinzième pays à ratifier la Charte, permettant ainsi son entrée en vigueur, était le Cameroun. Quelle est l’orientation future de la Charte ?

Orientation future

Bien que l’adoption de la Charte soit un progrès, cela ne suffira peut-être pas, en soi, pour transformer l’architecture de gouvernance en Afrique. Les 55 États membres de l’UA doivent maintenant signer, ratifier, intégrer dans l’ordre juridique interne et appliquer la Charte. Il semble que l’UA ait développé de nombreux cadres normatifs progressistes à ce jour. Cependant, nombreuses sont les normes qui n’ont pas été traduites en pratique politique par voie de réforme législative, de réforme des institutions de gouvernance, de transformation de la culture politique, et d’examen et d’adaptation des politiques socioéconomiques. Il est instamment demandé aux États membres de l’UA de ratifier, d’intégrer dans leur ordre juridique interne et de mettre en œuvre la CADEG, ainsi que d’établir régulièrement des rapports sur les progrès de sa mise en œuvre.

Il est bon de rappeler que c’est le désir des États africains d’inverser la culture cancéreuse des changements anticonstitutionnels de gouvernement qui est à l’origine de la Charte. La Charte contient une partie spécifique qui traite de ce problème de manière détaillée et qui propose des stratégies qui doivent être adoptées dans le but d’éradiquer cette culture. Malgré cet engagement de la part des États membres de l’UA, qui s’appuie également sur la Déclaration de Lomé de 2000, des coups d’État militaires ont tout de même eu lieu. Le premier d’entre eux après l’adoption de la Charte s’est déroulé en Mauritanie. Paradoxalement, la Mauritanie avait été le tout premier pays à ratifier la Charte et également le premier à l’enfreindre, en raison du coup d’État militaire de 2008.

La Charte a également élargi la définition des changements anticonstitutionnels de gouvernement grâce à l’inclusion de l’article 23 sous-partie 5, qui dispose que les manipulations anticonstitutionnelles quant à la durée ou au nombre des mandats équivalaient à un changement anticonstitutionnel de gouvernement. Malgré cette disposition, le phénomène de manipulation des Constitutions dans le but de prolonger la durée ou le nombre

de mandats des personnes au pouvoir reste présent. Cette tendance a amené le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA à charger le DAP de développer des lignes directrices relatives aux amendements à la Constitution dans le but de s’assurer que les États membres de l’UA amendent leurs Constitutions conformément à l’article 10 de la CADEG et qu’ils évitent d’enfreindre la Charte, conformément à l’article 23.

Dans l’idéal, des élections sont censées garantir la gouvernance démocratique et faciliter la paix et la stabilité politique. La démocratie ne peut pas triompher ni être durable en l’absence de paix et de stabilité politique. Dans le même esprit, il est impossible de parvenir au développement socioéconomique dans des conditions de conflit violent prolongé, de guerre et d’instabilité politique. Les diverses sociétés africaines sont souvent portées au conflit, et ces conflits menacent la construction de la nation et l’harmonie sociale. Bien que ces conflits apparaissent de temps à autre, ils tendent à être exacerbés durant les périodes électorales. C’est le cas, étant donné que les élections impliquent une contestation politique du contrôle de l’État et que, dans une telle contestation, les enjeux sont très importants.

La contestation électorale devient alors si intense que les élections sont parfois considérées comme des quasi-guerres. Dans certains cas, les bulletins de vote sont ignorés car les opposants ont rapidement recours aux armes pour prendre le pouvoir. Puisque les armes remplacent les bulletins de vote, les principales victimes sont souvent des citoyens ordinaires qui se retrouvent pris entre deux feux de luttes de pouvoir. Selon un proverbe anglais, « Lorsque deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre le plus ». Dans ce processus, la politique se militarise et les militaires se politisent au nom de la contestation pour le pouvoir étatique, et les élections sont alors dénuées de sens. Il est impératif que les élections soient transformées et qu’elles deviennent des outils de gestion de conflit plutôt que des déclencheurs de conflits violents, de guerres et d’instabilité politique. Les structures de gestion efficace des conflits, notamment les infrastructures nationales en faveur de la paix, doivent être renforcées et/ou mises en place afin de s’assurer que les différends électoraux soient réglés à l’amiable et traités assez précocement, avant qu’ils ne dégénèrent en conflits violents. L’Afrique doit investir bien davantage dans la

prévention structurelle des conflits si elle entend parvenir au noble objectif que s’est fixé l’UA de faire taire les armes et de mettre fin à toutes les guerres sur le continent d’ici 2020. La Charte constitue une plateforme parfaite de prévention structurelle des crises.

De plus, étant donné les clivages socioéconomiques, religieux, ethniques et entre hommes et femmes qui sont la marque de la diversité des sociétés africaines, les accords de partage du pouvoir (au niveau national et infranational) doivent être institutionnalisés afin de faire de la politique non plus un jeu à somme nulle, mais un jeu à somme positive. En encourageant l’ordre constitutionnel, la CADEG dispose d’un grand potentiel pour faire progresser le constitutionnalisme et l’État de droit en Afrique et pour garantir la tenue d’élections démocratiques, crédibles et pacifiques. La Charte fournit des pistes pour une gestion constructive de la diversité en Afrique, notamment pour l’établissement d’infrastructures nationales pour la paix. Pour que la promesse de la CADEG

se réalise, trois conditions principales sont nécessaires : (a) un leadership transformateur et visionnaire, (b) des institutions efficaces, utiles et résilientes, et (c) la participation et l’engagement des citoyens en n’omettant pas d’inclure les groupes marginalisés, à savoir principalement les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les minorités, etc. Dans ces conditions, l’Afrique est prête à un paysage de la gouvernance démocratique transformateur et durable, qui réponde aux besoins des populations.

Nebila Abdulmelik

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11Janvier - Juin 2017010 newsletter Gouvernance africaine

ARTICLES DE FOND

vers la ratification universelle de la caDeG pour la démocratisation de l’afrique

victoire de la caDeG : La crise post-électorale en Gambie et les enseignements pour l’afrique

Le mécanisme d’établissement des rapports des États sous la caDeG

La caDeG : De nouvelles chances de faire progresser l’autonomisation politique des femmes

caDeG et participation des jeunes dans le processus de gouvernance démocratique

Vers la ratification universelle de la CADEG pour la démocratisation de l’Afrique

La Charte africaine de la démocratie, des élections

et de la gouvernance (CADEG) a été adoptée

lors de la huitième Session ordinaire de la Conférence

des chefs d’États et de gouvernement de l’Union

africaine (UA) à Addis Abeba, en Éthiopie, le 30

janvier 2007.

Le 16 janvier 2012, le Cameroun est devenu le 15e État membre de l’UA à déposer son instrument de ratification auprès de la présidente de la Commission de l’UA (CUA). Conformément à son article 48, la CADEG est entrée en vigueur le 15 février 2012, c’est-à-dire le trentième jour suivant le dépôt du quinzième instrument de ratification. L’année 2017 marque donc le dixième anniversaire de l’adoption de la CADEG et le cinquième de son entrée en vigueur. Cet article montre l’importance de l’universalité de la ratification de la CADEG et sa signification pour la démocratisation en Afrique.

Objectifs et principes de la CADEGL’adoption de la CADEG a été un moment important dans l’histoire d’un continent rendu tristement célèbre par ses changements anticonstitutionnels de gouvernement, sa mauvaise gouvernance et ses violations des droits de l’homme. Les objectifs et les principes de la CADEG sont les suivants :

Prof André Mbata ManguAndré Mbata Mangu est professeur-chercheur à la Faculté de droit de l’Université d’Afrique du Sud et rédacteur en chef de l’African Journal of Democracy and Governance (https://journals.co.za/content/journal/ajdg). Contactez-le à [email protected]

Défense des valeurs universelles et des principes de démocratie et de

respect des droits de l’homme

Interdiction, rejet et condamnation des changements

anticonstitutionnels de gouvernement

Instauration, renforcement et con-solidation de la bonne gouvernance par la défense de la pratique et de la

culture démocratiques

Défense de l’État de droit fondé sur le respect et la primauté de la

Constitution

Défense et protection de la séparation des pouvoirs et de

l’indépendance du pouvoir judiciaire

Promotion de la prévention et de la lutte contre la corruption et l’impunité

Défense de la tenue régulière d’élections transparentes, libres et

équitables de façon à institutionnal-iser des gouvernements légitimes et des changements démocratiques de

gouvernement

Défense du pluralisme politique, et notamment du rôle, des droits et des

devoirs de l’opposition

Défense de la participation effective et équitable des citoyens, notamment

des femmes, dans la démocratie et dans le développement, ainsi que dans la gouvernance des affaires

publiques (articles 2 et 3)

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12 13Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Ratification de la CADEGLe président de la CUA joue un rôle important dans la ratification, l’adhésion, la mise en œuvre et l’établissement des rapports de la CADEG. Il ou elle est le dépositaire de la CADEG et il/elle informe tous les États membres de l’UA de la signature, de la ratification, de l’adhésion et de l’entrée en vigueur, des réserves, des demandes d’amendement et des amendements de la CADEG. Le président enregistre également la CADEG auprès du Secrétariat général de l’Organisation des Nations unies (ONU) conformément à l’article 102 de la Charte des Nations unies et à l’article 51 de la CADEG.

Quant à la CUA, elle est la structure centrale de coordination pour la mise en œuvre de la CADEG. Elle aide les États parties et coordonne l’évaluation de la mise en œuvre de la Charte

avec d’autres organes importants de l’UA, notamment le Parlement panafricain, le Conseil de paix et de sécurité (CPS), la Commission des droits de l’homme, la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, le Conseil économique, social et culturel, les Communautés économiques régionales (CER) et les structures nationales concernées (article 45).

Les États parties sont tenus d’établir tous les deux ans un rapport destiné à la CUA sur la mise en œuvre de la CADEG dans leur pays. Les rapports sont également envoyés aux organes concernés de l’UA afin qu’ils prennent les mesures adaptées dans le cadre de leur mandat. Par l’entremise du Conseil exécutif, la CUA doit préparer et soumettre à la Conférence [des chefs d’État et de gouvernement], qui prendra les mesures nécessaires, un rapport récapitulatif sur la mise en œuvre de la CADEG (article 49).

Le 17 mars 2017, le Togo est devenu le premier État membre de l’UA à présenter son rapport à la CUA.

Au 31 mars 2017, sur les 55 États membres que compte l’UA, 45 avaient signé la CADEG mais seuls 30 l’avaient ratifiée. Dix pays ne l’ont jamais signée et 26 autres n’ont ni ratifié la CADEG ni déposé ses instruments de ratification1.

La CADEG incarne les éléments suivants, qui

contribuent à la définition de l’État démocratique

en Afrique :

• Respect de l’État de droit et des droits

de l’homme, et notamment du droit des

femmes à participer au gouvernement sur

un pied d’égalité avec les hommes ;

• Tenue régulière d’élections libres,

équitables et crédibles ;

• Séparation des pouvoirs ;

• Lutte contre la corruption et l’impunité ;

• Rejet et condamnation des changements

anticonstitutionnels de gouvernement ;

• Pluralisme politique.

1https://au.int/web/sites/default/files/treaties/7790-sl-african_charter_on_democracy_elections_and_governance.pdf (consulté le 15 mars 2017).

Nebila Abdulmelik

SIGNÉ, RATIFIÉ ET DÉPOSÉ SES INSTRUMENTS

DOIT ENCORE RATIFIER ET DÉPOSER SES INSTRUMENTS

NI SIGNÉ NI RATIFIÉ RATIFIÉ ET DÉPOSÉ SES INSTRUMENTS MAIS

JAMAIS SIGNÉ

Algérie

Angola

Bénin

Botswana

Burkina Faso

Burundi

Cameroun

Cap-Vert

République démocratique du Congo

Guinée-Bissau

République centrafricaine

Djibouti

Kenya

Tchad

Gabon

Égypte

Lesotho

Comores

Gambie

Ghana

Guinée équatoriale

Libéria

Libye

Congo

Guinée

Érythrée

Cote d’Ivoire

Guinea

Éthiopie

État de la ratification de la CADEG par les États membres de l’UA

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14 15Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

SIGNÉ, RATIFIÉ ET DÉPOSÉ SES INSTRUMENTS

DOIT ENCORE RATIFIER ET DÉPOSER SES INSTRUMENTS

NI SIGNÉ NI RATIFIÉ RATIFIÉ ET DÉPOSÉ SES INSTRUMENTS MAIS

JAMAIS SIGNÉ

Madagascar

Malawi

Mali

Mauritanie

Maurice

Maroc

Mozambique

Namibie

Sénégal

Tunisie

Nigeria

Seychelles

Ouganda

Niger

Soudan

Sierra Leone

Zambie

Rwanda

Swaziland

Somalie

Zimbabwe

République arabe sahraouie démocratique

Tanzanie

Afrique du Sud

Sao Tome & Principe

Togo

Soudan du Sud

CADEG et démocratisation en afriqueLa CADEG vise à faire progresser la démocratisation de l’Afrique, entre autres, par :

• La défense de normes africaines de gouvernance, qui intègrent des valeurs et des principes universels tels que le respect des droits de l’homme, la primauté de la Constitution et l’État de droit, la tenue régulière d’élections transparents, libres et équitables, l’interdiction, le rejet et la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernement, l’indépendance du pouvoir judiciaire, la séparation des pouvoirs, la culture et la pratique démocratiques, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption et l’impunité, le pluralisme politique, le développement durable, la paix et la sécurité (articles 2-22, 27, 36-43) ;

• L’apport d’une définition des « changements anticonstitutionnels de gouvernement » et l’autonomisation du CPS et de la Conférence de l’UA afin que ces derniers puissent imposer des sanctions aux auteurs de changements anticonstitutionnels de gouvernement ou aux États membres qui les auraient soutenus ou encouragés (articles 23-26, 46) ;

• L’accentuation du lien entre démocratie, gouvernance, développement durable, paix et sécurité humaine (articles 2, 3, 11-13, 36-43) ; et

• L’encouragement de la coopération entre la CUA et les CER sur la mise en œuvre de la CADEG et la participation massive des parties prenantes, en particulier des organisations de la société civile (articles 43-45).

La ratification universelle de la CADEG contribuera à l’intensification de la gouvernance démocratique, cruciale pour le développement durable, la paix et la sécurité. Toutes les parties prenantes aux niveaux continental, régional et national doivent donc être encouragées à ratifier la Charte au plus vite.

Conclusion : Appel à l’actionLa célébration du 10e anniversaire de l’adoption de la CADEG et du cinquième anniversaire de son entrée en vigueur fournit l’occasion aux États membres de l’UA de renouveler les engagements qu’ils ont pris dans les articles 3 et 4 de l’Acte constitutif de l’UA et d’atteindre la ratification universelle de la CADEG. Les 25 États membres restants doivent faire de même et ratifier la CADEG. Il est demandé aux 55 États membres de l’UA de signer et de ratifier la CADEG. La signature seule n’est pas suffisante car le consentement à être lié s’exprime par la ratification. La ratification universelle et le respect de la CADEG doivent être encouragés par la CUA et par les CER. Ceci signifierait que les États africains, leurs dirigeants, les OSC et les citoyens sont engagés et prennent au sérieux la défense des principes et des institutions démocratiques, de la participation

populaire, des droits de l’homme, de l’État de droit, de la bonne gouvernance, de la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernement, du développement durable, de la paix et de la sécurité tels que consacrés par l’Acte constitutif de l’UA et par la CADEG.

Nebila Abdulmelik

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16 17Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Victoire de la CADEG : La crise post-électorale en Gambie et les enseignements pour l’Afrique

C’est par une stupéfiante défaite que Yahya Jammeh

a perdu la présidence gambienne en décembre 2016 contre un homme relativement inconnu,

Adama Barrow. La défaite de Jammeh aux élections

a mis un terme à 22 années d’emprise sur la

petite nation d’Afrique de l’Ouest qui compte une

population d’environ deux millions de personnes.

Inattendue, son acceptation initiale des résultats de l’élection le 2 décembre a en grande partie ramené la Gambie à son objectif de démocratisation. Cependant, une semaine plus tard, Jammeh effectuait un revirement mélodramatique, caractéristique de sa nature excentrique, résultant ainsi dans une impasse politique qui a duré deux mois et qui a forcé des dizaines de milliers de personnes à fuir vers le Sénégal tandis qu’un grand nombre de personnes étaient déplacées au sein du pays. Suivi d’une série de pourparlers diplomatiques, le refus de Jammeh de quitter le pouvoir a mené à une intervention militaire de la CEDEAO. Par la suite, Jammeh fut envoyé en exil en Guinée équatoriale, et ce de manière pacifique, sans aucune réelle action militaire.

Cet article explore d’abord brièvement la raison pour laquelle Jammeh a perdu l’élection. Bien que l’on prétende qu’il existe de nombreuses

explications possibles, nul ne peut nier le rôle qu’ont joué les réseaux sociaux. Deuxièmement, cet article s’intéressera au rôle important des organisations régionales, en particulier de la CEDEAO et de l’UA ainsi que des Nations unies, conformément au concept de diplomatie préventive. Enfin, l’expérience gambienne est replacée dans le cadre plus général de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG). Cet article questionne en particulier la façon dont nous pouvons évaluer les perspectives démocratiques de la Gambie à la lumière de la CADEG. Bien qu’il y ait de nombreuses leçons à tirer du dossier gambien, l’idée de sécurité collective pour la gouvernance démocratique doit être défendue sur le continent.

Pourquoi Jammeh a perduJammeh, qui avait pris le pouvoir par un coup d’État militaire en 1994, était en position d’obtenir un cinquième mandat. Les quatre élections précédentes qu’il avait gagnées en 1996, 2001, 2006 et 2011 n’avaient été ni crédibles ni transparentes, d’après les observateurs internationaux. La CEDEAO avait boycotté les élections à deux reprises. D’abord en 2011, puis encore en 2016 lorsque l’organisme régional avait cité « un niveau inacceptable de contrôle des médias électroniques par le parti au pouvoir, et une opposition et un électorat effrayés par la répression et l’intimidation. »2Au cours de ses 22 années à la tête du pays, Jammeh a réduit le pouvoir des institutions de l’État et édifié un culte de la personnalité. Il promulguait des lois qui bafouaient les droits de l’homme, la liberté de la presse, il s’opposait aux lois électorales qui lui étaient défavorables et forçait les Gambiens à vivre dans un état de peur perpétuelle.3

Sait Matty JawSait Matty Jaw est militant politique et pour la justice sociale ; il est gambien. Il suit actuellement un Master en Administration publique à l’Université de Bergen. Ses recherches portent sur : les changements de régime en Afrique subsaharienne, les partis politiques et les élections, les mouvements sociaux et la politique dans les gouvernements locaux. Contactez-le à [email protected].

2https://gambia.smbcgo.com/2016/11/28/ecowas-boycotts-gambias-polls-second-time/ 3Il y a eu des signalements de disparitions forcées, d’assassinats, de torture, de détention arbitraire, etc

Les événements de 2016 ne sont nullement dûs à une quelconque atténuation de ses tactiques répressives ; elles se sont plutôt intensifiées4. Ce qui s’est passé différemment en 2016, c’est le fait que les jeunes ont décidé d’utiliser leur poids démographique, qui a apporté un changement5. Dans les élections précédentes, les jeunes, qui représentent environ 65 % de la population gambienne, étaient apolitiques et montraient peu d’intérêt pour la politique du pays. Cependant, la mort de Solo Sandeng6, alors aux mains des agents secrets de Jammeh, a provoqué un regain patriotique chez les jeunes. Au lieu de manifester dans les rues, les jeunes ont décidé de prendre leur carte électorale en masse. Ce nouvel intérêt pour la politique du pays chez les jeunes Gambiens, tant chez eux qu’au sein de la diaspora, a commencé à faire effet, tout d’abord, dans les rangs de l’opposition. Les jeunes ont exigé de l’opposition qu’elle s’unisse, un appel auquel les dirigeants n’ont pu résister. L’autre raison de l’intérêt des jeunes pour la politique réside dans la situation économique désastreuse du pays, avec un taux de chômage croissant7 qui a forcé de nombreux jeunes à se lancer dans des voyages périlleux vers l’Europe.

Malgré l’importance de la question économique, l’enjeu des élections de décembre 2016, pour de nombreux jeunes Gambiens, ne consistait pas dans le type d’emplois que le gouvernement de coalition serait en mesure de créer, mais bien dans le fait de mettre fin à des décennies de dictature et de donner une nouvelle chance à la Gambie. Il s’agissait du respect des droits de l’homme, de la liberté et de la démocratie. Par-dessus tout, il s’agissait de protéger la coexistence pacifique et l’unité de la Gambie, entre les diverses ethnies et groupes religieux, menacées par Jammeh une première fois lorsqu’il avait déclaré que la Gambie était un État islamique et une seconde fois lorsqu’il avait « insulté » le groupe ethnique des Mandingues8.

Pendant la campagne électorale, un nombre sans précédent de jeunes ont rejoint les rassemblements politiques de l’opposition, en utilisant les réseaux sociaux pour solliciter des soutiens. À l’issue de cette course à trois, environ 60 % des électeurs gambiens ont rejeté Jammeh, et le président de l’IEC (Independent Electoral Commission, la Commission électorale indépendante) a déclaré Barrow comme étant le président dûment élu de la Gambie avec un score de 43,34 % des voix9.

Les réseaux sociaux se sont révélé particulièrement utiles à bien des égards dans l’éviction de Jammeh. Ceci découle du fait que, outre la sévère répression contre les médias indépendants, les médias publics n’étaient ni accessibles à l’opposition, ni susceptibles de relayer les positions de l’opposition et autres points de vue divergents. Par conséquent, les réseaux sociaux sont devenus pour les citoyens l’unique espace où accéder aux idées et aux informations et où les échanger. Parmi les masses de journalistes gambiens forcés de fuir, un certain nombre avaient créé des journaux et des stations de radio en ligne qui relayaient plus d’informations sur le pays que les médias basés en Gambie. De ce fait, ces radios et ces journaux en ligne sont devenus la principale source d’informations sur le régime. Par exemple, on sait que de nombreux fonctionnaires se connectaient sur ces médias en ligne le matin en arrivant au bureau pour avoir les dernières actualités sur le pays. La même tendance a également été observée dans toute la Gambie, et même dans les villages. C’est ce qui a contribué à endommager gravement la réputation du régime de Jammeh car les Gambiens ont commencé à être informés de sombres histoires mêlant criminalité et corruption. Dans le même temps, les fonctionnaires ou les agents de police mécontents, et de simples citoyens, ont réalisé qu’ils pouvaient secrètement envoyer des

informations à ces médias en ligne afin d’informer la population. Ceci a eu un effet ravageur sur le régime tout en générant un important mécontentement au sein de la population, d’où le résultat de l’élection.

Divers groupes WhatsApp ont commencé à apparaître, car des partis et des groupes de jeunes, ainsi que des citoyens ordinaires, ont créé des discussions de groupe pour pouvoir communiquer et diffuser des informations. Ces groupes WhatsApp sont devenus d’influentes plateformes sur lesquelles des messages vocaux ciblés étaient envoyés puis partagées sur d’autres plateformes. Grâce aux messages vocaux, l’obstacle de l’analphabétisme était enfin surmonté, et l’on pouvait voir des personnes âgées, hommes et femmes, dans les villages en train d’écouter ces messages. C’est ce qui a contribué à stimuler l’électorat et à l’encourager à se rendre aux urnes. Outre les forums WhatsApp, des groupes similaires ont été créés sur Viber et sur Facebook. L’utilisation d’internet, au travers des réseaux sociaux et des médias en ligne, est devenue l’outil de mobilisation et d’organisation de la population le plus puissant, à tous les niveaux, pour résister à Jammeh.

Grâce aux réseaux sociaux, la diaspora gambienne a aussi été en mesure de lever des fonds pour l’opposition, étant donné qu’en 2015, Jammeh avait modifié les lois électorales pour augmenter de façon exorbitante les frais d’inscription pour participer à l’élection. On estime que les fonds levés par la diaspora s’élèvent à plus de 120 000 euros, qui ont été acheminés vers la coalition de l’opposition pour financer sa campagne. En l’absence de ressources financières suffisantes pour l’opposition, Jammeh aurait eu un avantage plus important.

4Voir le Rapport de Human Rights Watch sur la Gambie https://www.hrw.org/news/2015/09/17/gambia-two-decades-fear-and-repression

5https://www.theguardian.com/global-development/2016/nov/30/young-gambians-ready-to-vote-out-dictatorial-yahya-jammeh-regime

6Le 14 avril 2016, le jeune Gambien de l’UDP a dirigé une manifestation de jeunes exigeant des réformes électorales en amont des élections présidentielles de 2016. En 2015, Jammeh avait modifié la loi électorale en augmentant le montant des versements pour se présenter comme candidat aux présidentielles. La limite d’âge (de 30 à 65 ans) constitutionnelle pour le poste de président avait empêché de nombreux hommes/femmes politiques de se présenter aux élections, y compris le dirigeant du parti UDP.

7Le taux de chômage des jeunes en Gambie s’élève à environ 40 %.

8Les Mandingues sont le groupe ethnique le plus important en Gambie : ils représentent environ 40 % de la population.

9La Gambie utilise le système électoral du scrutin majoritaire uninominal à un tour. Jammeh avait introduit ce système en 2001 afin d’éviter d’avoir à se présenter au second tour.

Melenama

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18 19Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

L’impasse politiqueLe 9 décembre, dans une émission télévisée de dernière partie de soirée, Yahya Jammeh rejetait les résultats électoraux du 1er décembre, qui mettaient fin à ses 22 années de domination, en invoquant la malhonnêteté de la Commission électorale indépendante et « le degré sans précédent d’ingérence étrangère » dans l’élection. Il appela une nouvelle élection qui devait être supervisée par un « IEC qui craigne Dieu » lorsque la Gambie aurait l’argent pour l’organiser. L’émission de Jammeh a immédiatement entraîné une condamnation généralisée dans son pays et partout dans le monde, et une fronde menée par l’unique voisin de la Gambie, à savoir le Sénégal.

Le refus de Jammeh d’accepter la volonté de l’électorat créa le problème des réfugiés et, en même temps, mena à la seconde phase de la résistance. Bien que Jammeh ait déployé l’armée dans les rues, les Gambiens, et les jeunes en particulier, étaient prêts à défendre leur vote de manière non-violente. L’Association du Barreau de la Gambie publia une condamnation audacieuse et accablante le 13 décembre dans laquelle elle décrivait les actes de Jammeh comme une trahison. À partir de ce moment, de très nombreuses OSC gambiennes se sont enhardies et ont fait de même en publiant des déclarations musclées appelant Jammeh à quitter ses fonctions. Plusieurs OSC et communautés ont envoyé des délégations pour rencontrer le président élu à sa résidence en signe de solidarité. Peu après, un mouvement, lancé par des jeunes, #GambiaHasDecided [La Gambie a fait son choix], vit le jour et prit de l’importance grâce aux réseaux sociaux, aux T-shirts, aux affiches et à d’autres moyens visant à dénoncer les frasques de Jammeh. Le mouvement prit tellement d’ampleur que Jammeh envoya des troupes pour arracher les affiches et arrêter les foules de jeunes qui portaient des T-shirts avec des messages soutenant la présidence d’Adama Barrow.

Tandis que les Gambiens défendaient leur démocratie, la CEDEAO, l’UA et l’ONU ont mis en place une navette diplomatique régulière dans le but de trouver une solution pacifique à cette crise politique. Dans le même temps, les organismes régionaux étaient activement engagés sur le front diplomatique dans le but de s’assurer que Jammeh cède le pouvoir à la fin de son mandat. Ainsi, puisque la diplomatie préventive de ces

organismes intergouvernementaux se trouvait dans l’impasse en raison de l’intransigeance de Jammeh, le dernier recours était l’envoi d’une force d’intervention armée de la CEDEAO pour défendre la volonté du peuple gambien. Cette option permettrait de s’assurer plus tard que le nouveau président serait investi dans ses fonctions le 19 janvier. Après une série de pourparlers sans issue, la CEDEAO déploya un contingent militaire dirigé par le Sénégal pour chasser Jammeh par la force. Quelques jours après l’investiture d’Adama Barrow au Sénégal, Jammeh partit en exil en Guinée équatoriale sous la menace de la force d’intervention.

La Gambie et la CADEGL’impasse politique en Gambie était un test clair pour l’Afrique de l’Ouest en particulier et pour l’Afrique en général. Elle a permis de tester l’engagement des États membres envers la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et envers le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Cependant, la gravité de cet engagement est apparue dans le dossier gambien. L’article 9 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance et l’article 23(4) de la CADEG disposaient clairement que les perdants des élections devaient concéder la défaite au parti vainqueur. Tout refus constitue une violation à la fois de la Charte de l’UA et du Protocole de la CEDEAO que les États membres doivent respecter et auxquels ils doivent se conformer.

L’engagement de l’UA envers la CADEG n’a pas débuté durant cette phase d’impasse, mais

soutenue par une position proactive de la part des organismes infrarégionaux. Donc, la SADC, la CAE et les autres blocs infrarégionaux doivent être attentifs à la CEDEAO.

Conclusion

Au moment où l’UA célèbre le 10e anniversaire de la CADEG, il faut noter que cette dernière est défendue par les citoyens d’Afrique tous les jours. Il faut aussi noter que les jeunes ont fait bon usage de la stratégie de Mobilisation des jeunes de l’AAG [Architecture africaine de la gouvernance] et qu’elle a orienté les jeunes Gambiens malgré le fait que nombre de leurs leaders étaient en exil.Si nous devons tirer un enseignement du dossier gambien, c’est que la défense et la protection de la démocratie et de la bonne gouvernance relèvent de la responsabilité de tous. Si une petite nation comme la Gambie peut renverser un dictateur bien établi par le vote, alors le reste du continent, voire le reste du monde, peut aussi le faire.

mais remonte à avril 2016, à la suite de la répression brutale d’une manifestation pacifique à Banjul. Une délégation de haut niveau dirigée par la Commissaire aux affaires politiques d’alors, S.E. Mme Aisha L. Abdullahi, se rendit en Gambie pour évaluer l’état de préparation des élections et encourager la tenue d’élections libres et équitables. La démarche proactive de l’UA s’est révélée déterminante pour la tenue d’élections pacifiques et pour trouver une issue à l’impasse. Son engagement dans la défense du résultat de l’élection a également été très visible. De ce fait, la position et la posture adoptées par l’UA pourraient être considérées à l’avenir comme un modèle de résolution des conflits électoraux dans la région. Cependant, elle doit également être

# Gambia has decided

Le mécanisme d’établissement des rapports des états sous la cadeG

Depuis son entrée en fonction en 2002, l’Union

africaine a adopté des cadres normatifs

progressistes en faveur du perfectionnement

du programme de gouvernance

démocratique sur le continent. Contrairement à l’Organisation de l’unité

africaine (OUA), qui avait été établie, entre autres choses, pour

défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et

l’indépendance des pays africains ainsi que pour

éradiquer d’Afrique toute forme de colonialisme,

l’UA a été créée en partie pour traiter les problèmes du continent de manière

novatrice en s’attaquant à leurs causes structurelles.

Rizzan Nassuna Rizzan Nassuna est experte en démocratie et gouvernance au sein du Secrétariat de l’AAG. Elle a une bonne connaissance du processus d’établissement des rapports pour la CADEG. Elle est passionnée par le suivi des tendances de la gouvernance démocratique sur le continent. Contactez-la à [email protected] et/ou @nrizzan.

par l’UA, notamment l’Agenda 2063 et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG).

Au centre du programme de gouvernance démocratique de l’UA, il y a la promotion de la ratification, de l’intégration dans l’ordre juridique interne, et de la mise en œuvre des Instruments sur les Valeurs communes de l’UA10 , dont fait partie la CADEG. Ce programme repose sur une Déclaration qui a été faite sur le thème du Sommet de 2011 : « Vers une plus grande unité et une meilleure intégration par des valeurs communes » (Assembly/AU/Decl.1 (XVI)), dans laquelle les chefs d’État et de gouvernement faisaient part des obstacles qu’ils rencontraient en matière de promotion, de ratification et d’intégration dans l’ordre juridique interne des instruments sur les valeurs communes, et dans laquelle ils réaffirmaient leur engagement à accélérer la ratification et l’intégration dans

l’ordre juridique interne des instruments sur les valeurs communes. Dans la même déclaration, les chefs d’État et de gouvernement de la Conférence de l’UA exhortaient la Commission de l’Union africaine (CUA) à mettre en place des mesures et des modalités de soutien aux États membres afin que ces derniers établissent les capacités et les processus nécessaires au suivi et à la révision des efforts d’intégration dans l’ordre juridique interne. Afin de donner effet à cette déclaration, entre autres déclarations et décisions de la Conférence, la CUA a mis en place, au fil des ans, des cadres et des mécanismes, notamment l’Architecture africaine de la gouvernance (AAG).L’un des objectifs de l’UA est de promouvoir

les principes et les institutions démocratiques, la participation populaire et la gouvernance démocratique tels que consolidés dans l’article 3 (g et h) et dans l’article 4 (m) de l’Acte constitutif de l’UA. Ces idéaux sont encore renforcés par des normes, des déclarations, des décisions, des cadres politiques et des instruments adoptés

10 Discussion Paper: Towards Greater Unity and Integration through Shared Values. 23 November 2010. “Although Shared Values has never been formally defined within the AU, it is generally conceived as those norms, principles and practices that have been developed and acquired, which provide the basis for collective actions and solutions in addressing the political, economic and social challenges that impede Africa’s integration and development”.

Nebila Abdulmelik

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20 21Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

AAG et CADEG

L’AAG s’inspire de l’Acte constitutif de l’UA qui exprime la détermination de l’Union à « promouvoir et à protéger les droits de l’homme et des peuples, à consolider les institutions et la culture démocratiques et à garantir la bonne gouvernance et l’État de droit ». L’AAG fut officiellement adoptée par la CUA en juin 2011, en réponse à la décision de la 15e Session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement (AU/Dec.304 (XV)) de juillet 2010, qui appelait, entre autres, à mettre en place une « Architecture panafricaine sur la gouvernance ». L’AAG fut donc créée comme « une plateforme de dialogue entre les diverses parties prenantes » mandatées pour promouvoir la gouvernance participative et pour renforcer la démocratie en Afrique, en plus de traduire les objectifs des déclarations juridiques et politiques des Valeurs communes de l’UA11 .

La mise en place de l’AAG repose également sur les normes, les déclarations, les décisions et les instruments de l’UA, tout particulièrement sur la CADEG. Adoptée le 30 janvier 2007 et entrée en vigueur le 16 février 2012, la CADEG compte 30 États parties sur les 55 États membres de l’UA. Elle fournit un cadre normatif continental de promotion et de consolidation de la démocratie, de la gouvernance, de l’État de droit et des droits de l’homme. Elle consolide les engagements conformément à l’ancienne OUA et aux décisions et déclarations de l’UA relatives à la gouvernance démocratique. La Charte est composée de onze (11) chapitres, qui établissent des principes et des engagements pour les États membres de l’UA afin de nourrir une culture de la démocratie, de l’État de droit, des droits de l’homme et de la paix au travers de la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernement.

L’établissement des rapports des États sous la CADEG

En ratifiant la CADEG, les États parties s’engagent à présenter à la CUA, tous les deux ans à compter de la date de l’entrée en vigueur de la Charte pour ce pays en particulier, un rapport sur les mesures législatives et autres mesures pertinentes prises pour donner effet aux principes et aux engagements de la Charte. Conformément à cette disposition, 23 États parties à la CADEG sur 30 doivent présenter le rapport de leur État. À ce jour, seul un État partie – la République du Togo

– a présenté son rapport initial sur la mise en œuvre de la Charte.

L’essence du fonctionnement de l’AAG réside dans son cadre institutionnel – la Plateforme africaine de la gouvernance – qui a été lancé en juin 2012 comme les fondations permettant de faciliter l’harmonisation des instruments et la coordination des initiatives de gouvernance démocratique en Afrique. La Plateforme est composée des organes de l’UA, des institutions et des Communautés économiques régionales (CER) ; elle a pour mandat officiel la promotion et la poursuite de la gouvernance participative, de la démocratie et des droits de l’homme en Afrique. En particulier, la règle 4 (a) des Règles de procédure de la Plateforme africaine de la gouvernance donne mandat à la Plateforme, sous la coordination de la CUA, pour servir de mécanisme d’évaluation de la mise en œuvre de la CADEG tel qu’envisagé dans les articles 44, 45 et 49 de la Charte et tel qu’élaboré dans les Lignes directrices pour l’établissement des rapports par les États parties.

Adoptées par le Conseil exécutif durant le Sommet de janvier 2016 qui s’est déroulé à Addis Abeba, en Éthiopie, les Lignes directrices pour l’établissement des rapports par les États parties visent à fournir un cadre de préparation et de soumission des rapports des États sur les mesures législatives et sur d’autres mesures pertinentes prises dans le but de donner effet aux principes et aux engagements de la Charte.

Prendre des mesures législatives, exécutives et administratives visant à s’assurer que les lois et la régle-

mentation nationales sont conformes aux principes et aux engagements

de la Charte

Garantir une diffusion plus large de la Charte et de toutes les législations correspondantes auprès des citoyens

et d’autres parties prenantes

Promouvoir la volonté politique comme une condition nécessaire à l’atteinte des objectifs de la Charte

Présenter un rapport tous les deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la Charte pour l’État en particulier, sur les mesures prises pour la mise

en œuvre de la Charte.

La CADEG oblige les États parties à : L’établissement des rapports par les États sous la CADEG fournit l’occasion aux États parties de :

Identifier les obstacles et d’établir des relations de collaboration fructueuses

avec d’autres États parties, organes de l’UA, institutions et CER, et parties

prenantes nationales

Identifier les difficultés rencontrées dans l’exécution de leurs

engagements découlant de la Charte et de développer des solutions en

interne

Réaffirmer leur engagement à respecter les dispositions de la Charte

Faire rapport des efforts entrepris dans l’exécution de leurs obligations

qui découlent de la Charte

Mesurer les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Charte et

d’évaluer l’efficacité des mécanismes nationaux impliqués dans le

processus

D’après les Lignes directrices, il est attendu des États parties qu’ils présentent deux types de rapports – un rapport initial et des rapports périodiques. Le rapport initial devrait fournir les conditions de référence pour l’État partie en question, qui permettront de renseigner l’évaluation de conformité pour cet État en particulier. Par ailleurs, les rapports périodiques seront utilisés pour effectuer le suivi des améliorations et des progrès de l’État auteur du rapport en matière de gouvernance démocratique, en se concentrant sur les nouveaux développements, les progrès et les obstacles. Les rapports des États parties doivent être soumis au président de la CUA par une autorité nationale qui sera mandatée par l’État partie concerné pour ce faire.

De façon à garantir la diversité, la participation effective et la participation de tous les acteurs concernés par l’établissement des rapports des États dans le cadre de la CADEG, il est demandé aux États parties de mettre en place un cadre institutionnel national réunissant toutes les parties prenantes. Celui-ci sera composé des ministères compétents, des agences/institutions et des acteurs non-étatiques, et intègrera les organisations de la société civile. Le cadre est responsable de la coordination, du suivi et de l’établissement des rapports sur la mise en œuvre de la CADEG.

Dès réception des rapports, le président de la CUA est tenu d’en envoyer une copie aux organes concernés de l’UA (qui forment la Plateforme africaine de la gouvernance) pour examen en ce qui concerne leurs mandats respectifs. Ce processus devrait prendre trois (3) mois maximum. L’examen des rapports des États prendra la forme de dialogues constructifs entre les membres de la Plateforme africaine de la gouvernance et les États partis ayant soumis leur rapport, en présence d’acteurs non-étatiques. Les dialogues fourniront un espace de forum participatif pour un examen et une discussion interactive du rapport d’un État partie donné, notamment l’identification des difficultés survenues dans la mise en œuvre de la CADEG et des solutions pratiques à ces difficultés. Les observations et les recommandations issues de l’examen des rapports des États seront compilées dans un rapport récapitulatif. Celui-ci sera soumis à la Conférence de l’UA par l’intermédiaire du Conseil exécutif, par le président de la CUA, comme le prévoit l’article 49 (3) de la CADEG.

L’examen des rapports des États parties sera coordonné par le Secrétariat de l’AAG, qui est basé au Département des affaires politiques de la CUA.

Appel à l’action L’objectif final du processus d’établissement de rapports par les États sous la CADEG est de garantir la mise en œuvre effective et le respect des principes et des engagements découlant dans la Charte de la part des États parties. Ceci correspond directement à l’Aspiration n°3 de l’Agenda 2063, qui envisage « une Afrique de gouvernance participative, de démocratie, de respect des droits de l’homme, de la justice et de l’État de droit ». Alors que l’Afrique s’efforce de renforcer la culture de bonne gouvernance, de valeurs démocratiques, d’égalité des sexes, de respect des droits de l’homme, de justice et d’État de droit, il est crucial pour les États membres de l’UA qu’ils ratifient de manière universelle et qu’ils mettent en œuvre les principes et les engagements énoncés dans les instruments des Valeurs communes, et notamment dans la CADEG. L’Afrique célèbre le 10e anniversaire de l’adoption de la CADEG, et il n’y a pas de meilleur moment pour les États parties pour soumettre leur rapport initial sur la mise en œuvre de la Charte, de façon à faire l’inventaire des progrès et des difficultés dans la trajectoire de démocratisation de l’Afrique.

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22 23Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

La CADEG : De nouvelles chances de faire progresser l’autonomisation politique des femmes

Au-delà du fait qu’elles constituent plus de la

moitié de la population, les femmes sont la clé de voûte du développement

économique et elles jouent un rôle crucial dans la

construction d’une Afrique en paix et prospère1.

Néanmoins, malgré leur contribution de premier

plan, les données disponibles indiquent que

les femmes africaines restent largement en

périphérie des processus politiques2. La faiblesse

de la représentation, de la participation et du leadership des femmes

dans les structures décisionnelles est une

injustice à laquelle il faut remédier.

participation politique plus équitable des femmes, associées à l’amélioration du statut économique des femmes ont également joué un rôle crucial dans la progression du programme en faveur des femmes.

L’UA a démontré son engagement envers l’égalité entre les sexes en adoptant plusieurs décisions importantes telles que le Protocole additionnel à la Charte africaine sur les droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, la Déclaration solennelle sur l’égalité entre les sexes en Afrique, la Politique de l’UA sur l’égalité entre les sexes, la Décennie africaine pour les femmes et le Fonds pour les femmes africaines. Récemment adopté, l’Agenda 2063 reconnait également que la nécessité de mettre en place l’égalité entre les sexes et l’importance de la participation et de la représentation significatives des femmes dans les structures décisionnaires constituent à la fois le moteur et le catalyseur de la réalisation de ses objectifs4 .

Surtout, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG) contient des dispositions spécifiques en faveur de la participation effective des femmes dans les espaces politiques. L’article 29 de la Charte,

Ces vingt dernières années, l’Afrique a fait des efforts importants pour faire progresser l’autonomisation politique des femmes, qui résulte de l’interaction complexe de facteurs tels que la plus grande consolidation de la démocratie, la prolifération de groupes issus du mouvement des femmes, l’évolution du multipartisme et l’impulsion croissante donnée par la société civile en faveur du renforcement de la participation des femmes au niveau décisionnel3. Ces dynamiques normatives progressistes, favorables à une

Tsion Belay Alene TTsion Belay Alene est défenseure des droits de l’homme ; elle se passionne pour l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes. Elle travaille actuellement en tant qu’Analyste Gou-vernance et Démocratie au sein du Secrétariat de l’Architecture africaine de gouvernance (AAG), qui se trouve au Département des affaires politiques de la Commission de l’Union africaine. Contactez-la par email : [email protected] et sur Twitter : @tsionbelay.

1« Les femmes contribuent à hauteur d’environ 70 % au travail agricole et produisent environ 90 % des denrées alimentaires en Afrique. » Women in Africa: Organisation pour la Coopération et le Développement économiques (OCDE). Disponible à : http://www.oecd.org/dev/poverty/womeninafrica.htm

2Voir la Note conceptuelle du 8e Sommet préparatoire de l’UA sur l’égalité entre les sexes, sur 2016 Année africaine des droits de l’homme, avec une attention particulière portée aux droits des femmes, 17-21 janvier 2016. Disponible à : http://www.au.int/en/newsevents/19536/8th-african-union-gender-pre-summit-2016-african-year-human-rights 3Ndlovu, Sibonokuhle & Mutale, Sani Boniface. Emerging Trends in Women’s Participation in Politics in Africa. American International Journal of Contemporary Research, Vol. 3 No. 11; novembre 2013

4Agenda 2063 de l’UA, Aspiration n° 6

en particulier, reconnait le rôle fondamental des femmes dans le développement et dans le renforcement de la démocratie. Il oblige les États parties à créer les conditions nécessaires à la participation pleine et active des femmes à la prise de décision et aussi aux processus électoraux5. À cet égard, la CADEG impose aux États membres de l’UA des obligations supplémentaires visant à élargir l’espace démocratique de façon à permettre aux femmes de jouer leur rôle légitime dans les processus politiques et décisionnels.

Toutes ces initiatives ont créé un environnement favorable à la progression du programme d’autonomisation politique des femmes. Ces vingt dernières années, des améliorations notables ont été enregistrées, les femmes occupant de plus en plus de postes politiques clé tels que ceux de présidente/premier ministre, de vice-présidente, de présidente d’assemblée parlementaire, de garde des sceaux et de ministre. Plusieurs femmes détiennent aujourd’hui des portefeuilles ministériels de premier plan tels que les Finances au Nigeria, la Défense et les Relations internationales/Coopération en Afrique du Sud, ou encore le Commerce, l’industrie et les coopératives en Ouganda, entre autres6 . Mais l’amélioration de la participation politique des femmes s’observe tout particulièrement dans l’augmentation du nombre de femmes dans des parlements nationaux, avec le Rwanda (63,8 %), le Sénégal (42,7 %) et l’Afrique du Sud (41,5 %), entre autres7. La plupart de ces avancées sont évidentes dans les pays qui ont mis en place des quotas spéciaux en faveur des femmes8.

Malgré ces quelques progrès obtenus grâce à la pléthore de normes progressistes sur l’égalité entre les sexes et la participation des femmes à la vie politique, de nombreux pays peinent encore à atteindre l’objectif mondial d’amélioration de l’autonomisation politique des femmes9. De nombreux pays ont peu de femmes dans les assemblées parlementaires, dans les gouvernements, et en tant que chefs d’État ou de gouvernement10. Par exemple, le pourcentage de femmes membres de la chambre unique/basse de l’organe législatif national passe d’un remarquable 61,3 % au Rwanda (le pourcentage le plus élevé) à un simple 5,6 % au Nigeria (le pourcentage le plus bas)11. Le leadership des femmes en Afrique dans l’exécutif est également bien inférieur à celui qui a cours dans le législatif12. De plus, ces dernières années ont aussi vu une

régression dans certains pays qui, jusque-là, progressaient, en particulier en ce qui concerne la participation des femmes aux assemblées législatives. Par exemple, entre 2012 et 2017, le pourcentage de femmes parlementaires a baissé aux Seychelles (de 43,8 à 21,2 %), au Nigeria (de 6,8 à 5,6 %), au Malawi (de 22,3 à 16,7 %) et à Maurice (de 18,8 à 11,6 %)13. Ceci montre clairement que les progrès réalisés sont fragiles et qu’il ne faut pas relâcher les efforts si l’on veut faire durer les acquis enregistrés jusqu’à présent.

Conclusion

On n’insistera jamais assez sur l’autonomisation politique des femmes. L’engagement significatif des femmes en politique améliore les démocratie en parvenant à la justice, à la promotion de questions politiques sensibles à l’égalité hommes-femmes et à faire bon usage des ressources des femmes pour améliorer la société14 . Si elle ne fait pas participer pleinement et significativement une moitié de la population, la démocratie reste inadéquate.

Bien que les progrès réalisés dans l’augmentation de la participation des femmes aux parlements nationaux soient louables, la participation politique des femmes reste dans l’ensemble bien en deçà du seuil mondial, avec seulement quelques femmes occupant des postes ministériels, dirigeant des partis politiques et détenant des postes dans les gouvernements locaux15 . Il est donc indispensable d’accorder l’attention qu’il se doit aux autres structures du gouvernement – notamment le judiciaire, l’exécutif et également les niveaux de gouvernance locale – de façon à atteindre la pleine autonomisation politique des femmes. Il est tout aussi important de comprendre quels sont les obstacles qui perdurent et qui empêchent les femmes de prendre toute leur place dans les processus politiques – ceci comprend les barrières socioculturelles, le manque d’information et de capacités, la violence politique, la limitation de la volonté politique quant à la résolution des problèmes concernant les femmes, et encore l’inefficacité dans la mise en œuvre des lois. Il faut s’efforcer de relever ces défis par une transformation politique et économique systémique en faveur des femmes.

Alors que l’UA célèbre le 10e anniversaire de l’adoption de la CADEG et le 5e anniversaire de son entrée en vigueur, il est important de

dresser le bilan des modestes avancées acquises à ce jour dans l’élargissement de l’espace de la participation politique des femmes. C’est aussi le bon moment pour mettre en lumière les obstacles qui se mettent sur la route de l’égalité entre hommes et femmes en matière de leadership et de participation aux processus politiques. L’UA doit appeler tous les États membres à intensifier leurs efforts pour parvenir à l’application de l’article 29 de la CADEG afin de renforcer l’accès des femmes au pouvoir et leur participation significative, leur représentation et leur leadership à tous les niveaux des structures décisionnelles dans la quête visant à atteindre les objectifs continentaux et mondiaux en termes de parité entre hommes et femmes.

5CADEG, Article 29 6Osei-Afful, Rhoda. Beyond the Numbers: Women’s Inclusion in Political Processes in Africa. Africa Up Close, Mai 2014. Disponible à : https://africaupclose.wilsoncenter.org/beyond-the-numbers-womens-inclusion-in-political-processes-in-africa/

7D’après les données de l’Union interparlementaire pour 2017, les femmes occupent dorénavant 23,8 % des sièges parlementaires en Afrique subsaharienne, ce qui est un tout petit peu plus élevé que la moyenne mondiale de 23,4 % : Union interparlementaire, 2017

8Rapport de la présidente de la Commission de l’Union africaine sur la mise en œuvre de l’Agenda pour les femmes, la paix et la sécurité en Afrique, juillet 2016. Disponible à : http://www.un.org/en/africa/osaa/pdf/pubs/2016womenpeacesecurity-auc.pdf

9Beyond Head Counts: How to measure African Women’s political Influence. Octobre 2016. Disponible à : https://www.newsdeeply.com/womenandgirls/articles/2016/10/26/beyond-head-counts-measure-african-womens-political-influence

10Kandawasvika-Nhundu, Rumbidzai. Political Parties in Africa through a Gender Lens: Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale, 2013

11Women’s Political Empowerment, Representation and Influence in Africa: A Pilot Study of Women’s Leadership in Political Decision-Making. International Republican Institute (IRI), 2016.

12« Le pays au pourcentage de femmes ministres le plus élevé est l’Afrique du Sud, avec 44,7 %, et les pays avec les pourcentages les moins élevés sont le Soudan, qui ne compte aucune femme ministre, et la Sierra Leone, avec seulement 6, 5 %. » Women’s Political Empowerment, Representation and Influence in Africa: A Pilot Study of Women’s Leadership in Political Decision-Making. International Republican Institute (IRI), 2016.

13Rapport de l’Union interparlementaire, 2012 et 201714Phillips, Anne. The Politics of Presence. Oxford: Clarendon, 1995. Version papier.the-numbers-womens-inclusion-in-political-processes-in-africa/

15Osei-Afful, Rhoda. Beyond the Numbers: Women’s Inclusion in Political Processes in Africa. Africa Up Close, Mai 2014. Disponible à : https://africaupclose.wilsoncenter.org/beyond-the-numbers-womens-inclusion-in-political-processes-in-africa/

Nebila Abdulmelik

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24 25Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Malgré cette véritable force démographique, très peu de jeunes ont accès, formellement, aux traditionnels processus politiques et de gouvernance. D’autres sont forcés de prendre des chemins moins formels, notamment par les manifestations, la désobéissance civile, etc. Cela étant, la participation des jeunes dans la prise de décision officielle pourrait s’accélérer et stimuler la rapide transformation envisagée par le continent dans son Agenda 2063. Quelles sont les défis à relever et comment le 10e anniversaire de la CADEG ainsi que le thème 2017 de l’UA, « Exploiter les dividendes démographiques en investissant dans la jeunesse », peuvent-ils stimuler le renouvellement et la généralisation de l’engagement des jeunes dans le processus politique et de gouvernance ?

les États parties à mettre en place des mesures visant à promouvoir la participation active des jeunes. Plus particulièrement, l’article 11(2) de la Charte de la jeunesse appelle à garantir la participation des jeunes au parlement et dans d’autres organes décisionnaires, comme les lois le prévoient. Elle appelle en outre à la création ou au renforcement des plateformes établies pour la participation des jeunes dans la prise de décisions aux niveaux de gouvernance locale, nationale et continentale tout en garantissant l’égalité d’accès des jeunes hommes et des jeunes femmes à la participation aux décisions et à l’exécution de leurs devoirs civiques.

Malgré ces aspirations normatives, la réalité est totalement différente. La participation significative des jeunes a été entravée par

Le contexte normatifL’article 31(1) et (2) de la CADEG enjoint les États parties à promouvoir la participation des groupes sociaux qui ont des besoins spécifiques, notamment les jeunes et les personnes handicapées, dans le processus de la gouvernance. Il enjoint également les programmes d’éducation civique systématique et complète à encourager la pleine participation des groupes sociaux qui ont des besoins spécifiques dans les processus démocratiques et développementaux.

Même si l’on peut arguer que cette référence aux jeunes dans la CADEG est, au mieux, superficielle, la Charte africaine de la jeunesse, quant à elle, corrobore l’esprit de la CADEG en enjoignant

CADEG et participation des jeunes dans le processus de gouvernance démocratique

Ibraheem ‘B. SanusiIbraheem Sanusi est expert en gouvernance et dirige l’engagement citoyen au Secrétariat de l’Architecture africaine de la gouvernance. Il est passionné par l’Afrique et par l’engagement signifi-catif des jeunes dans le développement du continent. Contactez-le à [email protected] et/ou @ibsanusi.

Le continent africain assiste actuellement à l’essor d’une jeunesse

très favorable aux perspectives de

démocratisation du continent. D’après l’Union africaine,

environ 60 % de la population totale de l’Afrique est âgée de

moins de 24 ans, et plus de 35 % ont entre 15 et 35 ans, ce qui fait de

l’Afrique le continent le plus jeune du monde.

plusieurs facteurs qui limitent la pleine mise en œuvre et la réalisation des buts et des objectifs de ces instruments normatifs. Ces facteurs comprennent notamment les faibles niveaux de ratification des normes ; les capacités limitées de mise en œuvre de ces normes par les institutions nationales, régionales et continentales ; et « le comportement politique et institutionnel », aspect souvent négligé, à l’égard de la participation des jeunes.

Néanmoins, tel que clairement formulé dans l’Agenda 2063, le fait de garantir un meilleur accès des jeunes à un engagement effectif et à une participation au sein des gouvernements locaux, des assemblées législatives, du monde judiciaire et des partis politiques constitue un facteur critique permettant d’atteindre les objectifs et les aspirations du continent. Il est donc impératif de faire bon usage du 10e anniversaire de la CADEG et du fait que l’année 2017 est consacrée par l’UA à l’autonomisation des jeunes : cette occasion doit être exploitée pour relancer et redynamiser les divers efforts en cours afin d’améliorer la participation, le leadership et la représentation significatifs/ves des jeunes dans les processus politiques et de la gouvernance à tous les niveaux.

SEJ-AAG : Passer des normes à l’actionÉtablie en 2011 par l’UA, l’Architecture africaine de la gouvernance (AAG) est un cadre politique et institutionnel général de promotion et de soutien à la démocratie, à la gouvernance, aux droits de l’homme et à l’aide humanitaire sur le continent. L’objectif principal de l’AAG est guidé par la Déclaration de la 16e Session ordinaire de la Conférence de l’Union qui visait à créer un cadre de dialogue entre les parties prenantes dans l’objectif final d’harmoniser les instruments des Valeurs communes de l’UA et de coordonner les initiatives allant dans le sens de la promotion de la gouvernance participative et de la consolidation de la démocratie sur le continent.

Afin de s’assurer de la participation des peuples et de l’engagement citoyen dans la réalisation de la démocratie, de la gouvernance et du respect des droits de l’homme et des peuples sur le continent, l’AAG a développé une Stratégie pour l’engagement des jeunes d’après les objectifs d’engagement des citoyens. La Stratégie pour l’engagement des jeunes de l’AAG (SEJ-AAG)

fournit un cadre pour l’engagement effectif des jeunes femmes et des jeunes hommes d’Afrique dans la gouvernance démocratique, ce qui devrait renforcer les efforts de participation des jeunes dans la prévention structurelle des conflits, dans la consolidation de la paix et dans la reconstruction et le développement post-conflit ainsi que dans la réalisation d’une gouvernance transparente et redevable en Afrique.

Au travers de la SEJ-AAG, plusieurs programmes ont été lancés afin d’améliorer les capacités des Membres de la Plateforme de l’AAG pour qu’ils impliquent les jeunes gens dans leurs programmes et dans leurs initiatives. Ces derniers comprennent des Forums des jeunes préparatoires au Dialogue annuel de haut niveau sur la démocratie, les droits de l’homme et la gouvernance en Afrique (DG Trends, ou « tendances de la gouvernance démocratique »). Ces Forums sont des espaces sûrs de dialogue entre les générations et au sein de chaque génération ; ils ont pour but de garantir que les points de vue des jeunes sur les politiques continentales de gouvernance démocratique sont bien pris en compte dans les interventions politiques et programmatiques.

De plus, des programmes de renforcement des capacités et d’échange ont été organisés pour les organisations et les réseaux de jeunes afin de renforcer le respect et la mise en œuvre des normes de participation de la jeunesse aux niveaux national, régional et continental. D’autres programmes et initiatives comprennent l’Initiative de l’UA pour les jeunes dans la consolidation de la paix (UA-IJP), Africa Talks DG Trends [plateforme de partage de connaissances sur les tendances de la gouvernance démocratique], ainsi que ses initiatives d’implication dans les réseaux sociaux. Au travers de ces programmes, plusieurs liens et partenariats inter-régionaux de jeunes Africains ont pu être renforcés.

Grâce à la mise en œuvre de la SEJ-AAG, les réseaux et les organisations de jeunesse ont aussi été capables d’améliorer leurs programmes et de renforcer les liens stratégiques entre leurs programmes avec des aspirations et des objectifs régionaux et continentaux. Par exemple, la Campagne #NotTooYoungToRun [#Pas Trop Jeune Pour Participer Aux Élections], largement saluée, qui avait pour objectif de défendre les réformes constitutionnelles, législatives et électorales promouvant l’augmentation de la

représentation des jeunes dans les institutions et dans les processus politiques et de la gouvernance, est une déclinaison du Forum préparatoire des jeunes à la DG Trends de 2014 sur « L’égalité de participation des jeunes dans le processus politique », qui s’est tenue à Kigali, au Rwanda. Cette campagne est coordonnée par l’Initiative de la jeunesse pour la défense, la croissance et les progrès (YIAGA) du Nigeria, une organisation qui a participé au Forum de Kigali. Des organisations comme le YouthLab [Laboratoire de la jeunesse] d’Afrique du Sud, l’Initiative Sohoutou du Bénin, la Commission africaine des jeunes, le Centre de l’égalité hommes-femmes pour l’autonomisation du développement (GenCED) du Ghana, ou encore le Mouvement africain des jeunes, entre autres, ont également ajusté divers programmes et initiatives afin de correspondre aux normes et aux standards du continent. Ceci montre par l’exemple la valeur cumulative de l’implication stratégique et structurée des jeunes dans les processus formels. À travers leurs programmes, ces jeunes continuent de contribuer à la mise en œuvre de la CADEG en défendant la ratification de la CADEG et de la CAJ, améliorant ainsi la participation des jeunes aux élections et l’exigence d’une gouvernance redevable et transparente. Malgré les réussites de la SEJ-AAG, il faudra encore des efforts concertés afin de s’assurer de l’expansion et de la durabilité des initiatives lancées dans ce cadre. Ces efforts doivent comprendre l’amélioration du soutien institutionnel, technique et financier à ces initiatives.

Conclusion

L’Afrique a le potentiel pour récolter les dividendes de la démocratisation en mettant à profit l’essor de la jeunesse. Cependant, le fait de saisir cette opportunité dépendra en grande partie de la façon dont les États membres de l’UA accorderont la priorité à la participation significative des jeunes en favorisant des directives politiques, des incitations ainsi que des interactions et des engagements intergénérationnels. Le développement d’un programme continental pour l’amélioration de la participation des jeunes aux processus de gouvernance démocratique, tels que le SEJ-AAG, est une première étape cruciale dans la mise à profit de l’essor de la jeunesse pour le développement et la croissance de l’Afrique. Une stratégie continentale de ce type

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26 newsletter Gouvernance africaine

devra garantir un espace propice pour que les énergies, la créativité et la passion des jeunes soient canalisées dans des efforts coordonnés visant à renforcer la démocratisation sur le continent.

Les États membres de l’UA doivent également mettre en place des structures similaires qui permettent la participation significative des jeunes dans ses institutions de gouvernance démocratique. Afin d’y parvenir, des efforts doivent être faits pour traiter les lacunes institutionnelles, juridiques, politiques et en matière de capacités, ainsi que pour régler le

problème des comportements socioculturels qui entravent la participation des jeunes. De plus, des investissements stratégiques et volontaires doivent être faits pour soutenir et étendre l’efficacité des initiatives et des programmes des jeunes aux niveaux national, régional et continental.

Les jeunes d’Afrique ont un rôle important à jouer dans le programme de démocratisation du continent. Les si nombreux jeunes d’Afrique peuvent être une richesse ou un fardeau pour la gouvernance et pour le développement de l’Afrique. Pour éviter qu’ils ne soient un fardeau, les États membres de l’UA, les Communautés

économiques régionales et d’autres parties prenantes doivent s’assurer qu’ils fournissent un environnement propice à la participation et à l’engagement significatifs des jeunes dans les processus politiques et de la gouvernance.

LES POINTS DE VUE DES POPULATIONS

raison d’espérer et de passer à l’action : Perceptions des citoyens sur les priorités de la caDeG

entreprises et corruption en afrique : pertinence de la caDeG

redevabilité démocratique dans les relations entre l’État et la société : Le rôle de la caDeG

initiatives centrées sur les femmes pour la promotion de la justice transitionnelle en afrique

L’organisation des États américains, l’union africaine et la caDeG : a Luta continua

remédier aux flux financiers illicites provenant d’afrique grâce à la caDeG

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28 29Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Raison d’espérer et de passer à l’action : Perceptions des citoyens sur les priorités de la cadeG

Professor E. Gyimah-BoadiLe Professeur E. Gyimah-Boadi est co-fondateur et Directeur exécutif de l’AfroBaromètre. Il est également Directeur exécutif du Ghana Center for Democratic Development [Centre ghanéen pour le développement de la démocratie]. Il est professeur émérite au sein du Département de sciences politiques de l’Université du Ghana, à Legon, et il a obtenu un doctorat de l’Université de Californie, à Davis. Il a co-écrit l’ouvrage Public Opinion, Democracy, and Market Reform in Africa (Cambridge University Press, 2005). Le professeur Gyimah-Boadi préside le Conseil national des personnes handicapées et il est membre du Conseil consultatif de l’Indice Mo Ibrahim pour la gouvernance africaine.

Nombreux sont les moyens de mesurer les progrès réalisés pour

atteindre une vision aussi riche et ambitieuse que la Charte africaine de la

démocratie, des élections et de la gouvernance

(CADEG) ; la perception qu’en ont les citoyens ordinaires est l’un des

plus importants.

L’AfroBaromètre, réseau de recherche panafricain non-partisan, mène depuis 1999 des enquêtes sur l’attitude du public envers la démocratie et la gouvernance, les élections, les droits, la situation économique et d’autres questions de ce type . Sa sixième série d’enquêtes (2014/2015), réalisée dans 36 pays de toutes les régions d’Afrique, représente plus des trois-quarts de la population du continent.

Sur la plupart des indicateurs concernant la première décennie de la CADEG, les citoyens décrivent des avancées dans certains pays et une stagnation ou une régression dans d’autres pays. Combinées, ces opinions sont à la fois une raison d’espérer et un appel à l’action. Voici quelques faits saillants.

Démocratie

Malgré des signes précurseurs d’une récession démocratique, le soutien de la population à la démocratie est plus fort qu’au cours de la décennie précédente, et la plupart des africains indiquent vouloir plus de démocratie que ce dont ils bénéficient actuellement.

• Une large majorité d’Africains soutiennent la démocratie (67 %) et rejettent les régimes autoritaires tels que les dictatures (78 %), les régimes militaires (73 %) et les régimes à parti unique (78 %). Une plus petite part de la population (43 %) sont des démocrates engagés qui à la fois préfèrent la démocratie et rejettent les trois alternatives non-démocratiques, un indice que nous appelons « la demande de démocratie ».

• Les pays varient beaucoup dans leur demande de démocratie. Par exemple, trois Mauritaniens sur quatre sont des démocrates systématiques et engagés, mais moins d’un Mozambicain sur 10 mérite la même appellation. Les femmes sont bien moins susceptibles de demander plus de démocratie que les hommes (39 % contre 49 %).

• Dans 16 pays ayant fait l’objet d’enquêtes depuis 2002, la tendance positive constante sur la décennie de demande de démocratie s’est soldée par une courbe descendante, depuis 2012.

• Les pays africains disposant d’élections de qualité sont plus susceptibles d’enregistrer des augmentations de la demande de démocratie par la population que les pays organisant des élections de mauvaise qualité.

• Signe positif pour l’avenir de la démocratie,

la demande populaire de démocratie dépasse toujours la perception qu’ont les citoyens de l’offre disponible en matière de démocratie, dans 26 des 36 pays de l’enquête.

12L’AfroBaromètre mène des entretiens en personne dans la langue choisie par la personne interrogée, avec un échantillon représentatif du pays, qui produisent des résultats par pays avec une marge d’erreur de l’échantillonnage de +/- 2 % (pour un échantillon de 2 400 personnes) ou de +/- 3 % (pour un échantillon de 1 200 personnes), avec un degré de fiabilité de 95 %. Pour en savoir plus sur les méthodes utilisées, les questions posées et les résultats des enquêtes et pour consulter gratuite-ment toutes les données et l’outil d’analyse des données en ligne, rendez-vous sur www.afrobarometer.org

Elections

De nombreux africains sont sceptiques quant à la gestion et à la qualité des élections dans leur pays.

• La moitié d’entre eux disent avoir confiance dans leur commission électorale « passablement » (25 %) ou « beaucoup » (25 %).

• Deux-tiers d’entre eux pensent que l’élection la plus récente s’est déroulée de façon « entièrement libre et équitable » (41 %) ou de façon « libre et équitable, mais avec quelques incidents » (24 %).

• Plus de quatre personnes sur dix disent que les électeurs sont menacés de violences durant le vote au moins « quelquefois » (44 %), que les candidats de l’opposition sont empêchés de participer à l’élection au moins « quelquefois » (43 %), que les médias d’information ne fournissent « jamais » ou seulement « quelquefois » de couverture équitable de tous les candidats (43 %), et que les électeurs sont « souvent » ou « toujours » soudoyés (43 %).

• Seul un tiers (34 %) des Africains pensent que les bulletins sont « toujours » comptés équitablement. Plusieurs pays ayant connu des épisodes de violence électorale expriment des degrés de confiance faibles dans le dépouillement, notamment au Kenya (26 %), au Zimbabwe (22 %) et au Nigeria (6 %).

• Half of Africans say that elections do not work well as mechanisms to 1) ensure that people’s views are represented (50%) and 2) ensure that voters are able to remove non-performing leaders from office (51%).

Les Africains veulent-ils de la démocratie ? Tendances moyennes | 16 pays | 2002-2015

Support DemocracyReject one-party rule

Reject military ruleReject one-man rule

Demand for democracy

100%

90%

80%

70%

60%

50%

40%

30%

20%2002/2003

36%

63%67%

76% 76%79%

84% 82%

77%

63%

70%74%

47% 47%

71%75%

51%

46%

68%

75%77%

2005/2006 2008/2009 2011/2013 2014/2015

72%77% 77%

79%

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30 31Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Official leader / Active member of religious groupOfficial leader / Active member of voluntary assosiationAttended a community meetingJoined others to raise an issuse

Qui est corrompu ? | 36 pays | 2014/2015

Déclin de l’engagement civique des jeunes | 18-35-ans | 16 pays | 2002-2015

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

2002/2003 2005/2006 2008/2009 2011/2013 2014/2015

Official leader / Active member of religious groupOfficial leader / Active member of voluntary assosiation

Attended a community meetingJoined others to raise an issuse

Most/All are corrupt Some are corrupt None are corrupt

Police

Bussiness Leaders

Government officials

Tax officials

Judges and magistrates

Local government councillors

Parliament

Presidency

Traditional leaders

Religious leaders0%

15% 40% 36%

21% 43% 26%

31% 42% 15%

33% 44% 11%

34% 45% 11%

34% 43% 13%

36% 41% 10%

38% 44% 9%

41% 37% 10%

45% 39% 9%

20% 40% 60% 80% 100%

Engagement des jeunes

L’engagement politique et civique des jeunes africains est en déclin et il est particulièrement peu élevé chez les jeunes femmes

• L’engagement politique est généralement moins élevé chez les jeunes Africains que chez leurs aînés, en particulier lorsqu’il s’agit de voter (62 % des 18-35 ans contre 79 % des citoyens âgés de plus de 35 ans au cours de la dernière élection nationale).

• Les jeunes femmes sont moins intéressées par les affaires publiques que les jeunes hommes (48 % contre 60 %) et moins susceptibles de discuter de politique (61 % contre 74 %).

• Les jeunes Africains sont moins susceptibles que leurs aînés de participer à des rassemblements (47 % contre 57 %) et de se joindre à d’autres personnes ou groupes pour soulever un problème (40 % contre 47 %). La participation des jeunes femmes est à la traîne par rapport à celle des jeunes hommes (de 9 points de pourcentage, en moyenne).

• Les jeunes femmes sont moins susceptibles que les jeunes hommes de contacter des dirigeants politiques ou communautaires afin de discuter d’un problème important (43 % contre 53 %) ou de participer à une manifestation (8 % contre 13 %).

• Dans 16 pays suivis depuis 2002/2003, l’engagement des jeunes est en baisse, en particulier leur intérêt pour les affaires publiques et pour les mesures de militantisme citoyen.

Corruptionen se basant sur les données de l’afroBaromètre, Transparency international a estimé que près de 75 millions d’africains avaient payé un pot-de-vin au cours de l’année précédente – certains d’entre eux dans le but d’échapper à une sanction policière ou judiciaire, mais la plupart d’entre eux dans le but d’avoir accès à des services de base.

• Une majorité (55 %) d’Africains disent que la corruption a augmenté au cours de l’année précédente.

• Peu de personnes ayant payé un pot-de-vin (14 %) ont rapporté le problème aux autorités. Parmi ceux qui l’ont fait, la plupart (68 %) dit que les autorités n’ont pris aucune mesure, et un nombre important (29 %) disent qu’ils en ont subi les conséquences.

• Presque les deux-tiers (63 %) disent que leur État obtient de mauvais résultats dans sa lutte contre la corruption. Mais une courte majorité (54 %) dit que les citoyens ordinaires peuvent faire la différence dans la lutte contre la corruption.

Accès à la justice

La faible confiance de la population, les perceptions élevées du niveau de corruption et les difficultés rencontrées lors du contact avec le monde judiciaire font de l’accès à la justice un défi dans de nombreux pays africains.

• Une courte majorité (53 %) des Africains font confiance à leurs tribunaux au moins « passablement ». Un Africain sur trois pense que « la plupart » voire « tous » les juges et les magistrats sont corrompus.

• Les publics africains sont néanmoins convaincus de la légitimité des décisions judiciaires : 72 % disent que les tribunaux ont le droit de prendre des décisions que les gens doivent respecter.

• Parmi les personnes qui ont été en contact avec les tribunaux, 54 % disent qu’il a été difficile d’obtenir l’aide nécessaire, et 30 % rapportent avoir payé des pots-de-vin aux responsables du tribunal.

• Les problèmes qui ressortent habituellement lorsqu’il s’agit des tribunaux sont les longs délais d’attente, la difficulté à comprendre les procédures juridiques, la manque de conseil juridique, le manque d’écoute de la part des juges, et le fait que les frais sont élevés.

• Les citoyens pauvres, n’ayant pas reçu d’éducation et vivant en zone rurale sont plus susceptibles de rencontrer des problèmes dans les tribunaux.

• Les démocraties et les pays stables sont nettement meilleurs en ce qui concerne l’accès à la justice pour les citoyens de leur pays, que les autocraties et les pays en situation post-conflit.

Liberté d’association

Huit africains sur 10 se sentent au moins « plutôt libres » de rejoindre l’organisation politique de leur choix.

• Une majorité (58 %) d’Africains se sentent « complètement libres » de s’associer comme ils le veulent, tandis qu’un sur six (17 %) ne se sent « pas très libre » ou « pas libre du tout » de le faire. Les femmes sont un peu moins susceptibles de se sentir « complètement libres » de faire partie d’une association que les hommes, à 55 % contre 60 %.

• Dans six des 20 pays faisant l’objet d’un suivi depuis 2008-2009, la perception de liberté « totale » a baissé de façon importante entre 2008 et 2015, en raison de chutes de 23 points de pourcentage au Bénin et de 21 points au Burkina Faso

• Malgré une perception de grande liberté d’association, un tiers (32 %) des Africains sont d’accord avec l’idée selon laquelle les États « devraient avoir le pouvoir d’interdire toute organisation qui irait à l’encontre de leur politique ».

Once or twice A few times Often

Too expensive

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

Judge did not listen No advise Too complex Long delays

22%

9%

7%

23%

10%

10%

20%

9%

9%

24% 24%

21%

13% 15%9%

Problèmes rencontrés dans les interactions avec les tribunaux | 36 pays | 2014/2015

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32 33Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

• Seul un tiers (34 %) des Africains est d’accord pour dire que les États devraient aider leurs pays voisins à garantir des élections libres et le respect des droits de l’homme, tandis que 58 % d’entre eux insistent au contraire sur le besoin de respecter la souveraineté nationale.

• Environ six citoyens sur 10 disent que l’Union africaine (58 %) et les organisations économiques régionales (61 %) aident au moins « un petit peu » leur pays. Environ trois citoyens sur 10 disent qu’ils ne connaissent pas assez ces organisations pour pouvoir évaluer leur contribution.

Support free movemnet across borders Favour limiting cross-border movements of people and goods

West Africa

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

66%

29%

64%

26%

51%

42% 44% 43%38%

49%

East Africa Southern Africa Central Africa North Africa

Intégration régionale – Liberté de circulation

De nombreux citoyens ne sont pas encore convaincus des bienfaits de l’intégration.

• Une majorité (56 %) d’Africains disent qu’ils devraient pouvoir circuler librement dans les pays africains de façon à commercer ou à travailler dans d’autres pays. Mais, dans 15 des 36 pays couverts par l’enquête, moins de la moitié des citoyens étaient en faveur de la libre circulation transfrontalière

• Seul un citoyen sur quatre (26 %) dit qu’il est facile de traverser des frontières internationales

Liberté de la presse

Parmi les préoccupations croissantes quant aux restrictions imposées à la liberté des médias, les africains soutiennent massivement l’indépendance des médias qui permet de demander au gouvernement de rendre des comptes.

• Une majorité (54 %) de citoyens disent que les médias d’information ont le droit de publier toute opinion ou idée sans contrôle de l’État, tandis que 42 % d’entre eux disent que l’État devrait disposer du droit d’empêcher toute publication qu’il « considère néfaste pour la société ».

• Deux tiers (69 %) des Africains disent que les médias d’information devraient « constamment enquêter et rapporter les erreurs et la corruption au niveau du gouvernement », et 59 % d’entre eux disent que les médias sont en effet « passablement » voire « très efficaces » dans ce rôle.

• Cependant, plus d’un tiers (36 %) – et, dans certains pays, plus des deux-tiers – disent que les médias abusent « souvent » ou « toujours » de la liberté qui leur est accordée en publiant des informations dont ils savent qu’elles ne sont pas correctes.

Tolérance

contrairement aux idées reçues, les africains expriment des degrés élevés de tolérance envers les personnes d’autres groupes ethniques que le leur (91 %), celles de religion différente (87 %), les immigrants (81 %) et les personnes qui vivent avec le viH/SiDa (68 %).

• Les niveaux de tolérance sont particulièrement élevés dans les régions et dans les pays qui connaissent une grande diversité ethnique et religieuse. Pareillement, la tolérance envers les personnes qui vivent avec le VIH/SIDA est plus élevée dans les pays où le VIH/SIDA a une prévalence élevée – une preuve supplémentaire que l’intolérance et la stigmatisation peuvent être désapprises par des rencontres personnelles.

• Plus des trois-quarts (78 %) des personnes interrogées disent qu’elles « n’apprécieraient pas » ou « n’apprécieraient pas du tout » avoir un voisin homosexuel. Mais toute l’Afrique n’est pas homophobe : une majorité dans quatre pays (Cap-Vert, Afrique du Sud, Mozambique et Namibie), et plus de quatre citoyens sur 10 dans trois autres pays d’Afrique disent qu’ils aimeraient avoir des voisins homosexuels ou que cela leur serait égal. neighbours.

ConclusionSi la demande de démocratie faiblissante, la faible confiance dans les commissions électorales, le déclin de l’engagement des jeunes et la perception d’une hausse de la corruption sont bel et bien des causes de préoccupation, elles sont aussi des appels à l’action, déclenchés par des conclusions encourageantes : les Africains veulent plus de démocratie que ce qu’ils ont déjà. La plupart d’entre eux veulent des élections de bonne qualité et des médias d’informations libres. La plupart d’entre eux souhaitent une lutte active contre la corruption et pensent pouvoir y contribuer.

En donnant aux citoyens ordinaires la possibilité de s’exprimer, les conclusions des enquêtes d’opinion peuvent nous indiquer des problèmes ou des occasions spécifiques à saisir. Les points saillants qui ne font que montrer une partie des problèmes nous incitent à creuser dans ces millions de données qui mettent en valeur les différences et les tendances par pays et par

région, par sexe, par groupe d’âge et autres facteurs – toutes ces données, prêtes à être extraites et traitées par les personnes qui travaillent à une Afrique plus démocratique, plus équitable et plus participative.by country and region, gender, age group, and other factors – all ready to be mined by those working for a more democratic, equitable, and inclusive Africa.

Infographies réalisées par Soapbox (www.soapbox.co.uk)

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34 35Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Entreprises et corruption en Afrique : pertinence de la cadeG

Dr. Romola AdeolaRomola Adeola est juriste internationale, analyste politique et militante pour la justice sociale. Elle a obtenu une bourse Steinberg en Politique et droit international des migrations à l’Université McGill, au Canada. Elle a occupé le poste de Consultant de l’UA pour l’élaboration de la politique régionale sur les entreprises et les droits de l’homme. Contactez-la à [email protected] et/ou @aderommie.

La corruption est un enjeu mondial. Ce sont plus de 2 000 milliards

de dollars américains qui sont perdus au niveau mondial uniquement à cause des pots-de-vin

dans le secteur public.13Si l’on y inclut la réalité de la complicité des entreprises

dans la corruption, et surtout les flux financiers

et les arrangements secrets illicites dans les industries extractives,

alors l’estimation mondiale de 2 000 milliards de dollars ne reflète pas

entièrement la gravité du problème.

importante de la corruption liée aux affaires, qui découle des 75 milliards de dollars que représente l’industrie de la contrefaçon de médicaments, qui a des effets extrêmement néfastes sur les droits à la santé.17Les médicaments contrefaits représentent « 50 % des ventes de médicaments

en Afrique subsaharienne ».18On estime que, chaque année, plus de 120 000 personnes meurent en Afrique uniquement en raison de médicaments antipaludiques contrefaits.19 Des statistiques indiquent qu’environ 800 000 décès – dont la plupart en Afrique – résultent de ces médicaments,20donc le besoin de trouver une réponse à la corruption liée aux affaires constitue un impératif politique majeur pour l’Afrique.

L’UA peut-elle répondre efficacement ?

C’est dans ce contexte que retentit la réponse normative de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG)21. L’article 33(3) de la CADEG dispose que les États parties doivent lutter contre la corruption en encourageant la bonne gouvernance des entreprises. Ceci implique que les États parties doivent s’assurer que les mesures visant à lutter contre la corruption liée aux entreprises font partie intégrante des structures, des systèmes et des processus de gouvernance des entreprises. En tant que tels, les mécanismes de lutte contre la corruption ne doivent pas seulement vérifier la corruption du secteur public, mais également se concentrer sur les activités sur secteur privé. L’article 11 de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption (CUAPLCC) accrédite cette affirmation en donnant mandat aux États « d’adopter des mesures législatives et autres visant à prévenir et à lutter contre les actes de corruption et les infractions similaires lorsqu’ils sont commis dans le secteur privé et par des agents du secteur privé. »22

Bien que les services anti-corruption soient souvent le premier point de contact lorsqu’il s’agit de corruption, il faut également mettre l’accent

L’ampleur de la corruption

En Afrique uniquement, 65 % des 50 milliards de dollars américains perdus dans les flux financiers illicites sont liés à des activités commerciales, par l’évasion fiscale ou l’évitement fiscal, la dissimulation et le contournement des taxes locales et des droits de douane.14 En Tanzanie, par exemple, 18,73 milliards de dollars américains ont été perdus entre 2002 et 2011 en raison de fausses facturations. En raison d’arrangements secrets dans les industries extractives entre des entreprises et certains responsables de l’État entre 2010 et 2012, la République démocratique du Congo a perdu au moins 1,36 milliard de dollars américains, ce qui représente le double de son budget national pour la santé et l’éducation16. Il existe en Afrique une autre manifestation

14Note de discussion du personnel du FMI Corruption: costs and mitigating strategies (SDN/16/05, May 2016); D Lawder ‘IMF: Global corruption costs trillions in bribes, lost growth’ Reuters 11 mai 2016.

15Illicit financial flows: report of the High Level Panel on Illicit Financial Flows from Africa, commandé par la Conférence des ministres des finances, de la planification et du développement économique de l’UA/CEA (2015).

16Intégrité financière mondiale Hiding in plain sight: trade misinvoicing and the impact of revenue loss in Ghana, Kenya, Mozambique, Tanzania, and Uganda: 2002-2011 (2014). ‘Congo’s secret sales’ Global Witness 13 mai 2014.

17S Beard ‘Fake pharmaceuticals are a $75 billion global industry’ Marketplace 26 septembre 2013.

18S Webb ‘A bitter pill to swallow: the problem of, and solutions to, Sub-Saharan Africa’s counterfeit pharmaceu-tical trade’ (2014) The Journal of Global Health <http://www.ghjournal.org/a-bitter-pill-to-swallow-the-problem-of-and-solutions-to-sub-saharan-africas-counterfeit-pharmaceutical-trade/>

19M Wall ‘Counterfeit drugs: “People are dying every day”’ BBC News 27 septembre 2016.

20S Elzas ‘Fake drugs impact Africa, more profitable than illicit drug market’ RFI 14 septembre 2015.

21Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (2007/entrée en vigueur en 2012).

22Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption (2003/entrée en vigueur en 2005). Dans l’article 1er de la Convention anti-corruption de l’UA, le secteur privé est défini comme « le secteur d’une économie nationale sous propriété privée et dans lequel l’allocation des facteurs de production est contrôlée par les forces du marché plutôt que par les pouvoirs publics, et tout autre secteur d’une économie nationale qui ne relève pas du gouvernement ou du secteur public ». L’article 22(5)(e) donne pour mandat au Conseil con-sultatif sur la corruption au sein de l’Union africaine de : « recueillir des informations et procéder à des analyses sur la conduite et le comportement des sociétés multinatio-nales opérant en Afrique, et diffuser ces informations auprès des autorités nationales. »

nationaux de défense des droits de l’homme, étant donné le lien solide qui existe entre corruption et jouissance des droits de l’homme. Étant donné que la perte de revenus nationaux en raison de la corruption affecte la réalisation progressive des droits économiques, sociaux, politiques et culturels, les institutions de défense des droits de l’homme sont importantes en ce qui concerne le discours sur la protection par les institutions. Le lien qui existe entre la corruption du secteur privé et les droits de l’homme se retrouve dans le projet actuel de Politique de l’Union africaine sur les entreprises et les droits de l’homme (Politique UAEDH).23La Politique UAEDH reconnait que la complicité de certaines entreprises dans des activités de corruption en Afrique a « fait de la réalisation du bien-être économique et des droits de l’homme des peuples africains un défi pertinent sur le continent ». Les institutions nationales de défense

des droits de l’homme peuvent encourager le respect des droits de l’homme par les entreprises en raison de la diligence reconnue également par la Politique UAEDH en tant que cadre pour s’assurer que les entreprises répondent aux effets néfastes des droits de l’homme issus de leurs activités commerciales.

Cependant, étant donné le risque réel de collusion entre entreprises et agents nationaux dans la poursuite de la corruption, il faut des mesures réglementaires au-delà de l’État pour relier la corruption liée aux entreprises à l’institutionnalisation de la gouvernance des entreprises, de la justice pénale, de la démocratie et des droits de l’homme dans le cadre de la CADEG. Trois ensembles d’organes et d’institutions de l’Union africaine sont particulièrement pertinents en ce qui concerne la promotion des droits de l’homme et dans

l’élimination de la corruption.

Le premier ensemble concerne les organes de l’UA ayant des mandats relatifs aux droits de l’homme et des peuples. Au sein de ce système, sont concernés la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, et le Comité africain des experts sur les droits et le bien-être de l’enfant.

23La Politique de l’UA sur les entreprises et les droits de l’homme vise à servir de feuille de route régionale et à fournir des directives aux États, aux communautés économiques régionales et aux institutions régionales pour s’attaquer aux problèmes relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme dans la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

Nebila Abdulmelik

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36 37Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Ces institutions ont pour mandat de protéger les droits de l’homme.24Ces institutions ont un mandat de protection des droits de l’homme. Grâce à cette compétence, elles peuvent faire progresser l’orientation des États membres sur les mesures permettant de garantir la redevabilité des entreprises, en déracinant la corruption et en encourageant les États à respecter la mise en place de ces mesures en reliant les activités commerciales à la réalisation de leurs obligations en matière de droits de l’homme. Cependant, il est important de mettre l’accent sur le fait que la compétence juridictionnelle de ces institutions ne peut être invoquée qu’au travers de communications de la part des populations locales et de la société civile qui font progresser ces liens.

Le second ensemble concerne le système continental de justice pénale qui est une importante institution régulatrice, au-delà de l’État. En 2014, la Conférence de l’Union africaine a adopté un Protocole portant amendement au Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme (le Protocole de Malabo)25L’article 46(c) du Protocole de Malabo donne compétence à la Cour africaine de justice et des droits de l’homme pour connaître d’infractions commises par des entreprises, y compris d’affaires de corruption.26Cette institution peut s’attaquer au problème de la corruption des entreprises, et le résoudre. Cependant, une grande partie du succès de cette institution dépend non de sa mise en place mais précisément du soutien technique et politique qu’elle recevra de la part des États membres dans la lutte contre l’impunité sur le continent.

Le troisième ensemble concerne directement le Conseil consultatif de l’UA sur la corruption (CCUAC), qui a un rôle pertinent dans la lutte contre toutes les formes de corruption sur le continent. Établi par la Convention anti-corruption de l’UA, le CCUAC a pour mandat, entre autres, de promouvoir le développement de réglementations anti-corruption, de rassembler des informations sur la nature de la corruption en Afrique, et de conseiller les gouvernements. Bien qu’il ne puisse connaître d’affaires de corruption ni prendre des décisions sur ces derniers, le CCUAC peut servir de mesure de résolution en fournissant les données nécessaires sur la corruption des entreprises et ses effets sur les droits de l’homme, la démocratie et la gouvernance. De plus, le Conseil pourrait servir

de plateforme de facilitation du dialogue sur la lutte contre la corruption des entreprises en Afrique. L’année 2018 ayant été déclarée « Année africaine de lutte contre la corruption », cela devrait donner du courage au CCUAC pour intensifier sa lutte contre la corruption dans l’esprit de la CADEG et de la Convention de l’UA contre la corruption.

ConclusionAu-delà des institutions susmentionnées, il est pertinent pour les États africains de s’impliquer auprès des États dans lesquels les entreprises sont basées par des accords multilatéraux de lutte contre la corruption. Ce devoir est souligné dans le projet de Politique de l’UA sur les entreprises et les droits de l’homme, qui exige des États qu’ils s’assurent que les entreprises sont tenues responsables des pratiques de corruption qui ont des effets sur les droits de l’homme. Dans le cadre du devoir de l’État de protéger les droits de l’homme, les États hôtes ont pour mandat de conclure des accords avec les pays où sont installées les entreprises. Ces accords créeront des espaces juridiques propices, pour les populations locales et la société, à l’exigence

de redevabilité dans les cas où les organismes étatiques ne peuvent ou ne veulent pas le faire.

25Voir l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peoples (1981/entrée en vigueur 1986), l’article 3(1) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (1998/entrée en vigueur 2004).

26Protocole portant amendement au Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme (2014).

27Comme ci-dessus, articles 28(I) & 46(c).

Article 22(5) de la Convention anti-corruption de l’UA (10 ci-dessus).

28La Politique de l’UA sur les entreprises et les droits de l’homme vise à servir de feuille de route régionale et à fournir des directives aux États, aux communautés économiques régionales et aux institutions régionales pour s’attaquer aux problèmes relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme dans la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

Redevabilité démocratique dans les relations entre l’État et la société Le rôle de la CADEG

Ikubaje John G. Ikubaje John est expert en gouvernance et en développement ; il travaille actuellement sur les droits de l’homme et la justice transitionnelle au Département des affaires politiques de la Com-mission de l’Union africaine à Addis Abeba, en Éthiopie. Contactez-le à [email protected] et/ou [email protected] et/ou @JIkubaje.

C’est le panafricanisme qui a inspiré la création

de l’OUA en 1963. Au cours de cette

période, démocratie et gouvernance participative n’étaient malheureusement

pas mises en avant dans le programme de développement

de l’Afrique. En 2002, l’OUA fut transformée

en Union africaine (UA). Cette nouvelle évolution faisait de la gouvernance démocratique un projet

majeur au niveau du continent.

Le fondement normatif de l’engagement de l’UA envers la gouvernance démocratique réside dans l’article 3 de l’Acte constitutif de l’Union africaine. Cette disposition porte sur le respect des principes et des institutions démocratiques, de la participation populaire des citoyens dans les processus démocratiques et dans la gouvernance participative. Dans la même veine, la sous-section (m) de l’article 4 dispose que tous les États membres de l’UA et l’UA elle-même doivent respecter les principes démocratiques, les droits de l’homme, l’État de droit et la gouvernance participative. Elle condamne et rejette également les changements anticonstitutionnels de gouvernement dans les États membres.

La démocratie est bien plus qu’un simple ensemble d’institutions étatiques spécifiques ; elle repose sur un ensemble de valeurs et de

pratiques bien définies – qui peuvent prendre différentes formes et s’exprimer de façon différente selon les cultures et les sociétés dans le monde. Les principes démocratiques comprennent, entre autres, la redevabilité, la transparence, l’égalité, la tenue régulière d’élections crédibles et transparentes, la règle de la majorité, le respect des droits des minorités, la liberté de la presse publique et privée, et la participation populaire des citoyens dans les processus politiques, le respect de l’État de droit et des droits de l’homme, etc. Il faut aussi indiquer que, dans la plupart des documents sur la gouvernance, la redevabilité est habituellement identifiée comme l’un des éléments principaux de la gouvernance démocratique. Par ailleurs, le succès des principes démocratiques décrits ci-dessus dépend de la solidité des institutions démocratiques et du secteur public.

La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG) est l’instrument le plus important des Valeurs communes de l’UA dans le domaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance en Afrique. Son adoption démontre l’engagement de la part de l’UA et de ses États membres à adopter et à promouvoir les principes démocratiques et la gouvernance participative. Pour bien comprendre le rôle de la CADEG dans la redevabilité démocratique, il est donc important de définir brièvement le(s) terme(s) « redevabilité » et « redevabilité démocratique ».

Il n’existe pas de définition universellement acceptée de ces deux termes. La redevabilité se rapporte aux processus, aux normes et aux structures qui nécessitent que des protagonistes puissants (les gouvernants) répondent de leurs actions auprès d’un autre protagoniste (les gouvernés). En pratique, la redevabilité peut

prendre un certain nombre de formes différentes, selon l’institution concernée. En règle générale, les relations de redevabilité comportent deux composantes : la responsabilité (le droit d’obtenir une réponse et l’obligation d’en fournir une) et le caractère exécutoire (la capacité à garantir qu’une mesure a été prise, et l’accès à des mécanismes de réparation lorsque la redevabilité s’avère un échec).

D’après la littérature sur le sujet, il existe différents types d’accords de redevabilité. Certains d’entre eux comprennent des aspects sociaux, administratifs, bureaucratiques et politiques. Cet article limite son analyse à la redevabilité démocratique, qui à son tour est partie intégrante de la redevabilité politique. On parle de redevabilité démocratique lorsque des dirigeants élus et des autorités publiques doivent répondre aux citoyens en ce qui concerne leurs actions, leurs décisions ou leur absence de décision pendant la période de leur mandat ou la période pendant laquelle ils occupaient une fonction publique. Ceux qui travaillent dans le respect des normes requises sont habituellement récompensés par un deuxième mandat, tandis que ceux qui auraient fait preuve de manquements d’une façon ou d’une autre sont sanctionnés. En règle générale, la redevabilité est la marque de fabrique des démocraties représentatives partout dans le monde.

La CADEG prévoit de nombreuses dispositions sur quasi tous les principes de gouvernance démocratique, y compris sur la redevabilité. Par exemple, l’article 2(10) disposait que les parties à la Charte devaient mettre en place toutes les conditions nécessaires pour encourager la participation des citoyens, la transparence, l’accès à l’information, la liberté de la presse et la redevabilité dans la gestion des affaires

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38 39Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

publiques. L’article 32(1) fournit également des dispositions spécifiques sur la redevabilité ; il dispose que les États parties à la Charte doivent s’efforcer d’institutionnaliser la bonne gouvernance politique par une administration publique redevable, efficace et utile. Il existe d’autres dispositions relatives à la redevabilité dans différentes sections de la Charte. Certaines d’entre elles comprennent les sections 1 à 11 de l’article 3 (1-11) qui traitent des principes démocratiques ; l’article 27, sur les mesures de redevabilité horizontale, qui encourage le renforcement des pouvoirs législatifs et judiciaires pour des fonctions de supervision et d’efficacité démocratique dans les États membres de l’UA. Outre les articles susmentionnés, les articles 31 et 32 prévoient d’amples dispositions quant à la participation des citoyens et à la redevabilité de l’État – des mesures de redevabilité verticale. En bref, la Charte contient de nombreuses dispositions sur les mesures de redevabilité verticale et horizontale visant à renforcer la redevabilité démocratique sur le continent.

La CADEG possède donc tous les ingrédients nécessaires à l’accomplissement de la redevabilité démocratique. Cependant, certaines conditions doivent être remplies pour atteindre une réelle

redevabilité. Tel que recommandé ci-dessous, les États parties doivent s’engager envers les dispositions de la CADEG. Les institutions politiques et publiques doivent être renforcées pour délivrer les dividendes démocratiques et être redevables envers les citoyens. De plus, les responsables élus et les fonctionnaires doivent voir la redevabilité de leurs services envers les citoyens comme une obligation, d’une part, et des droits démocratiques du côté des citoyens, d’autre part. Les institutions politiques et publiques doivent répondre aux besoins et aux aspirations des citoyens. Pour que cela arrive, la société civile doit avoir les capacités d’imposer la redevabilité de la part des responsables élus et nommés.

ConclusionMalgré les dispositions détaillées ci-dessus sur la redevabilité dans les relations entre l’État et la société dans la Charte, ce concept reste un défi majeur dans les démocraties africaines. Si les dispositions de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance relatives à la redevabilité sont mises en œuvre par les États parties à cet instrument comme prévu, la « redevabilité démocratique » deviendra

bientôt très prestigieuse dans les démocraties d’Afrique. Pour la mise en œuvre effective et la réalisation des objectifs de la CADEG – redevabilité démocratique comprise –, toutes les parties prenantes de la démocratie et de la gouvernance participative – à l’échelle nationale, régionale, continentale et internationale – doivent mettre en commun les ressources nécessaires et promouvoir la ratification universelle, l’intégration dans l’ordre juridique interne et la mise en œuvre de la CADEG.

Initiatives centrées sur les femmes pour la promotion de la justice transitionnelle en Afrique

Semiha AbdulmelikSemiha Abdulmelik a plus de sept ans d’expérience dans la programmation nationale en matière de gouvernance, d’aide humanitaire et de conflit, et dans l’analyse politique – avec des expéri-ences de terrain au Soudan et au Soudan du Sud – ainsi que dans les questions politiques panafricaines et les institutions régionales. Elle a travaillé avec des ONG locales et internationales, diverses agences de l’ONU et avec la CUA. Elle a un Master en Pratique des droits de l’homme (avec mention) et twitte sur @SAbdulmelik. Elle a étudié au sein de l’African Leadership Centre. Contactez-la à [email protected].

Quand nous avons combattu pour

l’indépendance, nous avons gagné et célébré

cette victoire, mais nous n’avons pas été vigilants et n’avons pas demandé

à nos dirigeants ni à nous-même de rendre des

comptes, nous n’avons pas pris le temps de

résoudre nos propres différences ni de nous

réconcilier, nous n’avons pas demandé que justice

soit faite, ni même des réparations… Et nous

nous retrouvons dans la même situation une fois

de plus. Cette fois-ci, il ne s’agit pas de faire comme

si de rien n’était. Il faut sérieusement transformer les institutions et, nous,

les femmes, nous voulons être là et être pleinement

représentées, nous voulons pouvoir être

entendues. Pas seulement en tant que victimes, pas

seulement en tant que coupables, mais en tant

qu’agents du changement. Nous ne devons pas

laisser les instigateurs du conflit amener la paix

; les gens doivent être impliqués. »

Des femmes au Soudan du Sud

La justice transitionnelle est un mécanisme important de règlement des situations de violations et d’injustices, de lutte contre l’impunité et de promotion de la réconciliation dans des pays sortant de crises politiques et de conflits armés violents. Vus sous le prisme de la démocratisation, les processus de justice transitionnelle nécessitent redevabilité et responsabilité, transparence et un certain niveau de participation citoyenne, qui participe de la remise en place des institutions démocratiques. En tant que tels, ces processus doivent être perçus comme complétant les instruments des Valeurs communes de l’UA, tels que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Bien que la Charte ne parle pas explicitement de processus de réconciliation ou de justice transitionnelle, elle établit pour ces derniers un large cadre, dans ses principes généraux sur la participation et la représentation (article 3), dans ses dispositions sur une culture de la paix (articles 11 et 12) et sur le maintien d’un dialogue politique et social (article 13).

La justice transitionnelle prend une place centrale dans les processus africains de consolidation de la paixLes dix dernières années ont vu un changement de cap clair dans la façon de diriger les efforts de médiation en Afrique tant de la part des protagonistes mondiaux (qu’ils soient multilatéraux ou bilatéraux) que des protagonistes continentaux et régionaux (forces ou organisations régionales). C’est un point important car les accords de paix et les ententes politiques sont l’un des chantiers majeurs dans la promotion de la justice transitionnelle. À défaut d’en établir les détails précis, le fait d’établir le cadre de la justice transitionnelle se normalise dans les processus de médiation. Cependant, dans quelle mesure les organisations régionales ont-elles consolidé leur réflexion et leur discours sur la justice transitionnelle ? Dans le cas de l’Union africaine (UA), l’adoption par les décideurs d’un projet de Politique sur la justice transitionnelle est à l’étude. Une fois adoptée, cette politique, cruciale, permettra d’orienter la démarche de l’organisation en matière de justice transitionnelle dans les processus de médiation dirigés par l’UA.Nebila Abdulmelik

Ibraheem Sanusi

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40 41Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

L’égalité des sexes dans la justice transitionnelle

Étant donnés les engagements normatifs de l’UA en faveur de l’égalité entre les sexes et, plus largement, du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, il est tout aussi important de s’assurer que les efforts allant dans le sens de la justice transitionnelle sont, a minima, adaptés et sensibles aux questions d’égalité entre les sexes. Il y a un triple intérêt à se concentrer sur les femmes, ou plus largement sur les questions liées à l’égalité entre les sexes. Premièrement, l’argument des droits. Les droits des femmes et les droits de l’homme, et les violations des droits des femmes dans les situations de conflit doivent être traitées comme n’importe quelle autre violation des droits de l’homme. La seconde raison relève du pragmatisme. En effet, les expériences vécues par les femmes durant les conflits sont des baromètres de la nature et du degré des violations des droits de l’homme liées au conflit. Elles fournissent ensuite des témoignages et des données extrêmement important(e)s quant aux champs d’action du processus et du mécanisme de justice transitionnelle. Le troisième intérêt consiste dans l’argument de la paix à long terme ou de paix durable. Les femmes constituent une grande partie de l’électorat, et, à ce titre, les expériences des femmes dans les périodes de conflit (ou précédant un conflit) offrent des points de vue cruciaux pour la conception et la mise en œuvre de la consolidation de la paix.

Mais à quoi ressemblerait une justice transitionnelle centrée sur les femmes ? Il existe au moins trois concepts relevant du « ciblage des femmes » ou « centrage sur les femmes ». Le premier d’entre eux réside dans l’idée d’une justice transitionnelle adaptée ou sensible aux questions relatives à l’égalité entre les sexes. C’est-à-dire une justice transitionnelle qui encourage la vérité, la justice et la redevabilité en ce qui concerne les violations des droits de l’homme fondées sur le genre. Il s’agit d’une justice transitionnelle favorable aux femmes. La Politique de l’UA sur l’égalité entre les sexes (2009) incarne ce concept de la manière la plus explicite, car elle vise à établir « des structures pour la Vérité et la réconciliation dans le but de mettre au premier plan les violations subies par les femmes et les jeunes filles pendant les périodes de conflit, de faciliter les aveux quant aux violations des droits de l’homme, et de trouver des solutions durables, y compris en apportant un soutien psychologique ». À cet égard, les mandats et le type/la portée des violations envisagées par un mécanisme donné de justice transitionnelle sont essentiels. Dérivant

de ce premier concept, le second est celui de justice transitionnelle inclusive. Il va au-delà du premier concept en ce sens qu’il se concentre également sur la représentation institutionnelle des femmes et sur leur participation significative dans le mécanisme de justice transitionnelle. Les questions de conception, de composition et de sensibilisation entrent alors en jeu à ce niveau. Le chapitre consacré à la justice transitionnelle, à la redevabilité, à la réconciliation et à l’apaisement dans l’accord relatif à la résolution du conflit dans la République du Soudan du Sud, signé en août 2015, est instructif à cet égard. Cet accord indique qu’au moins trois (3) postes de commissaires doivent être occupés par des femmes, sur les sept (7) postes au total, et que les quatre (4) postes de commissaires sud-soudanais doivent respecter la parité dans la commission qui doit être établie (élément de représentation). De plus, l’accord prévoit également un processus de sensibilisation et de consultations des femmes et des filles, et d’enregistrement des expériences qu’elles ont vécues (élément de participation). La troisième et dernière dimension réside dans la justice transitionnelle telle qu’elle est influencée par le discours et par la pratique des femmes. Par le passé, et dans des périodes plus contemporaines, les femmes se sont engagées dans divers processus de réconciliation, qui sont, dans une large mesure, des processus locaux, « informels » /traditionnels, dépassant rarement le niveau national. Ces processus soulignent l’importance des outils et des services économiques. Ces pratiques doivent influencer et influencent réellement la forme que prend un mécanisme de justice transitionnelle dans la période post-conflit afin de s’assurer qu’il est adapté au contexte, pertinent et approprié au niveau local, tout en apprenant des pratiques utilisées sur le terrain.

Cependant, au-delà de ces questions, il en est une plus importante, celle du passage d’une démarche minimaliste à un démarche plus transformative de la justice transitionnelle. Les femmes sont des citoyens genrés, et constituent donc un bon indicateur des relations entre État et société, et au sein de la société. La construction de l’État a trop longtemps été perçue comme un processus technique, principalement encouragé et soutenu par des entités extérieures. Il existe cependant une reconnaissance croissante du fait que c’est, et que cela devrait être, sinon exclusivement, du moins principalement, un effort relevant du politique. Cet effort politique consiste essentiellement à renégocier les relations entre l’État et la société. De plus, l’entreprise de construction de l’État a également souffert d’un manque de vision sous le prisme de l’égalité entre les sexes.

Donc, si nous voyons la consolidation de la paix et la construction de l’État comme deux projets indistincts et liés, nous sommes confrontés alors à la difficulté d’accorder une plus grande attention et un plus grand espace aux femmes dans la renégociation du pouvoir et de la nature des relations entre État et société, qu’elles vivent différemment en tant que citoyens genrés. Le fait de se concentrer sur les femmes peut également mener à la question de savoir qui d’autre est exclu de ces conversations. La justice transitionnelle devient alors un dialogue/une conversation permanente entre l’État et la société, et dans la société. Ce dialogue utilise la résolution des conflits pour conceptualiser/réimaginer ce que signifie de « vivre bien et longtemps », en cumulant la sécurité individuelle et les idéaux de développement pour en arriver à la dignité collective et à l’humanité. C’est une démarche transformatrice qui est plus profonde que la simple justice concernant l’égalité entre les sexes ou encore la réponse aux crimes, et qui consiste à démanteler entièrement les inégalités structurelles pour tous, et à se rapprocher de « visions communes des nouvelles structures sociales ».

Conclusion

D’un point de vue politique, donc, ces réflexions mènent à un certain nombre de considérations. Tout d’abord, quels sont les outils de justice transitionnelle à notre disposition collectivement pour atteindre ce but ? Répondent-ils à la nouvelle nature des conflits sur le continent ? Équilibrent-ils les démarches de haut en bas et de bas en haut ? Quel degré et quel type d’intervention extérieure sont nécessaires ? Quels enseignements pouvons-nous tirer de la pratique de construction de l’État et de consolidation de la paix ? Pouvons-nous passer d’une fétichisation du formel à un modèle plus hybride qui pourrait se révéler plus utile dans certains contextes ? Ensuite, comment se recentrer sur l’économie de la justice transitionnelle ? Et enfin, comment garantir un horizon à long terme qui voit la justice transitionnelle comme un exercice itératif permanent ? Il faut espérer que ce qui précède illustre la façon dont s’assurer qu’une démarche transformatrice et sensible au genre de la justice transitionnelle peut faire son chemin et atteindre certains des principes et des objectifs clés de la CADEG.

L’Organisation des États américains, l’Union africaine et la CADEG : A Luta Continua

Dr. Kwesi Sansculotte-Greenidge Kwesi Sansculotte-Greenidge, PhD., est basé à Addis Abeba en tant que Conseiller paix et développement pour l’Éthiopie. Auparavant, il a travaillé sur des questions de paix et de sécurité en Éthiopie, au Nigeria, en Afrique du Sud, au Soudan, au Soudan du Sud et au Tchad, ainsi qu’en Syrie, au Nicaragua, en Guyane et dans les Antilles. Ses domaines d’expertise sont la gouver-nance, la gestion des ressources naturelles et la prévention des conflits. Contactez-le à [email protected] et/ou @KSansculotte.

On dit souvent que ce sont les rébellions des Africains lusophones,

qui voulaient se libérer, qui ont finalement libéré

le Portugal. Ainsi, les mouvements politiques

dans une partie du monde peuvent avoir des répercussions de l’autre côté du globe.

Le lien entre l’Amérique latine et l’Afrique

est particulièrement atypique. Alors que les liens culturels entre ces

deux continents sont bien connus, leurs liens

économiques et politiques relèvent plutôt du non-dit.

ont réaffirmé l’interconnexion entre la gouvernance démocratique, le développement économique et la durabilité. Cependant, pas un seul document ni un seul cadre normatif ne traitait de façon globale toutes ces questions en les réunissant dans un seul texte. L’appui au texte qui allait devenir la CADEG a fait l’objet d’un essor important en 2003, à la suite d’un rassemblement innovant qui s’est déroulé à Coral Gables sous les auspices du Plan d’action de Séoul de la Communauté des démocraties.29

La CADEG s’est inspirée de la Charte démocratique interaméricaine de l’OEA

Les participants à cette conférence, la première d’une série dans le dialogue entre l’Organisation des États américains (OEA) et l’UA, comprenaient des représentants de l’UA et de l’OEA, des représentants d’États spécifiques d’Afrique et d’Amérique, à savoir le Cap-Vert, le Mali, le Botswana, le Sénégal, le Kenya, le Ghana, le Mozambique, la Jamaïque, le Brésil, le Chili, le Nicaragua, El Salvador, le Pérou et la République dominicaine, ainsi que quelques organisations de la société civile. La réunion portait principalement sur le rôle que l’OEA avait eu dans la promotion de la démocratie au travers de la Charte démocratique interaméricaine, et sur l’expérience de l’UA en ce qui concerne ses propres réformes normatives relatives à la démocratisation. L’un des points principaux à l’ordre du jour était la question de la meilleure façon de promouvoir des institutions et des pratiques démocratiques dans des cadres régionaux, avec une attention particulière apportée à « la façon dont les organisations régionales et la coordination des efforts pouvaient renforcer la démocratie et surmonter les difficultés ».30

La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG), premier instrument régional africain contraignant qui tente d’aborder tous les éléments nécessaires à la mise en place d’une démocratie ancrée, relève également de cette histoire imbriquée. En 2003, l’UA avait déjà développé un ensemble relativement complet et interdépendant de déclarations, de chartes et d’actes relatifs à la protection et à la consolidation de la démocratie – cependant, les démarches et les documents étaient disparates. Ces actes ont cependant fait leur chemin et

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42 43Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

L’idée d’organiser un forum de partage des expériences était pertinente en raison du fait que les deux organisations régionales avaient éprouvé des difficultés à soutenir les appels à une forte adhésion aux principes démocratiques, après la guerre froide, malgré la solidité de l’engagement de ces institutions en faveur de la défense et, plus encore, de la protection des normes démocratiques. Ce Dialogue de 2003, qui va de pair avec l’essor créé par la Conférence de Prétoria sur les élections, la démocratie et la gouvernance, qui s’est tenue en avril 2003 en Afrique du Sud, a contribué à l’essor qui a permis de créer un document-cadre africain unique sur la démocratie, en se fondant sur certaines des leçons et, plus encore, sur les échecs qu’avaient connus l’Amérique latine et les Caraïbes. La CADEG fut adoptée quatre ans plus tard, en 2007, lors du Neuvième Sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à Addis Abeba.

Pourquoi la CADEG ?En adoptant la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, l’Union africaine cherchait à consolider tous les engagements passés qui avaient été pris dans le

cadre des déclarations et des décisions relatives à la démocratie et à la gouvernance. Grâce à la CADEG et à l’Architecture africaine de la gouvernance (AAG), l’UA a souligné le fait que la démocratie n’est pas qu’un simple ensemble d’institutions étatiques spécifiques. La démocratie repose sur un groupe de valeurs, d’attitudes et de pratiques bien établies, qui peuvent prendre des formes et des expressions différentes dans différentes cultures et sociétés de par le monde. Les principes démocratiques comprennent, entre autres, la redevabilité, la transparence, l’égalité, la tenue régulière d’élections crédibles et transparentes, la règle de la majorité, le respect des droits des minorités, la liberté de la presse publique et privée, la participation effective et populaire des citoyens dans les processus politiques, y compris celle des groupes sociaux marginaux, notamment les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les minorités, etc.

ConclusionMalgré des progrès réalisés dans l’essor démocratique qui a suivi la fin de la guerre froide, « le degré de démocratie dans les États africains

continue de varier considérablement, avec des régimes autoritaires à un extrême, des systèmes fonctionnels de multipartisme de l’autre, et de nombreuses formes de démocratie imparfaite entre les deux ». La même phrase pourrait s’appliquer à l’Amérique latine. Les deux régions, liées par leur histoire, partagent dorénavant des engagements envers le renforcement de la démocratie et doivent garantir aux jeunes et aux femmes qu’ils/elles sont entendu(e)s et pris en compte dans les mécanismes de gouvernance. L’OEA pourrait beaucoup apprendre de la part de l’UA car elle traite avec des États qui se voient obligés de faire des concessions quant aux droits démocratiques des citoyens. En adoptant la CADEG, l’UA a réaffirmé son engagement envers une démocratie centrée sur les citoyens. C’est une reconnaissance, analogue à celle de l’OEA, du fait que ce qui apporte la croissance et les progrès internes dans les États, ce sont des institutions démocratiques et réceptives. Aucun autre domaine n’a connu, de façon aussi visible, des appels aussi répétés ni un tel mouvement favorable à une plus grande démocratisation.

29https://2001-2009.state.gov/g/drl/rls/21663.htm

30Département d’État américain, Cabinet du porte-parole, Fact Sheet, Dialogue on Democracy (3 juin 2003), disponible en ligne à http://statelists.state.gov/script/wa.exe?A2=ind0306aandL=dosfactsandD=1and P=205.

31The Role of the African Charter on Democracy, Elections and Governance on Democratic Accountability in State-Society Rela-tions in Africa: Ikubaje John https://www.academia.edu/8885379/The_Role_of_the_African_Charter_on_Democracy_Elections_and_Governance_on_Democratic_Accountability_in_State-Society_Relations_in_Africa

32E. Y. Omorogbe, ‘A Club of Incumbents? The African Union and Coups d’Etat’ (2011) 44(1) Vander- bilt Journal of Transnational Law 123–154 at 124 (2011).

Remédier aux flux financiers illicites provenant d’Afrique grâce à la CADEG

Alexander Ezenagu Alexander Ezenagu est avocat ; il est Nigérian. Il est actuellement doctorant en Droit fiscal international à l’Université McGill, au Canada. Il a obtenu un Master en droit (LLM) de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni. Alexander écrit sur les questions de droit fiscal et de politique fiscale international(e), en se concentrant sur le continent africain. Contactez-le à [email protected] et/ou @ezenagu.

Le Rapport de la Commission économique

des Nations unies pour l’Afrique affirme que le continent africain aurait perdu plus de

1000 milliards de dollars américains en raison de flux financiers illicites au cours de ces 50 dernières

années.

De plus, le Rapport souligne que le continent perdrait environ 50 milliards de dollars américains par an en raison de ces flux financiers illicite33. Ces derniers peuvent notamment consister dans un prix erroné de transfert de biens et de services entre des entités appartenant à une même entreprise multinationale.C’est un problème important car bon nombre d’économies africaines sont dominées, en termes de valeur des échanges, par des entreprises multinationales, qui exportent des capitaux vers l’Afrique en vue de rapatrier par la suite les bénéfices dans leur pays d’origine. Afin de s’assurer que les États fournissent les infrastructures nécessaires à leur commerce, ces compagnies sont imposées sur leur utilisation de ces infrastructures, tant physiques qu’invisibles, dans les pays. L’un des aspects principaux de cette fiscalité réside dans l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire la taxation des entreprises multinationales sur leurs bénéfices. De nombreuses économies africaines dépendent en grande partie de l’impôt sur les sociétés, principalement en raison de la prédominance du secteur informel et de la tenue quasi-inexistante des livres de comptes, ce qui entrave l’efficacité de la collecte de l’impôt

Nebila Abdulmelik

33Le Rapport sur « les flux financiers illicites » du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance de l’Afrique (Rapport Mbeki), commandé par la Conférence des ministres des Finances, de la planification et du développement économique de l’UA/CEA.

provenant du secteur informel. Ceci restreint beaucoup l’assiette fiscale et fait mécaniquement pression sur la collecte de l’impôt sur les sociétés.

Cependant, les entreprises multinationales, de par la nature transfrontalière de leurs activités économiques, sont exposées à des impôts exigibles dans plus d’une juridiction : dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil, et éventuellement dans un troisième pays dans lequel elles peuvent avoir une forme ou une autre de présence, ou dans lequel elles ont acquis une certaine valeur économique. Les créances fiscales

contradictoires entre États créent un problème de double imposition. Outre la question de savoir quelle juridiction devra recevoir l’impôt sur les bénéfices d’une entreprise multinationale, celle de la détermination du montant des bénéfices revenant à chaque État impliqué pose un second problème. Pour résoudre ces problèmes, les pays, outre le fait que leur législation nationale peut accorder des exonérations fiscales unilatérales, concluent des conventions fiscales. Ces dernières sont devenues le cadre mondialement accepté dans lequel les pays coopèrent afin d’éviter une double imposition et de supprimer les barrières

The African CapacityBuilding Foundation

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44 newsletter Gouvernance africaine

n’avaient pas leur mot à dire sur la délégation des droits et des pouvoirs en matière fiscale.

Les Modèles de conventions fiscales existants – qui constituent le fondement des accords fiscaux bilatéraux conclus par les pays africains – ne sont pas adaptés au continent africain. Il est grand temps que l’Afrique joue un rôle de premier plan dans les discussions sur la taxation de ses ressources. Ceci entre dans le cadre du mandat de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG). L’article 2(7) de la CADEG dispose que l’un de ses objectifs est d’encourager la coordination et l’harmonisation efficaces des politiques de gouvernance entre les États parties dans le but de promouvoir l’intégration régionale et continentale. De plus, la CADEG cherche à améliorer la coopération entre l’Union africaine, les Communautés économiques régionales et la communauté internationale sur les questions de démocratie, d’élections et de gouvernance34. Pour atteindre ces objectifs, les pays doivent institutionnaliser : la répartition équitable des richesses et des ressources naturelles de la nation35; le développement de politiques fiscales qui encouragent les investissements36; et un système fiscal efficace et utile reposant sur la transparence et sur la redevabilité37. La Charte manque toutefois de dispositions concernant la protection des assiettes fiscales (ou base d’imposition) des pays africains et la prévention du transfert de bénéfices. Cependant, l’on pourrait arguer que l’article 33(10) de la CADEG intègre ceci dans son mandat de développement de politiques fiscales encourageant les investissements. La ruée actuelle des pays africains pour attirer les investisseurs, par divers moyens énoncés dans les conventions fiscales, tels que les exonérations ou les avantages fiscaux, doit être contrebalancée par le besoin d’obtenir les retours de tels investissements sous forme de revenus fiscaux. Les politiques fiscales ne doivent pas uniquement attirer les investisseurs, elles doivent également viser au développement du pays.

Confronté à un monde en évolution, à une mondialisation continue et à l’internationalisation des activités, et poussé plus encore par le progrès technologique, le continent africain doit s’approprier et parfaire sa propre philosophie fiscale. Il faut que des juristes et des fiscalistes africains conduisent, au niveau de l’UA, une étude sur la formule de répartition appropriée aux pays africains, comme l’avaient fait la Chambre

internationale de commerce et la Société des nations dans les années 1920. Si l’Afrique souhaite mettre fin à l’érosion de sa base d’imposition et au transfert de ses bénéfices vers des paradis fiscaux, alors elle doit harmoniser ses législations fiscales et parvenir à un consensus quant à ses politiques et à sa philosophie fiscales, comme l’a fait l’Union européenne avec l’Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (UE-ACCIS). L’Afrique doit parler au reste du monde d’une voix unie qui fasse progresser son propre programme et qui mène à la réalisation de ses aspirations telles qu’inscrites dans la CADEG ainsi que dans son schéma directeur pour les 50 années à venir, l’Agenda 2063. C’est aujourd’hui qu’il faut le faire, et la première étape importante est de convoquer une réunion de fiscalistes afin d’identifier les failles des législations et des politiques fiscales nationales et internationales des pays africains.

L’anomalie que constitue l’aide inversée provenant des pays africains et transférée vers le Nord global doit être réglée de toute urgence par l’UA. La CADEG propose un cadre juridique permettant de régler ce problème.

entravant le commerce international ; mais ils sont également devenus des outils utilisés par des multinationales pour éviter d’être soumis à l’impôt ou pour frauder le fisc à l’échelle mondiale.

Le mécanisme de résolution actuel est largement basé sur le Modèle de convention fiscale de l’OCDE, sur lequel les pays se basent pour conclure des accords bilatéraux visant à empêcher la double imposition. Cette convention adopte la démarche fondée sur « l’entité distincte et le principe de pleine concurrence », qui considère en substance les filiales d’une entreprise multinationale comme des entités séparées pour tout ce qui concerne la comptabilité et la fiscalité. De plus, on attend de ces compagnies qu’elles agissent d’après le principe de pleine concurrence et qu’elles se comportent comme le feraient des entités indépendantes. Ce traitement est prévu par les articles 7 et 9 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE et du Modèle de convention de l’ONU. Les détracteurs de cette démarche l’ont accusée de procéder à une répartition des revenus, de négocier une double non-imposition, en tentant d’éviter une double imposition. Elle a également été accusée de ne pas être adaptée à l’objectif recherché ; à ce titre, elle devrait donc faire l’objet d’une révision ou être remplacée par un nouveau système fiscal transfrontalier. Ayant pris en compte la perception selon laquelle le système actuel de répartition des revenus serait un échec, le G20 et l’OCDE ont mandaté en 2013 le Projet Érosion de la base d’imposition et Transfert de bénéfices (BEPS), dans le but de remédier à certaines des difficultés qu’engendrait la démarche d’entité distincte et de pleine concurrence en matière de répartition des revenus. Cependant, le Projet BEPS a été critiqué non seulement pour son caractère non inclusif, mais aussi pour s’être éloigné de la véritable question – à savoir le droit des pays à percevoir l’impôt – et pour le peu, voire le manque total d’attention portée aux exigences des pays africains. De la même façon, des pays en développement ont accusé l’OCDE de les inviter à passer à table après qu’une décision a été prise quant au menu, ce qui s’est cristallisé dans la fameuse phrase : « Si vous n’êtes pas à table, c’est que vous êtes au menu. » Il convient également de noter que les négociations pour le système international de fiscalité se sont déroulées lorsque les pays africains étaient colonisés par des maîtres impérialistes. En tant que tels, les pays africains n’étaient pas représentés et

34Article 2 (12) de la Charte.

35Article 33 (6) de la Charte.

36Article 33 (10) de la Charte.

37Article 33 (13) de la Charte.

38Charles R. Irish (1974). International Double Taxation Agreements and Income Taxation at Source: International and Comparative Law Quarterly, 23, pp 292- 316.

AFRICA TALKSDG TRENDS -TêTE-à-TêTE

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46 47Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Samson Itodo, YIAGA Not too Young to Run

Nebila Abdulmelik, experte en gestion

des connaissances au Secrétariat de l’AAG et rédactrice en chef

de la Newsletter sur la gouvernance africaine, a rencontré Samson Itodo,

directeur exécutif de YIAGA et tête pensante à l’origine de la campagne

Not too Young to Run [Pas trop jeune pour

participer aux élections] ; ils ont parlé de jeunesse, de politique et de leurs

aspirations.

Si: Franz Fanon, dans son livre Les Damnés de la Terre, pensait que « Chaque génération doit, à partir de rien, découvrir sa mission, la mener à bien ou la trahir ». Je suis un citoyen qui pense que la démocratie participative est nécessaire et que, dans nos efforts pour faire en sorte que la démocratie apporte le développement, personne, ni homme, ni femme, ni handicapé, ni jeune, personne ne doit être laissé pour compte. C’est dans cette mission que je me suis investi, depuis quinze ans. C’est le combat d’une vie et je n’ai aucune intention de céder avant que nous n’ayons construit une Afrique fondée sur les valeurs de justice, d’égalité, d’équité et de redevabilité. J’aspire à une Afrique où

D’une part, nous en avions assez de la manière dont les autorités universitaires traitaient l’Administration du syndicat des étudiants, où toute voix dissonante faisait l’objet d’intimidations, de menaces ou menait à l’expulsion de l’étudiant concerné. Nous trouvions cette situation inacceptable. D’autre part, il y avait le défi plus grand encore de la gouvernance elle-même. Le Nigeria, à cette époque, était une démocratie en transition, avec les défauts de jeunesse qui allaient de pair. Outre les déficits majeurs en matière de gouvernance, ce sont les déficiences des élections générales de 2007 qui nous ont poussés à agir. C’est cela qui a déterminé l’un des points principaux de notre programme, qui était le besoin de tenir des élections crédibles et transparentes et, depuis lors, l’organisation s’est transformée : d’un groupe d’étudiants, elle est devenue une organisation de défense de

les richesses de tous doivent cesser d’être concentrées dans les mains de quelques-uns. La gérontocratie ne doit plus être à l’ordre du jour, sur un continent qui compte plus de 60 % de jeunes. On ne peut pas continuer à faire comme si de rien n’était lorsque l’âge moyen des présidents en fonction est de 65 ans. Nous devons faire plus, c’est ce désir de changement qui m’inspire et qui fait de moi la personne que je suis, Samson Itodo.

Si:YIAGA était à l’origine, en 2007, un groupe d’étudiants de l’Université de Jos, au Nigeria. Nous n’étions que quelques étudiants fatigués de la mauvaise gouvernance.

Qui est Samson itodo ? Qu’est-ce qui vous motive ? Pourquoi vous passionnez-vous par la gouvernance démocratique en afrique ?

na

comment en êtes-vous arrivé à mettre YiaGa sur pied ? Parlez-nous de YiaGa et de ses objectifs.

na

Quelle est votre vision pour cette campagne ? Quels changements espérez-vous ?

na

Quel impact la campagne a-t-elle eu à ce jour ?na

la participation politique et de l’engagement politique des jeunes, des élections et de la redevabilité, pour ne citer que quelques-unes de nos interventions. Et, grâce à Dieu, en dix ans nous avons réalisé une percée importante, ce qui nous a ouvert de nouvelles voies.

Si: ‘Not too Young to Run’ ne date pas d’hier, c’était l’un des points principaux du programme que YIAGA essayait de mettre au premier plan depuis le processus d’amendement constitutionnel et électoral de 2009. En tant qu’organisation, nous avons animé la formation de l’Alliance des jeunes sur la Réforme constitutionnelle et électorale, une coalition de plus de 80 organisations de jeunes, dont les exigences principales durant l’examen constitutionnel étaient la baisse de l’âge de l’éligibilité. Nous avons continué ce combat en suivant diverses pistes jusqu’aux élections générales de 2015. C’est au cours de l’une des analyses post-électorales fondées sur les réalités sociopolitiques que nous avons décidé d’utiliser le pouvoir du mot-dièse #NotTooYoungToRun [#Pas Trop Jeune Pour Participer Aux Élections]. Nous ne la savions pas à l’époque, mais ceci a marqué le début de la construction du mouvement et de partenariats qui ont donné naissance à ce qui est devenu aujourd’hui une campagne mondiale et un appel mondial à l’action. Nous avons modifié notre discours pour montrer à notre pays en quoi l’idée était à maturité. Un rapide coup d’œil à l’histoire électorale récente du Nigeria montre que plus de 800 personnes furent tuées au cours des violences post-électorales de 2011 dans le Nord du Nigeria, s’ajoutant à l’insurrection dévastatrice de Boko Haram qui a fait plus de 20 000 morts à ce jour. Cela étant, tous les auteurs de ces actes et d’autres types d’insécurité au Nigeria sont principalement des jeunes.

. Nos engagements, fondés sur des recherches et des preuves, ont montré que l’exclusion est l’une des raisons pour lesquelles ces jeunes s’engagent dans la criminalité. Dans le système politique nigérian, le droit de vote est accordé à tous les citoyens à partir de 18 ans, mais, bien que vous puissiez voter, vous ne pouvez pas être élu en raison de l’écart immense qui existe entre l’âge du droit de vote et l’âge de l’éligibilité. en réalité, ceci signifie que, à partir de l’âge de 18 ans, vous pouvez voter, mais vous ne pouvez vous présenter comme candidat à l’élection présidentielle que 22 ans plus tard, au Sénat ou au Gouvernorat que 17 ans plus tard, et à la chambre des représentants ou aux assemblées des États que 12 ans plus tard.

Depuis le retour de la démocratie, aucun gouverneur n’est âgé de 35 ans ou moins dans tout le Nigeria, sans même parler d’un président âgé de 40 ans ou moins. En fait, sur les 469 membres de l’Assemblée nationale du Nigeria, seuls trois députés ont moins de 35 ans. Si l’on prend comme référence l’âge de 35 ans, en se reportant à la définition de la jeunesse de la Politique nationale sur la jeunesse, alors seuls trois parlementaires correspondent à cette tranche d’âge dans la chambre basse.

Si: Dans cette campagne, notre espoir est de voir l’âge de l’éligibilité revu à la baisse afin que plus de jeunes puissent effectivement participer au processus politique. Nous voulons plus de jeunes ayant les capacités, les compétences et l’intégrité pour occuper des postes de direction en politique. À long terme, ceci règlera le problème de l’exclusion et renforcera la participation des jeunes. Pour le moment, nous sommes heureux que la campagne ne soit plus uniquement une campagne nationale mais qu’elle soit devenue mondiale. La campagne a été lancée au niveau mondial en novembre 2016 au cours du Forum des Nations unies, à Genève, en Suisse. En janvier 2017, un second lancement a eu lieu aux Nations

Si: Tout d’abord, j’aimerais préciser que la campagne, bien que lancée par YIAGA, a toujours été conçue comme étant un mouvement, et non une organisation ou une initiative menée par un individu. En gardant à l’esprit la puissance du mouvement, la campagne s’est transformée en mouvement mondial. En prenant le Nigeria pour exemple, des jeunes se sont sentis poussés à agir. Par exemple, des jeunes se sont regroupés pour soutenir la campagne. L’expérience la plus étonnante s’est déroulée dans l’État le plus affecté par l’insurrection de Boko Haram, celui de Bornu, où plus de 5 000 jeunes ont participé à une marche de soutien à la campagne. La campagne est également présente en Gambie, où elle a constitué un argument de mobilisation pour les récentes élections législatives de 2017 en appelant les jeunes à manifester contre les élections. Comme mentionné précédemment, la campagne est maintenant mondiale. Au niveau du continent, l’Union africaine va également lancer la campagne en juin 2017. Ceci a été rendu possible par les efforts sans relâche des organisateurs dans les communautés aux niveaux local, régional, national et international. Le discours a été entendu aux niveaux national et international, mais le Parlement nigérian a également pris des mesures audacieuses afin de modifier la Constitution. C’est du jamais-vu, et il faut remercier pour cela la 8e Assemblée nationale.

unies durant le Forum des jeunes de l’ECOSOC à New York, aux États-Unis. Elle a aussi fait l’objet d’un débat à la Chambre des Communes, au Royaume-Uni. Notre espoir est que les idéaux que la campagne incarne deviennent, non pas uniquement des normes, mais surtout des pratiques ancrées partout dans le monde. aucune démocratie n’est assez bonne si elle n’est pas inclusive.

Qu’est-ce qui a inspiré la campagne ‘not too Young to run’ ?na

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48 49Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Quelles difficultés avez-vous rencontrées en ce qui concerne cette campagne et le changement d’état d’esprit sur les capacités de la jeunesse ?

na

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes, qui se sentent souvent découragés, pour les inciter à rester dans la course ?

na

Quel message souhaitez-vous adresser aux dirigeants africains à cet égard ?

na

imaginez-vous dans l’avenir – plus précisément dans 46 ans, en 2063. Que pensez-vous pouvoir voir et célébrer, de façon certaine, en 2063, à propos du continent africain ? comment voyez-vous l’avenir ?

na

Que répliquez-vous à ceux qui vous opposent que les jeunes ne sont pas prêts à être des dirigeants ? Que diriez-vous à vos détracteurs pour leur parler des avantages qu’offre le leadership des jeunes ?

na

Si: Pour être honnête, nous sommes très heureux car nous n’avons pas rencontré autant d’obstacles que nous le pensions durant la campagne, et ceci est dû à la démarche que nous avons adoptée, qui consiste dans la construction d’un mouvement et dans une campagne que les gens s’approprient. Au Nigeria, plusieurs personnes, des organisations, et même des hommes/femmes politiques et des partis politiques ont tous fait une chose ou une autre pour soutenir la campagne. L’Union africaine a publiquement apporté son soutien à la campagne, et elle est en train de lancer des mouvements pour impliquer les États membres dans la campagne. Nous avons fait en sorte que cela devienne un passage obligé, donc c’est une idée qui est portée au moment opportun.

Si: Les jeunes doivent savoir que l’inclusion politique est un droit. Nous vivons dans un continent où plus de 60 % de la population est âgée de moins de 35 ans. Il faut profiter de cette opportunité démographique immense. La violence politique, le coût de la politique, la nature horrible de la politique et toutes les autres difficultés qui font peur aux gens et les empêchent de participer à la politique peuvent et doivent être surmontées. Si nous, les jeunes, devenons une masse critique de ceux qui prennent part à la structure politique de nos pays, nous pouvons changer ces perceptions et les réalités de la politique. En tant que génération de jeunes, nous devons découvrir quelle est notre mission et la mener à bien afin de ne pas la trahir.

efficacement et à démontrer leurs capacités à engendrer une transformation sociale et un développement démocratique. En réunissant les jeunes et les générations plus âgées, nous devons diffuser de nouvelles idées et de nouvelles façons de faire pour porter l’Afrique vers d’autres horizons.

nom du peuple ; c’est pourquoi la promotion d’un développement durable et la protection des générations futures doivent être des priorités.

Si: Je vois une Afrique où les droits de l’homme sont protégés, où les femmes, les jeunes et les personnes handicapées sont considérés comme des avantages. Une Afrique dans laquelle les femmes ne sont pas traitées comme des citoyens de seconde classe, et dans laquelle hommes et femmes sont égaux. Une Afrique dans laquelle nos votes comptent, une Afrique où l’ethnie ou la religion ne déterminent plus qui nous sommes en tant que peuple. Une Afrique dans laquelle les solutions à nos problèmes sont conçues et adaptées localement. Une Afrique sans frontières, une Afrique où, quels que soient votre pays, votre langue et votre couleur, vous pouvez vivre dans n’importe quel pays sans peur. Une Afrique où la politique est au service du peuple. Une Afrique où les richesses du continent sont équitablement réparties entre les gens. Une Afrique où l’équité est la norme. C’est l’Afrique de mes rêves, c’est l’Afrique que notre Agenda 2063 évoque pour moi, et je suis confiant que cela arrivera.

Si: C’est une farce, qui n’est plus tenable, que les jeunes soient incapables d’être des dirigeants. Sur le plan politique, nous avons vu comment les jeunes ont mis un terme à l’impasse politique qui a duré plus de 22 ans en Gambie, grâce au mot-dièse #GambiaHasDecided [#La Gambie A Fait Son Choix]. Aujourd’hui, le président du Forum des jeunes parlementaires de l’Union interparlementaire (UIP), Mourine Osuru, est un député ougandais âgé de 26 ans. Dans les entreprises, les entreprises sociales, les think-tanks, les gouvernements, nous voyons que des jeunes parviennent à occuper certains postes

Si: Il est temps que les leaders africains réalisent que la politique est au service du peuple. Ils doivent envisager la gouvernance à travers ce prisme. Il est important qu’ils abandonnent les sentiments qui ont longtemps prévalu dans leur façon d’administrer l’État. Ils doivent réaliser que le pouvoir est éphémère et qu’ils ne le détiennent qu’au

POUr VOTrE INFORmATION:

calendrier électoral 2017

La veille de la caDeG

comprendre l’aaG

Le DaP en bref

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50 51Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

La VeiLLe de La CADEG

Pays qui ont ratifié1. Algeria2. Bénin3. Burkina Faso4. Cameroun5. Tchad6. Comores7. Côte d’Ivoire8. Djibouti9. Ethiopie10. Ghana11. Guinée12. Guinée-Bissau13. Lesotho14. Libéria15. Madagascar16. Malawi17. Mali18.Mauritanie19. Namibie20. Niger21. Nigeria22. Rwanda23. République arabe sahraouie démocratique24. Seychelles25. Sierra Leone26. Afrique du Sud27. Soudan du Sud28 Soudan29. Togo30. Zambie

Pays qui ont signé1. Angola2. Burundi3. République centrafricaine4. Cap-Vert5. Congo6. République démocratique du Congo7. Guinée équatoriale8. Gabon9. Gambie10. Kenya11. Mozambique12. Maurice13. Sénégal14. Somalie15. Sao Tome & Principe16. Swaziland17. Tunisie18. Ouganda

Pays qui n’ont pas signé / ratifié1.Botswana2. Égypte3. Érythrée4. Libye5. Maroc6. Tanzanie7. Zimbabwe

Statut de Ratification de la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance

Sao Tome & Principe Seychelles

Comoros

Maurice

Cap-Vert

Ratifié

Signé

Ni signé ni ratifié

caLendrier ÉLeCTORaL 2017

LiBYeÀ Confirmer

aLGÉrie4 Mai

SÉnÉGaL30 Juillet

GaMBie6 Avril

LiBÉria10 Octobre

GaBon29 Juillet

conGo6 Juillet

anGoLa23 Août

KenYa08 Août

rWanDa03-04 Août

LeSoTHo03 Juin

Présidentielle

Législatives

Générale

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52 53Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

LISTE DES PAYS AYANT SIGNÉ, RATIFIÉ/ ADHÉRÉ À LA cHarTe africaine de La deMOcraTie, eLecTiOn eT GOuVernance

DaTe De SiGnaTurePaYS

DaTe De raTificaTion DaTe De DÉPôT

14/07/201214/07/2012

16/07/2007

02/08/2007

15/06/2007

28/12/2007

09/05/2007

18/06/2008

17/03/2010

15/01/2008

22/01/2009

17/06/2008 23/12/2011

11/06/2009

18/06/2007

29/06/2008

02/02/2010

02/02/2010

28/06/2008

30/01/2011

28/06/2008

29/01/2008

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27/01/2012

20/06/2007

27/01/2012

20/11/2016

28/06/2012

26/05/2010

02/12/2012

05/12/2008

17/06/2011

23/02/2014

30/06/2010

06/09/2010

11/07/2011

16/10/2013

30/11/2016

24/08/2011

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10/01/2017

11/07/2012

06/07/2010

22/01/2013

06/01/2009

11/07/2011

07/03/2017

09/07/2010

19/10/2010

13/10/2011

04/01/2012

28/11/2013

06/01/2017

16/01/2012

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Algérie

Angola

Bénin

Botswana

Burkina Faso

Burundi

Cameroun

Cap-Vert

République démocratique du Congo

Guinée-Bissau

République centrafricaine

Djibouti

Kenya

Tchad

Gabon

Égypte

Lesotho

Comores

Gambie

Guinée équatoriale

Libéria

Libye

Congo

Ghana

Érythrée

Cote d’Ivoire

Guinea

Éthiopie

DaTe DeSiGnaTurePaYS

DaTe DeraTificaTion DaTe De DÉPôT

14/07/201231/01/2014

29/06/2007

14/12/2007

-

24/01/2013

30/10/2007

-

31/01/2010

de signature : 45 de ratification : 30

-

17/06/2008

27/01/2013 -

01/02/2010

25/07/2010

15/12/2008

30/06/2008

29/06/2007

02/07/2007

28/01/2013

16/12/2008

29/01/2008

27/05/2010

01/12/2011

-

-

-

24/12/201001/02/2010

09/01/2012

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-

-

24/01/2011

-

-

10/05/2007

23/02/2017

13/08/2013

-

12/08/2016

26/01/2014

24/01/2012

-

31/05/2011

-

04/10/2011

-

09/07/2010

-

11/10/2012

07/07/2008

17/02/2009

-

23/08/2016

27/11/2013

-

19/06/2013

13/04/2017

02/09/2013

-

28/09/2016

13/04/2015

20/03/2012

-

08/07/2011

de dépôt : 30

-

08/11/2011

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-

14/07/2010

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24/10/2012

28/07/2008

08/12/2009

-

30/08/2016

27/01/2014

-

16/09/2013

29/01/2008

17/06/2008

Madagascar

Malawi

Mali

Mauritanie

Maurice

Maroc

Mozambique

Namibie

Sénégal

Tunisie

Nigeria

Seychelles

Ouganda

Niger

Soudan

Sierra Leone

Zambie

Rwanda

Swaziland

Somalie

Zimbabwe

République arabe sahraouie démocratique

Tanzanie

Afrique du Sud

Sao Tome & Principe

Togo

Soudan du Sud

Total: 55

Adopté à Addis-Abeba, Ethiopie, le 30 janvier 2007.La présente Charte entrera en vigueur trente (30) jours après le dépôt de quinze (15) instruments de ratification.

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54 55Janvier - Juin 2017newsletter Gouvernance africaine

Le Dap en bref

Le DAP a pour mandat de promouvoir les valeurs partagées par l’UA, de coordonner les missions d’observation et de suivre les élections de l’UA, de fournir un soutien technique aux organes électoraux et de mettre en œuvre des solutions durables aux crises humanitaires et politiques, notamment par la diplomatie préventive. Compte tenu de son mandat, le département sert également de secrétariat à l’Architecture de la gouvernance africaine.

Le DAP envisage une Afrique intégrée, pacifique et démocratiquement gouvernée par ses citoyens et jouant un rôle central dans la diplomatie politique et humanitaire mondiale.

Le DAP est conçu comme un moyen efficient et efficace à la disposition de la Commission de l’Union africaine, pour la promotion de l’unité panafricaine, l’intégration politique et les réponses durables aux crises humanitaires par le biais de valeurs partagées par l’UA.

Les Divisions du Département des Affaires politiques

Pour atteindre ses objectifs, le DAP, est structuré thématiquement en deux grandes divisions - la Division de la démocratie, de la gouvernance, des droits de l’homme et des élections (DDGDE), et la Division des affaires humanitaires, des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays (AHRPD).

La Division de la démocratie, de la gouvernance, des droits de l’homme et des élections (DGGDE)

La Division de la DGHRE cherche à renforcer la gouvernance démocratique entre les États membres de l’UA et la réalisation effective des droits de l’homme et des peuples sur le continent. À travers diverses unités et programmes spécialisés, la Division coordonne les initiatives d’évaluations de la gouvernance et de la démocratie, de soutien et d’observations électorales, d’amélioration de la prestation des services publics, de la gouvernance locale, de lutte contre la corruption, de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples.

La Division des affaires humanitaires, des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays (AHRPD)

La Division AHRPD cherche à fournir une orientation continentale à la réalisation de solutions durables pour faire face aux crises humanitaires. Cela comprend, la poursuite d’actions visant à atténuer le sort des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays, et notamment en répondant à leurs besoins immédiats en matière de protection et d’assistance en raison de catastrophes naturelles et artificielles. La Division AHRPD coordonne également le travail de l’UA en ce qui concerne le Fonds spécial d’aide d’urgence pour la sécheresse et la famine en Afrique (FSAU).

Le Centre de ressources pour la démocratie, la gouvernance et les droits de l’hommeLe Centre de ressources est une structure qui offre un soutien technique aux différents programmes et activités du DAP. Le Centre fournit au personnel de l’UA, aux membres du Corps diplomatique, et aux représentants des États membres de l’UA à Addis-Abeba, aux universitaires et chercheurs, ainsi qu’au grand public, entre autres, des thématiques portant sur une variété de publications récentes, des livres, des revues et d’autres documents de référence sur la démocratie, la gouvernance et les droits de l’homme. En outre, le Centre offre des services d’accès à l’internet et d’impression aux utilisateurs.

Le Département des Affaires politiques (DAP)

de la Commission de l’Union africaine est

chargé de promouvoir, de faciliter, de coordonner

et d’encourager les principes démocratiques et les règles de droit, de

veiller au respect des droits de l’homme, à la

participation de la société civile au processus

de développement du continent et à la mise en place de solutions

durables pour faire face aux crises humanitaires.

cOMPrendre L’AAG

L’AAG s’est inspirée de l’Acte constitutif de l’UA qui exprime la détermination de l’Union à « défendre et à protéger les droits de l’homme et des peuples, à consolider les institutions et la culture démocratiques et à garantir la bonne gouvernance et l’État de droit ». Cette détermination est étayée par des objectifs et des principes y afférant qui sont contenus dans les articles 3(g et h) et 4(m) de l’Acte portant sur la défense, la protection et le respect des droits de l’homme, des principes et des institutions démocratiques et de la bonne gouvernance. Ces idéaux sont encore renforcés par des normes, des déclarations, des décisions et des instruments adoptés par l’UA, et tout particulièrement par la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG). Le mandat de l’AAG émane de la Décision issue de la 15e Session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’UA (AU/Dec.304 (XV)), qui s’est tenue en juillet 2010.

Afin d’appliquer la décision de la Conférence quant à l’établissement de l’Architecture panafricaine de gouvernance, la CUA a mis sur pied l’AAG, qui est une « plateforme de dialogue

entre les diverses parties prenantes » dont le mandat consiste à promouvoir et à renforcer la gouvernance démocratique en Afrique, outre le fait qu’elle traduit les objectifs de déclarations juridiques et politiques faisant partie des Valeurs communes de l’UA.

L’AAG fonctionne par l’intermédiaire d’un mécanisme institutionnel – la Plateforme africaine de gouvernance – qui rassemble tous les organes et institutions de l’UA ainsi que les Communautés économiques régionales dans le but de promouvoir la démocratie, la gouvernance et les droits de l’homme. Les initiatives prises par la Plateforme africaine de gouvernance sont coordonnées par cinq clusters et par un Secrétariat.

Les cinq clusters sont les suivants:

de gouvernance puissent interagir, s’engager activement, synthétiser et converger.

Parmi les programmes phares de l’AAG, l’on peut citer l’engagement des citoyens dans les processus de gouvernance démocratique, qui se fait au travers du développement et de la mise en œuvre des Stratégies de l’AAG pour l’engagement des jeunes, des femmes et de la société civile. D’autres initiatives portent sur la gestion des connaissances et sur les Dialogues annuels de haut niveau sur les dynamiques, les défis et les perspectives en matière de gouvernance démocratique ; sur le fonctionnement du mécanisme d’établissement des rapports par les États sous la CADEG ; et sur l’amélioration de la synergie entre AAG et AAPS.

Le Secrétariat de l’AAG, hébergé par le DAP, sert de coordinateur ou de catalyseur pour parvenir aux objectifs de l’AAG en fournissant un cadre pour que les membres de la Plateforme africaine

L’Architecture africaine de gouvernance (AAG) est un cadre de dialogue visant à faciliter l’harmonisation des instruments sur les Valeurs communes de l’UA et la coordination

des initiatives allant dans le sens de la promotion et de la consolidation

de la gouvernance démocratique sur le

continent.

Stratégies de l’AAG pour l’engagement des jeunes, des femmes et de la société civilela gestion des connaissances

Les Dialogues annuels de haut niveau sur les dynamiques

Gouvernance

Droits de l’homme et justice transitionnelle

Constitutionnalisme et État de droit

Démocratie

Et affaires humanitaires

Le fonctionnement du mécanisme d’établissement des rapports par les

États sous la CADEG

La synergie entre AAG et AAPS

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Gouvernance africaineNEWSLETTER

Janvier - JUIN 2017

#1volume 4