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V VU DE BRUXELLES Les Européens attendent un New Deal Les dirigeants européens comptent rééquilibrer, grâce au nouvel élu, le partenariat avec les États-Unis. Pour agir ensemble, en particulier face à la crise économique BRUXELLES De notre envoyé spécial permanent « J ’ai hâte de travailler de ma- nière très proche avec lui dans les prochains mois et les pro- chaines années » : Gordon Brown, le premier ministre britannique, a résumé hier le sentiment d’impa- tience des dirigeants européens. Tous espèrent que l’élection de Ba- rack Obama permettra de renouveler la relation transatlantique. « Barack Obama a mené une campagne ins- pirée, une politique stimulante avec des valeurs progressistes, a souligné le chef du gouvernement britannique. Nous sommes tous deux déterminés à montrer que le gouvernement peut agir pour aider les gens à traverser ces temps difficiles pour l’économie mondiale. » C’est d’abord dans la réponse à la crise financière et économique que l’Europe, forte d’un leadership en la matière, espère cimenter une nou- velle relation transatlantique. Les 27 chefs d’État et de gouvernement de l’UE seront demain à Bruxelles pour arrêter une position com- mune en vue du sommet du G20 le 15 novembre à Washington, te- nant compte de la nouvelle donne américaine. Ce Conseil européen extraordinaire a été intercalé entre l’élection et le sommet de Washing- ton. Les Européens attendent de l’ad- ministration Obama qu’elle accepte davantage de régulation financière. « Nous avons besoin d’un New Deal pour un nouveau monde. J’espère que sous la direction du président Obama, les États-Unis joindront leurs forces à l’Europe », a réagi le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Les Européens mi- sent aussi sur une nouvelle attitude américaine face au réchauffement climatique. Et ils attendent davan- tage de coopération transatlantique au Proche-Orient. Fait inédit, les 27 ministres des affaires étrangères de l’UE avaient adressé dès lundi les doléances européennes au futur président. Barack Obama est donc très at- tendu en Europe, recevant dès hier de multiples invitations. D’Allema- gne notamment, où le candidat démocrate avait tenu en juillet son plus grand meeting européen. La chancelière Angela Merkel a rap- pelé hier l’importance de « notre partenariat transatlantique » . Le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Zapatero, en froid avec l’administration Bush du fait du retrait espagnol d’Irak, espère ouvrir un « nouveau chapitre » avec le futur président et le rencontrer rapidement. Sept dirigeants d’Eu- rope de l’Est ont félicité ensemble le vainqueur américain, confiant dans le renforcement de « l’amitié entre l’Europe et les États-Unis » . L’UE compte accueillir Barack Obama au plus tard en avril, pour sa visite lors du sommet de l’Otan, marquant les 60 ans de l’Alliance atlantique. SÉBASTIEN MAILLARD L’UE compte accueillir Barack Obama au plus tard en avril. I La Croix I JEUDI 6 NOVEMBRE 2008 I 11 V VU D’INDONÉSIE Djakarta se dit proche du président élu Le pays dans lequel Barack Obama a vécu une partie de son enfance a célébré son élection par des concerts de klaxons DJAKARTA De notre correspondant Q uand John McCain a re- connu sa défaite face à Ba- rack Obama, l’Indonésie a alors pu célébrer celui qu’elle considère un peu comme l’enfant du pays, où il a vécu trois années de sa jeunesse. Dans l’hôtel cinq étoiles où l’ambassade des États- Unis organisait un petit déjeuner devant un écran géant égrenant les résultats, les invités avaient le sourire aux lèvres. L’ambassadeur, insistant sur le fait que « ce résul- tat représente surtout une grande victoire pour la démocratie », ne pouvait se défaire d’un léger rictus de satisfaction. Le président indonésien Yud- hoyono a exprimé son espoir de voir « la relation d’Obama avec l’In- donésie faciliter la naissance d’un nouveau chapitre dans les liens entre les États-Unis et l’Indonésie ». Son vice-président a été plus di- rect, n’hésitant pas à rappeler que « le résultat était attendu et espéré par la majorité des Indonésiens ». Il a aussi expliqué que « ce phé- nomène nous enseigne que notre ethnie ou notre race ne sont pas des éléments importants. Ce qui compte, ce sont nos capacités. » Les Indonésiens n’ont pas caché leur joie, célébrant un peu partout la victoire du sénateur de l’Illinois avec des concerts de klaxons dans les rues. Beaucoup d’entre eux étaient devant leur télévision hier matin, la plupart des chaînes nationales retransmettant l’élec- tion américaine en direct. La joie était encore plus flagrante dans le quartier résidentiel de Menteng, en plein centre de Djakarta, où le petit Barack Obama a vécu à la fin des années 1960, après le remariage de sa mère avec un Indonésien, jusqu’à ses 10 ans. La petite maison coloniale ayant accueilli le futur président amé- ricain est l’objet de convoitises. Un homme d’affaires hollandais souhaite transformer l’endroit en un « Sweet Home Obama bar », qui proposerait un café spécial mélangeant des grains kényans et indonésiens. L’affaire pourrait être repoussée, voire annulée, le propriétaire de la maison, très proche d’Obama quand celui-ci vivait à Djakarta, étant décédé à la veille de l’élection. Il ne fait aucun doute que si Ba- rack Obama décide dans les quatre ans qui viennent de se rendre en Indonésie, il y sera reçu avec des honneurs tout particuliers. JEAN-BAPTISTE CHAUVIN La petite maison coloniale ayant accueilli Obama enfant est même l’objet de convoitises. V VU DU BRÉSIL « Je suis pour Obama, voyez ma couleur de peau ! » L’arrivée d’un président noir revêt une puissance symbolique au Brésil, un des pays les plus métissés au monde SÃO PAULO De notre correspondant « D e la même façon que le Brésil a élu un métallur- giste, la Bolivie un Indien, le Venezuela Chavez et le Paraguay un ancien évêque, je pense que ce serait une chose extraordinaire que, dans la plus grande économie du monde, un Noir soit élu prési- dent. » Il y a quelques jours, lors d’une visite à Cuba, c’est ainsi que le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva apportait son soutien au candidat démocrate Barack Obama. Des mots lourds de sens pour un ancien ouvrier né dans une famille miséreuse du Nordeste brésilien et parvenu au sommet de l’État après des décennies de lutte contre les préjugés sociaux. Barack Obama, lui aussi, a vaincu les préjugés, raciaux cette fois-ci. « Ce sera amusant d’observer les mains blanches des grands de ce monde qui se jugent supérieurs en train de serrer la main basanée du nouveau président américain ! », ironise le journaliste Josias de Souza dans le quotidien Folha de São Paulo. Le Brésil est un des pays les plus métissés au monde, la moitié de la population y possède des origines africaines. Depuis quelques années, la fierté d’être noir est très en vogue dans une société qui, malgré les apparences de melting-pot réussi, souffre d’un racisme larvé. Le « Jour de la conscience nègre », fêté chaque année le 20 novembre, est ainsi devenu un rendez-vous important de la communauté afro-brésilienne. « Si je suis pour la victoire d’Obama ? Voyez ma couleur de peau ! », s’exclamait hier soir un homme politique brésilien de droite, lors de la soirée organisée par l’ambassade des États-Unis à Brasilia : le sénateur Magno Malta est métis. STEVE CARPENTIER V VU DU SÉNÉGAL « Une immense victoire » À Dakar, les étudiants ont veillé toute la nuit pour partager un peu du « rêve américain ». Ici, le contentieux colonial avec les États-Unis n’existe pas DAKAR De notre correspondante D istribution de sandwichs et boissons gazeuses, la nuit américaine des membres du comité de soutien à Barack Obama s’est finie à l’aube, hier, à Dakar. Venus de toutes les régions du Sénégal pour célébrer la victoire de « leur » candidat, gar- çons et filles, certains à peine âgés de 16 ans, se sont retrouvés dans un quartier populaire de Dakar, en plein cœur de la Médina, avec l’espoir au cœur. « Pour nous, jeunes Sénégalais, l’élection d’un candidat noir à la Maison-Blanche est une immense victoire contre la discrimi- nation raciale », dit Abdoulaye Sow, 25 ans, un étudiant qui a quitté son village de Saint-Louis, le long de la frontière avec la Mauritanie, pour vivre, dit-il, cet événement histo- rique avec ses camarades. Originaire de Casamance, Ibra- him Bodraj veut dépasser la seule question de la couleur de la peau. « Barack Obama a su s’attirer les suffrages de tous. Il est fédérateur et c’est cet élan de fraternité qui va permettre de mettre un terme à la violence actuelle dans le monde. » Plus pragmatique, Suleyman Wade, 26 ans, qui a pris l’initiative, dès les primaires démocrates, de créer un comité de soutien à Barack Obama (plus de 50 000 membres aujourd’hui), réclame davantage de bourses d’études aux États- Unis. « Les jeunes Africains doivent aussi, à leur tour, accéder, au rêve américain. » À l’instar de ce jeune professeur de français, la plupart des Sénégalais sont « décontractés » vis-à-vis de l’Amérique. « Il n’y a pas, dans les rapports des États-Unis avec l’Afrique, ce lourd contentieux colonial qui caractérise les rapports avec la France », explique Yoro Dia, diplômé de l’Institut d’études poli- tiques de Paris. CHRISTINE HOLZBAUER « Cet élan de fraternité va permettre de mettre un terme à la violence actuelle dans le monde. » V VU D’AFRIQUE DU SUD Les Sud-Africains espèrent L’élection américaine est vue comme un symbole d’espoir comparé à la fin de l’apartheid LE CAP De notre correspondante « J ’ai l’impression de revivre l’élection de Nelson Mandela en 1994. » En Afrique du Sud, l’analogie est sur toutes les lèvres. L’élection du premier président noir des États-Unis porte un poids symbolique dans le pays qui s’est battu contre le régime raciste de l’apartheid. « Je ne pensais pas vivre pour voir les États-Unis élire un Noir, comme je ne pensais pas voir la fin de l’apartheid », résume le présentateur Tim Modise, sur la radio nationale. Un espoir qui trouve un écho en Afrique du Sud, alors que le pays traverse une période d’incertitude politique et sociale. Margareth Parlsey, 66 ans, a suivi les résul- tats depuis un café du centre du Cap, devenu pour la nuit le quartier général des partisans du candidat démocrate. Elle a quitté l’Afrique du Sud il y a vingt ans et elle raconte combien elle est choquée par les divisions raciales qui existent tou- jours dans le pays : « Mon petit-fils de 6 ans qui vit ici m’a demandé il y a quelques jours si je pensais que les Blancs américains allaient vo- ter pour Obama. Et je lui ai raconté comment les Blancs sud-africains ont voté pour Mandela. Cela m’a choquée que la notion de race soit déjà si présente dans son esprit. » Lwazi Sikiti, étudiant en sciences politiques, lance : « Nous avons be- soin de plus de “Barack Obama”, qui ne pensent pas en termes de races ou de communautés, mais en termes de nation. » « Certains ici le prennent pour le messie, mais ce n’est pas lui qui va régler nos problèmes », tem- père Ericka Penfold, 23 ans. Le président sud-africain Kgalema Motlanthe a félicité Barack Obama, ajoutant : « J’exprime l’espoir que la pauvreté et le sous-développement en Afrique qui restent un défi pour l’humanité vont continuer à être l’ob- jet d’une grande attention de la part de la nouvelle administration. » CLÉMENCE PETIT-PERROT « Nous avons besoin de plus de “Barack Obama”, qui ne pensent pas en termes de races. » Jour férié au Kenya d Le président kényan Mwai Kibaki a décrété qu’aujourd’hui serait jour férié afin de célébrer « l’exploit historique » de Barack Obama, dont le père était kényan. À Kogelo, village kényan de la grand-mère paternelle de Barack Obama, embrassades et cris de victoire ont retenti dans l’assistance qui suivait sur un écran géant la soirée électorale. Sarah, sa grand-mère paternelle et Malik, son demi-frère, ont été les vedettes de la fête.

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« Nous avons besoin de plus de “Barack Obama”, qui ne pensent pas en termes de races. » La petite maison coloniale ayant accueilli Obama enfant est même l’objet de convoitises. « Cet élan de fraternité va permettre de mettre un terme à la violence actuelle dans le monde. » L’élection américaine est vue comme un symbole d’espoir comparé à la fin de l’apartheid Le pays dans lequel Barack Obama a vécu une partie de son enfance a célébré son élection par des concerts de klaxons

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VVU DE BRUXELLES

Les Européens attendent un New DealLes dirigeants européens comptent rééquilibrer, grâce au nouvel élu,le partenariat avecles États-Unis. Pour agirensemble, en particulierface à la crise économiqueBRUXELLESDe notre envoyé spécial permanent

«J’ai hâte de travailler de ma-nière très proche avec lui dans les prochains mois et les pro-

chaines années » : Gordon Brown, le premier ministre britannique, a résumé hier le sentiment d’impa-tience des dirigeants européens. Tous espèrent que l’élection de Ba-rack Obama permettra de renouveler la relation transatlantique. « Barack Obama a mené une campagne ins-pirée, une politique stimulante avec

des valeurs progressistes, a souligné le chef du gouvernement britannique. Nous sommes tous deux déterminés à montrer que le gouvernement peut agir pour aider les gens à traverser ces temps difficiles pour l’économie mondiale. »

C’est d’abord dans la réponse à la crise financière et économique que l’Europe, forte d’un leadership en la matière, espère cimenter une nou-velle relation transatlantique. Les27 chefs d’État et de gouvernement de l’UE seront demain à Bruxelles pour arrêter une position com-mune en vue du sommet du G20 le 15 novembre à Washington, te-nant compte de la nouvelle donne américaine. Ce Conseil européen extraordinaire a été intercalé entre l’élection et le sommet de Washing-ton. Les Européens attendent de l’ad-ministration Obama qu’elle accepte davantage de régulation financière.

« Nous avons besoin d’un New Deal pour un nouveau monde. J’espère que sous la direction du président Obama, les États-Unis joindront leurs forces à l’Europe », a réagi le président de la Commission européenne, José

Manuel Barroso. Les Européens mi-sent aussi sur une nouvelle attitude américaine face au réchauffement climatique. Et ils attendent davan-tage de coopération transatlantique au Proche-Orient. Fait inédit, les 27 ministres des affaires étrangères de l’UE avaient adressé dès lundi les doléances européennes au futur président.

Barack Obama est donc très at-tendu en Europe, recevant dès hier

de multiples invitations. D’Allema-gne notamment, où le candidat démocrate avait tenu en juillet son plus grand meeting européen. La chancelière Angela Merkel a rap-pelé hier l’importance de « notre partenariat transatlantique ». Le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Zapatero, en froid avec l’administration Bush du fait du retrait espagnol d’Irak, espère ouvrir un « nouveau chapitre » avec le futur président et le rencontrer rapidement. Sept dirigeants d’Eu-rope de l’Est ont félicité ensemble le vainqueur américain, confiant dans le renforcement de « l’amitié entre l’Europe et les États-Unis ».

L’UE compte accueillir Barack Obama au plus tard en avril, pour sa visite lors du sommet de l’Otan, marquant les 60 ans de l’Alliance atlantique.

SÉBASTIEN MAILLARD

L’UE compte accueillir Barack Obamaau plus tard en avril.

I La Croix I JEUDI 6 NOVEMBRE 2008 I 11VVU D’INDONÉSIE

Djakartase dit proche du président éluLe pays dans lequel Barack Obama a vécu une partie de son enfance a célébré son élection pardes concerts de klaxonsDJAKARTADe notre correspondant

Quand John McCain a re-connu sa défaite face à Ba-rack Obama, l’Indonésie a

alors pu célébrer celui qu’elle considère un peu comme l’enfant du pays, où il a vécu trois années de sa jeunesse. Dans l’hôtel cinq étoiles où l’ambassade des États-Unis organisait un petit déjeuner devant un écran géant égrenant les résultats, les invités avaient le sourire aux lèvres. L’ambassadeur, insistant sur le fait que « ce résul-tat représente surtout une grande victoire pour la démocratie », ne pouvait se défaire d’un léger rictus de satisfaction.

Le président indonésien Yud-hoyono a exprimé son espoir de voir « la relation d’Obama avec l’In-donésie faciliter la naissance d’un nouveau chapitre dans les liens entre les États-Unis et l’Indonésie ». Son vice-président a été plus di-rect, n’hésitant pas à rappeler que « le résultat était attendu et espéré par la majorité des Indonésiens ». Il a aussi expliqué que « ce phé-nomène nous enseigne que notre ethnie ou notre race ne sont pas des éléments importants. Ce qui

compte, ce sont nos capacités. »Les Indonésiens n’ont pas caché

leur joie, célébrant un peu partout la victoire du sénateur de l’Illinois avec des concerts de klaxons dans les rues. Beaucoup d’entre eux étaient devant leur télévision hier matin, la plupart des chaînes nationales retransmettant l’élec-tion américaine en direct. La joie était encore plus flagrante dans le quartier résidentiel de Menteng, en plein centre de Djakarta, où le petit Barack Obama a vécu à la fin des années 1960, après le remariage de sa mère avec un Indonésien, jusqu’à ses 10 ans.

La petite maison coloniale ayant accueilli le futur président amé-ricain est l’objet de convoitises. Un homme d’affaires hollandais souhaite transformer l’endroit en un « Sweet Home Obama bar », qui proposerait un café spécial mélangeant des grains kényans et indonésiens. L’affaire pourrait être repoussée, voire annulée, le propriétaire de la maison, très proche d’Obama quand celui-ci vivait à Djakarta, étant décédé à la veille de l’élection.

Il ne fait aucun doute que si Ba-rack Obama décide dans les quatre ans qui viennent de se rendre en Indonésie, il y sera reçu avec des honneurs tout particuliers.

JEAN-BAPTISTE CHAUVIN

La petite maison coloniale ayant accueilli Obama enfant est même l’objet de convoitises.

VVU DU BRÉSIL

« Je suis pour Obama, voyez ma couleur de peau ! »L’arrivée d’un président noir revêt une puissance symbolique au Brésil,un des pays les plus métissés au monde

SÃO PAULODe notre correspondant

«De la même façon que le Brésil a élu un métallur-giste, la Bolivie un Indien,

le Venezuela Chavez et le Paraguay un ancien évêque, je pense que ce

serait une chose extraordinaire que, dans la plus grande économie du monde, un Noir soit élu prési-dent. » Il y a quelques jours, lors d’une visite à Cuba, c’est ainsi que le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva apportait son soutien au candidat démocrate Barack Obama. Des mots lourds de sens pour un ancien ouvrier né dans une famille miséreuse du Nordeste brésilien et parvenu au sommet de l’État après des décennies de lutte contre les préjugés sociaux.

Barack Obama, lui aussi, a vaincu

les préjugés, raciaux cette fois-ci. « Ce sera amusant d’observer les mains blanches des grands de ce monde qui se jugent supérieurs en train de serrer la main basanée du nouveau président américain ! », ironise le journaliste Josias de Souza dans le quotidien Folha de São Paulo. Le Brésil est un des pays les plus métissés au monde, la moitié de la population y possède des origines africaines. Depuis quelques années, la fierté d’être noir est très en vogue dans une société qui, malgré les apparences

de melting-pot réussi, souffre d’un racisme larvé.

Le « Jour de la conscience nègre », fêté chaque année le 20 novembre, est ainsi devenu un rendez-vous important de la communauté afro-brésilienne. « Si je suis pour la victoire d’Obama ? Voyez ma couleur de peau ! », s’exclamait hier soir un homme politique brésilien de droite, lors de la soirée organisée par l’ambassade des États-Unis à Brasilia : le sénateur Magno Malta est métis.

STEVE CARPENTIER

VVU DU SÉNÉGAL

« Une immense victoire »À Dakar, les étudiants ont veillé toute la nuit pour partager un peu du « rêve américain ». Ici, le contentieux colonial avec les États-Unis n’existe pas

DAKARDe notre correspondante

Distribution de sandwichs et boissons gazeuses, la nuit américaine des

membres du comité de soutien à Barack Obama s’est finie à l’aube, hier, à Dakar. Venus de toutes les régions du Sénégal pour célébrer la victoire de « leur » candidat, gar-çons et filles, certains à peine âgés de 16 ans, se sont retrouvés dans un quartier populaire de Dakar, en plein cœur de la Médina, avec l’espoir au cœur. « Pour nous, jeunes Sénégalais, l’élection d’un candidat noir à la Maison-Blanche est une immense victoire contre la discrimi-nation raciale », dit Abdoulaye Sow, 25 ans, un étudiant qui a quitté son village de Saint-Louis, le long de la frontière avec la Mauritanie, pour vivre, dit-il, cet événement histo-rique avec ses camarades.

Originaire de Casamance, Ibra-him Bodraj veut dépasser la seule question de la couleur de la peau. « Barack Obama a su s’attirer les suffrages de tous. Il est fédérateur et c’est cet élan de fraternité qui va

permettre de mettre un terme à la violence actuelle dans le monde. » Plus pragmatique, Suleyman Wade, 26 ans, qui a pris l’initiative, dès les primaires démocrates, de créer un comité de soutien à Barack Obama (plus de 50 000 membres aujourd’hui), réclame davantage de bourses d’études aux États-Unis. « Les jeunes Africains doivent aussi, à leur tour, accéder, au rêve américain. » À l’instar de ce jeune professeur de français, la plupart

des Sénégalais sont « décontractés » vis-à-vis de l’Amérique. « Il n’y a pas, dans les rapports des États-Unis avec l’Afrique, ce lourd contentieux colonial qui caractérise les rapports avec la France », explique Yoro Dia, diplômé de l’Institut d’études poli-tiques de Paris.

CHRISTINE HOLZBAUER

« Cet élan de fraternité va permettre de mettre un terme à la violence actuelle dans le monde. »

VVU D’AFRIQUE DU SUD

Les Sud-Africains espèrentL’élection américaine est vue comme un symbole d’espoir comparéà la fin de l’apartheid

LE CAPDe notre correspondante

«J’ai l’impression de revivre l’élection de Nelson Mandela en 1994. » En Afrique du Sud,

l’analogie est sur toutes les lèvres. L’élection du premier président noir des États-Unis porte un poids symbolique dans le pays qui s’est battu contre le régime raciste de l’apartheid. « Je ne pensais pas vivre pour voir les États-Unis élire un Noir, comme je ne pensais pas voir la fin de l’apartheid », résume le présentateur Tim Modise, sur la radio nationale.

Un espoir qui trouve un écho en Afrique du Sud, alors que le pays traverse une période d’incertitude politique et sociale. Margareth Parlsey, 66 ans, a suivi les résul-tats depuis un café du centre du Cap, devenu pour la nuit le quartier général des partisans du candidat

démocrate. Elle a quitté l’Afrique du Sud il y a vingt ans et elle raconte combien elle est choquée par les divisions raciales qui existent tou-jours dans le pays : « Mon petit-fils de 6 ans qui vit ici m’a demandé il y a quelques jours si je pensais que les Blancs américains allaient vo-ter pour Obama. Et je lui ai raconté

comment les Blancs sud-africains ont voté pour Mandela. Cela m’a choquée que la notion de race soit déjà si présente dans son esprit. » Lwazi Sikiti, étudiant en sciences politiques, lance : « Nous avons be-soin de plus de “Barack Obama”, qui ne pensent pas en termes de races ou de communautés, mais en termes de nation. » « Certains ici le prennent pour le messie, mais ce n’est pas lui qui va régler nos problèmes », tem-père Ericka Penfold, 23 ans.

Le président sud-africain Kgalema Motlanthe a félicité Barack Obama, ajoutant : « J’exprime l’espoir que la pauvreté et le sous-développement en Afrique qui restent un défi pour l’humanité vont continuer à être l’ob-jet d’une grande attention de la part de la nouvelle administration. »

CLÉMENCE PETIT-PERROT

« Nous avons besoin de plus de “Barack Obama”, qui ne pensent pasen termes de races. »

Jour férié au Kenya

d Le président kényan Mwai Kibaki a décrété qu’aujourd’hui serait jour férié afin de célébrer « l’exploit historique » de Barack Obama, dont le

père était kényan. À Kogelo, village kényan de la grand-mère paternelle de Barack Obama, embrassades et cris de victoire ont retenti dans l’assistance qui suivait sur un écran géant la soirée électorale. Sarah, sa grand-mère paternelle et Malik, son demi-frère, ont été les vedettes de la fête.