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NFOT et conditions de travail

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conditions de travail

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Lycée Marcel-GambierNFOT et conditions de travail

Le Tripalium, origine étymologique du mot travail, était l'instrument de torture utilisé par les romains pour punir les esclaves rebelles.

La diffusion de nouvelles organisations du travail (NFOT) s'appuyant sur des emplois qualifiés, la polyvalence et l'implication des salariés, et valorisant une production à haute valeur ajoutée et fortement automatisée, devrait améliorer les conditions de travail. L'ergonomie (discipline rationalisant le travail tout en le sécurisant) étant devenue une spécialité du management, l'environnement de travail devrait connaître moins d'accidents, de maladies et autres formes de pathologies. Par ailleurs, l'autonomie des salariés étant l'un des piliers de l'organisation post-fordienne, le travail devrait être moins répétitif et soumis aux contraintes hiérarchiques qu'autrefois. Enfin, le management des ressources humaines insiste aujourd'hui sur l' « épanouissement » des « collaborateurs » et l' « accomplissement de soi ».

Or, ainsi que le révèlent les vagues récentes de suicides dans de groupes français, le tableau est plus sombre : 30% des salariés – ouvriers, employés techniciens, cadres - « vivent fréquemment des situations de tension avec leurs chefs » et « ne peuvent interrompre leur travail en dehors des pauses fixées » par l'employeur, à l'image des caissières de la grande distribution. Comme aux débuts du Taylorisme, 4 ouvriers sur 10 subissent le contrôle permanent de leur hiérarchie. En 1998, près d'un tiers des salariés ne pouvaient pas « quitter leur travail des yeux », soit une proportion double de celle constatée en 1984. Stations debout, charges lourdes (« deux tonnes de marchandises par jour pour les caissières »), déplacements longs, stress, tensions, sont le quotidien de nombre d'actifs au travail, ainsi que le souligne l'économiste Philippe Askenasy. Pire, sont désormais sollicitées – en plus des capacités physiques – les « capacités cognitives » : l'implication du salarié devient « hyper-sollicitation » et provoque des pathologies spécifiques, telles que les troubles musculo-squelettiques (TMS), dont pourraient souffrir entre 11 et 15% des salariés.

Pour expliquer cette évolution, on peut d'abord avancer, à juste titre, que le Taylorisme a perduré dans certaines entreprises ou branches d'activités, se diffusant même aux services (à l'exemple de la grande distribution, de MacDonald ou des services d'assistance téléphonique). Néanmoins, les entreprises post-tayloriennes ont leur part de responsabilité : elles fonctionnent en « flux tendus » et « juste-à-temps » et satisfont la demande, mais, chez Peugeot par exemple, « le travail de montage continue à être dur, voire très dur ». En 2003, 63% des salariés (contre 36% en 1994) identifiait « une demande extérieure obligeant à une réponse immédiate » comme déterminant de leur rythme de travail. Par ailleurs, les contrats d'objectifs et les procédures d'évaluation auxquels sont soumis les cadres commerciaux, ingénieurs et chercheurs d'entreprise instaurent une pression intenable, d'autant qu'avec les nouvelles formes de management, tout objectif non atteint est intériorisé par le salarié comme un échec personnel (culpabilisation).

Pour Askenazy, le constat est clair : en obligeant les salariés à être tournés vers la demande, en garantissant la qualité totale, les meilleurs délais et une productivité maximale, les NFOT engendrent un « stress maximal », digne d'un « taylorisme flexible » évoqué par Robert Boyer. Il n'est donc pas étonnant que les accidents du travail et les maladies professionnelles aient progressivement progressé de 42 et 75% entre 1996 et 1999, pour un coût financier évalué à 3% du PIB, sans parler des dégats humains.

Les gains de productivité et, surtout, de compétitivité engendrés par les NFOT sont, à terme, menacés par le même types de pathologie du travail impliqués dans la crise du Taylorisme à la fin des Trente Glorieuses (Emile Durkheim, en son temps, avait aussi identifié des formes pathologiques du division du travail, facteurs d'anomie). Les firmes et l'administration américaines l'ont compris, qui ont mis en place des programmes de santé et de sécurité au sein des entreprises, aujourd'hui mis en place par le gouvernement français.

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Les formes pathologiques de la division du travail social selon Emile Durkheim

Émile Durkheim (15 avril 1858, Épinal - 15 novembre 1917, Paris) est un sociologue français et l'un des fondateurs de la sociologie moderne.

Oeuvres majeures :

« De la division du travail social » (1893), « Les Règles de la méthode sociologique » (1895), « Le Suicide » (1897) « Les Formes élémentaires de la vie religieuse » (1912).

Source : wikipedia

Selon E. Durkheim, la division sociale du travail se traduit par la répartition des rôles et des fonctions (politiques, économiques, religieuses, sociales, etc.) entre les membres de la société. Chacun est ainsi spécialisé dans une fonction, un rôle qui le rend complémentaire des autres et crée ainsi du lien social.

L’intégration sociale peut se définir comme une situation ou un processus d’insertion au cours duquel un individus ou un groupe d’individus trouve (ou a trouvé) sa place dans un même ensemble (collectivité, société) ; ce qui aboutit à la formation d’un ensemble cohérent.

Il y a cohésion sociale lorsque la société conserve son unité, c’est à dire lorsqu’elle est capable de faire coexister ensemble et de manière relativement harmonieuse des individus très différents par leur caractéristiques. On peut donc parler de cohésion sociale lorsque chaque individu y a sa place. Remarque : la cohésion sociale dépend de la capacité d’une société à maintenir, voire même à renforcer les liens entre les membres qui la composent.

La division du travail engendre la cohésion sociale et l’ordre social. Elle crée une harmonie dans les rapports qu’entretiennent les individus les uns par rapports aux autres et ce, quel que soit le domaine de l’activité sociale observé. Pour Durkheim, à travers la division du travail social, tous les organes au sein de la société (Ex : policiers, pompiers, Sénateurs, députés, employeurs, salariés, notaires, les commerçants, époux, épouse, etc.) sont spécialisés. Leurs fonctions particulières les rendent complémentaires les uns des autres ce qui les conduit à réaliser des échanges entre eux. Or, si les organes sont continuellement en relation les uns avec les autres, alors un certain nombre de règles vont progressivement régir leurs échanges puis, avec le temps, elles vont se consolider et devenir obligatoires.

C'est ce schéma idéal qui est, selon Durkheim, à l'origine du lien social et de la cohésion sociale au sein d'une société. Ainsi, normalement, l’intensification de la division du travail doit augmenter la solidarité et l’interdépendance entre les membres de la société, mais il arrive qu’elle ait des effets contraires.

Dans ce cas, Durkheim parle de formes « anormales » ou « pathologiques » de la division du travail. Il repère les situations possibles où la division du travail dysfonctionne (c’est à dire ne parvient pas à créer du lien social). Il évoque ainsi une division du travail contrainte : par exemple, quand les règles qui déterminent la division du travail ne sont pas acceptées par tous en raison d'un manque d'équité, ou quand le travail exerce une contrainte trop forte (la machine impose son rythme sans créer de solidarité, les règlements et procédures exercent une pression trop forte).

Source : SES – Académie de Grenoble+ Alternatives Economiques

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« Le travail en miettes »Georges Friedmann (1956)

Cet ouvrage est devenu classique. Le sociologue y étudie les effets du progrès technique sur le travail. Dans une période plutôt encline à l'apologie de la machine (la France est en pleine reconstruction), Georges Friedmann porte au contraire un regard critique sur les effets du travail à la chaîne, sans pour autant verser dans la technophobie. En s'appuyant sur de nombreuses enquêtes de terrain, il met en évidence les conséquences de l'OST. Comme l'a montré Charlie Chaplin dans Les Temps modernes (1936), sur la chaîne, les tâches sont éclatées, parcellaires et effectuées à une cadence soutenue par des ouvriers spécialisés qui n'ont plus de savoir-faire. Dans le film, le personnage de Charlot devient un serre-boulons complètement abruti. Pour Friedmann, le travail à la chaîne réduit en miettes l'activité laborieuse et la vide de sens. Du coup, la fatigue, la démotivation et l'ennui éprouvés par les employés s'expriment par un absentéisme et un turn-over en hausse. En fin de compte, la productivité du travail a augmenté, mais à quel prix ? Cependant il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il existe des solutions : les entreprises peuvent recomposer les tâches, instituer une rotation sur les postes de travail afin qu'il y ait une « plurispécialisation » des ouvriers. Et si ce n'est pas possible, il faut alors promouvoir les loisirs afin que l'homme puisse se réaliser en dehors du travail.

Source : Alternatives Economiques

L'aliénation

Le terme aliénation, à l'origine terme juridique, servira par la suite à désigner la dépossession de l'individu et sa perte de maitrise de ses forces propres au profit de puissances supérieures, que celles-ci s'exercent à un niveau individuel (aliénation mentale) ou social (aliénation sociale et économique). L'aliénation du travail est également une thématique importante chez Karl Marx (1818-1883) : dans le monde capitaliste, le travailleur vend sa force de travail. La finalité de son travail lui échappe complètement. En ce sens, le travail humain étant assimilable à celui de la machine, le risque est grand pour que le gestionnaire de la production considère l'homme comme un rouage parmi d'autres, comme une pièce interchangeable.

Source : wikipedia

Pour Karl Marx (« Manuscrits de 1844 » , 1844), l'aliénation présente trois aspects :

• Niveau de la marchandise : à la différence de l'artisan, l'ouvrier ne produit qu'une petite partie de la marchandise et cette marchandise ne lui appartient pas. Alors qu'il s'investit dans la chose (il y met une part de lui-même, par son travail), cette partie de lui-même lui est enlevée. L'ouvrier ressent le produit de son travail comme étranger à lui et en fin de compte comme hostile. Pourtant, cet objet, c'est lui. L'homme " prête sa vie à son objet ". Il met quelque chose de lui dans la chose et, s'il voit dans le produit de son travail quelque chose qui lui est étranger, c'est lui-même qui devient étranger à lui. Il perd sa qualité d'homme investie dans les choses.

• Niveau du travail lui-même : le travail lui-même apparaît comme étranger au travailleur. L'ouvrier ressent son travail comme quelque chose qui lui est imposé du dehors. Il se sent malheureux dans son travail. Il a l'impression qu'il le nie au lieu de l'affirmer. Dans le travail, il ne se sent plus lui-même. Il a l'impression de n'être lui-même qu'en dehors de son travail. Il le fuit. Le travail n'est plus une satisfaction de soi mais un simple moyen d'assurer l'existence et la satisfaction des besoins. Dans le travail, l'ouvrier ne s'appartient plus. Il appartient à un autre (le patron). Il se sent plus libre dans ses loisirs qui se résument en fait à des fonctions animales (boire, manger, procréer, dormir) que dans ses fonctions d'homme (travailler) où il se sent bestial. " Le bestial devient l'humain et l'humain devient bestial " .

• Niveau du travailleur : l'aliénation rend l'homme étranger à lui-même. Le travail, avons-nous dit, nous distingue de l'animal. C'est par lui que nous sommes humains, parce que nous sommes conscients de notre activité. L'homme se contemple dans le monde qu'il a créé. C'est dans la transformation que l'homme s'affirme comme homme. Autrement dit, si le travail apparaît comme étranger, l'homme perd son essence. "L'homme est rendu étranger à l'homme ".

Source : http://sos.philosophie.free.fr/

Auteur de référence sur ces problèmes :

Philippe Askenazy, né le 22 octobre 1971, est économiste français, Directeur de recherche au CNRS, chercheur à l’École d'économie de Paris. Ouvrage majeur : « Les désordres du travail : Enquête sur le nouveau productivisme » (2004)