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Nodules cutanés révélant une alternariose systémique Guillaume Moulis 1 , Clément Gaudin 1 , Sophie Cassaing 2 , Emilie Tournier 3 , Laurent Balardy 1 1. CHU de Toulouse, université de Toulouse, service de médecine interne et de gérontologie clinique, Toulouse, France 2. CHU de Toulouse, université de Toulouse, service de parasitologie-mycologie, Toulouse, France 3. CHU de Toulouse, université de Toulouse, service d’anatomie et cytologie pathologique, Toulouse, France Correspondance : Guillaume Moulis, Service de médecine interne et de gérontologie clinique, secteur B, 170, avenue de Casselardit, TSA 40031, 31059 Toulouse cedex 9, France. [email protected] Disponible sur internet le : 28 avril 2013 Cutaneous nodules revealing systemic alternariosis Un homme de 84 ans était hospitalisé pour anasarque liée à une décompensation de cirrhose auto-immune ancienne. Ses autres antécédents étaient un diabète de type 2 sous insulinothérapie, une fibrillation auriculaire permanente sous fluindione, une hypertension artérielle sous furosémide et spironolactone et enfin une suspicion de myosite traitée depuis deux mois par corticoïdes (prednisone, 1 mg/kg par jour). À l’examen, on notait des nodules érythémateux indolores non prurigineux des membres, évoluant depuis un mois (figure 1ac). Il n’y avait pas de fièvre, pas d’altération de l’état général, pas d’antécédent de voyage ni de contage mycobactérien, pas de souffle valvulaire, pas d’argument pour une maladie de système. Sur le plan biologique, il y avait un syndrome inflammatoire biologique modéré (CRP, 30 mg/L). Les hémocultures étaient stériles. Une biopsie d’un nodule révéla des granulomes épithélioïdes sans nécrose caséeuse entourant des spores et des filaments (figure 2a et b). La culture permit la prolifération de filaments vésiculeux évocateurs de champignon filamenteux (figure 2c). Une PCR pan-fungique (région ITS2) identifia Alternaria infectoria. Les hémocultures mycologiques étaient négatives et l’échocardiographie ne montra pas de signe d’endocardite. Les corticoïdes furent arrêtés (suspicion de myosite dédouanée) et un traitement antifungique par amphotéricine B (3 mg/kg par jour) débuté pour trois semaines. À l’issue du traitement, les lésions étaient cicatrisées (figure 2d). Presse Med. 2013; 42: 14211423 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com 1421 Images en médecine tome 42 > n810 > octobre 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.01.061

Nodules cutanés révélant une alternariose systémique

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Page 1: Nodules cutanés révélant une alternariose systémique

Presse Med. 2013; 42: 1421–1423� 2013 Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Disponible sur internet le :28 avril 2013

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tome 42 > n810 > octobre 2013http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.01.061

Nodules cutanés révélant une alternariosesystémique

Guillaume Moulis1, Clément Gaudin1, Sophie Cassaing2, Emilie Tournier3,Laurent Balardy1

1. CHU de Toulouse, université de Toulouse, service de médecine interne et degérontologie clinique, Toulouse, France

2. CHU de Toulouse, université de Toulouse, service de parasitologie-mycologie,Toulouse, France

3. CHU de Toulouse, université de Toulouse, service d’anatomie et cytologiepathologique, Toulouse, France

Correspondance :Guillaume Moulis, Service de médecine interne et de gérontologie clinique, secteurB, 170, avenue de Casselardit, TSA 40031, 31059 Toulouse cedex 9, [email protected]

Cutaneous nodules revealing systemic alternariosis

Un homme de 84 ans était hospitalisé pour anasarque liée à une décompensation decirrhose auto-immune ancienne. Ses autres antécédents étaient un diabète de type 2 sousinsulinothérapie, une fibrillation auriculaire permanente sous fluindione, une hypertensionartérielle sous furosémide et spironolactone et enfin une suspicion de myosite traitée depuisdeux mois par corticoïdes (prednisone, 1 mg/kg par jour). À l’examen, on notait des nodulesérythémateux indolores non prurigineux des membres, évoluant depuis un mois (figure 1a–c). Iln’y avait pas de fièvre, pas d’altération de l’état général, pas d’antécédent de voyage ni decontage mycobactérien, pas de souffle valvulaire, pas d’argument pour une maladie de système.Sur le plan biologique, il y avait un syndrome inflammatoire biologique modéré (CRP, 30 mg/L).Les hémocultures étaient stériles.Une biopsie d’un nodule révéla des granulomes épithélioïdes sans nécrose caséeuse entourantdes spores et des filaments (figure 2a et b). La culture permit la prolifération de filamentsvésiculeux évocateurs de champignon filamenteux (figure 2c). Une PCR pan-fungique (régionITS2) identifia Alternaria infectoria. Les hémocultures mycologiques étaient négatives etl’échocardiographie ne montra pas de signe d’endocardite. Les corticoïdes furent arrêtés(suspicion de myosite dédouanée) et un traitement antifungique par amphotéricine B(3 mg/kg par jour) débuté pour trois semaines. À l’issue du traitement, les lésions étaientcicatrisées (figure 2d).

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Figure 1

a : nodules cutanés de la main droite ; b : nodule ulcéré de la face postérieure de la jambe droite ; c : nodules multiples de la jambe droite

Figure 2

a : biopsie d’un nodule ulcéré (microscopie optique, Hémalun-éosine, grossissement � 5) : granulomes dans le derme entourant desspores et des filaments ; b : biopsie d’un nodule ulcéré (microscopie optique, coloration de Grocott, grossissement � 40) : spores etfilaments au centre des granulomes ; c : culture fungique : champignon filamenteux sans sporulation ; d : cicatrisation des lésions desjambes après trois semaines de traitement

G Moulis, C Gaudin, S Cassaing, E Tournier, L Balardy

tome 42 > n810 > octobre 2013

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Référence[1] Pastor JF, Guarro J. Alternaria infections: laboratory diagnosis and

relevant clinical features. Clin Microbiol Infect 2008;14:734-46.

Nodules cutanés révélant une alternariose systémique

Il existe plus de 50 espèces d’Alternaria spp. qui est unchampignon saprophyte cosmopolite et ubiquitaire.Alternaria alternata et A. infectoria sont les espèces le plussouvent en cause en pathologie humaine. Elles induisent despneumopathies et sinusites d’hypersensibilité. Plus rarement,Alternaria peut causer des infections oculaires, des onychomy-coses, des infections cutanées et des pneumopathies granu-lomateuses. L’inoculation est transdermique ou par inhalation[1].Les infections cutanées sont surtout observées chez despatients immunodéprimés. Le plus souvent, il s’agit de maculeérythémateuse et squameuse d’un membre, correspondant àla porte d’entrée du parasite à travers la peau. L’exposition auxcorticoïdes favorise l’évolution papuleuse et ulcérée. En revan-che, les nodules indolores multiples en sites non contigussignent comme chez notre patient une maladie disséminée,forme plus rare [1].

tome 42 > n810 > octobre 2013

Pour les formes cutanées superficielles survenant sous corti-coïdes, l’arrêt de l’immunosuppresseur est le plus souventsuffisant pour entraîner la disparition de la lésion. L’applicationde chaleur et l’oxygénothérapie hyperbare ont été proposées.Dans les formes plus graves ou les formes disséminées, untraitement anti-infectieux est requis. L’amphotéricine B, l’itra-conazole et le voriconazole sont les médicaments de choix.Alternaria est résistant au fluconazole, et offre des sensibilitésvariables au kétoconazole in vitro [1].

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.Remerciements : Centre national de référence des mycoses invasives etantifongiques (CNRMA), 75015 Paris, France, pour l’identification de l’espèceen cause.

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