50
Nom du poète Pays d’origine ou d’exil Thème Titre du poème Page Bellefeuille, Normand de (1949-…) Québec Processus d’écriture « le poème est une maison de long séjour » 2 Définition de l’essence de la poésie « le poème n’est surtout pas de l’ordre du paraître » 2 Sujet d’intérêt de la poésie « le poème est le presque » 3 « le poème et toi » 3 Définition de la nature de la poésie « le poème ne désespère jamais » 3 Définition de la poésie « accordez-moi cette définition » 3 Bonnefoy, Yves France Suite du monde « Que ce monde demeure » 4 Souvenir et mélancolie « La pluie d’été » 7 Castera, Georges (1936) Haïti Totalitarisme et censure « La lettre sous la langue » 8 Misère, barbarie, inhumanité « Ranquitte » 9 Langue (expression, alphabétisation) « Souhait » 10 Darwich, Mahmoud (1941-2008) Palestine Réconciliation, pacifisme « État de siège » 11 Ségrégation, patriotisme « Identité » 12 Miracle amoureux, recommencement « Je ne désire de l'amour que le commencement » 13 Miracle amoureux, réconciliation « Nuit qui déborde du corps » 14 Identité et patriotisme « Pour décrire les fleurs d'amandiers » 15 Dupré, Louise (1949-…) Québec Écriture et ordre du monde «de mémoire tu refais...» 16 Écriture et prise sur le monde « chaque poème est un automne » 16 Écriture et course contre la mort « tu rêves encore » 16 Écriture et engagement «tu avales la réalité » 17 Écriture et remémoration « tu écris » 17 Kibuanda, Nina (1977-...) Congo, France Engagement « Des mots » 18 Engagement « L'envie d'écrire » 20 Mépris « Le rire» 22 Claire Krähenbühl (1942-…) Suisse Éphémère séduction « A corps perdu » 24 Résistance (analogie avec la nature) « Contre le doute » 24 Avènement « Lamento» 24 Lapointe, P-M (1929- 2011) Québec Appel à la consolation « Quel amour? » 25 Nelligan, Émile (1879 - 1941) Québec Apitoiement « Berceuse » 26 Gloire éphémère « La romance du vin » 27 Spleen, malaise existentiel « Soir d’hiver » 28 Altérité, marginalité « Un poète » 29 Idéal déchu « Le Vaisseau d’Or » 30 Neruda Pablo (1904 - 1973) Chili Effusion amoureuse « Poème 1 » 31 Prodige amoureux « Poème 24 » 32 Âme sœur (amour identitaire, indigène) « Poème 29» 33 Harmonie, communion amoureuse « Poème 48 » 34 Tribulations amoureuses « Poème 71 » 35 Regret, affliction « Poème XX » 36 Phelps, Anthony (1928-…) Haïti, puis Québec Mélancolie et négritude (femme créole) « Mon amour » 37 Amour et négritude (femme créole) « Orchidée nègre » 38 Mélancolie et négritude (femme créole) « Teinturière » 39 Rilke, Rainer Marie (1875-1926) Autriche, Suisse Vie psychique « J’apprends à voir.» 40 Écriture (art poétique) Les Cahiers de Malte Laurids Brigge 41 Saïd, Amina (1953-…) Tunisie, puis France Essence de l’homme « nous sommes les hôtes inconnus » 42 Poésie : lieu de l’essentiel « toujours dans le poème » 43 Senghor, Léopold Sédar (1906-2001) Sénégal Réconciliation, Reconnaissance « Aux soldats négro- américains » 44 Négritude (matrilignage) « Femme noire » 45 Stétié, Salah (1929-…) Liban Essence de l’homme « Le bleu de la question » 46 Antimilitarisme « Mort d’un homme, naissance d’un pays » 48 Neruda Pablo (1904 - 1973) Chili Hymne à la beauté de Mathilde « Belle » 49 Introspection et renaissance spirituelle « Je demande le silence » 50

Nom du poète Pays d’origine Thème Titre du poème …miseaniveaulavery.weebly.com/uploads/7/6/6/4/7664669/antho_poesie... · Québec Processus d’écriture « le poème est une

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Nomdupoète Paysd’origineoud’exil

Thème Titredupoème Page

Bellefeuille,Normandde(1949-…)

Québec Processusd’écriture «lepoèmeestunemaisondelongséjour»

2

Définitiondel’essencedelapoésie «lepoèmen’estsurtoutpasdel’ordreduparaître»

2

Sujetd’intérêtdelapoésie «lepoèmeestlepresque» 3 «lepoèmeettoi» 3Définitiondelanaturedelapoésie «lepoèmenedésespère

jamais»3

Définitiondelapoésie «accordez-moicettedéfinition»

3

Bonnefoy,Yves France Suitedumonde «Quecemondedemeure» 4

Souveniretmélancolie «Lapluied’été» 7

Castera,Georges(1936)

Haïti Totalitarismeetcensure «Lalettresouslalangue» 8Misère,barbarie,inhumanité «Ranquitte» 9Langue(expression,alphabétisation) «Souhait» 10

Darwich,Mahmoud(1941-2008)

Palestine Réconciliation,pacifisme «Étatdesiège» 11Ségrégation,patriotisme «Identité» 12Miracleamoureux,recommencement «Jenedésiredel'amourque

lecommencement»13

Miracleamoureux,réconciliation «Nuitquidébordeducorps» 14Identitéetpatriotisme «Pourdécrirelesfleurs

d'amandiers»15

Dupré,Louise(1949-…)

Québec Écritureetordredumonde «demémoireturefais...» 16Écritureetprisesurlemonde «chaquepoèmeestun

automne»16

Écritureetcoursecontrelamort «turêvesencore» 16Écritureetengagement «tuavaleslaréalité» 17Écritureetremémoration «tuécris» 17

Kibuanda,Nina(1977-...)

Congo,France

Engagement «Desmots» 18Engagement «L'envied'écrire» 20Mépris «Lerire» 22

ClaireKrähenbühl(1942-…)

Suisse

Éphémèreséduction «Acorpsperdu» 24Résistance(analogieaveclanature) «Contreledoute» 24Avènement «Lamento» 24

Lapointe,P-M(1929-2011)

Québec Appelàlaconsolation «Quelamour?» 25

Nelligan,Émile(1879-1941)

Québec Apitoiement «Berceuse» 26Gloireéphémère «Laromanceduvin» 27Spleen,malaiseexistentiel «Soird’hiver» 28Altérité,marginalité «Unpoète» 29Idéaldéchu «LeVaisseaud’Or» 30

NerudaPablo(1904-1973)

Chili Effusionamoureuse «Poème1» 31Prodigeamoureux «Poème24» 32Âmesœur(amouridentitaire,indigène) «Poème29» 33Harmonie,communionamoureuse «Poème48» 34Tribulationsamoureuses «Poème71» 35Regret,affliction «PoèmeXX» 36

Phelps,Anthony(1928-…)

Haïti,puisQuébec Mélancolieetnégritude(femmecréole) «Monamour» 37Amouretnégritude(femmecréole) «Orchidéenègre» 38Mélancolieetnégritude(femmecréole) «Teinturière» 39

Rilke,RainerMarie(1875-1926)

Autriche,Suisse Viepsychique «J’apprendsàvoir.» 40Écriture(artpoétique) LesCahiersdeMalteLaurids

Brigge41

Saïd,Amina(1953-…)

Tunisie,puisFrance Essencedel’homme «noussommesleshôtesinconnus»

42

Poésie:lieudel’essentiel «toujoursdanslepoème» 43Senghor,LéopoldSédar(1906-2001)

Sénégal Réconciliation,Reconnaissance «Auxsoldatsnégro-américains»

44

Négritude(matrilignage) «Femmenoire» 45Stétié,Salah(1929-…) Liban Essencedel’homme «Lebleudelaquestion» 46

Antimilitarisme «Mortd’unhomme,naissanced’unpays»

48

NerudaPablo(1904-1973)

Chili HymneàlabeautédeMathilde «Belle» 49Introspectionetrenaissancespirituelle «Jedemandelesilence» 50

emilie
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Établissez votre palmarès d'appréciation (de 1 à 10) des textes suivants. Profitez de la lecture qu'en font les auteurs (cf. site web/ onglet Rencontres littéraires).
emilie
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NormanddeBellefeuille

NéàMontréal,en1949,NormanddeBellefeuilleapubliéunetrentainedetitresdepuis1973.Poète,nouvellier,essayisteetromancier,iladéjàobtenuleprixdepoésieÉmile-Nelligan(1984),leprixdepoésiedelaFondationdesForges(1986),leprixdelanouvelleAdrienne-ChoquetteetleprixdelanouvelledeRadio-Canada(1989),lesprixdepoésieAlain-Grandboisdel’AcadémiedesLettresduQuébecetduGouverneurgénéralduCanada,(2000).«lepoèmeestunemaisondelongséjour»lepoèmeestunemaisondelongséjoursouventilnesesouvientplusdelaraisonquil'yaemmenéalorsilabandonnecetteinutiletentationdemémoirecen’estpassacompétencecen’estpassonécolecen’estpassaferveurcen’estpassalumièrelepoèmeestunemaisondelongséjourdites-lerépétez-lechantez-lemaisaussidites-vousrépétez-vouschantez-vousquejamaisdecettemaisondelongséjourlepoèmenesortira

«lepoèmen’estsurtoutpasdel’ordreduparaître»lepoèmen’estsurtoutpasdel’ordreduparaîtrediscretàpeines‘ilmurmureneveutdérangerpersonnenesechuchotequ’àlui-mêmeunedeuxettroisparolesd’amourlesentendez-vous?lepoèmelepoèmeestundéploiementhorsdemoisanssoucidesapparencescetteexpérienceestsimplesisimplequeplusieursn’ycroientpasouicelamepoussedanslenoiretpuis?n’arrive-t-ilpasquelenoirvoussoitaccueillant?

2

NormanddeBellefeuille

«lepoèmeestlepresque»lepoèmeestlepresquerienunmotunautreainsidesuitemaissansmoded’emploisauflavielourdedetouscesmots-làquiinsistentpourêtrenommésépeléschuchotéscriésrayéstraduitspuisoubliésàjamaisvoilà:c’estça,précisémentlepresquerien«lepoèmeettoi»lepoèmeettoiserezmonhappyendmaintenantjen’endouteplusjemesuistoujoursméfiédeshappyendmaistumeréconciliestum’aidesàapprivoiserlanuitetlepoèmeetlanuitdupoèmelàoùilyaquelquechosequiavance,noirnoir,endessousquenousneconnaissonspasquenousneconnaîtronsjamais

avantd’enpartagerprécisément,ledessoussinoirsinoiralorsquisaitsicenoirneserapas,ànouveauunhappyendquisait?dis-moi?«lepoèmenedésespèrejamais»

lepoèmenedésespèrejamaislepoète,luitropsouventalorslepoèmelerappelleàl’ordreetluimontredesbeautésqu’ilavaitdepuissilongtempsperduesdevuelepoèmeestclairvoyantetlepoètesimyope«accordez-moicettedéfinition»accordez-moicettedéfinition:lepoèmeestuneparolemuetteetuneinfirmitéprofondelàjustelàoùellecoïncideavecl’obscuritéétrangedel’amour

3

emilie
Zone de texte
De Bellefeuille, Normand, Le poème est une maison de long séjour, Éditions du Noroît, 2014, 178p.

YvesBonnefoy

YvesBonnefoy,néàTours(Indre-et-Loire) le24 juin1923, est un poète, critique et traducteur français.(Source,Wikipédia.)

«Quecemondedemeure»

Jeredresseunebranche

Quis'estrompue.Lesfeuilles

Sontlourdesd'eauetd'ombre

Commececiel,d'encore

Avantlejour.Ôterre,

Signesdésaccordés,cheminsépars,

Maisbeauté,absoluebeauté,

Beautédefleuve,

Quecemondedemeure,

Malgrélamort!

Serréecontrelabranche

L'olivegrise.

II

Quecemondedemeure,

Quelafeuilleparfaite

Ourleàjamaisdansl'arbre

L'imminencedufruit!

Queleshuppes,leciel

S'ouvrant,àl'aube,

S'envolentàjamais,dedessousletoit

Delagrangevide,

Puisseposent,là-bas

Danslalégende,

Ettoutestimmobile

Uneheureencore.

III

Quecemondedemeure!

Quel'absence,lemot

Nesoientqu'un,àjamais,

Danslachosesimple.

L'unàl'autrecequ'est

Lacouleuràl'ombre,

L'ordufruitmûràl'or

Delafeuillesèche.

Etnesedissociant

Qu'aveclamort

4

YvesBonnefoy

Commebrillanceeteauquittentlamain

Oùfondlaneige.

IV

Oh,quetantd'évidence

Necessepas

Commes'éteintleciel

Danslaflaquesèche,

Quecemondedemeure

Telquecesoir,

Qued'autresquenousprennent

Aufruitsansfin,

Quecemondedemeure,

Qu'entre,àjamais,

Lapoussièrebrillantedusoird'été

Danslasallevide,

Etruisselleàjamais

Surlechemin

L'eaud'uneheuredepluie

Danslalumière.

V

Quecemondedemeure,

Quelesmotsnesoientpas

Unjourcesossements

Gris,qu'aurontbecquetés,

Criant,sedisputant,

Sedispersant,

Lesoiseaux,notrenuit

Danslalumière.

Quecemondedemeure

Commecesseletemps

Quandonlavelaplaie

Del'enfantquipleure.

Etlorsquel'onrevient

Danslachambresombre

Onvoitqu'ildortenpaix,

Nuit,maislumière.

VI

Bois,disaitcellequi

S'étaitpenchée,

Quandilpleurait,confiant,

Aprèssachute.

5

YvesBonnefoy

Bois,etqu'ouvretamain

Maroberouge,

Queconsentetabouche

Àsabonnefièvre.

Detonmalpresqueplus

Riennetebrûle,

Boisdecetteeau,quiest

L'espritquirêve.

VII

Terre,quivintànous

Lesyeuxfermés

Commepourdemander

Qu'unemainlaguide.

Elledirait:nosvoix

Quiseprennentaurien

L'unedel'autresoient

Notresuffisance.

Noscorpstententlegué

D'untempspluslarge,

Nosmainsnesachentrien

Del'autrerive.

L'enfantnaissedurien

Duhautdufleuve

Etpasse,danslerien,

Debarqueenbarque.

VIII

Etencore:l'été

N'auraqu'uneheure

Maislanôtresoitvaste

Commelefleuve.

Carc'estdansledésir

Etnonletemps

Qu'apuissancel'oubli

Etquemorttravaille,

Etvois,monseinestnu

Danslalumière

Dontlespeinturessombres,indéchiffrées,

Passentrapides.

6

YvesBonnefoy

YvesBonnefoy"Lapluied'été",1999-etpremièresectiondurecueil"Les Planches courbes", Mercure de France, 2001 ;rééditéenPoésie/Gallimard,2003LAPLUIED’ÉTÉIMaislepluschermaisnonLemoinscruelDetousnossouvenirs,lapluied’étéSoudaine,brève.Nousallions,etc’étaitDansunautremonde,Nosbouchess’enivraientDel’odeurdel’herbe.Terre,L’étoffedelapluieseplaquaitsurtoi. C’étaitcommeleseinQu’eûtrêvéunpeintre.IIEttôtaprèslecielNousconsentaitCetorquel’alchimieAuratantcherché.Nousletouchions,brillant,Surlesbranchesbasses,NousenaimionslegoûtD’eau,surnoslèvres.EtquandnousramassionsBranchesetfeuilleschues,Cettefuméelesoirpuis,brusque,cefeu,C’étaitl’orencore.YvesBonnefoy"Lapluied'été",1999-etpremièresectiondurecueil"Les Planches courbes", Mercure de France, 2001 ;rééditéenPoésie/Gallimard,2003

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«"La"lettre"sous"la"langue"»"de"Georges"Castera"!Portrait':'Georges'Castera'"Date"de"naissance:"27/12/1936"Lieu"de"naissance:"Port>au>Prince,"Haïti"!«Georges!Castera!fils!est!né!le!27!décembre!1936!à!Port=au=Prince!(Haïti),!fils!du!médecin!haïtien!Georges!Castera!et!d'Irène!Aubry.!!!Castera!est!l'une!des!plus!grandes!figures!de!la!poésie!haïtienne!contemporaine.!!Très!jeune,!il!commence!à!écrire!dans!ce!Port=au=Prince!fasciné!par!les!lettres.!À!partir!des!années!50,!il!se!fait!connaître!dans!les!journaux!de!Port=au=Prince!et!est!accueilli!chaleureusement!par!les!aînés.!!En!1956,!il!part!pour!l'Europe.!Il!entame!des!études!en!médecine!en!Espagne!qu'il!abandonne!pour!suivre!une!carrière!poétique.!Militant!de!gauche,!toutes!les!luttes!du!monde!qui!entendent!libérer!l'Homme!l'intéressent.!Son!œuvre!est!une!révolte!contre!l'injustice,!la!misère!et!la!répression!et!un!pari!sur!l'amour!et!le!désir.!!Dans!les!années!1970,!on!le!retrouve!aux!États=Unis!où!il!travaille!au!théâtre!avec!les!metteurs!en!scène!Syto!Cavé!et!Hervé!Denis.!Il!prend!une!part!active!dans!l'organisation!politique!de!la!communauté!haïtienne!de!New!York!et!dans!la!formation!de!la!troupe!de!théâtre!Kouidor.!!À!la!chute!de!Duvalier!en!1986,!Georges!Castera!rentre!à!Port=au=Prince,!après!30!ans!d'exil!et!contribue!à!la!formation!poétique!des!jeunes!tant!de!Port=au=Prince!que!de!la!province,!à!l'aide!de!ses!lectures!et!interventions!publiques,!souvent!avec!des!amis!écrivains!comme!Anthony!Phelps!et!Cavé.!!Castera!vit!actuellement!à!Pétion=ville!où!il!partage!son!temps!entre!l'édition!et!l'écriture.!Poète,!dessinateur!et!directeur!littéraire!aux!éditions!Mémoire,!il!écrit!en!français,!en!créole!et!en!espagnol.!Il!est!membre!fondateur!de!l'Association!des!écrivains!haïtiens.!»!!!Lyrikline.org!!""

""«"La"lettre"sous"la"langue"»""Je"t’écris"pour"te"dire"que"je"vis"à"fleur"d’encre"dans"une"ville"de"béton"armé"On"tire"lamentablement"dans"ma"rue"Dire"et"déjà"trop"dire"le"bonheur"sous"chloroforme""Qui"habitera"avec"nous"cet"espace"mensonger"l’incertitude"de"ce"pays"aphone"à"force"de"faire"des"promesses"à"des"bonheurs"sans"complices"à"des"rêves"de"plein"jour"et"de"plain>pied"?""Déjà"l’ellipse"ma"main"coupée"en"deux"Il"faut"trancher"Je"suis"un"homme"qui"du"rebord"piégé"de"la"lune"et"du"rebond"de"la"lettre"et"du"piège"de"l’esprit"appelle"la"folie"devant"la"mer"en"ruine"et"puisqu’il"te"faut"un"récit"court"celui"des"fous"derrière"la"porte"des"lapsus"ou"des"masques"allumés"qui"font"un"bruit"de"poulie"dans"les"os"je"t’écris"pour"t’apprendre"que"j’ai"longtemps"parlé"avec"les"poings"serrés"pour"ne"pas"crier"avec"l’horizon"qui"fait"naufrage."""©"Georges"Castera"Écrit"en:"1992"Extrait"de:"Les!cinq!lettres"Imprimerie"Natal,"Port>au>Prince"1992"

8

«"Ranquitte"»"de"Georges"Castera"!«"Ranquitte*"»""Ranquitte"bois"sec,""terre"poussiéreuse."Nous"avons"des"membranes"fibreuses"avant"d’avoir"des"muscles."Ranquitte"où,"a"midi,"le"soleil"agit"tel"un"chien"fou"qui"cherche"à"mordre"les"gens.""Les"cactus"lèvent"leur"pancartes"épineuses"Et"les"passent"sur"nos"corps."Nous"devenons"maboule."On"dirait"que"nous"sommes"marqués"à"l’étampe"du"malheur."Notre"voie"est"barrée.""Zéro"barré,"Ainsi"nous"allons""Comme"un"baril"de"lards"Qui"roule"avec"notre"peau,"avec"notre"âme,"avec"ce"qui"nous"reste"de"souffle""Ranquitte"sous"notre"cœur"Ainsi"ressentonsLnous"la"douleur,"Comme"une"chose"imaginaire,""une"chose"impossible,"une"perruque""qu’on"envoie"en"l’air"sur"les"arbres"et"puis""les"enfants"qui"gonflent"comme"des"ballons,"qui"tombent"par"terre"comme"des"plumes"de"poule,"des"enfants"qui"roulent,"qui"rampent"et"qui"s’en"vont,""les"enfants"qui"se"lèvent"comme"des"cris"désespérés"qu’on"étouffe"pour"qu’on"n’entende"pas"crier.""Ranquitte"tel"un"vent"mauvais"qui"souffle"sur"mon"pays,""un"vent"mauvais,"

qui"vous"prend"par"la"tête"pour"vous"faire"tourner"sur"vos"talons"dans"tous"les"sens.""Les"gens"courent"en"plein"jour"aboyant"de"faim"comme"des"chiens."Tout"est"sans"pied"ni"tête";"les"arbres,"crochus.""Le"pays,"mes"amis,"est"une"douleur"que"nous"ressentons"sous"le"cœur,"sous"le"nombril";"pour"tout"dire,"à"même"notre"Ranquitte.""Extrait"de:"Biswit"Leta"Ed."I.N.I.P.,"New"York"1978""*"Édition"française"du"poème"créole"«"Rankit"»"http://lyrikline.org/index.php?id=162&L=2&author=gc00&show=Poems&poemId=3366&cHash=8621ee49f6#top""

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«"Souhait"»"de"Georges"Castera"!Portrait':'Georges'Castera'"Date"de"naissance:"27/12/1936"Lieu"de"naissance:"Port?au?Prince,"Haïti"!«Georges!Castera!fils!est!né!le!27!décembre!1936!à!Port=au=Prince!(Haïti),!fils!du!médecin!haïtien!Georges!Castera!et!d'Irène!Aubry.!!!Castera!est!l'une!des!plus!grandes!figures!de!la!poésie!haïtienne!contemporaine.!!Très!jeune,!il!commence!à!écrire!dans!ce!Port=au=Prince!fasciné!par!les!lettres.!À!partir!des!années!50,!il!se!fait!connaître!dans!les!journaux!de!Port=au=Prince!et!est!accueilli!chaleureusement!par!les!aînés.!!En!1956,!il!part!pour!l'Europe.!Il!entame!des!études!en!médecine!en!Espagne!qu'il!abandonne!pour!suivre!une!carrière!poétique.!Militant!de!gauche,!toutes!les!luttes!du!monde!qui!entendent!libérer!l'Homme!l'intéressent.!Son!œuvre!est!une!révolte!contre!l'injustice,!la!misère!et!la!répression!et!un!pari!sur!l'amour!et!le!désir.!!Dans!les!années!1970,!on!le!retrouve!aux!États=Unis!où!il!travaille!au!théâtre!avec!les!metteurs!en!scène!Syto!Cavé!et!Hervé!Denis.!Il!prend!une!part!active!dans!l'organisation!politique!de!la!communauté!haïtienne!de!New!York!et!dans!la!formation!de!la!troupe!de!théâtre!Kouidor.!!À!la!chute!de!Duvalier!en!1986,!Georges!Castera!rentre!à!Port=au=Prince,!après!30!ans!d'exil!et!contribue!à!la!formation!poétique!des!jeunes!tant!de!Port=au=Prince!que!de!la!province,!à!l'aide!de!ses!lectures!et!interventions!publiques,!souvent!avec!des!amis!écrivains!comme!Anthony!Phelps!et!Cavé.!!Castera!vit!actuellement!à!Pétion=ville!où!il!partage!son!temps!entre!l'édition!et!l'écriture.!Poète,!dessinateur!et!directeur!littéraire!aux!éditions!Mémoire,!il!écrit!en!français,!en!créole!et!en!espagnol.!Il!est!membre!fondateur!de!l'Association!des!écrivains!haïtiens.!»!!!Lyrikline.org!!""

""«"Souhait"»"""Les"mots"sont"contagieux""Apprends"donc"les"plus"utiles""Et"transmets?les"comme"ta"part"de"Liberté""Si"le"soleil"est"exposé"aux"pleurs""Rentre?le"chez"toi"sans"fracas."""Georges"Castera""

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Mahmoud(Darwich(

Darwich,(Mahmoud.(Anthologie*(1992/2005)/(Édition(bilingue,(Actes(Sud(2009,(320p.((p.185,(189,(191,(197)(!

«(État(de(siège(»((Extraits)((Ici,(aux(pentes(des(collines,(face(au(crépuscule(et(au(canon(du(temps((Près(des(jardins(aux(ombres(brisées,((Nous(faisons(ce(que(font(les(prisonniers,((Ce(que(font(les(chômeurs(:((Nous(cultivons(l’espoir.((Vous(qui(vous(dressez(sur(les(seuils,(entrez,((Buvez(avec(nous(le(café(arabe.(Vous(pourriez(vous(sentir(des(humains(comme(nous.((Vous(qui(vous(tenez(sur(les(seuils,((Sortez(de(nos(matins,((Nous(serons(rassurés(d’être(comme(vous,(Des(humains(!(((([À(un(assassin]((Si(tu(avais(contemplé(le(visage(de(la(victime((Et(réfléchi,(tu(te(serais(souvenu(de(ta(mère(dans(la(chambre(à(gaz,((Tu(te(serais(libéré(de(la(sagesse(du(fusil((Et(tu(aurais(changé(d’avis(:(Ce(n’est(pas(ainsi(qu’on(recouvre(son(identité!(([…](((Si(tu(n’es(pas(pluie,(mon(amour,((Sois(arbre((Fécond…(Sois(arbre.((Si(tu(n’es(pas(arbre,(mon(amour,(Sois(pierre((Humide…(Sois(pierre.(Si(tu(n’es(pas(pierre,(mon(amour,((Sois(lune((Dans(le(songe(de(l’aimée…(Sois(lune.(Ainsi(parla(une(femme((À(son(fils(qu’on(enterrait.((([…](((

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! Identité((!Inscris!!!Je!suis!Arabe!Le!numéro!de!ma!carte!:!cinquante!mille!Nombre!d'enfants!:!huit!Et!le!neuvième...!arrivera!après!l'été!!!Et!te!voilà!furieux!!!!Inscris!!!Je!suis!Arabe!Je!travaille!à!la!carrière!avec!mes!compagnons!de!peine!Et!j'ai!huit!bambins!Leur!galette!de!pain!Les!vêtements,!leur!cahier!d'écolier!Je!les!tire!des!rochers...!Oh!!!je!n'irai!pas!quémander!l'aumône!à!ta!porte!Je!ne!me!fais!pas!tout!petit!au!porche!de!ton!palais!Et!te!voilà!furieux!!!!Inscris!!!Je!suis!Arabe!Sans!nom!de!famille!J!je!suis!mon!prénom!«!Patient!infiniment!»!dans!un!pays!où!tous!Vivent!sur!les!braises!de!la!Colère!!!!!!Mes!racines...!!!!!!Avant!la!naissance!du!temps!elles!prirent!pied!!!!!!Avant!l'effusion!de!la!durée!!!!!!Avant!le!cyprès!et!l'olivier!!!!!!...avant!l'éclosion!de!l'herbe!Mon!père...!est!d'une!famille!de!laboureurs!!!!!!N'a!rien!avec!messieurs!les!notables!Mon!grandJpère!était!paysan!J!être!!!!!!Sans!valeur!J!ni!ascendance.!Ma!maison,!une!hutte!de!gardien!!!!!!En!troncs!et!en!roseaux!Voilà!qui!je!suis!J!cela!te!plaîtJil!?!!!!!!Sans!nom!de!famille,!je!ne!suis!que!mon!prénom.!!Inscris!!!!!!!!Je!suis!Arabe!Mes!cheveux...!couleur!du!charbon!Mes!yeux...!couleur!de!café!

Signes!particuliers!:!!!!!!Sur!la!tête!un!kéfié!avec!son!cordon!bien!serré!Et!ma!paume!est!dure!comme!une!pierre!...elle!écorche!celui!qui!la!serre!La!nourriture!que!je!préfère!c'est!!!!!!L'huile!d'olive!et!le!thym!!Mon!adresse!:!!!!!!Je!suis!d'un!village!isolé...!!!!!!Où!les!rues!n'ont!plus!de!noms!!!!!!Et!tous!les!hommes...!à!la!carrière!comme!au!champ!Aiment!bien!le!communisme!!!!!!Inscris!!!!!!!!Je!suis!Arabe!!!!!!Et!te!voilà!furieux!!!!!!! !!Inscris!!!!!!Que!je!suis!Arabe!Que!tu!as!raflé!les!vignes!de!mes!pères!!!!!!Et!la!terre!que!je!cultivais!!!!!!Moi!et!mes!enfants!ensemble!!!!!!Tu!nous!as!tout!pris!hormis!!!!!!Pour!la!survie!de!mes!petitsJfils!!!!!!Les!rochers!que!voici!!Mais!votre!gouvernement!va!les!saisir!aussi!!!!!!...à!ce!que!l'on!dit!!!!!!!!!!!!DONC!!Inscris!!!!!!!!En!tête!du!premier!feuillet!!!!!!Que!je!n'ai!pas!de!haine!pour!les!hommes!!!!!!Que!je!n'assaille!personne!mais!que!Si!j'ai!faim!!!!!!Je!mange!la!chair!de!mon!Usurpateur!Gare!!!Gare!!!Gare!!!!!!À!ma!fureur!!!!Mahmoud!Darwich!traduction:!Olivier!Carré!Chronique!de!la!tristesse!ordinaire!suivie!de!Poèmes!palestiniens!Paris,!Les!Éditions!du!Cerf,!1989!

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Mahmoud(Darwich((194122008)(

«"Je"ne"désire"de"l'amour"que"le"commencement"»"(Je(ne(désire(de(l'amour(que(le(commencement.(Au2dessus(des(places(de(ma(Grenade(Les(pigeons(ravaudent(le(vêtement(de(ce(jour(Dans(les(jarres,(du(vin(à(profusion(pour(la(fête(après(nous(Dans(les(chansons,(des(fenêtres(qui(suffiront(et(suffiront(pour(qu'explosent(les(fleurs(du(grenadier((Je(laisse(le(sambac(dans(son(vase.(Je(laisse(mon(petit(coeur(Dans(l'armoire(de(ma(mère.(Je(laisse(mon(rêve(riant(dans(l'eau(Je(laisse(l'aube(dans(le(miel(des(figues.(Je(laisse(mon(jour(et(ma(veille(Dans(le(passage(vers(la(place(de(l'oranger(où(s'envolent(les(pigeons((Suis2je(celui(qui(est(descendu(à(tes(pieds(pour(que(montent(les(mots(Lune(blanche(dans(le(lait(de(tes(nuits?(Martèle(l'air(Que(je(voie,(bleue,(la(rue(de(la(flûte.(Martèle(le(soir(Que(je(voie(comment(entre(toi(et(moi(s'alanguit(ce(marbre.(Les(fenêtres(sont(vides(des(jardins(de(ton(châle.(En(un(autre(temps(Je(savais(nombre(de(choses(de(toi,(et(je(cueillais(le(gardénia(À(tes(dix(doigts.(En(un(autre(temps(je(possédais(des(perles(Autour(de(ton(cou(et(un(nom(gravé(sur(une(bague(d'où(jaillissait(la(nuit((Je(ne(désire(de(l'amour(que(le(commencement.(Les(pigeons(se(sont(envolés(Par2dessus(le(toit(du(ciel(dernier.(Ils(se(sont(envolés(et(envolés.(Il(restera(après(nous(du(vin(à(profusion(dans(les(jarres(Et(quelque(terre(suffisante(pour(que(nous(nous(retrouvions,(et(que(la(paix(soit.(

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emilie

! Mahmoud(Darwich((194122008)(!

Darwich,(Mahmoud.(Anthologie*(1992/2005)/(Édition(bilingue,(Actes(Sud(2009,(320p.((p.129,(131,(133,(135)(!

Nuit%qui%déborde%du%corps%%(Jasmin(sur(les(nuits(de(juillet.(Chanson(Pour(deux(étrangers(qui(se(rencontrent(sur(une(rue((qui(ne(mène(nulle(part(Qui(suis2je(après(ces(deux(yeux(en(amande?(Dit(l'étranger(Qui(suis2je(après(ton(exil(en(moi?(Dit(l'étrangère(Prenons(garde(alors,(à(ne(pas(remuer(le(sel(des(mers(anciennes,(Dans(un(corps(qui(se(souvient(Elle(lui(restituait(son(corps(chaud(Et(il(lui(restituait(son(corps(chaud(Ainsi(les(deux(amants(étrangers(laissent(leurs((amours(en(désordre(Comme(ils(abandonnent(leurs(sous2vêtements(entre(les(fleurs(des(draps(2(Si(tu(es(vraiment(mon(aimé,(compose(un((Cantique(des(cantiques(pour(moi(Et(grave(mon(nom(sur(la(branche(d'un(grenadier,(dans(les(jardins(de(Babylone(2(Si(tu(m'aimes(vraiment,(place(mon(rêve(entre(mes(mains,(et(dis(Dis(au(fils(de(Marie:(Ainsi,(tu(nous(fais(subir(le(sort(que(tu(t'es(choisi(Seigneur,(sommes2nous(assez(justes,(pour(l'être(demain?(2(Comment(guérirais2je(du(jasmin,(demain?(2(Comment(guérirais2je(du(jasmin,(demain?(Ils(font(obscurité(ensemble,(dans(des(ombres(qui(dansent(au(plafond(de(sa(chambre(Elle(lui(dit:(Ne(sois(pas(ténébreux(après(mes(seins(Il(dit:(Tes(seins,(nuits(qui(éclairent(l'essentiel(Nuits(qui(me(couvrent(de(baisers,(et(nous((nous(sommes(emplis(Le(lieu(et(moi,(de(nuits(qui(débordent(de(la((coupe(Elle(rit(de(sa(description.(Et(elle(rit(encore(Lorsqu'elle(cache(la(pente(de(la(nuit(dans(sa(main(2(Mon(amour(s'il(m'était(donné(d'être(un((garçon,(je(serais(toi((2(Et(s'il(m'était(donné(d'être(une(fille,(je(serais(toi(Et(elle(pleure,(comme(à(son(habitude(lorsqu'elle(revient(d'un(ciel(couleur(de(vin(Emmène2moi(Etranger(dans(un(pays(où(Je(ne(possède(pas(un(oiseau(bleu(sur(un(saule(Et(elle(pleure,(pour(traverser(ses(forêts(dans(

((le(long(départ(vers(elle2même.(Qui(suis2je?(Qui(suis2je(après(ton(exil(dans(mon(corps?(Ah(cette(peine(qui(me(vient(de(moi,(de(toi(de((mon(pays(Qui(suis2je(après(ces(deux(yeux(en(amande?(Montre2moi(mon(lendemain!(Ainsi(les(deux(amants(laissent(leurs(adieux(en(désordre(Comme(le(parfum(du(jasmin(sur(les(nuits(de(juillet((Quand(vient(juillet(Le(jasmin(me(porte(à(une(rue(qui(ne(mène(nulle(part(Mais(je(chante(encore(Jasmin(Sur(les(nuits(De(juillet(((

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! Mahmoud(Darwich((194122008)(

Darwich,(Mahmoud.(Anthologie((199222005)/(Édition(bilingue,(Actes(Sud(2009,(320p.((p.259,(261,(263)(

!Pour!décrire!les!fleurs!d'amandiers!((Pour(décrire(les(fleurs(d'amandiers,(l'encyclopédie((des(fleurs(et(le(dictionnaire((ne(me(sont(d'aucune(aide…(Les(mots(m'emporteront((vers(les(ficelles(de(la(réthorique,(Et(la(réthorique(blesse(le(sens,(puis(flatte(sa(blessure,(Comme(le(mâle(dictant(à(la(femelle(ses(sentiments.(Comment(les(fleurs(d'amandiers((resplendiraient2elles((dans(ma(langue,(moi(l'écho?(Transparentes(comme(un(rire(aquatique,(Elles(perlent(de(la(pudeur(de(la(rosée((sur(les(branches…(Légères,(telle(une(phrase(blanche,(mélodieuse…(Fragiles,(telle(une(pensée(fugace((ouverte(sur(nos(doigts,(et(que(nous(concilions(pour(rien…(Denses,(tel(un(vers(que(les(lettres(ne(peuvent(transcrire.(Pour(décrire(les(fleurs(d'amandiers,(j'ai(besoin(de(visites((à(l'inconscient(qui(me(guide(aux(noms((d'un(sentiment(suspendu(aux(arbres.(Comment(s'appellent2elles?(Quel(est(le(nom(de(cette(chose((dans(la(poétique(du(rien?(Pour(ressentir(la(légèreté(des(mots,(j'ai(besoin(de(traverser(la(pesanteur(et(les(mots((lorsqu'ils(deviennent(ombres(murmurantes,(que(je(deviens(eux,(et(que,(transparents,(blancs,((ils(deviennent,(moi.(Ni(patrie,(ni(exil(que(les(mots,(Mais(passion(du(blanc((pour(la(description(des(fleurs(d'amandier.(Ni(neige,(ni(coton.(Qui(sont2elles(donc,((dans(leur(dédain(des(choses(et(des(noms?(Si(quelqu'un(parvenait((à(une(brève(description(des(fleurs(d'amandier,(la(brume(se(rétracterait(des(collines(et(un(peuple(dirait(à(l'unisson:(Les(voici,((les(paroles(de(notre(hymne(national!(

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[demémoireturefais...]/[chaquepoèmeestunautomne]/[turêvesencore]LouiseDupréDatedenaissance:09-07-1949LieudenaissanceSherbrooke,QuébecRésideà:MontréalLouiseDupré(néeen1949àSherbrooke,auQuébec),poète,romancière,dramaturgeetessayiste,aétudiéàl'UniversitédeSherbrookepuisàl'UniversitédeMontréal,oùelleaobtenu,en1987,undoctoratenlettres.Sathèseportesurlanouvellepoésiequébécoiseauféminin.De1981à1984,elleafaitpartieducollectifdesÉditionsduRemue-Ménage,oùelleaétéresponsableducomitédelecture.En1988,elleestentréeaucomitéderédactiondelarevueVoixetImages:Littératurequébécoise,dontelleaétédirectricede1995à1998.[demémoireturefais...]demémoireturefaisletrajetdumondetucherchesencorelepointaveugleoùsesontdiviséesleseauxducieletleseauxdelaterrepourquel’horizonjamaisnecessedemanqueràlasoifcequ’onappellel’amourrappellecetutoiementquetuimagineseneffleurantlesblessuressecrètesdespierres[chaquepoèmeestunautomne]chaquepoèmeestunautomnedeplusnonpasceluidesbellesphrasesseulementl’automneébouriffédanslesfeuillagestelslescheveuxdessorcièresquiamusentlesenfantssurlesbalconstuécrispourattirerlesoleildanslalenteurd'unérableavantquelesoirneviennel’engloutirtoutsefaitimagedanstacoursecontrelenoir

[turêvesencore]turêvesencorelesétésmoitesetl’instinctdesorchidéesquioffrentleurbeauveloursmêmesiellesfanerontàuneboutonnièredurantladernièredanseheureusementilyalesfleursilyadesorchestrescapablesdejouerpendantquelesnavirescoulentdanslamercen’estpaslecouragemaisunepeursansmerciquiaiguiselesarchetsdesnerfsonrépètedevieuxgestescommesilarépétitionpouvaitrendresupportablecedueld’avanceperdu

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[[tuavaleslaréalité]/[tuécris]LouiseDupréDatedenaissance:09-07-1949LieudenaissanceSherbrooke,QuébecRésideà:Montréal[tuavaleslaréalité]tuavaleslaréalitédelaruedeplusenplusdénudéesansregretniamertumeainsiqu’unesoupeverséedanslavieilletassed’unevieillevietoujourstuasvoululafaimetlasoifpuisqu'ilfautquelafaimtoujoursl’emporteetlasoif,etlegoûtd’unenouvellecaressetuécrispourquetonsangnerougissejamais

lemondetul’asjuré[tuécris]tuécrisaveccetespoirinquietquifaitleslivresquandlessouvenirsnelaissentplusqu’uncerneàlasurfacedesmotsunlacdouxpourlesnageurssortiscorpsetâmedejuillettulesregardesdansl’eausoulevéeenjuponcommeceluiquetuportaisautempsdulatinjusqu'àcequ'ilss’immobilisentàlahauteurdelapagepuisquetoutaunefinlespoèmes,leslacsetlesnidsdanslapeau

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«  Des  mots  »  de  Nina  Kibuanda    

 

Portrait  :  Nina  Kibuanda    Date  de  naissance:  12/03/1977  Lieu  de  naissance:  Kinshasa,  Congo  Lieu  de  Résidant:  Saint-­‐Herblain,  France      «Des  mots»1    Des  mots  Des  mots…  Des  mots  pour  donner  Des  

mots  pour  rendre  grâce  Des  mots  à  prendre  Non  

pas  à  rendre  Des  mots  Pour  se  nourrir,  boire,  Se  

péter  le  bide  le  foie  les  neurones  Des  mots  A  

mâcher,  à  ruminer,  à  savourer,  à  digérer  Des  

mots  à  laisser  infuser  Des  mots  à  diffuser  Des  

mots  pour  savoir  et  pouvoir  les  dire  oh  !!!  Des  

mots  Des  mots…  Démocratique  Des  mots  pour  

tous  Mots  pour  comprendre  mais  Mots  pour  agir  

Mots  pour  en  finir  Des  mots  qui  transforment  

Mots  incandescents,  rebelles  Mots  visionnaires  

Des  mots  contre  nos  maux  oh  !!!  Des  mots  Des  

mots…  Des  moratoires  Des  mots  pour  lire  et  

démolir  Des  mots  de  guerriers  Mots  pour  se  

battre  Des  mots  qui  coulent  comme  des  larmes  

Mais  mots  qui  sont  nos  armes  Des  Molotov  Des  

mots  de  la  teuf  Des  mots  de  vision  d’espoir  Des  

mots  juteux  heureux  Des  mots  lumineux  qui  

traversent  la  nuit  Des  mots  comme  des  étoiles  

filantes  Mais  qu’il  faudrait  suivre  Des  mots  

                                                                                                               1  Pour  la  présentation  graphique  du  poème,  voir  :  http://lyrikline.org/index.php?id=162&L=2&author=nk04&show=Poems&poemId=6585&cHash=32b677276f  

comme  des  guides  comme  des  drogues  Mots  

parfois  acides  Mots  gorgés  de  mescaline  Caféine  

benzédrine  codéine  nicotine  Mots  extatiques.  Les  

mots  sages  du  peyotl  du  désert  de  huiricuta  Qui  

versent  en  moi  une  goutte  d’éternité  Mots  de  

yamba  Mots  de  mota  Mots  de  marijuana  Mots  en  

toutes  les  langues  Car  mots  pour  tous…  Des  mots  

en  awate  et  en  espagnol  Mots  en  anglais  et  en  

wichole  Mots  sans  bémol  Mots  en  douala  Mots  

en  chinois  Mots  en  maya  Mots  en  hindi  Mots  à  

paris  Des  mots  en  hébreu  comme  en  reubeu  Des  

mots  des  moscovites  Des  mots  au  plus  vite  Des  

mots  en  allemand  Des  mots  chaque  jour  plus  

urgents  Des  mots  en  ourdou,  en  peul,  en  wolof  

En  catalan,  en  polonais,  en  arménien  Des  mots  de  

moldaves  car  ce  sont  des  mots  graves.  Des  mots  

Des  mots…  D’hémoglobine  Des  mots  qui  sont  

notre  sang  Des  mots  Des  mots…  D’hémorragie  

Des  mots  qu’on  n’arrête  pas  Des  mots  qui  sont  le  

soleil  la  pluie  et  la  fleur  à  la  fois  Des  mots  qui  sont  

Krishna  Des  mots  Des  mots…  Rien  que  des  mots  

toujours  des  mots  les  mêmes  mots  Démodés  

mais  pas  démotivés  Mots  qui  ne  meurent  jamais  

Mots  qui  ont  traversé  le  temps  Des  mots  qui  ont  

du  talent  Des  mots…  Des  mots…  Des  mots…  Des  

mots  jusqu’au  plus  profond  Même  au  delà  des…  

maux…  

   ©  Nina  Kibuanda  

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«  Des  mots  »  de  Nina  Kibuanda    

 

Vocabulaire  :    Teuf  :  fête    Peyotl  :  cactus  Huiricuta  :  Yamba  :  Mota  :  Awate  :  Wichole  :  Douala  :  Ville  de  Cameroun,  port  sur  le  golfe  du  Guinée  Reubeu  :  Ourdou  :  Une  des  deux  langues  officielles  du  Pakistan  Peuk  :    Wolof  :  Langue  africaine  Moldaves  :      

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«"L’envie"d’écrire"»"de"Nina"Kibuanda"!Portrait':'Nina'Kibuanda'"«Nina"Kibuanda"né"le"12"Mars"1977"à"Kinshasa,"comédien"slameur,"se"consacre"au"rap"dès"l’âge"de"13"ans"puis"fait"partie"d’un"groupe":"«"Ligne"de"Mire"»."À"18"ans,"il"prend"goût"aux"mots."Parallèlement,"il"s’intéresse"au"théâtre."Au"cours"d’un"exercice"de"diction,"Nina"choisit"d’interpréter"un"passage"qui"l’avait"marqué"du"livre"de"Rap"BROWN"intitulé":"«"Crève,"sale"nègre,"crève"»."Le"professeur"décèle"alors"en"lui"une"aptitude"pour"le"Slam"et"lui"fait"découvrir"les"scènes"ouvertes"qui"fleurissent"un"peu"partout"à"Paris."C’est"une"révélation"pour"Nina,"qui"délaisse"alors"le"rap"pour"se"consacrer"exclusivement"au"Slam.""Dès"2000,"il"se"lance"dans"l’animation"de"cette"forme"de"poésie"en"tant"qu’initiateur"auprès"des"enfants,"adolescents"et"adultes,"(écoles,"facs,"maisons"de"quartiers,"maisons"de"retraite),"en"partenariat"avec"les"associations"Universalisapo"(La"RocheZsurZYon),"et"Jeunes"Africains"de"France"(Nantes),"Pirates"Primates"Production,"Alice,"Monsieur"Mouch."Avec"son"ami"Bruno"Vieillescazes,"il"coZécrit"quelques"textes"qu’il"interprète"également,"dont"«"Les"Baisers"de"ma"Solitude"»."Il"organise"et"participe"à"de"multiples"scènes"Slam"(Paris,"IssyZlesZMoulineaux,"Cherbourg,"Nantes,"Angers…).""De"2002"à"2007,"il"joue"dans"plusieurs"pièces"de"théâtre":"rôle"principal"dans"«"Liliom"»"de"Férenc"Molnar"avec"la"Compagnie"du"Désordre,"rôle"de"Glagoliev"dans"«"J’ai"mal"à"Platonov"»"d’après"Tchekhov,"(jouée"plusieurs"semaines"à"la"Cartoucherie"dans"le"cadre"du"festival"Enfants"de"Troupe"Premier"Pas),"le"rôle"du"Bourgmestre"et"du"Président"dans"«"L’Opéra"du"Dragon"»","montage"de"la"pièce"de"Heiner"Müller"jouée"à"la"Halle"des"Epinettes"à"Issy"les"Moulineaux"et"dans"le"cadre"de"la"Biennale"de"la"jeune"Création"à"Houilles"avec"la"Compagnie"Guépard"Echappée."Aujourd’hui"il"joue"le"rôle"de"Dembourou"dans"l’adaptation"de"«"La"Vie"s’appelle"Lâcher"»"dit"«"Kaïdara"»"d’Amadou"Hampathe"Ba"avec"Universalisapo."Il"a"mis"en"scène"et"adapté"en"2008"une"pièce"de"Sarah"Kane"«"4.48"Psychose"»,"et"travaille"actuellement"«"Le"Printemps"qui"fût"»"d’Amande.""En"2006,"il"décide"de"s’associer"avec"des"musiciens"Jazz"(Emmanuel"Bigot,"Jammaria"Croocklin)"et"une"chanteuse"(WeeZLye)"afin"de"mélanger"les"arts"en"créant"le"groupe"Ninslamjazz"(concerts":"Paris,"Nantes,"Les"Sables"d’Olonne)."Il"forme"également"différents"duos":"avec"Maikez"(musicien"traditionnel"maloya),"A.N.N.A"(slameuse)"et"Mya"Barakaa"(chanteuse,"slameuse).""Depuis"mars"2009,"il"a"été"embauché"par"l’association"Jeunes"Africains"de"France"en"tant"qu’animateur"et"metteur"en"scène."»"Lyrikline.org"

«"L'envie"d'écrire"»""L'envie"d'écrire"Comme"un"appel""Alors"frapper"les"touches"De"ce"qui"n'est"Qu’une"machine""Pour"tenter""De"les"rendre"Sensibles"Pour"émouvoir"ainsi"Pour"t'émouvoir"""J'ai"vu,"tu"sais"D’incroyables"misères"Et"j'ai"fermé"les"yeux"Mes"yeux"justes"Violentant"ma"volonté"De"négation"Projetant"sur"mes"paupières"L’image"de"ma"mère"Couchée"par"terre"""Oh"désastre"""Parle"moi"du"désastre""P"A"R"L"E"ZM’"E"N"""J'ai"vu"des"armes"En"des"mains"puériles"Mais"âgées""De"l'âge"de"la"déraison"J'ai"vu"des"hommes"Que"l'on"dit"adultes"S’en"remettre"à"d'autres"Comme"à"des"dieux"Comme"à"des"maîtres"mais"Si"nous"avons"des"maîtres"Nous"manquons"des"guides"Alors"que"nous"sommes"guide"Et"tu"es"guide"toi,"toi,"toi""Alors"l’envie"d’écrire"te"prend"Alors"frappe"Clac"clac"clac"clac"clac"Frappe"les"touches""De"ce"qui"n’est"qu’une"machine"

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«"L’envie"d’écrire"»"de"Nina"Kibuanda"!Pour"tenter"de"les"rendre"sensible"Pour"t’émouvoir"Pour"nous"émouvoir"""Écrire""L'envie"d'écrire"est"pour"moi"comme"un"appel""Alors"je"frappe""Clac!"Clac!"Clac!""Frappe"les"touches"de"ce"qui"n'est"qu'une"machine"Pour"tenter"de"les"rendre"sensibles"Pour"m'émouvoir,"ainsi"pour"vous"émouvoir""Alors"j'écris...""Écrire"qu'il"y"a"des"femmes"qui"me"font"veiller"bien"tard"pour""Écrire,"tout"ce"qu'elles"m'inspirent"d'espoir,"de"bonheur"alors"sur"l'avenir""Écrire,"autre"chose"que"la"morosité"des"jours"qui"s'annonce"comme"une"lettre"à""Écrire,"pour"s'excuser"de"n'avoir"pu"venir"sur"une"tombe"et"dans"un"dernier"constat""Écrire,"son"testament"et"prévenir"les"enfants,"qui"apprendront"un"jour"à"leur"tour"à""Écrire,"qu'il"faut"aimer"autre"chose"que"la"vie"que"la"mort"et"qu'il"faut"son"destin"propre""Écrire"soiZmême,"sans"laisser"quiconque"dicter"leurs"actes,""Dicter"ce"qu'ils"devront"bien.sûr"à"leur"tour...""Écrire""Alors"l'envie"d'écrire"me"prend,""Alors"je"frappe"

"Clac!"Clac!"Clac!""Frappe"les"touches"de"ce"qui"n'est"qu'une"machine"Pour"tenter"de"les"rendre"sensibles"Pour"m'émouvoir,"ainsi"pour"vous"émouvoir"""Nina"KIBUANDA"Bruno"VIEILLESCAZES""©"Nina"Kibuanda"

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«  Le  rire  »  de  Nina  Kibuanda    

 

Portrait  :  Nina  Kibuanda    Date  de  naissance:  12/03/1977  Lieu  de  naissance:  Kinshasa,  Congo  Lieu  de  Résidant:  Saint-­‐Herblain,  France    

 «Le  rire»    Un  réveil  et  puis  le  rire  Le  rire  est  là    Comme  un  petit    Morceau  de  toile    Linceul  d’un  siècle    A  sa  fin  Vieux  et  vieilli    Par  sa  puérilité      Un  réveil  et  puis  le  rire  Le  rire  est  là  comme  un  linceul  Mais  de  qui  le  linceul  Toile  des  ans    Je  cherche  mes  mots  attends!  Les  mots,  les  mots,  les  mots  brefs  !  Les  mots  justes    J’explore  mon  siècle    Je  le  dépèce    L’autopsie  avec  mon  cerveau  pour  scalpel    Et  le  rire  pour  cadavre    Le  rire  est  là  comme  un  linceul  Mais  sais-­‐tu,  toi  Si  ce  dont  rient  les  marges  Dont  les  rangs  se  gonflent  Ne  sera  pas  demain  Ce  dont  rira  le  monde  Ce  dont  on  rit  Est  toujours  Ce  dont  on  se  défait    On  se  défait  De  son  toit  De  son  corps  De  toi,  de  l'autre  Et  de  l'ordre  social  Putain  d’ordre  social    On  se  défait  Ceux  qui  rient    De  leur  auberge  étoilée  Leur  peau  décharnée  

Griller,  cramer,  Venant  de  cambrousse  Exilé,  clandestin  sans  papier  Esclaves  étoilés    Filles  et  fils  de  Lumumba  Toujours  à  la  recherche    Et  qui  font  peur  à  l’autorité    Le  rire  est  là  comme  un  linceul  Tâche  de  sang  Tache  d'encre  Sur  papier  blanc  Linceul  collectif  Grégaire  Le  rire  organisé  Le  rire  gras  Quand  les  enfants  sont  maigres  Au  carnaval  d’une  fin  de  siècle    Qui  cherche  son  mâle    Le  rire  complice  Celui  du  bourreau  De  monsieur  l’agent  Du  criminel  de  guerre  De  la  police    Le  rire  est  là  Sans  couleur  propre  Saoul  ou  stone    Liquide  ou  produit  Qu’importe  l’interdit  Le  nouvel  ordre  n’est  pas  !    Car  le  rire  est  là    Comme  un  linceul  Et  le  sourire  pour  cercueil      Celui  de  la  pute    Qui  ouvre  sa  porte    A  celle  plus  profonde  De  l’homme  qui  s’en  va  Vers  sa  nuit    Rictus  satisfait  rejoindre  Le  corps  silencieux  de  l’officiel  A  qui  il  pourra  rire  amèrement  Quand  même  connard    Le  rire  est  là  comme  un  linceul    Et  moi  je  ne  sais  plus  soki  nalingui  yo    

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«  Le  rire  »  de  Nina  Kibuanda    

 

 Nina  KIBUANDA  Bruno  VIEILLESCAZES    ©  Nina  Kibuanda    Patrice  Lumumba  (1912-­‐1961)    Homme  politique  congolais.    Il  milita  pour  l’indépendance  du  Congo  belge  dont  il  fut  le  premier  président.  

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Trois&poèmes&de&Claire&Krähenbühl&

!

!

Portrait':'Claire&Krähenbühl'&

Date&de&naissance:&03/09/1942&

Lieu&de&naissance:&YverdonDlesDBains,&Schweiz&

Claire&Krähenbühl&est&née&le&3&septembre&1942&à&

YverdonDlesDBains&(Suisse).&&

&

«Elle&fait&ses&études&à&l’Ecole&des&BeauxDArts&à&

Lausanne&et&s’installe&ensuite&pour&plusieurs&

années&aux&EtatsDUnis.&Depuis&1987,&l’écrivain&et&

peintre&vit&à&Rivaz&près&du&Lac&de&Genève.&»&

&

lyrikline.org&

&

«&Contre&le&doute&»&

&

Des&rêves&seront&pris&

d'autres&laissés&

&

Le&vent&d'ouest&soufflera&sur&eux&

Dles&attisant&&&les&éteignantD&

Ecornant&les&ceps&d'ici&

Egayant&les&foulques&

&

Et&pourvu&que&les&feuilles&de&la&glycine&

sèches&mais&encore&vertes&incroyablement&

s'accrochent&&&pourvu&qu'elles&ne&s'envolent&

pas&toutes&&&je&croirai&oui&je&croirai&

à&ce&que&j'ai&vu&dans&le&noir&

&&

©&Editions&de&l'Aire,&1997&

Extrait&de:&La&Renouée.&poèmes&

Editions&de&l'Aire,&Vevey&1997&

ISBN:&2D88108D439D7&

&

«!A&corps&perdu&»&&

Bien&sûr&vous&troubler&vous&surprendre&

aussi&vous&transporter&

à&huis&clos&jouer&l'impossible&théâtre&&

en&flammes&&&&&&juste&pour&vous&et&moi&

échanger&nos&rôles&pour&voir&&

pour&rire&le&temps&d'un&incendie&

&

Je&serais&le&feu&&&&tu&serais&&

le&rideau&rouge&qui&tombe&dans&le&noir&

&

plus&tard&le&vous&reviendrait&

comme&une&épée&

&&

©&Editions&de&l'Aire,&1997&

Extrait&de:&La&Renouée.&poèmes&

Editions&de&l'Aire,&Vevey&1997&

ISBN:&2D88108D439D7&

&

«!Lamento»&

&

SouvenezDvous&des&signes&

&

la&harde&où&vous&aviez&compté&

douze&chevreuils&

l’étang&mordu&par&la&bise&

où&vous&aviez&vu&l’eau&

lentement&prise&

le&vol&de&canards&où&vous&lisiez&

de&portée&en&portée&la&partition&

des&douces&choses&promises&

&

Vos&étangs&sont&pris&de&silence&

les&vols&sont&de&l’autre&côté&

du&monde&et&la&harde?&

estDelle&en&amour?&

&

J’entends&les&douze&coups&déjà&

Dites&&&&&auronsDnous&le&temps?&

&&

©&Editions&de&l'Aire,&1997&

15,&rue&de&l'Union&

CH&D&1800&Vevey&

Extrait&de:&La&Renouée.&poèmes&

Editions&de&l'Aire,&Vevey&1997&

ISBN:&2D88108D439D7&

&

&

&

&

24

«"Quel"amour?"»"de"Paul/Marie"Lapointe"!Portrait':'Paul/Marie"Lapointe'"Date%de%naissance:%22/09/1929%

Lieu%de%naissance:%Saint4Félicien,%Québec,%Canada%

Décédé%le:%16/08/2011%

Décédé%à:%Montréal%

%

«Paul4Marie%Lapointe%est%un%poète%et%journaliste%

québécois.%Il%a%étudié%au%Séminaire%de%Chicoutimi,%au%

Collège%Saint4Laurent%et%enfin%à%l'École%des%Beaux4Arts%

de%Montréal.%Journaliste%à%L'événement%et%au%journal%

La%Presse%à%partir%de%1950,%il%est%directeur%de%

l'information%au%Nouveau%Journal%de%1960%à%1961,%

puis%rédacteur%en%chef%du%magazine%Maclean's%de%

1963%à%1969.%De%1969%à%1992,%il%occupe%différents%

postes%à%Radio4Canada:%il%a%en%effet%été%rédacteur%en%

chef%des%émissions%d´affaires%publiques%et%des%

actualités%puis%directeur%de%l´information%à%la%radio%

avant%d´être%directeur%des%programmes%et%vice4

président%de%la%radio%de%langue%francaise%jusqu´à%sa%

retraite%en%1991.%Il%a%également%participé%à%la%

fondation%de%la%revue%Liberté%et%a%fait%partie%de%

l'équipe%des%Éditions%de%l'Hexagone.%Sa%poésie%a%été%

traduite%dans%plusieurs%langues.%

%

En%1987,%il%entre%dans%la%prestigieuse%collection%

"Poètes%d´aujourd´hui"%chez%Seghers%après%avoir%été%

distingué%par%plusieurs%Prix%littéraires.%En%effet,%Paul4

Marie%Lapointe%reçoit%en%1971%le%Prix%Athanase4David%

pour%l'ensemble%de%son%oeuvre%ainsi%que%le%Prix%du%

Gouverneur%général%du%Canada%pour%son%recueil%Le%

Réel%absolu.%Il%obtient%également%le%Prix%de%

l'International%Poetry%Forum%(États4Unis)%en%1976,%le%

Prix%de%La%Presse%en%1980%et%le%Prix%Léopold4Senghor%

en%1998.%En%1999,%il%obtient%le%prix%Gilles4Corbeil%pour%

l'ensemble%de%son%oeuvre.%Il%est%membre%de%l'Union%des%

écrivaines%et%des%écrivains%québécois.%Enfin,%il%obtient%

un%doctorat%honoris%causa%de%l'Université%de%Montréal%

en%2001.%%

%

Il%meurt%le%16%août%2011%à%Montréal.»%

%

Lyrickline.org""«"QUEL"AMOUR"?"»"""rien""

ni"fleuve"ni"musique"ni"bête""rien"ne"me"consolera"jamais"de"la"misère"du"sang"versé"par"les"hommes"de"la"tristesse"des"enfants"de"la"faiblesse"des"mères""ni"fleur"ni"mort"ni"soleil""autour"de"nous"la"ville"succombe"à"l’attrait"de"la"mort"une"mort"à"la"pointe"d’argent"une"mort"de"papier"vil"agenouillé"une"mort"dans"l’âme""quel"arbre"quelle"fleur"quel"amour"oh!"quel"amour"nous"guérira"de"ce"mal?""quel"enfant"ce"qu’il"sera"demain"quel"espoir"audace"des"solitudes"nous"apprendra"la"façon"de"vivre"et"que"tout"en"soit"changé?""pour"que"l’oiseau"batte"dans"les"cœurs"la"musique"dans"les"villes"pour"que"l’homme"naisse"de"la"bête"la"bête"de"la"montagne"pour"que"surgisse"de"la"mort"le"soleil""hommes"je"vous"le"prédis"les"fleurs"seront"permises"les"arbres"paumes"innombrables"ouvertes"" à"la"caresse"les"oiseaux"nicheront"dans"les"yeux"des"filles"les"chansons""et"tout"sera"changé"comme"on"l’avait"espéré"dans"la"solitude"de"nos"amours""""©"Paul/Marie"Lapointe"Extrait"de:"Pour%les%âmes,"précédé"de"Choix%de%poèmes"Arbres,"Montréal"1993"%

"

25

Contexte':''!Ce!texte!constituerait!un!poème!complet!ou!un!fragment!de!poème.!Le!poète!joue!sur!l'effet!musical!du!débordement!syntaxique!du!vers.!Il!a!reçu!une!sévère!critique!de!Joseph!Melançon,!un!membre!de!l'École!littéraire!de!Montréal!en!1897,!qui!!jugeait!qu'il!manquait!de!clarté.!!!Œuvres'complètes!(2!volumes),!édition!critique!établie!par!Réjean!Robidoux!et!Paul!Wyczynski!(vol.!I!:!«Poésies!complètes!1896T1941»)!et!par!Jacques!Michon!(vol.!II!:!«Poèmes!et!textes!d’asile!1900T1941»),!Montréal,!Fides,!collection!«Le!Vaisseau!d'Or»,!1991,!vol.!I,!p.!357T358]!!!!Berceuse!!!Quelqu'un!pleure!dans!le!silence!Morne!des!nuits!d'avril;!Quelqu'un!pleure!la!somnolence!Longue!de!son!exil;!Quelqu'un!pleure!sa!douleur!Et!c'est!mon!coeur!!!!NELLIGAN,!Émile.!Œuvres'complètes!(2!volumes),!édition!critique!établie!par!Réjean!Robidoux!et!Paul!Wyczynski!(vol.!I!:!«Poésies!complètes!1896T1941»)!et!par!Jacques!Michon!(vol.!II!:!«Poèmes!et!textes!d’asile!1900T1941»),!Montréal,!Fides,!collection!«Le!Vaisseau!d'Or»,!1991,!vol.!I!dans!«Premiers!poèmes»,!p.!99!

26

emilie
Émile Nelligan (1870-1941)

Contexte':'!Dans!l'espace!d'un!même!chant,!hymne!dionysiaque!de!l'ivresse!lyrique,!où!la!poésie!réfléchit!sur!son!essence,!et!satire!vengeresse!contre!le!refus!trivial!de!l'art!:!l'exaltation!sublime!atteint!douloureusement!son!comble!dans!l'effondrement!en!sanglots.!Cette!pièce!présentée!à!la!quatrième!séance!publique!de!l'École!littéraire!de!Montréal,!le!26!mai!1899,!a!valu!au!poète!un!véritable!triomphe.!À!l'égal!du!«Vaisseau!d'Or»,!cette!pièce!indissolublement!liée!à!l'image!de!son!créateur!et!constamment!citée,!a!à!bon!droit!mérité,!dans!l'oeuvre!nelliganienne,!la!qualification!de!morceau!des!connaisseurs.!!!Œuvres'complètes!(2!volumes),!édition!critique!établie!par!Réjean!Robidoux!et!Paul!Wyczynski!(vol.!I!:!«Poésies!complètes!1896X1941»)!et!par!Jacques!Michon!(vol.!II!:!«Poèmes!et!textes!d’asile!1900X1941»),!Montréal,!Fides,!collection!«Le!Vaisseau!d'Or»,!1991,!vol.!I,!p.!535!!La!romance!du!vin!!Tout!se!mêle!en!un!vif!éclat!de!gaieté!verte!Ô!le!beau!soir!de!mai!!Tous!les!oiseaux!en!choeur,!Ainsi!que!les!espoirs!naguère!à!mon!coeur,!Modulent!leur!prélude!à!ma!croisée!ouverte.!!Ô!le!beau!soir!de!mai!!le!joyeux!soir!de!mai!!Un!orgue!au!loin!éclate!en!froides!mélopées;!Et!les!rayons,!ainsi!que!de!pourpres!épées,!Percent!le!coeur!du!jour!qui!se!meurt!parfumé.!!Je!suis!gai!!je!suis!gai!!Dans!le!cristal!qui!chante,!Verse,!verse!le!vin!!verse!encore!et!toujours,!Que!je!puisse!oublier!la!tristesse!des!jours,!Dans!le!dédain!que!j'ai!de!la!foule!méchante!!!Je!suis!gai!!je!suis!gai!!Vive!le!vin!et!l'Art!...!J'ai!le!rêve!de!faire!aussi!des!vers!célèbres,!Des!vers!qui!gémiront!les!musiques!funèbres!Des!vents!d'automne!au!loin!passant!dans!le!brouillard.!!C'est!le!règne!du!rire!amer!et!de!la!rage!De!se!savoir!poète!et!l'objet!du!mépris,!De!se!savoir!un!coeur!et!de!n'être!compris!Que!par!le!clair!de!lune!et!les!grands!soirs!d'orage!!!Femmes!!je!bois!à!vous!qui!riez!du!chemin!Où!l'Idéal!m'appelle!en!ouvrant!ses!bras!roses;!Je!bois!à!vous!surtout,!hommes!aux!fronts!moroses!Qui!dédaignez!ma!vie!et!repoussez!ma!main!!!Pendant!que!tout!l'azur!s'étoile!dans!la!gloire,!Et!qu'un!rythme!s'entonne!au!renouveau!doré,!Sur!le!jour!expirant!je!n'ai!donc!pas!pleuré,!Moi!qui!marche!à!tâtons!dans!ma!jeunesse!noire!!!Je!suis!gai!!je!suis!gai!!Vive!le!soir!de!mai!!Je!suis!follement!gai,!sans!être!pourtant!ivre!...!SeraitXce!que!je!suis!enfin!heureux!de!vivre;!Enfin!mon!coeur!estXil!guéri!d'avoir!aimé?!!Les!cloches!ont!chanté;!le!vent!du!soir!odore...!Et!pendant!que!le!vin!ruisselle!à!joyeux!flots,!Je!suis!gai,!si!gai,!dans!mon!rire!sonore,!Oh!!si!gai,!que!j'ai!peur!d'éclater!en!sanglots!!!!NELLIGAN,!Émile.!Œuvres'complètes!(2!volumes),!édition!critique!établie!par!Réjean!Robidoux!et!Paul!Wyczynski!(vol.!I!:!«Poésies!complètes!1896X1941»)!et!par!Jacques!Michon!(vol.!II!:!«Poèmes!et!textes!d’asile!1900X1941»),!Montréal,!Fides,!collection!«Le!Vaisseau!d'Or»,!1991,!vol.!I!dans!«Motifs!poétiques,!Se!savoir!poète»,!p.!300!

27

emilie
Émile Nelligan (1870-1941)

Contexte':'!L'un!des!hauts!lieux!de!la!création!nelliganienne,!il!s'agit!d'un!poème!à!effet!lancinant!et!au!message!!métaphysique.!La!surabondance!pléonastique!et!noire!de!la!neige!dans!le!paysage!recouvre!la!condition!de!l'être!totalement!désemparé.!!!Œuvres'complètes!(2!volumes),!édition!critique!établie!par!Réjean!Robidoux!et!Paul!Wyczynski!(vol.!I!:!«Poésies!complètes!1896P1941»)!et!par!Jacques!Michon!(vol.!II!:!«Poèmes!et!textes!d’asile!1900P1941»),!Montréal,!Fides,!collection!«Le!Vaisseau!d'Or»,!1991,!vol.!I,!p.!354]!!!Soir!d’hiver!!Ah!!comme!la!neige!a!neigé!!Ma!vitre!est!un!jardin!de!givre.!Ah!!comme!la!neige!a!neigé!!Qu'estPce!que!le!spasme!de!vivre!A!la!douleur!que!j'ai,!que!j'ai.!!Tous!les!étangs!gisent!gelés,!Mon!âme!est!noire!!OùPvisPje?!où!vaisPje?!Tous!ses!espoirs!gisent!gelés:!Je!suis!la!nouvelle!Norvège!D'où!les!blonds!ciels!s'en!sont!allés.!!Pleurez,!oiseaux!de!février,!!Au!sinistre!frisson!des!choses,!Pleurez!oiseaux!de!février,!Pleurez!mes!pleurs,!pleurez!mes!roses,!Aux!branches!du!genévrier.!!Ah!!comme!la!neige!a!neigé!!Ma!vitre!est!un!jardin!de!givre.!Ah!!comme!la!neige!a!neigé!!Qu'estPce!que!le!spasme!de!vivre!A!tout!l'ennui!que!j'ai,!que!j'ai...!!!NELLIGAN,!Émile.!<i>Œuvres!complètes</i>!(2!volumes),!édition!critique!établie!par!Réjean!Robidoux!et!Paul!Wyczynski!(vol.!I!:!«Poésies!complètes!1896P1941»)!et!par!Jacques!Michon!(vol.!II!:!«Poèmes!et!textes!d’asile!1900P1941»),!Montréal,!Fides,!collection!«Le!Vaisseau!d'Or»,!1991,!vol.!I!dans!«Motifs!poétiques,!Se!savoir!poète»,!p.!299!

28

emilie
Émile Nelligan (1870-1941)

Contexte':'!

Quatre!quatrains!d'alexandrins!aux!rimes!embrassées,!sur!la!singularité!simple!et!sublime!de!

l'être7poète.!

!

Œuvres'complètes!(2!volumes),!édition!critique!établie!par!Réjean!Robidoux!et!Paul!

Wyczynski!(vol.!I!:!«Poésies!complètes!189671941»)!et!par!Jacques!Michon!(vol.!II!:!«Poèmes!

et!textes!d’asile!190071941»),!Montréal,!Fides,!collection!«Le!Vaisseau!d'Or»,!1991,!vol.!I,!p.!

528!

!

!

Un!poète!

!

Laissez7le!vivre!ainsi!sans!lui!faire!de!mal!!

Laissez7le!s'en!aller;!c'est!un!rêveur!qui!passe;!

C'est!une!âme!angélique!ouverte!sur!l'espace,!

Qui!porte!en!elle!un!ciel!de!printemps!auroral.!

!

C'est!une!poésie!aussi!triste!que!pure!

Qui!s'élève!de!lui!dans!un!tourbillon!d'or.!

L'étoile!la!comprend,!l'étoile!qui!s'endort!

Dans!sa!blancheur!céleste!aux!frissons!de!guipure.!

!

Il!ne!veut!rien!savoir;!il!aime!sans!amour.!

Ne!le!regardez!pas!!que!nul!ne!s'en!occupe!!

Dites!même!qu'il!est!de!son!propre!sort!dupe!!

Riez!de!lui…!!Qu'importe!!il!faut!mourir!un!jour…!

!

Alors,!dans!le!pays!où!le!bon!Dieu!demeure,!

On!vous!fera!connaître!avec!reproche!amer,!

Ce!qu'il!fut!de!candeur!sous!ce!front!simple!et!fier,!

Et!de!tristesse!dans!ce!grand!œil!gris!qui!pleure!!

!

!

NELLIGAN,!Émile.!Œuvres'complètes!(2!volumes),!édition!critique!établie!par!Réjean!

Robidoux!et!Paul!Wyczynski!(vol.!I!:!«Poésies!complètes!189671941»)!et!par!Jacques!Michon!

(vol.!II!:!«Poèmes!et!textes!d’asile!190071941»),!Montréal,!Fides,!collection!«Le!Vaisseau!

d'Or»,!1991,!vol.!I!dans!«Motifs!poétiques,!Se!savoir!poète»,!p.!293!

29

emilie
Émile Nelligan (1870-1941)

C'est&le&poème&par&excellence&de&Nelligan,&écrit&probablement&entre&mai&et&août&1899,&symbole&du&destin&le&plus&authentiquement&personnel,&vécu&jusqu'au&tréfonds&de&l'être&par&le&poète&et&reconnu&de&tout&temps&par&la&postérité&admirative&comme&la&fiche&d'identité&mythique&de&l'homme.&&Œuvres'complètes&(2&volumes),&édition&critique&établie&par&Réjean&Robidoux&et&Paul&Wyczynski&(vol.&I&:&«Poésies&complètes&1896Q1941»)&et&par&Jacques&Michon&(vol.&II&:&«Poèmes&et&textes&d’asile&1900Q1941»),&Montréal,&Fides,&collection&«Le&Vaisseau&d'Or»,&1991,&vol.&I,&p.&544Q545&&&Le&Vaisseau&d'Or&&Ce&fut&un&grand&Vaisseau&taillé&dans&l'or&massif:&Ses&mâts&touchaient&l'azur,&sur&des&mers&inconnues;&La&Cyprine&d'amour,&cheveux&épars,&chairs&nues&S'étalait&à&sa&proue,&au&soleil&excessif.&&Mais&il&vint&une&nuit&frapper&le&grand&écueil&Dans&l'Océan&trompeur&où&chantait&la&Sirène,&Et&le&naufrage&horrible&inclina&sa&carène&Aux&profondeurs&du&Gouffre,&immuable&cercueil.&&Ce&fut&un&Vaisseau&d'Or,&dont&les&flancs&diaphanes&Révélaient&des&trésors&que&les&marins&profanes,&Dégoût,&Haine&et&Névrose,&entre&eux&ont&disputés.&&Que&resteQtQil&de&lui&dans&la&tempête&brève?&Qu'est&devenu&mon&coeur,&navire&déserté?&Hélas!&Il&a&sombré&dans&l'abîme&du&Rêve!&&NELLIGAN,&Émile.&Œuvres'complètes&(2&volumes),&édition&critique&établie&par&Réjean&Robidoux&et&Paul&Wyczynski&(vol.&I&:&«Poésies&complètes&1896Q1941»)&et&par&Jacques&Michon&(vol.&II&:&«Poèmes&et&textes&d’asile&1900Q1941»),&Montréal,&Fides,&collection&«Le&Vaisseau&d'Or»,&1991,&vol.&I&dans&«Motifs&poétiques,&Se&savoir&poète»,&p.&312.&

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emilie
Émile Nelligan (1870-1941)

Pablo&Neruda&(1904&1&1973)_&Cien%sonetos%de%amor%(La%Centaine%d’amour)&(1959)&

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Poète&et&homme&politique&chilien,&de&son&vrai&nom&Ricardo&NEFTALÍ&REYES&BASOALTO,&Pablo&NERUDA&écrit&Cien%sonetos%de%amor&pour&son&épouse&Mathilde&Urrutia.&&&Les&pages&correspondent&à&l’édition&bilingue&Poésie&/&Gallimard,&nrf,&1995.&(p.13)&

!

!&&Poème&1&&&Mathilde,&nom&de&plante&ou&de&pierre&ou&de&vin,&nom&de&ce&qui&est&né&de&la&terre,&et&qui&dure,&la&croissance&d'un&mot&a&fait&lever&le&jour,&dans&l'été&de&ton&nom&éclatent&les&citrons.&&&&Sur&ce&nom&vont&courant&les&navires&de&bois&entourés&par&l'essaim&bleu&marine&du&feu,&les&lettres&de&ton&nom&sont&l'eau&d'une&rivière&qui&viendrait&se&jeter&en&mon&coeur&calciné.&&&&Oh&ce&nom&découvert&sous&un&volubilis,&nom&semblable&à&l'entrée&d'un&tunnel&inconnu&qui&communique&avec&tous&les&parfums&du&monde!&&&&Oh&envahis1moi&de&ta&bouche&qui&me&brûle,&cherche&en&moi,&si&tu&veux,&de&tes&yeux&de&nuit,&mais&laisse1moi&naviguer&et&dormir&sur&ton&nom.&&&&&&!!

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Pablo&Neruda_&Cien%sonetos%de%amor%(La%Centaine%d’amour)&(1959)&

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&Poète&et&homme&politique&chilien,&de&son&vrai&nom&Ricardo&NEFTALÍ&REYES&BASOALTO,&Pablo&NERUDA&écrit&Cien%sonetos%de%amor&pour&son&épouse&Mathilde&URRUTIA.&&&Les&pages&correspondent&à&l’édition&bilingue&Poésie&/&Gallimard,&nrf,&1995.&(p.59)&

!

&&Poème&24&&&Amour,&amour,&à&la&tour&du&ciel&les&nuages&montèrent&telles&de&triomphantes&lavandières,&&et&tout&brûla&en&&bleu&d'azur,&tout&fut&étoile&:&la&mer,&la&nef,&le&jour&s'exilèrent&ensemble&.&&Viens&voir&les&cerisiers&dans&leur&eau&constellée&viens&voir&la&ronde&clef&de&l'univers&rapide,&Viens&toucher&le&feu&de&l'azur&instantané,&&viens&avant&que&ses&pétales&soient&consumés.&&Il&n'est&ici&que&lumière,&quantités,&grappes,&&il&n'est&qu'espace&ouvert&par&les&vertus&du&vent&jusqu'à&livrer&les&derniers&secrets&de&l'écume.&&Et&parmi&tant&de&bleus&célestes,&submergés,&nos&yeux&se&sont&perdus,&ils&devinent&à&peine&les&puissances&de&l'air&et&les&clefs&de&la&mer&.&%%%%&&

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Pablo&Neruda_&Cien%sonetos%de%amor%(La%Centaine%d’amour)&(1959)&

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Poète&et&homme&politique&chilien,&de&son&vrai&nom&Ricardo&NEFTALÍ&REYES&BASOALTO,&Pablo&NERUDA&écrit&Cien%sonetos%de%amor&pour&son&épouse&Mathilde&Urrutia.&&&Les&pages&correspondent&à&l’édition&bilingue&Poésie&/&Gallimard,&nrf,&1995.&(p.69)&

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!&&Poème&29&&&Tu&arrives&du&Sud&avec&ses&maisons&pauvres,&&dures&régions&du&froid,&du&tremblement&de&terre&&qui,&même&quand&leurs&dieux&roulèrent&dans&la&mort,&ont&donné&la&leçon&de&la&vie&dans&la&glaise.&&&&Tu&es&un&poulain&de&glaise&noire,&un&baiser&&de&boue&sombre,&amour,&coquelicot&de&glaise,&&ramier&du&crépuscule&éployé&sur&les&routes,&&tirelire&à&chagrin&de&notre&pauvre&enfance.&&&&Fille,&tu&as&conservé&ton&coeur&de&pauvresse&&et&tes&pieds&de&pauvresse&habitués&aux&cailloux,&&ta&bouche&qui&n'eut&pas&toujours&pain&ou&délice.&&&&Tu&es&du&pauvre&Sud,&d'où&est&venue&mon&âme;&&dans&ton&ciel&ta&mère&lave&toujours&du&linge&&avec&la&mienne.&Amie&ainsi&t'ai_je&choisie.&&&!!

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Pablo&Neruda_&Cien%sonetos%de%amor%(La%Centaine%d’amour)&(1959)&

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&Poète&et&homme&politique&chilien,&de&son&vrai&nom&Ricardo&NEFTALÍ&REYES&BASOALTO,&Pablo&NERUDA&écrit&Cien%sonetos%de%amor&pour&son&épouse&Mathilde&URRUTIA.&&&Les&pages&correspondent&à&l’édition&bilingue&Poésie&/&Gallimard,&nrf,&1995.&(pp.&108W109)&

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&&Poème&48&&&Dos&amantes&dichosos&hacen&un&solo&pan,&una&sola&gota&de&luna&en&la&hierba,&dejan&andando&dos&sombras&que&se&reúnen,&dejan&un&solo&sol&vacío&en&una&cama.&&De&todas&las&verdades&escogieron&el&día:&no&se&ataron&con&hilos&sinon&con&un&aroma,&y&no&despedezaron&la&paz&ni&las&palabras.&La&dicha&es&una&tore&transparente.&&El&aire,&el&vino&van&con&los&dos&amantes,,&la&noche&les&regala&sus&pétalos&dichosos,&tienent&derecho&a&todos&los&claveles.&&Dos&amantes&dichosos&no&tienen&fin&ni&muerte,&nacen&y&mueren&muchas&veces&mientras&viven,&tienen&la&eternidad&de&la&naturaleza.&&

%%%

%%Les%deux%amants%heureux%ne%font%plus%qu’un%seul%pain,%une%goutte%de%lune,%une%seule,%dans%l’herbe,%ils%laissent%en%marchant%deux%ombres%qui%s’unissent,%dans%le%lit%leur%absence%est%un%seul%soleil%vide.%%Leur%seule%vérité%porte%le%nom%du%jour:%ils%sont%liés%par%un%parfum,%non%par%des%fils,%ils%n’ont%pas%déchiré%la%paix%ni%les%paroles.%Et%leur%bonheur%est%une%tour%de%transparence.%%L’air%et%le%vin%accompagnent%les%deux%amants,%la%nuit%leur%fait%un%don%de%pétales%heureux,%aux%deux%amants%reviennent%de%droit%les%œillets.%%Les%deux%amants%heureux%n’auront%ni%fin%ni%mort,%ils%naîtront%et%mourront%aussi%souvent%qu’ils%vivent,%ils%possèdent%l’éternité%de%la%nature.%%%%%%&&

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Pablo&Neruda_&Cien%sonetos%de%amor%(La%Centaine%d’amour)&(1959)&

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&Poète&et&homme&politique&chilien,&de&son&vrai&nom&Ricardo&NEFTALÍ&REYES&BASOALTO,&Pablo&NERUDA&écrit&Cien%sonetos%de%amor&pour&son&épouse&Mathilde&URRUTIA.&&&Les&pages&correspondent&à&l’édition&bilingue&Poésie&/&Gallimard,&nrf,&1995.&(p.157)&

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&&Poème&71&&&De&douleur&en&douleur,&l’amour&va&d’île&en&île&y&plantant&sa&racine&arrosée&par&les&pleurs,&et&nul&n’évitera,&n’évitera&l’atteinte&de&ce&cœur&silencieux&et&cruel,&et&qui&va.&&Nous&cherchions&tous&les&deux&un&trou,&une&planète,&où&le&sel&ne&toucherait&pas&ta&chevelure,&où&ne&pousseraient&pas&des&douleurs&par&ma&faute,&et&où&le&pain&vivrait&sauvé&de&l’agonie.&&Un&univers&cerné&d’espace&et&de&feuillages,&&une&lande,&un&désert&fait&de&pierres&cruelles,&avec&nos&propres&mains&nous&voulions&édifier&&un&nid&dur,&préservé,&secret,&inoffensif,&et&l’amour&ne&fut&pas&ainsi,&mais&une&folle&cité&où&les&gens&pâlissent&sur&les&balcons.&%%%%&&

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Pablo  Neruda_  Vingt  poèmes  d’amour  et  une  chanson  désespérée  (1928)  

 

 Poète  et  homme  politique  chilien,  de  son  vrai  nom  Ricardo  NEFTALÍ  REYES  BASOALTO,  Pablo  NERUDA  écrit  Cien  sonetos  de  amor  pour  son  épouse  Mathilde  URRUTIA.      Le  texte  a  été  emprunté  de  :  http://pabloneruda.hautetfort.com/archive/2010/09/20/poeme-­‐xx.htm  

 

Poème  XX    Je  peux  écrire  les  vers  les  plus  tristes  cette  nuit.    Écrire,  par  exemple  :  «  La  nuit  est  étoilée  et  les  astres  d’azur  tremblent  dans  le  lointain.  »    Le  vent  de  la  nuit  tourne  dans  le  ciel  et  chante.    Je  puis  écrire  les  vers  les  plus  tristes  cette  nuit.  Je  l’aimais,  et  parfois  elle  aussi  elle  m’aima.    Les  nuits  comme  cette  nuit,  je  l’avais  entre  mes  bras.  Je  l’embrassai  tant  de  fois  sous  le  ciel  infini.    Elle  m’aima,  et  parfois  moi  aussi  je  l’ai  aimée.  Comment  ne  pas  aimer  ses  grands  yeux  fixes.    Je  peux  écrire  les  vers  les  plus  tristes  cette  nuit.  Penser  que  je  ne  l’ai  pas.  Se  désoler  de  l’avoir  perdue.    Entendre  la  nuit  immense,  et  plus  immense  sans  elle.  Et  le  vers  tombe  dans  l’âme  comme  la  rosée  dans  l’herbe.    Qu’importe  que  mon  amour  n’ait  pas  pu  la  retenir.  La  nuit  est  pleine  d’étoiles,  elle  n’est  pas  avec  moi.    Voilà  tout.  Au  loin  quelqu’un  chante.  C’est  au  loin.  Et  mon  âme  est  mécontente  de  l’avoir  perdue.    Comme  pour  me  rapprocher  d’elle  mon  regard  la  cherche.  Mon  cœur  la  cherche  et  elle,  elle  n’est  pas  avec  moi.    Une  nuit  identique  blanchit  les  mêmes  arbres.  Nous  autres,  ceux  d’alors,  nous  ne  sommes  déjà  plus  les  mêmes.    Je  ne  l’aime  plus,  c’est  clair,  mais  combien  je  l’aimais.  Ma  voix  cherchait  le  vent  pour  aller  à  son  oreille.    À  un  autre.  Elle  sera  à  un  autre.  Comme  avant  mes  baisers.  Sa  voix,  son  corps  clair.  Ses  yeux  infinis.  

 Je  ne  l’aime  plus,  c’est  clair,  mais,  peut-­‐être  je  l’aime.  C’est  si  court  l’amour  et  si  long  l’oubli.    Parce  que  dans  des  nuits  pareilles,  je  l’avais  entre  mes  bras  et  mon  âme  est  malheureuse  de  l’avoir  perdue.    Même  si  cette  douleur  est  la  dernière  par  elle  et  que  ceci  soit  les  derniers  vers  que  j’écrive  pour  elle.  

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«  Mon  amour  »  de  Anthony  Phelps    Portrait  :  Anthony  Phelps  Date  de  naissance:  15/08/1928    Lieu  de  naissance:  Port-­‐au-­‐Prince,  Haiti    «Anthony  Phelps  étudia  la  chimie,  la  céramique  et  la  photographie  aux  États-­‐Unis  et  au  Canada.  De  retour  en  Haïti,  il  fonda  en  1960,  avec  d’autres  poètes,  le  groupe  Haïti  Littéraire  et  la  revue  Semences.  Il  était  directeur  du  programme  culturel  du  Radio-­‐Cacique  où  il  réalisa  des  émissions  hebdomadaires  de  poésie  et  de  théâtre.  Forcé  de  quitter  le  pays  en  1964,  il  s'établit  à  Montréal,  y  fit  du  théâtre,  du  journalisme  et  fonda  une  entreprise  spécialisée  dans  l'édition  de  poésie  sur  disques.  Phelps  a  publié  des  nombreux  recueils  de  poèmes,  des  narrations,  des  romans,  un  drame  et  des  contes  pour  enfants.  Il  a  reçu  plusieurs  prix  et  son  œuvre  est  traduite  en  une  dizaine  de  langues  et  est  enseigné  à  plusieurs  universités  du  monde.  Son  œuvre  a  pour  sujet  les  conditions  de  vie  à  Haïti,  la  complexité  du  peuple  haïtien  qui  a  des  origines  indiennes,  africaines  et  européennes  comme  dans  le  livre  La  bélière  Caraïbe  (1980)  et  la  question  d’exil  et  de  nationalisme  ainsi  dans  les  livres  Orchidée  nègre  (1987)  et  La  bélière  Caraïbe  (1980)  lequel  a  reçu  le  prix  Cubain  pour  poésie,  Casa  de  las  Americas.  »    Lyrikline.org    Mon  Amour  [extrait  de  'La  nuit  des  invertébrés']    (((((              Mon  Amour    Femme-­‐grenade  ouverte  sur  le  soleil    la  géométrie  du  fagot  s'épuise  sous  le  ciel    comme  une  étreinte    et  le  corps  à  corps  en  champ  clos    sur  l'oranger  du  lit    arbre  sans  feuilles  rompu  à  toute  fatigue  s'apaise  en  gisants  heureux  et  las    )))))    Ah  !  Hier  encore  sentinelles  au  large  d'un  Pays  nous  prenions  notre  lourde  garde  aux  pieds  de  la  petite  fille  Espérance  Elle  dormait  dans  sa  robe  gonflée  de  vent  salin  et  son  visage  quoique  imprécis  faisait  une  tâche  blafarde  qui  nous  était  lumière  et  promesse  d'accomplissement    Épiant  les  indiscrétions  des  nuages  nous  écoutions  le  vent  porteur  de  mots  de  terre  et  nos  corps  habités  d'oiseaux  tels  des  Pierrots  déréglés  égarés  dans  les  rayons  lunaires  tournaient  girouettes  à  l'avancée  du  mat  

 Frères  d'exil  compagnons  aux  pieds  poudrés  dans  nos  regards  passe  une  même  vision  les  souvenirs  en  cage  derrière  la  vitre  opaque  pèsent  comme  une  dalle  Nous  n'avons  plus  que  gestes  de  fumée  pour  conter  le  temps  des  kénépiers  en  fleurs  car  nous  entrons  dans  un  domaine  étrange  de  plus  en  plus  tournant  dos  au  Pays  et  le  verre  et  l'acier  modifient  nos  croyances    (((((        Nous  vivons  dans  une  ville  où  la  chanson  du  rémouleur  n'est  même  pas  un  souvenir  où  nul  ne  se  rappelle  la  flûte  triangulaire  dont  les  notes  aiguës  montaient  et  descendaient  le  long  de  notre  enfance  Nous  vivons  dans  une  ville  qui  jamais  ne  connût  cet  homme  doué  du  pouvoir  de  créer  des  étoiles  en  plein  midi  Ville  de  verre  Ville  d'acier    Ah  sirène  du  midi  bourdon  de  la  Cathédrale  vous  continuez  à  marquer  le  temps  ailleurs  mais  pas  ici  dans  cette  ville  d'exil        ))))    Nous  vivons  dans  une  ville  où  ne  fleurit  jamais  la  saison  des  kénèpes  Ô  Pays  sans  été  nous  sommes  les  nègres  en  allés  clos  de  silence  et  oublieux  Nous  sommes  les  nègres  transplantés  assis  à  l'ombre  des  gratte-­‐ciel  où  le  Pays  d'hier  est  sans  écho  La  cruche  d'argile  rouge  ne  suinte  plus  sur  notre  table  pas  plus  que  ne  résonne  à  nos  oreilles  le  tintement  de  la  chaudière  de  fer  Le  cri  de  ralliement  des  canards  sauvages  n'excite  plus  notre  attente  dans  les  marais  salants  ô  pierres  acier  et  pierres  butées  d'un  ciel  nouveau  (...)  Antillais  de  forte  souche  et  de  longue  lignée  nous  parions  maintenant  langage  de  gratte-­‐ciel  paroles  de  givre  et  mots  de  neige    ©  Anthony  Phelps    Extrait  de:  Motifs  pour  le  temps  saisonnier  Pierre  Jean  Oswald,  Paris  1976  

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«  Orchidée  nègre  »  de  Anthony  Phelps    Portrait  :  Anthony  Phelps    Date  de  naissance:  15/08/1928    Lieu  de  naissance:  Port-­‐au-­‐Prince,  Haiti      «  Orchidée  nègre  »    Orchidée  nègre  tresse  sauvage  de  mon  désir        tes  yeux  de  foudre  en  vacances  rejettent  l’ailleurs  saignant  le  pain  de  mes  guitares  voleuses  d'été  de  tous  mes  lieux  de  pierres  Quand  ma  mémoire  en  friches  prend  appui  sur  le  zinc  tes  raisins  bousculent  mon  rhum  Ah  !  droiture  des  mots  par-­‐dessus  les  tuiles  que  la  vie  est  belle        quand  tu  défais  ta  blouse  drogue  des  yeux  et  que  ma  charge  de  paysages  chante  son  air  de  flûte  Et  quand  tu  fais  glisser  ta  jupe  mon  chapeau  de  paille-­‐flamme    vole  jusqu'au  mât  des  oiseaux  coiffe  les  tours  pressées  de  l'église  paroissiale  et  la  ville  laisse  couler  sa  géographie  qui  nous  emporte  petites  ruelles  aux  mains  chaleureuses  des  portails  pavés  luisants  qui  lorgnent  sous  la  robe  des  femmes  jardin  d'adolescents  qui  se  flairent  et  se  mesurent  et  l'unique  terrasse  de  San  Miguel  de  Allende  danse  sa  gigue  entre  touristes  qui  vont  et  viennent  dans  le  lent  midi  mexicain    Orchidée  nègre  la  vie  est  douce  quand  tu  t'allonges  à  mes  côtés  et  lorsque  ton  miracle  écarte  son  amande  le  ciel  nous  tombe  sur  la  tête  Tous  les  fantômes  nous  font  face  et  cette  même  voix  vorace  avide  nous  parle  entre  épiderme  éblouissant  l'absence  des  montagnes  Et  face  à  face  dans  notre  rire  mûrissant  nous  reprenons  mesure  exacte  de  notre  profondeur  et  la  sagesse  entre  nous  deux  élève  son  épi  et  de  nouveau  nous  habitons  nos  sexes  vierges  dans  leur  imprenable  vision  J'écoute  alors  la  pluie  jouer  avec  ma  joie  La  montagne  retrouvée  dresse  ses  pins  entre  nos  murs  en  construction  

Sueur  et  sang  mêlés  nous  refaisons  les  premiers  pas  du  Paradis  perdu  danse  où  l'eau  se  dévide  de  son  lit    Orchidée  nègre  secrète  parure  exhibée  sans  pudeur  fausse  quel  oiseau  en  reconnaissance  de  dettes  te  laisserait  gage  de  plumes  et  d'ailes  en  toute  décence  tout  appétit  Dans  le  drap  du  plaisir  et  le  temps  si  longtemps  attendu  du  pas  de  deux  sur  nos  plages  altérés  Il  n'y  a  place  que  pour  l'échange  et  le  partage  et  nos  variables  géométries    s'ajustent  et  se  complètent    Cœur  de  dérive  en  robe  de  déraison  ah  que  la  vie  est  douce  au  creux  de  ton  amande  Orchidée  toujours  parée  comme  pour  la  noce  de  nouveau  nous  habiterons  nos  sexes  vierges  et  de  nouveau  nos  gestes  emprisonnés  s'épanouiront  en  toute  licence  dans  la  fidélité  du  sel  et  l'indulgence  de  l'encre    Orchidée  nègre  Pierre  en  attente  très  peu  je  te  laisse  Le  chant  de  la  fontaine  dans  la  complicité  de  l'eau  Le  jardin  de  nos  mains  où  le  Présent  entre  tes  seins  fait  son  soleil  Peu  très  peu  Orchidée  nègre  Je  te  laisse  mon  testament  de  grenades  grains  receleurs  du  jus  doux-­‐acide  et  mon  désert  de  l'écriture  ou  parfois  pousse  une  oasis    ©  Anthony  Phelps  Extrait  de:  Orchidée  nègre  Triptyque  ,  Montréal  1987  

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«  Teinturière  »  de  Anthony  Phelps    Portrait  :  Anthony  Phelps  Date  de  naissance:  15/08/1928    Lieu  de  naissance:  Port-­‐au-­‐Prince,  Haïti    «  Teinturière  »  [extrait]  5  Le  temps  a  brûlé  lent  Teinturière.  Les  rêves  aussi.  Souvent  je  laisse  flotter  le  poème  comme  un  enfant  son  bateau  de  papier  ou  le  porte  à  mon  oreille  pour  retrouver  les  chants  lointains  d'un  certain  lieu.  Que  de  cris  de  confidences  tronquées  de  projets  déréglés.  Les  mots  s'envolent  s'habillent  de  couleurs  chagrines  mais  ta  main  rythme  leur  dessin  ramenant  l'équilibre.    Teinturière  si  un  jour  de  matin  clair  je  te  retrouve  sous  le  sésame  des  oiseaux  de  la  morte  saison  tel  un  clown  endimanché  d'innocence  bien  au-­‐delà  des  baisers  d'accueil  je  découperai  la  grammaire  du  soleil  et  la  calligraphie  des  fleurs  pour  t'en  faire  parure.    Ah  !  un  jour  de  gai  matin  un  jour  de  clair  soleil    redécouvrir  l’ailleurs  en  toi  !    Un  jour  de  gai  soleil  un  jour  de  clair  matin  aux  premières  tendresses  d'une  bouche  qui  se  décline  tes  souvenirs  se  raccorderont  au  pas  à  pas  du  texte  à  la  fragilité  du  dire.    Noctambule  arpentant  hors  du  temps  le  même  espace  ludique  toi  bille  dans  sa  course  les  doigts  tachés  de  rouge  de  noir  campêche  et  d'indigo  tu  apprivoiseras  les  confidences  des  confettis  et  rêveras  en  regardant  dormir  ton  enfance  petit  orgue  discret  à  l'ombre  des  autrefois.    Le  temps  a  brûlé  lent.  Les  désirs  également.  Passe  passe  Teinturière  en  prudence  d'escargot  la  terre  te  rêve.  Glisse  et  lisse  chante  ta  vie  appuyée  contre  la  nuit.    Quand  la  marée  rejette  ses  insultes  à  la  plage    tu  annonces  dans  une  langue  jusque-­‐là  ignorée  :    La  géométrie  du  chemin    rattrape  toujours  la  parole  vagabonde.  

 Ah  !  cette  odeur  du  bout  de  la  route    lorsqu'elle  s'arrête  tremblote  et  puis  se  casse.    Laisse  mûrir  l'amande    là  où  le  soleil  fait  sa  sieste.    Avec  la  prudence  de  l'escargot    la  terre  te  ravive  Teinturière.    Un  glissement  de  plus  et  route  la  mer  bascule    embusquée  sur  le  fil  de  l'horizon    Ah  !  Passe  Teinturière.  Passe.  L'oiseau  reconnaît  la  pierre  se  précipite  à  sa  rencontre.  L'aiguille  voit  bien  son  œil  enfile  le  chas.  Le  temps  est  seul.  Le  temps  te  nargue.  Le  vin  est  doux  et  te  conforte.  Pour  la  jubilation  de  mon  regard  une  lucarne  de  soleil  conjuguera  toujours  ton  corps  au  temps  présent  de  la  lumière.    FINALE      Teinturière  œuf  dans  la  gouache  de  la  mémoire  ici  prend  fin  la  parodie.    Loin  du  commerce  des  racines    douce  est  l'argile    docile  la  glaise.    De  l'autre  côté  du  temps    liquide  est  l'air    frileux  les  nuages.    Par  le  bonheur  d'une  juste  frappe  pour  toi  dont  le  cœur  bat  dans  la  doublure  de  mes  mots  je  laisse  rêver  la  lune  au  verso  de  nos  noms.    Sous  le  coude  du  rêve      une  plage  ondule        intemporelle.    ©  Éditions  du  Noroît  Extrait  de:  Une  plage  intemporelle  Éditions  du  Noroît  2011    Vocabulaire  :    Campêche  :  Du  nom  propre  Campeche,  ‘nom  d’une  ville  du  Mexique’.◆Arbre  de  l’Amérique  tropicale  qui  fournit  un  bois  dur  qui,  par  infusion,  donne  un  colorant  brun-­‐rouge.  ◆Bois  ou  colorant  provenant  de  cet  arbre.  

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Rainer'Maria'Rilke'(187501926)'!' J’apprends'à'voir.'Oui,'je'commence.'Cela'va'encore'encore'mal.''Mais'je'veux'employer'mon'temps.'''

Je'songe'par'exemple'que'jamais'encore'je'n’avais'pris'conscience'du'nombre'de'visages'qu’il'y'a.'Il'y'a'beaucoup'de'gens,'mais'encore'plus'de'visages,'car'chacun'en'a'plusieurs.'Voici'des'gens'qui'portent'un'visage'pendant'des'années.'Il's’use'naturellement,'se'salit,'éclate,'se'ride,'s’élargit'comme'des'gants'qu’on'a'portés'en'voyage.'Ce'sont'des'gens'simples,'économes';'ils'n’en'changent'pas,'ils'ne'le'font'même'pas'nettoyer.'Il'leur'suffit,'disent0ils,'et'qui'leur'prouvera'le'contraire'?'Sans'doute,'puisqu’ils'ont'plusieurs'visages,'peut0on'se'demander'ce'qu’ils'font'des'autres.'Ils'les'conservent.'Leurs'enfants'les'porteront.'Il'arrive'aussi'que'leurs'chiens'les'mettent.'Pourquoi'pas'?'Un'visage'est'un'visage.'

'D’autres'gens'changent'de'visage'avec'une'rapidité'inquiétante.'Ils'essaient'l’un'

après'l’autre,'et'les'usent.'Il'leur'semble'qu’ils'doivent'en'avoir'pour'toujours,'mais'ils'ont'à'peine'atteint'la'quarantaine'que'voici'déjà'le'dernier.'Cette'découverte'comporte,'bien'entendu,'son'tragique.'Ils'ne'sont'pas'habitués'à'ménager'des'visages';'le'dernier'est'usé'après'huit'jours,'troué'par'endroits,'mince'comme'du'papier,'et'puis,'peu'à'peu,'apparaît'alors'la'doublure,'le'non0visage,'et'ils'sortent'avec'lui.'

'Mais'la'femme,'la'femme':'elle'était'toute'entière'tombée'en'elle0même,'en'avant,'

dans'ses'mains.'C’était'à'l’angle'de'la'rue'Notre0Dame0des0Champs.'Dès'que'je'la'vis,'je'me'mis'à'marcher'doucement.'[…]''

'La'rue'était'vide';'son'vide's’ennuyait,'retirait'mon'pas'de'sous'mes'pieds'et'claquait'

avec'lui,'de'l’autre'côté'de'la'rue,'comme'avec'un'sabot.'La'femme's’effraya,'s’arracha'd’elle0même.'Trop'vite,'trop'violemment,'de'sorte'que'son'visage'resta'dans'ses'deux'mains.'Je'pouvais'l’y'voir,'y'voir'sa'forme'creuse.'Cela'me'coûta'un'effort'inouï'de'rester'à'ces'mains,'de'ne'pas'regarder'ce'qui's’en'était'dépouillé.'Je'frémissais'de'voir'ainsi'un'visage'du'dedans,'mais'j’avais'encore'bien'plus'peur'de'la'tête'nue,'écorchée,'sans'visage.'

'Les$Cahiers$de$Malte$Laurids$Brigge'(1910),'Seuil,'1966,'223p.'(p.13014)'

'

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Rainer'Maria'Rilke'(187501926)'!'«Pour'écrire'un'seul'vers,'il'faut'avoir'vu'beaucoup'de'villes,'d’hommes'et'de'choses,'il'faut'

connaître'les'animaux,'il'faut'sentir'comment'volent'les'oiseaux'et'savoir'quel'mouvement'

font'les'petites'fleurs'en's’ouvrant'le'matin.'Il'faut'pouvoir'repenser'à'des'chemins'dans'des'

régions'inconnues,'à'des'rencontres'inattendues,'à'des'départs'que'l’on'voyait'longtemps'

approcher,'à'des'jours'd’enfance'dont'le'mystère'ne's’est'pas'encore'éclairci,'à'ses'parents'

qu’il'fallait'qu’on'froissât'lorsqu’ils'vous'apportaient'une'joie'et'qu’on'ne'la'comprenait'pas'('

c’était'une'joie'faite'pour'un'autre'),'à'des'maladies'd’enfance'qui'commençaient'si'

singulièrement,'par'tant'de'profondes'et'graves'transformations,'à'des'jours'passés'dans'des'

chambres'calmes'et'contenues,'à'des'matins'au'bord'de'la'mer,'à'la'mer'elle0même,'à'des'

mers,'à'des'nuits'de'voyage'qui'frémissaient'très'haut'et'volaient'avec'toutes'les'étoiles'–'et'

il'ne'suffit'même'pas'de'savoir'penser'à'tout'cela.'Il'faut'avoir'des'souvenirs'de'beaucoup'de'

nuits'd’amour,'dont'aucune'ne'ressemblait'à'l’autre,'de'cris'de'femmes'hurlant'en'mal'

d’enfant,'et'de'légères,'de'blanches,'de'dormantes'accouchées'qui'se'refermaient.'Il'faut'

encore'avoir'été'auprès'de'mourants,'être'resté'assis'auprès'de'morts,'dans'la'chambre,'

avec'la'fenêtre'ouverte'et'les'bruits'qui'venaient'par'à0coups.'Et'il'ne'suffit'même'pas'd’avoir'

des'souvenirs.'Il'faut'savoir'les'oublier'quand'ils'sont'nombreux,'et'il'faut'avoir'la'grande'

patience'd’attendre'qu’ils'reviennent.'Car'les'souvenirs'ne'sont'pas'encore'cela.'Ce'n’est'que'

lorsqu’ils'deviennent'en'nous'sang,'regard,'geste,'lorsqu’ils'n’ont'plus'de'nom'et'ne'se'

distinguent'plus'de'nous,'ce'n’est'qu’alors'qu’il'peut'arriver'qu’en'une'heure'très'rare,'du'

milieu'd’eux,'se'lève'le'premier'mot'd’un'vers.»'

'

Les$Cahiers$de$Malte$Laurids$Brigge'(1910),'Seuil,'1966,'223p.'(p.25026)'

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«  nous  sommes  les  hôtes  inconnus  »  de  Amina  Saïd    Portrait  :  Amina  Saïd    Date  de  naissance:  23/07/1953  Lieu  de  naissance:  Tunis,  Tunisie  Lieu  de  Résidant:  Paris,  France    [nous  sommes  les  hôtes  inconnus]    nous  sommes  les  hôtes  inconnus  dans  la  maison  du  monde  la  mer  la  vague  l'écueil  le  navigateur  découvrant  l'absence  de  balises    nous  sommes  l'œil  qui  voit  l'œil  et  la  vision  qui  nous  efface  nous  sommes  ce  que  nous  regardons  au  fond  des  yeux  et  qui  sait  que  nous  sommes    nous  sommes  le  nombre  et  l'unique  la  chose  et  son  contraire  la  multiplication  du  visible  l'œil  ouvert  sur  l'invisible    nous  sommes  l'ombre  de  l'ombre  qui  dans  l'obscure  clarté  du  rêve  sommeille    nous  sommes  la  trace  sur  le  sable  nous  sommes  chaque  lettre  de  l'alphabet    nous  sommes  l'oracle  et  l'hommage  le  masque  suspendu  à  l'arbre  le  temple  et  l'objet  offert  à  la  lumière  morte  du  temple    nous  sommes  la  question  qui  n'appelle  pas  de  réponse  nous  sommes  la  question  et  la  réponse  lorsqu'elles  ne  font  qu'un    nous  sommes  le  cercle  qui  se  crée  lui-­‐même  à  l'infini  nous  arpentons  dans  les  deux  sens  le  calendrier  des  hommes  

telle  une  échelle  d'horizon  avant  d'être  invités  à  franchir  d'un  bond  le  vide  qui  nous  sépare  de  notre  naissance    oscillant  entre  ivresse  et  terreur  nous  sommes  ce  que  nous  savons  et  ce  que  nous  ignorons  nous  pleurons  des  larmes  d'ambre    nous  sommes  le  premier  et  le  dernier  mot  la  strophe  et  le  chant  et  la  bouche  que  nous  voulons  accrocher  à  la  face  du  silence    nous  sommes  la  main  insoumise  qui  trace  le  signe  le  vertige  devant  l'abîme  ouvert  par  le  poème    qu'une  parole  en  nous  hésite  à  se  dire  nous  atteignons  le  plus  intime  de  la  solitude    nous  sommes  le  pas  et  la  marche  le  chemin  et  la  voie  et  l'ultime  seuil  que  nous  franchirons    nous  sommes  le  lieu  où  finit  le  monde  celui  où  il  commence      ©  Amina  Saïd  /  La  différence,  Paris  Extrait  de:  La  douleur  des  seuils  :  Poemes  Editions  de  la  Différence,  Paris  2003    

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«"toujours"dans"le"poème"»"de"Amina"Saïd"!Portrait':'Amina'Saïd'"Date"de"naissance:"23/07/1953"Lieu"de"naissance:"Tunis,"Tunisie"Lieu"de"Résidant:"Paris,"France"!«"Amina"Saïd"est"née"à"Tunis"(Tunisie),"en"1953,"d'une"mère"dauphinoise"et"d'un"père"tunisien."Elle"vit"depuis"de"nombreuses"années"à"Paris,"où"elle"a"fait"des"études"de"langues"et"de"littérature"anglophone"à"la"Sorbonne."""Elle"a"publié"une"dizaine"de"livres,"dont"huit"recueils"de"poèmes."Deux"de"ses"recueils,"«"Feu"d'oiseaux"»"et"«"L'une"et"l'autre"nuit"»,"ont"reçu:"l'un,"le"prix"JeanXMalrieu"décerné"par"la"revue"Sud"(Marseille,"1989)"et"l'autre,"le"prix"CharlesXVildrac"de"la"Société"des"gens"de"lettres"(Paris,"1994)."""Des"poèmes"ont"été"traduits"en"plusieurs"langues"et"figurent,"ainsi"que"des"nouvelles,"des"récits"et"des"essais,"dans"des"revues,"dans"des"anthologies"et"dans"des"ouvrages"collectifs.""Saïd"collabore"à"diverses"publications"littéraires"et"universitaires,"donne"des"récitals"de"ses"poèmes,"participe"à"des"rencontres"littéraires"en"France"et"à"l'étranger,"et"anime"des"ateliers"d'écriture."""Elle"est"membre"du"jury"du"prix"MaxXPolXFouchet"(poésie)."»""lyrikline.org"""""""""""

""[toujours"dans"le"poème]""toujours"dans"le"poème"j'entendrai"le"silence"avant"le"mot"m'abreuverai"à"sa"bouche"même""alors"naissent"les"choses"les"mots"le"monde""je"dis":"toujours"dans"le"poème"j'entendrai"le"silence"avant"les"mots""et"tu"réponds":"s'il"existe"un"dieu"c'est"là"qu'il"habite""je"découvre"l'exact"versant"de"l'ombre"et"de"la"lumière"où"il"finit"où"il"commence""et"le"silence"palpite"telle"la"mer"en"son"ventre"de"sel"palpite"comme"l'aile"d'un"oiseau"apprivoisant"lentement"le"ciel"comme"le"vent"la"terre"la"vie""et"s'il"existe"un"dieu"oui"c'est"là"qu'il"habite"""""©"Amina"Saïd"/"La"differance,"Paris"Extrait"de:"La"douleur"des"seuils":"Poemes"Editions"de"la"Difference,"Paris"2003"

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Léopold'Sédar'Senghor'

!

'

Extrait'de'Poèmes'/'Hosties*noires,'Éditions'du'Seuil,''Paris,'1964,'256p.'(p.88B90)'!

Hosties'noires!(1948)':'des'chants'très'sombres'sur'les'années'de'guerre,'durant'lesquelles'il'a'été'prisonnier'

de'l’armée'allemande,'et'régulièrement'soumis'à'un'racisme'assassin,'duquel'transparaît'un'profond'désir'de'

paix'et'de'réconciliation,'malgré'l’ingratitude'de'la'mère'patrie'face'aux'sacrifiés'de'l’armée'coloniale.'

(http://defis5continents.wordpress.com/tag/senghor/)'

!Préambule!:!«Ainsi'débute'le'poème''de'L.S.''Senghor,'«'Aux''soldats''négroBaméricains'»''('inspiré'par''la''

rencontre''avec''l’armée''des''ÉtatsBUnis'débarquée''en''Europe''pendant''la'Deuxième''Guerre'mondiale.''De''

quelle''reconnaissance'parle'ici'le'poète'?''À''un'premier'niveau,'il''se''réfère''à''la''difficulté'de''distinguer'à''

distance'le'soldat'noir''du''blanc''«'sous'la''calebasse'du'casque'sans'panache'».'Ce'n’est'qu’en's’en'approchant''

et'en'touchant'«'la'chaleur'de'[sa]'main''brune''que''le''poète''s’écrie'«'Afrika'!'»'[…]''et''«'retrouve'''le''rire''

perdu'...''la''voix'ancienne''et'le'grondement''des''cascades'du''Congo'».''Mais''la''fraternité''ainsi'décelée''ne''

dissipe'pas''pour''autant''le''doute'et'l’appréhension.''D’où'''le''deuxième''niveau''de''reconnaissance':'«'Frères'

je'ne''sais…'Si'vous'êtes'la'foudre''dont'la'main''de'Dieu'a'brûlé''Sodome''et''Gomorrhe'»''ou''«'les''messagers''

de''sa''merci,''le'souffle''du''Printemps''après'l’Hiver'».'Dans''l’espace'des''quelques'lignes''de''ce''poème,''

Senghor''résume''admirablement'le''caractère'ambivalent''de''l’image''du''Noir''américain''et''antillais''qui''

ressort'de''la''littérature''africaine.»'K.'MUHINDI,'«Du''séraphique''au''satanique':'Perspectives'africaines'sur''

l’Amérique''noire»':'http://www.politiqueBafricaine.com/numeros/pdf/015065.pdf'

!Aux!!soldats!!négro:américains!'

À*Mercier*Cook*'

Je'ne'vous'ai'pas''reconnus''sous'votre'prison''d’uniformes'couleur''de''tristesse'...''

Je'ne'vous'ai'pas'reconnus'sous'la'calebasse'du'casque'sans'panache'

Je'n’ai'pas'reconnu'le'hennissement'chevrotant'de'vos'chevaux'de'fer,'qui'boivent'mais'ne'

mangent'pas.'

Et'ce'n’est'plus'la'noblesse'des'éléphants,'c’est'la'lourdeur'barbare'des'monstres'des'

prétemps'du'monde.'

Sous'votre'visage'fermé,'je'ne'vous'ai'pas'reconnus.'

J’ai'touché'seulement'la'chaleur'de'votre'main'brune,'je'me'suis'nommé':'«'Afrika'!'»'

Et'j’ai'retrouvé'le'rire'perdu,'j’ai'salué'la'voix'ancienne'et'le'grondement'de'la'

cascade'du'Congo.'

Frères,'je'ne'sais'si'c’est'vous'qui'avez'bombardé'les'cathédrales,'orgueil'de'

l’Europe.'

Si'vous'êtes'la'foudre'dont'la'main'de'Dieu'a'brûlé'Sodome'et'Gomorrhe.'

Non,'vous'êtes'les'messagers'de'sa'merci,'le'souffle'du'Printemps'après'l’Hiver.'

À'ceux'qui'avaient'oublié'le'rire'–'ils'ne'se'servaient'plus'que'd’un'sourire'oblique'

Qui'ne'connaissaient'plus'que'la'saveur'salée'des'larmes'et'l’irritante'odeur'de'sang'

Vous'apportez'le'printemps'de'la'Paix'et'l’espoir'au'bout'de'l’attente.'

Et'leur'nuit'se'remplit'd’une'douceur'de'lait,'les'champs'bleus'du'ciel'se'couvrent'de'fleurs,'

le'silence'chante'suavement.'

Vous'leur'apportez'le'soleil.'L’air'palpite'de'murmures'liquides'et'de'pépiements'

cristallins'et'de'battements'soyeux'd’ailes'

Les'cités'aériennes'sont'tièdes'de'nids.'

Par'les'rues'de'joie'ruisselante,'les'garçons'jouent'avec'leurs'rêves.'

Les'hommes'dansent'devant'leurs'machines'et'se'surprennent'à'chanter.'

Les'paupières'des'écolières'sont'pétales'de'roses,'les'fruits'mûrissent'à'la'poitrine'

des'vierges'

Et'les'hanches'des'femmes'–'oh'!'douceur'–'généreusement's’alourdissent.'

Frères'noirs,'guerriers'dont'la'bouche'est'fleur'qui'chante'

B'Oh'!'délice'de'vivre'après'l’Hiver'–'je'vous'salue'comme'des'messagers'de'la'paix.'

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Léopold'Sédar'Senghor'

!

Extrait'de'Poèmes'/'Chants,d’ombre,'Éditions'du'Seuil,''Paris,'1964,'256p.'('p.16A17)'!

!Chants!d’ombre!(1945)!:!recueil'sur'ses'années'd’étudiants,'étudiant'noir'à'Paris,'où'il'mêle'

les'influences'auxquelles'il'a'été'soumis'(ses'racines'noires,'enchanteresses'et'invocatrices,'

et'la'culture'française,'celle'du'colonisateur'et'pourtant'si'belle'et'riche),'chantant'l’art,'

l’amour,'la'paix,'la'femme,'et'Paris.'(http://defis5continents.wordpress.com/tag/senghor/)!!«!Femme!noire!»!'

Femme'nue,'femme'noire'

Vêtue'de'ta'couleur'qui'est'vie,'de'ta'forme'qui'est'beauté!'

J'ai'grandi'à'ton'ombre;'la'douceur'de'tes'mains'bandait'mes'yeux.'

Et'voilà'qu'au'coeur'de'l'Été'et'de'Midi,'je'te'découvre'Terre'promise,'du'haut'd'un'haut'col'

calciné'

Et'ta'beauté'me'foudroie'en'plein'coeur,'comme'l'éclair'd'un'aigle.'

'

Femme'nue,'femme'obscure'

Fruit'mûr'à'la'chair'ferme,'sombres'extases'du'vin'noir,''

bouche'qui'fais'lyrique'ma'bouche'

Savane'aux'horizons'purs,'savane'qui'frémis'aux'caresses'ferventes'du''

Vent'd'Est'

Tamtam'sculpté,'tamtam'tendu'qui'grondes'sous'les'doigts'du'vainqueur'

Ta'voix'grave'de'contralto'est'le'chant'spirituel'de'l'Aimée.'

'

Femme'noire,'femme'obscure'

Huile'que'ne'ride'nul'souffle,'huile'calme'aux'flancs'de'l'athlète,'aux''

flancs'des'princes'du'Mali'

Gazelle'aux'attaches'célestes,'les'perles'sont'étoiles'sur'la'nuit'de'ta''

peau'

Délices'des'jeux'de'l'Esprit,'les'reflets'de'l'or'rongent'ta'peau'qui'se'moire'

A'l'ombre'de'ta'chevelure,'s'éclaire'mon'angoisse'aux'soleils'prochains'

de'tes'yeux.'

'

Femme'nue,'femme'noire'

Je'chante'ta'beauté'qui'passe,'forme'que'je'fixe'dans'l'Éternel'

Avant'que'le'Destin'jaloux'ne'te'réduise'en'cendres'pour'nourrir'les''

racines'de'la'vie.'

'

'

Analyse1'du'poème'faite'par''Oumar'SANKHARÉ':'

http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article1199'

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1!Une!réflexion!personnelle!doit!naître!de!votre!lecture!si!une!telle!ressource!est!consultée.!

45

Salah%Stétié%(1929-...)%

LE#BLEU#DE#LA#QUESTION!!!

L’homme!est!fait!de!la!matière!de!l’arc2en2ciel!

Il!est!couleur!

Le!jaune!le!bleu!nilotique!le!noir!le!rouge!d’Amérique!

Le!blanc,!le!blanc!aussi,!est!couleur!

D’autres!couleurs!existent!que!je!ne!connais!pas!

Qui!sont!à!l’intérieur!dans!les!cœurs!et!les!âmes!

Couleurs!qui!paraissent!qui!transparaissent!

Dans!les!beaux!yeux!des!femmes!les!yeux!des!hommes!

L’iris!et!le!frais!cristallin!des!enfants!

Iris!bleu!iris!violet!iris!marron!iris!vert!

Iris!noir,!tout!ce!champ!de!fleurs!naïves!

Tourné!en!grand!jardin!vers!le!soleil!visible!

Transparence!de!l’air!feu!de!l’orage!

Et!l’invisible!aussi!

Que!l’homme!voit!si!même!il!dit!ne!pas!le!voir!

Cela!qui!fait!de!nous!l’humanité!

Tissage!et!métissage!

Celle!qui!rêve!et!qui!vit!qui!crée!et!souffre!

Qui!souffre!et!s’interroge!

Et!qui!est!vraie!de!la!vérité!des!vraies!racines!

Hommes!et!femmes!ayant!rendez2vous!de!parole!

46

Salah%Stétié%(1929-...)%

Sous!l’arbre!des!prairies!

Leurs!passions!leurs!récits!leurs!fables!leurs!poèmes!

Conduits!comme!un!troupeau!vers!la!trompe!d’Eustache!

Mots!chanteurs!nidifiant!

Puis,!tout!quitté,!l’incompréhensible!vache!

Laboure!avec!ses!cornes!le!bleu!de!la!Question!!!Explorez!:!http://litteraturearabe.blog4ever.com/blog/articles294693287690.html!!

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«"Mort"d’un"homme,"naissance"d’un"pays"»"par"Salah"Stétié"publié"dans"Le#Nouvel#Observateur,"3;9"mars"2005""Il"faut"en"convenir":"ce"n’est"pas"facile"d’être"libanais."Aujourd’hui"encore"moins"qu’hier."C’est"un"petit"pays,"un"tout"petit"pays"que"le"Liban"–"avec"un"gros"problème."Atlas"miniaturisé"en"quelque"sorte."Atlas"avait"un"privilège"que"le"Liban"n’a"jamais"réussi"à"s’assurer"lui;même."Pour"soutenir"son"énorme"fardeau,"le"globe"qui"l’écraserait"à"la"moindre"erreur,"tous"les"muscles"d’Atlas"sont"parvenus"à"travailler"dans"le"même"sens"et"en"vue"du"même"objectif":"se"coaliser"pour"tenir,"que"le"pied"ne"cède"pas,"ni"le"genou,"ni"les"tendons,"ni"le"fessier,"ni"les"autres"tenseurs,"ceux"qui"assurent"la"respiration,"ceux"qui"tissent"le"ventre"et"le"dos,"ceux"qui"durcissent"la"nuque"et"ce"muscle"central"qu’est"le"cœur.""Atlas"tient"son"équilibre"improbable"de"cette"conjuration"positive."Au"Liban,"les"muscles"se"bandent"ou"se"relâchent"au"hasard"des"alliances"et"des"mésalliances,"muscle"sunnite"avec"puis"contre"muscle"chiite,"muscle"maronite"contre"puis"avec"muscle"druze,"muscle"grec;catholique,"muscle"grec;orthodoxe,"muscle"arménien"(catholique"ou"orthodoxe),"muscle"latin,"que"sais;je?"Tout"cela"dans"un"désordre"absolu,"une"anarchie"totale"des"fléchisseurs,"des"fléchissants,"des"infléchis,"des"réfléchis,"des"irréfléchis,"le"Liban"tel"qu’on"croit"le"connaître,"dans"sa"pagaille"qu’on"dit"joyeuse,"le"Liban"presque"debout,"à"demi;debout,"déconcerté,"déconcertant,"coloré,"bruyant,"tintamarrant,"jouant"de"sa"lourde"boule"avec"la"légèreté"d’une"libellule"–"Charlot"faisant"bondir"et"rebondir"son"globe"terrestre"dans"une"scène"fameuse"du"«"Dictateur"»";"jusqu’à"ce"que,"soudain,"un"coup"de"feu"tiré"à"bout"portant"mette"fin,"au"cœur"de"sa"montagne"du"Chouf,"au"destin"fascinant"et"têtu"du"leader"druze"Kamal"Joumblatt,"le"père"de"Walid,"pas"très"loin"d’un"barrage"militaire"syrien";"jusqu’à"ce"qu’un"immeuble"explose"en"plein"quartier"chrétien"sur"Béchir"Gemayel,"le"président"maronite"du"Liban,"tout"juste"élu,"à"l’ombre"des"chars"israéliens,"qu’un"attentat"à"la"voiture"piégée"souille"de"sang"le"turban"immaculé"de"cheikh"Hassan"Khaled,"mufti"de"la"République"libanaise,"qu’un"autre"attentat"à"la"voiture"piégée,"lui"aussi"mortel,"foudroie"le"22"novembre"1989"René"Mouawad,"premier"chef"d’État"de"l’après;guerre,"élu"à"la"suite"de"l’accord"de"Taëf"en"Arabie"Saoudite,"accord"voté"et"signé"par"les"députés"libanais"et"garanti"par"notamment"la"Syrie"et"les"États;Unis"d’Amérique."René"Mouawad"qui"venait"de"présider"au"palais"du"gouvernement,"à"Sanayeh,"les"premières"cérémonies"de"la"Fête"de"l’Indépendance"après"quinze"ans"de"guerre"civile,"sortait"de"mon"bureau"lorsqu’il"fut"tué":"j’étais"alors"secrétaire"général"du"ministère"des"Affaires"étrangères."Il"portait"ce"jour;là"avec"son"costume"officiel"une"cravate"noire"à"petits"pois"blancs."Un"lambeau"de"ce"tissu"fut"tout"ce"qu’on"trouva"de"lui"dans"sa"voiture"pulvérisée.""Après"chaque"attentat,"un"terrible"silence"se"fait"autour"de"la"scène"qu’il"faut"bien"appeler"«"primitive"»,"non"seulement"au"sens"freudien"du"terme"qui"veut"que"celle;ci"ait"partie"liée"avec"un"mystérieux"crime"secrètement"désiré,"mais"aussi"au"premier"sens"du"terme"qui"signifie"archaïsme"et"brutalité."Refus"de"tout"ce"qui"constitue,"dans"une"société"policée,"l’étincelle"déclenchante"de"la"démocratie."Du"coup,"Atlas"a"les"genoux"qui"ploient"et"doit"s’attendre"que,"dans"le"déséquilibre"advenu,"le"globe"l’écrase."Et"le"Liban,"assommé,"chancelle."[…]""

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«Belle»Belle,pareilàl’eauquisurlapierrefraîche delasource ouvresongrandéclaird’écume, esttonsourire, belle.Belle,auxfinesmains,auxpiedsdéliés commeunpetitchevald’argent, fleurdumonde,marchant,jetevoismoi,belle.Belle,avecunniddecuivreenchevêtré danslatête,unnid d’unebrunecouleurdemiel oùmoncoeurbrûleetserepose, belle.Belle,auxyeuxtropgrandspourtonvisage,auxyeuxtropgrandspourlaplanète. I1yadespays,desfleuves danstesyeux, mapatriesetientdanstesyeux, jevagabondeàtraverseux, ilsdonnentsaclartéaumonde partoutoùs’avancentmespas, belle.Belle,tesseinssontpareilsàdeuxpains -terrefromentetluned’or-, belle.

Belle,tataillemonbrasl’afaitecommeunfleuve milleannéesparcourantladouceurdetachair, belle.Belle,rienn’alecharmedeteshanches, laterreenquelquelieucaché apeut-être,elle, lacourbedetoncorpsetsonparfum, enquelquelieupeut-être, belle.Belle,mabelle,tavoix,tapeau,tesongles,belle,mabelle,tonêtre,taclarté,tonombre, belle, toutcelaestmien,belle, toutcela,mienne,m’appartient, lorsquetumarchesoutereposes, lorsquetuchantesouquetudors, lorsquetusouffresouqueturêves, toujours, lorsquetuesprocheoulointaine, toujours, mabelle,tuesmienne, toujours.Neruda,Pablo,Vingtpoèmesd’amouretunechansondesespéréesuivideLesVersduCapitaine(Veintepoemasdeamoryunacancióndesesperada,1924)trad.del'espagnolparClaudeCouffonetChristianRinderknecht,1998.Éditionbilingue,336pagessouscouv.ill.,108x178mm.CollectionPoésie/Gallimard(No320),ISBN2070404218.

emilie
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Crayon
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Crayon

«Jedemandelesilence»(Estravagario,1958)LepoèmeaétégravésurdespiliersdevantlamaisondeNerudaàSantiago.1JedemandelesilenceMaintenantqu'onmelaissetranquilleQu'ons'habitueàmonabsenceJevaisfermerlesyeuxJeneveuxquecinqchosesCinqracinespréféréesL'uneestl'amoursansfin2Lasecondeestdevoirl'automneJenepuisvivresansquelesfeuillesVolentetretournentàlaterreLatroisièmeestl'hivergraveLapluiequej'aimelacaresseDufeudanslefroidsylvestreEnquatrièmelieul'étéRondcommeunepastèque3LacinquièmecesonttesyeuxMathildemienneMabienaiméeJeneveuxpasdormirsanstesyeuxJeneveuxpasvivrehorsdetonregardJevaisrefaireleprintempsPourquetupuissesencoremevoirAmisvoicicequejeveuxC'estpresquerienetquasimenttout

Maintenantsivouslevoulezpartez4J'aitantvécuqu'unjourVousdevrezm'oublierM'effacerdel'ardoiseMoncoeurfutinterminablePourquoiréclamerlesilenceVousnemecroyezpasmortelLecontrairevaseproduireVoiciquejevaisvivreVoiciquejesuisetcontinue5Jen'existeraiplusmaisaudedansDemoipousserontlescéréalesD'abordlesgrainsquirompentLaterrepourvoirlalumièreMaislaterrematernelleestobscureEtaufonddemoijesuisobscurJesuiscommeunpuitsetdansmeseauxLanuitabandonnesesétoilesPourvaquerseuleàtraverslacampagne6J'aitantvécuc'estlaquestionQuejevoudraisvivreànouveauJenemesuisjamaissentiaussisonoreJen'aijamaiseuautantdebaisersàoffrirMaintenantcommetoujoursilesttôtLalumièrevoleavecsesabeillesLaissezmoiseulaveclejourJedemandelapermissiondenaîtreNeruda,Pablo.Vaguedivague,[1971],trad.del'espagnolparGuySuarès,192pages,140x205mm.CollectionDumondeentier,Gallimard-poes.ISBN2070277917(rééditésenNrfpocheen2013)

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