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N o 194 Mars 2016 Note d’information sur la jurisprudence de la Cour

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour n° … · d’affaires dont le greffe de la Cour a indiqué qu’elles présentaient un intérêt particulier. Les résumés

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  • No 194 Mars 2016

    Note dinformation sur la jurisprudence de la Cour

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    Cour europenne des droits de lhomme (Conseil de lEurope) 67075 Strasbourg Cedex France Tl. : 00 33 (0)3 88 41 20 18 Fax : 00 33 (0)3 88 41 27 30 [email protected] www.echr.coe.int

    ISSN 1814-6511

    Conseil de lEurope / Cour europenne des droits de lhomme, 2016 Photos: Conseil de lEurope

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspx#{"sort":["kpdate Descending"],"documentcollectionid2":["CLIN"]}mailto:publishing%40echr.coe.int?subject=Information%20Note%20/%20Note%20d%27informationhttp://www.echr.coe.int/NoteInformation/frhttps://twitter.com/echrpublicationhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspxmailto:publishing%40echr.coe.int?subject=Information%20Note%20/%20Note%20d%27informationhttp://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=home&c=fra

  • 3

    TABLE DES MATIRES

    ARTICLE 1

    Juridiction des tats

    Juridiction de la Sude concernant une procdure en diffamation conscutive la diffusion dun

    programme tlvis depuis ltranger

    Arlewin c. Sude - 22302/10 .................................................................................................. 9

    ARTICLE 2

    Recours la force

    Enqute effective

    Homicide illicite du fils du requrant par la police pendant une manifestation et enqute ineffective :

    affaire renvoye devant la Grande Chambre

    Nagmetov c. Russie - 35589/08 ............................................................................................... 9

    Enqute effective

    Absence allgue denqute effective sur la mort par balles dune personne prise tort pour un

    terroriste potentiel : non-violation

    Armani Da Silva c. Royaume-Uni - 5878/08 .......................................................................... 9

    Expulsion

    Projet dexpulsion vers lIran dun militant politique discret : lexpulsion nemporterait pas violation

    Projet dexpulsion vers lIran, sans examen adquat de la ralit et des implications dune conversion

    au christianisme postrieure larrive en Europe : lexpulsion emporterait violation

    F.G. c. Sude - 43611/11 ...................................................................................................... 12

    ARTICLE 3

    Traitement inhumain ou dgradant

    Absence de suivi mdical adquat dun enfant dtenu en vue dune rducation comportementale :

    violation

    Blokhin c. Russie - 47152/06 ................................................................................................ 12

    Absence de test de dpistage dHelicobacter pylori et autres carences dans le traitement dun dtenu

    souffrant dun ulcre : violation

    Kolesnikovich c. Russie - 44694/13 ....................................................................................... 12

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    4

    Femme enceinte entrave avant et aprs son accouchement ; mauvaises conditions de dtention dune mre et de son bb ; caractre inadquat des soins mdicaux dispenss un bb en prison ; placement dune femme enceinte dans une cage de mtal pendant les audiences tenues lors de son procs : violations

    Korneykova et Korneykov c. Ukraine - 56660/12 ................................................................... 13

    Obligations positives (volet matriel)

    Inaccessibilit des mesures de protection contre la violence domestique aux femmes non maries ou divorces : violation

    M.G. c. Turquie - 646/10 ..................................................................................................... 14

    Enqute effective

    Dfaut de prise en compte dun contexte local de violences racistes dans lenqute sur lagression dun migrant : violation

    Sakir c. Grce - 48475/09 .................................................................................................... 15

    Expulsion

    Projet dexpulsion vers lIran dun militant politique discret : lexpulsion nemporterait pas violationProjet dexpulsion vers lIran, sans examen adquat de la ralit et des implications duneconversion au christianisme postrieure larrive en Europe : lexpulsion emporterait violation

    F.G. c. Sude - 43611/11 ...................................................................................................... 17

    ARTICLE 5

    Article 5 1 d)

    ducation surveille

    Dtention pendant trente jours dun enfant dans un centre de dtention pour mineurs en vue dune rducation comportementale : violation

    Blokhin c. Russie - 47152/06 ................................................................................................ 19

    ARTICLE 6

    Article 6 1 (civil)

    Accs un tribunal

    Renonciation tout recours contre une sentence arbitrale : irrecevableTabbane c. Suisse - 41069/12 ............................................................................................... 22

    Article 6 1 (pnal)

    Accusation en matire pnale

    Procdure ayant abouti au placement dun enfant dans un centre de dtention pour mineurs en vue dune rducation comportementale : article6 applicable

    Blokhin c. Russie - 47152/06 ................................................................................................ 23

    Accs un tribunal

    Refus des juridictions sudoises de connatre dune action en diffamation conscutive la diffusion dun programme tlvis depuis ltranger : violation

    Arlewin c. Sude - 22302/10 ................................................................................................ 23

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

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    Article 6 3

    Droits de la dfense

    Absence de garanties procdurales adquates dans une procdure ayant abouti au placement dun enfant dans un centre de dtention pour mineurs en vue dune rducation comportementale : violation

    Blokhin c. Russie - 47152/06 ................................................................................................ 25

    Article 6 3 c)

    Se dfendre avec lassistance dun dfenseur

    Absence daccs du dtenu un avocat pendant les trois premiers jours de sa dtention : affaire renvoye devant la Grande Chambre

    Simeonovi c. Bulgarie - 21980/04 ......................................................................................... 25

    Article 6 3 d)

    Interrogation des tmoins

    Condamnation fonde sur les dclarations dun tmoin situ ltranger et ne pouvant tre contre-interrog : violation

    Pai c. Croatie - 47082/12 ................................................................................................... 25

    ARTICLE 8

    Respect de la vie prive

    Absence de condamnation dun diteur au paiement dune somme pour avoir enfreint une interdiction de publier : non-violation

    Kahn c. Allemagne - 16313/10 ............................................................................................. 26

    Respect de la vie prive Obligations positives

    Refus douvrir des poursuites pnales propos dune plaisanterie sur un clbre homosexuel, qualifi de femme durant une mission de divertissement tlvise : non-violation

    Sousa Goucha c. Portugal - 70434/12 ................................................................................... 27

    Respect de la vie familiale Obligations positives

    Refus dordonner le retour dune enfant dans le cadre de la Convention de La Haye au vu de la rticence de la mre, auteur de lenlvement, revenir avec celle-ci : violation

    K.J. c. Pologne - 30813/14 ................................................................................................... 28

    Respect de la vie familiale

    Pre affect dun handicap intellectuel modr ayant vu son autorit parentale rduite sur des fondements insuffisants : violation

    Kocherov et Sergeyeva c. Russie - 16899/13 ............................................................................ 29

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    6

    ARTICLE 10

    Libert dexpression

    ONG condamnes pour diffamation aprs avoir envoy une autorit locale une lettre prive de plainte, reproduite ensuite par la presse : affaire renvoye devant la Grande Chambre

    Medlis Islamske Zajednice Brko et autres c. Bosnie-Herzgovine - 17224/11 ......................... 30

    Libert de communiquer des informations Libert de recevoir des informations

    Condamnation dun journaliste pour lapublication dinformations couvertes par le secret de linstruction : non-violation

    Bdat c. Suisse - 56925/08.................................................................................................... 31

    Libert de communiquer des informations

    Condamnation dune journaliste pour avoir diffuser lenregistrement dune audience sans autorisation : violation

    Pinto Coelho c. Portugal (n 2) - 48718/11 ........................................................................... 33

    ARTICLE 14

    Discrimination (article 3)

    Inaccessibilit des mesures de protection contre la violence domestique aux femmes non maries ou divorces : violation

    M.G. c. Turquie - 646/10 ..................................................................................................... 34

    Discrimination (article 8)

    Diffrence de traitement vis--vis des trangers sropositifs en matire de permis et dinterdiction illimite de sjour sur le territoire russe : violation

    Novruk et autres c. Russie - 31039/11 et al. ........................................................................... 34

    Refus douvrir des poursuites pnales propos dune plaisanterie sur un clbre homosexuel, qualifi de femme durant une mission de divertissement tlvise : non-violation

    Sousa Goucha c. Portugal - 70434/12 ................................................................................... 36

    Discrimination (article 1 du Protocole n 1)

    Dfaut de prise en compte des besoins dun enfant handicap dans la dtermination de lligibilit de son pre un abattement dimpts concernant lachat une proprit adapte : violation

    Guberina c. Croatie - 23682/13 ........................................................................................... 36

    ARTICLE 18

    Restrictions dans un but non prvu

    Militant des droits de lhomme arrt et dtenu pour des raisons autres que celles prvues par la Convention : violation

    Rasul Jafarov c. Azerbadjan - 69981/14 ............................................................................... 37

    ARTICLE 33

    Requte intertatique

    Demande en rvision de larrt de la Cour du 18 janvier 1978 : questions communiquesIrlande c. Royaume-Uni - 5310/71 ....................................................................................... 38

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    7

    ARTICLE 37

    Motifs particuliers exigeant la poursuite de lexamen de la requte

    Questions procdurales justifiant la poursuite de lexamen de la requte malgr lexpiration de la dcision dexpulsion : rejet de la demande de radiation du rle

    F.G. c. Sude - 43611/11 ...................................................................................................... 38

    ARTICLE 46

    Excution de larrt Mesures gnrales

    tat dfendeur tenu de continuer de prendre des mesures traitant du problme structurel de la dure excessive des dtentions provisoires

    Zherebin c. Russie - 51445/09 .............................................................................................. 38

    RENVOI DEVANT LAGRANDE CHAMBRE.................................................................................. 39

    DCISIONS RENDUES PAR DAUTRES JURIDICTIONS INTERNATIONALES

    Cour interamricaine des droits de lhomme

    Prsomption dinnocence et dfense assure par un dfenseur publicAffaire Ruano Torres et al. c. Salvador - SrieC N303 ......................................................... 39

    PUBLICATIONS RCENTES............................................................................................................ 42

    Guide sur la recevabilit : traduction en espagnol

    Guide sur larticle5 : traduction en hongrois

    La Cour en faits et chiffres 2015

    Aperu 1959-2015

    Rapport annuel dactivit 2015 du Commissaire aux droits de lhomme

    AUTRES INFORMATIONS ............................................................................................................... 43

    Commission de Venise

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    9Article 1 Article 2

    ARTICLE 1

    Juridiction des tats

    Juridiction de la Sude concernant une procdure en diffamation conscutive la diffusion dun programme tlvis depuis ltranger

    Arlewin c. Sude - 22302/10Arrt 1.3.2016 [Section III]

    (Voir larticle 6 1 (pnal) ci-dessous, page 23)

    ARTICLE 2

    Recours la force Enqute effective

    Homicide illicite du fils du requrant par la police pendant une manifestation et enqute ineffective : affaire renvoye devant la Grande Chambre

    Nagmetov c. Russie - 35589/08Arrt 5.11.2015 [Section I]

    En 2006, le fils du requrant participa un rassem-blement public de protestation contre la corruption de fonctionnaires locaux. Aprs que les autorits avaient dispers le rassemblement laide darmes feu, il dcda des suites de blessures causes par une grenade gaz lacrymogne. Le mme jour, une enqute pnale fut ouverte. Elle fut ensuite suspen-due puis rouverte plusieurs reprises, jusqu ce quelle soit finalement classe sans suite en 2011.

    Devant la Cour europenne, le requrant soutient, sur le terrain de larticle2 de la Convention, que son fils est dcd en raison dun usage excessif de la force par ltat et que lenqute conduite ce sujet tait ineffective.

    Par un arrt rendu le 5 novembre 2015, une chambre de la Cour a conclu, lunanimit, la violation de larticle2 tant sous son volet matriel que sous son volet procdural. Elle a constat que le gouvernement russe avait reconnu que le fils du requrant avait t illgalement tu, car le droit russe interdisait de jeter une grenade gaz lacry-mogne directement en direction dune personne. Elle na vu aucune raison den juger autrement. De plus, elle a conclu que les autorits navaient pas puis toutes les mesures possibles et raisonnables

    qui auraient permis lidentification du tireur et ltablissement des autres circonstances pertinentes de lespce.

    Le 14 mars 2016, laffaire a t renvoye devant la Grande Chambre la demande du Gouvernement.

    Enqute effective

    Absence allgue denqute effective sur la mort par balles dune personne prise tort pour un terroriste potentiel : non-violation

    Armani Da Silva c. Royaume-Uni - 5878/08Arrt 30.3.2016 [GC]

    En fait La requrante est une parente de Jean Charles de Menezes, qui a t tu par balles le 22 juillet 2005 Londres par deux agents de la section dintervention de la police mtropolitaine qui lavaient pris pour un terroriste potentiel. La veille des faits, la police avait lanc une opration visant retrouver les auteurs de quatre attentats manqus : des bombes qui navaient pas explos avaient t trouves dans trois mtros et un bus londoniens. On craignait quun nouvel attentat nait lieu sous peu. Deux semaines plus tt, les forces de scurit avaient t mises en tat dalerte maximum aprs que plus de cinquante personnes avaient trouv lamort dans des attentats la bombe commis pardes kamikazes dans le rseau de transport londonien. M.de Menezes habitait dans un im-meuble dont lentre tait commune avec celle dun autre immeuble o vivaient deux hommes soup-onns davoir particip aux attentats manqus. Lorsquil sortit de chez lui pour se rendre son travail le matin du 22juillet, il fut suivi par des agents de surveillance, qui pensaient quil tait peut-tre lun des suspects. Des agents de la section dintervention furent envoys sur les lieux et re-urent pour consigne de lempcher de monter dans le mtro. Cependant, lorsquils arrivrent, M.de Menezes tait dj entr dans la station de mtro de Stockwell. Les agents de la section din-tervention le rattraprent alors quil tait dj dans le train, limmobilisrent et lui tirrent plusieurs balles dans la tte.

    Laffaire fut transmise la Commission ind-pendante dexamen des plaintes contre la police (IPCC). Dans un rapport du 19 janvier 2006, celle-ci formula un certain nombre de recom-mandations oprationnelles et indiqua plusieurs infractions susceptibles davoir t commises par les policiers impliqus, dont le meurtre et lhomi-cide par ngligence grave. Toutefois, les autorits

    http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-158501http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-161993

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    Article 210

    dcidrent en dfinitive de nengager de procdure pnale ou disciplinaire contre aucun des policiers titre individuel, estimant quil ny avait pas de perspective raliste que de telles procdures abou-tissent. Par la suite, la prfecture de police fut poursuivie et condamne sur le terrain de la loi de 1974 sur la sant et la scurit au travail. Elle fut condamne au paiement dune amende de 175000 livres sterling (GBP) et des dpens. Cependant, dans un addendum (rider) au verdict qui fut valid par le juge, le jury prcisa que lofficier en charge de lopration navait aucune culpabilit per-sonnelle dans laffaire. lissue dune enqute judiciaire mene en 2008, le jury rendit un verdict ouvert (open verdict) le coroner avait exclu lhomicide illicite (unlawful killing) de la liste des verdicts possibles. La famille engagea par ailleurs une action civile en rparation, qui fut rgle en 2009 par un accord confidentiel.

    Dans sa requte devant la Cour europenne, la requrante se plaint de la dcision de ne poursuivre personne titre individuel pour la mort de M.de Menezes.

    Le 9 dcembre 2014, une chambre de la cour sest dessaisie au profit de la Grande Chambre.

    En droit Article 2 (volet procdural) La Cour apos dans sa jurisprudence un certain nombre deconditions devant tre respectes pour quune enqute sur le recours par des agents de ltat la force meurtrire soit effective : lenqute doit tre mene par des personnes indpendantes de celles impliques dans les faits ; elle doit tre adquate ; elle doit aboutir des conclusions reposant sur une analyse mticuleuse, objective et impartiale de tous les lments pertinents ; elle doit tre suffisamment accessible la famille de la vic-time et ouverte lexamen du public ; et elle doit tre mene promptement et avec une diligence raisonnable.

    En lespce, lenqute a t mene par un organe indpendant (lIPCC), qui a recueilli les lments de preuve matriels et criminalistiques pertinents (plus de 800 pices conviction ont t retenues), recherch les tmoins (prs de 890 dpositions ont t recueillies), suivi toutes les pistes videntes et analys objectivement toutes les preuves perti-nentes. La famille de la victime a t rgulirement informe de la progression des investigations et des conclusions de lIPCC. Elle a obtenu un contrle juridictionnel de la dcision de ne pas engager depoursuites, et elle a t reprsente aux frais deltat lors de lenqute judiciaire, au cours de laquelle elle a pu contre-interroger les tmoins etprsenter des observations. LIPCC na pas pu

    accder immdiatement la scne des tirs, mais rien nindique que ce dlai ait compromis en quoi que ce soit lintgrit de lenqute.

    Bien que la requrante ne se soit pas plainte de lenqute en gnral, il importait de garder ces considrations lesprit pour examiner la procdure dans son ensemble, sachant que la requrante ex-primait des griefs spcifiques, qui ne concernaient que deux aspects du caractre adquat de lenqute : a) le point de savoir si les autorits denqute avaient pu examiner dment le caractre justifi ou non de lusage de la force ; et b) le point de savoir si lenqute avait t propre permettre didentifier les responsables et, le cas chant, de les sanctionner.

    a) Sur le point de savoir si les autorits ont pu exa-miner dment le caractre justifi ou non de lusage de la force La requrante arguait que lenqute ne rpondait pas aux exigences de larticle2 de la Convention, le droit interne nayant pas permis aux autorits dexaminer le caractre raisonnable ou draisonnable de la conviction des agents de la section dintervention selon laquelle le recours la force tait ncessaire.

    La Cour observe que la principale question seposer pour dterminer si lemploi de la force meurtrire tait justifi au regard de la Convention est celle de savoir si la personne prtendant avoir agi en lgitime dfense croyait honntement et sincrement quil tait ncessaire quelle agisse comme elle la fait. Pour rpondre cette question, la Cour doit vrifier le caractre subjectivement raisonnable (et non objectivement raisonnable) de la conviction en tenant pleinement compte descirconstances dans lesquelles les faits se sont drouls. Si elle conclut que la conviction ntait pas subjectivement raisonnable (cest--dire quelle ne reposait pas sur des raisons subjectivement valables), il est probable quelle aura du mal admettre quelle ait t honnte et sincre.

    Le critre appliqu en Angleterre et au pays de Galles en matire de lgitime dfense ne diffre pasde manire significative de cette norme et ne la mconnat pas. En toute hypothse, toutes les autorits indpendantes qui ont examin les actes des deux agents auteurs des tirs ont vrifi soi-gneusement le caractre raisonnable de leur convic-tion selon laquelle M.de Menezes tait un kamikaze qui risquait de faire exploser une bombe dune seconde lautre. On ne peut donc pas dire que les autorits nationales nont pas vrifi, dune manire compatible avec les exigences de larticle2 de la Convention, si lusage quils ont fait de la force tait justifi compte tenu des circonstances.

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    11Article 2

    b) Sur le point de savoir si lenqute a t apte identifier les responsables et, le cas chant, les sanctionner La Cour rpugne normalement interfrer avec une dcision relative aux poursuites prise de bonne foi lissue dune enqute par ailleurs effective. Il est cependant arriv quelle admette que des dfaillances institutionnelles dans le systme de justice pnale ou dans le systme de poursuites pnales puissent emporter violation de larticle2 de la Convention.

    En lespce, prenant en compte la procdure pnale dans son ensemble, elle conclut que la requrante na pas dmontr quil existt dans le systme de justice pnale ou dans le systme de poursuites pnales des dfaillances institutionnelles qui auraient donn lieu ou auraient t de nature donner lieu une violation du volet procdural de larticle2 de la Convention dans les circonstances de la cause. Cette conclusion repose en particulier sur les lments suivants :

    La Cour na jamais dit que la dcision relative aux poursuites doive tre prise par un tribunal, et le fait que la dcision de ne pas engager de pour-suites ait t prise par un agent de ltat (un agent du Service des poursuites de la Couronne) nest pas problmatique en lui-mme, pour autant quil existe des garanties suffisantes quant lind-pendance et lobjectivit de cet agent. Par ailleurs, rien dans la jurisprudence de la Cour nindique quun procureur indpendant doive entendre les tmoins avant de dcider dengager ou non des poursuites.

    Le critre de la prsence dlments suffisants1 appliqu par le Service des poursuites de la Cou-ronne pour dcider dengager ou non des poursuites relve de la marge dapprciation de ltat. Lors-quelles dfinissent le critre appliquer quant la prsence dlments suffisants, les autorits internes doivent mettre en balance un certain nombre din-trts divergents, notamment ceux des victimes, ceux des accuss potentiels et ceux du public, etelles sont videmment mieux places que la Cour pour procder une telle apprciation. Le seuil douverture de poursuites appliqu en Angleterre et au pays de Galles nest pas arbitraire. Au contraire, il a fait lobjet maintes reprises de rexamens, de consultations publiques et de dbats

    1. En vertu des articles 5.2 et 5.3 du code lintention des procureurs de la Couronne, les procureurs doivent sassurer avant dengager des poursuites que sont prsents des lments suffisants pour offrir une perspective raliste de condam-nation , cest--dire quun jury convenablement inform serait plus susceptible de dclarer laccus coupable que non cou-pable des charges retenues contre lui.

    politiques. Il ny a pas dapproche uniforme au sein des tats contractants ; et le seuil adopt en Angle-terre et au pays de Galles est peut-tre plus lev que celui retenu dans certains autre pays, mais cela reflte limportance du rle du jury dans le systme qui y est en vigueur. Par ailleurs, larticle 2 ne commande pas dabaisser le seuil de prsence dlments suffisants dans les affaires dhomicide commis par des agents de ltat. Les autorits de ltat dfendeur taient fondes considrer que pour prserver la confiance du public dans le sys-tme de poursuites, il faut poursuivre lorsque les lments du dossier le justifient, et ne pas poursuivre lorsquils ne le justifient pas. En toute hypothse, un certain nombre de garanties ont t mises en place pour les cas de dcs causs par la police ou survenus en dtention.

    La Cour nest pas convaincue que la porte du contrle juridictionnel auquel sont soumises les dcisions de ne pas engager de poursuites (le juge national ne peut modifier la dcision que si elle esterrone en droit) soit trop troite. Elle note quilny a pas au sein des tats membres dap-proche uniforme quant la possibilit dobtenir un contrle des dcisions relatives louverture de poursuites ni quant la porte de ce contrle sil yen a un.

    ***

    En conclusion, mme si les faits de la cause sont assurment dramatiques et si la frustration ressentie par la famille de M.de Menezes face labsence de poursuites individuelles est comprhensible, on ne peut pas dire que toute question se rapportant une ventuelle responsabilit des autorits dans la mort ait t laisse en suspens .

    Ds quil a t confirm que M.de Menezes navait pas particip aux attentats manqus du 21juillet 2005, la police mtropolitaine a admis publi-quement quil avait t tu par erreur par des agents dlite. Un reprsentant de la police mtropolitaine sest rendu au Brsil pour prsenter en personne aux membres de sa famille les excuses des autorits et leur remettre titre gracieux une somme dargent destine couvrir leurs besoins financiers. Il a ga-lement t conseill la famille de M.de Menezes de recueillir lavis dun avocat indpendant et il lui a t assur que la police mtropolitaine couvrirait toutes ses dpenses cet gard. LIPCC, le CPS, le tribunal pnal et, dans le cadre de lenqute judiciaire, le coroner et le jury ont examin de manire approfondie la responsabilit de chacun des policiers impliqus dans laffaire ainsi que la responsabilit institutionnelle de la prfecture. Par la suite, lorsque la famille a engag une action civile

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    12 Article 2 Article 3

    en rparation, la police mtropolitaine a accept de conclure avec elle un accord prvoyant le verse-ment dune indemnit, dont le montant na pas t divulgu.

    La dcision de poursuivre la prfecture navait pour consquence dexclure louverture de poursuites contre les policiers titre individuel ni en droit ni en pratique. La dcision de nengager des poursuites contre aucun des agents titre individuel nest pasnon plus due des dficiences de lenqute ou une complicit ou une tolrance de ltat rela-tivement des actes illgaux ; elle est la consquence de ce que, lissue dune enqute approfondie, un procureur a examin tous les faits de la cause et a conclu au regard du critre pertinent quil ny avait contre aucun des agents pris individuellement suffisamment dlments de preuve pour engager leur gard des poursuites pnales raison dune quelconque infraction pnale.

    Les dfaillances institutionnelles et oprationnelles constates ont valu la prfecture dtre condam-ne pour une infraction la loi de 1974 sur la sant et la scurit au travail. Il ny a aucune indication permettant de dire que la sanction qui lui a t inflige (une amende de 175 000 GBP et le paie-ment des dpens, soit 385000 GBP) ait t exces-sivement clmente pour une infraction de cette nature. Il ny a pas en lespce de disproportion manifeste entre linfraction commise et la sanction inflige.

    En consquence, au vu de la procdure prise dans son ensemble, on ne peut pas dire que les autorits internes aient failli lobligation procdurale que leur faisait larticle2 de la Convention de mener sur la mort par balles de M.de Menezes une en-qute effective propre conduire ltablissement des faits, dterminer si le recours la force tait justifi dans les circonstances de lespce et iden-tifier les responsables ainsi que, le cas chant, les sanctionner.

    Conclusion : non-violation (treize voix contre quatre).

    (Voir aussi McCann et autres c. Royaume-Uni, 18984/91, 27 septembre 1995 ; neryldz c.Turquie [GC], 48939/99, 30novembre 2004, Note dinformation 69 ; et Giuliani et Gaggio c.Italie [GC], 23458/02, 24mars 2011, Note dinformation139)

    Expulsion

    Projet dexpulsion vers lIran dun militant politique discret : lexpulsion nemporterait pas violation

    Projet dexpulsion vers lIran, sans examen adquat de la ralit et des implications dune conversion au christianisme postrieure larrive en Europe : lexpulsion emporterait violation

    F.G. c. Sude - 43611/11Arrt 23.3.2016 [GC]

    (Voir larticle 3 ci-dessous, page 17)

    ARTICLE 3

    Traitement inhumain ou dgradant

    Absence de suivi mdical adquat dun enfant dtenu en vue dune rducation comportementale : violation

    Blokhin c. Russie - 47152/06Arrt 23.3.2016 [GC]

    (Voir larticle 5 1d) ci-dessous, page 19)

    Absence de test de dpistage dHelicobacter pylori et autres carences dans le traitement dun dtenu souffrant dun ulcre : violation

    Kolesnikovich c. Russie - 44694/13Arrt 22.3.2016 [Section III]

    En fait Pendant sa dtention provisoire, puis pendant la peine demprisonnement laquelle il fut condamn, le requrant souffrit de frquents ulcres et dautres pathologies graves. Il poursuivit ladministration pnitentiaire pour traitement m-dical inadquat mais nobtint pas gain de cause.

    En droit Article 3 : Mme si les autorits ont pris rapidement conscience des problmes de sant du requrant, celui-ci a t laiss sans surveillance mdicale pendant les deux premires annes de sa dtention, jusqu que sa sant se ft dtriore aupoint quil ne puisse plus prendre part aux audiences devant le tribunal. Les retards pour ladmettre lhpital pnitentiaire, combins au fait que lintress na pas bnfici de certains des mdicaments ncessaires pour au moins soulager

    http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-10100http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-4095http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-569http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-569http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-161532

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    13Article 3

    ses douleurs svres estomac, ont constitu de srieux manquements. La Cour estime que les autorits ont mal apprci les complications de sant du requrant. Le traitement dispens lint-ress ne se fondait sur aucune stratgie visant rduire la frquence des crises ulcreuses et sest donc avr tre dune ineffectivit flagrante. cet gard, labsence de test de dpistage dHelicobacter pylori a t une lacune majeure1. De plus, il ne semble pas que les autorits aient valu la com-patibilit du traitement danti-inflammatoires non-strodiens administr au requrant pour ses pro-blmes de colonne vertbrale avec sa pathologie ulcreuse, alors mme que ce type de mdicaments peut induire des saignements gastro-intestinaux et une dtrioration de ltat du patient. Tous ces manquements, cumulativement, sanalysent en un traitement inhumain et dgradant.

    Conclusion : violation (unanimit).

    La Cour conclut galement lunanimit la violation de larticle13 de la Convention.

    Article 41 : 15000 EUR pour prjudice moral ; demande pour dommage matriel rejete.

    Femme enceinte entrave avant et aprs son accouchement ; mauvaises conditions de dtention dune mre et de son bb ; caractre inadquat des soins mdicaux dispenss un bb en prison ; placement dune femme enceinte dans une cage de mtal pendant les audiences tenues lors de son procs : violations

    Korneykova et Korneykov c. Ukraine - 56660/12Arrt 24.3.2016 [Section V]

    En fait En janvier 2012, la premire requrante, enceinte de cinq mois, fut place en garde vue puis en dtention provisoire parce quelle tait souponne de vol. Elle donna naissance en d-tention son fils, le second requrant.

    Dans sa requte, elle se plaint, sous langle de lar-ticle3 de la Convention, davoir t mise sous entraves lors de son sjour la maternit et place dans une cage de mtal au prtoire, avant et aprs laccouchement, ainsi que de mauvaises conditions matrielles de dtention provisoire pour elle et son

    1. La Cour sest notamment fonde sur le rapport Maastricht IV/Florence Consensus report du 22fvrier 2012 sur la ges-tion de lpidmie de H.pylori, qui conclut que H.pylori est le facteur principal du dveloppement de lulcre, et que lra-dication de H.pylori entrane des taux de gurison de lulcre dpassant les 90%.

    fils, notamment de soins mdicaux inadquats pro-digus ce dernier.

    En droit Article 3

    a) Mise sous entraves allgue en maternit La Cour juge suffisamment tabli que la premire requ-rante a t continuellement mise sous entraves lamaternit. Elle rappelle que des mesures telles que le menottage ou la mise sous entraves dune personne malade ou affaiblie dune autre faon sont disproportionnes aux impratifs de scurit et impliquent une humiliation injustifiable, quelle soit intentionnelle ou non. En lespce, la premire requrante a t attache un fauteuil dexamen gyncologique dans lhpital o elle avait t conduite le jour de son accouchement. Tout risque de comportement violent ou de fuite de sa part naurait gure t imaginable dans son tat. Dail-leurs, il na jamais t allgu quelle stait compor-te de manire agressive lgard du personnel hospitalier ou de la police, ni quelle avait tent de schapper ou quelle constituait une menace pour sa propre scurit. De plus, sa mise sous entraves injustifie stait poursuivie aprs laccouchement, alors quelle tait particulirement fragile. La Cour attache galement de limportance ce quelle tait sous la surveillance constante de trois gardiens, cequi suffisait parer tout risque ventuel. La mesure dnonce sanalyse donc en un traitement inhumain et dgradant.

    Conclusion : violation (unanimit).

    b) Conditions matrielles de dtention des requrants Par leurs consquences cumules, la malnutrition de la premire requrante et le matriel sanitaire et dhygine inadquat pour son nouveau-n, ainsi que linsuffisance des promenades lextrieur, constituent un traitement inhumain et dgradant.

    Conclusion : violation (unanimit).

    c) Soins mdicaux prodigus au second requrant dans le centre de dtention Les autorits taient tenues dassurer un suivi et des soins mdicaux adquats au second requrant en tant que nouveau-n qui sjournait avec sa mre dans le centre de dtention. Il tait particulirement vulnrable et avait besoin dtre troitement suivi par un mdecin spcialis. Au vu du dossier, la Cour est fonde constater que le second requrant est rest priv de suivi par un pdiatre pendant prs de trois mois. Compte tenu en particulier du jeune ge de lenfant, cette seule circonstance lui suffit conclure au non-respect en lespce de lobligation de prodiguer des soins adquats.

    Conclusion : violation (unanimit).

    http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-161543http://gut.bmj.com/content/61/5/646http://gut.bmj.com/content/61/5/646

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    Article 314

    d) Le placement de la seconde requrante dans une cage de mtal au prtoire Selon la jurisprudence de la Cour, lenfermement dune personne dans une cage de mtal pendant son procs constitue en soi un affront la dignit humaine contraire larticle3 (Svinarenko et Slyadnev c.Russie [GC], 32541/08 et 43441/08, 17 juillet 2014, Note dinformation 176). En lespce, la premire requrante a t place dans une cage de mtal pendant toutes les six audiences de son procs. Pendant les deux premires audiences, elle se trouvait un stade trs avanc de sa grossesse, tandis que pendant les quatre autres audiences, elle tait une mre allaitante qui dans le prtoire tait spare de son bb par des barreaux mtalliques. La justification dune telle mesure dentrave navait mme pas fait lobjet dune rflexion, le juge ayant estim que la seule sortie de la premire requrante de la cage aurait valu largissement, au mpris dela mesure prventive de privation de libert applique.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : 12000 EUR la premire requrante et 7000 EUR au second requrant pour prjudice moral.

    (Voir les fiches thmatiques Conditions de dten-tion et traitement des dtenus, Protection des mineurs et Droit des dtenus en matire de sant)

    Obligations positives (volet matriel)

    Inaccessibilit des mesures de protection contre la violence domestique aux femmes non maries ou divorces : violation

    M.G. c. Turquie - 646/10Arrt 22.3.2016 [Section II]

    En fait Victime de violences conjugales chroniques lui ayant caus des blessures multiples, la requrante dposa en 2006 une plainte pnale contre son mari, aprs avoir quitt le domicile conjugal pour un re-fuge associatif. Elle engagea une action en di vorce. Son tat physique et psychique ayant t rapidement constat, elle demanda et obtint le bnfice des mesures de protection offertes aux victimes de vio-lence domestique par la loi, qui lui fut renouvel plusieurs reprises tant que le mariage ne fut pas dissous. Les injonctions adresses au mari com-prenaient, par exemple, son loignement du domi-cile commun, avec interdiction de sen approcher ou de dranger la requrante ou ses enfants par le biais de communications, sous peine de sanctions privatives de libert. En 2007, le divorce fut pro-nonc. Aprs lentre en vigueur, en 2012, dune

    nouvelle loi mettant fin toute distinction entre personnes maries et non maries cet gard, des mesures de protection lui furent de nouveau ac-cordes sa demande. En 2012, le procureur ouvrit contre lex-mari de la requrante des poursuites pnales, qui demeurent pendantes.

    En droit Article 3 : Les allgations de la requrante tant crdibles et dune gravit certaine, larticle3 de la Convention est applicable. Ltat se devait donc davoir mis en place un cadre lgislatif ad-quat et de ragir promptement.

    a) Dfaut de prompte raction pnale Dans le trai-tement judiciaire du contentieux des violences contre les femmes, il incombe aux instances na-tionales de tenir compte de la situation de prcarit et de vulnrabilit particulire, morale, physique et/ou matrielle de la victime, et dapprcier la situation dans les plus brefs dlais exigences dattention et de clrit expressment nonces par ailleurs par la Convention dIstanbul1.

    Si le code pnal ne contenait pas de dispositions spcifiques aux violences domestiques, une incri-mination gnrale existait pour les atteintes lintgrit physique. Ds le lendemain du dpt de sa plainte, des rapports mdicaux avaient permis dtablir que la requrante prsentait des blessures physiques ainsi quun trouble dpressif majeur etun stress post-traumatique chronique, lis aux violences subies. Malgr cela, le procureur de la Rpublique attendit cinq mois avant de dlivrer un mandat damener aux fins dauditionner lex-mari de la requrante. De mme, ds 2007, lors du prononc du divorce, au vu des preuves rassembles, le tribunal de la famille avait estim tablies les violences dnonces. Rien ne peut donc expliquer la passivit du procureur de la Rpublique pendant une priode aussi longue plus de cinq ans et six mois aprs la plainte avant le dclenchement des poursuites pnales, lesquelles restent par ailleurs toujours pendantes.

    Pour la Cour, la manire dont les autorits internes ont men les poursuites pnales participe gale-ment de cette passivit judiciaire gnralise et discriminatoire dj constate dans les affaires contre la Turquie en matire de violence domestique et qui engendre un climat propice ladite violence.

    b) Inaccessibilit des mesures de protection contre la violence domestique aprs le divorce En lespce, il existait bien un dispositif civil prvoyant la possi-

    1. Convention du Conseil de lEurope sur la prvention et la lutte contre la violence lgard des femmes et la violence domestique, ratifie par la Turquie en 2012 et entre en vigueur en 2014.

    http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-9945http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-9945http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Detention_conditions_FRA.pdfhttp://www.echr.coe.int/Documents/FS_Detention_conditions_FRA.pdfhttp://www.echr.coe.int/Documents/FS_Minors_FRA.pdfhttp://www.echr.coe.int/Documents/FS_Minors_FRA.pdfhttp://www.echr.coe.int/Documents/FS_Prisoners_health_FRA.pdfhttp://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-161521http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/210

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    15Article 3

    bilit de saisir le juge aux affaires familiales pour demander bnficier de mesures de protection, dont la requrante avait dailleurs bnfici lors-quelle tait marie. Toutefois, entre la date de prononc de son divorce et la date dentre en vigueur de la nouvelle loi, le cadre lgislatif en place ne garantissait pas la requrante, divorce, le bnfice des mesures de protection en cause, dont lapplication tait laisse linterprtation et la discrtion du juge aux affaires familiales saisi.

    Certes, durant la priode en cause, la requrante ne fut pas victime de nouvelles violences physiques de la part de son ex-mari. Cela tant, limpact psychologique, aspect important de la violence domestique, doit tre pris en compte. On ne saurait ignorer le sentiment de peur dans lequel la requ-rante a vcu cache dans un foyer pendant deux ans et demi ni le retentissement sur sa vie per-sonnelle, sociale et familiale des violences quelle asubies, qui perdure encore aujourdhui. La cir-constance que, depuis lentre en vigueur de la nouvelle loi, la requrante a bnfici de mesures de protection contre son ex-mari, accrdite encore que son intgrit physique restait menace, situ-ation propre lui inspirer des sentiments de peur, de vulnrabilit et dinscurit.

    c) Conclusion Il convient davoir lesprit que la violence lgard des femmes est, comme lnonce le Prambule de la Convention dIstanbul, un des mcanismes sociaux cruciaux par lesquels celles-ci sont maintenues dans une position de subordina-tion par rapport aux hommes. Il est inacceptable que la requrante ait d, de nombreuses annes aprs avoir saisi les instances nationales des vio-lences dont elle fut victime, vivre dans la crainte des agissements de son ex-mari.

    Au vu de tout ce qui prcde, ltat dfendeur a failli ses obligations positives au regard de larticle3.

    Conclusion : violation (unanimit).

    La Cour conclut galement, lunanimit, la violation de larticle14 combin avec larticle3 de la Convention.

    Article 41 : 19500 EUR pour prjudice moral ; demande pour dommage matriel rejete.

    (Voir aussi Opuz c. Turquie, 33401/02, 9 juin 2009, Note dinformation 120, et Durmaz c.Turquie, 3621/07, 13novembre 2014, ainsi que la fiche thmatique Violence domestique)

    Enqute effective

    Dfaut de prise en compte dun contexte local de violences racistes dans lenqute sur lagression dun migrant : violation

    Sakir c. Grce - 48475/09Arrt 24.3.2016 [Section I]

    En fait De nationalit afghane, le requrant fut hospitalis en 2009 avec des blessures au thorax aprs avoir t agress par un groupe dindividus arms, dans un quartier du centre dAthnes connu pour tre de manire rptitive le thtre de vio-lences xnophobes. sa sortie de lhpital, nayant pas de titre de sjour, il fut dtenu une dizaine de jours au commissariat de police en vue de son expulsion, avant dtre finalement remis en libert avec lordre de quitter le territoire grec.

    Un tmoin mit en cause deux personnes nomm-ment, avant de se rtracter ; poursuivi ensuite cet gard pour fausse dclaration, il raffirma alors la vracit de ses dires et fut finalement acquitt de cette accusation.

    Aprs la clture de lenqute prliminaire par la police et lenvoi du dossier au procureur, celui-ci le mit en 2012 aux archives des infractions auteurs non identifis.

    En droit Article 3

    a) Volet matriel Le surpeuplement et les mau-vaises conditions de dtention rgnant dans le commissariat en question, qui semblait servir de lieu de dtention pour les immigrs clandestins pour des dures de plusieurs mois, ont t constats aussi bien par le mdiateur de la Rpublique, lpoque o le requrant sy trouvait, que par le Rapporteur spcial des Nations unies sur la torture1.

    En ce qui concerne spcifiquement le requrant, diverses carences peuvent tre constates quant la prise suffisante en compte par les autorits policires de sa situation mdicale et de son tat de vulnrabilit pendant sa dtention.

    Premirement, celui-ci a t directement mis en dtention dans les locaux du commissariat ds sa sortie de lhpital, sans que les autorits policires naient au pralable cherch savoir auprs des autorits dudit hpital si son tat de sant per-mettait sa mise en dtention immdiate.

    Deuximement, le requrant portait alors toujours les mmes vtements tachs de sang, et les autorits policires ne lui ont par la suite aucun moment

    1. Voir Ahmade c. Grce, 50520/09, 25septembre 2012, o la Cour avait dj conclu la violation de larticle3 de ce chef.

    http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-1450http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-147871http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Domestic_violence_FRA.pdfhttp://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-161541http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-113330

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    Article 316

    offert des habits propres, ni donn la possibilit de prendre une douche et de soigner ses blessures.

    Troisimement, les dlais indiqus dans le certificat mdical dlivr par lhpital pour y ramener le requrant aux fins dy subir de nouveaux examens ne furent pas respects.

    Au vu de ce qui prcde, les autorits comptentes nont pas garanti au requrant des conditions de dtention conformes larticle3 ni assur sa sant et son bien-tre de manire adquate.

    Conclusion : violation (unanimit).

    b) Volet procdural Les autorits comptentes nont pas enqut sur lagression du requrant avec le niveau de diligence et defficacit requis.

    i. La recherche des preuves

    Avec le requrant Aucune dposition na t recueillie du requrant lui-mme, alors que les autorits comptentes disposaient de tout le temps ncessaire pour lentendre puisquil est rest en dtention au commissariat de police prs de dix jours. Les autorits policires ne lont pas mme invit reconnatre les deux individus initialement dnoncs par le principal tmoin comme faisant partie du groupe dagresseurs. Aucune procdure didentification dautres personnes ayant un his-torique dappartenance des groupes dextrmistes stant dj livrs des violences racistes au centre dAthnes na non plus eu lieu.

    Avec les mdecins Ni les autorits policires ni le procureur nont cherch tablir en dtail la nature et la cause des lsions infliges au requrant en commandant, par exemple, une expertise mdi-co-lgale dont les conclusions auraient pu lucider des aspects techniques de lagression et contribuer lidentification des auteurs.

    Avec les tmoins La police na entendu que deux tmoins : un policier prsent lors de incident en cause ; et un compatriote du requrant, qui avait averti la police de lagression. Or, daprs le tmoi-gnage du premier, il y avait au moins un troisime tmoin oculaire, qui na jamais t convoqu.

    Quant au second tmoin, tranger se trouvant aux mains de la police pour dfaut de titre de sjour lorsquil a dpos en tant que tmoin oculaire sur lincident en cause, il tait sans doute dans un tat de vulnrabilit. La police devait donc lui rserver des conditions daudition pouvant garantir la fiabilit et lexactitude des informations fournies sur lagression du requrant. Or celui-ci est revenu sur sa dposition initiale, qui dsignait deux indi-vidus connus comme auteurs principaux de lagression, sans quon linterroge aucun moment sur les raisons de cette volte-face quelques heures dintervalle. Au contraire, il fit lobjet de poursuites

    ce titre. Bien que celles-ci se soient avres in-fondes, aucune initiative telle quune convo-cation des deux personnes dsignes afin dexami-ner nouveau leur rle dans lincident litigieux, ventuellement en les confrontant avec le tmoin na t ensuite prise par les autorits judiciaires comptentes afin dlucider la question de la vra-cit du tmoignage initial.

    ii. Labsence de prise en compte du contexte gnral de violences racistes Athnes Des rapports pro-venant de plusieurs instances nationales ou orga-nisations non gouvernementales internationales soulignent de faon convergente la nette augmen-tation dincidents violents caractre raciste au centre dAthnes depuis 2009, savoir lanne durant laquelle les faits litigieux se sont produits.

    Ils relvent lexistence dun schma rcurrent dagressions contre des trangers, perptus par des groupes dextrmistes, la plupart des incidents recenss ayant eu lieu dans deux quartiers sp-cifiques, dont celui de la prsente affaire.

    Dautre part, ces rapports font tat domissions srieuses de la part de la police en ce qui concerne tant ses interventions au moment des agressions au centre dAthnes que leffectivit des enqutes policires subsquentes.

    Bien que lincident dans le cas prsent ait eu lieu dans lun des deux quartiers en question et que la nature de lagression prsentt les caractristiques dune attaque caractre raciste, la police a compl-tement omis de placer laffaire dans le contexte dcrit par les rapports prcits et la traite comme un cas isol. Ainsi, ni la police ni les instances judiciaires comptentes nont pris dinitiatives pour reprer des liens ventuels entre les incidents y relats et lagression du requrant.

    Or, lorsquil sagit denquter sur des allgations demauvais traitement avec motif ventuellement raciste, une rponse adquate est essentielle pour viter toute apparence de complicit ou de tolrance relativement des actes illgaux et prserver la confiance du public dans le principe de la lgalit et son adhsion ltat de droit.

    Conclusion : violation (unanimit).

    La Cour conclut galement, lunanimit, la violation de larticle13 combin avec larticle3, eu gard labsence de recours effectif quant aux conditions de dtention du requrant dans les lo-caux du commissariat de police.

    Article 41 : aucune demande formule pour dommage.

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    17Article 3

    Expulsion

    Projet dexpulsion vers lIran dun militant politique discret : lexpulsion nemporterait pas violation

    Projet dexpulsion vers lIran, sans examen adquat de la ralit et des implications duneconversion au christianisme postrieure larrive en Europe : lexpulsion emporterait violation

    F.G. c. Sude - 43611/11Arrt 23.3.2016 [GC]

    En fait Le requrant, ressortissant iranien, demanda lasile en Sude au motif quil avait travaill avec des opposants notoires au rgime iranien et avait t arrt et dtenu par les autorits au moins trois reprises entre 2007 et 2009, en raison notamment de ses activits de publication sur le Web. Il dclara avoir t contraint de fuir aprs avoir dcouvert que ses locaux professionnels, o il avait gard des documents politiquement sensibles, avaient t fouills et que des documents avaient disparu. Aprs son arrive en Sude, il stait converti au christianisme, ce qui selon lui lexposait au risque de subir la peine capitale pour apostasie en cas de renvoi en Iran. Sa demande dasile fut rejete par les autorits sudoises, qui prirent son encontre une dcision dexpulsion.

    Dans un arrt du 16 janvier 2014, une chambre de la Cour a dit, par quatre voix contre trois, que la mise en uvre de la dcision dexpulsion visant le requrant nemporterait pas violation de lar-ticle2 ou de larticle3 de la Convention. Elle a constat quaucune information nindiquait que les activits et lengagement politiques de lintress eussent revtu un caractre autre que marginal. Sagissant de la conversion du requrant au chris-tianisme, la chambre a observ que celui-ci avait expressment dclar devant les autorits nationales quil ne souhaitait pas invoquer son appartenance religieuse lappui de sa demande dasile parce que pour lui cette question relevait du domaine priv, et elle a ajout que rien nindiquait que les autorits iraniennes fussent au courant de cette conversion. En conclusion, le requrant navait pas tabli lexistence dun risque rel et concret dtre soumis un traitement prohib sil tait renvoy en Iran.

    En droit

    Article 37 1 : Le Gouvernement demande laGrande Chambre de rayer laffaire du rle au motif que la dcision dexpulsion a expir en juin 2015 et nest plus excutoire. La Grande Chambre

    note toutefois que dimportantes questions se trouvent en jeu dans laffaire notamment en ce qui concerne les obligations que doivent remplir les parties une procdure dasile , dpassant la situation particulire du requrant. Ds lors, des circonstances spciales touchant au respect des droits de lhomme garantis par la Convention et ses Protocoles exigent quelle poursuivre lexamen de la requte.

    Conclusion : demande de radiation du rle rejete (seize voix contre une).

    Articles 2 et 3

    a) Principes gnraux La Grande Chambre rap-pelle que lorsquil y a des motifs srieux et avrs de croire quun individu, si on lexpulse vers le pays de destination, y courra un risque rel dtre soumis la peine capitale, la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dgradants, tant larticle2 que larticle3 impliquent que ltat contractant ne doit pas expulser la personne en question. Elle examine donc les deux articles simultanment.

    Concernant les demandes dasile fondes sur un risque gnral bien connu, lorsque les informations sur un tel risque sont faciles vrifier partir dun grand nombre de sources, les obligations dcoulant pour les tats des articles2 et 3 de la Convention dans les affaires dexpulsion impliquent que les autorits valuent ce risque doffice.

    En revanche, dans le cas dune demande dasile fonde sur un risque individuel, il incombe la personne qui sollicite lasile dvoquer et dtayer pareil risque. Ds lors, si un requrant dcide de ne pas invoquer ou dvoiler tel ou tel motif dasile individuel et particulier et sabstient dlibrment de le mentionner, ltat concern nest aucunement cens dcouvrir ce motif par lui-mme. Eu gard toutefois au caractre absolu des droits garantis par les articles2 et 3 de la Convention, et la situation de vulnrabilit dans laquelle se trouvent souvent les demandeurs dasile, si un tat contractant est inform de faits, relatifs un individu donn, propres exposer celui-ci un risque de mauvais traitements en cas de retour dans le pays en ques-tion, les obligations dcoulant pour les tats des articles2 et 3 de la Convention impliquent que les autorits valuent ce risque doffice. Cela vaut spcialement pour les situations o il a t port la connaissance des autorits nationales que le demandeur dasile fait vraisemblablement partie dun groupe systmatiquement expos une pra-tique de mauvais traitements et quil y a des motifs srieux et avrs de croire lexistence de la pratique en question et son appartenance au groupe vis.

    http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-161876

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    Article 318

    b) Application de ces principes en lespce

    i. Les activits politiques du requrant Le requrant ne prtend pas que, en soi, la situation gnrale existant en Iran empcherait son retour dans ce pays. La Grande Chambre estime que cette situ-ation nest pas en soi de nature dmontrer quil y aurait violation de la Convention si le requrant faisait lobjet dun renvoi.

    Concernant la situation personnelle du requrant, la Grande Chambre relve que les autorits na-tionales ont estim que les activits politiques durequrant en Iran pouvaient tre considres comme marginales, ce qui selon elles tait corrobor par le fait que depuis 2009 lintress navait plus t convoqu devant le tribunal rvolutionnaire et quaucun de ses proches demeurs en Iran navait subi de reprsailles de la part des autorits ira-niennes. Dans ces conditions, la Grande Chambre nest pas convaincue par largument du requrant selon lequel les autorits sudoises nont pas ad-quatement tenu compte de questions telles que lesmauvais traitements subis par lui pendant sa dtention en septembre 2009, ou le risque quil soit dtenu laroport en cas dexpulsion. La Grande Chambre ne peut pas non plus conclure que la procdure mene devant les autorits su-doises a t inadquate et insuffisamment taye par des donnes internes ou par celles provenant dautres sources fiables et objectives. En ce qui concerne lvaluation du risque, aucun lment ne corrobore laffirmation selon laquelle les autorits sudoises ont conclu tort que le requrant ntait pas un militant notoire ou un opposant politique. Enfin, lintress sest vu octroyer lanonymat dans le cadre de la procdure devant la Cour, et daprs les lments dont celle-ci dispose il ny a pas din-dice srieux quant un risque didentification.

    Conclusion : lexpulsion nemporterait pas violation (unanimit).

    ii. La conversion religieuse du requrant Loffice des migrations a rejet la demande dasile du requrant aprs avoir relev que celui-ci navait pas souhait au dpart invoquer sa conversion lappui de sa demande dasile et avait dclar que sa nou-velle confession tait une question dordre priv. Loffice a conclu que lexercice par le requrant de sa foi dans un cadre priv ne constituait pas une raison plausible de penser quil risquait dtre per-scut son retour. Par la suite, dans sa dcision rejetant le recours du requrant contre la dcision de loffice des migrations, le tribunal des migrations a relev que lintress nvoquait plus ses concep-tions religieuses comme motif de perscution et, en consquence, na pas valu les risques que le

    requrant courrait du fait de sa conversion en cas de retour en Iran. La cour dappel des migrations a refus au requrant lautorisation de la saisir. Les demandes quil a formes par la suite afin dobtenir un sursis lexcution de la dcision dexpulsion ont t rejetes au motif que sa conversion ne consti-tuait pas un fait nouveau justifiant le rexamen de laffaire.

    Ainsi, en raison du refus du requrant dinvoquer sa conversion lappui de sa demande dasile, et tout en sachant que lintress stait converti enSude de lislam au christianisme et quil tait ds lors susceptible dappartenir un groupe de per sonnes qui, pour diverses raisons, pouvaient treexposes un risque de subir un traitement contraire aux articles2 et 3 de la Convention en cas de retour en Iran, loffice des migrations et le tribunal des migrations ne se sont pas livrs un examen approfondi de sa conversion, du srieux de ses convictions, de sa manire de manifester sa foi chrtienne en Sude et de la faon dont ilentendait la manifester en Iran si la dcision dloignement tait mise en uvre. De plus, la conversion du requrant na pas t considre comme un fait nouveau susceptible de justifier le rexamen de sa cause. Les autorits sudoises nont donc aucun stade valu le risque que le requrant courrait, du fait de sa conversion, en cas de retour en Iran. Or, eu gard au caractre absolu des articles2 et 3, une renonciation la protection qui en rsulte pour le requrant est peu concevable. Il sensuit que, indpendamment de lattitude du requrant, les autorits nationales comptentes ont lobligation dvaluer doffice tous les lments ports leur connaissance avant de se prononcer sur lexpulsion de lintress vers lIran.

    Le requrant a soumis la Grande Chambre divers documents qui nont pas t prsents aux autorits nationales, notamment une dclaration crite sur sa conversion, la manire dont il manifeste sa foi chrtienne en Sude et dont il entend le faire en Iran si la dcision dexpulsion est mise en uvre, et une attestation crite que lui a fournie lancien pasteur de sa paroisse. la lumire de ces lments et de ceux prcdemment soumis par le requrant aux autorits nationales, la Cour conclut que lin-tress a dmontr suffisance que sa demande dasile fonde sur sa conversion mrite dtre examine par lesdites autorits. Cest celles-ci quil appartient de prendre en considration ces lments, ainsi que toute volution pouvant inter-venir dans la situation gnrale en Iran et les cir-constances propres au cas du requrant.

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    19Article 3 Article 5 1 d)

    Il sensuit quil y aurait violation des articles 2 et 3de la Convention si le requrant tait renvoy enIran en labsence dune apprciation ex nunc parles autorits sudoises des consquences de sa conversion.

    Conclusion : lexpulsion emporterait violation (una-nimit).

    Article 41 : aucune demande formule pour pr-judice moral ; demande pour dommage matriel rejete.

    ARTICLE 5

    Article 5 1 d)

    ducation surveille

    Dtention pendant trente jours dun enfant dans un centre de dtention pour mineurs en vue dune rducation comportementale : violation

    Blokhin c. Russie - 47152/06Arrt 23.3.2016 [GC]

    En fait Le requrant, qui tait g de douze ans lpoque des faits et souffrait dun trouble dhyper-activit avec dficit de lattention, fut arrt et conduit dans un commissariat au motif quil tait souponn davoir extorqu de largent un enfant de neuf ans. Les autorits considrrent que le requrant avait commis une infraction rprime par le code pnal, mais elles nengagrent pas de poursuites contre lui car il navait pas atteint lge de la responsabilit pnale. Toutefois, le requrant fut traduit devant un tribunal qui ordonna son placement pendant trente jours dans un centre de dtention provisoire pour mineurs dlinquants en vue de lui faire suivre une rducation compor-tementale et de lempcher de rcidiver. Le requ-rant allguait que sa sant stait dgrade dans le centre de dtention car il navait pas bnfici des soins mdicaux prescrits par ses mdecins.

    Dans son un arrt de chambre du 14novembre 2013 (voir la Note dinformation168), la Cour a conclu, lunanimit, la violation de larticle3 (en raison de labsence de soins mdicaux appro-pris ltat de sant du requrant), de larticle5 (en raison du caractre arbitraire de linternement du requrant dans le centre de dtention provisoire) et du paragraphe1 combin avec le paragraphe 3c) et d) de larticle6 (en raison de linsuffisance des

    garanties procdurales de la procdure ayant abouti linternement du requrant). Laffaire a t ren-voye devant la Grande Chambre la demande du Gouvernement.

    En droit

    Article 3 : Conformment au droit international en vigueur, la sant des mineurs privs de libert doit tre protge dans le respect des normes m-dicales reconnues applicables lensemble des mi-neurs dans la collectivit. En la matire, lattitude des autorits doit toujours tre inspire par lintrt suprieur de lenfant et celui-ci doit se voir garantir une prise en charge et une protection appropries. En outre, ds lors que les autorits envisagent depriver un enfant de sa libert, ltat de sant decelui-ci doit faire lobjet dun examen mdical visant dterminer sil peut ou non tre plac en centre de dtention pour mineurs dlinquants.

    En lespce, il existe suffisamment dlments de preuve pour tablir que les autorits savaient que le requrant souffrait dun trouble dhyperactivit avec dficit de lattention lors de son internement dans le centre et quil avait besoin dun traitement. En outre, lhospitalisation du requrant le len-demain de sa remise en libert et son sjour de prs de trois semaines dans un tablissement psychia-trique indiquent quil na pas bnfici dans le centre des soins ncessaires au traitement de ses troubles. Il y a lieu den conclure que le requrant a tabli devant la Cour une prsomption de dfaut de traitement mdical appropri. Pour sa part, le Gouvernement na pas dmontr que le requrant avait reu les soins mdicaux requis par sa maladie lors de son sjour de trente jours dans le centre de dtention provisoire o il se trouvait entirement sous le contrle et la responsabilit de ceux qui ytravaillaient. Dans ces conditions, et eu gard au jeune ge du requrant et sa vulnrabilit particulire due au trouble dhyperactivit avec dficit de lattention dont il tait atteint, il y a eu violation des droits de lintress dcoulant de lar-ticle 3 faute pour le centre de dtention provisoire de lui avoir dispens les soins mdicaux requis.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 5 1 : La Grande Chambre confirme la conclusion de la chambre selon laquelle linter-nement de lintress pendant trente jours dans un centre de dtention provisoire sanalysait en une privation de libert au sens de larticle 5 1. Pour se prononcer ainsi, la chambre avait relev en par-ticulier que le centre en question tait ferm et gard, que les dtenus y taient surveills vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour empcher

    http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-161834http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-9228

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    20 Article 5 1 d)

    toute tentative de sortie non autorise de leur part et que le respect du rgime disciplinaire applicable y tait assur par une quipe de surveillants.

    Souscrivant la conclusion de la chambre selon laquelle la dtention du requrant chappait au champ dapplication de larticle 5 1a), b), c), e) ou f ) de la Convention, la Grande Chambre se concentrera sur la question de savoir si linterne-ment du requrant tait compatible avec larticle5 1d) (dtention des fins dducation surveille).

    La Grande Chambre rappelle que les termes d du-cation surveille ne doivent pas tre strictement assimils la notion denseignement en salle de classe : lorsquune jeune personne est place sous la protection de lautorit locale comptente, ldu-cation surveille doit englober de nombreux aspects de lexercice, par cette autorit locale, de droits parentaux au bnfice et pour la protection de lintress. Par ailleurs, la dtention des fins ddu cation surveille doit se drouler dans un tablissement adapt disposant de ressources r-pon dant aux objectifs pdagogiques requis et aux impratifs de scurit.

    En lespce, linternement en centre de dtention provisoire est une mesure de courte dure, une solution provisoire qui nest pas assimilable un placement en tablissement ducatif ferm, lequel constitue une mesure distincte et de longue dure destine aider les mineurs en grandes difficults. La Grande Chambre voit mal comment une vri-table ducation surveille visant modifier le comportement dun mineur et lui faire suivre une thrapie et une rducation appropries pourrait tre assure dans un laps de temps de trente jours au maximum.

    Si la Cour admet quun enseignement scolaire tait dispens dans le centre, elle estime que la pratique consistant dispenser tous les mineurs privs de libert placs sous la responsabilit de ltat, mme ceux interns en centre de dtention provisoire pour une dure limite, un enseignement conforme au programme scolaire ordinaire devrait constituer la norme pour viter des lacunes dans leur duca-tion. Toutefois, lenseignement dispens dans le centre ne dmontre pas que la dtention de lint-ress dans ltablissement en question avait t dcide pour son ducation surveille , comme laffirme le Gouvernement. Au contraire, le centre se caractrisait davantage par son rgime disci-plinaire que par lenseignement qui y tait assur.

    Il importe galement de relever quaucune des juri-dictions internes ayant connu du placement en dtention du requrant na indiqu que cette

    mesure poursuivait un but ducatif. En revanche, elles ont fait tat dune rducation comporte-mentale et de la ncessit dempcher le requrant de rcidiver, motifs qui ne figurent pas au nombre de ceux dont larticle 5 1d) de la Convention reconnat la lgitimit. Le placement du requrant en centre de dtention provisoire ne relevant daucun des autres alinas de larticle 5 1, force est la Cour de conclure la violation de larticle5 1.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 6 1 combin avec larticle 6 3c) et d) : Le requrant allguait que la procdure ayant abouti son placement dans un centre de dtention provisoire pour mineurs dlinquants navait pas t quitable, se plaignant notamment davoir t interrog par un policier hors la prsence de son tuteur, dun avocat ou dun enseignant, et de navoir pas pu interroger les tmoins au cours de la procdure.

    a) Applicabilit La Grande Chambre ne voit aucune raison de scarter de la conclusion de la chambre selon laquelle la procdure dont le requ-rant se plaint revt un caractre pnal au sens de larticle6 de la Convention. linstar de la chambre, elle souligne quil est ncessaire de sat-tacher cerner la ralit par-del les apparences etle vocabulaire employ. Linternement du requ-rant pendant trente jours dans un centre de dten-tion provisoire pour mineurs dlinquants prsentait clairement des lments de dissuasion et de r-pression (la chambre a relev que le centre tait ferm et gard pour prvenir toute tentative de sortie non autorise des dtenus, que ceux-ci taient surveills en permanence et quils taient soumis un rgime disciplinaire strict).

    Par ailleurs, la Grande Chambre ne partage pas lathse du Gouvernement selon laquelle les griefs du requrant doivent tre examins sous langle delarticle 5 4 de la Convention. La procdure dirige contre le requrant ayant port sur le bien-fond dune accusation en matire pnale, la Grande Chambre estime que les griefs en question doivent tre apprcis laune des garanties pro-cdurales plus tendues consacres par larticle6 de la Convention plutt que sur le terrain de larticle 5 4.

    Partant, larticle 6 est applicable en lespce.

    Conclusion : exception prliminaire rejete (una-nimit).

    b) Fond Le requrant navait que douze ans lorsque la police la conduit au commissariat et la soumis un interrogatoire. Il tait donc loin davoir

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 194 Mars 2016

    21Article 5 1 d)

    atteint lge de la responsabilit pnale fix par lecode pnal (quatorze ans) pour linfraction dont il tait accus. Il avait donc besoin dun traitement et dune protection spcifiques de la part des auto-rits, et il ressort clairement de diverses sources de droit international1 que toutes les mesures prises son gard auraient d tre fondes sur son intrt suprieur et que ds son interpellation par la police il aurait d se voir reconnatre tout le moins lesmmes droits et garanties juridiques que ceux accords aux adultes. En outre, le trouble mental et neurocomportemental un trouble dhyper-activit avec dficit de lattention dont il tait atteint le rendait particulirement vulnrable et exigeait une protection spciale2.

    i. Droit lassistance dun avocat La Cour juge tabli que la police na pas aid le requrant obtenir lassistance dun avocat et que lintress na pas non plus t inform de son droit la pr-sence dun avocat et de son grand-pre ou dun enseignant. La police a adopt en lespce une attitude trop passive pour que lon puisse consid-rer quelle sest acquitte de lobligation positive qui lui incombait de fournir au requrant, un en-fant atteint dun trouble dhyperactivit avec dficit de lattention, toutes les informations ncessaires pour quil pt se faire assister par un avocat. Le fait que le droit interne ne prvoit pas que les mineurs nayant pas atteint lge de la responsabilit pnale puissent se faire assister par un avocat lors des interrogatoires de police ne constitue pas une raison valable propre justifier un manquement cette obligation. Pareille restriction est contraire aux principes fondamentaux noncs par plusieurs instruments internationaux voulant que les mi-neurs bnficient dune assistance juridique ou dune autre assistance approprie3.

    1. Voir, par exemple, les recommandations noR (87) 20 et (2003)20 du Conseil de lEurope, les lignes directrices1, 2 et 28-30 des Lignes directrices du Conseil de lEurope sur une justice adapte aux enfants, larticle40 de la Convention internationale relative aux droits de lenfant (1989), le point33 de lobservation gnrale no10 du Comit des droits de lenfant, et la rgle 7.1 de lEnsemble de rgles minima des Nations unies concernant ladministration de la justice pour mineurs ( les Rgles de Beijing ).2. Voir la ligne directrice 27 des Lignes directrices du Conseil de lEurope sur une justice adapte aux enfants, larticle23 de la Convention internationale relative aux droits de lenfant (1989), et les points73 et 74 de lobservation gnrale no9 (les droits des enfants handicaps) du Comit des droits de lenfant.3. Voir, par exemple, larticle 40 2 b) ii) de la Convention internationale relative aux droits de lenfant et les observations y affrentes, la rgle 7.1 des Rgles de Beijing, et le point8 de la Recommandation noR (87) 20 du Conseil de lEurope.

    En outre, les aveux passs par le requrant hors la prsence dun avocat ont non seulement t utiliss contre lui dans le cadre de la procdure relative son internement en centre de dtention provisoire mais ont aussi servi de fondement, avec les dpo-sitions des tmoins, la conclusion des juridictions internes selon laquelle les actes qui lui taient reprochs comportaient des lments constitutifs de linfraction dextorsion et motivaient de ce fait son placement dans un tel centre. Labsence dun avocat pendant linterrogatoire du requrant par la police a irrmdiablement nui aux droits de la dfense de celui-ci et lquit de la procdure dans son ensemble. Partant, il y a eu violation de larticle 6 1 et 3c) de la Convention.

    ii. Droit dobtenir la convocation et linterrogation des tmoins Ni lenfant qui le requrant avait t accus davoir extorqu de largent ni la mre de cet enfant nont t cits comparatre pour tmoigner et offrir ainsi au requrant la possibilit de les interroger, alors pourtant que les autorits avaient accord leurs dpositions une importance dcisive pour conclure, lissue de lenqute pr-liminaire, que le requrant avait commis une extorsion. Or aucune raison valable ne justifiait lanon-comparution de ces tmoins. En outre, lerequrant ayant rtract ses aveux, laudition decestmoins tait importante pour lquit de la procdure. Pareille garantie est encore plus importante lorsque, comme en lespce, laffaire concerne un mineur qui na pas atteint lge de laresponsabilit pnale et qui fait lobjet dune procdure portant sur un droit aussi fondamental que le droit la libert. Eu gard au fait que le requrant risquait dtre priv de libert pendant trente jours dure non ngligeable pour un enfant de douze ans, il tait crucial que les juridictions internes garantissent lquit de la procdure en veillant au respect du principe de lgalit des armes. Aucun lment nayant compens limpos-sibilit pour le requrant dinterroger les tmoins au cours de la procdure, les droits de la dfense de celui-ci en particulier celui de contester lestmoignages et dinterroger les tmoins ont t restreints dune manire incompatible avec lesgaranties consacres par larticle 6 1 et 3d) de la Convention.

    ***

    La prsente affaire, dans laquelle le requrant mineur relevait de la loi de 1999 sur les mineurs qui apportait dimportantes restrictions aux garan-ties procdurales par rapport celles accordes auxdlinquants majeurs par le code de procdure pnale, montre que la volont du lgislateur de

    https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?p=&Ref=CM/Del/Dec%282010%291098/10.2abc&Language=lanFrench&Ver=app6&Site=CM&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383&direct=truehttps://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?p=&Ref=CM/Del/Dec%282010%291098/10.2abc&Language=lanFrench&Ver=app6&Site=CM&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383&direct=truehttp://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/crc.aspxhttp://www.refworld.org/docid/461b93f72.htmlhttp://www.refworld.org/docid/461b93f72.htmlhttp://www.refworld.org/docid/461b93f72.htmlhttp://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/crc.aspxhttp://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/crc.aspxhttp://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/40/33https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=09000016805df0b7

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    22 Article 5 1 d) Article 6 1 (civil)

    protger lenfant en lui prtant assistance et en le prenant en charge peut se heurter la ralit et aux principes imposant que les mineurs dlinquants bnficient de garanties procdurales adquates.

    La Grande Chambre estime que les mineurs, dont le dveloppement cognitif et motionnel exige en toutes circonstances une attention particulire, surtout lorsquil sagit de jeunes enfants nayant pasatteint lge de la majorit pnale, ont besoin dun soutien et dune assistance aux fins de la pro-tection de leurs droits lorsque des mesures de coer-cition leur sont appliques, mme sous la forme de mesures ducatives. Des garanties procdurales adquates doivent tre mises en place pour protger lintrt suprieur et le bien-tre des enfants, surtout lorsque leur libert est en jeu. En juger autrement reviendrait dsavantager nettement lesenfants par rapport aux adultes se trouvant dans la mme situation. cet gard, la situation des enfants handicaps peut appeler des garanties sup-plmentaires destines leur assurer une protection suffisante. Toutefois, cela ne signifie pas que les enfants doivent tre exposs un procs pnal part entire ; leurs droits doivent tre garantis dans un cadre adapt, appropri leur ge et conforme aux normes internationales pertinentes, en par-ticulier la Convention relative aux droits de lenfant.

    En rsum, le requrant na pas bnfici dun procs quitable dans le cadre de la procdure qui a abouti son placement dans un centre de d-tention provisoire pour mineurs dlinquants.

    Conclusion : violation (onze voix contre six).

    Article 41 : 7500 EUR pour prjudice moral.

    ARTICLE 6

    Article 6 1 (civil)

    Accs un tribunal

    Renonciation tout recours contre une sentence arbitrale : irrecevable

    Tabbane c. Suisse - 41069/12Dcision 1.3.2016 [Section III]

    En fait Homme daffaires tunisien, le requrant avait conclu avec une socit franaise un contrat plac sous lempire du droit de ltat de New York. Le contrat comprenait une convention darbitrage, assortie dune clause dexclusion de tout recours

    ( the decision of the arbitration shall be final and binding and neither party shall have any right to appeal such decision to any court of law ). Un litige survint. Les arbitres choisirent de fixer le sige du tribunal arbitral Genve.

    La sentence rendue lui ayant t dfavorable, le requrant tenta vainement de la faire annuler en justice : arguant de la culture juridique familire aux parties, il soutenait que celles-ci avaient en-tendu le terme anglais appeal dans un sens troit, correspondant au franais appel .

    Le Tribunal fdral suisse refusa dexaminer la sen-tence, considrant que les parties avaient vala-blement renonc recourir contre toute dcision du tribunal arbitral, conformment larticle 192 de la loi fdrale sur le droit international priv (LDIP). Au terme dune analyse littrale de la clause (right to appeal, et non pas of appeal) et dune observation de droit compar, il jugea en effet que la clause navait pas pu viser seulement lappel ordinaire, dj exclu par les trois lgislations observes (New York, France, Tunisie) : ainsi, la renonciation couvrait galement les recours extra-ordinaires. Aux yeux du Tribunal fdral, louver-ture dune telle facult ntait pas en soi contraire larticle6 de la Convention, ds lors que lar-ticle192 exigeait que la renonciation soit expresse et commune toutes les parties ; que celle-ci pouvait tre dclare invalide en cas de vice du consentement ; et que, de par la nature mme dun arbitrage, on ne voyait gure, a priori, quel intrt public important une renonciation anticipe au recours serait susceptible de porter atteinte dans le cours ordinaire des choses.

    En droit Article 6

    a) Accs un tribunal La voie de larbitrage ntait pas impose par la loi, mais tait le fruit de la libert contractuelle des parties. Sans aucune contrainte, le requrant avait expressment et librement re-nonc la possibilit de soumettre les litiges potentiels un tribunal ordinaire qui lui aurait offert lensemble des garanties de larticle6.

    Pour la Cour, cette renonciation est intervenue sans quivoque. Par voie dinterprtation de la volont des parties, le Tribunal fdral a conclu que celles-ci avaient entendu exclure tout recours. la lumire du libell de la clause, et dans la mesure o la Cour est comptente pour trancher cette question, une telle conclusion ne parat ni arbitraire ni draisonnable.

    Un minimum de garanties, correspondant son importance, entourait cette renonciation. Le requ-rant a dabord pu lire un arbitre de son choix,

    http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-161870https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19870312/index.html#a192

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    23Article 6 1 (civil) Article 6 1 (pnal)

    lequel sest accord avec les deux autres arbitres pour fixer Genve le sige du tribunal arbitral, plaant ainsi larbitrage sous lempire du droit suisse. Par ailleurs, le Tribunal fdral a entendu les arguments du requrant et a pris en compte tous les lments factuels et juridiques objective-ment pertinents. Son arrt est dment motiv ; aucune apparence darbitraire nen ressort.

    La disposition lgale litigieuse reflte un choix de politique lgislative rpondant un double souhait du lgislateur suisse : dune part, augmenter lat-tractivit et lefficacit de larbitrage international en Suisse, en vitant que la sentence soit soumise au double contrle de lautorit de recours et du juge de lexequatur ; dautre part, dcharger le Tribunal fdral.

    Par rapport au but poursuivi, cette disposition napparat pas disproportionne. Dabord, la renon-ciation tout recours nest pas une obligation : il sagit simplement dune facult laisse au libre choix des parties qui nont pas dattaches en Suisse. Ensuite, lorsque les parties ont opt pour cette exclusion, la loi prvoit lapplicabilit par analogie de la Convention de New York pour la recon-naissance et lexcution des sentences arbitrales trangres, si la sentence doit tre excute en Suisse ; les tribunaux arbitraux se voient alors ex-poss au contrle des tribunaux ordinaires, puisque larticle V de ladite convention numre un certain nombre de motifs permettant exceptionnellement de refuser la reconnaissance et lexcution dune sentence.

    En bref, la restriction poursuivait un but lgitime, savoir la mise en valeur de la place arbitrale suisse, par des procdures souples et rapides, tout en res-pectant la libert contractuelle du requrant, et ne saurait tre considre comme disproportionne. Ds lors, le droit daccs un tribunal na pas t atteint dans sa substance mme1.

    Conclusion : irrecevable (dfaut manifeste de fon-dement).

    b) galit des armes En prsence dun rapport dexpert produit par ladversaire du requrant et vers au dossier, le tribunal arbitral avait refus dordonner lui-mme une expertise, en rpondant au requrant quil suffisait de permettre son propre expert priv dobtenir laccs aux mmes

    1. Voir aussi Eiffage S.A. et autres c. Suisse (dc.), 1742/05, 15septembre 2009 ; Osmo Suovaniemi et autres c.Finlande (dc.), 31737/96, 23fvrier 1999 ; Transportes Fluviais do Sado S.A. c. Portugal (dc.), 35943/02, 16dcembre 2003 ; et Suda c. Rpublique tchque, 1643/06, 28 octobre 2010, Note dinformation134.

    documents comptables que ceux utiliss par son adversaire.

    Pour la Cour, supposer que les garanties de lar-ticle6 soient applicables en lespce, pareille mo-tivation nest ni draisonnable ni arbitraire. Le requrant ayant eu accs aux documents litigieux, il na pas t plac dans une situation de net dsa-vantage par rapport son adversaire.

    Conclusion : irrecevable (dfaut manifeste de fon-dement).

    Article 6 1 (pnal)

    Accusation en matire pnale

    Procdure ayant abouti au placement dun enfant dans un centre de dtention pour mineurs en vue dune rducation comportementale : article6 applicable

    Blokhin c. Russie - 47152/06Arrt 23.3.2016 [GC]

    (Voir larticle 5 1 d) ci-dessus, page 19)

    Accs un tribunal

    Refus des juridictions sudoises de connatre dune action en diffamation conscutive la diffusion dun programme tlvis depuis ltranger : violation

    Arlewin c. Sude - 22302/10Arrt 1.3.2016 [Section III]

    En fait Lors dune mission diffuse la tlvision sudoise en 2004, le requrant fut accus dtre lun des responsables dun rseau criminel oprant dans les secteurs des mdias et de la publicit ainsi que davoir commis des escroqueries et dautres infractions caractre conomique. En 2006, le requrant engagea devant la justice sudoise des poursuites prives contre X., le prsentateur de lmission, pour diffamation aggrave. Les juri-dictions sudoises le dboutrent de son action, sestimant incomptentes pour en connatre au motif que lmission litigieuse nmanait pas de Sude car elle avait t diffuse par une socit ayant son sige au Royaume-Uni. Par la suite, le requrant fut reconnu coupable de plusieurs in-fractions notamment de celles dont il avait t accus dans lmission en question et condamn une peine de cinq ans demprisonnement.

    Devant la Cour europenne, le requrant allgue, sur le terrain de larticle6 de la Convention, quil

    http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/NYConvention.htmlhttp://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/NYConvention.htmlhttp://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/NYConvention.htmlhttp://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-94520http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-4942http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-44660http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-765http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-765http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-160998

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    24 Article 6 1 (pnal)

    na pas eu accs un tribunal et que la Sude a de ce fait manqu son obligation de lui fournir un recours effectif pour protger sa rputation.

    En droit Article 6 1 : La question centrale qui se pose en lespce est celle de savoir si la Sude tait tenue de fournir au requrant un recours contre les atteintes la vie prive que celui-ci disait avoir subies ou si le fait quun autre tat ft en mesure de lui fournir le recours en question exo-nrait la Sude de cette obligation. Il ne prte pas controverse que la diffusion de lmission liti-gieuse concerne la vie prive du requrant au sens de larticle 8. Laction en diffamation portant surdes droits et obligations de caractre civil du requrant, larticle 6 1 trouve sappliquer.

    Le Gouvernement soulve une exception prli-minaire, arguant que la requte est irrecevable ratione personae au motif selon lui quelle ne relve pas de la juridiction de la Sude aux fins de larticle 1 de la Convention. Les juridictions sudoises ont jug que ce ntait pas la Sude mais le Royaume-Uni qui avait comptence pour connatre de lac-tion en diffama