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N o 171 Février 2014 Note d’information sur la jurisprudence de la Cour

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour n ... · Mesures d’interdiction du territoire fondées sur des motifs de sécurité nationale non ... de mortier dans un village,

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  • No 171 Fvrier 2014

    Note dinformation sur la jurisprudence de la Cour

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    Cour europenne des droits de lhomme (Conseil de lEurope) 67075 Strasbourg Cedex France Tl. : 00 33 (0)3 88 41 20 18 Fax : 00 33 (0)3 88 41 27 30 [email protected] www.echr.coe.int

    ISSN 1814-6511

    Conseil de lEurope / Cour europenne des droits de lhomme, 2014

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspx#{"sort":["kpdate Descending"],"documentcollectionid2":["CLIN"]}http://www.echr.coe.int/NoteInformation/frhttp://www.echr.coe.int/NoteInformation/frmailto:publishing%40echr.coe.int?subject=Information%20Note%20/%20Note%20d%27informationhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspxmailto:publishing%40echr.coe.int?subject=Information%20Note%20/%20Note%20d%27informationhttp://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=home&c=fra

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    TABLE DES MATIRES

    ARTICLE 1

    Juridiction des tats

    Absence de juridiction territoriale lgard dun requrant immigr qui est volontairement retourn dans son pays dorigine

    Khan c. Royaume-Uni (dc.) - 11987/11 ....................................................................................... 7

    ARTICLE 2

    Vie Obligations positives (volet matriel)

    Absence de scurisation et de surveillance dune zone de tir contenant des munitions non exploses ayant caus la mort de sixenfants : violation

    Oruk c. Turquie - 33647/04 ......................................................................................................... 7

    Vie Recours la force Enqute effective

    Omissions des organes dinstruction concer nant lusage de la force meurtrire par des policiers ayant conduit au dcs dun pre etde son fils de 13ans : violation

    Makbule Kaymaz et autres c. Turquie - 651/10 .............................................................................. 8

    ARTICLE 3

    Traitement inhumain ou dgradant

    Impossibilit pour un dtenu paraplgique daccder de manire autonome aux instal lations de la prison et absence dassistance organise pour ses dplacements et ses activits quotidiennes ayant entran sgrgation et stigmatisation : violation

    Semikhvostov c. Russie - 2689/12 ................................................................................................ 10

    Usage de gaz poivre contre un dtenu agressif et son immobilisation sur un lit de contention pendant 3heures et 40minutes : violation

    Tali c. Estonie - 66393/10 .......................................................................................................... 11

    ARTICLE 5

    Article 5 4

    Contrle de la lgalit de la dtention

    Obligation, pour les autorits internes, deprocder une nouvelle expertise psy chiatrique dun dtenu avant dexaminer lademande de remise en libert prsente parcelui-ci : violation

    Ruiz Riviera c. Suisse - 8300/06 .................................................................................................. 12

    ARTICLE 6

    Article 6 1 (civil)

    Procdure contradictoire galit des armes

    Dfaut denvoi, pour information ou commentaire, des conclusions de la partie adverse aux requrants dans la procdure dautorisation de saisine de la Cour suprme de cassation : irrecevable

    Valchev et autres c. Bulgarie (dc.) - 47450/11, 26659/12 et 53966/12 ........................................ 13

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

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    Article 6 2

    Prsomption dinnocence

    Dclarations relatives un suspect vis parune enqute faites par un tribunal dans lecadre dune procdure distincte dirige contre ses co-accuss : article 6 2 applicable ; non-violation

    Karaman c. Allemagne - 17103/10 ............................................................................................. 14

    ARTICLE 8

    Respect de la vie prive et familiale

    Restrictions imposes aux visites familiales dont peuvent bnficier les dtenus purgeant une peine de prison vie : dessaisissement au profit de la Grande Chambre

    Khoroshenko c. Russie - 41418/04 ............................................................................................... 16

    Expulsion

    Mesures dinterdiction du territoire fondes sur des motifs de scurit nationale non divulgus : irrecevableI.R. et G.T. c. Royaume-Uni (dc.) - 14876/12 et 63339/12 ........................................................ 16

    ARTICLE 10

    Libert dexpression

    Socit dtentrice dun portail dactualits surinternet condamne au versement de dommages et intrts pour des propos insultants posts sur son site par des tiers anonymes : affaire renvoye devant la Grande Chambre

    Delfi AS c. Estonie - 64569/09 ................................................................................................... 17

    Arrestation et condamnation dun journaliste pour non-obtempration des sommations donnes par la police lors dune manifestation : non-violation

    Pentikinen c. Finlande - 11882/10 ............................................................................................ 17

    Condamnation pour diffamation des dom mages et intrts rsultant en une situation degrande prcarit : violation

    Tei c. Serbie - 4678/07 et 50591/12 ......................................................................................... 18

    ARTICLE 35

    Article 35 1

    puisement des voies de recours internes Recours interne effectif Estonie

    Demande de rparation forme auprs desjuridictions administratives raison deladure excessive dune procdure civile : recours effectif

    Treial c. Estonie (dc.) - 32897/12 .............................................................................................. 19

    Recours interne effectif Turquie

    Recours en vertu de larticle 141 1f ) ducode de procdure pnale ouvrant droit rparation pcuniaire toute personne prive de sa libert pendant une dure suprieure celle de la sanction : recours effectif

    Alican Demir c. Turquie - 41444/09 ........................................................................................... 19

    Dlai de six mois

    Introduction tardive dune requte concernant la non-excution dune dcision de justice par un organisme dtat devenu insolvable : irrecevable

    Sokolov et autres c. Serbie (dc.) - 30859/10 et al. ........................................................................ 20

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

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    Article 35 3

    Requte abusive

    Manquement dun reprsentant informer laCour de lintroduction de deux requtes spares aux noms de deux poux, portant surles mmes faits : irrecevable

    Martins Alves c. Portugal (dc.) - 56297/11 ................................................................................. 21

    ARTICLE 2 DU PROTOCOLE N 4

    Article 2 1

    Droit de circulation

    Impossibilit pour un mineur de quitter leterritoire en labsence des documents requis pour prouver le consentement du pre : irrecevable

    andru c. Roumanie (dc.) - 1902/11 ......................................................................................... 22

    RENVOI DEVANT LA GRANDE CHAMBRE .............................................................................. 22

    DESSAISISSEMENT AU PROFIT DE LA GRANDE CHAMBRE .............................................. 22

    DERNIRES NOUVELLES ............................................................................................................ 22

    Des conditions de forme plus strictes pour saisir la CEDH

    Clip sur lintroduction dune requte

    Comment remplir le formulaire de requte

    Ma requte la CEDH

    AUTRES NOUVELLES .................................................................................................................... 23

    PUBLICATIONS RCENTES ........................................................................................................ 23

    La Cour en faits et chiffres 2013

    Aperu 1959-2013

    Guide de bonnes pratiques en matire de voies de recours internes

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    7Article 1 Article 2

    ARTICLE 1

    Juridiction des tats

    Absence de juridiction territoriale lgard dun requrant immigr qui est volontairement retourn dans son pays dorigine

    Khan c. Royaume-Uni - 11987/11 Dcision 28.1.2014 [Section IV]

    En fait Le requrant, de nationalit pakistanaise, est arriv au Royaume-Uni en 2006 muni dun visa dtudiant. En 2009, il fut arrt avec quatre autres ressortissants pakistanais car ils taient souponns de conspiration en vue de commettre des actes de terrorisme. Ils furent relchs par la police sans quaucune charge ait t retenue contre eux mais se virent notifier un avis dexpulsion et furent pla-cs dans un centre de rtention pour immigrs. Le requrant quitta le Royaume-Uni de son plein gr en aot 2009. En dcembre 2009, il reut une lettre du ministre linformant de la dcision dan-nuler son autorisation de sjour au Royaume-Uni au motif que sa prsence tait contraire lin trt gnral pour des raisons de scurit nationale. Cette lettre linformait galement que lon consi-drait quil tait impliqu dans des activits extr-mistes islamistes. Il forma contre cette dcision un recours qui fut rejet par la Commission spciale des recours en matire dimmigration. Dans sa requte la Cour europenne, le requrant dnon-ait entre autres des violations des articles2, 3, 5 et 6 de la Convention.

    En droit Article 1 : Pour dterminer si les ar-ticles2, 3, 5 et 6 trouvent sappliquer, il faut savoir si le requrant peut passer pour relever dela juridiction du Royaume-Uni. La juridic tion dun tat, au sens de larticle1, est principale ment ter-ritoriale, mme si la Cour a reconnu deux grandes exceptions ce principe, savoir les cas d autorit et de contrle dun agent de ltat et de contrle effectif sur un territoire 1. En lespce, o le requ-rant est rentr de sa propre initiative au Pakistan, aucune de ces exceptions ne sapplique, sachant surtout quil ne sest pas plaint des actes des agents consulaires et diplomates britanniques en poste au Pakistan et quil tait libre de mener sa vie dans le pays sans aucun contrle de la part dagents du Royaume-Uni. En outre, et contrairement ce quavance le requrant, il nexiste aucune raison de

    1. Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni [GC], 55721/07, 7juillet 2011, Note dinformation143.

    principe dtablir une distinction entre une per-sonne relevant de la juridiction dun tat contrac-tant et qui la quitt volontairement et une personne nayant jamais relev de la juridiction de cet tat. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour ne contient rien qui puisse tayer largument du requrant selon lequel les obligations de ltat au titre de larticle3 obligeraient celui-ci prendre cette dis-position en compte lorsquil adopte des dcisions dfavorables des individus, mme lorsque ces individus ne relvent pas de sa juridiction. Enfin, on ne peut pas dire quun individu relve de la juridiction du Royaume-Uni pour la simple raison quil a saisi la Commission spciale des recours en matire dimmigration. Le fait que le requrant se soit prvalu de son droit de faire appel de la dcision dannuler son autorisation de sjour na aucun impact direct sur le point de savoir si ses griefs relatifs au risque selon lui rel quil soit soumis des mauvais traitements, la dtention et un procs au Pakistan relvent de la juridiction britan-nique. En effet, seule la teneur des griefs du requ-rant entre en ligne de compte.

    Conclusion : irrecevable (incompatibilit ratione loci).

    ARTICLE 2

    Vie Obligations positives (volet matriel)

    Absence de scurisation et de surveillance dune zone de tir contenant des munitions non exploses ayant caus la mort de sixenfants : violation

    Oruk c. Turquie - 33647/04 Arrt 4.2.2014 [Section II]

    En fait En octobre 1993, lexplosion dun obus de mortier dans un village, situ proximit dune zone dexercice de tir militaire comprenant des munitions militaires non exploses, provoqua la mort de six enfants dont le fils de la requrante. Entre autres, un croquis sommaire du lieu o lexplosion tait survenue fut ralis par la gendar-merie, de nombreux tmoignages furent dposs et une expertise demande. En dcembre 1993, le procureur de la Rpublique rendit une dcision din comptence. Le dossier fut transmis au parquet militaire. En dcembre 1995, le procureur militaire adopta une dcision de non-lieu poursuivre. En juin 2003, la requrante forma opposition contre cette dcision. En janvier 2004, le tribunal militaire rejeta lopposition ainsi forme.

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-141293http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-429http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-140390

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    Article 28

    En droit Article 2 (volet matriel) : La prsente affaire concerne lexercice dune activit militaire relevant de ltat dont la dangerosit ne faisait aucun doute et tait pleinement connue des auto-rits nationales. La zone de tir ntait pas entoure dun grillage ou de barbels, elle ne comportait aucune signaltique davertissement et un panneau na t mis en place quaprs lincident ayant cot la vie six enfants. Compte tenu du danger que reprsentent les munitions militaires non exploses, il relevait de la responsabilit premire des autorits militaires de veiller la scurisation et la surveil-lance de la zone afin dempcher tout accs celle-ci et de rduire au maximum le risque de dpla-cement des munitions qui sy trouvaient. cette fin, une signaltique susceptible de marquer la dangerosit de la zone aurait d tre mise en place pour dlimiter clairement le primtre du terrain risque. En labsence de tels dispositifs, il appar-tenait ltat dassurer la dpollution de la zone de tir afin dliminer toutes les munitions non exploses. La seule information des villageois par le biais du muhtar du village sur les exercices de tir et sur la prsence de munitions non exploses ne saurait tre considre comme suffisante pour exonrer les instances nationales de leur responsa-bilit au regard des personnes rsidant proximit de la zone dexercice. En effet, cette information ne pouvait en tout tat de cause tre de nature rduire de manire significative les risques en question puisque les autorits militaires elles-mmes ntaient pas en mesure de localiser les mu-nitions. Eu gard la gravit du danger en cause, les autorits internes auraient d veiller ce que la population civile rsidant proximit de la zone de tir militaire soit, dans son ensemble, avertie des risques auxquels elle sexposait lorsquelle se trou-vait en prsence de munitions non exploses. Les autorits auraient d particulirement veiller ce que les enfants, plus vulnrables que les adultes, prennent la mesure du danger que reprsente ce type de munition quils savrent susceptibles de mani puler par jeu, en les croyant inoffensifs. Les dfaillances en lespce en matire de scurit ont t telles quelles dpassent la simple ngligence de la part de militaires dans la localisation et la des-truc tion de munitions non exploses.

    De plus et compte tenu de la gravit des dfaillances constates, il ne pouvait tre remdi latteinte au droit la vie du fils de la requrante par le seul octroi de dommages-intrts. On ne saurait ds lors reprocher la requrante de ne pas avoir exerc les recours compensatoires dont se prvaut le Gouver-nement pour exciper du non-puisement des voies de recours internes. Il convient donc de rejeter lexcep-tion prliminaire du Gouvernement cet gard.

    En conclusion, les autorits nationales avaient lobli-gation de prendre de manire urgente des mesures appropries pour protger la vie des personnes rsidant proximit de la zone de tir litigieuse, et ce indpendamment de toute action de la part de la requrante, et de fournir une explication quant aux causes du dcs du fils de lintresse et quant aux ventuelles responsabilits cet gard par le biais dune procdure engage doffice, ce quelles nont pas fait.Conclusion : violation (cinq voix contre deux).Article 41 : 50000 EUR pour prjudice moral ; demande pour dommage matriel rejete.

    Vie Recours la force Enqute effective

    Omissions des organes dinstruction concernant lusage de la force meurtrire par des policiers ayant conduit au dcs dun pre etde son fils de 13ans : violation

    Makbule Kaymaz et autres c. Turquie - 651/10 Arrt 25.2.2014 [Section II]

    En fait Les requrants sont la veuve, la mre et le frre de A.Kaymaz, et la mre de U.Kaymaz. la suite dune dnonciation selon laquelle des personnes munies darmes staient rendues au do mi cile de la famille Kaymaz et projetaient de perptrer un attentat terroriste, leur maison avait t place sous surveillance jour et nuit les 20 et 21novembre 2004. Le 21novembre, le procureur de la Rpu blique dlivra un mandat de perquisition dudit domicile. Vers 17heures, A.Kaymaz, le pre de famille, et U.Kaymaz, son fils de 13ans, furent tus par balles prs de leur domicile. Le procs-verbal tabli le jour mme dcrit quils avaient t tus la suite dun affrontement arm survenu entre eux et les forces de lordre. Le 22novembre 2004, le parquet dclencha doffice une enqute. Des tmoins et les policiers furent entendus et des rapports dexpertise tablis. En dcembre 2004, lac tion pnale fut ouverte contre quatre poli ciers pour homicide rsultant de lusage dune force meur- trire dans des circonstances dpassant le cadre de la lgitime dfense. En avril 2007, ils furent acquitts par la cour dassises. Le pourvoi en cassation des requrants fut rejet.En droit Article 2a) Volet matriel Laction policire visait effectuer une arrestation rgulire, soit lun des objectifs mentionns au paragraphe2 de larticle2. Les deux personnes ont t tues par balles par des membres

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-141616

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    9Article 2

    de la police. La charge de la preuve pse donc sur les autorits.

    Il a t dcid darrter les suspects leur sortie de leur maison mise sous surveillance afin de ne pas mettre en danger la vie des policiers et des membres de la famille qui y rsidaient. Aucun incident dou-teux navait t remarqu lors de la surveillance. Ainsi il semblerait que la police nait aucunement tenu compte dhypothses autre que celle relative la dnonciation anonyme. Aucun lment concret dans le dossier ne permettait de conclure que des terroristes taient cachs dans le domicile, et aucun indice ne donnait penser quun attentat terroriste ait pu y tre planifi. En outre des questions se posent quant la surveillance sachant que, le 21no-vembre 2004, A.Kaymaz tait sorti de son domicile en compagnie dune personne qui lui avait rendu visite pour laider sortir son vhicule de la boue. Par ailleurs, les trois policiers ayant dclar avoir tir sur les suspects ont mis laccent sur la soudainet de lincident. Toutefois lopration tait program-me par la police et il tait donc loisible aux poli-ciers impliqus de soigner sa prparation. Ainsi, la Cour nest pas convaincue que les forces de lordre avaient dploy la vigilance voulue pour sassurer que tout risque pour la vie avait t rduit au minimum.

    Des versions divergentes des faits existent entre les parties. Ltablissement judiciaire des faits par la cour dassises a tenu pour tabli que les policiers avaient ripost en tat de lgitime dfense dans lexercice de leurs fonctions aux tirs du pre, du fils et des proches des requrants. Mais les requrants soutiennent que leurs proches ont t victimes dune excution extrajudiciaire, tant donn quils ntaient pas arms lors de lincident et quils ont t tus dlibrment par les forces de lordre. Or, la lumire des lments et en labsence de preuves tangibles, ceci relve du domaine de lhypothse et de la spculation. Dans ces conditions, il nest pas tabli, au-del de tout doute raisonnable, que A. et U.Kaymaz aient t tus dlibrment par les forces de lordre.

    Ltablissement des faits effectu par la cour das-sises se fondait principalement sur les dclarations obtenues par le parquet des policiers prsents sur les lieux et enregistres le 4dcembre 2004. Un dlai de plus de 10jours montre que les autorits nont pas agi avec la diligence requise. Et on ne peut exclure quun risque de collusion entre eux ait t cr. La version des faits prsente par les policiers a volu dans le temps. Alors mme quau-cune des deux versions des faits ntait concordante avec la position des douilles, si lorigine de cette

    divergence avait t recherche, cela aurait pu permettre aux autorits nationales dapprcier davan tage la crdibilit des dclarations des poli-ciers accuss. En particulier, la position des douilles retrouves sur les lieux ne concorde pas avec la version des faits prsente par les accuss mais la cour dassises a indirectement accept cette incoh-rence, en prcisant que toutes les douilles ntaient pas restes leur emplacement dorigine car les deux groupes taient en mouvement lors de linci-dent . Toutefois, cette argumentation nexplique pas labsence ou la prsence de certaines douilles ou balles. Par consquent, la crdibilit des dcla-rations des policiers na pas t apprcie de manire approfondie par les autorits nationales. Par ailleurs, les arguments du Gouvernement, premire vue, font penser que les proches des requrants taient en possession darmes et sen taient servis lors de lincident. Toutefois, sagissant dun incident qui a abouti au dcs de deux personnes dont un mineur g de 13ans, les autorits nationales auraient d explorer davantage les diverses pistes possibles avant dadmettre automatiquement la version fournie par les policiers accuss, dautant plus que les dclarations de ces derniers prsentaient des lacunes et des incohrences. En effet, aucune re-cherche dempreintes digitales na t ralise sur les armes retrouves prs des dpouilles des proches des requrants, alors que les rapports dexpertise avaient laiss planer le doute sur la dernire utilisa-tion de ces armes et sur lorigine des rsidus de tirs dcels sur les mains des dfunts. Certes, la Cour ne saurait spculer dans labstrait pour savoir si des expertises et recherches complmentaires auraient permis aux autorits internes de parvenir une con clu sion diffrente. Cela tant, les lacunes cons-tates dnotent une absence de volont de recher-cher dventuelles autres issues envisageables. En tout tat de cause, ces expertises et recherches com-plmentaires auraient permis la cour dassises de rendre davantage crdible son verdict et dexclure certaines pistes lgitimement invoques par les requrants. En consquence, les omissions impu-tables aux organes dinstruction conduisent con-clure quil nest pas tabli que la force meurtrire utilise contre les proches des requrants ntait pas alle au-del de ce qui tait absolument ncessaire .

    Compte tenu de ce qui prcde, lopration de po lice au cours de laquelle A. et U.Kaymaz ont perdu la vie navait pas t prpare et contrle de ma-nire rduire autant que possible tout risque, et il nest pas tabli que la force meurtrire utilise en lespce tait absolument ncessaire au sens de larticle2.

    Conclusion : violation (unanimit).

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    10 Article 2 Article 3

    b) Volet procdural Les policiers impliqus dans lincident nont t entendus par le procureur que plus de 10jours aprs les faits. Qui plus est, ils nont pas t tenus spars les uns des autres aprs linci-dent et ils ont t appels faire des dpositions dans le cadre de lenqute administrative avant que le parquet nintervienne. Bien que rien ne suggre que les policiers en cause se soient entendus entre eux ou avec leurs collgues de la police, le simple fait que les dmarches appropries naient pas t entames pour rduire le risque de pareille collusion sanalyse en une lacune importante affectant lad-quation de lenqute.

    En outre, nonobstant le rle capital de leurs dclarations quant la prparation de lopration, les deux policiers chargs de surveiller le domicile de la famille Kaymaz nont t entendus quenviron un an aprs les faits. Cet lment dmontre que les autorits denqute ne se sont pas soucies dana-lyser de prs la manire dont la surveillance a t faite et nont pas cherch dterminer si lopration antiterroriste avait t prpare et contrle par les autorits de faon rduire au minimum, autant que faire se peut, le recours la force meurtrire.

    Par ailleurs, la cour dassises a rejet les demandes des requrants tendant obtenir une reconstitution des faits sur les lieux de lincident. Or, au vu des cro quis des lieux et de la position des douilles appar-tenant aux policiers, une reconstitution pr sentait une importance cruciale et aurait d tre ralise en prsence des policiers mis en cause et des avocats des requrants. Un tel acte dinvestigation aurait pu permettre aux autorits nationales dlaborer les scnarios possibles et dapprcier la crdibilit des dclarations des policiers. En effet, cest seule ment de cette faon que les autorits internes auraient pu claircir les contradictions prsentes, et ce dautant plus que la position des douilles collectes sur les lieux ntait pas concordante avec les dclara-tions des policiers. Labsence de mise en uvre dune reconstitution des faits, en dpit de la demande ri tre des requrants en ce sens, a srieusement nui la capacit des autorits nationales contri-buer ltablissement des faits.

    Enfin, il est troublant quaucune tentative nait tfaite pour rechercher la prsence dempreintes digitales sur les armes retrouves ct des corps des proches des requrants.

    Les carences ayant entach lenqute sont dau-tantplus regrettables que, en dehors des policiers, il ny a aucun tmoin qui a vu de prs la scne de lchange de tirs entre les policiers et les proches des requrants. On peut donc en conclure que ces dficiences ont nui la qualit de lenqute et

    affaibli sa capacit tablir les circonstances des dcs.

    Conclusion : violation (unanimit).

    La Cour conclut galement la non-violation de larticle3 et de larticle14 combin avec larticle2.

    Article 41 : 70000 EUR pour prjudice moral ; 70000 EUR pour dommage matriel.

    ARTICLE 3

    Traitement inhumain ou dgradant

    Impossibilit pour un dtenu paraplgique daccder de manire autonome aux installations de la prison et absence dassistance organise pour ses dplacements et ses activits quotidiennes ayant entran sgrgation et stigmatisation : violation

    Semikhvostov c. Russie - 2689/12 Arrt 6.2.2014 [Section I]

    En fait Le requrant, qui se dplace en fauteuil roulant et souffre de nombreux problmes de sant, dont une paralysie complte des membres infrieurs et une trs mauvaise vue, a t dtenu pendant prs de trois ans dans une pnitencier qui ntait pas adapt aux handicaps : il devait faire appel aux autres dte-nus pour sortir du dortoir et se rendre aux toilettes, la douche, la bibliothques, la boutique et linfirmerie, lieux qui ntaient pas accessibles avec un fauteuil roulant.

    En droit Article 3 : Les limitations la mobilit du requrant taient telles quil lui tait impossible de manger la cantine avec les autres dtenus. Bien quil ne soit pas possible de vrifier lallgation du requrant selon laquelle il a manqu de nourriture ou quon la lui a servie dans de la vaisselle sale, le fait quil ait d vivre sparment des autres dtenus a constitu une stigmatisation et, en soi, la emp ch de mener une vie digne dans un centre pnitentiaire, o les conditions sont dj dures.

    Lobligation o se trouve ltat dassurer des con-ditions de dtention adquates suppose de tenir compte des besoins particuliers des dtenus handi-caps, et ltat ne peut se soustraire cette obliga-tion en reportant la responsabilit sur les autres dtenus. En dsignant des codtenus du requrant pour soccuper de lui, ltat na pas pris les mesures ncessaires pour supprimer les barrires environne-mentales et comportementales qui ont gravement entrav la capacit du requrant participer aux

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-140404

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    11Article 3

    activits quotidiennes de lensemble des dtenus de la prison, ce qui a eu pour effet dempcher son intgration et de le stigmatiser encore plus. Nombre des problmes daccs rencontrs par le requrant auraient pu tre rsolus au moyen damnagements qui nauraient t ni onreux ni compliqus. Or les autorits se sont contentes dinstaller temporai-rement une rampe dentre, de fournir une chaise utiliser aux toilettes et de dsigner des dtenus chargs de laider. Ces dispositions ne permettaient pas au requrant dtre autonome ou damliorer son confort physique et moral. Les restrictions sa mobilit et labsence damnagement raisonnable au cours de ses trois ans de dtention nont pu quavoir sur lui un effet dshumanisant. Les autorits nationales ne lont pas trait dune manire adapte son handicap. En bref, les conditions de dtention du requrant et, en particulier, le fait quil nait pu accder de manire autonome certaines parties de ltablissement, dont la cantine et les sanitaires, ainsi que labsence dassistance organise pour ses dpla cements, ont forcment d causer au requ-rant des souffrances physiques et mentales quil aurait t possible de lui pargner et qui sanalysent en un traitement inhumain et dgradant.

    Conclusion : violation (unanimit).

    La Cour conclut galement la violation de lar-ticle13 de la Convention.

    Article 41 : 15000 EUR pour prjudice moral.

    Usage de gaz poivre contre un dtenu agressif et son immobilisation sur un lit de contention pendant 3heures et 40minutes : violation

    Tali c. Estonie - 66393/10 Arrt 13.2.2014 [Section I]

    En fait Alors quil purgeait une peine de prison, le requrant refusa dobir aux ordres que lui donnaient des agents pnitentiaires. Afin de venir bout de sa rsistance, ceux-ci utilisrent contre lui du gaz poivre, la force physique et une matraque tlescopique. Il fut ensuite menott puis sangl un lit de contention pendant 3heures et 40mi-nutes. Ce traitement lui causa plusieurs lsions, dont des hmatomes et une hmaturie. La proc-dure pnale dirige subsquemment contre les gardiens fut close aprs quil eut t estim quils avaient fait un usage lgitime de la force, tant donn que le requrant avait refus dobir leurs ordres et stait montr agressif. Une demande dindemnisation introduite par le requrant fut par ailleurs rejete.

    En droit Article 3 : La Cour est consciente des difficults que les tats peuvent rencontrer dans le cadre du maintien de lordre et de la discipline en milieu carcral, particulirement lorsque des dte-nus dangereux ne respectent pas les rgles. En pa-reille situation, il est important de mnager un quilibre entre les droits des diffrents dtenus et entre les droits des dtenus dune part et la scurit des agents pnitentiaires dautre part. En lespce, la personnalit et le comportement antrieur du requ rant donnaient aux agents pnitentiaires des raisons dtre inquiets pour leur scurit et de se tenir prts prendre immdiatement des mesures sil refusait dobir, sil les menaait ou sil les agres-sait. De plus, les autorits internes ont tabli que le requrant stait montr agressif et quil tait donc justifi de ragir cette agression.

    Cependant, en ce qui concerne la lgitimit de lusage de gaz poivre, la Cour rappelle les proccupations exprimes par le Comit europen pour la prven-tion de la torture et des peines ou traitements inhu-mains ou dgradants (CPT). Celui-ci a estim que le gaz poivre tait une substance potentiellement dangereuse qui ne devait pas tre utilise dans un espace confin. Si, titre exceptionnel, il est nces-saire dy avoir recours, ce doit tre dans un espace ouvert, et dans le cadre de garanties clairement dfi-nies. Cette substance ne doit jamais tre utilise contre un prisonnier dj sous contrle. Mme si le gaz poivre nest pas considr comme une arme chimique et si son utilisation est autorise aux fins du maintien de lordre, il peut produire des effets tels que problmes respiratoires, nauses, vomisse-ments, irritation des voies respiratoires, irritation du canal lacrymal et des yeux, spasmes, douleurs de poitrine, dermatite et allergies. forte dose, il peut causer une ncrose des tissus de lappareil res-pi ratoire et de lappareil digestif, des dmes pul-monaires et des hmorragies internes. Compte tenu de ces consquences potentiellement graves dune part et du fait que les agents pnitentiaires dispo-saient dautres moyens dimmobiliser le requrant dautre part, la Cour conclut que les circonstances ne justifiaient pas son utilisation en lespce.

    En ce qui concerne limmobilisation du requrant sur un lit de contention, la Cour relve que cette mesure a t applique moins longtemps dans la prsente affaire que dans laffaire Julin c.Estonie (9heures), que la situation a t rvalue toutes les heures et que le requrant a t examin par des membres du personnel mdical. Pour autant, elle considre que lusage du lit de contention ne se justifiait pas dans les circonstances de lespce. Elle souligne que les mesures de contention ne doivent jamais tre utilises pour punir les dtenus, mais

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-140785http://www.cpt.coe.int/fr/default.htm

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    12 Article 3 Article 5 4

    pour les empcher dagir dune manire dangereuse pour eux-mmes, pour autrui ou pour la scurit de la prison. Elle estime quil na pas t dmontr de manire convaincante en lespce qu lissue de laltercation entre le requrant et les gardiens, lin-tress, qui tait enferm seul dans une cellule disci-plinaire, ait constitu une menace pour lui ou pour les autres. Elle juge en outre que la dure pendant laquelle il est rest sangl au lit de contention est loin dtre ngligeable et que cette immobilisation prolonge a d tre source pour lui de dtresse et de gne physique. Compte tenu de leffet cumulatif de ces mesures, elle conclut quil a fait lobjet dun traitement inhumain et dgradant.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : 5000 EUR pour prjudice moral.

    (Voir aussi Oya Ataman c. Turquie, 74552/01, 5d-cembre 2006, Note dinformation92 ; Ali Gne c.Turquie, 9829/07, 10avril 2012, Note din-forma tion151 ; Julin c.Estonie, 16563/08 et al., 29mai 2012, Note dinformation152 ; et zci c.Turquie, 42606/05, 23juillet 2013, Note din-formation165)

    ARTICLE 5

    Article 5 4

    Contrle de la lgalit de la dtention

    Obligation, pour les autorits internes, deprocder une nouvelle expertise psychiatrique dun dtenu avant dexaminer lademande de remise en libert prsente parceluici : violation

    Ruiz Riviera c. Suisse - 8300/06 Arrt 18.2.2014 [Section II]

    En fait Accus du meurtre de sa femme, le requ-rant fut examin par un psychiatre. Celui-ci conclut dans un rapport tabli le 10octobre 1995 que lintress souffrait de schizophrnie paranode aigu et quil ntait donc pas responsable du meurtre de sa femme. Le tribunal devant lequel le requrant fut dfr constata que celui-ci avait tu sa femme mais le jugea irresponsable de ses actes au moment des faits et ordonna son internement dans lannexe psychiatrique dun tablissement pnitencier. Le 7juin 2001, le requrant subit un nouvel examen psychiatrique. Les psychiatres qui lexaminrent con-clurent que sa sant mentale navait gure chang depuis lexpertise psychiatrique de 1995. Le requ-

    rant prsenta plusieurs demandes de remise en libert, qui furent toutes rejetes. Le 23mars 2004, deux psychologues de lOffice de lexcution judi-ciaire, dont lun avait suivi le requrant, rendirent un rapport annuel de thrapie. Ce rapport confir-mait les conclusions de lexpertise psychiatrique ralise en 2001 et relevait que le requrant conti-nuait de nier sa maladie et refusait de suivre le traitement mdical qui lui avait t prescrit. Il recom-mandait en consquence de refuser lintress le bnfice dune libration conditionnelle. En juin 2004, le requrant prsenta une nouvelle demande de libration conditionnelle, qui fut rejete sur la base du rapport tabli en 2004 et de lexpertise psychiatrique de 2001. Il fit appel de cette dcision, soutenant quun psychiatre indpendant devait tre dsign pour rechercher si son maintien en dten-tion tait ncessaire et faisant valoir que le dernier examen psychiatrique quil avait subi remontait 2001, en vain.

    En droit Article 5 4 : Le rapport annuel de th-rapie tabli en 2004 nquivalait pas une exper tise psychiatrique et la dernire expertise psychiatrique du requrant remontait 2001. Dans laffaire Drr c.Allemagne, la Cour a accept une dcision de main-tenir une personne en rtention de sret alors que la dernire expertise mdicale sur laquelle se fon-dait cette dcision datait de 6ans, dans la mesure o les troubles relevs dans cette expertise avaient t confirms par le psychologue de lta blissement au sein duquel la personne tait inter ne. Cela tant, la prsente affaire se rapproche plus de laffaire H.W. c.Allemagne o la Cour a constat une violation de larticle 5 1 de la Convention. Il est vrai que la dernire expertise mdicale datait de plus de 12ans alors que dans le cas du requrant la dernire expertise datait de moins de 4ans mais, comme dans H.W., le refus du requrant de suivre la th-rapie qui lui avait t prescrite tait d la rupture du lien de confiance avec le personnel de lta-blissement qui laccueillait et la situation de blo-cage qui en avait suivi. Dans ces conditions, et afin de sinformer avec le plus de prcision possible sur ltat mental du requrant au moment de sa demande de libration lessai, lOffice de lexcution judi-ciaire ou le juge cantonal auraient d, au moins, tenter dobtenir un avis mdical tiers. Les autorits nationales ntaient ainsi pas fondes appuyer leurs dcisions sur le rapport de thrapie de 2004 et ne disposaient donc pas de suffisamment dl-ments permettant dtablir que les conditions pour la libration lessai du requrant ntaient pas runies.

    Conclusion : violation (quatre voix contre trois).

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=002-2968http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-2128http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-2128http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-3547http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-7689http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-7689http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-140917

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    13Article 5 4 Article 6 1 (civil)

    La Cour conclut galement par quatre voix contre trois la violation de larticle 5 4 concernant le refus des juridictions nationales de tenir une audience contradictoire.

    Article 41 : constat de violation suffisant en lui-mme pour le prjudice moral ; demande pour dom mage matriel rejete.

    (Voir Drr c.Allemagne (dc.), 2894/08, 22janvier 2013, et H.W. c.Allemagne, 17167/11, 19sep-tembre 2013, Information Note166)

    ARTICLE 6

    Article 6 1 (civil)

    Procdure contradictoire galit des armes

    Dfaut denvoi, pour information ou commentaire, des conclusions de la partie adverse aux requrants dans la procdure dautorisation de saisine de la Cour suprme de cassation : irrecevable

    Valchev et autres c. Bulgarie - 47450/11, 26659/12 et 53966/12

    Dcision 21.1.2014 [Section IV]

    En fait Les requrants taient parties diffrentes instances civiles. En 2010-2011, ils formrent des pourvois en cassation. Cependant, la Cour suprme de cassation refusa dexaminer leurs pourvois pour non-respect des critres noncs dans le code de procdure civile de 2007. Devant la Cour euro-penne, les requrants soutiennent, sur le terrain de larticle 6 1 de la Convention, que la non-communication eux par les juridictions internes des conclusions des dfendeurs en rponse leurs pourvois et limpossibilit qui en aurait rsult pour eux de rpondre ces conclusions par crit ou oralement devant la Cour suprme de cassation sur la question de la recevabilit des pourvois les ont placs dans une situation nettement dsavanta-geuse par rapport aux parties adverses, en violation des principes du procs contradictoire et de lgalit des armes. Ils se plaignent en outre dun refus daccs injustifi la Cour suprme de cassation.

    Le code de procdure civile bulgare de 2007 prvoit un nouveau rle en matire civile pour la Cour suprme de cassation. En vertu de ses dispositions, la haute juridiction a pour tche principale dunifier

    lapplication de la loi en rendant des arrts de prin-cipe. Ainsi, le pourvoi en cassation nest pas de droit, contrairement ce que prvoyait le code de proc-dure civile de 1952 : il est soumis un filtrage. Lors de la procdure de filtrage, la Cour suprme de cas-sation ne statue pas au fond ni mme sur le bien-fond du recours en cassation : elle se contente de dcider, laune des critres noncs dans le code, sur la recevabilit ou non des pourvois. Elle le fait sur la base des conclusions du demandeur au pourvoi sur la question de la recevabilit et de toute conclusion en rponse de la partie dfenderesse. Le code ne prvoit nulle part la communication au demandeur des conclusions du dfendeur et ne pr cise pas si le demandeur peut y rpondre. La charge dexposer clairement les problmatiques et de convaincre la Cour suprme de cassation de la recevabilit du pourvoi repose manifestement sur le demandeur.

    En droit Article 6 1

    a) galit des armes et procs contradictoire Constatant labsence dapproche uniforme dans sa jurisprudence sur lapplicabilit de larticle6 en matire dautorisation de recours ou de dmarches similaires devant une juridiction suprme, la Cour laisse cette question en suspens.

    La question prcise qui se pose ici est de savoir si, en labsence de toute rgle expresse, la pratique des juridictions bulgares consistant ne pas commu-niquer au demandeur au pourvoi les conclusions en rponse du dfendeur dans un pourvoi en cas-sation et de ne pas donner au demandeur la pos-sibilit dy rpondre est contraire aux principes de lgalit des armes et du procs contradictoire. En lespce, les requrants ont chacun eu la possibilit dexposer devant la Cour suprme de cassation tous leurs arguments justifiant selon eux la recevabilit de leurs pourvois eu gard aux dispositions perti-nentes du code de 2007. Compte tenu de la spcifi-cit de la procdure, la non-communication des conclusions en rponse des dfendeurs et labsence de toute possibilit de revenir sur la question en raction ces conclusions nont donc pas plac les requrants dans une situation nettement dsa-vantageuse par rapport aux parties adverses ni nont heurt de manire injustifie le caractre contradic-toire du procs. De plus, il faut rappeler que, avant de parvenir la Cour suprme de cassation, les cas des requrants avaient fait lobjet dun exa men complet et contradictoire par deux niveaux de tribunaux jouissant dune plnitude de juridiction.

    Conclusion : irrecevable (dfaut manifeste de fon-dement).

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-116689http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-9110http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-141227

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    14 Article 6 1 (civil) Article 6 2

    b) Accs un tribunal Pendant la priode allant de 2010 2012, du fait de la procdure de filtrage instaure par le code de 2007, seuls 20% des pour-vois dont a t saisie la Cour suprme de cassation en matire civile et commerciale ont t jugs recevables, soulageant cette juridiction de la tche consistant examiner au fond un nombre consid-rable daffaires, ce qui leur a permis de se concentrer sur sa tche principale consistant rendre des arrts prcisant la loi et duniformiser son application. On trouve des rgles similaires rgissant laccs aux juridictions suprmes dans dautres tats contrac-tants tels que lAlbanie, lArmnie, la Finlande, la France, la Hongrie, la Pologne, le Royaume-Uni, la Sude et lUkraine. Dans ces conditions, la Cour est convaincue que la limitation de la recevabilit des pourvois devant la Cour suprme de cassation bulgare poursuivait un but lgitime. La manire dont cette limitation a t fixe dans le code de 2007 relevait de la marge dapprciation de ltat. Quant limprcision allgue des dispositions rgissant le filtrage des pourvois, elles ont d tre rdiges de manire donner aux juridictions suprmes suffisamment de latitude pour dcider ou non dexaminer une affaire, et lui permettent donc de se concentrer sur leur tche principale dunification de lapplication de la loi au sein de lensemble du systme judiciaire la tte duquel elles se trouvent. cet gard, les dispositions pertinentes du code bulgare de 2007 avaient t contestes devant la Cour constitutionnelle qui a jug que, bien qutant quelque peu vagues, elles ntaient pas anticonstitutionnelles dans leur ensemble et que les modalits de leur application relveraient de la jurisprudence et de la pratique judiciaire. Dans ce qui constitue apparemment une rponse ce jugement, la Cour suprme de cassa-tion a rendu une dcision interprtative contrai-gnante dans laquelle elle sest efforce de clarifier autant que possible les modalits dapplication voulues de ces dispositions. En somme, compte tenu du rle particulier que le code de 2007 entend donner la Cour suprme de cassation, la Cour conclut que le dispositif lgal ci-dessus ne peut tre considr en lui-mme comme contraire lar-ticle61.

    Sagissant des cas de chaque requrant, les for-mations respectivement constitues de la Cour suprme de cassation ont conclu, dans des dcisions pleinement motives, que les pourvois navaient pas satisfait aux critres noncs dans le code de 2007. Ntant pas une juridiction dappel pour les tribunaux nationaux, la Cour estime quelle na pas se prononcer sur le bien-fond de cette conclusion. Dans ces conditions, et vu que, avant de parvenir

    la Cour suprme de cassation, les cas des requ-rants avaient t examins par deux niveaux de tribunaux jouissant dune plnitude de juridiction, la restriction au droit daccs un tribunal des requrants ntait pas disproportionne et na pas vid ce droit de toute substance.

    Conclusion : irrecevable (dfaut manifeste de fon-dement).

    Article 6 2

    Prsomption dinnocence

    Dclarations relatives un suspect vis parune enqute faites par un tribunal dans lecadre dune procdure distincte dirige contre ses coaccuss : article 6 2 applicable ; non-violation

    Karaman c. Allemagne - 17103/10 Arrt 27.2.2014 [Section V]

    En fait Le requrant est le fondateur dune station de tlvision turque qui mettait en Turquie et en Allemagne et dont il dirigeait la socit dexploita-tion. En 2006, les autorits de poursuites allemandes entamrent des investigations contre lui et plusieurs autres personnes, les souponnant davoir fait un usage frauduleux, des fins commerciales et pour leur propre compte, de fonds donns des asso-ciations caritatives. En 2008, la procdure pnale prliminaire dirige contre le requrant fut spare de celle dirige contre les autres suspects. La mme anne, le requrant fit lobjet en Turquie dune enqute pnale reposant sur les mmes allgations descroquerie. En 2008, deux des autres suspects furent reconnus coupables en Allemagne descro-querie aggrave et un autre de complicit dans la commission de cette infraction. Alors que le requ-rant navait pas encore t officiellement inculp ce stade, le jugement dcrivait en dtail le mode opratoire de la commission de linfraction et le rle quil y avait supposment jou. lorigine, le requrant tait dsign par son nom complet (cependant, seules ses initiales apparaissent dans la version publie sur Internet). Il tait expressment indiqu quil avait jou un rle de premier plan dans la commission de linfraction. Les remarques liminaires de la version du jugement publie sur Internet prcisaient par ailleurs que les mentions et conclusions relatives aux actions de personnes autres que les accuss, et en particulier de celles qui faisaient lobjet dune procdure distincte, nempor-taient pas dtermination de la culpabilit de ces

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-141197

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    15Article 6 2

    personnes, qui bnficiaient toujours de la prsomp- tion dinnocence. Les mdias couvrant ce procs dcla rrent que le requrant avait jou un rle de premier plan dans les faits. En 2009, le requrant saisit la Cour constitutionnelle fdrale allemande, soutenant que les rfrences prsumant sa parti-cipation au dtournement de fonds faites dans le raisonnement du jugement du tribunal rgional avaient emport violation son gard du droit la prsomption dinnocence. La Cour constitution-nelle dclara son action irrecevable. Les procs du requrant en Turquie et en Allemagne souvrirent en 2013. Au moment o la Cour europenne a rendu son arrt sur laffaire, ces procdures taient toujours pendantes.

    En droit Article 6 2

    a) Recevabilit Le Gouvernement soutenait que le requrant ne pouvait pas se prtendre victime dune violation du droit dtre prsum innocent car les dclarations de culpabilit faites par le tribunal rgional dans son jugement ne concernaient que ses co-accuss. Il ajoutait que la prsomption dinnocence ne protgeait pas un suspect du simple impact factuel et indirect dun jugement rendu dans le cadre dune procdure pnale dirige contre des tiers, nemportant pas dtermination de sa propre culpabilit et ne lui imposant pas de condam nation ou de peine.

    La Cour observe que, en principe, la prsomption dinnocence peut aussi tre engage par lexpression prmature de la culpabilit dun suspect faite dans le cadre dun jugement rendu contre des co-accuss faisant lobjet dune procdure distincte, et que, lorsque le tribunal rgional a rendu son jugement contre les co-accuss du requrant, celui-ci faisait dj lobjet dune procdure pnale prliminaire pour escroquerie en Allemagne et en Turquie et avait donc t accus dune infraction pnale au sens de larticle 6 2, mme sil navait pas t officiellement inculp. Elle estime donc que, mme si elles navaient pas de valeur juridique quant la dtermination de la culpabilit du requrant, les dclarations du tribunal rgional pouvaient nanmoins lui porter prjudice dans la procdure pnale dont il faisait lobjet. Elle souligne quen pareilles circonstances, il est important de garder lesprit quun accus faisant lobjet dune pro-cdure distincte est priv de toute possibilit de contester les allgations faites dans la procdure qui ne le vise pas quant sa participation la commission dune infraction.

    Conclusion : exception prliminaire rejete (una-nimit).

    b) Fond La Cour admet que dans une procdure pnale complexe impliquant plusieurs personnes qui ne peuvent tre juges ensemble, il peut tre indispensable pour apprcier la culpabilit des accuss au procs que le tribunal qui les juge men-tionne la participation de tiers, lesquels peuvent tre jugs sparment par la suite. Elle observe cet gard que les juridictions pnales sont tenues dtablir aussi exactement et prcisment que pos-sible les faits pertinents pour lapprciation de la responsabilit des accuss et quelles ne peuvent pas prsenter des faits dterminants, notamment ceux qui concernent la participation de tiers, comme de simples allgations ou soupons. Toutefois, si de tels faits doivent tre exposs, le tribunal doit faire preuve de retenue et ne doit pas divulguer plus dinformations que cela nest ncessaire aux fins de lapprciation de la responsabilit des accuss au procs.

    La Cour estime quen lespce, les dclarations liti-gieuses du tribunal rgional doivent se comprendre dans le contexte du droit allemand, qui exclut clairement la possibilit de faire quelque dduction que ce soit quant la culpabilit dune personne partir dune procdure pnale laquelle celle-ci na pas particip. Elle observe que, dans la procdure dirige contre les co-suspects du requrant, le tribu-nal devait, pour apprcier le degr de responsabilit de lun des accuss, examiner le rle concret et les intentions de toutes les personnes qui agissaient dans lombre en Turquie, y compris le requrant. Elle estime que, dans ce contexte, il ne pouvait viter de mentionner les lments litigieux et que, de plus, en dsignant systmatiquement le requ-rant par lexpression qui fait lobjet dune proc-dure distincte , il a soulign de manire suffisam-ment claire quil ntait pas appel se prononcer sur sa culpabilit. De plus, aussi bien les remarques liminaires du jugement publi sur le site web du tri bunal que la dcision rendue par la Cour consti-tutionnelle fdrale allemande sur cette affaire sou-li gnaient quil aurait t contraire la prsomption dinnocence dimputer une quelconque culpabilit au requrant en se fondant sur lissue du procs de ses co-accuss. A la lumire de ces considrations, la Cour conclut que les juges allemands ont vit autant quil tait possible de donner limpression quils prjugeaient de la culpabilit du requrant et que, partant, ils nont pas viol son droit dtre prsum innocent.

    Conclusion : non-violation (cinq voix contre deux).

    (Voir aussi Allen c. Royaume-Uni [GC], 25424/09, 12juillet 2013, Note dinformation165)

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-7753

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    Article 816

    ARTICLE 8

    Respect de la vie prive et familiale

    Restrictions imposes aux visites familiales dont peuvent bnficier les dtenus purgeant une peine de prison vie : dessaisissement au profit de la Grande Chambre

    Khoroshenko c. Russie - 41418/04 [Section I]

    Laffaire concerne les restrictions imposes aux visites familiales dont peuvent bnficier les dte-nus purgeant une peine de prison vie. En vertu du droit russe, ces dtenus sont automa tiquement privs de la possibilit de bnficier de visites fami-liales de longue dure pendant leurs dix premires annes de dtention. Pendant cette priode, ils ne peuvent avoir que des visites de courte dure (une de quatre heures au maximum tous les six mois), dans des conditions excluant toute intimit. Devant la Cour europenne, le requrant, un dtenu con-damn une peine de prison vie, se plaint que ce rgime emporte violation son gard du droit au respect de la vie prive et familiale garanti par larticle8 de la Convention.

    Expulsion

    Mesures dinterdiction du territoire fondes sur des motifs de scurit nationale non divulgus : irrecevable

    I.R. et G.T. c. Royaume-Uni - 14876/12 et 63339/12

    Dcision 28.1.2014 [Section IV]

    En fait Laffaire concerne deux ressortissants trangers lgard desquels le ministre de lInt-rieur britannique prit des mesures dinterdiction du territoire au motif que leur prsence sur le sol britannique ntait pas favorable lintrt gnral. Le ministre ayant pris ses dcisions pour des motifs de scurit nationale, les recours forms par les requrants furent examins par la Commission spciale des recours en matire dimmigration (Special Immigration Appeals Commission la SIAC ). Une partie de la procdure devant celle-ci se droula en labsence des requrants et de leurs avocats, mais en prsence des reprsentants spciaux qui avaient t dsigns pour dfendre leurs intrts (dans le cadre dune procdure confidentielle ). La SIAC rejeta les recours par des dcisions qui

    furent confirmes par la Cour dappel. Dans leur requte la Cour europenne, les requrants se plai-gnaient davoir t frapps dune mesure dinter-diction du territoire et allguaient que la procdure devant la SIAC avait emport violation de leurs droits garantis par larticle8 et/ou larticle13 de la Convention, en particulier en ce quils staient vu refuser laccs des informations suffisantes pour leur permettre de contester efficacement les arguments en matire de scurit nationale utiliss contre eux.

    En droit Article 8 : Les griefs des requrants ne visaient que la procdure suivie par le ministre pour prendre les mesures dinterdiction du territoire et celle mene devant la SIAC pour examiner leurs recours. Ils se plaignaient en particulier de navoir pas dispos dinformations adquates pour tre en mesure de comprendre les allgations diriges contre eux et dy rpondre. Il convient donc dexaminer, la lumire des exigences dcoulant de larticle8 pris isolment et combin avec larticle 13, la na-ture et la porte des garanties procdurales offertes aux requrants au cours des procdures litigieuses.

    Il incombe aux tats, au titre de larticle8, de mettre en place dans les affaires touchant la scu-rit nationale une procdure mnageant un qui-libre entre la ncessit de restreindre laccs aux informations confidentielles et celle de veiller au caractre contradictoire de la procdure. Les ga-ranties procdurales inhrentes larticle8 varient en fonction du contexte de laffaire et peuvent, dans certaines circonstances, ne pas tre aussi pousses que celles appliques au titre des articles5 et 6 de la Convention. tablissant une distinction entre lespce et laffaire A.et autres c.Royaume-Uni, la Cour observe que la rfrence expresse la ncessit de fournir des informations dtailles nonce aux articles 5 2 et 6 3 de la Convention reflte le fait que lenjeu dans pareille procdure est la libert dune personne et que le principe fon-damental est que chacun a droit la libert et la sret sauf en cas dexception prcise. En revanche, larticle8 ne garantit pas aux trangers le droit dentrer ou de rsider dans le pays de leur choix, et leur droit au respect de la vie prive et familiale est soumis aux exceptions prvues larticle 8 2, qui mentionne expressment les motifs de scurit nationale.

    En outre, eu gard au chevauchement entre les garanties procdurales prvues larticle8 et le droit un recours effectif garanti par larticle13, le premier doit tre interprt de manire conforme au second. Dans de prcdentes affaires, la Cour a admis que le contexte peut entraner des limitations

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-141827http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-141330

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    17Article 8 Article 10

    inhrentes au recours et, dans laffaire Al-Nashif c.Bulgarie, elle a expliqu que dans les affaires dexpulsion dtrangers pour des motifs de scurit nationale, la garantie dun recours effectif contenue larticle13 exige au minimum que lautorit dappel indpendante comptente soit informe des motifs fondant la dcision de refoulement, sans aller ce-pendant jusqu exiger que ces informations soient fournies lindividu concern.

    La Cour est convaincue que la procdure en vigueur au Royaume-Uni est de nature offrir des garanties procdurales suffisantes aux fins de larticle8. En effet, la SIAC est une juridiction totalement indpendante ; elle voit tous les lments de preuve sur lesquels est fonde la mesure dinterdiction du territoire prise par le ministre lgard dun individu, il y a devant elle une procdure dans une certaine mesure contradictoire, assortie de limites procdurales appropries (la prsence de reprsen-tants spciaux) lusage dinformations classifies. Les affaires devant la SIAC portent au premier chef sur des allgations de terrorisme, et rien ne prouve que cet organe autorise le ministre adopter une interprtation de la notion de scurit nationale qui soit illgale, contraire au bon sens ou arbitraire. Seules certaines parties des jugements de la SIAC sont classifies (ou confidentielles). Lappelant se voit communiquer une version non confidentielle du jugement contenant autant dinformations que possible sur les motifs fondant la dcision de la SIAC. Par ailleurs, les parties confidentielles du juge ment sont communiques son reprsentant spcial. Enfin, la SIAC est pleinement comptente pour dterminer si la mesure dinterdiction du territoire porte atteinte aux droits garantis par lar-ticle8 et, si oui, si un juste quilibre a t m nag entre lintrt public et les droits de lappelant. Elle peut annuler la mesure dinterdiction si elle cons-tate que celle-ci nest pas compatible avec larticle8.

    La procdure a fonctionn comme prvu dans le cas des requrants et la Cour est convaincu que la procdure devant la SIAC prsentait des garanties suffisantes pour satisfaire aux exigences de larticle8 pris isolment et combin avec larticle13 de la Convention.

    Conclusion : irrecevable (dfaut manifeste de fon-dement).

    (Voir A. et autres c. Royaume-Uni [GC], 3455/05, 19fvrier 2009, Note dinformation116, et Al-Nashif c.Bulgarie, 50963/99, 20juin 2002, Note dinformation43)

    ARTICLE 10

    Libert dexpression

    Socit dtentrice dun portail dactualits surinternet condamne au versement de dommages et intrts pour des propos insultants posts sur son site par des tiers anonymes : affaire renvoye devant la Grande Chambre

    Delfi AS c. Estonie - 64569/09 Arrt 10.10.2013 [Section I]

    La socit requrante dtient lun des plus grands portails dactualits sur internet dEstonie. En 2006, ce portail publia un article concernant une entre-prise de transport maritime locale. Ragissant larticle, des tiers anonymes postrent sur le site des commentaires contenant des menaces personnelles et des propos insultants visant la compagnie mari-time. La socit requrante supprima ces commen-taires environ six semaines plus tard la demande de la compagnie maritime. Par la suite, le propri-taire de la compagnie maritime engagea une pro-cdure en diffamation contre la socit requrante. Celle-ci fut en dfinitive condamne verser des dommages et intrts dun montant de 320EUR. Devant la Cour, elle se plaint dune violation des droits garantis par larticle10 de la Convention.

    Dans un arrt du 10 octobre 2013 (voir la Note dinformation167), une chambre de la Cour a jug lunanimit quil ny avait pas eu violation de larticle10.

    Le 17 fvrier 2014, laffaire a t renvoye devant la Grande Chambre la demande de la socit requrante.

    Arrestation et condamnation dun journaliste pour nonobtempration des sommations donnes par la police lors dune manifestation : non-violation

    Pentikinen c. Finlande - 11882/10 Arrt 4.2.2014 [Section IV]

    En fait Le requrant est photographe journaliste pour un magazine finlandais. En 2006, il fut envoy couvrir une manifestation Helsinki. Bien quune zone spare scurise et t rserve la presse, il dcida de ne pas lutiliser et resta avec les manifestants. Lorsque la manifestation devint violente, la police boucla le secteur concern et

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  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    Article 1018

    ordonna aux manifestants de se disperser. La plu-part des gens partirent mais une vingtaine de per-sonnes, dont le requrant, restrent. Ils furent de nouveau somms de partir, faute de quoi ils seraient arrts. Le requrant resta sur les lieux car il pen-saitque la sommation de la police ne sappliquait quaux manifestants. Peu aprs, il fut arrt avec les manifestants restants et dtenu pendant plus de17heures. On ne sait pas exactement quand la police a appris quil tait journaliste. Par la suite, un tribunal de district jugea le requrant coupable de dsobissance une sommation de la police mais dcida de ne pas lui infliger de peine. Cette dcision fut confirme en appel et le recours ult-rieurement form par le requrant devant la Cour suprme fut rejet.

    En droit Article 10 : Larrestation et la con-damnation du requrant peuvent tre considres comme une ingrence dans sa libert dexpression, qui tait prvue par la loi et poursuivait les buts lgitimes de la protection de la sret publique et de la prvention des infractions pnales. Quant la proportionnalit de cette ingrence, le requrant a eu plusieurs fois la possibilit de couvrir correc-tement lvnement. Par exemple, il na jamais t empch de photographier la manifestation et il a renonc son droit dutiliser la zone spare scu-rise, choisissant plutt de rester parmi les mani-festants mme aprs les sommations de dispersion. Lingrence dans lexercice par le requrant de sa libert journalistique ntait donc que dune porte limite. De plus, le comportement sanctionn par la condamnation pnale en question tait non pas lactivit journalistique du requrant en tant que telle mais son refus dobir une sommation de la police tout la fin de la manifestation, lorsque cette dernire, selon la police, allait dgnrer en meute. Recherchant si les tribunaux nationaux ont tabli de manire convaincante la ncessit dune telle ingrence, la Cour note que, en rservant une zone scurise spare pour la presse, les autorits finlandaises avaient reconnu que la manifestation tait une question revtant pour le public un intrt lgitime et que de bonnes raisons justifiaient la couverture publique de lvnement. Les juridic-tions internes ont analys la question sur le terrain de larticle10, pesant la libert dexpression du re-qu rant laune des intrts de ltat, et ont conclu quil y avait un besoin social pressant de prendre les mesures dnonces contre le requrant. En particulier, il tait ncessaire de disperser la foule et dordonner aux gens de partir en raison des meutes et de la menace pour la scurit publique. Pour ce qui est de la condamnation du requrant, aucune peine na t impose et aucune mention

    na t inscrite dans son casier judiciaire. Ds lors, compte tenu de la marge dapprciation dont jouit ltat en la matire, les juridictions internes appa-raissent avoir justifi larrestation et la condamnation du requrant par des motifs pertinents et suffisants et ont donc mnag un juste quilibre entre les intrts concurrents en jeu.

    Conclusion : non-violation (cinq voix contre deux).

    Condamnation pour diffamation des dommages et intrts rsultant en une situation degrande prcarit : violation

    Tei c. Serbie - 4678/07 et 50591/12 Arrt 11.2.2014 [Section II]

    En fait En 2006, la requrante, une retraite souf-frant de problmes de sant, fut reconnue coupable de diffamation envers son avocat et condamne lui verser 300 000dinars (RSD) titre de rpa-ration, ainsi que des intrts moratoires. Elle fut galement condamne sacquitter des dpens de laffaire, pour un montant de 94120RSD (soit une somme totale de 4900EUR environ). En juillet 2009, le tribunal municipal pronona une ordon-nance dexcution force en vertu de laquelle deux tiers de la pension de retraite de la requrante de-vaient tre transfrs chaque mois sur le compte ban caire de lavocat jusqu ce que les sommes dues aient t totalement acquittes. Du fait de cette mesure, la requrante ne dispose plus pour vivre que de 60EUR par mois environ.

    En droit Article 10 : Les mesures litigieuses ont incontestablement constitu une ingrence dans le droit la libert dexpression de la requrante. Elles taient prvues par la loi et ont t adoptes dans un but lgitime, savoir la protection de la rpu-tation dun tiers.

    Les sommes que la requrante a t condamne payer slevaient plus de 60% du montant de ses revenus mensuels. Elles taient par ailleurs com-parables celles quont t condamns verser, dans une procdure civile distincte concernant la mme question, dautres dfendeurs, dont la Pro-vince autonome de Vojvodina et le journal de cette province, qui taient lun comme lautre bien plus solides financirement que la requrante. De plus, on ne peut pas dire que les propos tenus par la requrante lgard de son ancien avocat aient t une pure attaque personnelle gratuite. La police avait en effet clairement estim que ces allgations ntaient pas sans fondement. En outre, largument du Gouvernement consistant dire quun dbat

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-140771

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    19Article 10 Article 35 1

    sur la conduite professionnelle dun avocat en exer-cice nest dabsolument aucun intrt public est intrin squement douteux, compte tenu en parti-culier du rle des avocats dans la bonne adminis-tration de la justice. Enfin, il est particulirement frappant de constater que le tribunal a prononc une ordonnance dexcution imposant le transfert mensuel des deux tiers de la pension de la requrante sur le compte bancaire de lavocat, alors mme que les dispositions applicables prvoyaient quil sagis-sait de la proportion maximale qui pouvait tre saisie : il aurait donc clairement pu se montrer plus nuanc. Au 30juin 2013, la requrante stait dj acquitte de 4350 EUR environ, mais compte tenu des intrts accumuls et venir, elle aurait d continuer de payer pendant encore environ deux ans. En mai 2012, sa pension mensuelle slevait 170EUR environ, de sorte quune fois dduites les sommes prleves, il lui restait quelque 60EUR pour vivre et payer ses mdicaments. Or ceux-ci cotant environ 44EUR par mois, elle navait plus les moyens de les acheter. Il sagit l dune situation particulirement prcaire pour une personne ge et malade. Partant, lingrence litigieuse ntait pas ncessaire dans une socit dmocratique.

    Conclusion : violation (six voix contre une).

    Article 41 : 6 000 EUR pour prjudice moral ; 5500 EURpour dommage matriel.

    ARTICLE 35

    Article 35 1

    puisement des voies de recours internes Recours interne effectif Estonie

    Demande de rparation forme auprs desjuridictions administratives raison deladure excessive dune procdure civile : recours effectif

    Treial c. Estonie - 32897/12 Dcision 28.1.2014 [Section I]

    En fait Dans sa requte la Cour europenne, le requrant se plaignait de la dure de la procdure civile interne laquelle il avait t partie. Le Gou-vernement a excip titre prliminaire du non-puisement des voies de recours internes.

    En droit Article 35 1 : La Cour a jug dans sa dcision Mets c.Estonie, qui portait sur un grief tir de la dure dune procdure pnale, que le fait que

    le requrant ait t indemnis par un tribunal administratif signifiait quil avait perdu la qualit de victime dans la procdure devant elle. Elle a galement dit dans cette affaire que, alors que ladoption dune lgislation dfinissant clairement les motifs permettant dallouer une rparation en cas de dure excessive de procdure ainsi que des procdures rapides pour traiter pareils griefs contribuerait fortement la scurit juridique dans ce domaine, le requrant nen avait pas moins dispos dun recours effectif rsultant de la pratique des tribunaux estoniens.

    Mme si les affaires tranches jusqu prsent par les juridictions administratives concernaient la dure de procdures pnales, la Cour suprme esto-nienne a indiqu dans un arrt du 22mars 2011 (Osmjorkin no331 85 09) que les articles14 et 15 de la Constitution nonaient le droit dtre jug dans un dlai raisonnable tandis que larticle25 prvoyait un droit rparation. Notant que les dis positions et principes invoqus par la Cour suprme taient de nature gnrale et non spci-fiquement conus pour les procdures pnales, la Cour europenne voit mal comment parvenir une conclusion diffrente sagissant dun grief tir de la dure dune procdure civile, et en conclut donc que le requrant est tenu de sadresser aux tri bunaux administratifs pour satisfaire la condi-tion dpuisement des voies de recours internes. Elle souligne toutefois que sa position pourra voluer lavenir, en fonction notamment de la capacit des juridictions nationales laborer une jurisprudence conforme aux exigences de la Con-vention.

    Conclusion : irrecevable (non-puisement des voies de recours internes).

    (Voir Mets c. Estonie (dc.), 38967/10, 7mai 2013)

    Recours interne effectif Turquie

    Recours en vertu de larticle 141 1f ) ducode de procdure pnale ouvrant droit rparation pcuniaire toute personne prive de sa libert pendant une dure suprieure celle de la sanction : recours effectif

    Alican Demir c. Turquie - 41444/09 Arrt 25.2.2014 [Section II]

    En fait Le requrant a t condamn en dcembre 2005 une peine demprisonnement de six ans et trois mois. Eu gard la lgislation relative lex-cution des peines, il devait bnficier dune mesure de mise en libert conditionnelle le 24 janvier

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    20 Article 35 1

    2009. Cependant, la Cour de cassation tant reste saisie de laffaire en raison dun point qui ne concernait pas la condamnation du requrant , la juridiction de premire instance na pas accord lintress la libration conditionnelle au 24janvier 2009 mais seulement une date ultrieure, savoir le 13fvrier 2009. Devant la Cour europenne, le requrant se plaint de son maintien en dtention du 24janvier au 12fvrier 2009, maintien qui avait pour cause, ses dires, loctroi tardif de la libration conditionnelle laquelle il avait droit.

    En droit Article 35 : Il ressort des arrts produits titre dexemple par le Gouvernement que larticle 141 1f ) du code de procdure pnale, tel quin-terprt par la Cour de cassation la lumire de la Constitution turque et de la Convention, ouvre droit rparation pcuniaire toute personne prive de sa libert pendant une dure suprieure celle de la sanction quil aurait d subir selon la lgislation relative lexcution des peines et compte tenu du bnfice de la libration condition-nelle auquel elle a droit. Il sagit prcisment de la situation qui tait celle du requrant. Ce recours est donc adquat en ce quil permet de faire re-connatre une atteinte au droit la libert et la sret et dobtenir une indemnit. Toutefois, ce recours na t que rcemment ouvert par la Cour de cassation. En effet, les arrts pertinents en lespce de la haute juridiction datent de 2012 et de 2013 et sont postrieurs lintroduction de la prsente requte. lpoque des faits, ni la lettre de cette disposition ni linterprtation qui en tait faite par les tribunaux ne permettaient au requrant dobtenir rparation pour la priode de dtention excdant celle quil aurait d subir compte tenu de la libration conditionnelle. En dautres termes, si le recours fond sur la disposition en question est devenu effectif, rien ne permet daffirmer quil ltait lors de lintroduction de la requte. On ne peut ds lors reprocher au requrant de ne pas lavoir pralablement exerc.

    Conclusion : exception prliminaire rejete (una-nimit).

    La Cour conclut galement, lunanimit, la violation de larticle 5 1, 3 et4 de la Convention et octroie au requrant 9500 EUR pour prjudice moral.

    Dlai de six mois

    Introduction tardive dune requte concernant la nonexcution dune dcision de justice par un organisme dtat devenu insolvable : irrecevable

    Sokolov et autres c. Serbie - 30859/10 et al. Dcision 14.1.2014 [Section II]

    En fait Entre 2003 et 2005, les requrants obtinrent des dcisions de justice dfinitives contre leur ancien employeur, une socit publique/tatique , condamnant celle-ci leur verser des arrirs de salaires et des prestations sociales. En 2005, une procdure de faillite fut ouverte concer-nant la socit. Les requrants demandrent le recou-vrement de leurs crances au cours de cette proc-dure mais les actifs de la socit taient insuffi sants pour les solder en intgralit. En 2008, le tribunal de commerce ordonna la clture de la pro cdure de faillite et la liquidation de la socit. Cette dci-sion fut publie dans le journal officiel et inscrite dans les registres publics pertinents. En 2010, lavo-cat des requrants demanda que la dcision lui soit signifie. Cette mme anne, les requrants for-mrent devant la Cour constitu tionnelle un recours qui fut rejet en 2012. Dans la procdure devant la Cour europenne, le Gou vernement a excip titre prliminaire dun non-respect par les requ-rants du dlai de six mois pour lintroduction des requtes, soutenant que celui-ci avait commenc courir la date o la dcision de clture de la procdure de faillite par le tribunal de commerce a t publie au journal officiel et/ou la date o elle est devenue dfinitive.

    En droit Article 35 1 : Dans les affaires dex-cution de dcisions de justice dfinitives, ltat est directement responsable des dettes des entits qui, comme en lespce, ne jouissent pas dune ind-pendance institutionnelle et opration nelle suffi-sante vis--vis de ltat . Les jugements rendus en la faveur des requrants demeurant inexcuts en partie, la situation dnonce doit tre considre comme continue.

    Toutefois, une situation continue ne peut reporter indfiniment lcoulement du dlai de six mois. Tout requrant doit introduire sa requte sans retard injustifi ds lors quil apparat quil nexiste aucune chance raliste dissue favorable ou de progrs devant le juge interne. En lespce, ds que les requrants savaient ou auraient d savoir que la procdure de faillite avait t close et/ou que la socit dbitrice avait t liquide sans avoir de successeur juridique ni de reliquat dactifs, il aurait

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-140947

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 171 Fvrier 2014

    21Article 35 1 Article 35 3

    d tre apparent leurs yeux quaucune voie de recours ouverte en droit interne ne leur permettait dobtenir lexcution des jugements en leur faveur contre la socit ou contre ltat. Les requrants auraient donc d introduire leur requte devant laCour dans les six mois compter de la publica-tion au journal officiel de la dcision du tribunal de com merce prononant la clture de la procdure de faillite ou, au moins, partir de la date o cette dcision est devenue dfinitive. cet gard, la Cour note que le droit interne ne donne nulle part lobli-gation au tribunal de commerce de signifier sa dcision au requrant, qui aurait donc d en faire la demande au bon moment. Il sensuit que les requtes ont t introduites hors du dlai de six mois et doivent tre rejetes. La Cour souligne cependant que le non-respect par les requrants de cette condition nexonre pas ltat de sa respon-sabilit gnrale lgard des dettes de la socit.

    Conclusion : irrecevable (tardivet).

    (Voir, parmi dautres prcdents, Marinkovi c.Serbie (dc.), 5353/11, 29janvier 2013, Note dinformation159)

    Article 35 3

    Requte abusive

    Manquement dun reprsentant informer laCour de lintroduction de deux requtes spares aux noms de deux poux, portant surles mmes faits : irrecevable

    Martins Alves c. Portugal - 56297/11 Dcision 21.1.2014 [Section II]

    En fait En 2004, une socit prive forma contre la requrante et plusieurs autres personnes, dont lpoux de celle-ci, une action en responsabilit civile.

    En janvier 2011, lpoux de la requrante intro-duisit une requte (no5340/11) devant la Cour euro penne, se plaignant de la dure de cette pro-cdure. La requte en lespce a t introduite en aot 2011, alors que celle de lpoux tait toujours pendante. Le mme avocat soccupait des deux requtes.

    En 2013, la Cour a examin la requte de lpoux et conclu une violation des articles 6 1 et 13 de la Convention raison de la dure de la procdure. Elle lui a allou 4500 EUR pour prjudice moral et 1000 EUR pour frais et dpens.

    En droit Article 35 3 : Lorsquil a introduit la requte en lespce, le reprsentant de la requrante,

    qui avait auparavant saisi la Cour de nombreuses requtes et connaissait donc la procdure, a omis dinformer la Cour que laffaire avait pour objet la mme procdure interne que dans la requte de lpoux, que la requrante en lespce est lpouse du requrant dans laffaire prcdente et quils avaient comparu conjointement devant le juge national.

    Lintroduction des dates diffrentes de deux re-qutes distinctes pouvant passer pour essentielle-ment les mmes ne constitue pas en soi un abus du droit de recours. Toutefois, la Cour ne voit aucune raison lgitime pour laquelle la requrante naurait pas introduit son grief en mme temps que celui de son poux, surtout vu que les conjoints avaient comparu ensemble dans la procdure con duite de vant le juge interne et taient donc repr sents par le mme avocat. De plus, ce dernier a commu-niqu des informations incompltes et donc trom-peuses. Cette omission a pris dautant plus dim-por tance une fois que la question en lespce a t tranche sur le fond par la Cour dans son arrt du 2avril 2003 et que lpoux de la requrante a t indemnis en vertu de larticle41. Si lavocat en question avait joint la requte en lespce celle introduite par lpoux de la requ rante, la Cour nau rait pas accord une somme dun montant suprieur pour prjudice moral et frais et dpens, vu que lobjet du litige tait le mme et que la requrante et son poux taient parties la mme procdure devant le juge interne, forment un foyer unique et sont reprsents par le mme avocat.

    Enfin, la Cour a dj jug que deux requtes dont les auteurs taient reprsents par lavocat en question avaient constitu un abus du droit de recours, tandis que trois autres requtes introduites par cet avocat lui-mme avaient t considres comme essentiellement les mmes que des requtes antrieures. La Cour souligne cet gard que les avocats doivent faire preuve dun trs grand discernement professionnel et dun sens rel de la collaboration avec la Cour, et viter dintroduire des requtes sans le moindre fondement, faute de quoi leur crdibilit en ptira et en cas dabus systmatique ils pourraient tre exclus de la procdure en vertu des articles 36 4b) et 44D du rglement de la Cour.

    Le comportement du reprsentant de la requrante en lespce tait contraire la finalit du droit de recours individuel tel que prvu larticle34 de la Convention et la requte doit donc tre rejete comme constitutive dun abus de ce droit.

    Conclusion : irrecevable (abus du droit de recours).

    (Voir Ferreira Alves c. Portugal, 5340/11, 2avril 2013)

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-7397http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-7397http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-141213http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-118484

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    22 Article 2 1 du Protocole no 4 Dernires nouvelles

    ARTICLE 2 DU PROTOCOLE N 4

    Article 2 1

    Droit de circulation

    Impossibilit pour un mineur de quitter leterritoire en labsence des documents requis pour prouver le consentement du pre : irrecevable

    andru c. Roumanie - 1902/11 Dcision 14.1.2014 [Section III]

    En fait lpoque des faits, le requrant tait g de 13ans et rsidait avec sa mre. Le 6mars 2009, aprs avoir obtenu le consentement de sa mre, il sacquitta des frais dun voyage propos par son collge. Saisi par la mre du requrant le 27mars 2009, le tribunal de premire instance condamna le pre donner son accord ce voyage. Cette ordon nance avait force excutoire, mais tait tou-tefois susceptible de pourvoi en recours sous cinq jours. Le 10avril 2009, lors du contrle des papiers au poste des douanes, les policiers, estimant que lordonnance devait comporter la mention dfi-nitive et irrvocable , contactrent la mre du requrant. Celle-ci indiqua que lordonnance avait force excutoire mais ne put fournir une attestation de son caractre irrvocable puisque cette ordon-nance tait devenue irrvocable le 8avril 2009 et que, selon la pratique des tribunaux internes, le greffe des tribunaux ne fournissait pas de telle attes-tation le jour mme, mais seulement deux jours aprs, pour laisser ainsi le temps ncessaire aux ventuels pourvois envoys par la poste, dans les dlais lgaux. Les policiers interdirent donc au requrant de quitter le territoire roumain.

    En droit Article 2 du Protocole no4 : Le requrant a subi une ingrence dans sa libert de circulation. Celle-ci tait prvue par la loi. La mesure en cause tait ncessaire la protection des droits et liberts dautrui, savoir ceux du pre du requrant, ainsi quau maintien de lordre public, puisquelle avait trait au contrle des voyages des ressortissants mi-neurs ltranger. Quant savoir si lingrence tait ncessaire dans une socit dmocratique, la Cour accorde une attention spciale la dure de la mesure en cause. Le requrant a fait lobjet dune mesure ponctuelle et limite dans le temps, motive par labsence des documents requis par la lgisla-tion. Par ailleurs, il lui tait loisible de se procurer les documents requis par les autorits douanires, en formant suffisamment lavance laction visant

    faire condamner son pre donner son consen-tement. cet gard, le requrant a acquitt les frais du voyage le 6mars 2009, mais a attendu trois se maines pour former laction en rfr. Pour ces raisons, la Cour estime que le requrant na pas subi une charge excessive.

    Conclusion : irrecevable (unanimit).

    RENVOI DEVANT LA GRANDE CHAMBRE

    Article 43 2

    Laffaire suivante a t dfre la Grande Chambre en vertu de larticle 43 2 de la Convention :

    Delfi AS c. Estonie - 64569/09 Arrt 10.10.2013 [Section I]

    (Voir larticle 10 ci-dessus, page 17)

    DESSAISISSEMENT AU PROFIT DE LA GRANDE CHAMBRE

    Article 30

    Khoroshenko c. Russie - 41418/04 [Section I]

    (Voir larticle 8 ci-dessus, page 16)

    DERNIRES NOUVELLES

    Des conditions de forme plus strictes pour saisir la CEDH

    Larticle 47 du rglement de la Cour, introduisant des conditions de forme plus strictes pour saisir la Cour, est entr en vigueur le 1erjanvier 2014 (voir la Note dinformation169).

    Afin dinformer et de sensibiliser les requrants potentiels et/ou leurs reprsentants aux conditions de forme requises pour la saisir, la Cour a initi une large campagne dinformation auprs de la socit civile et des principaux acteurs uvrant pour la protection europenne des droits de lhomme. Dans le cadre de cette campagne, la Cour dveloppe son matriel dinformation visant assister les requ-rants dans leurs dmarches, non seulement dans les langues officielles du Conseil de lEurope ( savoir le franais et langlais), mais galement dans celles des tats parties la Convention :

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-140964http://www.echr.coe.int/Documents/CLIN_2013_12_169_FRA.pdf#page=18

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    23Dernires nouvelles Publications rcentes

    Clip sur lintroduction dune requte

    Le clip Comment introduire valablement une requte est un tutoriel expliquant de quelle ma-nire le formulaire de requte doit tre rempli afin dtre examin par la Cour. Dj disponible dans six langues (anglais, franais, roumain, russe, turc et ukrainien), cette vido peut tre tlcharge partir du site internet de la Cour ( La Cour).

    Comment remplir le formulaire de requte

    Un document expliquant comment remplir le formulaire de requte et respecter les nouvelles conditions de forme est accessible dans 35langues. Il peut tre tlcharg partir du site internet de la Cour ( Requrants).

    Ma requte la CEDH

    La Cour vient de publier une nouvelle brochure prsentant le cheminement dune requte au travers des diffrentes tapes de son examen par la Cour. Intitule Ma requte la CEDH : comment lin-troduire et quel en sera son cheminement , cette brochure rpond aux principales questions que les requrants pourraient se poser, notamment, une fois leur requte envoye la Cour. Elle est disponible sur le site internet de la Cour ( Requrants).

    AUTRES NOUVELLES

    La 35e runion du Comit de coordination euro-pen sur la documentation des droits de lhomme (CCEDDH) aura lieu la Cour europenne des droits de lhomme Strasbourg, France, du mer-credi 11 au vendredi 13juin 2014. Cette ru nion a pour but de runir des personnes travaillant dans les domaines de la