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Date : 01 DEC 16 Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 364133 Page de l'article : p.90-92 Journaliste : C. O.-D.-B. / J. M. / F.-G. L. / S. P. / V.M. L.M. / O. R. / M. S. / E. B. / C. A. / L. P. / M.-F. L. Page 1/7 ALLARY2 2891189400501 Tous droits réservés à l'éditeur CULTURELIVRES Notre palmarès des 2 5 livres de Tannée Revisiter une année de lectures et ne garder que 25 livres, quelle tâche herculéenne... et cruelle ! Pour la mener à bien, nous avons fait le choix d'écarter les livres déjà récompensés par Le Point, primés par les grands prix d'automne, ou écrits par nos collabora- teurs. Mais, même ainsi, il en restait tant à mettre en avant ! On a fait au mieux, portés par notre enthou- siasme, notre curiosité et l'envie dè refléter une année un peu folle, marquée au fer rouge par la course au pouvoir et le chaos du monde. Histoire de proposer, aussi, quèlques antidotes. C.O.-D.-B. Don Winslow «Cartel» (Seuil, traduit de I anglais par Jean Bsch, 718 p, 23,50 €) Ilyaonzeansparaissaitunro- man que ses millions de lec- teurscélèbrentcomme le livre absolu sur la drogue. « La griffe du chien », c'était à la f ois l'his- toire d'un flic et d'un narcotra- fiquant dont l'entente virait à la vendetta, et celle de l'ancrage des cartels mexicains auxEtats- Unis sur trois décennies. Ce ro- man empruntait si peu à la fiction que, désormais, c'est Don Winslow que les médias s'arrachent lorsque El Chapo, le plus grand « narco » depuis Pablo Escobar, se fait la malle pour la troisième fois, en juil- let 2015. Et c'est normal, car El Chapo, c'est un peule double réel de Barrera, héros de « Car- tel », baron ultraviolent d'un roman qui l'est tout autant avec son lot de trahisons, de vengeances, et ses rebondisse- ments spectaculaires. Le plus grand roman noir sur la blanche J. H. Jean-Paul Kauffmann «Outre-terre» (Equateurs, 330 p, 21,90 €). LEJURY Claude Arnaud Jean Paul Enthoven Marc Lambron Marie Françoise Leclère Sébastien Le Fol François Guillaume Lorrain Julie Malaure Valerie Marin La Meslée Christophe Ono dit Biot Sophie Pujas Michel Schneider Albert Sebag Laurent Theis «En 1997, j'avais prévenu ma petite famille. Dans dix ans, on célébrera le bicentenaire delaba- tailled'Eylau. Ce serait amusant de nous y retrouver le 8 février 2007.» Après la Marne et Sainte-Hélène, voici la petite tribu Kauffmann sur les traces de Napoléon, entre Pologne et Lituanie, cette « outre-terre » russe logée dans un angle mort de l'Europe. Les sens en éveil et la tête bien pleine de tout ce qu'il faut lire sur le vrai « dé- but de la fin » de l'Empereur, l'écrivain confronte ses obses- sions au réel. Entre le souve- nir de Murât et celui du colonel _ Chabert, une épopée à taille 5 humaine qui a pour seul ob- " jectif d'éprouver enfin le sen- timent de l'Histoire, c'est-à-dire celui de la perte et du manque. Et d'explorer aussi une outre- terre littéraire, entre reportage, essai et récit BF.-G.L. i Emma Cline \ «The Girls» j (La Table ronde, traduit j de I anglais par Jean ; Bsch, 336 p, 21 €). \ Deux millions de dollars, c'est i le montant pour lequel ont été ' achetés les droits du tout pre- i mier roman de cette fille de •

Notre palmarès des 2 5 livres de Tannée · (Payot, traduit de I allemand par Olivier Mannoni, 512 p,25€). Qu'il définisse le populisme comme « la révolte des mauvais élèves»,

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Date : 01 DEC 16

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 364133

Page de l'article : p.90-92Journaliste : C. O.-D.-B. / J. M. /F.-G. L. / S. P. / V.M. L.M. / O.R. / M. S. / E. B. / C. A. / L. P. /M.-F. L.

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CULTURELIVRES

Notre palmarès des2 5 livres de TannéeRevisiter une année de lectures et ne garder que25 livres, quelle tâche herculéenne... et cruelle ! Pourla mener à bien, nous avons fait le choix d'écarter leslivres déjà récompensés par Le Point, primés par lesgrands prix d'automne, ou écrits par nos collabora-teurs. Mais, même ainsi, il en restait tant à mettre enavant ! On a fait au mieux, portés par notre enthou-siasme, notre curiosité et l'envie dè refléter une annéeun peu folle, marquée au fer rouge par la course aupouvoir et le chaos du monde. Histoire de proposer,aussi, quèlques antidotes. C.O.-D.-B.

Don Winslow«Cartel» (Seuil, traduitde I anglais par JeanBsch, 718 p, 23,50 €)

Ilyaonzeansparaissaitunro-man que ses millions de lec-teurscélèbrentcomme le livreabsolu sur la drogue. « La griffedu chien », c'était à la f ois l'his-toire d'un flic et d'un narcotra-fiquant dont l'entente virait àla vendetta, et celle de l'ancragedes cartels mexicains auxEtats-Unis sur trois décennies. Ce ro-man empruntait si peu à lafiction que, désormais, c'estDon Winslow que les médiass'arrachent lorsque El Chapo,le plus grand « narco » depuis

Pablo Escobar, se fait la mallepour la troisième fois, en juil-let 2015. Et c'est normal, carEl Chapo, c'est un peule doubleréel de Barrera, héros de « Car-tel », baron ultraviolent d'unroman qui l'est tout autantavec son lot de trahisons, devengeances, et ses rebondisse-ments spectaculaires. Le plusgrand roman noir sur lablanche • J. H.

Jean-Paul Kauffmann«Outre-terre»(Equateurs, 330 p,21,90 €).

LEJURYClaude ArnaudJean Paul EnthovenMarc LambronMarie Françoise LeclèreSébastien Le FolFrançois GuillaumeLorrainJulie MalaureValerie Marin La MesléeChristophe Ono dit BiotSophie PujasMichel SchneiderAlbert SebagLaurent Theis

«En 1997, j'avais prévenu mapetite famille. Dans dix ans, oncélébrera le bicentenaire delaba-tailled'Eylau. Ce serait amusantde nous y retrouver le 8 février2007.» Après la Marne etSainte-Hélène, voici la petitetribu Kauffmann sur les tracesde Napoléon, entre Pologne etLituanie, cette « outre-terre »russe logée dans un angle mortde l'Europe. Les sens en éveilet la tête bien pleine de tout cequ'il faut lire sur le vrai « dé-but de la fin » de l'Empereur,l'écrivain confronte ses obses-sions au réel. Entre le souve-nir de Murât et celui du colonel _Chabert, une épopée à taille 5humaine qui a pour seul ob- "jectif d'éprouver enfin le sen-timent de l'Histoire, c'est-à-direcelui de la perte et du manque.Et d'explorer aussi une outre-terre littéraire, entre reportage,essai et récit BF.-G.L. i

Emma Cline \«The Girls» j(La Table ronde, traduit jde I anglais par Jean ;Bsch, 336 p, 21 €). \Deux millions de dollars, c'est ile montant pour lequel ont été 'achetés les droits du tout pre- imier roman de cette fille de •

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Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 364133

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vignerons américains écritalors qu'elle n'avait pas 25 ans.Mais l'essentiel est ailleurs :dans la puissance extraordi-naire de ce récit d'apprentis-sage marqué au sceau del'ambiguïté. Dans la Califor-niedes années 1960,une jeunefille tombe sous la coupe d'unecommunauté hippie forte-ment inspirée de la « Famille »Manson, culte du chef etbasculement vers l'horreurin-clus. Emma Cline a l'intelli-gence d'aborder de biais ce faitdivers trop fameux et cet «or-phelinat pour enfants lascifs»,pour nous offrir une plongéetrouble dans l'adolescence etses vertiges • S. P.

Pascal Quignard«Les larmes»(Grasset, 216 p, 19 €).

Sorti, hasard ou nécessité, aumoment précis où une es-couade d'ancêtres gaulois sur-gissaient anachroniquementdans la campagne de la pri-maire de la droite, ce livre de-vait répondre superbementaux raccourcis de l'Histoire parla hauteur d'une ambition etdu style qui la portait. L'ambi-tion? Le récit de la naissancede la langue française

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sur les lèvres gelées deguerriers francs en 842, ducôtéde Strasbourg. Le style7 Uneprose de cristal, d'une poésiecoupante, livrée par fragmentsscintillants. Avec « Les larmes »,qui n'a de triste que le titre,l'auteur de «Tous les matinsdu monde » embellissait lesnôtres en nous transportantdans les harems carolingiens,sur les bancs de nage des guer-riers vikings pourchassant uneprophétesse aux yeux bleus,et dans une abbaye de laSomme où repose encore uncrâne royal brisé par une épée.Notre roman national, c'estcelui-ci • C. O.-D.-B.

Emmanuel Carrère«ll est avantageuxd'avoir où aller»(POL 560 p ,22 90 €)

Remis de sa longue plongéedans la généalogie du christia-nisme, l'auteur de « L'adver-saire » et du« Royaume » publiesa bible journalistique : prèsde 600 pages d'essais, de repor-tages et de chroniques... Descoulisses de sa couverture del'affaire Romand à une incur-sion chez les puissants au fo-rum de Davos, d'un tsunami àune femme fontaine, on s'im-merge dans ce livre avec la sen-sation excitante d'ouvrir laboîte noire d'un écrivain. S'y

font jour une curiosité qui ré-conforte, une volonté d'écrireau plus près de l'honnêteté etun arsenal ultrasolide d'obses-sions. Si, comme le dit le «Yi]mg»,«ilestavantageuxd'avoiroù aller», la question qui sepose toujours est* avec qui7 ».Pour nous, c'est avec lui, sanshésitation • C. O.-D.-B.

Annie Ernaux« Mémoire dè fille »(Gallimard, 160 p 15 €)C'est le livre qu'Annie Ernauxa longtemps hésité à écrire, ce-lui qui s'est refusé pendant desannées et qu'elle a plusieursfois abandonné. Elle a beauavoir bâti l'une des œuvresmaîtresses de la littératurefrançaise d'aujourd'hui en dé-construisant ses souvenirs,l'auteur des «Années» et de« Passion simple » reculait faceau récit de l'été de ses 18 ans,en 19 5 8, et de sa première nuitavec un homme. Peut-êtreparce que l'événement, plombépar le jugement des autres, aprovoqué un effondrement in-time. Ce point aveugle soudainrévélé éclaire son cheminement vers l'écriture. La plumefulgurante d'Annie Ernaux,portée à un très haut degré d'in-candescence • S. P.

Ta-Nehisi Coates«Une colère noire.Lettre à mon fils»(Autrement, traduitde I anglais par ThomasChaumont PrefacedAlam Mabanckou206 p 17 €)«Ne désespérez pas», lui lançaBarack Obama. Ta NehisiCoates, c'est le nouveau etbrillantissime intellectuelafro-américain. Tout juste qua-dragénaire, aussi à l'aise surles réseaux sociaux que dansla presse, il est surtout le grandécrivain que cette premièretraduction, saluée comme un«c/flss!<jue»parToniMorrison,va révéler en France. « Une co-lère noire », c'est une lettre,adressée par un père à son filschoqué par l'assassinat dujeune Michael Brown, en 2014.«Ton corps peut être détruit»,avertit le père qui, quinze ansplus tôt, a vu l'un de ses amisde fac mourir sous les coupsde la violence policière. Rienne change, donc, pour ceuxdont le corps est noir, aux Etats-unis 7 Remontant le courantde sa propre enfance, l'auteurmêle confidences et réflexions.Et libère par ses mots une mu-sicalité rare • v. H. L. M.

\Trinh Xuan Thuan« La plénitude |du vide» (Albin Michel, $352 p 2090€) |Aristote avait tort, la naturen'a pas horreur du vide. La |science a démontré que le vide Bjest à l'origine du contenu de |l'Univers, qu'il a joué un rôle çfondamental dans ses premiers *instants, le big bang, et qu'à odes échelles infinitésimale ^ment petites, l'espace est peu- Hpie d'un nombre incalculable |de particules et d'antiparti- ïjcules virtuelles. Bref, le vide |est... plein. C'est à cette redé- ïscouverte que nous °

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invite l'astrophysicienet pédagogue hors pair TrinhXuan Thuan. De Platon à Pas-cal en passant par Einstein etKepler, cette idée d'un «videplein», qui a mis des millé-naires à s'imposer, était pour-tant déjà présente dans lestraditions taoïste et boud-dhiste. Cela donne le vertige ?Alors sautez dans le vide avecle parachute « T. X. T. »! • O. R.

Salman Rushdie«Deux ans, huit moiset vingt-huit nuits »(Actes Sud traduitde I anglais par GerardMeudal, 320 p 23 €)Le plus court roman de Rush-die est aussi l'un des meilleurs.Mélange de réel très contem-porain (les effets sur New Yorkde l'ouragan Sandy) et de contede fées (le décompte du titreéquivaut à mille et une nuits),étiré du XIIe siècle auXXIe siècle, ce roman nous em-mène dans les pas du philo-sophe Averroès. On y croiseNewton, Henry Ford, Mère Te-resa, Harry Potter, et mêmeObama, dont un mauvais gé-nie entrave l'action après queWall Street a été atteint. Rush-die nous entraîne au pays desdjinns à la suite de Dunia, lasœur de Schéhérazade, qui, àla fois sauvage et aimante, afondé un monde parallèle, lePeristan, et tente de réparerNewYork et ses habitants. «Sivous entrez dans le fantastiquesans vous ancrer dans la réalité,vous écrivez des contes pour lesenfants, dit Rushdie. Pour desadultes, vous devez parler dumonde. » Et leur écrire un beau« conte de faits » • M. S.

Peter Sloterdijk«Après nousle déluge»(Payot, traduit deI allemand par OlivierMannoni, 512 p,25€).Qu'il définisse le populismecomme « la révolte des mauvaisélèves», les migrants commedes descendants d'Enée fuyantleurs villes en flammes, ou laSilicon Valley comme « le pa-radis des jeunes sans ancêtres»,avec lui, c'est toujours déca-pant. Dans ce torrent d'his-toire et de culture, lephilosophe le plus stimulantd'Europe revisite vingt sièclesd'histoire occidentale et s'at-tache à démontrer comment,de Jésus à Platon, des thermido-riens à Lénine, ce sont toujoursdes forces tournées contre la

lignée, en cassure complèteavec la geste et la culture desparents, qui sont à l'œuvrequand la modernité s'écrit.Quitte à précipiter tout lemonde «dans une chute conti-nue». Pourvu que ça dure,comme disait lamaman de Bo-naparte ? • C. O.-D.-B.

Jean-Louis Debré«Ce que je ne pouvais-pas dire (RobertLaffont, 400 p, 21 €)Pendant neuf ans, ce témoinclé a tout vu, tout entendu,tout noté. Libéré, délivré dudevoir de réserve que lui im-posaitla présidence duConseilconstitutionnel, il peut au-jourd'hui livrer le récit, au jourle j eur, d'une République mal-menée. D'une plume paisible,mais non sans gourmandise,Jean-Louis Debré nous faitentendre le craquement

douloureux de nos institu-tions jadis bien articulées,mais désormais soumises auxbrutales contorsions qu'im-posé la comédie du pouvoir.Ils sont tous là, épingles parleurs paroles mêmes : Gauchesans désir d'avenir, Sarkozy,«chefde clan», Alain Juppé, quidéclare qu'en 2017 il n'a «rienà perdre ». Une savoureuse dis-tribution de coups de griffes,dont un seul homme est épar-gne : l'ami de toujours, JacquesChirac BC.O.-D.-B.

Helen Macdonald« M pour Mabel »(Fleuve, traduit de I an-glais par Marie-Anne deBeru, 400 p 19,90 €)Elle ne connaissait rien à lafauconnerie, cette universi-taire britannique, mais la mortsubite de son père adoré, pas-sionné par tout ce qui vole, laconduit ase lancer un défi pourse reconstruire : elle sera « ma-nieuse » d'autour, le plus ré-fractaire des rapaces. Ainsiapparaît Mabel dans sa vie,«griffon échappé des pages d'un

bestiaire enluminé», avec lequell'auteur va vivre en huis closdurant des mois. Récit d'uneinitiation à un art séculaire enmême temps que passionnanttravail de deuil, « M pourMabel » a bouleversé l'Angle-terre. Au point que LenaHeadey, la reine Cersei de« GameofThrones », veut jouerle rôle au cinéma • J. H.

Benedetta Graver!« Les dernierslibertins» (Flammarion,traduit de I italienpar Dominique Vittoz,600 p 26 €)

Sept jeunes aristocrates ayanttout, à la veille de 1789. Ils es-pèrent à la fois les meilleurs ïpostes et une vraie réforme du liroyaume. Les omelettes se fai- 5sant en cassant des œufs, ils js'accommodent des premières jjjviolences de la Révolution, §qu'ils suivront jusqu'à Valmy fjparfois. En faisant se croiser gleurs destins, la grande spécia- Kliste de l'Ancien Régime tisse £la substance fascinante de cet 5âge de poudres, sans

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pitié pour ces enfantsgâtés. L'un est dépecé lors desmassacres de Septembre,l'autre tombe sous la guillo-tine ; les survivants se rallie-ront à Napoléonou reviendrontservir leurroiàla Restauration.Leur révolution fut à prendreau sens astronomique • C. A.

Gérard Davetet Fabrice Lhomme« Un président nedevrait pas dire ça...»(Stock, 672 p., 24,50 €).Sans doute le meilleur titre delivre de l'année : « Un présidentne devrait pas dire ça... »,672 pages de confidences im-pensables de François Hol-lande aux journalistes duMonde, Gérard Davet et FabriceLhomme. Depuis le livre dePierre Péan sur le passé troublede François Mitterrand, aucunlivre n'avait autant pesé sur ledébat. Au point d'entraver lacandidature de François Hol-lande ? En tout cas, cette longuepsychothérapie de 60 entre-tiens sur cinq ans resteracomme un exercice inédit detransparence d'un président

de la République : révélationsde secrets d'Etat, analyses po-litiques de ses adversaires, ju-gement sur ses ministres etautocongratulations émaillentce récit du quinquennal le plus« insider» qui soit • E. B.

Mary Beard«SPQR. Histoire del'ancienne Rome »(Perrin, traduit de l'an-glais par Simon Duran,592 p., 26 €).Ce livre, qui refuse l'admira-

Riad Sattouf« L'Arabe du futur 3»(Allary, 150p., 20,90 €).

tion simpliste et les condam-nations clichés, est un véritablephénomène dans le monde an-glo-saxon. «SPQR», c'est «Se-natus Populus Que Romanus »,à savoir « le sénat et le peupleromain», nom par lequel lesdescendants des téteurs delouve Romulus et Remus dési-gnaient leur Etat. A l'heure oùl'on veut réformer le nôtre, ilfaut lire la somme que consacrela grande historienne anglaiseà ce village du Latium devenule siège d'un empire dominantla Méditerranée pour com-prendre pourquoi, comme ledit l'adage, «Rama non uno dieaedificata est». Et, dit en latin,c'est quand même beaucoupplus classe • I. P.

Lavie secrète des jeunes, l'épo-pée testostéronée de Pascal Bru-tal, les jolis pieds de Florence...En quèlques années, l'observa-teur aux sens aiguisés et à l'hu-mour pince-sans-rire RiadSattouf s'est imposé commel'auteur-dessinateur le plus ta-lentueux de sa génération.Mais, quand il entreprend dese réapproprier son enfancesyro-bretonne en la convo-quant par la mémoire et ledessin, et qu'il fait entrer encollision les magasins d'Etatsous Hafez el-Assad et lesscènes d'ennui conjugal, ou lerespect du ramadan et le cultede Conan le Barbare, alors ilatteint vraiment à quelquechose de rare : la beauté d'unevie d'homme • C. O.-D.-B.

Jean-Paul Belmondo« Mille vies valentmieux qu'une»(Fayard, 320 p.,19,90 €).Cela faisait cinquante-six ansqu'on lui réclamait ses Mé-moires. A 83 ans, il a franchi lepas. Celui qui, enfant, décla-rait vouloir être clown et sesuspendait du cinquième étage

des escaliers avec la bénédic-tion maternelle raconte sesquatre cents coups. Le pitre ducinéma français a pris plaisirà revisiter ces années 50 et60 où il déboula telle unebombe de naturel, un tsunamide liberté, annonciateur d'uneFrance moderne, insouciante,insolente, féline et globe-trot-teuse. On croise Delon, Gabinet les autres, mais on entendsurtoutla voix gouailleuse quidéclamait face caméra dans

« A bout de souffle » : « Si vousn'aimez pas la mer, si vous n'ai-mezpas la montagne, si vous n'ai-mez pas la ville, allez vous fairefoutre !»mt.-6.1.

earth Risk Hallberg«City on Fire»(Plon, traduit de l'anglaispar Elisabeth Peellaert,992 p., 23,90 €).Le New York des Seventies atrouvé son Dickens punk. Pourson premier livre, fruit de plusde dix ans de travail et sensa-tion littéraire internationale,Garth Risk Hallberg fait le paridu roman-fleuve follement |ambitieux, brassant les destins ^avec virtuosité sur près de >i DOO pages. On y croise (entre *autres) un peintre héroïno- «mane, des ados en perdition, g

Prix Goncourt:Leïla Slimani,

«Chanson douce»(Gallimard).

Prix Goncourtdes lycéens :

Gaël Paye, « Petit pays »(Grasset).

Les lauréats des grands prix de l'automne 2016Prix Renaudot:Yasmina Reza,«Babylone»

(Flammarion).Prix Renaudot essai :

Aude Lancelin,«Le monde libre»

(Les liens qui libèrent).

Prix Renaudotdes lycéens:

Lenka Hornakova-Civade, «Giboulées

de soleil»(Alma Editeurs).Prix Interallié:Serge Joncour,

« Repose-toi sur moi»(Flammarion).Prix Femina :

Marcus Malte,« Le garçon» (Zulma).

Prix Médicis:Ivan [ablonka,

« Laëtitia ou la fin des

hommes «(Seuil).Grand Prix du roman

de l'Académiefrançaise:Adélaïde

de Clermont-Tonnerre,« Le dernier des nôtres »

(Grasset).

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un flic boiteux, des traders etune poignée de nihilistes. Aucentre de cette galaxie roma-nesque syncopée, l'assassinatd'une jeune fille dans CentralPark, la nuit du 31 décembre1976. Hallberg déploie une au-thentique tendresse pour tousles misfitsde sa ville-monde enperpétuelle réinvention, oùtous les possibles semblent at-tendre leur heure • S. P.

Catherine Poulain«Le grand marin»(L'Olivier 384 p, 19 €)«}e ne veux plus mourir d'ennui,de biere, d'une balle perdue, demalheur. Je pars. » CatherinePoulain, native de Manosque,bergère dans les Alpes, ex-pê-

cheuse en Alaska, aurait pu pro-noncer les mots qu'elle metdans la bouche de sonhérome,Lili. Des milliers de lecteurs ontdéjà embarqué avec elle d'unbateau de pêche à l'autre, dansle vent glacé de son bout dumonde, avec Ie corps rincé maisla rage de vivre toujours plusforte. Et ils ont craqué avec elle,aussi, dans les bras sensuels etsauvages de son « grand ma-rin ». Si chacun cherche sa « last/routier», c'est au cœur mêmede la littérature que l'auteures'est placée dès ce premier

roman, dans l'axe de ceux qui,de Melville à London, ont dit lemieux les grands espaces, lamer humaine • V. M. L. M.

Joseph O'Connor« Maintenantou jamais» (Phebus,traduit de I anglaispar Canne Chichereau,390 p, 23 €)Le grand écrivain irlandais osele roman glam-rock, propulsépar une puissante bande-sonsouterraine. Au début des an-nées 1980, deuxgarçonset une

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fille nouent une amitié fusion-nelle et explosive. Ils s'adorent,se désirent, se querellent, sou-vent à contretemps. Un peupar hasard, ils montent ungroupe de musique. La gloireest au bout du chemin. Pas malde désillusions aussi. Trenteans plus tard, l'un des membresdu trio ressasse son amertume.Que faut-il faire de ses passionsde jeunesse7 Sous le regardtendre et acide d'O'Connor, lanostalgie est un trip doux-amer. Si tout s'effrite, reste lamusique pour arracher aumonde quèlques éclats quiflambent... • S. P.

Olivier Bourdeaut«En attendantBojangles» (Finitude160 p ,15 50 €)« Qu'allais-je faire de cet amourfou ? » Succès surprise de2016 avec pas loin de300 DOO exemplaires vendus,ce premier roman paru chezl'éditeur bordelais indépen-dant Finitude plaide pour lafantaisie et l'amour sans li-mites. Le narrateur est le filsde deux êtres qui ont

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Les prix du «Point»

choisi de faire de l'exis-tence une fête perpétuelle,quitte à inventer chaque jourdes histoires extravagantes ouà s'acheter un château en Es-pagne pour prouver qu'ilsexistent. Et si, parfois, l'eupho-rie est cousine du désespoir,tant pis : Olivier Bourdeaut,qui multiplie les trouvaillesd'écriture avec un plaisir conta-gieux, rappelle qu'il y a du cou-rage à danser sa vie sur le filfragile de l'imaginaire • S. P.

Carlo Strenger«Le mépris civilisé»(Belfond, traduit delallemand par PierreDeshusses, 176 p,14€)

Nous autres Occidentaux nesommes plus armés intellec-tuellement et moralementpour faire face au terrorismeislamique. Nous avons sapéles uns après les autres les fon-dements de notre civilisation.Le premier d'entre eux est l'es-prit des Lumières. Au nomd'une interprétation erronéede la tolérance, nous avonslaissé prospérer le relativisme,la repentance et la plainte.C'est un intellectuel de gauchequi dresse ce constat accablant

Prix des Librairesde Nancy Le Point:

Jean BaptisteDel Amo, « Règne

animal»(Gallimard).Prix du Polar

européen :Olivier Norek,«Surtensions»(Michel Lafon).

Prix de la Biographie- Henri Raczymow, «Melancolie

d'Emmanuel Berl »(Gallimard).

Prix Wolinski dela bande dessinee:

CatherineMeunsse, «La Le

gèrete» (Dargaud).

dans l'un des essais les plusstimulants de 2016. Philo-sophe et psychanalyste, CarloStrenger enseigne en Israel. Cegrand amoureux de la Francemérite d'y être davantageconnu • S. L. F.

Megan Abbott«Avant que toutse brise» (Le Masque,traduit de I anglaispar Jean Esch 336 p,20 90 €)Adoubée par le « Dog » JamesEllroy lui-même, cette profes-seur d'université américaineest en passe de devenir la nou-velle lame du thriller psycho-logique. D'où vient la terreurqu'elle nous communique ?Du fait qu'Abbott s'introduitdans les plus fermées des com-munautés.

Dans ce neuvième roman,après les cheerleaders et les hoc-keyeuses, elle a infiltré l'uni-vers des gymnastes et jeté sondévolu sur une athlète qui atout sacrifié à son ascension.Quand le beau gosse du gym-nase, qui affole les mères etaussi les filles, perd la vie dansun drôle d'accident, la tensionsportive et sexuelle monte d'uncran et c'est notre cœur qui fait

des triple saltos dans ce « LittleMiss Sunshine » qui rencontre«TwinPeaks»«J.M.

Edna O'Brien« Les petites chaisesrouges» (SabineWespieser Editeur,traduit de I anglais parAude de Saint-Loupet Pierre-EmmanuelDauzat, 368 p, 23 €)Après de remarquables Mé-moires («Fille de la cam-pagne »), l'extraordinaire EdnaO'Brien, jeune femme de86 ans, signe un roman prodi-gieux. C'est, d'un village perdud'Irlande au Londres des dé-munis, l'histoire de Fidelma lanaïve, laquelle, déçue par sonmariage, se laisse ensorceler

par un soi-disant guérisseur,le Dr Vlad, en réalité un géno-cidaire recherche dans toutel'Europe et qui sera bientôt ar-rêté. C'est, écrit avec amour etabjection, un superbe portraitde femme hanté par la ques-tion du mal. Un autre jeuneécrivain, un certain PhilipRoth, qui a toujours admiréEdna, parle de «son chef-d'œuvre «Vous pouvez le croiresur parole • H.-F. L.

Giancarlo De Cataldoet Carlo Bonin!«Suburra» (Métailié,traduit de I italien parSerge Quadruppani,480 p, 23 €)Ce roman a failli damner sesauteurs. Paru quèlques mois àpeine avant que n'éclate à Rome« Mafia capitale », le plus grandscandale de corruption dusiècle, il semblait s'inspirer tropdirectement de laréalité... L'undes auteurs, romancier célébréde « Romanzo criminale » etpar ailleurs juge de cour d'as-sises, avait-il eu accès à des in-formations qui devaient restercachées ? Le débat est italien.Les Français, eux, se délecte-ront de ce portrait d'une villegangrenée à tous les étages, deses bas-fonds puants aux al-côves lubriques du pouvoir.Politiciens priapiques, curésvéreux, guerre des mafias et,au milieu, Samouraï, l'ex-fas-ciste de « Romanzo » devenuponte de la pègre romaine...C'est une fresque peinte avecdu sang, c'est une tragédie vraie,c'est Dante tombé dans leXXIe siècle BJ.M.