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Notre santé et le TTIP : des incompatibilités majeures ! 5 fiches pour comprendre

Notre santé et le TTIP - sante-solidarite.be · 2016-06-10 · • Dossier : Traité transatlantique (TTIP) : cartographie d’un partenariat controversé dans Points Sud n°13,

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Notre santé et le TTIP : des incompatibilités majeures !

5 fiches pour comprendre

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Comme nombre d’autres acteurs et organisations, les mutualités belges sont préoccupées par cet accord commercial qui pourrait avoir un impact significatif sur les soins de santé et l’assurance maladie, et sur tous les autres secteurs qui ont une incidence sur la santé comme l’alimentation, le logement, les conditions de travail, l’en-vironnement etc.

Encore faut-il comprendre le pourquoi et le comment, ce qui n’est pas chose aisée dans ces matières qui ont trait au fonctionnement et au financement d’un système de santé et qui ressortent de compétences à différents ni-veaux de pouvoir (fédéral, régional, …).

Les mutualités belges travaillent quotidiennement en-semble sur de nombreux dossiers, principalement au sein du CIN, le Conseil intermutualiste national. C’est

ainsi qu’elles ont pris position sur le projet de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ou TTIP) en février 2015, position qui a été présentée et défendue auprès des décideurs politiques belges et européens et largement reprise dans les médias et par d’autres acteurs.

Les mutualités veulent aussi sensibiliser leurs membres et leur personnel aux dangers que présente ce traité de libre-échange, ainsi qu’à la nécessité de défendre notre système de santé et notre modèle de protection sociale européen basés sur la solidarité. C’est pourquoi elles vous proposent ce dossier pédagogique, composé de 5 fiches consacrées aux enjeux principaux concernant le TTIP et la santé.

Introduction

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Fiche-info n°1 Le TTIPQU’EST-CE QUE LE TTIP ?En anglais : • Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP)• Aussi appelé Trans-Atlantic Free Trade Agreement (TAFTA)En français : • Partenariat transatlantique de commerce et d’inves-

tissement (PTCI)• Aussi appelé Grand marché transatlantique (GMT)Il s’agit d’un accord commercial que l’Union européenne et les Etats-Unis négocient –officiellement- depuis juillet 2013.

OBJECTIF OFFICIELLes négociateurs visent un accord global qui implique notamment la disparition progressive des tarifs douaniers et l’harmonisation de diverses normes techniques, stan-dards et procédures d’approbation ainsi que la mise en place d’une justice arbitrale pour le règlement des litiges.En d’autres termes, l’objectif est de faciliter le commerce des biens et services entre l’UE et les USA. Un bien ou service mis sur le marché d’un côté de l’Atlantique devra pouvoir l’être automatiquement de l’autre côté sans être soumis à de nouvelles contraintes réglementaires, admi-nistratives ou techniques.

IMPACTS PROBABLESD’après la Commission européenne, ce traité amènera un mieux-être en Europe, aux Etats-Unis et dans le reste du monde et il dynamisera l’emploi.Mais selon d’autres informations, on risque plutôt d’as-sister à des pertes d’emplois (600.000 en Europe selon une étude de la Tufts University1 ) et de revenus (4.800 € par travailleur et par an en Belgique, en moyenne), à ne limitation des pouvoirs de Etats au profit des entreprises transnationales, à un nivellement par le bas de nos droits de travailleurs, de consommateurs, et de citoyens, et à un délitement des normes de protection de l’environnement. En visant la suppression des « barrières non-tarifaires » et en offrant aux entreprises privées la possibilité d’attaquer les Etats devant des tribunaux privés, le TTIP aboutirait en fait à donner les pleins pouvoirs aux entreprises multina-tionales des deux côtés de l’Atlantique.

CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DE CE PROJET DE TRAITÉ• Contenu : les barrières tarifaires ET les barrières non-ta-rifaires, c’est-à-dire les normes sociales, sanitaires, envi-ronnementales, alimentaires, etc.• Huis-clos : Le secret qui entoure les négociations laisse penser que la Commission européenne et le Conseil des ministres2 sont parfaitement conscients que ce traité va

à l’encontre des intérêts des populations européennes. Ce secret est tel que tous les parlementaires européens n’y ont que sur autorisation préalable, avec interdiction de prendre des notes ou des copies. Par contre, il semble que les grandes entreprises aient connaissance des su-jets traités et des avancées des négociations.• Sa place dans « l’ordre juridique » : le droit international prévaut sur le droit européen qui prévaut à son tour sur le droit national, même s’il y a des exceptions.• La contagion : il peut devenir le modèle incontournable des futures partenariats avec le reste du monde.Autres accords de libre-échange

AUTRES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE EN COURS DE NÉGOCIATION ET TOUT AUSSI IN-QUIÉTANTSTISA (Trade in Services Agreement) ou ACS (Accord sur le commerce des services)Il s’agit d’un projet de traité actuellement négocié en toute discrétion par 25 membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont l’Union européenne (représentant les 28 États membres), la Suisse et le Canada, soit au total une cinquantaine d’États qui représentent 70% du commerce mondial des services. Cet accord ultralibéral empêcherait toute régulation de la part des Etats dans des secteurs relevant jusqu’à présent des services pu-blics, et prévoit la déréglementation des professions li-bérales telles que médecins, pharmaciens, dentistes. La «neutralité concurrentielle» obligerait à mettre sur le même plan les services publics et les entreprises privées, ce qui serait notamment le cas dans les domaines de l’éducation et de la santé. «Dès lors, les Etats seraient tenus d’obser-ver une «neutralité concurrentielle», ce qui imposerait, par exemple, un financement des écoles et cliniques privées à la hauteur de celui du secteur public.»3

CETA (Comprehensive Economic and Trade Agree-ment) ou AECG (Accord économique et commercial global) Ce traité établi entre le Canada et l’UE couvre la plupart des aspects des relations économiques bilatérales, no-tamment les produits et les services, les investissements et les marchés publics. Le texte de l’accord, officiellement dévoilé fin septembre 2014, ne doit plus qu’être approuvé par les dix provinces canadiennes et les 28 chefs d’Etat de l’UE.Le CETA est le précurseur du TTIP, non seulement parce qu’il serait le plus grand accord économique conclu à ce jour, mais aussi parce qu’il comporte les mêmes menaces pour les droits sociaux, la protection de l’environnement et la souveraineté des Etats sur les continents américain

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et européen. Il permettra aux entreprises canadiennes et européennes, ainsi qu’aux entreprises américaines via leurs filiales canadiennes et européennes, de contes-ter les décisions des Etats contraires à leurs intérêts, et même de s’imposer dans le processus d’élaboration des législations.

PROCHAINES ÉTAPES, ÉTATS DES MOBILISATIONS ET ESPOIRSUne fois les négociations achevées, la Commission eu-ropéenne présentera les résultats au Conseil de l’Union européenne4 . Celui-ci devant statuer à l’unanimité, si un pays dit non, le traité ne sera pas ratifié. Le Parlement eu-ropéen, qui statue à la majorité, peut aussi rejeter le traité. Le traité devra également être ratifié par les 28 parlements nationaux. Spécificité belge : le traité devra être ratifié par le parlement fédéral et par les parlements régionaux et communautaires.

EN SAVOIR PLUS :SUR LA POSITION DES MUTUALITÉS AU NIVEAU INTERNATIONAL :• Association internationale de la mutualité - http://www.aim-mutual.org/fileadmin/Communication/position_papers/2014/Position_AIM_TTIP_FR_Final.pdfSUR LES COLLECTIFS ACTIFS QUI ORGANISENT LA MO-BILISATION ET FOURNISSENT DE L’INFORMATION ET DES OUTILS PÉDAGOGIQUES• www.no-transat.be/ (français/anglais)• stop-ttip.org (multilingue)• http://stopttip.net/busting-the-economic-arguments/(anglais)• www.d19-20.be/ (français/néerlandais)• collectifstoptafta.org/ (français)• eu-secretdeals.info/ (anglais)• www.pour.press (français)• www.epsu.org/a/10558 (anglais)• www.cne-gnc.be/index.php?m=151&n=2556 (français)• lbc-nvk.ondernemingssite.be/ (néerlandais)• stoptafta.wordpress.com/ (français)• www.trade4people.org/?lang=fr (multilingue)• commonsnetwork.eu/end-of-transparency-paving-the-way-for-trade-secrets-in-ttip/ (anglais)• www.beuc.eu/blog/ (anglais)• tacd.org/ (anglais)• corporateeurope.org/fr/international-trade/2015/07/ttip-eldorado-des-lobbyistesSUR LES POSITIONS DE ‘PROS’ TTIP• Commission européenne : http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/index_fr.htm• http://healthcare-competitiveness.com/ (anglais)

SUR LA QUESTION ‘OK, MAIS QUOI FAIRE ENCORE’ ?• http://www.monde-diplomatique.fr/mav/141/D’AUTRES OUTILS• Nombreuses vidéos sur you tube. Exemple : youtu.be/LjftFgq_Ltg• Visuel : treatthetreaty.org/fr (français/anglais)• http://www.revuenouvelle.be/Le-TTIP-ou-quand-le-lobbying-des-multinationales• Dossier : Traité transatlantique (TTIP) : cartographie d’un partenariat controversé dans Points Sud n°13, CNCD-11 11 11, juin 2015. Brochure pouvant être obte-nue gratuitement au siège du CNCD-11 11 11, quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles. Tel : 02/250.12.41• Dossier Pour n°1, ‘Le Traité transatlantique, c’est l’ar-naque du siècle ! Et la fin de notre démocratie, juin-juillet 2015. www.pour.press/acheter-le-journal

1 CAPALDO, Jeronim. The Trans-Atlantic Trade and Investment Partnership : European Disintegration, Unemployment and Instability. Medford : Tufts University, October 2014. Global Development and Environment Institute, Working Paper n° 14-03.

2 la Commission a reçu un mandat de négociation du Conseil européen. Ce même Conseil est constitué de tous les chefs d’Etat ou de gouver-nement démocratiquement élus. Durant les négociations, la Commission doit régulièrement faire rapport auprès d’un comité spécial et auprès du Parlement.

3 stop-tisa.ch - TISA, le nouvel AMI ? - 10 février 2014

4 Sur l’adoption de traités commerciaux par l’UE, se référer aux articles 207 et 218 du TFUE. Pour une explication simple du processus législatif au sein de l’UE, voir par exemple : http://cor.europa.eu/fr/welcome/Publi-shingImages/FR/2543-infographicsFR-02.jpg

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Fiche-info n°2 L’assurance maladie et les services de santé en BelgiqueSITUATION ACTUELLEAUX ETATS-UNISL’organisation des soins de santé repose principalement sur les opérateurs privés. Seule 30 % de la population américaine est couverte par le système public (les pro-grammes Medicare et Medicaid)5 . La majorité (54 %) des citoyens sont couverts par une assurance privée, mais ils doivent parfois faire face au paiement de frais médicaux très importants : on estime que les frais médicaux sont responsables de plus de 60 % des faillites personnelles dans ce pays.6 Dans les pays de l’OCDE7 , les Etats-Unis obtiennent le moins bon score en ce qui concerne le taux de couverture de leur population : plus d’une personne sur six (14,5%) ne bénéficient d’aucune couverture santé. Par comparai-son, il n’y a en Belgique que 1% de la population qui n’est pas couverte par l’assurance maladie.8 La réforme mise en place aux USA en 20109 , connue sous le nom d’ «Obamacare », a comme principal objectif d’améliorer la couverture santé de la population, par l’at-tribution d’aides financières pour souscrire à une assu-rance privée et, dans certains Etats, par l’élargissement des critères d’éligibilité au programme public Medicaid.EN EUROPEContrairement aux Etats-Unis qui sont régis par une « économie libérale de marché » fondée sur l’individua-lisme et l’absence d’intervention de l’Etat, l’Union eu-ropéenne se définit comme une « économie sociale de marché10 », c’est-à-dire une économie de marché dans laquelle l’Etat, doté d’une forte autorité, se porte garant de l’ordre économique et garantit la solidarité entre les citoyens par l’organisation d’une sécurité sociale obliga-toire.Cependant, l’Union européenne n’est pas sociale, en ce sens qu’elle n’a pratiquement aucune compétence en matière de protection sociale ; cette matière reste en effet une prérogative des Etats membres, qui définissent eux-mêmes le contenu de la sécurité sociale (la durée des congés de maternité ou des allocations de chômage, par exemple) et la manière dont elle est organisée.Les méthodes d’organisation de la sécurité sociale dans l’Union européenne sont d’une grande variété, passant par toutes les formes de collaboration imaginables entre les pouvoirs publics et divers organismes publics ou pri-vés, tant en ce qui concerne le financement que la mise en pratique des différentes branches de la sécurité so-ciale. Ces différentes formes s’expliquent bien entendu par leur origine historique, mais surtout par l’adaptation des divers organismes à leur environnement socioéco-nomique (les lois de Darwin s’appliquent également aux

organismes de sécurité sociale !).Partout en Europe, l’assurance « soins de santé » a été rendue obligatoire parce qu’elle revêt une importance ca-pitale. En garantissant à tous les citoyens l’accès à des soins de santé de qualité, elle contribue à la hausse de l’espérance de vie, de la sécurité d’existence, de la co-hésion sociale.EN BELGIQUEEn Belgique, l’assurance « soins de santé » est financée principalement par des cotisations payées par les travail-leurs et les employeurs, complétées par des recettes fis-cales. Elle est organisée dans le cadre d’une concertation entre l’Etat, les partenaires sociaux, les prestataires de soins et les usagers représentés par les mutualités. Les mutualités ont également pour mission d’assurer concrè-tement l’exécution de l’assurance « soins de santé ».Les mutualités ne sont pas des entreprises comme les autres ; fondées sur le principe de solidarité, elles n’ont aucun but lucratif (aucun actionnaire à rémunérer) et elles ont une gouvernance démocratique (les membres des assemblées générales sont élus par les affiliés tous les six ans). Elles participent à la gestion et à la mise en œuvre de l’assurance obligatoire « soins de santé », et en outre elles organisent des services complémentaires (convales-cence, remboursements complémentaires, activités pour enfants, transport de malades…).Ces caractéristiques font qu’elles sont reconnues en droit européen comme des « services d’intérêt général ». Ni services publics, ni commerçants, les « services d’intérêt général » (SIG) sont « ailleurs » ; ils sont une des princi-pales caractéristiques de l’économie sociale de marché du modèle européen.DANS LE RESTE DU MONDEDans un XXIème siècle marqué par l’accroissement verti-gineux des inégalités, l’accès aux soins de santé consti-tue un enjeu majeur de la lutte contre la pauvreté et pour la cohésion sociale. Chaque année, cent cinquante millions de personnes à travers le monde dépensent en frais de santé plus de 40 % de leurs revenus.11 La mise en place d’une couverture sanitaire universelle (CSU) permettrait à des millions de personnes non seulement de se soigner, mais aussi de ne pas basculer dans la pauvreté. Plusieurs gouverne-ments ont déjà commencé à joindre le geste à la parole. La Chine, la Thaïlande, l’Afrique du Sud et le Mexique sont parmi les premières puissances émergentes à avoir accru de manière importante leurs dépenses publiques de santé. Et nombre de pays pauvres, principalement en Afrique, instaurent des systèmes d’accès aux soins – notamment via le soutien aux mutuelles de santé - qui

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pourraient servir de première étape à la création d’une couverture universelle. Il ne faut pas se dissimuler que la mise en place de cou-vertures sanitaires attire les industries financières des pays riches, qui y voient une opportunité de vendre des polices d’assurance commerciale à la classe moyenne, en essor dans les pays émergents et en développement, ou de se substituer aux Etats en créant un marché de la santé mondiale. Or les problèmes des pays occiden-taux en crise montrent la fragilité d’un système de santé construit sur cette base.

CE QUI RISQUE DE CHANGER ET IMPACTLe textes connus du TTIP et du CETA12 ignorent totale-ment les services d’intérêt général (SIG) ; s’il a été précisé que les Etats ne seront pas empêchés de maintenir leurs systèmes de sécurité sociale, c’est toujours sous réserve qu’aucun monopole ne puisse être concédé à des insti-tutions privées !13

Cette ambigüité fondamentale imprègne toute la négocia-tion de ces traités, le raisonnement étant toujours : • n’échapperont aux traités que les services publics ;• les services publics sont ceux organisés et financés

par l’Etat ;• donc les services d’intérêt général qui ne sont pas

organisés et financés par l’Etat seront soumis aux traités.

Si la spécificité des services d’intérêt général n’est pas reconnue, ils sont voués à subir les règles du marché, c’est-à-dire à entrer en concurrence avec les entreprises commerciales, dont l’objectif n’est pas de servir l’intérêt général, mais de faire du profit. Le bénéficiaire ne sera plus le citoyen destinataire du service, mais l’actionnaire. La conséquence d’un tel système binaire (public/privé) dans un contexte d’austérité, qui provoque la réduction des services sociaux, est le remplacement de la sécurité sociale par l’assurance : la société se divisera entre ceux qui ont les moyens de souscrire une assurance privée et les autres.

EXEMPLESLes assurances « hospitalisation » proposées actuelle-ment par le secteur privé donnent un aperçu de ce que serait une sécurité sociale privatisée : les états de santé préexistants ne sont jamais couverts (tant pis pour les victimes de maladies héréditaires ou contractées durant l’enfance), le tarif est fixé en fonction des profils de risques individuels (tant pis pour ceux qui ont vaincu le cancer), sans le moindre aspect de solidarité (ce sont les plus faibles qui paient le plus). Le résultat est une couverture

structurellement insuffisante et qui coute de plus en plus cher, jusqu’à devenir insupportable.• Entre 1999 et 2011, aux USA, la contribution des em-ployés aux primes d’assurance santé privée cofinancée par l’employeur a été multipliée par 2,7 (augmentation de 168%) alors que leurs revenus n’augmentaient que de 50%.• On voit aussi que l’augmentation des primes a été uni-quement supportée par les travailleurs. Par ailleurs, il est indispensable que les Etats conservent le pouvoir de décider quels services seront demain qua-lifiés de « services d’intérêt général », et comment ils se-ront organisés, sans être limités par un traité qui libéralise tout sauf les services publics actuels, et qui choisit de pri-vilégier les intérêts des entreprises par rapport à l’intérêt général. En effet, qui sait quels besoins sociaux devront être rencontrés demain ? On songe à la dépendance des personnes âgées de plus en plus nombreuses, au droit au logement, etc.

CE QUE NOUS DEMANDONSNous demandons qu’il soit clairement précisé dans les traités que les Etats conservent la pleine capacité de défi-nir ce que sont les services d’intérêt général, et la manière dont ils sont organisés et financés.Nous demandons que les traités ne s’appliquent qu’aux services qui y sont explicitement mentionnés (selon une « liste positive15»).

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• Entre 1999 et 2011, aux USA, la contribution des em-ployés aux primes d’assurance santé privée cofinancée par l’employeur a été multipliée par 2,7 (augmentation de 168%) alors que leurs revenus n’augmentaient que de 50%.• On voit aussi que l’augmentation des primes a été uni-quement supportée par les travailleurs.

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POUR ALLER PLUS LOINSur le système de santé des Etats-Unis d’Amérique (en anglais) :- Rice T, Rosenau P, Unruh LY, Barnes AJ, Saltman RB, van Ginneken E., United States of America: Health system review. Health Systems in Transition, 2013; 15(3): 1– 431.- Kaiser family foundation: http://kff.org/ met à disposition toute une série de données et graphiques sur la couver-ture des soins de santé, les assurances privées,…Sur le système de santé en Belgique : Karel van den Bosch, Peter Willemé, La signification sociale des soins de santé, Bureau Fédéral du Plan – INAMI, 2014

5 Medicare concerne les personnes âgées et certaines personnes at-teintes d’un handicap ; Medicaid s’adresse aux plus pauvres.6 Rice T, Rosenau P, Unruh LY, Barnes AJ, Saltman RB, van Ginneken E., United States of America: Health system review. Health Systems in Transition, 20137 L’Organisation de coopération et de développement économiques dont la mission est de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde compte 34 pays membres.8 Statistiques OCDE chiffres 2013 http://stats.oecd.org/index.aspx?Data-SetCode=HEALTH_STAT&lang=fr 9 Patient Protection and Affordable Act (ACA)10 Traité sur l’Union européenne (TUE) art.3 §311 Rapport sur la santé dans le monde – Financement d’une couverture universelle, OMS, 2010 http://www.who.int/whr/2010/10_chap01_fr.pdf12 Comprehensive Trade and Economic Agreement ou Accord Econo-mique et Commercial Global (AECG) est le traité conclu entre le Canada et l’Union européenne qui a été signé le 26 septembre 2014 et doit encore être ratifié. Ce traité couvre la plupart des aspects de la relation économique bilatérale, notamment les produits et les services, l’investis-sement et les achats gouvernementaux..13 Art. 57 : « Aucune disposition du présent titre ne peut être interprétée comme empêchant une partie, y compris ses entités publiques, d’exer-cer ou de fournir exclusivement, sur son territoire, des activités ou des services s’inscrivant dans un système public de pension de vieillesse ou un régime officiel de sécurité sociale, sauf dans les cas où ces activi-tés peuvent être exercées par des fournisseurs de services financiers concurrents d’entités publiques ou d’institutions privées, conformément à la règlementation intérieure de la partie. » extrait de projet de texte du TTIP du 02/07/201314 In Rice T, Rosenau P, Unruh LY, Barnes AJ, Saltman RB, van Ginneken E. United States of America: Health system review. Health Systems in Transition, 2013; 15(3), p.36215 La liste positive n’inclut dans le marché que les domaines explici-tement mentionnés, tous les autres étant exclus. A l’inverse, la liste négative englobe tous les domaines du secteur négocié, à l’exception de ceux que l’on retire, ce qui inclut automatiquement les secteurs qui ont été oubliés ou qui n’existaient pas au moment de la signature du traité.

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Fiche-info n°3 La protection des investissements et la procédure d’arbitrageSITUATION ACTUELLEDans l’Union européenne, les Etats membres sont les ga-rants de l’ordre économique et social ; ils ont le pouvoir de décider ce qui est bon au mauvais pour l’intérêt géné-ral, sans être soumis aux intérêts particuliers des entre-prises privées.Cette autonomie des Etats est fondamentale. Par exemple, face au vieillissement croissant de la population et aux affections chroniques, il est nécessaire de promou-voir un mode de vie plus sain à l’égard de la population. Les Etats doivent pouvoir inciter les citoyens à cesser de fumer et à se détourner de la nourriture industrielle, sans avoir à se soucier de la perte de profit pour l’industrie du tabac ou celle de la malbouffe. Cela ne signifie évidemment pas que les entreprises doivent pâtir des caprices des Etats ; comme tout un chacun, elles sont indemnisées en cas d’expropriation, ou lorsqu’elles subissent un dommage résultant d’une faute de l’Etat.

CE QUI RISQUE DE CHANGER ET IMPACTLes projets de traités TTIP et CETA16 comportent une clause appelée « mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats » (RDIE ou ISDS) qui permet à des entreprises d’opposer leurs intérêts financiers à l’in-térêt général.Il ne s’agit pas des différends relatifs à des nationalisa-tions ou des expropriations, qui sont de la compétence des juridictions nationales et que personne ne remet en question. Il s’agit de bien plus.L’idée est de considérer les Etats comme s’ils étaient des partenaires commerciaux, et de transposer aux relations entre entreprises et Etats les règles du droit commercial. Ceci aurait pour effet que, lorsqu’un gouvernement pren-dra une mesure d’intérêt général, l’investisseur qui aurait misé sur l’absence d’une telle initiative pourra prétendre être indemnisé de la perte du bénéfice qu’il aurait réalisé si cette mesure n’avait pas été prise !Suivant la même logique de droit commercial, la clause RDIE prévoit que les Etats seront jugés par un collège arbitral, c’est-à-dire des juges « privés » qui décident sans les garanties minimales de procédure et de transparence .Il y a donc deux niveaux d’atteinte à la souveraineté des Etats : le premier contre leur capacité de gouverner, et le second sur leur capacité de juger. C’est sur ce dernier as-pect uniquement que la Commission se montre disposée à faire des concessions17. Or, abandonner l’idée d’une ju-ridiction arbitrale sans changer le fond du droit, c’est ne rien changer du tout.

C’est le fond du droit qui sous-tend la clause RDIE qui est inacceptable, en ce qu’il permet aux investisseurs de créer de (nouvelles) barrières à la souveraineté des Etats dans tous les domaines, et spécialement dans les do-maines qui, en principe exclus du marché, restent de la compétence des Etats tels que la santé, l’éducation, etc.

EXEMPLESCe mécanisme existe déjà dans plusieurs traités, et donne lieu à des litiges qui défient l’imagination :- la firme pharmaceutique Eli Lilly demande la condam-nation du Canada à lui payer 500 millions d’euros suite à l’annulation, par les juridictions canadiennes, du brevet de deux médicaments ;- la Slovaquie a été condamnée à payer 22 millions d’eu-ros de compensation à un assureur néerlandais pour avoir annulé la privatisation de l’assurance-maladie, qui s’était révélée inefficace ;- le géant du tabac Philip Morris réclame des dommages et intérêts à l’Australie et à l’Uruguay pour avoir imposé les paquets de cigarettes « blancs », ce qui porterait at-teinte à son « droit de marque » et à ses bénéfices futurs ;- l’entreprise Vattenfall, société de droit suédois active dans le domaine de l’énergie, exige la somme de 3,7 mil-liards d’euros à l’Allemagne suite à la décision de l’Etat de sortir du nucléaire d’ici à 2022.

CE QUE NOUS DEMANDONSEn restreignant les services publics à ceux organisés et financés par l’Etat, en oubliant systématiquement les Ser-vices d’Intérêt Général, en empêchant par le biais des « listes négatives »18 toute initiative d’intérêt général future et en prévoyant l’indemnisation par les Etats des inves-tisseurs pour perte de bénéfices escomptés en raison de mesures d’intérêt général, le TTIP ne respecte pas les va-leurs fondamentales de l’Union Européenne. Ces gigantesques ambigüités focalisent notre opposition au TTIP, dont l’objet réel apparait comme étant moins d’instaurer un marché transatlantique qui existe depuis des décennies, que de brider la souveraineté des Etats au profit des entreprises multinationales.L’Union européenne et les Etats-Unis disposent de puis-sants mécanismes juridiques qui doivent suffire à rassurer les investisseurs.Nous demandons que le droit pour un investisseur de pouvoir contester une initiative d’intérêt général prise par un gouvernement parce qu’elle le priverait d’un bénéfice escompté ne soit pas rendu possible par le traité.Nous demandons que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats soit exclu des trai-tés.

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POUR ALLER PLUS LOIN- Ces entreprises qui attaquent des Etats en justice, Les Echos, Richard HIAULT, http://business.lesechos.fr/directions-juridiques/droit-des-affaires/conten-tieux/0203644549369-ces-entreprises-qui-attaquent-des-etats-en-justice-103537.php# - Une note publiée par la CNUCED sur les récents dé-veloppements des ISDS avec diverses statistiques (en anglais) : http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/web-diaepcb2014d3_en.pdf

16Comprehensive Trade and Economic Agreement ou Accord Econo-mique et Commercial Global (AECG) est le traité conclu entre le Canada et l’Union européenne qui a été signé le 26 septembre 2014 et doit encore être ratifié. Ce traité couvre la plupart des aspects de la relation économique bilatérale, notamment les produits et les services, l’investis-sement et les achats gouvernementaux..17cf. Jean-Claude Juncker, Un nouvel élan pour l’Europe, discours d’ouverture du 15 juillet 2014, p. 22 : « Et je ne voudrais pas que nous mettions en place des juridictions parallèles et secrètes. Nous sommes des espaces de droit, et aux Etats-Unis comme en Europe, appliquons le droit. » 18La technique de la « liste négative » suppose que tout est soumis au traité excepté les « services » expressément mentionnés dans une liste.

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Fiche-info n°4 L’accès aux médicaments

SITUATION ACTUELLEEN BELGIQUEL’accès aux médicaments est assuré, mais au prix le plus élevé au sein de l’Union européenne : 550 euros par ha-bitant et par an. À la base de ces dépenses élevées se trouve une consommation importante de médicaments, à des prix élevés, tant pour les produits de marque que pour les médicaments génériques. Le budget des médi-caments représente le troisième poste de dépenses de l’assurance maladie obligatoire. Tout comme la plupart des pays européens, la Belgique a mené ces dernières années une politique active en vue de réduire le prix des médicaments, et des mesures ont été prises pour promouvoir la prescription et la délivrance de médicaments moins chers. Ces mesures ont permis de maîtriser l’augmentation des dépenses de l’assurance maladie et de faire baisser le prix moyen des médica-ments pour le patient. EN EUROPELes différences d’accès aux médicaments d’un pays à l’autre sont particulièrement marquées et ces inégalités se sont encore renforcées ces dernières années en rai-son de la crise économique et des mesures d’économie prises dans la foulée. L’introduction, à des prix exorbi-tants, de médicaments novateurs contre le cancer ou certaines maladies orphelines, par exemple, met sous pression les budgets alloués aux soins de santé dans de nombreux pays. Et la Belgique n’y échappe pas. DANS LE MONDEUn tiers de la population mondiale, soit plus de 2 mil-liards d’individus, n’a pas suffisamment accès aux médi-caments essentiels. Dans la plupart des pays en voie de développement, les médicaments nécessaires sont soit indisponibles soit impayables.

Près de 75 % des 130 à 150 millions de patients infectés par l’hépatite C vivent dans des pays en voie de déve-loppement19 . Or, le nouveau traitement par sofosbuvir (Sovaldi) coûte actuellement 41.000 euros pour un trai-tement de 12 semaines20 , soit un prix impayable même dans les pays les plus riches, ce qui oblige les Etats à faire une sélection stricte des patients susceptibles d’être trai-tés avec ce médicament. Selon les estimations, quelque 7 millions de patients HIV/séropositifs sont encore pri-vés du traitement nécessaire, et le cancer et le diabète connaissent une avancée fulgurante dans les pays en voie de développement.

IMPACT POSSIBLE DU TTIPLe TTIP menace de différentes manières une politique vi-sant à garantir l’accès à des médicaments de qualité à un prix acceptable pour la société, et ce tant en Belgique qu’en Europe et dans le reste du monde.

EXEMPLES- Restrictions liées à la politique de fixation des prix et de remboursement des médicaments.• Il est de plus en plus difficile pour un pays de prendre

les mesures adéquates en vue de contrôler le coût des médicaments.

- Droits de propriété intellectuelle sur les médicaments plus stricts, ce qui se traduit par des monopoles plus longs pour les médicaments de marque et des délais d’attente plus longs avant la mise sur le marché de médi-caments génériques. • Les médicaments sont plus onéreux Depuis l’expiration en 2012 du brevet du Lipitor® (ator-vastatine), un médicament anti-cholestérol populaire, le prix public moyen pour une dose journalière a baissé de 85 %, soit de 1,09 euro en 2011 à 0,19 euro en 201421. Les dépenses de l’assurance maladie pour l’atorvastatine ont diminué de moitié entre 2011 et 2013, passant de 33 millions à 15 millions d’euros.

- Transparence des études cliniques, retour à zéro : plus de la moitié des études cliniques ne sont actuellement jamais totalement enregistrées, d’où la perte définitive de connaissances scientifiques concernant la sécurité et l’efficacité de ces médicaments. De récentes évolutions dans la réglementation européenne devraient apporter certains changements. L’industrie tente, via le TTIP, de ralentir cette évolution. • Les autorités ne disposent pas d’informations en

suffisance concernant la sécurité et l’efficacité des médicaments.

- Publicité directe au consommateur pour les médica-ments sur prescription : autorisée aux États-Unis, interdite en Belgique :• Information inégale de l’utilisateur. Les patients et le

public au sens large ont en effet un accès inégal à l’information sur les médicaments et peuvent aisé-ment confondre publicité et information.

• Impact possible sur les médecins : prescription de médicaments superflus, onéreux et potentiellement dangereux.

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- Affaiblissement des règles strictes liées à la vente de médicaments sur Internet. • La sécurité des médicaments est menacée. - Les autorités peuvent être poursuivies par les firmes pharmaceutiques lorsque leur politique en matière de médicaments porte préjudice aux intérêts de l’industrie : le mécanisme de règlement des différends entre in-vestisseurs et Etats » (RDIE ou ISDS en anglais) est l’un des éléments les plus controversés du TTIP. Ce méca-nisme international de règlement des différends permet aux investisseurs de contourner la justice interne et de réclamer des indemnités devant des collèges d’arbitrage internationaux lorsqu’ils estiment qu’une mesure d’intérêt général porte préjudice à leurs intérêts et limite les gains escomptés. • Les décisions relatives au remboursement, au

contrôle des prix ou à l’octroi d’un brevet à certains médicaments peuvent notamment être attaquées par l’industrie pharmaceutique devant des collèges d’arbitrage internationaux. Les firmes pharmaceu-tiques peuvent ainsi réclamer des millions, voire des milliards d’euros de dommages et intérêts aux auto-rités pour des mesures légitimes visant à protéger la santé publique.La firme pharmaceutique Eli Lilly exige actuellement des dommages et intérêts de 500 millions d’euros au Canada suite à l’annulation du brevet de deux spé-cialités par un tribunal local en raison d’un manque d’efficacité des médicaments par rapport aux affir-mations présentes dans la demande de brevet. Eli Lil-ly utilise pour ce faire le mécanisme RDIE prévu dans le cadre du traité nord atlantique de libre-échange (NAFTA). La firme tente ce faisant de casser la déci-sion des plus hautes autorités judiciaires du Canada qui lui avaient déjà donné tort précédemment.

- Le TTIP comme un standard mondial pour les accords commerciaux :• Les conséquences en termes d’accès aux médica-

ments ne sont pas uniquement limitées à l’Europe.•

LES MUTUALITÉS BELGES DEMANDENT QUE :• La fixation des prix et le remboursement des médica-

ments soient exclus des négociations du TTIP ;• Les récentes avancées en matière de transparence

des études cliniques ne soient pas menacées par le TTIP ;

• La publicité directe au consommateur pour les mé-dicaments sur prescription ne fasse pas partie des négociations du TTIP ;

• Les strictes conditions en vigueur pour la vente de médicaments par Internet soient maintenues ;

• Les droits de propriété intellectuelle pour les médica-ments ne soient pas renforcés ;

• Le mécanisme RDIE ne soit pas intégré au TTIP.

19 OMS, Aide-mémoire 164, juillet 2015 http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs164/fr/ 20 « Accord sur le prix très élevé d’un traitement innovant contre l’hépatite C », Le Monde,‎ 20 novembre 201421 En Marche, 4 juin 2015 http://enmarche.be/sante/medicaments-1/anti-cholesterols-chute-de-prix.htm

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‘Un système de soins de santé, dût-il être le meilleur au monde, ne constituera qu’un seul des ingrédients qui déterminera si vous aurez une vie longue ou courte, en santé ou dans la maladie, accomplie ou vide de sens.’ Roy Romanow (homme politique ca-nadien), 2004

SITUATION ACTUELLELa santé humaine se porte mieux maintenant qu’à tout autre moment dans l’histoire. Au niveau mondial, l’espérance de vie est passée de 47 ans en 1950-1955, à 69 ans de 2005 à 2010, et la morta-lité infantile a diminué considérablement, passant de 152 pour mille en 1950-1955, à 47 en 2005-2010. Ces gains dans la santé humaine ont cependant un prix élevé: la dégradation de l’environnement a atteint un niveau jamais vu dans l’histoire humaine, ce qui menace d’inverser les gains de santé emmagasinés au cours du siècle dernier. La santé des générations futures a été hypothéquée afin de réaliser des gains économiques et de développement dans le présent.22

Au niveau européen, la Commission européenne a déjà beaucoup investi dans la promotion et le financement de la recherche en matière de prévention et de traitement d’affections chroniques. Elle joue un rôle essentiel dans la formulation de recommandations européennes dans le domaine des soins de santé préventifs, notamment ceux relatifs au dépistage du cancer du côlon et du cancer du sein. Il est judicieux d’aborder, au niveau européen, les problématiques d’une alimentation saine, de la dépen-dance, des dépistages préventifs et d’un environnement salubre qui sont interdépendantes et présentent un ca-ractère transfrontalier.En Belgique, le système fondé sur la solidarité participe à la lutte contre les inégalités socio-économiques en ma-tière de santé. Bien qu’il n’y ait pas de politique officielle portant sur la lutte contre les inégalités de santé, de nom-breuses actions sont réalisées à différents niveaux. Un nombre important d’institutions, d’associations et d’ac-teurs de terrain, parmi lesquels les mutualités, mènent avec succès des campagnes de prévention et de promo-tion afin, notamment, de diminuer les inégalités sociales de santé.

LES DÉFISLes principaux défis de santé publique dans l’UE sont les maladies chroniques comme les maladies cardiovascu-laires, le diabète, certains cancers, ainsi que le surpoids et l’obésité. Ils causent 50% de tous les décès en Eu-rope pour un coût évalué à près de 200 milliards d’euros par an23 . Ils sont en grande partie le résultat de chan-gements dans l’environnement économique et social. La lutte contre ces causes exigent des politiques et des ap-proches innovatrices pour agir à la racine. Les facteurs de risque des maladies chroniques sont plus fréquemment présents chez les personnes apparte-nant aux groupes socioéconomiques inférieurs: surpoids (47%), absence d’activité physique (26%), tabagisme (un quart de la population) et alcoolisme (surconsommation pour 10% des hommes et 6% des femmes).DES COÛTS CROISSANTSL’impact économique des maladies chroniques se fait sentir bien au-delà du système de soins de santé, en pertes de productivité pour les employeurs et en coûts indirects supportés par les patients et leur famille. Ces maladies sont source de vulnérabilité, notamment en rai-son des incapacités de travail totales ou partielles qu’elles entraînent, avec à la clé une diminution des revenus et un risque de pauvreté.24

• Les maladies cardiovasculaires coûtent plus de 192 milliards d’euros par an à l’économie européenne ; une étude belge donnait une estimation de 3,5 milliards d’eu-ros pour la seule année 2004, la majeure partie de ces frais étant couverte par l’Institut national d’assurance ma-ladie invalidité (INAMI).• Le traitement du cancer a des implications financières pour les patients et leur famille, en raison de l’accroisse-ment du coût de la gestion du ménage, de la perte de revenus et du recours à l’épargne pour financer le traite-ment. Une étude belge a estimé que le coût moyen d’un cancer du sein est de 107 456 €, dont 89% en perte de productivité.• Les cinq principales pathologies respiratoires (l’asthme, le cancer du poumon, la pneumopathie chronique obs-tructive, la pneumonie et la tuberculose) coûtent à l’Eu-rope plus de 100 milliards d’euros par an en soins de santé et jours de travail perdus;• Le diabète touche près de 10% de la population adulte en Europe (52,8 millions de personnes), ce qui engendre un coût total de 131 milliards d’euros.Globalement 70 à 80% du budget des soins de santé seraient absorbés par les maladies chroniques, soit 700 milliards d’euros pour l’ensemble de l’Union européenne, une somme qui est appelée à croître dans les prochaines années.25

Fiche-info n°5 Prévention et promotion de la santé

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CE QUI RISQUE DE CHANGER ET IMPACTIl existe des preuves26 reliant la mondialisation et les ac-cords de libre-échange à une transition nutritionnelle vers des régimes caractérisés par une forte consommation d’aliments bon marché ultra-transformés, pauvres au niveau nutritionnel mais riches en graisses saturées, en sucres ajoutés et en sel. Suivant la logique globale des accords de libre-échange (ALE), on peut craindre une augmentation du volume du commerce des aliments transformés et une baisse des prix suite à la réduction des barrières douanières, ce qui augmentera la consom-mation. La même question pourra s’appliquer à l’alcool et au tabac, où l’on attend également moins de droits de douane et plus d’ importations.Protéger et améliorer la santé des personnes ne se limite donc à assurer une prévention efficace et l’accès aux soins. La santé se joue aussi -et surtout- à travers la pro-tection de l’environnement, l’accès au logement décent, la garantie d’emploi et de bons salaires, le développe-ment d’un réseau social, l’amélioration des conditions de travail, l’accès à l’éducation et à l’information…L’Etat doit prendre des mesures drastiques pour pénaliser ce qui est néfaste pour la santé : avec des taux de TVA majorés, un encadrement strict de la publicité, et en im-posant des normes et des contrôles rigoureux à l’indus-trie. L’Etat doit aussi soutenir ce qui va dans le bon sens, comme la transition vers l’agriculture biologique locale, l’incitation à l’activité physique, etc. C’est donc toute une série d’actions, qui touchent la vie quotidienne des gens, que nos gouvernement doivent pouvoir mettre en oeuvre pour remplir leurs missions en matière de santé.Si, comme le permet la clause de règlement des diffé-rends entre investisseur et État (RDIE), les entreprises multinationales ont le pouvoir de restreindre la capacité des gouvernements à intervenir dans tous ces domaines, comment ceux-ci pourront-ils développer des politiques de santé publique?

EXEMPLES• Phillip Morris, la compagnie de tabac, poursuit les gou-vernements australien et uruguayen pour avoir affecté ses bénéfices en encourageant les gens à arrêter de fumer. • Le gouvernement d’El Salvador est poursuivi par une société australienne car il a refusé la permission d’exploi-ter une mine d’or par crainte de pollution de l’eau potable. • En 2012, le géant suédois de l’énergie Vattenfall a lancé une action en justice contre l’Allemagne, demandant 3,7 milliards € en compensation de la perte de profits liés à deux de ses centrales nucléaires. L’affaire a fait suite à la décision du gouvernement allemand d’éliminer progressi-vement l’énergie nucléaire après le désastre nucléaire de Fukushima.

Selon The Economist, le RDIE est «le moyen ultime pour les multinationales de s’enrichir au détriment des gens ordinaires». A l’opposé de la direction empruntée par le RDIE dans le TTIP, l’initiative ‘la santé dans toutes les politiques’27 souligne qu’il est plus facile d’atteindre les objectifs gou-vernementaux lorsque tous les secteurs tiennent compte de la santé et du bien-être comme étant un élément–clé de l’élaboration des politiques. Ceci est dû au fait que les déterminants de la santé et du bien-être sont exté-rieurs au secteur de la santé et sont d’ordre social et éco-nomique. Si le TTIP est accepté par les gouvernements impliqués, il y aura une remise en cause totale de ces efforts politiques pour améliorer la santé. La puissance des industries agroalimentaires, du tabac et de l’alcool, qui résistent aux tentatives de réorienter leurs activités de manière significative pour améliorer la santé sera encore renforcée.

NOUS DEMANDONS QUE :• La compétence des autorités compétentes en matière de promotion et de prévention de la santé ne soit en rien modifiée ; • Soit inscrit dans le TTIP le fait que les entreprises ne peuvent contester la politique de prévention des États membres européens (par exemple devant un mécanisme de RDIE) pour la simple raison qu’elle porterait atteinte à leurs intérêts financiers.

POUR ALLER PLUS LOINEPHA – European Public Health Alliance• www.epha.orgIndustrie agroalimentaire• http://www.atlantico.fr/decryptage/incroyable-science-junk-food-comment-industrie-agroalimentaire-prend-pour-rendre-accros-664825.html#Y1RLGvfRpFB-z3u4b.99• http://www.pour.press/les-societes-transnationales-nuisent-a-la-sante/Environnement et pesticides :• http://www.ciel.org/reports/lowest-common-denomi-nator-how-the-proposed-us-eu-trade-deal-threatens-to-lower-standards-of-protection-from-toxic-pesticides/ (en anglais)• http://www.generations-futures.fr/pesticides/taf-ta-et-pesticides-vers-la-regression/• http://www.generations-futures.fr/pesticides/7-rai-sons-de-sinquieter-des-impacts-du-tafta-sur-la-regle-mentation-chimique/

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• http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/notepou-letchlore_tafta.pdf

22 Safeguarding human health in the upcoming epoch: report of The Rockefeller Foundation - Lancet Commission on planetary health, 16 July 2015.23 Nichols M, Townsend, N, Scarborough P, Luengo-Fernandez R, Real J, Gray A, Rayner M (2012) ; European Cardiovascular Disease Statistics 2012. European Heart Network, Brussels, European Society of Cardiolo-gy, Sophia Antipolis -http://www.ehnheart.org/cvd-statistics.html24, 25 D’après le KCE, le centre fédéral d’expertise en soins de santé.26 Lire sur https://www.grain.org/fr/article/entries/5189-le-libre-echange-et-l-epidemie-de-malbouffe-au-mexiqueEt ‘The neoliberal diet and inequality in the United States’, dans Social Science and Medicine27 Voir sur :http://www.who.int/social_determinants/hiap_statement_who_sa_final.pdfhttp://www.healthpromotion2013.org/health-promotion/health-in-all-policies

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La solidarité, c’est bon pour la santé.

MUTUALITECHRETIENNE

ONT ÉLABORÉ CE DOSSIER ET PEUVENT ÊTRE CONTACTÉS POUR DE PLUS AMPLES INFORMATIONS :ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNESJean-Pierre Descan - [email protected]ès Chapelle - [email protected]érie Van Belle - [email protected]

UNION NATIONALE DES MUTUALITÉS SOCIALISTES - SOLIDARIS Alain Coheur - [email protected] Jammar - [email protected] Vervoort – [email protected]

UNION NATIONALE DES MUTUALITÉS LIBRESChristian Horemans - [email protected]