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Étude réalisé en 2008, dans le cadre d'une maîtrise en sciences de l'information et de la communication; le but étant de revenir sur la controverse autour de la célébration des événements de 68.
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1
Université Rennes 2-UFR Arts-Lettres et Communication
MASTER 1 COMMUNICATION
Nouveaux regards sur les événements
Galland Céline
Avril 2008
Semestre 2
2
Université Rennes 2-UFR Arts-Lettres et Communication
MASTER 1 COMMUNICATION
Mai 68, l’héritage controversé
Galland Céline
Avril 2008
Semestre 2
3
Mai 68, l’héritage controversé
Introduction
I. Mai 68, toujours d’actualité ?
I. 1 Mai 68, la référence des nouveaux mouvements sociaux
I. 2 Mai 68, début ou fin ?
I. 3 La célébration des événements aujourd’hui
II Cependant, une volonté de rupture se fait sentir
II. 1 Sarkozy et Mai 68
II. 2 Laisser Mai 68 aux années 60
II. 3 Cependant nous nous devons de ne pas renier l’héritage
de 68
Conclusion
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Mai 68, l’héritage controversé
En ce début d’année, un anniversaire particulier semble retenir l’attention des médias.
Nous sommes l’année du quarantième anniversaire des événements de Mai 68. C’est donc
dans ce cadre que la presse ne cesse de publier des articles qui relatent encore et toujours des
événements. Cependant, on voit apparaître dans la presse, un débat. Ce dernier pose la
question de l’émergence d’un nouveau mai 68 ou au contraire la volonté de voir disparaître le
souvenir de cette révolte passée. C’est ainsi que s’oppose deux mouvements contradictoires et
naquît de nouveaux questionnements. Jusqu’alors on ne se posait pas la question de savoir s’il
fallait ou non liquider à jamais le souvenir de 68, ou plutôt la presse ne ressort « le dossier »
que tous les dix ans. On a pu remarquer ces derniers mois un nombre impressionnant de
publications d’ouvrages portant sur 68, mais également de blogs voulant réorganiser un
nouveau mouvement. Doit-on s’attendre à une nouvelle révolte ou Mai 68 est-il bien enterré ?
Dans cette partie, nous traiterons de la controverse actuelle autour de la commémoration de
cette année.
Afin d’effectuer cette recherche, il convient de définir une problématique qui portera
mon sujet. La presse met-elle la commémoration en débat ? La presse alimente-elle une
méfiance envers la commémoration de 2008 ? Comme le montre ces questions, nous
chercherons donc à démontrer la controverse qui plane sur ce quarantième anniversaire. Nous
essayerons également de savoir pourquoi cette commémoration fait débat et pas une autre ?
Mes hypothèses de départ qui par la suite se verront justifier ou non, sont les suivantes. Je
pense que le souvenir de Mai 68 véhiculé par la presse alimente l’idée qu’une révolte est
possible, et donc que Mai 68 n’est qu’un exemple de mouvement social qu’il faut appliquer
pour « chambouler » le pouvoir établi. Il semblerait que la presse cherche les indices d’un
nouveau Mai dans la société, ce qui instaurerait un climat de méfiance. De plus, on a pu
remarquer dans la presse de nouveaux questionnements qui sont arrivées en réponse à Nicolas
Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007. Il semblerait donc que les propos tenus
par le président aient joué un rôle déterminant dans cette commémoration, la presse se
nourrissant de cette controverse pour publier un nombre important d’articles.
Dans le but de mener à bien cette réflexion, j’ai dû effectuer des recherches dans la
presse actuelle. Il m’a fallu faire une tournée hebdomadaire des kiosques, afin de me procurer
la matière première de mon étude : la presse. Je me suis d’abord procurer tous les articles sur
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Mai 68 parus cette année mais également en fin d’année 2007, afin de me donner une idée
large de la problématique à suivre. En effet, devant traiter de l’actualité autour de cette
commémoration, je dois avoir connaissance de toutes les parutions dans la presse traitant de
près ou de loin de cet anniversaire. Par ailleurs, je me suis également intéressée aux
émissions de télévision mettant en débat les événements. La surabondance de ce genre
d’émissions est révélateur de l’importance que les médias portent à la problématique de
l’héritage de Mai 68. En effet, il est très courant de voir des émissions, des articles de presse,
des ouvrages titrés de formules telles que « Que reste-t-il de Mai 68 ? » ou encore
« L’héritage impossible »… A travers ces titres, on peut observer l’importance de la notion de
l’héritage. C’est un terme qui est chère à ma partie. En effet, le débat alimenté par les médias
porte essentiellement sur la question de savoir s’il faut oublier ce qui s’est passé, ou si les
événements ne sont qu’une partie d’un tout, et donc que la suite arrive à grand pas. De plus,
j’ai beaucoup consulté les journaux en ligne tels que Libération.fr, le Monde.fr … Cette
presse en ligne m’a été très utile dans le sens où elle est facile d’accès, où les archives sont
accessibles (dans la limite de temps). J’ai également explorer plusieurs blogs, allant du plus
militantisme au plus objectif possible. Je suis passée de blogs d’étudiants ayant soif de révolte
à des blogs entretenus par des journalistes, mais également des blogs spécialement dédiés à ce
quarantième anniversaire. Je peux ajouter que je me suis également servie d’émissions de
radio que j’ai pu retrouver grâce au Web. En effet, l’archivage numérique des émissions de
radio et de télévision m’a été d’une grande aide. Il m’a fallu également passer par la
bibliothèque afin de traiter le sujet dans un sens plus large et de comprendre les notions que je
rencontrais. Ces ouvrages m’ont permis d’élargir ma réflexion sur le sujet, de m’attarder sur
des notions qui me semblaient importantes telles que « les mouvements sociaux ». J’ai
également passée du temps à chercher dans les catalogues des périodiques, que ce soit dans
les bibliothèques mais également les revues en ligne, le but n’étant pas de trouver des articles
portant sur mon sujet mais de trouver des idées qui s’en rapprochent.
Cependant, il convient de faire remarquer que plusieurs difficultés me sont apparues
lors de mon travail. La plus importante et donc handicapante est la proximité. En effet, mon
sujet est trop d’actualité. Cela entraîne plusieurs conséquences telles que le fait que je sois
immergées dans cette environnement de commémoration. Je subis donc une sorte d’overdose
de cette célébration comme le ressentent la plupart des lecteurs de presse. En effet, il y a trop
de rubriques portant sur le sujet alors que nous ne sommes pas encore en mars ou mai… J’ai
du mal à immerger, et donc à faire preuve d’objectivité face à une actualité qui m’englobe. De
plus, les parutions d’ouvrages portant sur le sujet même du débat sur l’héritage
n’interviennent qu’en ce moment. A l’heure où j’écris ces lignes , des ouvrages sortent et
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donc je passe à côté de beaucoup d’informations. Cependant même si des livres intéressants
sont déjà sortis, ils sont trop récents pour être mis à disposition dans les bibliothèques. Ici, une
des difficultés qui m’apparaît est donc une limite financière, dans le sens où je ne peux
m’offrir toutes les publications alors que ces dernières me seraient très utiles.
Pour conclure cette introduction, je pense qu’il convient d’énoncer les différents
chapitres que j’ai choisi pour organiser mon dossier. Dans un premier temps, j’aborderai le
problème qui pose la question de savoir si Mai 68 est toujours d’actualité ( Première partie) ;
dans un second temps, je traiterai de la volonté d’oublier les événements et donc d’une
volonté de rupture (Seconde partie).
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I Mai 68, toujours d’actualité ?
Dans ce chapitre, il est question de savoir si Mai 68 est toujours présent dans notre
société, que ce soit sous forme d’un souvenir perduré par la mémoire collective, ou par une
renaissance de cette révolte. En effet, on a pu observer, ces derniers mois, dans les journaux
une volonté de commémorer Mai 68 et donc de faire renaître dans nos esprits le souvenir
qu’un jour en France, des personnes ont voulu changer les choses. Outre l’avalanche
d’ouvrages sous laquelle nous nous perdons, nous sommes également submergés par un
nombre impressionnant d’émissions de télévision et de radio, qui ne cessent de mettre en
scène les figures emblématiques du mouvement. Cette année, on peut donc observer que la
commémoration ne donne pas seulement lieu à un retour sur les faits, mais également à une
réflexion sur la société actuelle.
I. 1 Mai 68, la référence des nouveaux mouvements
sociaux
Dans cette sous-partie, je vais essayer de savoir si Mai 68 est toujours considéré
comme la référence des nouveaux mouvements sociaux, et bien entendu la place des ses
figures emblématiques. Cette réflexion est donc issue de témoignages, de débats lors
d’émissions de radio et de télévision. Ce qui en est ressorti est surtout que le souvenir de ces
événements nous montre qu’un mouvement collectif peut renverser les choses. Cependant, les
nouvelles luttes ne sont pas à comparer avec ce qui s’est passé dans les années 60. En effet,
les préoccupations n’étaient pas les mêmes. Cette caractéristique sera plus développée dans
une prochaine partie. Les nouvelles luttes ont donc héritées principalement de cette volonté de
changer les choses, et l’idée que même des jeunes peuvent manifester. Je souhaite donc
reprendre, ici, les diverses comparaisons qui ont été faites avec ce qui s’est produit en 68. Je
prendrai l’exemple du mouvement anti-CPE car c’est celui qui a le plus marqué les esprits et
dont la presse n’a cessé de comparer avec les événements mythiques. En effet, faire une
comparaison avec le mouvement le plus récent (celui contre le LRU) ne serait pas très
intéressant compte tenu que ce mouvement a été victime d’un non-traitement médiatique. Ce
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qui n’a pas permis une comparaison avec 68 des médias et a contribué a essouffler le
mouvement, ne lui donnant aucune chance de survivre.
Petit retour en arrière afin de nous commémorer les faits de 2006. La manifestation
anti-CPE commença le 16 janvier 2006, une mobilisation étudiante sans précédent, la plus
grande depuis Mai 68. En trois mois, le mouvement a eu largement le temps et les occasions
de subir la comparaison. De plus, selon Cohn-Bendit, le manifestation contre le CPE a
rassemblé dix fois plus de manifestants que les mouvements étudiants en 68.
Le sociologue Jean-Pierre Le Goff, auteur de « Mai 68, l'héritage impossible » (La
Découverte) voit dans le mouvement contre le CPE, la réincarnation du mythique Mai. Il se
prononce sur le sujet en affirmant que « Le mouvement de mai 68 se sentait une capacité à
transformer le monde, là c'est l'inverse, les jeunes ont peur de se faire exploiter. » Il compare
donc les deux mouvements en fonction des finalités visées. Selon le député européen
socialiste Henri Weber, ancien leader de 68 «Le mouvement anti-CPE est « une lame de fond,
un mouvement de masse » qui est bel et bien comparable à mai 68. » Olivier Besancenot,
porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire ajoute que « ce mouvement a le parfum
de mai 68, mais pour en avoir la couleur, il faut une grève générale. » Toutes ces citations,
nous montrent donc l’existence d’une comparaison entre les deux mouvements qui ont quand
même près de quarante ans d’écart. On peut donc faire remarquer la portée des événements de
68, qui sont considérés aujourd’hui comme le point de départ des révoltes étudiantes.
Cependant , le parallèle n’est pas probant pour tous. Dominique Reynié, professeur à
Sciences Politiques ne ressent qu’une « très faible intensité idéologique » dans les mots
d'ordre des manifestations contemporaines. En effet, pour ce dernier il y a dans cette révolte
« quelque chose qui n'est pas énoncé, un conflit entre générations » et qui n'a pas trouvé de
concepts, de mots pour s'exprimer. « Leur unique slogan est «résistance» :résistance au CPE,
résistance au libéralisme, résistance à la mondialisation… Ils occupent leurs locaux dès le
début des mouvements, alors qu’en 68 cette pratique n’était utilisée qu’à la fin du
mouvement. » On observe donc une similitude dans les pratiques comme le blocage, la
manifestation…,mais elles ne sont pas utilisées de la même façon… On agit avant de discuter.
Mai 68 a donc réactiver « la culture d’affrontement, de la conflictualité» dans la société
française, selon Henri Weber. Par ailleurs, on a pu également remarquer une désillusion dans
le regard de nos étudiants. En 68, les étudiants rêvaient de lendemains qui chantent, ceux de
2006 n'ignorent pas ce qui les attend. Ils cherchent donc à limiter la casse.
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Axelle Labbé étudiante en 2e année au CUEJ, lors d’un débat organisé par France
info1 s’exprime: « Il faut sortir du mythe c’est-à-dire qu’à chaque manifestation d’étudiants
grosso modo on entend nos profs nous dire « ah mais de toute façon, vous vous ne ferez pas
68 », comme si de toute façon maintenant les jeunes n’avaient plus rien à dire à partir du
moment où tout a été dit en 68 et je pense que c’est là qu’est le problème. » Dans cette
citation, on peut clairement observer que les jeunes ne veulent pas réitérer Mai 68 mais plutôt
que la comparaison vient des aînés pour dévaloriser les actions des jeunes. Les jeunes
militants se retrouvent donc dans un cercle de comparaison qui entraîne par le bas toutes leurs
actions. Si Mai 68 est une référence aujourd’hui ce n’est pas selon la volonté des
protagonistes des nouveaux mouvements.
De plus, on remarque que les jeunes n’osent pas reprocher à leurs parents la société
qu’ils leur ont légué. Mai 68 leur a livré un savoir-faire, une référence, des slogans… Cette
étudiante continue cette réflexion en affirmant que les aînés nous ont donné « les mots de la
révolte pour mieux la diriger encore. Et éviter qu'elle ne se retourne contre eux. » Comme si
la référence systématique à Mai 68 servait à empêcher la révolte de la jeunesse contre le
monde légué par les soixante-huitards. On peut donc affirmer qu’il y a une dénonciation des
effets pervers de cette comparaison. Cohn-Bendit répond à ce sujet, en affirmant qu’« à
chaque fois qu’il y a une manifestation étudiante de par le monde viennent me voir et disent
« Alors Mr Cohn-Bendit est ce que c’est 68 ? » et je veux dire mais c’est complètement
ridicule c’est-à-dire qu’à chaque fois que des jeunes bougent il faut que moi je juges si c’est à
l’aune de 68. » Comme un réflexe, on demande aux acteurs du mouvement de chercher une
lueur du conflit passé dans les faits actuels. De plus, on lit ici la volonté de laisser ces derniers
juger seuls de ce qui se passe. Un rôle que les anciens ne veulent pas supporter. En effet, ces
derniers se sentent emprisonnés dans leur passé. Cohn-Bendit affirme qu’il n’a « aucun
remord, ni aucune nostalgie d’être identifié à cette période. » Mais il dénonce cependant,
l’effet réducteur de ce rôle sur sa vie.
Mai 68 est surtout une référence dans le sens où c’est la première fois que des
étudiants ont pris la parole. C’est donc le point zéro des mouvements estudiantins. Les futurs
révoltes sont donc condamnées à supporter la comparaison, comme si un enfant était sans
cesse comparé à ses parents. Dans ce cas, comment peut-il s’épanouir ? revendiquer sa propre
1 « Liquider ou assumer l’héritage ». France Info [en ligne] mars 2008 [consulté le 12 mars 2008] Disponible
sur World Wide Web :
http://www.france-info.com/spip.php?article108042&theme=107&sous_theme=271
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identité dans ce monde où l’ombre de ses aînés le rabaisse dans ses actions ? Je pense que
cette comparaison est pertinente et illustre bien les propos que j’essaye de tenir.
Pour conclure, on peut ajouter que cette idée de référence est surtout reprise par les
médias qui à chaque commémoration font un récapitulatif des actions depuis 68.
I. 2 Mai 68, début ou fin ?
Cette partie me semble essentielle pour traiter ce dossier. En effet, le débat actuel porte
sur la question d’enterrer les événements pour toujours ou si un nouveau souffle de révolte
frappe à notre porte. Oublions-nous ce passé ou sommes-nous au début d’une nouvelle
révolte ? Un nouveau Mai est-il possible aujourd’hui ? Revenons-nous au malaise social et au
conflit générationnel des années 60 ? Ici, nous traiterons des propos tenus allant dans le sens
d’un nouveau Mai ou au contraire réfutant cette hypothèse. Il ne s’agit pas de donner une
réponse et d’affirmer ou de réfuter la venue d’une nouvelle révolte mais plutôt d’apporter une
réflexion sur ce débat. J’aborderai donc, ici, toutes les réflexions concernant la possibilité
qu’un nouveau Mai pourrait ou non apparaître. .
Aujourd’hui, nous savons bien que les préoccupations ne sont plus les mêmes. En
effet, on voit mal des jeunes sortir dans la rue pour obtenir plus de liberté sexuelle
notamment. On n’a pu remarquer que les nouveaux mouvements sociaux revendiquent pour la
plupart la protection d’acquis, et refusent des changements. Or ce ne sont pas les
revendications du mouvement passé. On remarque donc une allergie au changement.
On peut se demander qu’est ce que signifie faire un nouveau Mai 68 ? Ce n’est pas se
battre pour la liberté des mœurs comme je l’ai évoqué précédemment. En fait, personne n’a
définit ce que cela serait. Peut être que certain comprenne la notion dans les résultats d’une
telle action, ou dans le nombre de personnes concernées… Pourquoi la manifestation contre le
CPE n’a-t-elle pas été considérée comme telle ? En effet, peut-on affirmer que tel ou tel
événement peut se comparer avec un autre ? Je ne pense pas que nous puissions juger de cela,
seul le temps nous le dira. En effet, ce n’est qu’après la tempête qu’on peut se rendre compte
des dégâts. Je ne pense pas que nous ayons le recul nécessaire. Nous ne pouvons donc
qu’émettre des hypothèses sur ce que serait un nouveau 68.
Selon Erik neveu, un embrasement n’est pas d’actualité. En effet, il a pu se forger cette
opinion grâce à une de ses analyses d’une enquête (LCI/Manpower). A la question « si un
mouvement social se déclenchait, y participeriez-vous ? », deux tiers des salariés interrogés
répondent « oui ». Mais à la question suivante, « Pensez-vous qu'un tel mouvement est
11
susceptible de se déclencher ? », ils sont 80%... à répondre « non ». On peut en déduire que la
pensée protestataire est toujours dans les esprits mais que les gens ne pensent pas qu’un tel
mouvement est possible. Erik Neveu explique ces résultats par le fait que les mouvements
sociaux, aujourd’hui, manquent d’éléments fédérateurs. Il ajoute que « les organisations
syndicales sont faibles et qu’il n'y a personne pour incarner la contestation. D'autre part, et
c'est peut-être même plus important, « il n'existe plus de lexique actuel de la revendication.
L'ancien vocabulaire issu des marxistes (« grève », « patrons », classes sociales », «
travailleurs », « ouvriers », etc…) est tombé en désuétude, mais rien n'est venu le remplacer.
Les mouvements sociaux connaissent une crise de leurs formes d'expression, de
verbalisation. » Il convient d’ajouter que les mouvements actuels puisent leurs slogans dans
ceux de leurs aînés. En effet, il est courant aujourd’hui de voir placardées des expressions
telles que « Il est interdit d’interdire », « Sois jeune et tais toi »… A l’heure du débat contre la
suppression de plusieurs postes dans l’éducation nationale, on voit également apparaître des
slogans qui laisse planer l’hypothèse d’une nouvelle révolte : « Mai 68-Mai 2008 : notre
colère n’est pas réduite », « Faut-il un nouveau Mai 68 ? »… La référence à Mai 68 est donc
un moyen de légitimer leurs actions.
A présent prenons l’avis de jeunes qui se trouvent au cœur de cette réflexion.. Axelle
Labbé (étudiante), lors d’un débat sur France Info2 s’exprime sur ce sujet : « Je ne pense pas
que c’est en faisant une grande manifestation étudiante qu’on va réussir à changer quoique ce
soit. Qu’on manifeste ou pas de toute façon y’aura toujours de la discrimination à
l’embauche. » De cette citation, en ressort la désillusion envers les résultat d’une grande
manifestation. On peut également parler d’une sorte de passivité qui se justifie par
l’expression « les choses sont ainsi est cela ne changera pas. » On observe donc un manque
de motivation, chose essentielle à la bonne tenue d’un mouvement. Cette dernière continue
par les propos suivants : « Je ne suis pas sûre qu’on nous autorise encore aujourd’hui à faire
une révolte, c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’il y a une manifestation de jeunes, on nous répète
qu’on ne refera pas 68. Pour le CPE c’est pareil, il y avait beaucoup de monde dans la rue, le
gouvernement a fini par plié. Mais bon, on avait l’impression que c’était (mise à part dans
Libération) juste quelques petits jeunes qui allaient manifester, et « Voilà qu’est ce que c’est
que ces jeunes privilégiés qui vont manifester parce qu’on leur propose un nouveau contrat,
de toute façon les jeunes ne veulent plus travailler. » De ces propos, on peut en ressortir la
réticence des aînés face aux jeunes qui sortent dans les rues. On peut également affirmer que
les jeunes ne peuvent pas refaire Mai 68, dans le sens où leurs aînés n’admettrons jamais que
la nouvelle génération puisse créer un tel événement. Ne serait-ce pas une des conséquences
2 « Liquider ou assumer l’héritage ». France Info. op.cit.
12
du fait de voir les événements comme un mythe, et donc de considérer que tout a été fait et
que rien n’est à refaire. Axelle Labbé justifie sa position en affirmant qu’il « y’a trop de
choses, à la limite, pour lesquelles on aurait des raisons de se révolter qui font qu’on s’y perd :
aider les jeunes des quartiers, lutter contre les contrats précaires, lutter le dérèglement
climatique, le taux de chômage tellement haut, les problèmes de logement, de revenu… »
Daniel Cohn-Bendit va dans ce sens en affirmant «qu’on ne s’y retrouve plus. On a le
sentiment qu’il faille tellement changer de choses qu’on ne sait plus par quelle bout le
prendre, c’est-à-dire un certain pragmatisme politique qui nous rend des fois impuissant. »
Les revendications actuelles sont tellement nombreuses qu’on ne sait laquelle choisir, car
comme nous le savons il est nécessaire que les revendications soient partagées afin qu’un
mouvement de solidarité se crée. Or, dans une société où l’individualisme est accrue, il va de
soit que chacun pense à ce qu’il peut tirer d’une telle action. On a donc à faire à un individu
calculateur qui ne répond plus à la passion qui entraînait ses aînés en 68.
Aujourd’hui , le contexte a changé, il n’est plus question de renverser l’ordre établi,
mais plutôt de défendre des acquis. La révolte ou plutôt les manifestations contemporaines se
font de façon défensive et non offensive, comme le montre les revendications aujourd’hui
telles que la défense des postes d’enseignants qui se déroule à l’heure où j’écris ces mots. On
manifeste également pour ne pas voir appliquer le CPE, ou le LRU. On défend donc nos
acquis contre de nouvelles modifications. On peut également dire que la grande majorité des
manifestations étudiantes suivent les revendications des professeurs.
Aujourd’hui, on fait croire qu’il n’y a qu’un seul moyen d’obtenir des résultats quand
on se mobilise : le blocage, qu’il soit total ou partiel. On va toujours vers un affrontement.
Avant de négocier on commence toujours par bloquer : c’est un héritage de 68.
La grande majorité des jeunes a fait une manifestation, sans avoir pour autant la soif
de changement qui animait leurs aînés. En effet, selon Olivier Vial (étudiant et délégué
général de l’Union Nationale Inter universitaire) lors d’une émission sur le sujet3, on peut
observer une culture du zapping. Les jeunes sont entraînés dans le mouvement, et le
lendemain changent d’avis. Ce changement d’opinion, nous montre donc que la création d’un
mouvement de solidarité n’est pas possible compte tenu du manque de stabilité des opinions
d’un grand nombre de jeunes, comme le montre les propos tenus par Olivier Vial.
Cependant, selon Daniel Cohn-Bendit, l’extrême gauche continue de croire en un
nouveau Mai. En effet, pour eux réussir 68 reste encore à l’ordre du jour. Pour ces derniers, il
suffirait de tout recommencer pour réussir la prise de pouvoir. 68 a donc échoué, compte tenu
que la prise de pouvoir n’a pas eu lieu. Or selon Cohn-Bendit, cela n’a pas été le but. En effet,
3 « Liquider ou assumer l’héritage ». France Info. op.cit.
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le mouvement n’a jamais voulu prendre le pouvoir. « Quand je parle de révolte c’est pour dire
que 68 a entamé un processus de transformation de la société, voire peut-être simplement
accélérer un processus déjà en marche et qui s’est prolongé par la suite » continue-t-il.
On peut également ajouter qu’aujourd’hui, on a pu remarquer qu’à travers la toile de
nos ordinateurs se crée une volonté de refaire Mai 68. Cet océan d’informations n’est soumis
à aucun contrôle. Et par ce fait, toutes sortes de propagandes fleurissent sur les parterres
numériques, poussant les jeunes qui se retrouveront dans les écrits à se révolter contre la
société d’aujourd’hui, à lutter contre l'ordre établi, le dictat du profit, la pensée unique, aux
pyramides sociales, à l'arrogance des puissants, au patriarcat, à la société de consommation, à
l'exploitation, aux expulsions...
Romain Goupil, lui, voit davantage la continuation du mouvement du côté des
banlieues. « La révolte pourrait venir de là, dit-il. Si le gouvernement ne prend pas en compte
la mesure de cette fracture, cela va péter. »
Par ailleurs, Cohn-Bendit défend la jeunesse d’aujourd’hui. Il affirme qu ‘elle « agit
aussi, qu’elle fait des choses, qu’elle s’engage dans des mouvements plus spontanés,…, elle
s’organise mais d’une façon différente. Bref, elle a une conscience politique plus aussi
simpliste qu’elle pouvait l’être. Mais je pense qu’on peut totalement laisser aux jeunes le
crédit de d’agir aujourd’hui et de prendre en main leur destin. Donc ce n’est pas toujours vrai
de dire que Mai 68 ne peut plus exister aujourd’hui. »
Pour conclure, j’ajouterai que les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas à comparer avec
leurs aînés et donc qu’un nouveau Mai 68 n’est pas possible, mais qu’un nouveau mouvement
en 2009, 2010… est probable. Devant l’ampleur qu’ont pris les événements contre le CPE, on
ne peut que se poser la question de savoir si demain sera le jour de la révolte. Les personnes
qui affirment détenir la réponse ont tort, la réponse se trouve dans les yeux de leurs
progénitures.
I. 3 La célébration des événements aujourd’hui
Dans cette partie, je traiterai des différents traitements de la commémorations dans les
médias. Les questions qui s’imposent à nous sont les suivantes : La presse nous pousse-t-elle
à continuer de commémorer mai 68 ? Cette commémoration s’essouffle-t-elle ? Va-t-on vers
une commémoration de plus en plus importante ?
A l’heure où seuls les médias et les éditeurs commémorent 68, on peut se demander si
ces derniers n’ont pas une influence sur le regard que l’on porte sur notre passé. En effet, le
discours médiatique est l’un des principaux producteurs de mémoire aujourd’hui. La
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connaissance de ceux qui n’ont pas vécu l’événement dépend donc en partie de ce que les
journalistes écrivent. Ce qui peut donc poser problème c’est le choix de privilégier certains
aspects de l’événement sans faire état de ce choix et sans l’expliciter. Certains éléments sont
donc passé sous silence, car rappelons que la mission première des médias est d’intéresser son
public et donc de ne pas l’assommer d’informations. Pour se faire, un tri est nécessaire au
détriment d’informations qui peuvent paraître importantes. Par exemple, la plupart des articles
mettent régulièrement l’accent sur la révolte étudiante et la dimension culturelle de Mai 68 et
laissent dans l’ombre l’importante mobilisation ouvrière. Nous sommes donc victimes de
cette sélection.
Par ailleurs, comme je l’ai énoncé dans la partie précédente ( Mai 68, la référence des
nouveaux mouvements sociaux), les événements de 68 sont nommés de référence grâce au
travail de commémoration effectué par la presse. En effet, ce sont les médias qui aujourd’hui,
reviennent systématiquement sur la comparaison entre les différentes actions. Par cette
comparaison, il ne cesse de critiquer nos nouveaux mouvements. Ils se permettent donc de
comparer l’incomparable. Ceci étant toujours dans le but de remplir leur devoir de mémoire.
La célébration de cette année se fera donc dans une atmosphère différente des précédentes
commémorations. En effet, cette année on sent que la commémoration est perçue comme une
contrainte, un devoir de réponse aux propos de l’actuel président. Cet aspect sera davantage
développé dans une des prochaines parties.
Aujourd’hui , on remet en question cet héritage légué par nos aînés. Les médias ne
cessent de se nourrir de ce débat, reprenant souvent les mêmes protagonistes lors de leurs
débats ou interviews. On en ressent donc une répétition de discours ce qui nous pousse à
utiliser le terme d’overdose concernant cette commémoration. Les anciens de 68, comme
Cohn-Bendit, font souvent les unes de couverture de magazines (l’express, le point,
télérama..), cela nous montre donc que les gens s’intéressent au sujet. En effet, être en
couverture n’est pas anodin, mais significatif de l’importance donnée à l’article. En effet,
c’est la couverture qui pousse à acheter ou non la parution. Le problème se trouve donc dans
la répétition des discours. On reprend les mêmes intervenants et donc on obtient la même
interview. J’ai pu remarquer ce phénomène en achetant plusieurs hebdomadaires qui me
semblaient pertinents dans mon travail. De plus, mise à part les parutions, on peut observer
l’organisation de colloques qui posent également la question de la place des événements de 68
dans notre société. Il convient également de faire remarquer que de nombreux documentaires
basés sur des archives d’images sont diffusés sur nos écrans.
Un nouvel instrument de transmission d’informations se donne également le rôle de
poser ce débat : les blogs. Moyen plus libre, il peut également servir à véhiculer des idées et
15
donc certains se donnent pour mission de mettre en scène un nouveau Mai, tels que mai-
68.org et bien d’autres.
De plus, j’ai pu constater que cette commémoration, pousse la presse à s’intéresser
aux jeunes. Elle essaye de connaître les préoccupations de cette catégorie, de définir les
différents styles des jeunes… Le questionnement posé est donc de savoir qu’est ce qu’avoir
20 ans en 2008, toujours en faisant un parallèle avec les jeunes de 68. Cet anniversaire est
donc nécessaire pour que les médias veuillent bien se donner la peine de poser les yeux sur les
jeunes. Pour se faire plusieurs éditions ont ouvert leurs portes aux jeunes, les laissant
s’exprimer et publier des articles (notamment l’édition du 22 mars 2008 de Libération, ou
encore Le nouvel Observateur du 10 au 16 avril 2008). Cependant, il convient de faire
remarquer que même si cela s’apparente à une forme de liberté d’expression, ces articles ont
tous été dirigés selon les lignes éditoriales des différents journaux. De plus, ces journalistes
d’un jour, on dû traiter de sujets d’actualité prédéfinis. Je n’ai donc pas remarqué de
changement dans le contenu des articles. On peut donc qualifier cette action de symbolique.
Pour conclure, j’ajouterai que les médias adorent commémorer, dans un pays qui
« souffre » d’archéophilie. Les médias ne font donc que répondre à une demande de retour
perpétuel sur le passé sollicitée par les français.
II Cependant, une volonté de rupture se fait sentir
Suite aux propos tenus par Nicolas Sarkozy lors des élections présidentielles de 2007,
une réflexion s’est imposée à nos yeux. Devant la volonté du candidat de voir disparaître à
jamais ces événements de notre histoire, nous sommes amenés à réfléchir au fait de ne plus
commémorer Mai 68. La question qui s’impose est donc : Devons-nous effacer Mai 68 de nos
mémoires ? Dans cette partie, je vais tout d’abord revenir sur les propos de Sarkozy et les
conséquences de ces derniers. Ensuite, j’aborderai la volonté de certains protagonistes du
mouvement à recadrer les événements dans leur contexte et donc de l’impossibilité de
comparer les événements à ce qui se produit en ce moment par exemple. Pour finir, je traiterai
de la perception d’un héritage.
II. 1 Sarkozy et Mai 68
Suite à l’intervention de Sarkozy sur Mai 68, de nombreuses réactions ont pu être
observées. Aujourd’hui, presque un an après les élections de nombreuses personnalités ne
peuvent s’empêcher d’intervenir. On a pu remarqué que pour la majorité des intervenants sur
16
le sujet, ses propos ont été pris comme une atteinte à la mémoire d’un morceau de l’Histoire
française. Afin de traiter cette partie, il convient de revenir sur les propos tenus par l’actuel
président français qui n’avait que 13 ans en 1968. A l’avant-veille du scrutin (29 avril 2007),
Nicolas Sarkozy partageait, lors de son dernier meeting, son désir de voir « liquider l’héritage
de Mai 68. » Ces propos ont été le point de départ de la polémique autour de l’héritage que
nous traitons dans ce dossier. Mai 68 disait alors le futur président de la République, avait
supprimé « la différence entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le beau et le
laid », avait tué « l’école de Jules Ferry », avait imposé « le culte de l’argent roi, du profit à
court terme, de la spéculation » et « la haine de la famille, de la société, de l’Etat ; de la
nation, de la République ».
Les figures emblématiques de 68 n’ont pu laisser Nicolas Sarkozy répandre ses
opinions sans intervenir. Daniel Cohn-Bendit, qui voulait « fuir » aux Etats-Unis pour
échapper à cette période commémorative, a ainsi décidé de rester à Paris. D’autres personnes
ont également émis le souhait d’intervenir telles que le démographe Emmanuel Todd, le
sociologue Jean-Pierre Le Goff, Alain Geismar, Patrick Rotman ou encore la psychanalyste
Julia Kristeva. Daniel Cohn-Bendit, pourtant le premier à prôner l’oubli de 68, a voulu
néanmoins témoigner : « A partir du moment où Sarkozy dit n’importe quoi, on ne peut pas
déguerpir et lui laisser le terrain. » Comme ce dernier, beaucoup en ont profité pour sortir un
ouvrage en réponse à l’actuel président, tels que Geismar. Ce sont les propos tenus par
l’actuel président qui les ont poussé à défendre ce dont ils ont été les acteurs.
Les paroles du premier homme de France ont donc eu l’effet inverse que celui
recherché. Mais n’est-ce pas là une stratégie visant à profiter à ce dernier ? En effet, on peut
être amené à se poser la question de savoir si tout ceci n’a pas été calculé. On ne parle pas
d’un individu lambda, mais bien d’un ex-candidat à la présidentielle, dont tous les gestes et
les paroles sont calculés. Cependant, nous ne pouvons émettre de jugement compte tenu
qu’aujourd’hui nous ne sommes pas en mesure de vérifier ou non cette hypothèse. Cependant,
nous pouvons affirmer que ces propos avaient un but précis : « instrumentaliser la peur de 68
d’une partie de la droite. Il a compris que pour gagner les élections, il devait viser ceux qui
chez les plus de cinquante ans ont fait la vague bleue de 68 » défend l’ex-leader étudiant.
Sarkozy a bien compris le bénéfique politique qu’il peut en tirer : raviver le ciment anti-68
chez tous ceux qui en ont eu peur à l’époque (les vieux catholiques traditionnels, l’extrême
droite, les gaullistes historiques…) lui permet de gagner contre la gauche. En effet, par ce
calcul, il a su rassembler toutes les voix de droite.
17
Selon Julia Kristeva «la passion guerrière de Sarkozy est si irrépressible que je le
soupçonne de vouloir déclencher un nouveau Mai 68 simplement pour montrer qu'il est plus
apte à le réprimer que de Gaulle ! »
Par ailleurs, il convient de préciser l’interprétation donnée à ces propos. On a pu lire
l’accusation qui veut que Mai 68 soit à l’origine de tous les maux de la France d’aujourd’hui
c’est-à-dire l’individualisme, la société désintégrée, le dysfonctionnement de l’école, la
révolte des banlieues… Selon Jean-Pierre Le Goff , «Le discours de Sarkozy, c'est de la
nostalgie pure. Ça revient à dire que c'était mieux avant. » Il donne donc l’impression que 68
était une erreur.
L’actuel président rêve-t-il donc d’une société des années 1950 ? N’y a-t-il pas une
contradiction entre les années pré soixante-huit et Nicolas Sarkozy ? Le président oublierai-t-
il les valeurs de ce temps ? En effet, ce dernier ne serait pas là où il est, si les événements de
68 n’avaient pas eu lieu. C’est la première fois que nous avons un président deux fois
divorcés, chose qui n’aurait jamais été acceptée en ce temps là. Luc Ferry ajoute qu’il est à
100% un enfant de 68 que ce soit dans sa façon de s’exprimer, mais également dans sa
manière décomplexée d’aborder les questions de sa vie privée. Ce sont des arguments repris à
chaque interview pour délégitimer les propos du président, comme le montre Axelle Labbé
(étudiante) : « Moi je suis très étonnée que Sarkozy veuille liquider Mai 68, car sans 68 cet
homme ne serait pas là où il en est. 68 c’est la rupture majeure du XXe siècle et Sarkozy étant
l’homme dans la jouissance permanente de la vie qui le montre. C’est purement soixante-
huitard et je me demandais si Sarkozy n’était pas en train de faire sauter un autre verrou moral
qui n’avait pas sauté en 68, qui est celui de l’argent, de la puissance de l’argent, de l’étalage
de l’argent. » Sarkozy est donc le fruit de cette révolte, qu’il veut renier. Il se permet
également de lever le tabou de l’argent. Aujourd’hui, il est courant de voir des magazines
qualifier ce dernier de président « bling bling » (adjectif nous venant des Etats-Unis signifiant
l’arboration de la richesse). Daniel Cohn-Bendit confirme les paroles de l’étudiante : « Ce
qui est vraiment incroyable, c’est qu’il nous mettait sur le dos cette immoralité sur l’argent…
Dans l’histoire du capitalisme , on n’affiche pas sa richesse, on a une responsabilité pour la
société. Lui, il est dans le milieu des nouveaux riches qui veulent en permanence afficher leur
richesse et la jouissance de cette richesse. Et là il y a une France qui souffre, qui est malade…
C’est ça le discours de 68 : l’hypocrisie de ceux qui sont au pouvoir. »
De plus, les défenseurs de 68 ne cessent de rappeler les bienfaits de 68 qui ont permis
de moderniser notre pays, que ce soit concernant les droits des femmes et des homosexuels, la
liberté sexuelle, la décrispation des relations hiérarchiques, ou encore l’ouverture à de
18
nouvelles formes de culture. Sarkozy en reniant ce passé se fait donc le défenseur de la
« vieille France », lui qui s’annonçait comme le président du changement.
Par ailleurs, comme le dit Emmanuel Todd, Nicolas Sarkozy n’a connu les événements
de Mai « probablement par oui-dire. » Il continue en affirmant que le président a dû être
traumatisé du récit qui lui a été fait. En effet, il convient de préciser que ce dernier n’avait que
13 ans à l’époque, sa connaissance des faits résulte donc de ce qu’il a pu entendre sur le sujet.
Comment peut-il donc émettre la volonté de liquider ce qu’il n’a pas connu ? Le sociologue
Jean-Pierre Le Goff dénonce, lui aussi, la prétention de Sarkozy « de vouloir à lui tout seul,
tourner la page d’un événement collectif qui n’appartient à personne mais fait partie
intégrante de l’Histoire de France. » En réfléchissant, on est amené à se demander comment
peut-il s’y prendre pour liquider ces événements ? Va-t-il remettre en cause tout l’héritage de
68 ? Cette entreprise apparaît impossible, on peut donc en conclure que ces paroles ne servent
donc à rien. « Liquider 68 ça ne veut rien dire, de toute façon on peut pas le liquider, comme
si on disait « faut liquider la Révolution française » affirme Daniel Cohn-Bendit.
Enfin, nous ne pouvions pas parler des réactions des « intellectuels », sans évoquer
celles des français en général. Nous utiliserons un sondage publié par le Nouvel Observateur
qui reflète de l’avis des français concernant les propos tenus par le président.
8
74
18
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Vous savez que Nicolas Sarkozy avait annoncé lors d e sa campagne présidentielle qu'il voulait "liquide r l'héritage de Mai-68". Diriez-vous que vous êtes…
En % de l'ensemble des Français
Plutôt d'accord, car les conséquences de Mai-68 sont mauvaises concernant l'état d'esprit de la société françaisePlutôt pas d'accord, parce que les reproches que l'on peut faire sur l'état d'esprit de la société française ne sont pas liés à Mai-68Ne se prononce pas
Sources : CSA4
4Tableau publié dans le Nouvel Observateur n° 2264 du 27 mars au 2 avril 2008 (p 16) Dispositif méthodologique : Interrogation de 1000 français âgés de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon sera assurée par la méthode des quotas au regard des critères de sexe, d’âges, de profession du chef de famille après stratification par région et catégorie d’agglomération. Interrogation par téléphone au domicile des personnes interrogées.
19
D’après ce sondage, 74% des personnes interrogées estiment que « la période Mai 68 a eu un
impact positif sur la société. » Cela signifie donc que la grande majorité des personnes
interrogées ne partagent pas l’opinion de Sarkozy. La question de la liquidation n’est donc pas
d’actualité. Les trois quart pensent (toutes catégories sociales confondues) que « les reproches
que l’on peut faire sur l’état d’esprit de la société française ne sont pas liés à Mai 68. » De ce
sondage, on peut donc entrevoir une désillusion à l’égard du chef de l’Etat.
Pour conclure, nous pouvons ajouter que le fait d’évoquer Mai 68 et donc le besoin
d’un retour en arrière du président peut être considéré comme un détournement des problèmes
actuels. En effet, s’entêter à parler du passé est souvent une manière d’éviter des réels
problèmes qui traversent notre société actuelle. Enfin, j’ajouterai simplement le dernier
événement relaté : la rencontre entre Daniel Cohn-Bendit et Nicolas Sarkozy. Dans le cadre
d’un rendez-vous du chef de l'Etat avec les chefs de file des différents partis du Parlement
européen se déroulant à l’Elysée, ces deux personnages se sont rencontrés. L’ancien leader
étudiant avait apporter au président pour l’occasion son livre sur les événements intitulé
« Forget 68 », comportant une attention particulière. Ce dernier a, en effet, dédicacé son
ouvrage avec une petite touche de provocation : « Pour Nicolas. L'imagination au pouvoir,
c'est pour quand? Salut. Dany. » Devant ces quelques mots, le président a, selon Cohn-Bendit,
ri et promis qu’il le lirait. De plus, il semblerait que les deux hommes aient convenu de se
revoir plus tard pour en parler. Daniel Cohn-Bendit a ajouté sur le ton de la plaisanterie :
« Mais il va lire mon bouquin. Il va m'appeler et dire « je me suis trompé. Pardon... Je vais
pas liquider 68. Au contraire. C'est très bien. Ca me permet d'être président. » »
II. 2 Laisser Mai 68 aux années 60
Cette partie consiste à faire un bref récapitulatif des différences qu’il y a entre notre
société française d’aujourd’hui et cette même société 40 ans auparavant. Je tenterai
d’expliquer dans cette partie pourquoi il est important de laisser les événements de 68 dans
leur contexte et de ne pas les ressortir à chaque mouvement de nos contemporains. Cette
partie est donc la continuation des parties précédentes traitant de la référence de 68, mais
aussi de la question d’un probable nouveau printemps de révolte. Cette réflexion résulte
surtout des différents témoignages de Cohn-Bendit qui appelle à oublier Mai 68. Cependant, il
ne faut pas comprendre le terme d’oublier avec celui de liquider, c’est un point qui lui tient à
20
cœur. En effet, ici, nous comprendrons ce terme dans le sens où nous ne devons pas rester figé
sur ce qui s’est produit, mais nous ne devons surtout pas renier notre héritage en le liquidant
du jour au lendemain juste parce qu’un homme politique en a émis le souhait. Pour Cohn-
Bendit « Mai 68, c’est fini ! A jamais enfoui sous les tonnes de pavés historiques », tel est son
état d’esprit pour ce quarantième anniversaire. Comme le fait remarquer François Dubet « la
situation s’est plutôt renversé. Les libertés revendiquées ont été conquises. Les jeunes
d’aujourd’hui ne se réclament plus tellement de Mai 68, ils ne demandent plus la liberté mais
la sécurité ». Il nous montre ainsi que les jeunes ne luttent plus pour les mêmes choses, ils
cherchent davantage à défendre leur avenir qui semblent s’assombrir au fil des années. Nous
sommes dans une nouvelle société avec de nouvelles demandes des étudiants, des ouvriers et
donc de nouvelles revendications. Il est donc impossible de chercher des comparaisons avec
la société d’antan.
Quarante ans après, les protagonistes de Mai 68 s’accordent à dire que l’héritage est
très lointain. « Ce n’est plus la même société ni le même monde, tout a globalement évolué »
explique Serge July, le cofondateur de Libération. Il est donc grand temps de se débarrasser
du passé, car c’est seulement à cette condition qu’on est libre.
Aujourd’hui, il convient de rappeler notre réalité. La précarité et le chômage sont
malheureusement de gros problèmes dans notre société. Lors des mouvements anti-CPE, on a
pu entendre : « Nous en 1968, on avait des rêves…Nous en 1968, on avait d’autres ambitions
que le seul désir d’avoir un logement et de l’argent à la fin du mois… L’important, lorsqu’on
est jeune, ce n’est pas de savoir si notre appartement va faire 10 ou 20 m2 mais de savoir si
on s’épanouit dans la vie, savoir si en regardant dans le rétroviseur on aura remplit tous les
objectifs qu’on s’était fixé. Mais voilà : la jeunesse d’aujourd’hui n’est pas celle de 1968. Ses
conditions de vie ont radicalement changé. Et chercher à donner un sens à la vie est un luxe
que nombre d’entre nous ne peuvent pas se permettre » explique Anna Mélin ( Master 1 de
sciences politiques) dans l’édition de Libération qui a ouvert ses portes aux étudiants le temps
d’un numéro ( 21 mars 2008). De cet article peut ressortir l’idée qu’aujourd’hui suite à la
démocratisation des universités, les étudiants ne sont pas tous issus de la classe bourgeoise, et
donc flâner à ses aspirations est aujourd’hui un luxe que seuls les plus aisés peuvent jouir. Le
discours critique tenu par nos aînés dans ce cas ne peut donc être tenus que par des personnes
ignorants les problèmes actuels des jeunes. Cette étudiante continue son article en abordant le
thème du chômage. En 1968, on ignorait jusqu’à l’existence du mot « chômage », alors
qu’aujourd’hui c’est une préoccupation centrale. Les questions actuelles sont donc : Vais-je
trouver un emploi ? Sera-t-il stable ? Savoir si ce travail sera épanouissant est
malheureusement bien secondaire. L’important est donc d’avoir un métier et non de répondre
21
à ses rêves de carrière. Nous sommes donc aujourd’hui dans une société où les jeunes
évoluent dans une monde de désillusion où tout est bon à prendre. Le contexte n’est donc plus
le même. Les priorités sont donc différentes, tout comme les mentalités. Pourtant l’esprit qui
anime la jeunesse, lui, n’a pas changé. En luttant contre le CPE, les jeunes ont exprimé un
refus de voir leur futur encore plus incertain. Et donc leurs revendications portées par les
jeunes sont en lien avec les préoccupations des salariés, ce qui a manqué en 68. Valérie
Lagrange lors d’une émission sur France 35, explique les raisons pour laquelle elle ne pense
pas qu’une nouvelle révolte soit possible : « Maintenant, personne ne refera la révolte qui
s’est produit en Mai 68 car tout le monde est attaché à son travail. En 68, on trouvait du
boulot comme on voulait ». Aujourd’hui ce n’est plus le cas. La peur du chômage plane sur
nos têtes, alors qu’avant la question du chômage n’existait pas. C’est également cette peur qui
nous pousse vers l’individualisme : chacun veut préserver son travail et donc son confort.
Nous sommes en quelques sorte liés par les mains. Cette idée se retrouve dans tous les forums
qui posent la question de savoir si un nouveau mouvement de la même ampleur est
aujourd’hui possible en France. Sur ces forums, on peut lire par exemple : « La solidarité n’a
pas pu tenir devant tant de pression sociale patronale et du chômage. En 68, le travail se
trouvait très facilement sans diplôme particulier, il y avait de la place pour tout le monde.6 »
D’après ces discours, on peut en déduire qu’il faut laisser ce fameux Mai à l’année 68, et
qu’aujourd’hui seuls les plus rêveurs peuvent croire en un nouveau mouvement comparable.
Une des autres différences notables est qu’en 68, on manifestait pour ne pas entrer
dans la société de consommation de masse, alors qu’aujourd’hui on manifeste pour entrer le
plus vite possible et au mieux dans cette société. Un jeune de 1968 et un autre de 2008 ne
pourrait donc pas coexister, sachant que le dernier revendique ce que l’autre refuse.
Aujourd’hui, on proteste pour augmenter son pouvoir d’achat, augmenter sa retraite, ne pas
voir disparaître des postes (enseignements, en usine lors de délocalisation…). Comme le fait
remarquer Cohn-Bendit « la vie est beaucoup plus difficile que la notre en 68. »
Pour conclure, je reviendrai sur des paroles de Cohn-Bendit qui s’étonne du besoin,
aujourd’hui, de revenir sur 68 pour comprendre la situation actuelle et ce qu’on peut
construire ou proposer comme solution pour un monde qui est plus dangereux. Après ce
perpétuel retour sur les événements, quand avons-nous le temps de parler du futur ?
N’avançons-nous donc pas à reculons dans un avenir qui nous paraît plus sombre que jamais ?
5 « Comment sortir « du blabla » de Mai 68 ? ». Frédéric Taddeï. France 3, diffusé le 9 avril 2008 6 Forum : http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20071109142513AAEsAuJ
22
Se poser les mauvaises questions, peut donc apparaître comme un moyen de se cacher d’un
futur incertain.
II. 3 Cependant, nous nous devons de ne pas renier
l’héritage de Mai 68 :
Même si l’héritage de Mai 68 est rejeté par certains (comme nous avons pu le voir
précédemment), il reste cependant pour d’autres un devoir de reconnaître l’héritage de ces
événements dont nous profitons aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’idéaliser 68, mais plutôt de ne
pas renier ce qui a fait qu’aujourd’hui nous avons plus de libertés que dans les années 50.
Tout d’abord, nous avons retenu de 68 : la lutte et la liberté, ou plutôt la lutte pour la
liberté. Le terme de liberté, ici, n’est pas celle réclamée par la Révolution française, celle-ci
paraît plus superficielle. C’est plutôt une révolte contre l’autorité et non pour prendre le
pouvoir. Nous pouvons donc dire que ce qui reste principalement et que nous devons garder
en mémoire, c’est l’idée qu’un mouvement collectif animé par la solidarité peut changer les
choses. Le mouvement peut également être vu comme un avertissement au politique qui
voudrait abuser de leur pouvoir. En effet, l’ombre de 68 plane dans les esprits des politiques,
comme nous l’a montré la peur de Nicolas Sarkozy.
Il me semble pertinent de parler d’un héritage, compte tenu que nous sommes héritiers
de tout ce qui nous a précédé. Selon Cohn-Bendit, « Mai 68 c’est aussi ce qui nous permet
aujourd’hui d’être là et de nous exprimer. » Il continue en ajoutant que le spectre de Mai 68
« nous transmet un message d’espérance dans la volonté collective et dans l’imagination du
peuple. » Le plus important pour lui est donc la liberté de parole.
Alain Geismar en retiendra surtout « une profonde légitimité des aspirations à la
liberté. La liberté au sens où nos parents ont pu la connaître à la libération de la France.
Sentiment que l’autoritarisme n’était pas quelques chose qu’on devait accepter, vu comme un
élément naturel…Je pense que depuis 68, il ne suffit pas de disposer de galons ou d’étoiles
sur l’épaule, il faut justifier de sa compétence pour être accepté. » Cohn-Bendit , lui voit en
68, le sentiment qu’on peut faire l’histoire. On ne subit pas l’histoire, on peut la faire.
Les Français font un tri dans l’héritage, mais modéré. Ils sont conscients de ce qu’ils
doivent à cet épisode du passé. Un événement désormais installé dans l’histoire de la seconde
moitié du XXe siècle. Selon le CSA, au palmarès des « événements importants », 68 devance
en effet la fin de la guerre froide, la guerre d’Algérie et l’arrivée de la gauche au pouvoir en
1981.
23
Aujourd’hui, il faut surtout retenir des événements un énorme changement dans les
mentalités. En effet, la France d’avant 68 était bien différente de celle que l’on connaît
aujourd’hui. Pour illustrer cette idée, j’ai choisi d’utiliser une des anecdotes de Cohn-Bendit.
« « En 1990-1991, j’étais adjoint au maire de multiculturel de la ville de Francfort. Alors en
charge de l’immigration, j’organise un débat sur l’intégration. A un moment donné, un
conseiller municipal de droite se lève, catholique, croyant, très sympa, et me dit : « Dany, tu
es formidable mais tu ne comprends pas une chose. Le problème ce n’est pas l’immigration.
Le problème, c’est l’islam, parce qu’il ne reconnaît pas l’égalité entre les hommes et les
femmes alors que c’est la base de la démocratie. » A quoi je réponds : « Depuis vingt, vingt-
cinq ans, je me demande ce que 68 a vraiment réussi ; et tu m’as donné la réponse ! » Un
homme profondément catholique, croyant et qui, plus de vingt ans après 1968, me dit que la
base de la liberté et de la démocratie, c’est l’égalité des hommes et des femmes. C’est
fabuleux. Dans les années 1960, ce n’est pas ce que disaient l’Eglise ou les catholiques, ce
n’était pas la réalité de nos sociétés. On a donc gagné ! » On comprend donc de ces propos
que l’héritage n’est pas si clairement identifié, mais qu’il se retrouve dans nos façons de
penser, même si ce n’est pas évident à définir pour ceux qui sont nés après 68. Il prend
également l’exemple de l’homosexualité. Il affirme qu’en 1968 « si vous parliez de
l’homosexualité, les trois quart des français tombaient dans les pommes. » De plus, il
continue en abordant l’indépendance des femmes aujourd’hui, qui en 1965 avaient besoin de
l’autorisation de leur mari pour ouvrir un compte en banque. Aujourd’hui, plus personne
n’arrive à imaginer ce genre de situation. Plus personne ne se souvient combien la jeunesse de
Mai 68 a débloqué la société française.
Axelle Labbé (étudiante) en garde l’égalité dans les droits de la femme, mais met
cependant un trait d’union quant à la pratique. Pour cette dernière, il y a encore beaucoup de
choses à faire. Elle va même jusqu’à accuser Mai 68 de servir d’alibi aux hommes pour se
donner bonne conscience, en se disant que « de toute façon les femmes ont l’égalité dans les
droits.» Cependant dans la pratique, les femmes font toujours une double journée et sont
toujours payées 25% de moins que les hommes. Mai 68 a donc poser les premières pierres
d’un énorme édifice, toujours en construction.
Pour conclure, il convient d’ajouter que nous devons défendre ce morceau d’Histoire
qui a transformé la France. Mai a réussi à libérer l’individu des traditions cadenassées. Il a
donc amené une touche de modernité à cette société. Il ne faut donc pas liquider ces
événements car c’est l’histoire de nos parents, et par ce fait la notre également. Il a également
montré la voie à emprunter concernant les conflits entre les générations. En effet, dans
l’Histoire, aucun événement n’a fait preuve de l’existence d’une résistance des jeunes sur les
24
aînés. Auparavant, on n’a jamais pu observer cette révolte, ce besoin de ne plus être étouffé
par la primauté du patriarche qui détient toutes les réponses et dont il faut suivre l’exemple
aveuglément.
25
Conclusion
Pour conclure, je dirai que la presse a grandement alimentée le débat en revenant
systématiquement sur les propos de l’actuel président. Cependant, ce débat ne date pas
d’aujourd’hui. Ce qui est inédit c’est surtout l’importance que donne un homme politique au
sujet. Le procès de 68 pour laxisme a été ouvert dans les années 80 par Raymond Aron, qui
parla de «révolution nihiliste». La presse se nourrit donc des paroles de Sarkozy pour sortir
encore et toujours des articles sur le sujet. Elle en profite également pour publier des hors-
séries compte tenu de la demande du public. En effet, cet anniversaire est caractérisé par la
demande de commémorer, alors que les autres n’ont pas connus un tel engouement. De plus,
il convient de faire remarquer que le coup d’envoi de la commémoration a été donné avec un
an d’avance, ce qui est spécifique à cet anniversaire. Aujourd’hui, l’emballement médiatique
n’est toujours pas retombé, reste à savoir quand cette commémoration prendra-t-elle fin ?
Par ailleurs, on qualifie souvent le quarantième anniversaire de l’âge de la maturité.
Or, il semblerait, selon Jean-Pierre Le Goff que le mouvement ne soit pas encore entré dans
l’Histoire. En effet, les événements continuent de faire parler d’eux dans le sens où nous ne
sommes pas arrivés à définir ce qu’était Mai 68. On n’arrive toujours pas à qualifier les
événements de positifs ou de négatifs. Or, le fait que ces derniers soient commémorés reflète
donc l’idée que ce mouvement n’a pas été perçu comme traumatisant. On nous pousse, tout de
même à choisir un camp : pro-68 ou anti-68.
De plus, il semblerait que le mythe soit en régression, dans le sens où on cherche à
donner une vision objective des événements. Les auteurs d’ouvrages sur 68 cherchent à se
détacher des différentes interprétations qui flouerai cette objectivité. Il n’est donc plus
question d’aborder les événements avec un vision fantasmée, mais de simplement décrire ce
qui s’est réellement passer en prenant le mouvement dans toute sa complexité. En effet, il
convient de traiter du contexte, mais également des interactions entre tous les mouvements.
Concernant l’hypothèse que la presse soit porteuse d’une méfiance envers la
possibilité d’un nouveau Mai, je pense qu’on ne peut répondre sans différencier les journaux.
En effet, j’ai pu remarquer que les journaux les plus porteurs de cette idée sont bien
évidemment ceux de gauche. Cependant, ils ne poussent pas explicitement à la révolte, chose
qui leur est interdite. Mais je pense que les comparaisons perpétuelles entre les mouvements,
l’incessant rappel des problèmes caractérisant nos sociétés va dans ce sens. Par ailleurs, à la
question « y aura-t-il un nouveau Mai ? », la majorité des intervenants sur le sujet s’accordent
26
à dire que cela n’arrivera pas. On peut donc mettre un bémol à notre analyse. En effet, même
si certains journaux semblent pousser à la révolte, cela n’a pas réellement d’effet. Il n’y a
donc pas lieu de parler de méfiance. A la question « la presse met-elle cette commémoration
en débat ? », je répondrai que non. La presse se sert plutôt du débat pour commémorer. La
question n’est pas de savoir si nous nous devons de commémorer, parce que il semblerait que
nous subissions davantage cet anniversaire. Qui se serait plaint si cet anniversaire avait été
oublié ? On peut dire avec certitude que les anciens de 68 ne seraient pas intervenus. C’est
donc à cause de cette volonté de « liquider 68 » que nous voyons nos journaux publier chaque
semaine de nouveaux articles sur le sujet.
27
Bibliographie
Presse écrite :
CASTELLS, Manuel. « L’esprit de Mai résistera à Sarkozy». Courrier International,
décembre 2007, n° 894-895, p. 45
PORTEVIN, Catherine ; ZARACHOWICZ, Weronika. « Entretien avec Daniel Cohn-
Bendit ». Télérama, mars-avril 2008, n° 3037, p. 15-18
« Daniel Cohn-Bendit l’agitateur ». Direct soir, mars 2008, n° 319, p. 5-6
ETCHEGOIN, Marie-France ; COURAGE, Sylvain. « Les français votent 68 ». Le nouvel
Observateur, mars-avril 2008, n° 2264, p 12-16
« Cohn-Bendit fait le bilan ». Le nouvel Observateur, mars-avril 2008, n° 2264, p. 20-26
MELIN, Anna. « L’impossible parallèle avec Mai 68 » Libération, mars 2008, n°8359, p. 3
Presse en ligne :
ARMANET, François ; ANQUETIL, Gilles. « Que reste-t-il de 68 ? ». Le nouvel Observateur
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toutes les catégories ? ». Forum Yahoo France [en ligne] 2008 [consulté le 5 avril 2008]
Disponible sur World Wide Web :
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2008] Disponible sur World Wide Web :
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