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www.terraeco.net CLIMAT Le lac Tchad s’évapore GOOGLE explose sa facture EDF TEST Une semaine à vélo, sans EPO 43 % des Français sont prêts à ne plus prendre l’avion NICOLAS HULOT Entretien « Nous allons devoir changer radicalement » NOUVEAU Sommes-nous prêts à consommer mieux ?

NOUVEA U Sommes-nous prêts à consommer mieux · terra eco avril 2009 A vons-nous une chance de réparer les dégâts de l’agriculture intensive en consommant un produit bio tous

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www.terraeco.net

Climat Le lac Tchad s’évapore

GooGle explose sa facture EDF

teSt Une semaine à vélo, sans EPO

43 % des Français sontprêts à ne plus prendre l’avion

NiColaS HUlot Entretien

« Nous allons devoir changer radicalement »

NOUVEAU

Sommes-nous prêts à consommer mieux ?

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Avons-nous une chance de réparer les dégâts de l’agriculture intensive en consommant un produit bio tous les trois mois ? Non. Les systèmes de vélos urbains en libre-service suffiront-ils à désengorger nos villes ?

Non. Opter pour une chaudière à condensation est-il à la hauteur de l’enjeu énergétique ? Non. En matière de modes de vie, la vraie question n’est pas de savoir si nous installons une multiprise à interrupteur pour y brancher nos appareils électriques, mais de choisir de quel(s) appareil(s) nous allons nous passer pour soulager notre empreinte écologique.Pour autant, on aurait tort de railler la politique des petits pas, celle des écogestes. Car en prônant leur adoption, dans un effort inédit de rééducation massive – et parfois un peu infantilisante –, on a invité des millions d’individus, empêtrés dans leur surconsommation quotidienne, à franchir collectivement une première étape. Et celle-ci nous a semblé d’autant plus acceptable qu’elle était indolore et sympathique. Voici comment nous nous sommes engagés, guillerets, sur un chemin agréable pour une délicieuse promenade digestive en hommage à Dame Nature.

Mais chemin faisant, nous réalisons que personne ne connaît vraiment la destination de cette balade. Cette dernière prend soudain des allures de randonnée sportive et nous percevons maintenant qu’elle n’autorisera pas de retour en arrière. Tout au bout du chemin, il y a certainement un « mieux vivre ». Mais devant nous, à court terme, il y a surtout un monde chahuté à traverser. Notre « vieux modèle » productiviste et surconsumériste vacille sous nos yeux. Et nous ne sortirons pas de l’ornière à coups de relance par la consommation de biens jetables. Alors, puisque la crise s’est invitée à notre balade, pourquoi ne pas nous extraire de nos schémas du passé en apprenant à consommer – vraiment – différemment et en construisant la voie vers un autre modèle de vie et de richesse.

Contre toute attente, le sondage que nous avons mené avec OpinionWay montre que 92 % des Français sont prêts à consommer moins – et surtout mieux – pour contribuer à la sauvegarde des écosystèmes. Les écogestes ne sauveront certainement pas le monde. Mais ils nous ont déjà amenés à nous poser les questions de fond. — WALTER BOUVAIS, directeur de la publication

l’édito

La vraie nature des écogestes

Une bonne dose d’écologie, une portion d’éco-

nomie, tout cela au service de l’Homme : voilà

la recette du développement durable (« DD »

pour les intimes). Pour en apprécier toutes

les saveurs et pour vous faciliter la lecture

de « Terra eco », nous avons inventé ce petit

baromètre, qui vous annoncera la couleur

pour chaque article : plutôt écologique, plutôt

sociétal, plutôt économique, ou plutôt les

trois.

le baromètre de Terra eco

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� avril 2009 terra eco

sommaire

Directeur de la rédactionDavid Solon

Rédacteurs en chefKaren Bastien (éditions papier)

Julien Kostrèche (éditions électroniques)

Directeur artistique Denis Esnault

Ont participé à ce numéro (en ordre alphabétique inversé)

Emmanuelle Walter, Anne Sengès, Aude Raux, Marjorie Philibert, Laure Noualhat, Karine

Le Loët, Antoine Heulard, Cécile Gregoriades, Arnaud Gonzague, Hélène Duvigneau,

Denis Delbecq, Caroline Coq-Chodorge, Cécile Cazenave, Lucile Brizais, Rafaële Brillaud, Anne Bernard, Simon Barthélémy, Louise Allavoine

Illustrateurs et photographesAimée Thirion, Laurent Taudin, Rocco, Pascal

Perich, Mix et Remix, Ludovic / Rea (Une), Yannick Labrousse, Cédric Faimali, Léa Crespi, Steven Burke, Frédérique Bertrand, Grégoire Bernardi, Kevin Beaurepaire, Vincent Baillais,

Simon Astié, Adrien Albert — VU, Temps Machine, Rue des archives, Reuters, Rea, Picturetank, Œil public, collectif Argos,

agence Idé

RemerciementsMorgane Le Gall et Raphaël Dallaporta

Couverture Emmanuel Pierrot

Secrétariat de rédactionAnne Bernard

Correction Dominique Vincent

Directeur de la publicationWalter Bouvais

Assistante de direction, coordination RSE Elodie Nicou

Responsable des systèmes d’information Gregory Fabre

Directrice commercialeKadija Nemri

Chefs de publicitéDorothée Virot, Nawal Rachadi (stagiaire)

[email protected]

Conseillers abonnementsBaptiste Brelet et Esther Suel

Assistante commerciale, communication Véronique Frappreau

Terra eco est édité par la maisonTerra Economica, SAS au capital de

192 082 euros – RCS Nantes 451 683 718Siège social 42 rue La Tour d’Auvergne,

44 200 Nantes, France tél : + 33 (0) 2 40 47 42 66

courriel : [email protected]

Principaux associésWalter Bouvais (président), Gregory Fabre,

David Solon, Doxa SAS

Cofondateur Mathieu Ollivier

Dépôt légalà parution – Numéro ISSN : 1766-4667 Commission paritaire : 1011 C 84334

Numéro Cnil : 1012873

ImpressionCe magazine est imprimé sur papier

issu de pâte recyclée à 60 % et certifiée FSC à 40 % par Imaye Graphic (Agir Graphic),

bd Henri-Becquerel, B.P. 2159, ZI des Touches, 53 021 Laval Cedex 9

Diffusion NMPP. Contact pour réassort : X-Media Conseil, +33 (0)4 88 15 12 40

AbonnementTerra eco, 42 rue La Tour d’Auvergne

44200 Nantes - France +33 (0)2 40 47 42 66ou www.terraeco.net/abo

ou [email protected] magazine comprend un encart broché « Offre d’abonnement »

de 4 pages entre les pp. 10-11 et 74-75.

10 brèves

12 l’objet du mois : le bouchon de liège

16 le reportage Le lac Tchad touche le fond

22 le marketing expliqué à ma mère Le Chat jette de la poudre verte aux yeux

24 l’enquête Energie : Google et les géants du Net ont le feu aux câbles

30 un monde à +2° Eau : 250 millions d’Africains à sec

31 la chronique de Stéphane Hallegatte « Le climat : une histoire de dés pipés »

32 le portrait Robert Lion, nouveau président de Greenpeace France

36l’économie expliquée à mon père Solidaires et anticrise : les monnaies alternatives

40 en direct de www.terraeco.net

actu

6 le courrier des lecteurs

8 « Terra responsable » : les encres

www.terraeco.net

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terra eco avril 2009 �

en couverture agir

42 dossier

Etes-vous prêtsà consommer mieux ?Acheter bio, équitable, vert… ou moins : il existe différentes manières de vivre responsable.

44 Le tour du monde des Caddies verts

50 Sondage exclusif OpinionWay-Terra eco : 92 % des Français prêts à consommer moins

50 Comment consommer mieux

51 Portrait-robot du Français responsable

52 Acheter oui, mais pourquoi ?

53 On a farfouillé dans votre cabas

54 Entretien avec Nicolas Hulot : « Nous traversons une crise avant tout culturelle »

57 Quiz : quel consommateur êtes-vous ?

58 l’éco-conso

62 l’alimentation Quelqu’un a-t-il vu l’étiquette carbone ?

64 le casse-tête Laver sa voiture avec ou sans eau ?

66 ils changent le monde Self électrise le Sud

70 la mode Sébola, l’éthique en courant72 le zoom Une ville de bêtes

76 j’ai testé… le vélo électrique

78 enrichissez-vous ! Les mangas à la page environnement

82 l’agenda

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6 avril 2009 terra eco

«Il était là, tout chaud sorti de l’imprimerie, posé sur une pile. J’avoue que je l’ai croisé un peu par hasard, ce premier numéro de Terra eco. Et le hasard fait bien les choses. Ce fut une belle rencontre. Je n’irai pas jusqu’à dire que je vous espérais. Mais j’affi rme maintenant que, chaque mois, je vous attendrai avec impatience.» Pauline B., Tours

« Pourquoi faites-vous un bilan CO

2 des présidents

européens sans l’Italie ? »Pour Silvio Berlusconi, le Président du conseil italien, le calcul s’est, hélas, révélé impossible. Le service de presse gouvernemental nous a expliqué qu’il n’était pas en mesure de fournir la liste de tous ses déplacements. Il est néanmoins intéressant de savoir

qu’outre la fl otte d’Etat mise à sa disposition, Silvio Berlusconi possède à titre privé un Gulstream V, un Airbus A319 CJ et 2 Hawker 800 XP. Ce qui laisse augurer une « certaine » consommation de litres de pétrole.Anne Daubrée, journaliste pour « Terra eco »

« Terra eco » fait parler de lui depuis New York…Lu sur Green Inc., un blog de

l’édition électronique du « New

York Times » : « Ce qui est peut-être

plus surprenant dans les résultats

de l’enquête de “ Terra eco ”, c’est

la façon dont certains chefs d’Etat

voyagent plus vert que d’autres.

M.Sarkozy, par exemple, a certes

une empreinte écologique plus faible

que son homologue britannique ou

allemand mais il a parcouru (en 2008)

deux fois plus de kilomètres que

M. Brown et quasiment le double de

Mme Merkel. »

Réponse de « Terra eco » : la taille,

le modèle et l’ancienneté de l’avion

choisi par le chef d’Etat sont en

effet déterminants. C’est là où la

réalité risque de rattraper Nicolas

Sarkozy. L’Elysée vient en effet de se

porter acquéreur d’un Airbus A330.

Si Nicolas Sarkozy avait utilisé cet

appareil en 2008, il aurait décroché

la palme du Président le plus

polluant. Rendez-vous fi n 2009.

… jusqu’au QuébecUne journée après votre lancement

et vous voilà déjà « repris » par le

« New York Times » ! Les astrologues

mettraient certainement ce succès

sur le compte d’un alignement

des étoiles. Trop facile ! Pour

vous lire depuis plusieurs années,

j’expliquerais ce succès par « Enfi n, il

était temps » ! Vous arrivez à marier

l’intelligence et la créativité d’une

façon nouvelle. C’est exactement ce

dont on a besoin.

K., votre fidèle lectrice du Québec

Poursuivezle débat surnos forums.

web

le courrier

Vous voulez réagir,écrivez-nous [email protected]

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terra eco avril 2009 7

« Pourquoi ne pas instaurer le tri sélectif dans les McDo ? »Personnellement, j’ai plutôt envie de me réjouir de voir des marques comme McDonald’s aller sur le terrain des pratiques écologiques. Pour le coup, leurs actions [relatées dans le numéro de « Terra eco » daté de mars], c’est du concret. Alors oui, il y a encore mieux à faire : pourquoi ne pas instaurer le tri sélectif dans les restaurants de la chaîne

de fast-food par exemple ? Pourquoi ne recyclent-ils que les emballages de leur fournisseurs et pas les leurs ? Mais bon, tout ça, c’est mieux que de ne rien faire du tout. Je ne sais pas si les Renault, Total et autres Areva en font autant à leur échelle… Ai-je tort ? Solange Pierrot, Montreuil

« Que faire ? » La vidéo « les Apprentis z’écolos et la banane » est intéressante, mais je ne peux pas, tous les mois, prendre un avion – polluant - pour aller m’approvisionner en Equateur hors du circuit des multinationales, c’est-à-dire en cueillant moi-même ma banane dans le champ d’un petit paysan. Que dois-je faire ? Je lance le débat. Loïc

Persignan, Saumur

Proposer, innover, mais pas rabâcherEst-ce cela le nouveau journalisme :

la reprise d’information disponible ?

Quel est votre positionnement en

dehors d’un marketing bio-écolo

de bon ton ? Vous n’abordez pas

les limites du moteur électrique et

des centrales nucléaires, celles des

agrocarburants, etc. Nous n’avons

pas besoin de Cassandre mais

d’idées, de solutions nouvelles,

de débats sur nos habitudes de

consommation, sur la façon dont

nous pouvons modifi er le futur face

à notre responsabilité écologique. Johann Mathieu, Brest

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� avril 2009 terra eco

Pétrole ou colza ? L’équipe de « Terra eco » a tranché :pour les encres de notre magazine, ce sera pétrole et colza. Explications. Par LA REDACTION

A la poursuite des encres végétales

«Cher Terra eco, qu’y a-t-il donc dans ta couleur ? » Voici la

question que nous posent plu-sieurs lecteurs après l’article paru dans le numéro du mois dernier sur l’écoconception du maga- zine. « Et au fait, pourquoi n’uti-lisez-vous pas d’encres végéta-les ? » Pour répondre, commen-çons par les bases : un Terra eco pèse en moyenne 231 grammes. Pour imprimer cet exemplaire, 9,5 grammes d’encre sont néces-saires. Après les opérations de sé-chage, il n’en reste que 8,8 gram-mes. Jusque-là tout le monde suit ? Bien.

De l’imprimerieaux nappes phréatiquesPrenons tout d’abord la couver-ture du magazine que vous tenez entre les mains, celle du mois d’avril, sur laquelle trône ce ham-burger hors norme. Ce « cahier » de quatre pages est imprimé sur une machine « à feuilles », avec des encres à base d’huile « végé-

« Terra responsable »

tale », terme qui nous transporte vers quelque prairire verdoyante. Et voilà : de végétal à naturel, et de naturel à propre, il n’y a qu’un pas. A vue de nez, ces encres méri-tent donc sans doute le qualifica-tif de « durable ».De fait, en substituant des com-posés végétaux – donc renouve-lables – aux habituels dérivés du pétrole – ressource épuisable par excellence – les encres végétales marquent un point. Sont-elles moins polluantes pour autant ? Tout dépend des conditions dans lesquelles les végétaux en ques-tion – essentiellement le colza en Europe et le soja aux Etats-Unis – sont cultivés. Car leur production peut rejeter des ni-trates, polluer les cours d’eau et nappes phréatiques, contribuer à l’effet de serre. Ces plantes peu-vent, en outre, entrer en concur-rence avec des cultures alimen-taires. Voilà comment, en partant d’innocentes encres de magazine, resurgit le débat « pétrole contre agrocarburants ».

Réagissez et participez à notre projet sur : www.terraeco.net/rse

web

Passons maintenant au « cahier intérieur ». Contrairement à la couverture, celui-ci est imprimé sur des machines rotatives, ali-mentées par des bobines de pa-pier. Et ce sont de bonnes vieilles encres au pétrole qui ont formé les lettres que vous lisez sur cette page et, donc, sur les pages 3 à 82. Hor-reur ! Comment Terra eco peut-il commettre un tel crime de lèse-écologie ? Réponse : les rotatives utilisées pour le papier magazine (« papier couché ») ne peuvent pas – à ce jour – utiliser d’encres à base d’huile végétale. En effet, le temps de séchage de ces encres est trop long, et pas compatible avec le débit de ces rotatives. Pour in-formation, les rotatives qui impri-ment sur papier journal (« papier ouvert ») supportent tout à fait les encres à base d’huile végétale. Il y a donc toutes les chances pour que le quotidien que vous avez acheté ce matin soit imprimé avec des en-cres à base végétale.

Remonter la chaînePour Terra eco, le débat entre les encres n’est pas tranché. Pour avancer concrètement, la seule solution consiste à remonter com-plètement la chaîne de fabrica-tion des encres – quelles qu’elles soient – et à identifier précisément leur composition. Puis à mener des tests avec notre imprimeur. Terra eco s’est donc engagé dans cette démarche. Nous vous narrerons ici-même nos trouvailles. Et nous vous invitons dès maintenant à poser vos questions et à participer à notre aventure, en réagissant sur notre site Internet. —

Le saviez-vous ?Les huiles végétales sont issues d’ester de colza en Europe et d’ester de soja aux Etats-Unis. Les huiles minérales sont des dérivés du pétrole.

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10 avril 2009 terra eco

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« Eté de rage » L’été sera chaud. En Grande-Bretagne, les autorités s’attendent même à des orages. La colère gronde parmi les classes moyennes qui craignent pour leurs jobs et leurs économies. Le commissaire David Hartshorn, qui dirige la branche « ordre public » de la police,

redoute que des individus, peu habitués à battre le pavé, sautent le pas sous la pression de l’angoisse économique. La police se prépare donc à des protestions de masse dirigées contre les banques ou les institutions financières tenues pour responsables de la crise et craint les coalitions avec les militants écologistes notamment. God saves the Queen. LOUISE ALLAVOINE

A la pêche aux éoliennesÇa souffle sur l’Atlantique, la Manche et la Méditerranée ! C’est le constat de Jean-Louis Borloo, qui vient de prier les préfets des régions côtières de penser à leur avenir éolien. En novembre, le ministère de l’Ecologie avait fixé l’objectif de 5 000 à 6 000 mégawatts d’énergie éolienne offshore à l’horizon 2020. Depuis, le Grenelle de la mer a été lancé. Bretagne, Pays de la Loire, Haute-Normandie, Aquitaine et Provence-Alpes-Côte-d’Azur ont jusqu’au 15 septembre pour consulter leurs habitants, associations, industriels, et déterminer dans quelles eaux ils souhaitent poser leurs moulins à vent. C.C.

C2C Un T-shirt qui finit sa vie dans un champ de fraises, sous forme de compost : c’est le genre d’engrais étiqueté C2C pour « cradle-to-

cradle » (« du berceau au berceau »). Ce principe d’écoconception – un objet doit être créé pour servir à en fabriquer d’autres ensuite – est sorti des cerveaux de l’architecte William McDonough et du chimiste Michael Braungart, il y a déjà vingt ans. Il retrouve une seconde jeunesse, sauf que pour réutiliser les matières des objets qui nous entourent à l’infini, il faut d’abord concevoir des produits non toxiques, dont chaque élément pourra être remis en circulation sans danger pour la nature ou les hommes. CECILE CAZENAVE

les brèves

« Ne gâchons pas la crise lorsqu’elle peut avoir un impact très positif sur le changement climatique et la sécurité énergétique. »Hillary Clinton, secrétaire d’Etat américaine, à Bruxelles le 6 mars

12 L’objet du mois Le bouchon de liège

16 Reportage Le lac Tchad touche le fond

22 Marketing Le Chat se fait mousser

24L’enquête Cocotte-minute chez les géants du Net

30 Climat Eau : l’Afrique stresse

31Chronique Stéphane Hallegatte

32Portrait Robert Lion, président de Greenpeace France

38Economie Par ici les monnaies !

40 Interactif En direct de terraeco.net

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terra eco avril 2009 11

Oslo fait rouler ses toilettesDans quelques mois, à chaque fois qu’ils tireront la chasse d’eau, les habitants d’Oslo auront fait rouler un bus. La capitale norvégienne – qui s’est engagée à devenir neutre en carbone d’ici à 2050 – s’apprête à transformer ses excréments humains en biométhane.

Interrogé par The Guardian, le chef du projet, Ole Jakob Johansen, vante leurs vertus écologiques mais aussi économiques : 40 centimes d’euros de moins par rapport à un litre de diesel classique. Les stations d’épurations d’Oslo rejettent chaque année 17 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère. C.C.

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Bête comme chouComment inciter à produire moins de détritus ? Easy. Selon le Réseau britannique d’amélioration des déchets, il suffirait de réduire la taille des poubelles. Il vient de proposer aux conseils municipaux de rétrécir les bacs de 250 à 140 litres, raconte le quotidien The Telegraph. Sachant que les poubelles qui débordent seront refusées, les administrés britanniques devraient jeter moins. Le risque : l’explosion de décharges sauvages dans les champs, dénonce la Campagne pour un recyclage réel.LOUISE ALLAVOINE

C’estlepourcentagedesémissionschinoisesdeCO

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induitesparlafabricationdebiensd’exportationpourl’Occident.L’usinedumonden’estdoncpassisale,selonDieterHelm.Ceprofesseurd’économieàl’universitéd’Oxforddéfendundécomptedesrejetsdegazàeffetdeserreducôtédespaysconsommateursetnondespaysproducteurs.

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AfGHANistAN, MiNE DE KArKAr, MArs 2009Un mineur sort du trou après sa journée de travail. La mine de Karkar, située à 170 km au nord de Kaboul, emploie 280 personnes et produit environ 100 tonnes de charbonpar jour. Aujourd’hui, 75 % du charbon extrait dans le monde est utilisé pour la production d’électricité. (ahmad masood / reuters)

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12 avril 2009 terra eco

Après une longue période creuse, il fait son retour en France. Il a affûté ses armes face au plastique. Argument coup de poing : sa composition vert bouteille.Par Louise ALLAvoine

Sud deS LandeS, en plein mois de juillet. Trois hommes, hache d’écorçage à la main, s’affairent dans les forêts du Marensin. Ce matin-là, le temps est idéal pour la levée du liège : chaud mais pas trop. La couche extérieure de l’écorce du chêne-liège se déta-chera facilement. en vingt minutes, les « leveurs » vous déshabillent un arbre, du tronc à la naissance des branches. Être mis à nu, le chêne s’en fiche royalement : cette couche qu’on lui retire est constituée de cellules mortes et, bien effectuée, l’opération ne l’abîme pas. en quelques années, l’arbre refait peau neuve, plaçant ainsi le liège dans la catégorie des ressources renouvelables. dans les forêts privées du Marensin, les trois ouvriers de la Coopérative agricole et fores-tière d’aquitaine vont récolter,

pour le compte de l’association le Liège gascon, 8 tonnes en une semaine. Les propriétaires des par-celles touchent 9 centimes du kilo. autant dire des clopinettes. Mais la matière est de mauvaise qualité. en fait, en Marensin, les levées réalisées en 2007 étaient les pre-mières depuis un bail. « L’industrie landaise du liège a connu son âge d’or au début du XXe siècle puis a lentement décliné, concurrencée par une main- d’œuvre moins coûteuse à l’étranger, jusqu’à ce que la récolte soit  totalement  abandonnée », déplore Lucie Jenssonnie, chargée de mission pour le Liège gascon.

Quinze ans d’attenteet relancer la production ne se fait pas du jour au lendemain. un chêne-liège dont l’écorce n’a pas été prélevée depuis longtemps s’entoure d’une cuirasse com- si

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Le bouchon de liège

l’objet du mois

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terra eco avril 2009 13

14 milliards de bouchons de liège sont fabriquéspar an dans le monde.

Le bouchon en plastique génère 10 fois plus de CO

2

que son cousin en liège.

La guerre des « capsules » D’un côté, le bouchon de liège. De l’autre, le synthétique et la capsule à vis. Entre les deux camps, les hostilités ont débuté au tournant du siècle. En 2000, les bouchons alternatifs détenaient 3 % du marché français du bouchage de bouteilles. Patiemment, ils ont grappillé du terrain pour atteindre 21 % en 2007. Mais le liège n’a pas dit son dernier mot. En cette période de révolution verte, il possède une arme stratégique dont sont dépourvus ses concurrents : il est écolo. De la forêt à la bouteille, son cycle de vie ne produit que 8 g équivalent CO2, a calculé la Fédération française des syndicats du liège en 2008, alors que le bouchage plastique et l’alu dégageraient respectivement 10 et 25 fois plus de gaz à effet de serre, selon une étude réalisée par le cabinet PricewaterhouseCoopers pour le groupe portugais Amorim. Autre arme fatale : les suberaies représentent un important puits de carbone. Ainsi, la forêt portugaise aurait absorbé à elle seule 4,8 millions de tonnes de CO2 en 2006, d’après les estimations faites pour Amorim, soit les émissions annuelles de 600 000 Français.

pacte, crevassée, sans élasticité. Il faut alors un premier « démas-clage » pour que l’arbre produise ensuite un liège de bonne qualité, intéressant économiquement… dans huit à quinze ans. a l’heure actuelle, ramasser le liège dans le Marensin coûte donc plus qu’il ne rapporte. Mais l’association le Liège gascon, composée de quatre industriels locaux, compte bien revigorer la filière. alors, en attendant de disposer d’une bonne matière première made in Landes, ils en importent une grande partie de l’étranger : essentiellement du Portugal, le premier producteur mondial avec 163 000 tonnes levées en 2007, soit 54,4 % de la production mondiale. Suit l’es-pagne à 26 %. L’algérie, le Maroc, la France, la Tunisie et l’Italie se partagent les miettes.

Paradis pour animaux et végétauxIl n’y a qu’un paradis pour les suberaies, ces forêts de chênes-lièges, c’est le pourtour médi-terranéen. elles se répartissent du sud-ouest de la France au Maroc, en passant par la façade atlantique de la péninsule ibé-rique, soit une surface totale de 2,3 millions d’hectares, selon la Fédération française des syndi-cats du liège (FFSL). aujourd’hui, 40 000 hectares sont certifiés par le Conseil de soutien de la forêt, un organisme international qui garantit une gestion durable de ces espaces. Selon la FFSL, les suberaies méditerranéennes constituent l’un des patrimoines végétaux les plus riches au monde après celui des andes tropicales : elles peuvent abriter jusqu’à 135 espèces végétales et animales pour 1 000 m2. Bien entretenues, elles participent donc à la sauver-garde de cette biodiversité. et leur

exploitation permet de maintenir du travail dans les zones rurales. en europe, la filière liège génère ainsi 28 000 emplois directs et 65 000 indirects, d’après la FFSL. Mais les suberaies sont menacées. « Au sud du pourtour méditerra-néen, on observe déjà un dépérisse-ment. Il n’est pas seulement dû au dérèglement climatique. C’est une conjonction de facteurs : l’abandon de l’exploitation ou un travail méca-nique trop important qui abîme le sol. Cependant, les projections mon-trent que le chêne-liège pourrait se déployer plus au nord », indique daniel Vallauri du WWF. L’OnG de protection de l’environnement a lancé un programme de protec-tion des suberaies en 2004.

Bouilli, étiré, taillé, tubé…Retour dans le sud des Landes, à Soustons. Cette petite ville de

7 400 habitants héberge la der-nière usine française fabriquant des bouchons de a à Z. Sur la façade, l’enseigne est défraîchie : l’entreprise au Liégeur affiche 120 ans au compteur. Passé la grille verte, on débouche sur une cour encombrée de balles de planches de liège brutes. entre la mise à poil de l’arbre au Portugal ou au Maroc et l’entrepôt du liégeur, ces planches prennent un bain à 100° C, puis sèchent durant huit à douze mois. une fois triées selon leur qualité, elles sont replon-gées dans l’eau bouillante. Pour la découpe, le liège doit être mal-léable. dans un nuage de vapeur, deux employés taillent les plan-ches en bandes. Pour obtenir le bouchon 100 % naturel, constitué d’une seule pièce, il faut ensuite « tuber » les bandes en y enfonçant un cylindre. une fois rogné et

La seconde vie d’un bouchon de liège par le WWF :www.wwf.fr(taper « recyclage des bouchons de liège » dans le moteur de recherche).

L’association le Liège gascon : www.leliegegascon.org

La PME Au Liégeur : www.au-liegeur.com

Le groupe Amorim :www.amorimfrance.com

Pour aller

plus loin

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14 avril 2009 terra eco

poli, il est désinfecté à l’eau oxygénée, sans danger pour l’en-vironnement. Puis, si besoin, on l’estampille du nom du château par pyrogravure. enfi n, il est cou-vert d’une pellicule de paraffi ne. Faut que ça glisse dans le goulot.

Le petit Poucet du secteurFabriquer des cylindres dans des bandes rectangulaires implique nécessairement des chutes. et donc du gaspi ? « Absolument pas. Tous les déchets seront broyés et serviront à produire des pièces en liège agglo-méré, comme des plaques isolantes », explique Henri Garcia, directeur de la PMe. ainsi, au Liégeur, les dix employés ne font pas que des bouchons. « Nous fabriquons 8 à 10 millions de pièces par an et  la viticulture concerne à peine 5 % de 

Découpage matinal « Parce que la planète aussi a la peau sensible », Bic lance Ecolutions, un rasoir dont le plastique est fabriqué à partir de maïs, « une ressource renouvelable » insiste la marque. Ce n’est pas tout. Sa couleur vert écolo provient de pigments d’origine végétale et l’emballage est en carton 100 % recyclé. Le hic, c’est que ce Bic est toujours périssable. Pour contrer sa réputation de roi du « tout jetable », le groupe affi che une analyse de cycle de vie à l’avantage de son rasoir en bioplastique : 43 g équivalent CO2 contre 59 g pour son cousin en plastique pétrolé. www.bicecolutions.com

Ecrémage totalQuelle quantité d’eau absorbe un café latte ? Pas moins de 200 litres affi rme le WWF, si on compte la production du café, du lait, du sucre, du gobelet et de l’opercule. Avec sa campagne vidéo diffusée sur Internet, l’ONG écologiste cherche à regarder plus loin que le fond de la tasse. www.worldwildlife.org/ted/lattefl ash.

html (en anglais)

Découchage express Produire du gaz avec des couches sales. Voici la proposition originale faite par la compagnie Knowaste au gouvernement britannique pour se débarrasser de la montagne de déchets générés par bébé : plus de 1 800 couches par tête et par an. Une première usine de biogaz ouvrira à Birmingham, détaille le site d’informations espagnol Soitu. Quatre autres suivront d’ici à 2014.br

èves

nos clients. Le liège peut avoir beau-coup d’applications et notre savoir-faire nous permet de produire tous types de spécialités. » de l’indus-trie des liquides à l’agroalimen-taire en passant par la cosmétique, au Liégeur trouve des solutions à toutes les questions de ferme-ture, d’isolation ou de jointures. Mais dans le monde du liège, cette petite PMe fait fi gure d’exception. aujourd’hui, le marché du bou-chon est occupé par un masto-donte : amorim. Le portugais pro-duit 3 milliards de pièces par an, détient 25 % des parts de marché et génère 270 millions d’euros de chiffre d’affaires. en ouvrant le rosé de l’apéro ou un grand rouge pour le dîner, les probabilités sont donc élevées de tomber sur un bouchon lusitanien. —

“Les apprentis z’écolos” et la bananeDans le nouvel épisode

de notre série animée (en

coproduction avec Télénantes

et Six Monstres), découvrez

comment on la récolte et

comment on la fl ambe.

A visionner sur : www.terraeco.tv

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l’objet du mois

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Un bon débouché Une fois la bouteille bue, que fait-on du bouchon ? Il existe des collectes de bouchons de liège, souvent organisées par des associations, comme l’Opération tire-bouchon. Récupérés dans divers points, les bouchons sont revendus par le collectif à un liégeur. « Broyés, les granulés serviront à faire des plaques d’isolation, des balles de baby-foot… », décrit Jean-Charles Lassalle, de l’Opération tire-bouchon. L’argent de la vente va à des actions humanitaires. Tout est bon dans le bouchon ! L’opération en a récolté 45 tonnes en 2008. Et il y a de quoi faire : 3 milliards de bouteilles sont débouchées chaque année en France.

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Terra eco - 42 rue La Tour d’Auvergne - 44200 Nantes / 02 40 47 42 66 / [email protected]

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le reportage

Ici, patiemment, les hommes récupèrent le fer des carcasses de bateaux rouillés, vestiges d’un passé pluvieux. En quarante ans, la quatrième plus grande réserve d’eau douce du continent

africain est passée de 25 000 à 2 500 km2. Hier à cheval sur quatre Etats, le lac Tchad ne baigne plus que les frontières du Tchad et du Cameroun, privant le Nigeria et le Niger de leur accès à l’eau. « Avant, se souvient Didina Diathé, un pêcheur tchadien, quand nous allions vendre notre poisson au Niger, nos piro-gues débarquaient leurs cargaisons sur les côtes de ce pays. Désormais, comme il n’y a plus d’eau, ce sont les camions qui viennent à notre rencontre. » Puisque les

hommes n’ont pas de prise sur la pluie, ils partent en quête d’un ciel chargé de nuages. En vain. Selon l’Unesco, « de nombreux facteurs menacent l’in-tégrité du lac Tchad : les changements climatiques qui se traduisent par une plus faible pluviométrie, l’éva-poration due aux températures élevées et la succession de périodes de très forte sécheresse. Cet assèchement progressif est l’exemple le plus spectaculaire des consé-quences des modifications du climat en Afrique tropi-cale ». Et les victimes sont multiples, comme l’observe Jacques Lemoalle, de l’Institut de recherche pour le développement et spécialiste du lac Tchad : « Dans cette région, les pêcheurs, les éleveurs, mais aussi ceux qui viennent cultiver dans les fonds du lac, sont des réfugiés climatiques. »

« C’est Dieu qui a créé le lac » Muni de sa machette, Moussa Gao, un pêcheur nigé-rien, assène un coup fatal à une carpe frémissante et ruisselante. Puis il la transperce d’un bâton de bois et la dépose sur une bâche pour qu’elle sèche. Autour, l’air est brûlant. Des petites taches brunes parsèment son visage et ses mains dont la peau a fini par prendre le même aspect desséché que ses poissons. « La vie est dure ici et pourtant, je ne dois pas me laisser abattre, lâche-t-il, comme s’il cherchait à se convaincre. C’est Dieu qui a créé le lac et il ne faut jamais se décourager face à une création de Dieu. » Ne pas se décourager. Même si la vie devient survie. « J’ai quitté le Niger il y a seize ans. J’étais éleveur. Il n’y avait plus assez d’eau dans le lac pour faire pousser du fourrage sur la rive et nourrir les bêtes. Je suis donc venu m’installer sur l’île de Blarigui dans les eaux tchadiennes. J’y ai appris le métier de pêcheur sur le tas. 

SÉRIE. Ils vivent déjà le changement climatique

Le lac Tchad touche le fondEn quarante ans, la vaste réserve d’eau douce du Sahel a perdu 90 % de sa surface. Ce qu’il en reste se transforme en marécages. Résultat : les poissons se font rares, l’eau est imbuvable et les pêcheurs raccrochent les filets pour les plants de manioc et de patates.Par Aude RAux et cedRic fAimAli (Photo), du collectif ARgos

A Le secteur de la pêche fait vivre 300 000 personnes  autour du lac Tchad.

a L’assèchement progressif a réduit le lac de 25 000 à seulement 2 500 km2. 

Région de Bol (tchad), envoyée spéciale

16 avril 2009 terra eco

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Mais depuis quelques années, je trouve beaucoup moins de poissons dans mes nasses. A 60 ans, je pense finalement repartir dans mon pays, où j’ai laissé ma femme et mes cinq enfants. »

Des îles de papyrus et de roseauxAllongé à l’ombre sur sa natte colorée, au seuil de l’unique maison de l’île bâtie en dur, Al Hadjil Kanë, le chef de village, égrène ses souhaits au même rythme que les grains de son chapelet, qu’il tient bien serré dans sa main calleuse : « Nous manquons de tout à Blarigui. J’ai besoin de puits pour que les 500 habi-tants puissent boire de l’eau propre, d’un dispensaire et d’une école. » Assis à ses côtés, Babanguida Chari, le représentant du Mouvement patriotique du salut, le parti d’Idriss Deby, le chef de l’Etat, s’en remet à « l’homme blanc » : « Après Dieu qui a tous les pou-voirs, c’est au “ nassara ” d’intervenir. Comme ça, l’eau reviendra. » Mais ces dernières décennies, ce sont surtout les plaies qui se sont manifestées dans cette zone du Sahel. Le fleuve Chari, qui assure 90 % de l’alimentation du lac, y déverse un volume deux fois moins important que dans les années 1960. Deux sécheresses, en 1972 et en 1984, ont durement frappé la région. Parallèlement, le bref retour des pluies à la fin des années 1980 a trans-formé le lac en une vaste zone marécageuse, l’eau ayant permis aux graines de germer. Conséquence : des îles de papyrus et de roseaux ont éclos un peu partout. Samuel Ngargoto, un pêcheur de 35 ans, en appelle, lui, au ciel : « Il faut que Dieu fasse un miracle parce que 

vivre sur ce lac, c’est trop de souffrance. Non seulement les poissons sont plus petits, mais ils sont aussi moins nombreux. Comme le lac se transforme en marécage, le capitaine, un poisson noble qui se vend cher au marché, devient très rare. On n’arrive pas à compenser cette perte avec les autres espèces, comme les carpes ou les poissons-chats qui, eux, ont réussi à s’adapter, mais qui ne valent pas grand-chose. »Quand il part relever ses nasses, Samuel se munit d’un long bâton pour se frayer un chemin entre les roseaux, les papyrus et les lagunes végétales qui prolifèrent. Souvent, l’homme doit descendre pour pousser sa pirogue envasée. Depuis le rivage, on l’aperçoit tel un mirage : même à des kilomètres du bord, il a toujours pied. A l’évaporation de l’eau, en moyenne 2,10 m par an, et à la diminution de la pluie, moitié moins

le reportage

L’évolution  du lac Tchad depuis 1963 grâce à des cartes de la Nasa : www.nasa.gov (Taper « Chad : a shadow of a lake » dans le moteur de recherche)

Pour aller

plus loin

Un demi-hectarepar familleVingt-deux millions de personnes vivent dans le bassin du lac et environ 300 000 habitants des quatre pays riverains tirent, directement ou indirectement, leurs revenus de la pêche. Pour les aider, le gouvernement tchadien a, au lendemain de la première grande sécheresse, en 1972, créé une structure d’Etat chargée de l’aménagement du lac : la Sodelac. Le siège est situé à Bol, le plus important village des rives tchadiennes. Depuis N’Djamena, la capitale, on y accède après un périple d’une journée de pirogue ou huit heures de piste sableuse creusée de nids-de-poule. La principale réalisation de la Sodelac fut l’agencement d’un polder d’une surface de plus de1 800 hectares. « Ces terres sont très fertiles parce que riches en matières organiques », précise Djerakoubou Dando, chargé de la mise en valeur de ce projet. Chaque famille a reçu la moitié d’un hectare. En échange d’une partie de leur récolte, elles peuvent y réaliser de la culture de décrue. Sur cette terre gagnée poussent désormais du manioc, des patates douces, des carottes ainsi que des choux.

18 avril 2009 terra eco

 L’île de Blarigui, dans la partie nord du lac, s’anime les jours de marché.

a Dans les eaux troubles et peu profondes, les hommes pêchent surtout des poissons petits et communs qui se vendent à bas prix sur les marchés. 

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abondante qu’avant 1970, s’ajoute une autre cala-mité : celle de l’état trouble de l’eau dû à son très bas niveau. « Dans les années 1960, le lac était profond de 6 m en moyenne. L’eau était claire. Aujourd’hui, la mousson est plus faible. Elle arrive de plus en plus tard, en juin. Du coup, la hauteur n’atteint plus, par endroits, que 1,50 m. Et la vase la rend impropre à la consomma-tion », témoigne ainsi Koundja Mbatha, topographe à la Commission du bassin du lac Tchad.

Un mélange âcre, rance et fermentéEn « attendant » que l’eau revienne, les familles des pêcheurs remplissent leurs jarres dans le lac et boi-vent ce liquide qui les « diarrhe ». Les mamans accro-chent des gris-gris autour du cou de leurs petits pour chasser les maladies infantiles, rougeole et varicelle. Et à partir de 5 ans, les garçons partent avec leurs pères sur de longues pirogues aux peintures écaillées afin de pêcher puis de vendre leur maigre butin au marché du dimanche. La veille, des grappes d’hommes ont débarqué par centaines sur l’île. Les liasses de nairas, la monnaie du Nigeria utilisée partout sur le lac, gon-flent alors leurs poches élimées. Certains font une halte dans la gargote de Zara Mahamat. Au menu : du poisson accompagné de riz ou de légumes cuits dans de grosses marmites en fonte, au-dessus des-quelles volent les mouches. « Quand je suis arrivée sur l’île il y a quatre ans, se rappelle-t-elle, je me suis installée juste au bord du lac. On mangeait presque les pieds dans l’eau. Et regardez maintenant, il s’est 

retiré à plus de 100 m ». Quand la nuit tombe, après quelques minutes de noir profond, les générateurs se mettent en route, peuplant le silence de leurs bruits mécaniques. Des lampes torches s’allument. Des feux crépitent. Des musiciens chauffés par l’alcool de maïs frappent sur les percussions. Des pêcheurs dansent et « ambiancent ». Au petit matin, sous des abris provisoires de paille, à côté des pyramides de savon, de piles et de sel, s’entassent des sacs de carpes, de poissons-chats, de silures et de sardines frais, séchés ou fumés. Pêchés de façon artisanale, le plus souvent avec des barrages de nasses ou des filets. De ces étals émane une odeur âcre, rance et fermentée à laquelle se mêlent celles de l’eau putride du lac et des troupeaux de chèvres efflanquées. Pour les riverains du lac victimes de la faim, l’es-poir pourrait venir de la spiruline, algue bleue-verte qui doit son nom à sa forme de spirale. Consommée depuis des siècles par les Kanembous, une ethnie de la zone, c’est un remède efficace contre la malnutrition et les carences alimentaires grâce à son exceptionnelle teneur en protéines : celles-ci représentent plus de la moitié de son poids. Elle est riche aussi en bêtacaro-tène, fer, calcium ou encore magnésium. Et surtout, c’est l’une des rares espèces à vivre dans des eaux chaudes, peu profondes et saumâtres… comme celles du lac Tchad aujourd’hui. —www.collectifargos.com

Le mois prochain : Le Népal perd ses glaces

le reportage

20 avril 2009 terra eco

 Des riverains  se lancent dans  la culture de  terres fertiles libérées par le retrait de l’eau.

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22 avril 2009 terra eco

Planète bleue, feuille verte, slogan direct… La nouvelle pub du lessivier arbore bien des vertus écolos. Mais aucun label indépendant ne les cautionne. Par EMMANUELLE WALTER

voulions asseoir très rapidement la notoriété de notre nouvelle gamme de lessive en ciblant les “ bioci-toyennes ”, surreprésentées dans les grandes villes. » Douze mille affi -ches ont ainsi été placardées dans les villes de plus de 50 000 habitants. Et les réclames – « aux messages humbles et modestes », poursuit Yvan Bonneton – se sont incrus-tées dans les magazines féminins, santé et senior, soit une diffusion à 17 millions d’exemplaires depuis

le marketing expliqué à ma mère

Le Chat jette de la poudreverte aux yeux

E n 1989, Le Chat mettait en rayons la première lessive sans phosphates à grands renforts de prairie

fl eurie et de chants d’oiseaux. Vingt ans plus tard, le matou affi che son nouveau produit vert : Le Chat Eco Effi cacité.

La stratégieYvan Bonneton, directeur marke-ting de Le Chat, est fi er : « Notre campagne a été très puissante. Nous

mi-janvier. Le Chat veut ainsi se distinguer de la concurrence verte. Et pour affi rmer sa supériorité, la marque affi che un test compa-ratif… fait maison.

Cas d’écoleLes deux fl acons proposés sont fl anqués d’une planète bleue, d’une feuille verte et d’une étiquette sty-lisée détaillant les caractéristiques de cette « lessive écologique ». Elle stipule : « 100 % de tensio-actifs d’origine végétale, 100 % de tensio-actifs biodégradables, effi cacité en eau froide ». Mais il manque un petit quelque chose : un label indépendant. Un vrai. Le seul

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terra eco avril 2009 23

mente Yvan Bonneton. Nous, nous recommandons 120 ml par lessive, au lieu de 80 ou 100 ml. » Mais du côté du label européen, l’ingénieur chargé des lessives s’étonne : 120 ml, cela reste négo-ciable. Tout se passe comme si Le Chat, se montrant plus royaliste que le roi, avait sciemment snobé l’homologation de l’UE.Venons-en enfin à l’origine des tensio-actifs du détergent, pour l’essentiel composés d’huile de palmiste, le noyau du fruit du pal-mier à huile. Les plantations de ce type sont au cœur d’un désastre environnemental et social en Indonésie. Des multinationales de l’agroalimentaire et des lessiviers (dont Henkel), très consomma-teurs d’huile de palme, se rachètent depuis 2004 via la Table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO). Ils s’engagent notamment à ne plus abattre la forêt vierge. Mais chez Le Chat, on reconnaît ignorer la proportion d’huile de pal-miste produite « durablement », « eu égard aux différentes sources de production, en Indonésie et en Malaisie ».

Le verdictLe Chat marque un point lorsqu’il insiste sur la nécessité de laver à 20 ou 30 degrés. Mais se déclarer « lessive écologique » sans écolabel indépendant pour le garantir est problématique. Quant aux enga-gements de la Table ronde, ils restent en deçà de l’ampleur du cataclysme écologique indonésien. Peut donc mieux faire. —(1) www.sustainable-cleaning.com

Bataille de rotsLes vaches ne regardent pas seulement passer les trains. Elles rotent. Et le méthane ainsi émis réchauffe la planète. Chez McKey Food, fournisseur de steaks hachés surgelés pour McDonald’s, 90 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des vents en question. Enervant. McKey a donc sollicité l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) pour étudier l’influence de différents types d’alimentation sur les rejets d’un troupeau de taurillons charolais. Réponse dans deux ans.

Peintures de rêves « Fjords scandinaves », « terres d’Australie » et « savane africaine »… Ce sont les noms des « collections » de bidons de peinture Bondex (15 coloris) estampillés Ushuaïa, déjà pourvoyeur de gels douche et autres cosmétiques. Leur formule – huile de tournesol, chanvre, craie… – a décroché l’écolabel européen.

Iaca s’y mettre Cosmétiques, hamacs, masques de plongée ou panneaux solaires pliables… Les fournisseurs de Nature & Découvertes vont devoir montrer patte blanche, de la conception à la recyclabilité, en passant par les aspects sociaux et équitables. Désormais, ils devront répondre au questionnaire « Iaca » pour « outil d’Information pour l’amélioration continue des articles ». Objectif ? Rendre les produits plus écolos encore, avant 2011, année de l’étiquetage environnemental obligatoire. br

èves

Avis de l’expert : 1,1 / 5C’est la note attribuée à Le Chat par l’Observatoire indépendant de la publicité, lancé le 3 février par le regroupement d’ONG l’Alliance pour la planète. Ses membres ont passé l’affiche au crible, s’appuyant sur les règles de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité. L’absence de label et les symboles ambigus – feuille verte, planète bleue – sont pointés du doigt. Consultés, les internautes ont été encore plus sévères : 0,6 / 5 ! observatoiredelapublicite.fr

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indiqué sur le bidon, sous le nom de « Sustainable Cleaning » (1), est privé. Il est attribué par l’Asso-ciation internationale de la savon-nerie, de la détergence et des pro-duits d’entretien en Europe (Aise). Contrairement aux concurrents verts (L’Arbre Vert, Rainett, Agir Carrefour…), point de label éco-logique de l’Union européenne ni de marque NF environnement. « Nous appelons cela de l’auto-déclaration. Il n’existe aucune certitude sur la nature écologique du produit », commente Gaëlle Bouttier-Guérive, du WWF, ONG pourtant partenaire en Allemagne de Henkel, la maison-mère de Le Chat.Et pourquoi donc Le Chat n’a-t-il pas posé sa candidature auprès de l’écolabel européen ? Le processus de fabrication semble pourtant respectueux de l’environnement, la biodégradabilité indiquée sur le flacon conforme aux exi-gences – à 100 %, même en l’ab-sence d’air –, les tensio-actifs à 100 % d’origine végétale. Quant aux phosphonates, ces adoucis-seurs anticalcaires qui malmè-nent la biodiversité des cours d’eau, ils seraient présents en très faible proportion, jure-t-on chez Henkel. Allons bon, qu’est-ce qui cloche ? Réponse : la quantité de produit requise. « L’écolabel exige des niveaux de dosage très faibles qui, selon nous, ne permettent pas de garantir un niveau d’efficacité suffisant. Sauf à augmenter les tem-pératures de lavage ou les durées de cycles, ce qui est plus néfaste en matière d’environnement, argu-

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Les géants du Net ont le feu aux câbles

24 avril 2009 terra eco

l’enquête

Faudra-t-il freiner Internet pour lutter contre le réchauffement de la pla-nète ? Si la question était

saugrenue il y a quelques années, elle se pose désormais de façon brûlante. L’ensemble des ser-veurs informatiques de la planète, qui stockent et fournissent à la demande les documents d’In-ternet et des entreprises, rejettent déjà autant de gaz à effet de serre que la moitié de l’aviation mon-diale en un an, autant qu’un pays comme l’Argentine. Si l’on ajoute nos ordinateurs, nos téléphones et les infrastructures qui vont avec, le pouvoir de nuisance climatique des avions est dépassé.

Pas du pipeauChez les mastodontes d’Internet comme chez les gros utilisateurs, c’est le branle-bas de combat même si l’on rechigne à évoquer ce sujet tabou. Parce que sur Internet, le vainqueur sera sans doute celui qui dépensera le moins en énergie. La motivation est parfois environ-

Alerte chez les mastodontes du Web : leurs serveurs dévorent des watts. Leurs émissions de gaz à effet de serre s’envolent. Et leur facture électrique explose. Un petit régime s’impose. Par DENIS DELBECQ

nementale. Mais ce qui inquiète surtout les entreprises, c’est que leur facture électrique grimpe à vue d’œil. Selon Subodh Bapat, un haut responsable du fabricant de serveurs Sun Microsystems, elle devrait être multipliée par 13 entre 2005 et 2012 ! Et ce n’est pas du pipeau d’analyste : selon l’électri-cien PG&E qui alimente la Silicon Valley américaine, les centres de serveurs de la région avaient besoin de 50 à 75 MW de puis-sance en décembre 2006, notam-ment pour faire fonctionner des sites comme Google, Yahoo, You Tube et leurs concurrents. Dix-huit mois plus tard, la demande a dépassé 400 MW.

Des montagnes d’étudesEt qui dit explosion de la consom-mation d’énergie, dit envol des émissions de gaz à effet de serre. Celles du secteur devraient doubler tous les cinq ans. Sans compter toutes celles provoquées par l’inquiétude des entreprises et des gouvernements : des cen-

taines d’études ont été publiées l’an dernier sur cette question aux Etats-Unis ! A y regarder de près, c’est le fonctionnement même des centres de serveurs – aussi appelés « fermes de calcul » – qui constitue un gouffre énergétique. Les mil-liers de machines, parfois dizaines de milliers, qui y sont entassées, créent des ambiances caniculaires qu’il faut climatiser pour éviter les pannes. Car la nature est ainsi faite que l’électricité consommée dans les puces informatiques, les disques de stockage et les infras-tructures de réseau se transforme en chaleur. Sans compter toutes les installations annexes chargées de sécuriser la qualité du cou-rant (onduleurs, groupes électro-gènes…). L’addition est impla-cable : en moyenne, pour 1 kWh utile dépensé dans un serveur, il faut en brûler un deuxième pour la climatisation et un troisième pour garantir que le courant ne soit pas interrompu.

Ruée sur les vidéos « pipole »Face à ce constat, les entreprises cherchent d’abord à optimiser le fonctionnement des ordinateurs-serveurs. Aujourd’hui, un tiers d’entre eux sont allumés mais jamais utilisés. Des dizaines de sociétés de la planète – fabriquants d’ordinateurs, de puces électroni-ques ou gros utilisateurs du Net – se sont ainsi regroupées au sein du Climate Savers Computing pour trouver des solutions communes (lire aussi page 28).Mais pendant que les industriels imaginent des ordinateurs et des serveurs moins voraces, les utili-sateurs, eux, se ruent sur les nou-veaux usages d’Internet. Entre lire un texte et mater la dernière vidéo « pipole », il y a un gouffre énergétique dont personne n’a conscience. In fine, la facture énergétique se déplace donc des fournisseurs vers les internautes. Elle n’est, dans tous les cas, pas près de baisser. —

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26 avril 2009 terra eco

Comme tous les acteurs d’Internet, Google prend très au sérieux sa consommation d’énergie. L’entreprise multiplie les ini-tiatives, souvent en toute discrétion. Erik

Teetzel, responsable des programmes techniques, a accepté de répondre aux questions de Terra eco. L’énergie est-elle une priorité pour les entreprises des technologies de l’information ?Erik Teetzel : Comme n’importe quelle entreprise, nous sommes directement liés au réseau de distribution existant et nous avons besoin de sources d’énergie propres et compétitives face aux énergies fossiles dont nous dépendons aujourd’hui. Nous avons fait de gros progrès pour rendre nos centres de serveurs plus efficaces sur le plan énergétique, mais nous cherchons aussi à nous procurer de l’électricité plus propre et moins chère. En novembre 2007, nous nous sommes lancés un défi : produire 1 000 mégawatts à un prix de revient inférieur à celui des centrales à charbon. Notre fondation Google.org a investi 45 millions de dollars (36 millions d’euros) pour développer ces technologies ultra-innovantes (lire ci-contre).

Quand Google a démarré son activité il y a dix ans, pouviez-vous imaginer que l’énergie deviendrait un sujet aussi prioritaire?E. T. : Nous avons commencé à optimiser l’efficacité énergétique de nos serveurs, il y a déjà dix ans. Puis nous avons construit des centres informatiques aussi durables que possible sur le plan environnemental. Agir « durable » est bon

Nouvelles énergies, climatisation… Erik Teetzel, l’un des responsables du premier moteur de recherche Internet, détaille la politique énergétique du groupe.Recueilli par DENIS DELBECQ

pour l’environnement mais aussi pour l’activité de l’entreprise.

La miniaturisation des puces électroniques est moins rapide que par le passé. Or, son principal effet était de réduire l’énergie consommée. Comment améliorer toujours plus l’efficacité des serveurs ?

Google se prend pour une centrale à charbon

l’enquête

Un futur géant vert ?Depuis janvier 2008, Google.org s’est lancé dans 5 travaux herculéens : prévenir les événements écologiques et sociaux avant qu’ils ne se transforment en désastre sur l’Asie du Sud Est et l’Afrique tropicale ; améliorer les services destinés aux plus démunis en Inde et en Afrique orientale ; stimuler la croissance des PME ; développer une énergie renouvelable moins chère que le charbon ; et enfin, accélérer la commercialisation des véhicules électriques.

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Comment faire baisser la note ?Les initiatives pour réduire la facture de climatisation fusent dans tous les sens. Notamment celle de containers remplis de centaines d’ordinateurs, qui seraient empilés et connectés ensemble. Reste à trouver le lieu idéal pour les installer. Des fermes de calcul sous terre. Pourquoi ne pas installer les serveurs dans des caves souterraines, plus fraîches ? C’est ce qu’a fait Strataspace, avec un centre enfoui à 18 mètres de profondeur près de Louisville, dans le Kentucky. Sun Microsystems va faire de même dans une ancienne mine de charbon japonaise, où règne une température de 15° C. Autre avantage, ce genre d’endroit constitue une protection contre d’éventuelles attaques terroristes. Des ordinateurs sur l’eau. Google a déposé un brevet de « bateaux-serveurs » afin de profiter de l’eau de mer comme réfrigérant naturel et gratuit, et de la force des vagues pour produire l’électricité. Une autre société, IDS, espère équiper une flotille de navires désarmés. Pourquoi pas le Clemenceau ? Des serveurs dans la neige. Certains pays, comme l’Islande, n’hésitent pas à vanter leur bon air pour attirer les entreprises informatiques. Sans grand succès. Certes, la fraîcheur du climat permettrait de climatiser les serveurs sans bourse délier. Des rumeurs prêtent même à Google l’intention de s’établir dans le pays. Mais rien n’est moins sûr : car l’Islande est une zone volcanique et mal desservie par la fibre optique. Le Groenland, la Sibérie et l’Alaska offrent des atouts climatiques, mais sont très isolés aussi.E. T. : Nous avons pris plusieurs mesures. Tout

d’abord, nous gérons au mieux les flux d’air. Nous avons réduit les zones où de l’air chaud et de l’air froid se mélangent et éliminé les points chauds. Ensuite, nous avons agi sur le thermostat. En acceptant une température plus élevée dans les salles informatiques, on réduit en effet le besoin de climatisation : nous visons 27° C plutôt que 21° C. Troisième point important : nous cherchons à utiliser de la climatisation gratuite. Nous avons beaucoup gagné en utilisant de simples échangeurs à air ou à eau partout où c’était possible.

Pour chaque kilowattheure dépensé dans un serveur, un autre est dépensé pour le refroidir.Est-ce viable ?E. T. : Chez nous, la climatisation représente l’équivalent de 20 % de la consommation des serveurs eux-mêmes. Ce qui veut dire que nous avons divisé par quatre ce gaspillage. er

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Au Googleplex, siège du groupeà Mountain Viewen Californie.

De nombreux fonds d’investissement de la Silicon Valley se tournent vers l’énergie. Est-ce une mode ?E. T. : Si tout le monde continue de fonctionner à l’identique, nous ne pourrons pas fournir l’énergie propre, renouvelable et à bas prix nécessaire pour éviter le changement climatique dévastateur. Il faudra beaucoup d’investissements et d’actionnaires pour être en mesure de déployer des technologies très innovantes à grande échelle. Si l’on se réfère aux brevets que vous avez déposés, verrons-nous un jour des serveurs de Google flotter dans la baie de San Francisco ?E. T. : Nous ne commentons pas nos futurs plans opérationnels. —

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28 avril 2009 terra eco

Combien dépensons-nous d’énergie à chaque ques-tion que nous posons sur le moteur de recherche

Google ? La polémique a éclaté en janvier après la publication d’un article dans le Times. Le quotidien britannique prétendait citer les calculs d’un universitaire améri-cain, Alex Wissner-Gross, qui a démenti depuis. Selon ce journal, chaque requête sur Google rejette en moyenne 7 grammes de gaz carbonique dans l’atmosphère, soit la moitié de ce que l’on émet, par exemple, pour chauffer l’eau d’une tasse de thé.L’entreprise a répondu avec force sur son blog. Elle rejette ces chif-

fres et avance, elle, une valeur de 0,2 gramme de CO

2 par interro-

gation, soit 35 fois moins. Qui a raison, qui a tort ? Nous avons sorti la calculette à gaz carbonique pour tenter d’éclaircir le mystère. Suivez le guide.

Une tasse de thé par rechercheUne estimation raisonnable de l’infrastructure de Google crédite l’entreprise d’un million de ser-veurs dans le monde. A 200 watts par machine (en comptant les deux processeurs, la mémoire et les disques de stockage), on arrive à une consommation annuelle de 1 750 GWh. Si l’on prend une intensité d’émission de CO

2 de 0,7 gramme par wat-

theure d’électricité consommée – le ratio des Etats-Unis, qui est dans la moyenne mondiale, et qui est celui utilisé par Google pour ses calculs –, et si l’on fonde notre raisonnement sur un trafic de 200 milliards de visites par an (1), nous obtenons 6 grammes de gaz carbonique par recherche sur Google. Une valeur assez proche de ce qu’affirme le Times. Sans compter que ce calcul laisse de côté la dépense d’énergie pour climatiser les centres de serveurs, qui ajoute 20 % de plus à la fac-ture climatique du mastodonte (lire page 26).Mais ne tirons pas sur le pianiste. Car chez les internautes, un ordina-teur bien équipé (grand écran, etc.) affiche une puissance de 300 watts. Pour une visite d’une minute, il émet 7 grammes de gaz carbo-nique, presque autant que chez Google. Au final, à 13 grammes (6 pour Google, 7 pour l’inter-naute), la visite représente les rejets d’une tasse de thé, mais les torts sont à moitié partagés ! —(1) Calculé à partir de l’audience donnée, pour 2007, par la société d’études comScore.

Polémique : un moteur à 7 grammes de CO

2 ?

Faire une requête sur un moteur de recherche rejette du gaz carbonique. Combien ? La question divise. Pour trancher, « Terra eco » a dégainé sa calculette. Par DENIS DELBECQ

l’enquête

Les « économiseurs de climat »La quasi-totalité des grands constructeurs informatiques ont rejoint le groupement Climate Savers Computing, fondé en 2007 par Intel et Google avec le soutien du WWF. Objectif : éviter, d’ici à 2010, le rejet de 10 millions de tonnes de CO2, l’équivalent de ce qu’émettent 11 millions de voitures en une année. Comment ? En divisant par deux la consommation d’énergie des matériels informatiques personnels et professionnels. De son côté, Apple préfère travailler en solo à l’amélioration de ses produits. www.climatesaverscomputing.org

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Dans un cybercaféà Shanghai.

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30 avril 2009 terra eco

un monde à + 2° C

Le continent noir comptera, en 2030, 1,5 milliard d’habitants,

soit quatre fois plus qu’en 1970. De l’ONU à la Banque mondiale en passant par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), toutes les études prédisent à l’Afrique de nouvelles décennies douloureuses en matière d’accès à l’eau. Déjà, 300 millions d’Africains sont exclus des réseaux potables. Or, plus de la moitié des habitants de ce continent souffrent de maladies liées à l’absence ou à la qualité du précieux liquide. Certes, les changements climatiques ne constituent pas la seule explication au stress hydrique que subiront ces populations. L’industrialisation, la déforestation, la pression démographique et l’urbanisation s’ajoutent aux dérèglements du continent. Mais l’ONU annonce que 75 à 250 millions d’Africains seront directement touchés par la pénurie d’eau provoquée par la hausse globale des températures. Et l’impact dépasse la seule question de l’accès à l’or bleu. La raréfaction de la ressource ajoutée à la modification de la fréquence et de l’intensité des précipitations ont toutes les chances de bouleverser l’agriculture et donc les filières d’alimentation. Le Zimbabwe ou le Cameroun sont perturbés par le décalage dans le temps de la saison des pluies. Ils envisagent déjà d’abandonner certaines cultures comme le maïs et de se plier à des alternatives, comme le millet. —DAVID SOLON

Eau : 250 millions d’Africains à secLa pénurie d’eau a des impacts majeurs sur la santé des populations et sur leur alimentation.

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terra eco avril 2009 31

la chronique

6, il fait vraiment plus chaud. Le changement climatique, c’est l’activité humaine qui pipe le dé. Il donne alors plus souvent des 4, 5 et 6, et moins de 1, 2 et 3. Il a donc tendance à faire de plus en plus chaud. ça ne veut pas dire qu’il ne donne plus jamais de 1. Nous en avons tiré un cet hiver, et nous nous sommes retrouvés avec 30 cm de neige à Marseille. Mais plus souvent, le dé donne des 6 et des canicules, comme à l’été 2003 et 2006. Cette image permet aussi d’expliquer pourquoi l’on est capable de dire que le climat sera différent en 2070, alors qu’on ne sait pas quel temps il fera dans quinze jours… Comme avec un dé pipé, on sait qu’on aura à l’avenir de plus en plus de 6 et de fortes températures, mais on ne peut deviner ce qui va sortir pour chaque lancer. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il existe une différence notable entre un dé pipé et le changement climatique. A l’avenir, ce dernier nous apportera quelques surprises, comme celle de voir notre dé donner des 7 ou des 8, c’est-à-dire des conditions météorologiques aujourd’hui inconnues et avec lesquelles il faudra apprendre à vivre. » —

Economiste au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired) et pour Météo-France.

«Pourquoi a-t-il fait aussi froid cet hiver alors qu’on

nous répète que les températures à la surface du globe montent ? Et ces tempêtes à répétition, sont-elles un signe du réchauffement ? Et cette terrible canicule en Australie, est-elle due au changement climatique ? A chaque fois qu’un événement météo remarquable se produit quelque part – canicule, tempête, inondation –, on se pose la question du rôle du changement climatique. Entêtés, les climatologues donnent toujours la même réponse : quand on parle de climat, un événement n’a aucune signification. Seules comptent les répétitions. Ainsi, une canicule – disons celle de 2003 – n’est pas une preuve que le climat

change : un tel événement, même s’il est inédit et improbable, n’est pas impossible dans un climat non perturbé par l’homme. En revanche, le fait que l’on trouve dans les douze dernières années (1997-2008) les dix les plus chaudes depuis que l’on fait des mesures dans le monde est quasiment impossible en l’absence d’un réchauffement global.

30 cm de neige à Marseille De la même façon, le froid et la neige de cet hiver ne signifient pas que le climat se refroidit. Au contraire, l’observation qu’il y a de moins en moins souvent de tels hivers rigoureux est une indication qu’il se réchauffe. Pour mieux comprendre, imaginez que la température chaque saison est donnée par un lancer de dé. Quand le dé tombe sur 1, il fait beaucoup plus froid que la normale ; quand c’est sur

“ Le climat ? Une histoire de dés pipés ” par STEpHaNE HaLLEGaTTE

2000 Entrée chez Météo-France 2005 Doctorat de sciences économiques de l’Ecole des hautes études en sciences sociales 2007 Membre de la délégation française qui approuve le4e rapport du Giec 2008 Membre de la délégation française aux négociationssur le changement climatique (Poznan, Pologne)

Stéphane

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La double viede Robert Lion

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Katia Kanas est une authentique « eco-warrior ». A tout juste 15 ans, en 1977, elle traquait les chasseurs de baleines et cofondait Greenpeace France. Le 22 no-vembre dernier, la guerrière a quitté son poste de présidente du conseil d’admi-

nistration de l’ONG et c’est un tout autre profil qui la remplace : Robert Lion, 74 ans, énarque distingué issu du corps prestigieux de l’Inspection des finan-ces et reconverti dans l’environnement. « Le monde et Greenpeace changent à tel point qu’un jour, un Ro-bert Lion embarque avec Greenpeace, note Katia Ka-nas sur un forum Internet. Je ne  sais pas  ce que  ça donnera, mais je trouve que c’est en soi une rencontre extraordinaire, si improbable, porteuse de tant de sur-prises. Bref, je trouve ça rigolo. » Le calme et courtois Robert Lion était jusqu’alors président d’ONG plus confidentielles : Agrisud international, qui soutient la création de petites entreprises en Afrique et en Asie, et Energy 21, qui sensibilise au développemet durable.Sans doute, cet ex-grand commis de l’Etat espérait, via Greenpeace, donner une visibilité plus impor-tante à sa deuxième vie, celle de militant écologiste entamée en 1992. Un rapprochement « rigolo » ? Etonnant. Même pour lui. « Je n’ai pas  eu  l’unani-mité lors de l’élection et c’est normal. Si j’avais été un militant de base, membre de l’assemblée statutaire, je ne suis pas sûr que  j’aurais voté pour moi. Je me se-rais méfié !» Mais de remous, il n’y en eut point, ou si peu. Seuls 2 adhérents sur 117 000 ont rendu leur carte. « Un énarque ? Oui, bon et alors ?, s’agace une salariée de l’ONG. Il y a de tout chez nous. Des chefs d’entreprise, des militants  très militants, des  journa-listes, notre directeur qui a travaillé dans la finance… Où est la révolution ? »

Un CV à deux colonnesAttention, Robert Lion n’est pas le nouveau chef de Greenpeace France. Le patron, le vrai, c’est le direc-teur général, Pascal Husting. Le président du conseil d’administration, lui, joue le rôle d’interface entre les instances internationales et la branche française. Un

Big brother bienveillant, en somme. Comment Robert Lion et Greenpeace ont-ils fusionné ? « Nous avons rencontré Robert pendant le Grenelle de l’environne-ment en 2007, raconte François Veillerette, qui fut aussi président de l’ONG. Il était là au nom d’Agrisud international. Il avait une écoute, une hauteur de vue, des compétences économiques et une certaine surface. » Pascal Husting, lui, loue « sa grande connaissance des institutions et des entreprises ».Tout pour énerver le journaliste et militant Fabrice Nicolino, ex-membre de l’assemblée statutaire de Greenpeace et partisan d’une écologie radicale. Son blog d’écorché vif fut le lieu d’une passionnante dis-cussion sur Robert Lion (1). Pour lui, « la stratégie de Greenpeace et de l’ensemble du mouvement écologiste français consiste à se rapprocher des pouvoirs publics et économiques pour peser davantage. Je pense qu’il faut faire exactement le contraire. » Deux proches de la direction de l’ONG regrettent cette élection : « ça donne l’impression que Greenpeace s’institutionnalise, ce qui est faux. L’association est rigoureusement indé-pendante, ne bénéficie d’aucune aide d’Etat. C’est un message erroné qui est envoyé vers l’extérieur. » Eplucher le CV du monsieur pousse spontanément à tracer deux colonnes sur une feuille. Première

Cet ancien inspecteur des Finances et ex-patron de la Caisse des dépôts et consignations a été élu en novembre président de Greenpeace France. Un revirement ? Plutôt une voie parallèle, patiemment construite, qui fait cependant grincer quelques dents. Par EMMANUELLE WALTER

« Un énarque ? Oui, bonet alors ? Il y a de toutchez nous. » Une salariée de Greenpeace

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colonne : l’inspecteur des finances qui devient conseiller technique chargé du logement au minis-tère de l’Equipement (1966) et à la préfecture de la région Ile-de-France, puis directeur de la Construction (1969), directeur de cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy en 1981, patron de la Caisse des dépôts et

consignations de 1982 à 1992. Mais entre 1974 et 1981, Robert Lion sort du rang avec une première audace militante : il prend la direction de l’Union nationale des HLM.« Certains camarades de l’Inspection des finances m’ont dit que je “ déro-geais ” ! Mais j’ai toujours pré-féré le camp de la société civile. A  la  Caisse  des  dépôts,  nous avons  soutenu  d’innombra-bles  initiatives  associatives. » Deuxième colonne : l’éco-logie. Dans les années 1970, Robert Lion cofonde la future Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ainsi que le Comité d’action solaire. Quand sonne l’heure de la retraite, en 1992, il hésite : droits de l’homme ou environnement ? Ce sera le vert. Et Greenpeace, finale-

ment. Règlement oblige, il est contraint de rendre sa carte du Parti socialiste.

De Total aux toilettes sèchesTout bien réfléchi, ce n’est pas le passé de Robert Lion qui pourrait heurter les purs et durs, mais son pragmatisme environnemental. Au nom d’Agrisud international et avec la participation de Yann Arthus-Bertrand, de la Bourse de Paris et de BNP Paribas, il se trouve à l’origine du Low Carbon 100 Europe. Cet indice financier encourage à investir dans les entre-prises européennes cotées qui réduisent le plus leurs émissions de gaz à effet de serre. Parmi elles, Fiat, Peugeot, Renault, le labo Sanofi-Aventis ou encore le géant de l’agroalimentaire Unilever. « C’est un bon placement, et on a sa conscience avec soi », plaidait-il lors du lancement, en octobre. L’homme assume aussi pleinement qu’Agrisud international soit financé par Total pour ses actions au Gabon et en Angola. Pragmatique, vraiment. Et doué pour séduire, même les plus radicaux. Comme Katia Kanas, enchantée que Robert Lion ait découvert, chez elle, les toilettes sèches. « Avec plus d’ouverture, de conscience et de grâce que bien des écolos contestataires que je côtoie ». –(1) fabrice-nicolino.com/index.php/?p=454 gr

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De Ségo à McDoBruno Rebelle, militant de Greenpeace, était le conseiller environnement de Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle. Il vient de prendre la direction générale de Synergence, une agence de conseil en développement durable. Les clients ? La région Rhône-Alpes, la ville de Villeurbanne, mais aussi la Maif, Orangina ou encore McDonald’s.

De grands travaux sur liste noireCertains projets d’infrastructures (routes, tronçons d’autoroutes…) doivent être réévalués pour cause d’incompatibilité avec le Grenelle, comme l’ont souligné les ONG de l’Alliance pour la planète. Suspense : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) – envisagé depuis plus de trente ans – pourrait figurer sur la liste. Au ministère du Développement durable, on lambine pour publier la liste.

Ecologistes polluésPataquès chez France Nature Environnement. La fédération d’associations locales de défense de l’environnement en prend pour son grade dans le microcosme écolo après avoir noué une alliance avec Compo, société spécialisée dans les pesticides.

Une de ses associations membre, Eau et rivières de Bretagne, qui défend une agriculture sans pesticides, est furax.

Le métro au banc des accusésLe 1er avril, cinq associations se rendront au tribunal de grande instance de Paris. Elles assignent la RATP et sa régie publicitaire Métrobus – filiale de Publicis et JC Decaux – devant le juge des référés pour leur projet d’installation massive d’écrans publicitaires dans le métro. Quatre écrans sont déjà actifs à la station Étoile, et 400 autres sont prévus d’ici à fin juin 2009. Par ailleurs, 800 écrans doivent orner les gares SNCF d’ici à la fin 2009.

Une Maison-Blanche passiveLes écolos américains font le forcing pour qu’Obama transforme la Maison-Blanche en « maison passive » ! En gros, que ce bâtiment mythique devienne pratiquement autonome en énergie. Carter avait fait installer un chauffe-eau solaire sur l’aile ouest du bâtiment, que Reagan s’était empressé de retirer à son arrivée. Quant à Clinton, il avait demandé un rapport pour transformer la Maison-Blanche en maison verte. Celui-ci a dû se biodégrader sous l’effet du temps.

1961 Diplômé de l’ENA 1982-1992 Directeur général de la Caisse des dépôts et consignationsNovembre 2008Elu président du conseil d’administration de Greenpeace France. Ses gestes vertsIl utilise une radio à manivelle et une lampe électrique solaire, roule à Vélib et devient « raisonnablement bio ».

En dates et

en gestes

le portrait

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36 avril 2009 terra eco

l’économie expliquée à mon père

Mince ! A peine les francs sortis de la tête et les euros  apprivoisés,  il faut de nouveau faire 

fonctionner  ses méninges. Une nouvelle  monnaie  circule  dans les  bourses  françaises  depuis un an et demi :  le « sol ». Enfin dans sept régions seulement (1). Et pour l’instant, il n’est utilisé que par un millier de personnes. Le sol existe sous la forme d’une carte à puce qui se recharge dans près de 140 boutiques bio et/ou équitables.  « En  fait,  cela  fonc-tionne comme une carte de fidélité classique, décrit Catherine Guillot, responsable  administrative  du projet, financé par l’Union euro-péenne et quelques acteurs privés. A chaque achat dans un magasin partenaire, la carte est créditée de quelques  sols  qui,  au  bout  d’un moment, donnent lieu à une ris-tourne. » Voire à la possibilité de payer ses courses intégralement en sols. Au cours actuel, un sol vaut 10 centimes d’euro. 

Les bons vieux points EssoMais  au  fait,  pourquoi  s’enqui-quiner  à  inventer  une  nouvelle monnaie ? « Il s’agit de créer une communauté  et  le  sens  d’appar-tenance  qui  va  avec »,  explique Celina  Whitaker,  coordinatrice de cette monnaie alternative. Au fond, Carrefour, Esso ou la Fnac  fre

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Des monnaies sonnantes et bienfaisantesL’euro, le dollar, le yen… on connaît. Mais le « sol » ? Comme 2 500 autres monnaies à travers le monde, il circule à côté des systèmes traditionnels. Son but : faciliter les échanges, notamment entre les plus pauvres. De vraies pièces à conviction.Par arnaud gonzague

Révolutionnaire ?  En  France, oui. Mais le sol n’est qu’une des 2 500 monnaies complémentaires (appelées aussi « régionales ») qui circulent  sur  Terre  depuis  des décennies.  Du  kippu  japonais au chiemgauer bavarois (lire ci-contre) en passant par le talente autrichien,  le berkshare améri-cain,  la  monnaie-coquillage  de Papouasie-Nouvelle-Guinée (!) ou encore le wir suisse, on en trouve 

ne  font  pas  autre  chose  quand ils vous donnent des points qui, cumulés,  se  transforment  en cadeaux. « Oui, mais notre but est politique. En orientant les achats vers  des  enseignes  qui  respectent le  développement  durable,  nous affirmons que dépenser un euro en hypermarché, ce n’est pas la même chose que dans un Biocoop. Alors que le PIB, lui, les comptabilise de la même manière… » 

Le réseau « sol » : www.sol-reseau.org

Les Monnaies complémentaires en Europe, un documentaire pédagogique téléchargeable en ligne : polidor.free.fr

Monnaies régionales, Bernard Lietaer et Margrit Kennedy, éd. Charles Léopold Mayer, 2008, 20 euros.

Pour aller

plus loin

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terra eco avril 2009 37

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Des monnaies sonnantes et bienfaisantes

pour tous les usages et sous toutes les formes. 

Un immeuble de compétencesCes monnaies – qui ne représente-raient que 0,00002 % de la masse monétaire mondiale – n’ont pas vocation  à  remplacer  les  euros et  les dollars. Mais simplement à circuler là où les espèces dites « conventionnelles »  (en  clair, émises  par  les  Etats)  ne  se  dif-

Trois alternatives enrichissantesLe chiemgauer

Cette monnaie, imaginée en 2002 par un professeur de Prien am Chiemsee, en Bavière

(Allemagne), avait deux objectifs : booster l’économie locale, notamment le petit commerce, et financer des projets sociaux, culturels et environnementaux. Pari tenu dans les deux cas. Car ces coupons font aujourd’hui bondir de plus de 4 millions d’euros par an le chiffre d’affaires des 800 commerçants bavarois qui participent à l’opération. Bien que le chiemgauer, avec un système de timbres à coller en début de chaque trimestre, soit une usine à gaz pas facile à détailler, les Bavarois semblent raffoler de ce casse-tête. www.chiemgauer.info (en allemand)

Le kippu

Les Nippons utilisent à eux seuls près de 400 monnaies complémentaires. Beaucoup sont

nées dans les années 1990 alors que l’Etat, en pleine crise, se montrait incapable de prendre en charge les plus fragiles, notamment les seniors. Le principal système complémentaire s’appelle « fureai-kippu ». Il a été mis sur pied par la fondation Sawayaka en 1995. Sa monnaie, le kippu (« ticket » en japonais), 100 % informatisée, permet de rétribuer les services aux personnes âgées. Ceux qui ont gagné des kippus peuvent les cumuler dans l’attente de leurs vieux jours. Ou alors, ils peuvent les donner à leur papa, leur mamie… pourvu qu’ils soient des seniors. Le kippu a un avenir assuré dans le pays qui compte le plus de centenaires au monde. www.sawayakazaidan.or.jp/english/index.html (en anglais)

Le time-dollar

Sa valeur, c’est l’horloge qui la donne : un time-dollar correspond à une heure d’activité de

voisinage : baby-sitting, bricolage, devoirs, courses… Le principe est simple : il suffit de s’inscrire sur Internet et de déclarer ses compétences. Une fois que vous avez rendu un service, votre compte est crédité et vous pouvez recourir au talent des autres. Mis en place à la fin des années 1980 par le juriste Edgar S. Cahn, le réseau des Time-Banks compte aujourd’hui près de 150 antennes aux Etats-Unis et en Angleterre. Et la crise de 2009 promet de lui donner des ailes. www.timebanks.org (en anglais)

fusent  pas.  Notamment  chez les plus pauvres. C’est d’ailleurs tout leur intérêt social, comme le résume la devise des partisans du time-dollar lancé aux Etats-Unis : « Mettre en relation des besoins non satisfaits avec des ressources non employées. » Exemple : prenons un immeuble HLM d’une ville de banlieue défavorisée. A coup sûr, l’argent y manque, mais pas les compétences.  Suite page 38

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38 avril 2009 terra eco

En fait, elles pullulent même : l’ouvrier au chômage du 1er étage sait réparer toutes sortes d’objets, la retraitée du deuxième est une championne du tricot, l’ado du troisième vient d’avoir son permis et la petite voiture qui va avec. Or l’euro se révèle incapable de quan-tifier et stimuler ces aptitudes.Dès cette année, les promoteurs du sol n’entendent plus seulement faire circuler leur monnaie dans quelques  boutiques,  mais  aussi entre des personnes, comme les habitants  de  notre  HLM.  Dans ce cas, le sol n’est plus indexé sur l’euro mais sur un temps de travail (1 sol = 10 minutes). « Le temps est la denrée la plus égalitaire qui soit, analyse Celina Whitaker. C’est aussi une manière de souligner que, quelles que soient nos compétences, nous sommes tous utiles quand nous nous servons de ce temps pour les autres. » 

Le billet qui fond avec le tempsRevenons  à  notre  immeuble :  le chômeur  du  premier  est  averti par une association locale qu’un membre du réseau sol – en l’occur-rence, la grand-mère du deuxième – a besoin de ses services. Elle veut qu’on  lui  répare  son  grille-pain. Quarante minutes de travail, soit 4 sols.  Elle  rémunère  son  voisin grâce au pull qu’elle a tricoté pour l’ado du troisième. Lequel a pu lui verser des sols, car il conduit tous les lundis le chômeur du premier au supermarché. Bref, entre ces trois individus, la monnaie alternative a amené bien davantage qu’un échange écono-mique : une création de richesses qui  n’auraient  pas  vu  le  jour autrement. Un grille-pain pour la grand-mère, un pull pour l’ado, un moyen de transport pour le chô-meur. « Et aucun des trois ne pourra dire : “ Je ne fais que donner et ne reçois  jamais ”,  souligne  Celina Whitaker.  La  monnaie  introduit plus de réciprocité dans leur rela-tion parce qu’elle est objectivement 

quantifiable. » Et il va sans dire que ces échanges créent aussi, et sur-tout, des liens entre des individus qui ne se seraient pas forcément côtoyés. C’est  d’ailleurs  la  raison  pour laquelle les monnaies locales sont, selon leurs promoteurs, de formi-dables outils de survie aux crises économiques.  Elles  permettent aux plus démunis – notamment des pays du Sud – de résister aux coups durs de la mondialisation. On  se  souvient  que  le  peuple argentin, mis à terre par la crise financière de 2000, a pu continuer à s’alimenter en partie grâce aux creditos, une monnaie qui a rem-placé le peso, alors en faillite. Et, selon Bernard Lietaer et Margrit Kennedy, les deux papes des mon-naies régionales, les habitants de Bali, île indonésienne assaillie de touristes, ont pu conserver leur identité et leur langue grâce au nayahan  banjar,  une  monnaie-temps dévolue aux travaux pour la communauté.Les  pessimistes  feront  la  gri-mace. L’argent ne conduit-il pas immanquablement à réveiller le démon  Picsou  – « Accumuler ! Accumuler ! » – qui sommeille en nous ? Si. Et c’est pour cela que beaucoup de monnaies locales sont « fondantes », c’est-à-dire qu’elles perdent de la valeur avec le temps. Un chiemgauer baisse ainsi de 2 % chaque trimestre et un sol disparaît au bout de trois ans. Une manière d’encourager leur circulation et, surtout,  un  moyen  d’éviter  que la monnaie ne quitte les circuits commerciaux pour devenir l’objet d’une stérile accumulation, source ensuite de spéculation. Suivez mon regard… —

(1) Alsace, Aquitaine, Bretagne, Île-de-France, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes.

Evaporation de richesEn 2008, les milliardaires se sont évaporés comme champagne au soleil. Ils ne sont « plus » que 793 contre 1 125 il y a un an, selon le magazine Forbes. La crise a fait perdre 18 milliards de dollars (14 milliards d’euros) à Bill Gates qui reste en tête. Entre les deux classements, 1 085 milliards d’euros se sont évanouis dans la tourmente financière. www.forbes.com

CAC 40,l’empire du mâleLe CAC 40 manque cruellement de féminité. C’est ce qui ressort du baromètre annuel de l’agence Capitalcom. Les femmes représentent à peine plus du tiers des effectifs des plus grosses entreprises françaises cotées en Bourse, en recul par rapport à l’an dernier. Pis encore, ces dames n’occupent que 8 % des places dans les conseils d’administration. www.capitalcom.fr

L’Australie mise toutsur le carboneMalgré la crise, la ministre du Changement climatique australienne compte bien soumettre les industriels très pollueurs à un marché du carbone. Selon elle, donner un prix au CO2 pourrait constituer une vraie relance économique et pousserait les industries « à investir dans des technologies moins polluantes ». En 2006, un Aussie émettait 28,1 tonnes équivalent CO2 par an, record des grandes puissances.

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Ces monnaies sont des outils de survie formidables face aux crises économiques.

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Les Anglais jetteraient en moyenne un tiers de leur assiette / 561 mini « marées noires » recensées en France, entre 2004 et 2007 / 2 179 tonnes de CO2 émises par le tournage de la série « 24 heures chrono »

Vous aussi, posez-nous toutes vos questions sur : www.terraeco.net/question

web

Souvenirs radioactivés C’est un étrange

appel qu’ont récemment reçu les anciens ouvriers du site de Drigg, au nord-ouest de l’Angleterre. La nouvelle compagnie en charge du lieu, LLW Repositery, leur demande de replonger dans leurs souvenirs pour tenter de se remémorer les lieux où ils ont enterré les déchets radioactifs des années 1960 à 1980. LLW Repositery a réalisé que l’inventaire national de l’enfouissement de ces dépôts n’avait rien d’exhaustif. L’annonce n’est pas sans inquiéter les associations écologiques locales. Selon elles, le site de Drigg serait truffé de matériaux hautement radioactifs. — KARINE LE LOËT

Sur Terraeco.net, on refait le monde... version développement durable. Proposez-nous vos textes et photos. Les meilleures contributions seront publiées dans ces pages. Rendez-vous sur www.terraeco.net/terrareporter

Le club des 1 %La crise ne tue pas le

don. En effet, le club 1 % pour la planète (1 % PLP) continue d’engranger les adhésions. Lancé en 2002, il propose aux entreprises de reverser 1 % au moins de leur chiffre d’affaires à des associations de protection de l’environnement. Et la formule fait un carton. Avec une adhésion par jour depuis 2007, le nombre de membres atteint désormais le millier. Et quand les marchés financiers faisaient flop en octobre, 1 % PLP restait au top. « Pour nous, c’est un indicateur clair que des sociétés cherchent une meilleure forme de capitalisme », confie Terry Kellog, le directeur du projet, au webzine Enviro2B. — L.A.

www.onepercentfortheplanet.org/fr

« Comment acheter en direct aux agriculteurs ? », Véronique R., Paris

Mettre la main sur des produits frais, à la provenance clairement définie, relève

bien souvent du casse-tête, surtout pour les citadins. Pour ce faire, les amateurs « d’authentique » peuvent passer par des Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), les structures les plus connues. Plus de 90 000 familles en bénéficient en France. Le principe : chaque semaine, on reçoit un panier de produits de saison. Pour 4 personnes, il en coûte en moyenne de 13 à 25 euros. De son côté, l’agriculteur est assuré d’un revenu fixe, les prix étant discutés en amont pour six mois ou un an. Face au succès de la formule, les tickets d’entrée sont devenus chers dans certaines villes. Mais il est possible de créer sa propre Amap. Il faut d’abord convaincre votre entourage de participer, puis dénicher un agriculteur prêt à pratiquer une culture en accord avec la charte des Amap. Pour cela, allez voir du côté des Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam), des Centres permanents d’initiative pour l’environnement (CPIE) et des Groupements d’agriculteurs biologiques (GAB). — L.B.

alliancepec.free.fr/webamap — www.fnab.org

en direct de www.terraeco.net

le carton vert

le carton rouge

Le Perche, Céton - France, 2008En plein cœur du mois de juillet, les champs de blé profitent d’un coucher de soleil avant les moissons. PHOTO : Denis Esnault

la question de l’internaute

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Chaque mois, un super-héros

nous livre ses trucs et astuces pour devenir un écocitoyen modèle. Interview imaginaire avec Hulk. 

Les Anglais jetteraient en moyenne un tiers de leur assiette / 561 mini « marées noires » recensées en France, entre 2004 et 2007 / 2 179 tonnes de CO2 émises par le tournage de la série « 24 heures chrono »

Hulk : « Ma couleur, un choix revendicatif ! »

A quand remonte votre prise de conscience écologique et citoyenne ?Quand j’ai été irradié par des rayons gamma. Cela m’a ouvert les yeux sur les dangers potentiels du nucléaire et ça m’a poussé à militer. C’est suite à cette expé-rience que j’ai décidé de prendre une cou-leur verte durant mes mutations. C’est un choix revendicatif. Le problème, c’est que beaucoup de personnes me confondent désormais avec le Géant vert.

Et ça vous pose un problème ?Non, pas vraiment. Je l’apprécie beaucoup, surtout pour son combat contre les orga-nismes génétiquement modifiés. Le maïs, c’est vraiment son truc. Il aimerait devenir le leader des faucheurs volontaires, mais difficile de concurrencer José Bové sur ce terrain-là. Mais l’idée qu’on me confonde avec un type qui porte une robe en feuilles, ça me chiffonne un peu.

Revenons-en à vous. Qu’avez-vous changé dans votre quotidien ?En plus de tenir des réunions d’information

le super héros

«Quand, il y a dix ans, nous vendions des produits équitables

et que les clients nous demandaient : quid des conditions de travail sur les bateaux ? De l’impact environnemental de l’importation de pays lointains ? Nous répondions : « ce n’est pas notre priorité pour l’instant, nous sommes centrés sur la cause des petits producteurs avant tout. » Mais nous n’étions pas

Fondateurd’Alter Eco, leader du commerce équitable en France.

satisfaits de notre réponse, et nous avions tort en effet.Tous les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du développement humain sont interdépendants. On ne peut encourager le développement des exportations sans vérifier des éléments liés à la souveraineté alimentaire des populations locales. On ne peut importer des produits du monde entier sans

“ Nous avions tort  ” par TrISTaN LECOMTE

s’assurer de limiter l’impact carbone des filières et des produits. Tout ceci, non par devoir, mais par pur plaisir, car tous ces engagements sont autant de causes utiles pour lesquelles il est toujours passionnant de s’engager et de mobiliser le public. Il s’agit d’une aspiration à un mieux pour soi, les autres et la planète. La route est longue mais le chemin ravissant, passionnant et l’objectif hypnotique. »

sur les risques du nucléaire, je mène des campagnes de sensibilisation auprès de mes collègues super-héros. Par exemple, j’ai créé une section verte au sein des Qua-tre Fantastiques. Sinon, j’ai révolutionné ma façon de m’habiller. Comme je les déchire à chaque transformation, je me fringue dé-sormais avec des T-shirts recyclés.

Deux petites questions pour finir. Si vous étiez un végétal ?Une botte d’épinards bien sûr parce qu’en-tre « plantes vertes », on se comprend.

Un minéral ? Le granit. Dur, froid, imperméable. Mais avec une certaine classe. —Recueilli par LUCILE BRIZAIS

Nom : Banner Prénom : Bruce - Nom de scène : Hulk Age : 47 ans Parents : Stan Lee et Jack Kirby Nationalité : américaine Profession : chercheur en anatomie et chimie.

Fiche d’identité

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42 avril 2009 terra eco

D’UN COTÉ, 6,5 milliards d’êtres humains. De l’autre, ou plutôt sous leurs pieds, une planète, amochée, mais encore solide qui laisse supposer – tout au moins au Nord et dans certaines catégories sociales – que tout ne va fi nalement pas si mal. Question : comment faire progresser librement tout ce monde vers plus de confort, de sécurité, de mobilité, sans entamer de façon rédhibitoire les ressources physiques de la Terre ? Equation insoluble. Les incessants appels à la relance économique par la consommation – changez de voiture, partez en vacances, achetez un nouvel ordinateur, etc. – se fracassent contre un mur de contradictions. D’abord parce que les Terriens accumulent, utilisent et ingurgitent trop et mal. Les chiffres donnent le vertige : chaque année, 760 millions de téléphones portables fi nissent à la poubelle, 330 millions de tonnes de papier sont utilisées, 1,55 milliard de tonnes équivalent pétrole sont

Etes-vous prêts à consommer mieux ?

absorbées par le transport mondial. Ensuite, parce que cette ultraconsommation est mal répartie. Si tous les habitants de notre planète, demain, consommaient comme un Parisien du IIIe arrondissement, une seule planète ne suffi rait pas. Il en faudrait 2,3.

Renoncements ?Cette impasse décrite par le club de Rome au début des années 1970 est désormais largement admise. On l’entend même ces jours-ci, commentée dans la bouche de responsables politiques. C’est dire si notre société évolue plus vite qu’on ne l’imagine. Pour prendre la mesure de ce changement, nous avons suivi la trace de quelques pionniers. Aux quatre coins du monde, des bobos, des radicaux, des avant-gardistes et souvent de simples citoyens sont passés à l’action pour vivre – vraiment – autrement. Ils ont choisi, chacun à leur façon et à des degrés divers, de consommer mieux, moins, différemment, bio, équitable, en raisonnant. Sommes-nous prêts à de tels choix, et parfois à de tels renoncements ? Notre sondage exclusif, réalisé avec l’institut OpinionWay, semble l’indiquer : 92 % des Français sont même disposés à… réduire immédiatement leur consommation. Et dans les faits ? —

dossier

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Etes-vous prêts à consommer mieux ?

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44 avril 2009 terra eco

ls sont encore une minorité, disséminés aux quatre coins de l’Europe et des Etats-Unis. Ils ne se fréquentent pas, ne se connaissent pas et n’ont même pas le sen-timent d’appartenir à une espèce commune. Pour-tant, tous ont compris une chose : il faut – vite – chan-

ger le mode de vie de l’Occident pour que notre planète ait une pa

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Alerte verte sur la planète shopping ! De nouveaux consommateurs brandissent leurs cabas. En Allemagne, ce sont les « lohas ». Aux Etats-Unis, les « freegans ». En Grande-Bretagne, les « transition towns ». Ces consommateurs ont une obsession : réduire leur empreinte écologique. Et une recette commune : l’optimisme.Par ARNAUd GONZAGUE (France), ANTOINE HEULARd (Allemagne), KARINE LE LOËT

(Grande-Bretagne), MARJORIE PHILIBERT (Etats-Unis) et ANNE SENGES (Etats-Unis)

Un tour du monde en Caddie vert

chance de passer le siècle. A leur manière, hédoniste ou extrémis-te, pragmatique ou dans l’air du temps, ils tracent leur route hors de la consommation de masse, la trinité « discount-malbouffe-gad-gets technos » et les injonctions au « toujours plus ». Chez nous, dites « alterconsommateur », on vous rétorque illico « bobos ». Outre-Rhin, c’est « lohas » (acronyme de « lifestyle of health and sustainabi-

lity » ou « mode de vie conjuguant santé et durabilité ») et le terme est, là-bas aussi, objet de sarcas-mes. D’ailleurs, Peter Unfried le récuse, le jugeant trop marketing. Pourtant, comme 8 à 20 millions d’Allemands, le rédacteur en chef adjoint du quotidien berlinois Taz, se dit prêt à dépenser plus pour consommer mieux. Alors que ses aînés, les hippies antinucléaires des années 1970, s’opposaient au « système », lui n’a pas l’intention de renoncer aux félicités du Cad-die plein, au contraire. « Consom-mer  peut  être  un  acte  politique, affi rme- t-il. En  dépensant  notre argent  de  façon  responsable,  on peut faire pression sur le marché et contraindre  l’offre  dans  le  sens  du développement durable. » 

Frigo A++ et paniers bioIl y a trois ans, Peter a vu Une vérité qui dérange, le documentaire d’Al Gore. Un déclic : il a décidé… de changer de voiture. Il a troqué sa berline pour un modèle 3 litres, moins gourmand en carburant. Puis s’est offert un frigo A++, éco-nome en énergie, a opté pour un fournisseur d’électricité verte, fré-quenté plus assidûment les maga-sins bio, réduit sa consommation de viande et ses déplacements en avion. Résultat : en un an, il a di-visé par deux son empreinte car-bone. Plus profondément, ce père de deux enfants a réalisé que le seul moteur du changement via-

C’est à New York qu’est apparu le mouvement des freegans, contraction de « free » – gratuit – et « vegan » – végétaliens.

dossier44 Reportage L’avant-garde des cabas verts 50 Sondage 50 Pratique Comment consommer mieux 51 Enquête Portrait-robot du Français responsable 52 Analyse Acheter, mais pourquoi ? 53 Infographie Une année de dépenses au scanner 54 Interview Nicolas Hulot 57 Quiz Quel consommateur êtes-vous ?

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ble, c’est le plaisir. Sa petite révolu-tion est aussi celle d’une renaissan-ce, décrite dans un livre à succès, Ecolo : Al Gore, mon nouveau frigo et moi (pas encore traduit en fran-çais), dans lequel il dépeint son histoire avec un enthousiasme communicatif. « Avant,  j’étais  du genre à vouloir acheter un écran plat pour  faire  comme  tout  le  monde. Désormais mes achats ont du sens et j’en retire une grande satisfaction. » Lucide, il a conscience que « pour l’instant,  cela  ne  concerne  qu’une certaine  classe  qui  peut  prendre  le temps  d’y  penser  et  gagne  bien  sa vie ». Et quitte à passer pour cyni-que, il affirme que pour essaimer, l’écologie a davantage besoin des docus spectaculaires comme celui d’Al Gore que des injonctions mo-ralisantes de babas à sandalettes. « Nous avons besoin d’une élite du climat,  dans  les  médias,  parmi  les people,  les artistes… qui  incarnent ces valeurs et les mettent à la mode pour donner envie à  la population de les suivre. »Aux Etats-Unis, le rêve de Peter Unfried est en passe – partielle-ment – de devenir réalité. Effet Obama ? Peut-être. En tout cas, quelques beaux gosses d’Hol-lywood sont en train de décou-vrir que le vert est furieusement tendance, et pas seulement sur les dollars. D’un côté, Leonardo DiCaprio, écocitoyen engagé, abreuve de dollars Greensburg, une commune du Kansas totale-

ment ravagée par l’ouragan Dolly en mai 2007, dans le but de la transformer en ville 100 % écolo. De l’autre, Brad Pitt construit un écoquartier à la Nouvelle-Orléans, anéantie par Katrina. Pourtant, plus que les stars, les vrais acteurs de la révolution verte aux Etats-Unis sont les businessmen. Le « Green 100 », classement établi par l’hebdo britannique Sunday Times,  recense les « éco-barons » en fonction de la taille de leurs investissements verts. Il compte, cette année, 7 Américains sur les 10 premiers.

Du vert et des dollars En tête de liste, les incontourna-bles Warren Buffett et Bill Ga-tes. Le premier a misé quelque 30 milliards d’euros sur l’éolien et le géothermique, et le roi de l’in-formatique presque autant sur les agrocarburants. Michael Bloom-berg, pape de l’information finan-cière et actuel maire de New York, fait aussi partie du top 10 : il ambi-tionne de couvrir la Grosse Pomme de panneaux solaires et d’autres énergies renouvelables. Berceau de Google (lire aussi page 24) et des

nouvelles technos, la Silicon Valley californienne carbure à l’écolo-en-thousiasme portée par des grands noms du capital-risque comme le richissime John Doerr, qui mar-tèle que les technologies propres sont la plus grosse opportunité économique du siècle. Les entre-preneurs frenchies feraient bien d’ouvrir leurs oreilles ! Dans le « Green 100 », on n’en trouve en tout et pour tout que trois, dont Serge Dassault en 12e position avec 8 milliards investis dans les voitures électriques. Mais où sont les Pinault, Arnault, Bettencourt et Mulliez ?En fait, en France, les pionniers sont à chercher du côté des classes moyennes. Alain Vaillant le bien nommé en sait quelque chose. Il a converti sa maison au solaire dans le Nord-Pas-de-Calais, ré-gion dont on dira sans méchan-ceté qu’elle n’est pas la préférée du dieu soleil. Mais ce citoyen de Merville, à 35 kilomètres de Lille, n’est pas du genre à reculer pour pareilles broutilles. « Ici, à surface égale,  nous  recevons  l’équivalent d’un  peu  plus  de  la  moi-tié  du  soleil  qui  inonde  la 

Un tour du monde en Caddie vert

L’un des principes des « transition towns » : troquer l’importation de la nourriture contre les ressources locales.

« Nous avons besoin d’une élite du climat , parmi les médias, les people. »PETER UNFRIED, auteur de “ Ekolo ”

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44 Reportage L’avant-garde des cabas verts 50 Sondage 50 Pratique Comment consommer mieux 51 Enquête Portrait-robot du Français responsable 52 Analyse Acheter, mais pourquoi ? 53 Infographie Une année de dépenses au scanner 54 Interview Nicolas Hulot 57 Quiz Quel consommateur êtes-vous ?

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Côte d’Azur. Et c’est largement suffi sant. » S’il est aussi affi rmatif, c’est que cet ancien prof de scien-ces l’a calculé. « La France compte 12 000 km2  de  surfaces  bâties.  Si l’on  y  installait  des  panneaux photovoltaïques,  on  pourrait  pro-duire  plus  de  trois  fois  l’électri-cité consommée aujourd’hui. » Les 20 m2 de panneaux qui couvrent le toit de sa maison en briques lui ont coûté presque 8 000 euros, aides de l’Etat incluses. Mais il a l’immense satisfaction de pro-duire plus d’énergie qu’il n’en consomme. Cet excédent revendu à EDF lui rapporte 540 euros par an. Du coup, son matériel ne sera pas remboursé avant quinze ans, mais le sexagénaire ricane : « Les gens  paient  l’électricité  toute  leur vie.  Moi,  dans  quinze ans,  mon installation me rapportera. »

Dans la famille écolo, Alain Vaillant est du genre « Monsieur bons plans ». Car plus encore que le photovoltaïque, son dada, ce sont les chauffe-eau solaires. Ce bricoleur a lui-même fabri-qué et placé dans son jardin plu-sieurs de ces engins. Il en est tel-lement passionné qu’il organise des conférences,« parfois  devant cinq  clampins », pour en vanter les mérites et y a consacré un site Internet. Durant les quatre mois les plus doux de l’année, il éteint sa chaudière et profi te d’une eau uniquement chauffée par le ciel. « Au  début  d’un  après-midi  d’été ensoleillé,  placez  la  main  sur  un toit,  c’est  brûlant.  Pourtant,  cette quantité  d’énergie  phénoménale est perdue ! On engueule les gosses quand ils oublient de fermer le ro-binet mais on fait pareil ! »

Poêle à bois grésillantSi elle l’entendait prononcer cette phrase, pas de doute qu’Adrien-ne Campbell claquerait la bise à Alain Vaillant. Car ce constat dé-sarmant de bon sens résume tout le projet de cette Britannique rési-dant à Lewes, au sud-est de l’An-gleterre. Elle reçoit ses visiteurs la tête couverte d’un fi chu et leur propose de s’asseoir à même le sol de son salon, devant un poêle à bois grésillant, pour siroter un thé vert. Il y a deux ans et demi, cette biologiste de formation a appris qu’une petite commune british, Totnes, s’était autoprocla-mée « transition  town », ville de transition vers un modèle dura-ble. « Je  me  suis  dit :  “ C’est  ça !” C’est comme si une main pointait son doigt vers moi et me disait : “ Il faut  le  faire ! ” » Ni une ni deux,

A Alain Vaillant vit dans le Nord de la France. Grâce à ses panneaux solaires, il produit plus d’électricité qu’il n’en consomme.

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Adrienne décide d’importer le concept à Lewes. « Face au chan-gement climatique, ça me semblait une  bonne  solution.  Le  moyen  de vivre une vie ancrée dans  le  local, une  vie  plus  simple,  plus  heureu-se. » Face à deux impondérables – le changement climatique et le tarissement des ressources natu-relles –, les « transition towns » veulent préparer les communau-tés à la résilience. En clair, les préparer pour résister au change-ment. Leurs armes ? Leur appren-dre à moins puiser au robinet des énergies fossiles, à troquer l’im-portation de la nourriture pour les ressources locales… Avec l’appui de quelques en-thousiastes, Adrienne a organisé la conversion de Lewes. Certains groupes se sont attaqués au pa-nier nourriture de leurs conci-toyens, d’autres à leurs poubelles, d’autres encore ciblent leur voi-ture ou leur compteur électrique. Grâce à Adrienne, Lewes s’est dotée d’une monnaie : la Lewes pound. Son objectif ? Encoura-ger les habitants à consommer local en s’approvisionnant dans les 140 magasins participant à l’opération et réduire l’ardoise environnementale de la ville (lire aussi page 36). « Il  s’agit  aussi  de faire réaliser aux gens que l’argent est  à  la  source  du  problème.  Que consommer  à  outrance  alimente la croissance et  le changement cli-matique. » Depuis son lancement en septembre dernier, l’équi-valent de 30 000 livres sterling (33 000 euros) ont été imprimées en billet d’une livre locale.

Renoncement à l’avionDirk, l’époux d’Adrienne s’est, lui, engagé dans les questions éner-gétiques. Avec ses cheveux longs rassemblés en queue de cheval, ce « vieux hippie » comme il se pré-sente lui-même, promeut le re-nouvelable dans tout Lewes. Avec trois comparses, il a même fondé Ovesco, une société indépendante chargée d’aider les entreprises,

les écoles ou les particuliers à dé-crocher des fi nancements publics pour des projets d’isolation, de panneaux solaires… Plus loin, Kristina, jeune trentenaire au vi-sage rieur, a pris la tête du groupe de réfl exion « Recyclage », ensei-gnant aux gens l’art du compost et organisant un troc d’objets en-tre voisins. A Lewes, tous ne car-burent, selon elle, qu’à une seule philosophie : l’optimisme. « Les environnementalistes  dépriment tout le monde avec leurs prévisions. Ils paralysent les gens plus qu’ils ne les encouragent. »Vivre dans une « transition town », c’est aussi épouser un mode de vie. Chez les Camp-bell par exemple, Adrienne, Dirk et leurs quatre enfants se sont convertis au chauffage à bois, ont vendu leur voiture et fondé un club de covoiturage pour les menus déplacements, troqué leur congélateur pour un petit frigo et renoncé à l’avion. « C’était diffi cile pour moi, souligne Adrienne, car j’adore  voyager.  Mais  il  faut  être cohérent.  Comment  pouvez-vous vous  préoccuper  du  sort  d’autrui 

et  polluer  de  cette  façon ? » Côté nourriture, les Campbell font bien entendu leurs courses lo-calement et s’éclatent dans leur jardin ouvrier. Pour l’énergie, ils ont choisi de s’approvisionner auprès du réseau renouvelable de la région et projettent cette année d’améliorer l’isolation de la mai-son. « On ne demande pas à  tout le monde de faire partie du projet, confi e Kristina. Il suffi t d’une poi-gnée de gens pour construire un gr

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a Adrienne et Dirk Campbell sont les deux moteurs de la conversion de la ville de Lewes, au sud de Londres. Au cœur de cette « transition town », une nouvelle monnaie : la Lewes pound.

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pont que des centaines de per-sonnes peuvent emprunter. »Ce pont, Oswaldo et Emilie ten-tent aussi de le construire dans leur coin, à Sambourg, un hameau de l’Yonne. Le couple de trente-naires ne possède ni téléphone portable ni télévision, mais une Livebox en parfait état de marche. « On  n’est  pas  rigides :  l’Internet ou  la machine à  laver,  c’est quand même  super ! », sourit Emilie, qui habite depuis cinq ans ici avec leur petite fi lle. Laquelle, on nous ras-sure, joue aux Playmobil comme les copines. Loin, bien loin des cli-chés des marginaux dreadlockés et autres punks à chiens en rupture de ban avec la société, ce couple a pourtant choisi une vie plus iso-lée. « Nous  rejetons  une  société  où les  grandes  surfaces  sont  pleines  à craquer  d’objets  inutiles  fabriqués en  Chine,  où  les  gens  travaillent tellement qu’ils ne voient pas  leurs enfants,  regardent  tellement  la  télé qu’ils ne communiquent plus », ré-sume Emilie. Eux ont décidé de

se poser au milieu d’une truffi ère appartenant au père d’Oswaldo. Vivant un temps sous yourte, une grosse tente mongole en feutre, ils logent désormais dans une ca-bane de 40 m2 faite de bois et de ballots de paille recouverts d’ar-gile. « Le tout nous a coûté moins de 5 000 euros », souligne fi èrement Oswaldo, diplômé en géologie et animateur à mi-temps dans une association liée à la Confédération paysanne.

Le choix du sur-mesureSur place, l’eau courante et l’élec-tricité sont fournies par le père d’Oswaldo et pour le ventre, ils ont un potager. Mais qu’est-ce qui les attire tant dans la vie de leurs arrière grands-parents ?  « Nous étions gâtés, mais déresponsabilisés 

vis-à-vis de la nature et des autres, analyse Oswaldo. Autant  dire  do-mestiqués.  Je  voulais  une  maison sur mesure, une vie sur mesure, pas un  modèle  imposé  par  la  société. » Emilie renchérit :  « On  n’impose rien  à  personne.  Ce  qu’il  faudrait, c’est que les gens se posent et réfl é-chissent  juste  un  peu  à  leur  mode de vie. » Elle admet quand même avoir un ennemi à Sambourg : la solitude. « C’est diffi cile de rencon-trer des gens de notre âge pour papo-ter. Parfois, c’est vrai, ça me rend un peu dépressive. » Heureusement, le couple veut créer bientôt un éco-village, c’est-à-dire une commu-nauté autosuffi sante de plusieurs centaines de personnes, « avec boulangerie,  école,  hôpital… », en harmonie avec l’environnement, mais où chacun aurait son espace. Ca ne vous rappelle rien ? Ce Clochermerle néo-hippie, fl eu-rant bon la chlorophylle, dépay-serait énormément Adam Weis-sman. Pourtant, cet activiste de 31 ans a presque tout à partager avec les babas de Sambourg. Sauf le cadre de vie. Lui est un rat des villes qui niche dans la plus stupé-fi ante de toutes, New York. Adam n’achète quasiment rien et trouve sa pitance dans les poubelles de la mégapole. Radin ? Non, engagé. Ce trentenaire entend montrer qu’on peut vivre sans impact – ou pres-que – sur la planète. En France, depuis le documentaire d’Agnès Varda Les Glaneurs  et  la glaneuse, on surnomme souvent les recy-

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« Je voulais une vie sur mesure, pas un modèleimposé . » OSWALDO, animateur

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Elisabeth Mandeville, responsable du groupe Energie, et son mari Mike Jones, dans leur jardin anglais de Lewes.

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cleurs de tout poil et autres écu-meurs de marché les « glaneurs ». Aux Etats-Unis, ils s’appellent « freegans » : une contraction de « free » – gratuit – et de « vegan » – les végétaliens, qui ne consom-ment aucun produit d’origine animale, œufs et lait compris. Et Adam Weismann est l’un de ses initiateurs. Trois fois par semaine, face aux ca-méras des journalistes du monde entier, il n’a pas hésité à organiser en plein cœur de Manhattan des « trash tours », des tournées dans les poubelles des restaurants et des supermarchés où tout ce qui est encore à peu près comestible est ramassé. « Aux Etats-Unis, plus de 40 % de la nourriture fi nit à la poubelle. La seule ville de New York produit  13 000 tonnes  d’ordures ménagères  par  an. »  Mais Adam

ne souhaite pas qu’on réduise ce mouvement à un simple « dumps-ter diving » (littéralement « plon-gée dans la benne »).

Histoire familialeLe mode de vie freegan est une démarche qui s’inscrit dans les théories de la décroissance. On pourrait ainsi résumer l’une de ses facettes : si on consomme moins, on travaille moins, ce qui permet de se dégager du temps. Adam a ainsi déménagé pour s’installer chez ses grands-parents. « Etre au  chômage  me  permet  de  m’oc-cuper  d’eux.  Aux  Etats-Unis,  les politiciens  n’arrêtent  pas  de  nous parler des valeurs  familiales, mais dans  le  même  temps  on  vit  dans une économie où l’on doit prendre deux  ou  trois boulots  pour  garder un niveau de vie décent et où l’on 

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n’a pas le temps de s’occuper de ses proches. » Adam porte-t-il un prénom pré-monitoire ? Serait-il le premier spécimen d’une nouvelle race d’humains ? On peine à le croire, car être un freegan, c’est surtout, pour lui, participer le moins possi-ble à un système collectif jugé, par essence, ignoble. Son engagement prend en effet ses racines dans une histoire familiale doulou-reuse : « Ma grand-mère est morte à  Auschwitz.  J’estime  qu’elle  n’a pas  été  victime  seulement des  res-ponsables de l’Holocauste, mais de tous  ceux  qui  n’ont  rien  fait  pour arrêter  ça. » Cette amertume, le jeune Adam Weismann l’a trans-formée à sa façon en une convic-tion, qui rejoint le message le plus fondamental de l’écologie : nous sommes tous responsables.—

« Aux Etats-Unis, plus de 40 % de la nourriture fi nit à la poubelle. » ADAM, freegan

Adam et ses amis organisent des « trash tours », des tournées des poubelles de restaurants ou de supermarchés new-yorkais.

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Étude réalisée auprès d’un échantillon de 1 014 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégories socioprofessionnelles, de région, de résidence et catégorie d’agglomération. Interrogation en ligne sur système Cawi (Computer Assisted Web Interview) et interviews réalisées les 11 et 12 mars 2009.

58% des personnes interrogées ont acheté au moins un produit bio dans les 3 derniers mois

43% des personnes interrogées SE DISENT PRETES A DIMINUER DÈS AUJOURD’HUI LEURS VOYAGES EN AVION

Le changement se conjugue défi nitivement au féminin. Elles sont 94 % à se déclarer

prêtes à consommer moins contre 92 % pour les hommes. Elles sont 46 % – contre 39 % d’hommes – à accepter de réduire leurs voyages en avion ou bien encore 92 % – contre 87% – à s’engager à diminuer leur utilisation d’eau. Dans ce sondage réalisé par OpinionWay, les hommes sont systématiquement plus « timides » que les femmes.Les femmes incarnent, par ailleurs, toutes les contradictions

Sondage Terra eco-OpinionWay

1. L’effet « étiquette ».Premier objectif : éviter les pièges du greenwashing, c’est-

à-dire l’utilisation abusive d’arguments écolos dans les pubs. Pour cela, il faut jouer l’atout labels et certifi cations. Le problème, c’est que ces estampilles sont si nombreuses et compliquées qu’un doctorat en droit du commerce est presque nécessaire. Visez les plus connus. AB et Ecocert pour les produits bio ; l’Ecolabel européen pour les

lessives et détergents ; Max Havelaar pour l’équitable ; FSC pour le bois tronçonné ; MSC pour le poisson pêché. Quant au Label rouge, s’il n’est pas bio, il garantit des viandes produites dans des conditions décentes. Enfi n, pour tout article électrique, voitures ou ampoules, il faut tenir compte de « l’étiquette énergie », qui classe le produit de A (le moins énergivore) à G (l’horreur). Elle fera en plus baisser la facture EDF.

2. L’effet « deuxième main ». Si les Occidentaux donnaient tout ce qui traîne dans leurs

placards ou passe à la décharge, sans doute, plusieurs continents pourraient vivre leurs Trente Glorieuses sans que la planète en souffre ! Un produit réutilisé ou réparé ne gaspille pas de matière première, ne demande pas de CO2 pour être fabriqué. Mais ne pas oublier que, comme la voiture, certains vieux modèles sont plus polluants que les nouveaux.

Comment consommer mieux

actuelles. Si unanimité – ou quasi – il y a, à consommer mieux et moins, la réalité économique freine bien des initiatives. 73 % des femmes interrogées expliquent que si elles n’ont acheté aucun produit bio ou équitable dans les trois derniers mois, c’est à cause du prix. Les hommes ne sont que 56 % à partager ce point de vue et avouent au passage, à 20 %, ne pas s’y retrouver dans la jungle des labels et des certifi cations. —

92 % des Français se disent prêtsà réduire leur consommationQuand on leur demande quel poste de consommation ils seraient prêts à réduire en premier, les Français répondent à 91 % l’utilisation du sac en plastique.

webRetrouvez l’intégralité de ce sondage sur : www.terraeco.net

75% des PERSONNES INTERROGÉES SE DISENT PRETES À REDUIRE L’UTILISATION DE LEUR VOITURE

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Membres de l’Association pour le maintien d’une agriculture paysanne, à Paris, en 2008.

La trentaine passée, diplômé, cadre sup, tel serait le consommateur responsable. Mais pas seulement. Portrait d’un citoyen exigeant, mais réaliste. Par ARNAUd GONZAGUE

M ais qui sont les « consom-mateurs citoyens » ? « Une population  attentive,  criti-

que,  surinformée,  qui  exige  de  la cohérence  entre  les  discours  des entreprises et leurs actes », résume Elizabeth Pastore-Reiss, directrice d’Ethicity, cabinet de conseil en développement durable. En Fran-ce, ils représenteraient 30 % à 40 % de la population adulte, mais influenceraient les autres. Selon le cabinet TNS Worldpanel, 80 % des foyers français disent ainsi avoir acheté « au moins une fois » en 2008 des produits verts.

Sans l’avant-garde des mangeurs d’œufs bio, les 46 euros annuels dépensés par le Français moyen dans ce type de produits parti-raient ailleurs. Une étude de l’Ins-titut français de l’environnement (Ifen) précise : « La  personne de  référence  [est]  âgée  de  plus  de 30 ans,  est  diplômée  et  appartient à  une  catégorie  socioprofession-nelle supérieure. » Voilà pourquoi, souligne Elizabeth Pastore-Reiss, « les marques les convoitent autant qu’elles  les  craignent » : elles ont souvent un pouvoir d’achat à la hauteur de leurs exigences.

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Appelez-moi le responsable !

Cul-tu-rellePour autant, à partir d’un certain seuil, « des revenus élevés constituent un frein à l’adoption » de pratiques environnementales, indique l’Ifen. Car la conviction qu’il faut vivre en accord avec la planète est d’abord cul-tu-relle ! Habiter en zone périurbaine plutôt qu’en centre-ville, vivre en couple plutôt que seul… sont des facteurs au moins aussi déterminants que les revenus. Plus essentielle encore, la nécessité d’être bien intégré dans la société, dans son job. « Ce qui explique la naissance du mouvement altercon-sommateur  au  début  des  années 2000, c’est la prise de conscience que la planète court à la catastrophe, tout simplement ! explique Alexandre Pasche, fondateur du cabinet Eco&co. Avant Nicolas Hulot et Al Gore, point de salut !

Poids de la culpabilitéToutefois, si ces consommateurs agissent, c’est autant au nom d’im-pératifs écologiques et politiques que par intérêt : 94 % des man-geurs de bio disent s’être convertis au label AB  « pour  préserver  leur santé » ! « Il y a une oscillation per-manente entre la culpabilité – je ne dois pas manger chez McDo qui est une multinationale – et le constat : chez McDo, les produits ne sont pas bons  pour  ma  santé »,  confirme Thierry Maillet, qui enseigne l’his-toire du marketing à Sciences-Po Paris. S’il croit à un « isme », le consomm’acteur de ce siècle aime surtout… le pragmatisme. —

3. L’effet « jeu collectif ».Pour moins tirer sur la corde, il suffit de partager. Son

véhicule d’abord. Seul au volant de votre voiture, vous émettez 150 g de CO2 au kilomètre. Accompagné de trois voisins, vous ne dégagez plus que 37,5 g de CO2 chacun. Et l’on peut multiplier les exemples, depuis la tondeuse jusqu’à l’éolienne dont on peut se répartir la production globale d’électricité.

4. L’effet « maison verte ». Le plus gros émetteur mondial de CO2 ? L’habitat. La solution,

coûteuse mais efficace, pour réduire ses émissions consiste à isoler. Bois, chanvre, intérieur, extérieur, façade : la règle, c’est pas de tabou. Côté chauffage, si la chaudière à fioul tombe en carafe, pourquoi ne pas la remplacer par une à bois ? Tout bois brûlé a dû être planté avant. Son bilan carbone est donc nul. Exorbitant de passer à la géothermie

(la chaleur gratuite tirée du sol) ? Pour une maison ancienne, certes, mais pas quand on fait construire. Le top, ce sont les panneaux solaires. Ils sont chers, mais rentables au bout d’une dizaine d’années. A l’intérieur, il faut penser aux gaspillages d’électricité : par exemple, relier ordinateur, lecteur DVD et chaîne hi-fi à une multiprises avec interrupteur. Et si on veut faire du zèle, on privilégie des toilettes sèches, sans eau, avec une litière de sciure ou de copeaux. —

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ormir, manger se déplacer. Voici le tiercé conso des Français. Mais pour le so-ciologue Nicolas Herpin, du CNRS, « toute  dépense 

est  utilitaire  ». Elle découle des arbitrages des ménages – vivre en banlieue offre des loyers plus abordables mais risque de grever le budget transport – et de l’âge de la clientèle. Selon Pascale Hé-bel, directrice du département consommation au Centre de re-cherche pour l’étude et l’observa-tion des conditions de vie (Cre-doc), « les jeunes dépensent davan-tage  pour  les  loisirs  et  la  commu-nication – 6 % de leur budget –, et moins  pour  l’alimentation. Dans 

Loin d’être un geste spontané, l’acte de consommer est souvent provoqué par la quête de l’utilité. Mais aussi par des forces plus « obscures », comme l’affi rmation de valeurs ou la jalousie. Par SIMON BARTHELEMY

notre société individualiste,  ils ont besoin  de  codes  pour  se  rassurer. Ils  appartiennent  moins  que  leurs parents à des groupes religieux ou politiques,  et  affi rment  donc  leurs valeurs  par  la  consommation.  Les marques  l’ont  compris  et  commu-niquent  sur  des  pratiques  valori-santes, le surf par exemple. » 

Frustrations aiguiséesSe distinguer par ses achats joue toutefois un rôle moins important qu’il y a vingt ans, estime Pascale Hébel. Pour preuve, le succès de H&M ou du hard discount. Dans Comment  les  riches  détruisent  la planète (1), Hervé Kempf juge au contraire que « le ressort central de 

Ces ressorts qui font bondir nos achats

la vie sociale » demeure la « riva-lité ostentatoire ». Le journaliste se fonde sur la thèse, révolutionnaire en 1899, de l’Américain Thorstein Veblen : les besoins de l’homme ne sont pas infi nis. Au-delà d’un certain niveau, c’est le jeu social qui les stimule, à savoir l’imita-tion de la « classe de loisirs ». Pour Hervé Kempf, la consommation somptuaire (voyages, champagne, limousines…) d’environ 400 mil-lions de gens dans le monde est sinon copiée, du moins lorgnée avec frustration par les classes moyennes et populaires. Consé-quence : dans les sociétés les plus inégalitaires, comme aux Etats-Unis, les gens travaillent plus pour acheter plus, selon une étude (2) citée dans le livre.

Persuasion massiveLe sociologue Jean Baudrillard dénonçait pour sa part dans la Société  de  consommation (1970) la « paupérisation  psychologique » provoquée par «  le  système  in-dustriel ». Car celui-ci « suppose la  croissance  des  besoins,  suppose aussi un excédent perpétuel des be-soins par rapport à l’offre de biens ». Publicité et marketing en sont les armes de persuasion massive. Les entreprises y ont consacré près de 33 milliards d’euros en France en 2007 (plus de 700 milliards dans le monde), et leurs effets sur la consommation sont indéniables, affi rme l’économiste Maximilien Nayaradou (3). En France, de 1998 à 2001, les hausses de consomma-tion dans les secteurs clés (auto-mobile, habillement, électroména-ger…) ont été « systématiquement précédées  d’une  augmentation  de l’investissement publicitaire ». Cer-taines cibles offrent d’ailleurs un très bon retour sur investissement : selon le Syndicat national de la pu-blicité télévisée, les deux tiers des mamans achètent le produit de-mandé par leurs enfants. —

(1) Seuil, 2007.

(2) « Emulation, Inequality, and Work Hours : Was Thorsten Veblen Right », Samuel Bowles et Yongjin Park, 2005.

(3) www.uda.fr/fi leadmin/documents_pdf/publications_etudes/UDA_TheseMN.pdf sa

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L a crise économique se propage. Faut-il relancer la machine par la consommation ? Est-ce com-patible avec une démarche de développement durable ?

Il faut investir pour que l’économie tourne. Mais nous devons désormais le faire sur la base de critères dras-tiques, en privilégiant l’économie immatérielle. Il va falloir réguler, voire tarir, certaines consommations, comme celle du poisson ou celle des automobiles pol-luantes. On y parviendra en interdisant par exemple les voitures dont les émissions de CO

2 dépassent 50

ou 80 grammes par kilomètre (1). Parallèlement, certaines consommations élémentaires doivent être encouragées. C’est le cas de l’alimentation biologique, qui doit atteindre un seuil critique. Pour réguler cer-taines consommations et tarir les autres, il va falloir de nouvelles normes et de la fi scalité.

Pourtant le débat sur la taxe écologique – qui privilégierait les produits verts et pénaliserait les autres – n’avance pas.Au contraire. Il y a quelque temps, cette solution était inenvisageable. A l’heure où nous parlons, des décideurs réfl échissent à basculer notre fi scalité, en taxant davantage les consommations impactant les ressources énergétiques ou naturelles et moins le travail. L’idée de cette taxe n’est pas encore admise, c’est vrai. Mais elle n’est plus écartée. En fait, la crise économique a pris tout le monde de court et c’est

Nicolas Hulot s’apprête à revenir au devant de la scène médiatique. Son long métrage « Le Syndrome du Titanic », annoncé comme un « cri d’alarme et un cri d’espoir », pourrait être projeté au Festival de Cannes. L’animateur et patron de la fondation qui porte son nom lève, pour « Terra eco », un coin de voile sur ce fi lm. Et appelle à un changement radical et immédiat de notre consommation.Recueilli par WALTER BOUVAIS

fi nalement sa seule vertu : elle nous fait douter de tout. Du coup, en France comme ailleurs, les esprits s’ouvrent à des idées nouvelles. Sur le sujet de la taxe écologique, je peux vous dire que nous avons des réunions au sommet de l’Etat.

Comme chaque année, avril est marqué parla semaine du développement durable. Qu’en pensez-vous ?Tout cela est sympathique et nécessaire, mais insuf-fi sant. Des responsables politiques ne pourraient pas dire cela. Mais c’est le rôle d’une ONG comme la nôtre. Par exemple, je déplore l’abus que l’on fait du terme « développement durable ». J’ai parfois l’impression qu’il ne s’agit plus que d’une camomille mielleuse des-tinée à nous faire ingérer nos excès. Quand j’entends qu’on veut installer un circuit de Formule 1 « durable » à proximité de Paris, j’ai un peu la nausée.

Comment conserver notre niveau de confort tout en réduisant nos consommations de matière et d’énergie ?Le bien-être n’est pas proportionnel à notre consom-mation matérielle. Il faut redéfi nir ce que nous appe-lons le confort. La débauche de choix dans les super-marchés est-elle le signe de notre liberté ou le témoin de notre accoutumance ? Je rappelle que si nous conti-nuons au rythme de consommation actuel, l’huma-nité n’aura plus à sa disposition à la fi n du siècle que deux métaux, dont l’aluminium. L’inconfort, ce serait de ne rien faire. Le bien-être consiste à trier dans les possibles et à se priver de certains choix. Et derrière cela, il doit y avoir des décisions politiques.

Nous sommes passés en quelques mois d’une crise écologique à une crise économique et sociale. Comme si ces deux extrêmes étaient nos seules alternatives…Nos actions dépassent nos intentions. Notre système nous met dans l’obligation d’une croissance écono-

NICOLAS HULOT « Nos écogestes ne sont pasà la hauteur des enjeux »

dossier

webPolitique, relations avec TF1, liberté de parole, rôle des ONG : retrouvez l’intégralité de l’interview avec Nicolas Hulot sur www.terraeco.net

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terra eco avril 2009 55

mique, financière et matérielle qui n’est pas tenable dans un monde physiquement clos et limité. On ne peut pas passer son temps à s’endetter pour rem-bourser la dette, au détriment des enjeux écologiques et sociaux. Il faut revoir le fonctionnement du système financier.

C’est-à-dire ?Le crédit doit devenir une forme de service public. Je ne suis pas contre le crédit mais je suis contre le fait que le dépôt d’argent profite toujours aux mêmes et

jamais au plus grand nombre. Nous sommes ici dans une crise de la démocratie : le pouvoir est entre les mains d’intérêts financiers privés. Il ne s’agit pas de faire le procès du passé mais de changer les choses. Le crédit pourrait tout à fait relever des Etats et non plus d’entreprises privées. Bien sûr, la société a son temps d’évolution. Et aucun homme politique ne dirait qu’il faut remettre en cause le système monétaire international – c’est de cela dont il s’agit – car il serait moqué. Mais nous les ONG, qui avons notre liberté de parole, avons le devoir de brûler les étapes.ya

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56 avril 2009 terra eco

« Brûler les étapes » : est-ce le but de votre long-métrage Le Syndrome du Titanic ?Ce fi lm sans concession est ma façon de franchir un cap. Le temps des écogestes est révolu. Il faut fermer le ban et précipiter l’étape suivante. Le fi lm part de ma conviction que les crises écologique, alimen-taire, énergétique et fi nancière, qui se combinent pour former une crise systémique, ont une seule et même origine : une profonde crise culturelle. Le plus petit dénominateur commun de ces crises est notre incapacité chronique à nous fi xer des limites, c’est-à-dire notre goût absolu pour la démesure. Il n’y a pas besoin d’être prix Nobel d’économie pour le comprendre. Par ailleurs, les changements que nous faisons dans nos modes de vie relèvent de l’épaisseur du trait. Ils ne sont pas à l’échelle des enjeux. Ce qui est en cause, c’est bel et bien notre système écono-mique. Les recettes du passé ne fonctionnent plus. Pire, elles sont les poisons d’aujourd’hui.

Le propos de votre fi lm semble donc bien davantage économique et sociétal qu’écologique…La crise écologique est là. On ne peut plus le nier et ceux qui ne veulent pas recevoir cet argument-là aujourd’hui ne le recevront pas plus demain. Partant de là, mon propos n’est pas de faire le énième fi lm environnemental. Ce qui m’intéresse c’est la suite : ce qui est en cause, de façon positive et négative, ce sont nos modes de production et de consommation individuels. Nous assistons à une forme de déni, car l’évidence nous gêne : soit on subit les changements, parce que la nature ne nous demandera pas notre avis et parce qu’elle a déjà entamé une forme de « régulation » ; soit on décide de prendre la main et on anticipe les problèmes. Mais alors, nous devons changer radicalement. Cela ne compromettra ni le fonctionnement de notre monde ni notre bien-être. Mais nous devons agir dans un délai très court. Il faut faire sauter les verrous culturels du nationa-lisme, du positivisme et de la confi ance absolue dans la science et les technologies.

Pensez-vous que nous soyons prêts à entendre un tel discours ?Je cite souvent cette pensée d’Einstein : « Notre époque se caractérise par la profusion des moyens et la confusion des intentions. » Nous ne manquons pas de moyens mais il nous faut préciser nos intentions, exercer notre choix. Or, choisir c’est renoncer : nous ne pourrons pas être sur tous les fronts. Pouvons-nous, par exemple, continuer de mettre chaque

année dans les budgets militaires des sommes 30 fois supérieures à ce qui permettrait de sortir l’humanité de la misère ?

Ces propos ont déjà été entendus maintes fois depuis les années 1970.Oui. Mais s’ils avaient été écoutés, nous n’en serions pas là. Même les esprits chagrins reconnaissent que notre système économique et social s’effondre. Dès les années 1970, des penseurs du Club de Rome sou-lignaient qu’il n’était pas tenable à long terme. Si on les avait écoutés, la résolution de nos problèmes serait moins compliquée.

Qui sont les hommes et les femmes capables d’inventer la nouvelle civilisation que vous appelez de vos vœux ?Les solutions ne sortiront pas des moules habituels. Elles ne viendront pas de ceux qui sont obsédés par une croissance économique qui ne vaut que pour elle-même. Il faut chercher ailleurs. C’est cette curiosité qui doit animer nos décideurs. Les personnes qui réfl échissent et qui vont loin ne manquent pas. Tenez, je vois sur mon bureau quelques auteurs qui m’ont inspiré récemment : Richard Heinberg, Thomas d’An-sembourg, François Flahaut, Patrick Viveret, Bernard Lietaer, Hervé Kempf…

Quel regard portez-vous sur le Grenelle de l’environnement ?Je suis heureux de voir ce qui se passe dans notre pays. Mais il va falloir brûler les étapes suivantes car si nous n’avons pas de réponse à la hauteur de l’em-ballement, je crains que cela ne suffi se pas. L’élec-tion de Barack Obama me donne un grand espoir. Mais notre rôle, en tant qu’ONG, à quelques mois de la conférence sur le climat de Copenhague, ne se limitera certainement pas à faire des propositions gentillettes. —(1) 149 g/km en moyenne, en France.

Un fi lm en avant-première à Cannes ?Nicolas Hulot montant les marches du Festival de Cannes. Aussi décalée soit-elle, la scène pourrait se dérouler au mois de mai. Le long métrage Le Syndrome du Titanic, qu’il a coréalisé avec Jean-Albert Lièvre, est sur les rangs pour une projection hors compétition lors de la grand-messe du cinéma. « L’idée de passer deux jours à Cannes est pour moi un cauchemar, confi e Nicolas Hulot. Mais je vais me faire violence, ne serait-ce que pour les producteurs du fi lm, qui ont pris un risque énorme. » Le fi lm a été tourné entre l’été 2007 et septembre 2008, au Japon, en Chine, au Nigeria, en Guinée, en Amérique du Sud et aux Etats-Unis. « On y verra peu d’images de nature. Le rythme sera volontairement assez lent : je veux que l’on mette des visages et des vies sur les crises. » Sortie prévue en octobre 2009.

dossier

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terra eco avril 2009 57

Q1. Quand vous prenez un bain moussant, vous vous dites :a. Mais pourquoi ai-je dépensé toute cette eau alors que l’Afrique meurt de soif ?b. C’est booon… mais la pro-chaine fois, je prendrai des sels de bain équitablesc. ça déchire, ça ! Faut vraiment que j’abatte la douche pour installer un jacuzzi géant avec multijets partout !

Q2. Vous ne prenez votre voiture que : a. En cas de guerre mondiale, ou éventuellement d’invasion extraterrestreb. Pour les trajets qui dépassent un kilomètre à piedc. Pour les trucs importants. Genre, aller acheter Télépoche ou faire son Rapido

Quiz. Quel genre de consommateur êtes-vous ?

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VU

Q3. Le tri sélectif, c’est :a. Un pis-aller. Il faut surtout acheter en vrac pour éviter l’accumulation d’emballagesb. Un truc utile, mais avec plein de couleurs compliquées. Un peu comme au Trivial Pursuitc. Le quoi ?

Q4. Manger des fraises en décembre, pour vous, c’est : a. Un crime contre l’humanité ! Je contacte le Tribunal pénal international !b. Pas terrible. J’évite, sauf quand ma femme est enceinte…c. Irrésistible ! On se paie une barquette ?

Q5. Le label AB signifie :a. Absolument bouleversantb. Assurément bonc. A boire !

Q6. A l’idée de mesurer une empreinte écologique, vous pensez : a. Bien sûr, je le fais une fois par mois sur le site du WWFb. Je ne suis pas contre, bien que ça me fasse un peu peurc. Pas besoin, je connais ma pointure : 43 !

Q7. Pour vous, Nicolas Hulot, c’est :a. La prochaine personnalité à faire entrer au Panthéon b. Une personne dont vous appréciez l’engagement mais qui, vraiment, devrait changer de patronc. Le mec sympa de TF1 qui arpente les plaines du Katanga avec un super 4x4 ! Mais aussi le gel douche Ushuaïa au ginseng

Vous avez une majorité de

« a » ? vous êtes un roi

de la green attitude

S’il existe un paradis pour les

citoyens responsables, saint

Pierre vous fera un double des

clés. Conscient que l’avenir de

la planète repose sur vos petites

épaules, vous continuez de vous

muscler.

Une majorité de « b », vous

êtes un peut-mieux-faire Vous avez compris que nous

vivons à une période charnière,

mais vous ne vous lancez pas.

Sortez de votre réfrigérateur.

Une majorité de « c »,

vous êtes un martien

Vous avez entendu parler du

changement climatique mais

Giec, OGM et CO2 sonnent à vos

oreilles comme une littérature

exotique.

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éco-conso

Dîners sous les étoilesPour sa 100e édition, le Guide Michelin a lâché l’un de ses précieux macarons sur une table bio camarguaise. A La Chassagnette, Armand Arnal concocte des soles glacées et autres côtes de taureau à la mode zéro carbone : tous les produits ont parcouru moins de 60 km et le cuisinier les accommode aux herbes et légumes du jardin, labelisé Ecocert, qui entoure l’ancienne bergerie.A 12 km de là, en Arles, Jean-Luc Rabanel, premier chef étoilé bio, en gagne une deuxième pour l’Atelier. CECILE CAZENAVE

Le + environnemental : le bon goût sans pesticide

lachassagnette.blogspirit.com et www.rabanel.com

Un Suisse porté sur la bouteilleQuel objet peut à la fois faire office de porte-journaux (photo), de sablier, de tirelire et servir à boire ? Réponse : la bouteille en PET. Tinu, le créateur suisse de Ryterdesign, a inventé une gamme d’articles, Recycline, à partir de ces contenants qu’il a agrémentés de quelques accessoires : une fermeture éclair, des embouts en caoutchouc…Le tout, sans colle. ANNE BERNARD

Le prix : 3,5 à 81 euros. Le + environnemental : recyclage.

www.ryterdesign.ch/recycline/frame.htm

C’est quoi cette bouteille de lait ? Perdu. C’est de l’eau. Car le carton défie désormais le plastique sur ce créneau. L’Aquapax, qui débarque en France, met en avant son emballage composé à 75 % d’un matériau « renouvelable, recyclé et recyclable ». L.A. Le + environnemental : du carton au lieu du PET.

www.justdrinkingwater.com/aquapax/index.aspx

agir

62 Alimentation Mais où est passée l’étiquette carbone ?

64 Casse-tête Laver sa voiture avec ou sans eau ?

66 Ils changent le monde Pluie mondiale de panneaux solaires

70 La mode Sébola court éthique

72 Le zoom Des bêtes en ville

76 J’ai testé… le vélo électrique

78 Enrichissez-vous Les mangas à la page environnement

82 Agenda

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L’équitable est de bon goûtQuitte à récolter une crise de foie à Pâques, autant le faire avec du chocolat bon pour les gourmands et pour ceux qui le font. Depuis 2005, la marque hollandaise Tony’s Chocolonely s’échine à faire le ménage dans la filière cacao, régulièrement mise en cause pour les conditions de travail chez certains producteurs. Pour ce faire, elle s’est associée avec Max Havelaar, un grand du commerce équitable. A.B.

Le + social : la lutte contre le travail forcé.www.chocolonely.nl

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Pas d’idée cadeau pour votre sœurette ? Pas question non plus de lui signer un chèque pour qu’elle s’achète un produit anti-développement durable. Offrez-lui donc un Ethikd’o. De la cosméto bio à l’électroménager de seconde main, ce chèque-cadeau est utilisable dans une quarantaine de magasins durables parisiens et lyonnais et dans 25 boutiques en ligne. LOUISE ALLAVOINE

Le + environnemental : encourage

la consommation durable

www.ethikdo.fr

la fausse bonne idée

Les noixde lavageElles sont naturelles, mais viennent de très loin. Une solution pas du tout impeccable.

Faire venir des noix de l’autre bout de la planète pour laver des slips, ça sent l’aberration environnementale, non ? Pour celui qui veut réduire radicalement son impact, oui. Le marché des noix de lavage a pourtant explosé ces dernières années en europe. issues d’un arbre à savon, ces noix contiennent 25 % à 30 % de saponine, un nettoyant naturel. avantage de la noix : on en consomme moins que de la lessive, la toxicité de ses rejets est quasi nulle et elle peut servir plusieurs fois. Problème, la noix ne lave pas très bien. elle se contente – et c’est déjà bien – de nettoyer honnêtement des vêtements sales pour avoir été portés. elle apporte donc un plus écologique, mais à condition d’habiter en inde ou au népal, où elle est cultivée. Le transport plombe en effet son bilan environnemental.Son impact social pose lui aussi question. il n’existe pas de filière bio, équitable, ni de certification ou de cahier des charges pour la culture du Sapindus mukorossi. aucune étude n’a épluché les conditions de travail de la filière ou la gestion de la ressource.Selon son âge, l’arbre peut fournir 200 à 1 500 kg de noix. Celles-ci sont achetées une poignée de centimes le kilo puis conditionnées dans des sacs d’un kilo et vendues à des grossistes de Delhi. au cours de cette étape, le prix a déjà décuplé. Les grossistes de Delhi spéculent ensuite sur le prix de vente à l’europe : + 300 % entre 2005 et 2006. Quelques sociétés comme azimuts, qui vend des noix de l’Himachal Pradesh (inde), plaident pour une exploitation rigoureuse, équitable et respectueuse des ressources. —LAURE NOUALHAT

Des meubles à jouervoici une idée qui pourrait sauver les déménageurs frénétiques : fabri-quer des meubles à base de carton, histoire de faire d’une pierre deux coups. Sur le site Foldschool, l’architecte et designer nicola enrico Stäubli explique, étape par étape, comment réaliser un tabouret, une chaise ou un rocking-chair pour enfant. Le principe consiste à télé-charger gratuitement les patrons des meubles, à les appliquer sur des morceaux de carton. Puis on découpe, on plie, on colle. La construc-tion du tabouret prend tout de même trois heures et demie. et le pro-duit final est réservé aux tout petits gabarits. A.B.

Le + environnemental : matériau de récup’ et recyclable.

www.foldschool.com

Un chèque en vert

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Le Power-Hog ou la télé-tirelireSa queue en tire-bouchon se branche directement sur la prise de courant. Mais non, ça ne donne pas un porcelet grillé. Il s’agit du Power-Hog, un gadget pédagogique destiné à apprendre aux enfants le coût de l’énergie. Relié à la télé d’une part et à la prise électrique de l’autre, il ne laisse passer le courant que lorsque l’enfant a glissé une pièce de monnaie dans la fente de son dos. Une excellente manière pour les parents de reprendre d’une main l’argent de poche distribué de l’autre. CECILE CAZENAVE

Le + environnemental : l’apprentissage du coût de l’énergie

www.core77.com/greenergadgets

Une âme de couturière Parfois, elle déniche de si jolis boutons qu’elle hésite à les coudre sur les vêtements de sa collection. Car Sophie Bougnon, créatrice de la marque Lola Bon’Heure, ne se contente pas d’inventer des modèles en coton bio, tissé à Lyon, ou en laine de mohair d’un éleveur de Haute-Savoie. Chaque pièce se pare d’une « valeur ajoutée » : un morceau d’un coupon des années 1960, des pressions dégotées dans une garde-robe de grand-mère. Un supplément d’âme pour remiser le bio baba cool au placard. C.C.

Le + environnemental : pratique la récupération.

www.lolabonheure.com

Je vous présente les Pixies, les poupées qui permettent à votre fille de comprendre qu’il faut prendre soin de la planète. Les Pixies – au nombre de trois – sont confectionnées en coton certifié bio et vendues par la société i Love My Planet Toys. elles représentent trois régions menacées : Maia débarque de la forêt amazonienne, Kayla des everglades de Floride et anyu du pôle nord. Chacune est livrée, dans son emballage en carton recyclé, avec des infos sur le piteux état de sa contrée d’origine et avec quelques menus conseils pour stopper le massacre. Bref, un jeu d’enfants dès l’âge de 3 ans. ANNE BERNARD

Le prix : 20 euros l’une. Le + environnemental : sensibilise les enfants à l’écologie.

www.planetpixies.com

Que la lumière soitFifi en a marre de buller dans sa baignoire sous un néon blafard. Qu’à cela ne tienne, la société Velux, leader mondial de la fenêtre de toit, lui propose le Sun Tunnel. Cet entonnoir à lumière du jour, en alu réflecteur, est placé entre le toit et le plafond. D’un côté, il donne sur un velux. De l’autre, sur un plafonnier translucide. Le fabricant assure que, par temps clair, la lumière qui pénètre dans la pièce équivaut à celle d’une ampoule de 60 watts. C.C.

Le + environnemental : économise l’électricité.

www.velux.fr

éco-conso

dr

La poupée planétaire

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62 avril 2009 terra eco

l’alimentation

à droite, une petite feuille verte indique « 210 g  de CO

2 ». Juste au-dessus fi gure

la mention « Indice carbone » et, en petit : « voir au dos ». Exécution. On y apprend que l’indice carbone est « une estimation de la quantité de gaz à effet de serre émise lors des principales étapes du cycle de vie du produit – production, transformation,  emballage, transport  et  distribution ». A côté, une réglette à sept degrés donne une idée de l’impact environnemental du moelleux. Jaune, c’est faible. Vert bouteille, c’est fort. Avec trois degrés, le gâteau obtient la mention passable. Enfi n, à droite, un carré façon Tetris. Il s’agit d’un « mobile tag », une image à photographier avec son portable qui permettra ensuite d’accéder à des informations en ligne. Encore faut-il disposer du bon attirail. Pour l’heure, seuls 107 pro-duits alimentaires de marque Casino sont ainsi étiquetés, « toutes enseignes du groupe confondues » (1). « D’ici  à la fi n 2009, nous passerons à 

DISTRIBUTION Carboneen quête d’étiquetteEn France, seules deux enseignes – Leclerc et Casino – affi chent le bilan CO2 de certains produits. Mais chacune possède son comptage maison. Décryptage des deux méthodes. Par LOUISE ALLAVOINE

MAIS OÙ est donc passée l’étiquette carbone ? A l’au-tomne 2007, le Grenelle de l’environnement avait promis d’améliorer l’information des consommateurs. Un an et demi plus tard, diffi cile de dénicher l’ombre d’une mention CO

2

dans les grandes surfaces. Le consomm’acteur aura beau examiner les emballages sous toutes les coutures, éplucher les étiquettes : néant. Ou presque. Pour l’instant, rien n’oblige les distributeurs à le faire (lire ci-contre). Résultat, seules deux enseignes affi chent du CO

2

en plus des euros : Casino et Leclerc. Mais elles le font avec deux logiques très différentes. Lecture, à la loupe, de leurs estampilles.

Casino : indice carbonePrenez un gâteau moel-

leux prêt à cuire de marque Casino. Sur le paquet, en bas

300 références, puis la démarche sera étendue à toute la marque alimentaire Casino », précise Philippe Imbert, le directeur qualité. Mis au point par le cabinet indépendant Bio intelligence service, l’indice carbone de Casino a été lancé en juin 2008. « Nous  avons entamé  cette  réfl exion  il  y  a deux ans et demi, bien avant que les groupes de travail du Grenelle ne proposent un éti-quetage  écologique », vante Philippe Imbert.

Leclerc : affi chage CO2

Chez Leclerc, ne cher-chez pas d’indication CO

2

sur les produits. L’affi chage se fait sur l’étiquette apposée sur le rayon. A côté du prix de l’article fi gurent donc les données CO

2. Ainsi, le pot

de crème fraîche de 500 g marque Repère – celle du dis-tributeur Leclerc – indique 3,72 kg éq. CO

2. Juste à côté,

un pot de marque différente,

mais avec le même type d’emballage, affi che un bilan identique. « En fait, nous nous appuyons  sur  des  données génériques,  c’est-à-dire  des moyennes  pour  chaque  pro-duit »,  explique Catherine Gomy, directrice qualité et développement durable de Leclerc. Ainsi, les bilans CO

2,

tirés de ces bases de données, varient en fonction du mode de fabrication, de condition-nement et des trajets par-courus. Peu importe fi nale-ment la marque du produit. Le consomm’acteur peut, de fait, pa

scal

sitt

ler -

rea

300 références, puis la démarche sera étendue à toute la marque 

précisePhilippe Imbert, le directeur qualité. Mis au point par le cabinet indépendant Bio intelligence service, l’indice carbone de Casino a été lancé

« Nous  avons entamé  cette  réfl exion  il  y  a deux ans et demi, bien avant que les groupes de travail du 

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terra eco avril 2009 63

«J’ai longtemps cru que le surimi était une astuce

de l’agroalimentaire pour faire avaler du poisson aux mômes. Après tout, les petits Japonais raffolent de bâtonnets de poissons séchés qu’ils suçotent à longueur de journée. Mais entre le poisson séché et le surimi, il y a un canyon de saveurs.

C’est bien simple, le surimi est au poisson ce que le ketchup est à la tomate : une vue de l’esprit. Il y a du poisson dans le surimi, je confirme, mais tellement transformé qu’il n’en reste que des protéines.Je me jette à l’eau et vous raconte. A l’origine, il y a les poissons, des petits pélagiques gras, dont les stocks sont plutôt sous-exploités (et c’est tant mieux) : chinchards, merlans bleus, sardines… Une fois pêchés, ils sont étêtés, éviscérés, broyés. Leur chair hachée est ensuite rincée au moins trois fois à l’eau claire (il faut 2 à 3 litres d’eau pour un seul kilo de chair), et raffinée pour déstructurer la fibre du muscle et éliminer graisses, odeurs et certaines protéines. La pâte inodore obtenue est ensuite mélangée à de l’amidon, du blanc d’œufs, de l’huile de colza, des arômes et des colorants. On l’étale, on la roule, on lui passe un fourreau en plastique et on la débite en petits bâtons. En 1988, les Français en ingurgitaient 1 500 tonnes. Aujourd’hui, c’est trente fois plus. Et dans le monde, on en mange 1,5 million de tonnes à l’année. Au fait, dans un surimi, on trouve 25 à 30 % de protéines de poisson. Pas plus. » —

« 2 à 3 litres d’eau pour un kilo de chair de surimi »par Miss Bouffe

constater qu’un article de petit volume, suremballé, coûte plus cher à la planète qu’un plus grand avec peu de plastique. « Cette méthode, que nous a proposée le cabinet Greenext, a  l’avantage  d’être  rapide-ment exploitable et applicable à toutes les marques », ajoute Catherine Gomy.

Bilan des deux méthodesAvec un bilan spécifique

à chaque produit, le groupe Casino ne peut étiqueter que les produits de sa marque. Et ce bilan ne tient pas compte du lieu de commercialisation. Tandis que chez Leclerc, « les 

les pieds dans le plat

données  spécifiques à  chaque magasin  sont  intégrées  dans le calcul ». Ainsi, mon pot de crème n’a pas le même impact à Wattrelos ou à Templeuve, les deux magasins du Nord de la France où la chaîne expé-rimente son affichage depuis avril 2008. Autre avantage de la méthode Leclerc : elle permet de calculer le poids carbone de la totalité de son chariot. Ainsi, le consommateur trouve en bas de son ticket de caisse une addition CO

2 de ses courses

accompagnée de la mention : « Plus le chiffre est faible, mieux c’est pour la planète ». —(1) Casino, Super Casino, Casino Proximité, Géant.

Compte à rebours pour le CO2En janvier 2008, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), qui réunit 80 enseignes, a signé une convention avec le ministère de l’Ecologie dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Elle s’est notamment engagée à expérimenter « la mesure des principaux impacts environnementaux de 300 produits de consommation courante ». Un bilan de cette démarche sera dressé à l’occasion de la semaine du développement durable. Le temps presse car le projet de loi Grenelle 2 pourrait rendre obligatoire l’étiquetage environnemental des produits alimentaires dès janvier 2011. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie a créé une plate-forme de travail, abritée par l’Afnor, chargée de plancher avec la grande distribution sur un code de bonnes pratiques. Il lui faudra notamment résoudre l’épineuse question de l’harmonisation de la méthode de calcul. Car, chez Leclerc comme chez Casino, chacun est convaincu que sa méthode servira de modèle.

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Suivez les guides - Ce minisite de Casino donne des conseils pour lire les étiquettes et récapitule les indices carbone de tous les produits évalués. www.produits-casino.fr

- Le site de Leclerc permet de comparer le poids CO2 de ses achats avec la moyenne de la clientèle. www.jeconomisemaplanete.fr

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64 avril 2009 terra eco

le casse-tête

LieuAVEC EAU : Qu’on soit adepte du jet ou du rouleau, on trouve forcément son bonheur à côté de chez soi. Total, le mastodonte des stations, annonce 900 points de lavage en France et Elephant bleu, 518. SANS EAU : Il existe une trentaine de franchises en France pour Sinéo, l’un des pionniers, et 20 nouvelles sont prévues en 2009. Lavéo, qui s’est lancé en avril 2008, devrait être implanté dans 15 grandes villes d’ici à cet été.

Temps AVEC EAU : C’est self-service et rapide : cinq minutes, selon les estimations des deux enseignes.SANS EAU : Les laveurs se déplacent à votre domicile ou sur votre lieu de travail. Chez Sinéo, on bichonne votre carrosse en trois quarts d’heure pour l’extérieur du véhicule.

Consommation d’eau AVEC EAU : Evidemment, ça consomme : 60 litres par voiture chez Eléphant bleu, avec le jet haute pression. Chez Total : 250 litres avec le rouleau, point fort du groupe. Un peu plus du quart des portiques sont équipés pour recycler entre 30 % et 60 % de l’eau utilisée. Côté produits, des détergents

A ma droite, les stations type Total ou Elephant bleu qui carburent au jet ou au rouleau. A ma gauche, les nettoyeurs qui dégainent la lingette, genre Lavéo ou Sinéo. Un match où les coups vont pleuvoir.Par CECILE CAZENAVE

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ordinaires. « Mais les normes de rejets sont de toute façon de plus en plus sévères », note Didier Geoffroy, responsable du département développement et construction chez Total.SANS EAU : Pas une goutte bien sûr. Les produits

nettoyants sont vaporisés puis essuyés à la main. Chez Lavéo, on en consomme un litre pour 8 à

12 autos. Les produits Sinéo sont 100 % végétal, à base d’huiles essentielles et d’extraits d’agrumes. Le

tout est biodégradable en vingt-huit jours.

Déchets AVEC EAU : Les stations de lavage sont équipées de fosses à décantation où les polluants sont séparés de l’eau qui est, elle, rejetée dans les égouts. Car en roulant, ou tout simplement en s’usant, une voiture se couvre de métaux lourds et d’hydrocarbures brûlés. A partir de l’analyse des boues envoyées dans des stations de traitement, Eléphant bleu a établi une projection édifiante. Le parc automobile français nettoyé à domicile ou « rincé » par la pluie – soit près de 17 millions de véhicules – rejetterait chaque année dans la nature 26 tonnes d’hydrocarbures, près d’1,5 tonne de chrome, de baryum, de manganèse et de plomb, ainsi que d’autres cochonneries (nickel, fer, phosphore). « L’eau est le seul vecteur efficace pour récupérer ces polluants, c’est pourquoi nous ne développons pas le nettoyage à sec », argumente Yves Brouchet, directeur général d’Eléphant bleu. SANS EAU : L’arme du lavage sans eau, c’est la lingette en micro-fibres. Chez Sinéo, on en utilise 7 ou 8 par véhicule : 70 % polyester et 30 % polyamide. Après lavage en machine, elles sont réutilisables jusqu’à 300 fois. Ensuite, poubelle.

Porte-monnaie AVEC EAU : 3,80 euros en moyenne chez Eléphant bleu, 5 euros chez Total : on est propre pour pas cher.SANS EAU : ça coûte au minimum un bras. Chez Sinéo, comptez entre 15 euros pour une petite voiture et 75 euros pour une grosse cylindrée avec nettoyage intérieur. Chez Lavéo, même topo : 24 à 84 euros. —

Bilan du lavage d’une Clio

Avec eau : 5 minutes de travail ; entre 60 et 250 litres d’eau ;

des hydrocarbures filtrés ; 4 euros en moyenne.

Sans eau : trois quarts d’heure sans rien faire ; 0 litre d’eau lors

du lavage ; des hydrocarbures non filtrés sur les lingettes ; 20 euros

en moyenne.

www.laveo.fr / www.sineo.fr / www.elephantbleu.com / www.total.fr

DILEMME Laver sa voiture avec ou sans eau ?

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66 avril 2009 terra eco

ils changent le monde

SELF ou l’empire du soleil électrifiantL’organisation américaine plante des panneaux solaires dans les pays en développement. Une manne tombée du ciel pour les hôpitaux et les écoles. Par CECILE GREGORIADES

« Aider les gens à passer de l’obscurité à la lumière. » La devise de Solar Electric Light Fund (Self) n’a rien de biblique : cette organi-sation basée à Washington s’ap-puie sur l’énergie solaire pour éclairer les coins les plus reculés de la planète. « il ne faut pas seu-lement rendre l’énergie accessible aux gens, il faut que cette énergie soit propre, durable et non émet-trice de CO

2 », insiste son direc-

teur, Robert Freling. C’est dans un village chinois, au milieu des années 1990, que ce polyglotte a

été happé par l’action de Self. « J’y ai passé deux mois et j’ai pu observer l’émerveillement des gens lorsqu’ils découvraient pour la première fois la lumière électrique, raconte-t-il avec ferveur. Cela m’a convaincu. »

Kérosène et bougies au placardDepuis, ce natif de Dallas et ses équipes ont essaimé leurs pan-neaux solaires dans pas moins de 20 pays. Leur objectif : faire entrer la fée électricité dans les foyers de 2 milliards d’individus vivant en situation de pauvreté énergé-tique, « ce qui signifie qu’ils n’ont jamais été connectés à un réseau électrique ». Lorsqu’il donne des conférences devant ses concitoyens, Robert Freling aime rappeler ce que serait leur vie sans électricité : « Plus de lumière la nuit ni de radio ou de télévision, plus de téléphone l’O

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portable ni d’ordinateur… » Cette perspective, difficile à imaginer, est pourtant le lot commun d’un tiers de l’humanité aujourd’hui.Créée en 1990, Self démarre en Asie puis gagne rapidement l’Afrique, un continent baigné de soleil, situation idéale pour la pro-duction d’énergie photovoltaïque. L’idée est d’installer des panneaux solaires capables de subvenir aux besoins d’un foyer, le tout financé par le microcrédit. Le coût d’une installation – environ 400 euros – est remboursé en trois ou quatre ans. Cette somme équivaut bien souvent au montant dépensé par ces communautés isolées en kérosène, bougies ou piles. « en échange, ils obtiennent une techno-logie plus propre et surtout moins dangereuse »,  souligne Robert Freling. pe

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Installation d’un panneau au Népal.

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Au fil des ans, les projets se succè-dent et prennent de l’ampleur. Le quadra globe-trotter s’attelle vite à éclairer des écoles, des hôpitaux et des villages entiers. « Au final, l’électricité n’a de valeur que par rapport aux services qu’elle permet de mettre en œuvre : rendre l’eau potable, réfrigérer les vaccins, faire marcher les ordinateurs… », note Robert Freling, qui a conclu des partenariats avec de nombreuses ONG, comme Partners In Health, pour alimenter des cliniques au Rwanda.

Le succès du Bénin Mais le système d’irrigation goutte-à-goutte mis en place au Bénin est probablement le projet dont Robert Freling est le plus fier. L’installation est alimentée par une pompe à eau solaire qui distribue le précieux liquide et permet à près de 100 000 per-sonnes de consommer, et même de vendre, une récolte habituellement inexistante en période sèche. « le but est de former les gens puis de les laisser gérer le système de façon 

Pêcheurset crustacésL’Association du grand littoral atlantique a révolutionné la pêche aux langoustines. Son système de filets est imité dans toute l’Europe.

Une aUtre peche est possible. Le golfe de Gascogne en a fait la démonstration. en partenariat avec l’Ifremer et des associations du littoral, les pêcheurs gascons de langoustines ont amélioré leurs chaluts pour laisser passer entre les mailles de leurs filets les crustacés trop petits. Bébé langoustine supportait mal d’être capturé puis rendu à l’océan. « Seulement 30 % des spécimens rejetés survivaient », explique François Foucaud, de l’association du grand littoral atlantique (aglia). en 2006, cette dernière a mené un programme de recherches et d’essais en mer : les 220 bateaux français licenciés pour ce type de pêche ont rééquipé leurs chaluts, soit avec une grille en plastique à barreaux flexibles, soit avec un panneau de mailles carrées – plutôt que losanges plus oppressantes.en 2008, l’initiative a été primée par l’alliance produits de la mer, une OnG internationale défendant des produits de la mer durables. La même année, la commission européenne a consacré ces systèmes en les rendant obligatoires. « Depuis cette généralisation, les quantités de rejets ont diminué de 30 % », vante François Foucaud. — LOUISe aLLaVOIne

www.aglia.org / www.comite-peches.fr

“ Il ne faut pas seulement rendre l’énergie accessible aux gens. Il faut qu’elle soit propre, durable et non émettrice de CO2. ” Robert Freling, directeur de Solar Electric Light Fund (Self)

Vous avez un projetpour changer le monde ?

[email protected]

l’association

autonome  et  si  possible  qu’ils  en vivent. » Face au succès, le direc-teur de Self s’enthousiasme : « et pourquoi  pas  prouver  au  monde qu’un pays comme le Bénin peut fonctionner exclusivement grâce à l’énergie solaire ? »Au final, l’impact de Self, dont les projets sont financés par des insti-tutions gouvernementales, des fon-dations et de plus en plus, par des dons de particuliers, peut paraître à la fois énorme et dérisoire. Plus d’un million de personnes béné-ficient directement ou indirec-tement de l’électricité produite par ses panneaux solaires, mais des millions d’autres attendent toujours. « nous sommes sollicités quotidiennement », admet Robert Freling qui avoue devoir refuser la majorité des demandes faute de moyens. A Self, on rejette catégoriquement le qualificatif de « charitable ». Pour le directeur, l’action de l’or-ganisation dépasse la philanth-ropie : « si l’on ignore les causes de la pauvreté et du désespoir qui sévis-sent dans les endroits défavorisés du 

monde, on ne mettra jamais un terme au terrorisme, qui se nourrit des inégalités et des injustices. » D’ailleurs, Self effectue des évaluations d’installations à la fron-tière jordano-irakienne, en Afghanistan ou encore au Pakistan. « en  favori-sant un développement à la fois propre et durable, nous contribuons à améliorer la stabilité du monde. » — www.self.org

L’impact des SELF services - coût moyen d’une installation solaire pour une clinique : 35 000 euros.- 100 000 installations fonctionnent actuellement de par le monde. - Les retombées des projets touchent plus d’un million de personnes. - Sur vingt ans, 500 000 tonnes de cO2 ont été évitées par rapport à ce qu’auraient émis les lanternes au kérosène.

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François Marty en a marre des quartiers « verts » accessibles seulement aux bobos. Il s’est donc lancé dans l’écoconstruction de logements sociaux. Par CAROLINE COQ-CHODORGE

L’homme à la carrure massive et la petite maison de bois brut se ressemblent. Lui ne vit pas dans cette habitation mais l’a conçue un peu à son image : simple, atypique, résolument ambitieuse. François marty, 54 ans, dirige l’entreprise Scierie et palettes du littoral (SPL) et les chantiers d’insertion de l’association Chênelet, basés dans le Pas-de-Calais. Au début des années 2000, il se lance dans l’écoconstruction de logements sociaux. Depuis, une dizaine de maisons sont sorties de terre, dont quatre à Saint-Denis (Seine-Saint-

Denis), à côté de Paris. François marty frappe à la porte de l’une d’elles. Sourires. Les propriétaires ont acheté l’an passé cette habitation de 100 m2 avec jardin contre un chèque de 150 000 euros, grâce à un programme d’accession sociale à la propriété.

Le gros poêle finlandaisen franchissant le seuil, le visiteur est enveloppé d’une douce chaleur. La source : un massif poêle finlandais en pierre stéatite, de couleur grise, qui retient la chaleur. en authentique entrepreneur, François marty en vante les mérites. Il suffit, d’après lui, d’y faire brûler du bois une demi-heure par jour pour chauffer intégralement la demeure. Puis il montre les murs respirants, en terre crue ou bardés de bois, disserte du toit végétalisé qui filtre l’eau de pluie, récupérée

pour les toilettes ou la machine à laver.L’homme résume sa démarche en deux mots : écologie populaire. « Les plus modestes souffrent souvent de surendettement parce que leur habitation est de mauvaise qualité. Nous avons donc décidé de construire avec eux et pour eux des logements sociaux sains, aux charges très faibles, et avec des ressources locales. » Il interroge, provocateur : « On est capable de faire des écoquartiers pour les bobos. Pourquoi pas pour les pauvres ? A ce rythme, on va faire du développement durable pour les uns et du sous-développement durable pour les autres. »

Ex-catholique libertaireSes convictions, François marty les a forgées dès 1980, près de Boulogne-sur-mer. Il évolue alors dans la mouvance du catholicisme social, voire un brin libertaire. Avec un prêtre, il fonde une communauté qui accueille d’anciens détenus et des réfugiés. Puis, en 1986, il décide de les « sortir de l’assistance » en créant une entreprise d’insertion, la première du genre. Il se lie aux écologistes, notamment Guy hascoët, dont il devient, en 2000, le chef de cabinet quand ce dernier décroche le poste de secrétaire d’etat à l’economie solidaire dans le gouvernement Jospin. « Mais je m’ennuyais après la boîte, après les gars », sourit-il. Aujourd’hui, sa structure compte 130 salariés. Il s’agit de « la première entreprise de la filière bois dans le Nord-Pas-de-Calais ». François marty assume sa réussite. « Serait-on inefficace parce qu’on fait du social ? Et doux rêveur parce qu’on est écolo ? » Ses écoconstructions ont été primées par Ashoka, association qui promeut l’entreprenariat social et le pousse à voir plus grand : construire 50 maisons par an dans les cinq ans et essaimer en transmettant son savoir-faire. —www.chenelet.org

Bâtisseur de pavillons verts

l’homme

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Cet objet est l’un des plus jetés au monde. Glovea a créé la première machine qui les retraite.

Ne lui parlez pas recyclage mais réutilisation ! a 60 ans, Gérard poincelot, fondateur de Glovea et ex-directeur de labo-ratoire pharmaceutique, vient de mettre au point la première machine de retraitement de gants en plastique. a la base, un constat simple : « Dans le monde, ce sont 138 milliards de  gants, pratique-ment neufs, qui sont jetés par an. » Chez Glovea, on propose donc de fournir des gants en nitrile, un plastique très résistant.après usage, l’entreprise les récu-père, les nettoie, les désinfecte, les vérifie, puis les remet avec un code de traçabilité. « Le client n’a plus à se préoccuper de la logistique ni de la destruction en fin de vie. Ce ser-vice peut lui faire économiser entre 20 % à 40 % sur ce poste et il peut diviser ses émissions de gaz à effet de serre par dix. » Car les produits de Glovea supportent jusqu’à 15 cycles de « lavage ». la première machine sera mise en route en juin à Nantes, pour un industriel de l’agroalimen-taire. — CeCILe CAZeNAVe

www.glovea.com

Fondation Schwab Basée en suisse, elle a pour objectif d’aider les entrepreneurs sociaux à démultiplier leurs innovations. Créée en 1998 par les fondateurs du Forum économique mondial, cette association à but non lucratif est neutre et indépendante. Chaque année, dans les pays où elle est implantée (dont la France), ses représentants élisent un entrepreneur social emblématique : 150 chefs d’entreprise ont ainsi rejoint la fondation depuis sa création. en France, le dernier « élu » est Jean-louis ribes, fondateur de Distribution services industriels (Dsi) dont 80 % des salariés sont des personnes handicapées.www.schwabfound.org

l’entreprise

Au Sénégal, les taxis étaient le domaine réservé des hommes, jusqu’au programme « Taxi Sisters ».

QuAND Amy CISSé, 30 ans, parcourt les rues de Dakar au volant de son taxi, les têtes se tournent sur son passage. Car, dans la capitale sénégalaise, les « Taxi Sisters » font encore figure d’ovnis. Il y a deux ans, sous la houlette du Fonds national pour la promotion de l’entreprenariat féminin, 10 jeunes femmes ont reçu une formation à la conduite, au marketing et aux arts martiaux. Le combat fut rude puisqu’une centaine de jeunes femmes étaient en compétition. Cerise sur le gâteau : les clés d’un bolide flambant neuf. Les conductrices ont pour objectif de rembourser, en cinq ans, le prêt de 7,35 millions de francs CFA (13 000 euros) qui leur a été octroyé pour l’achat de leur voiture. et ainsi, de faire un pas de plus vers la parité.Tous les jours de 7 h à 19 h, en moyenne, elles sillonnent la ville et se heurtent encore à des collègues masculins sceptiques. « Ils peuvent nous créer des problèmes sur la route, nous coincer et nous traiter de tous les noms ! », souligne l’une d’entre elles. Par ailleurs, elles craignent pour leur sécurité. elles ne peuvent circuler partout et préfèrent partir de points fixes comme les hôtels ou les casinos. mais la discrimination demeure : leurs clients restent en majorité des femmes et des touristes. — C.C.l’i

nitiative

Les gantsou la vie

Des femmes révolutionnent au volant

Les bons tuyaux Vous avez un projet, ils peuvent vous aider.

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à l’entendre, chaque étape du projet lui a donné du fil à retordre. Notamment lors-qu’il a fallu dénicher un tex-tile suffisamment respirant pour couvrir les épaules des marathoniens. Après avoir mené des tests sur différents matériaux, dont la fibre de bambou, les deux associés tombent sur la perle rare : une matière en polyester recyclé fabriquée au Japon.« C’est une fibre pure conçue selon un processus spécifique qui permet de mieux évacuer la  transpiration et  l’odeur », explique Loïc Pollet. Quant à la confection, garantie 100 % française, elle est réalisée dans un atelier roubaisien de 30 personnes. C’est aussi une jeune graphiste et styliste de la région lilloise, Knapfla, qui a dessiné le logo de Sébola et les silhouettes qui estampillent les vêtements.

Repérage en TurquieEt comme Sébola n’entend pas habilller que les sportifs, la marque a mis au point une seconde ligne : une gamme de vêtements life style. Pour trouver le fournisseur abonné au coton bio, un petit voyage de repérage hors frontières s’imposait. Chose faite en novembre 2008, en Turquie, dans la région d’Izmir. « Nous avons passé en revue toute la chaîne de fabrication du coton bio, de la récolte à la filature », raconte Loïc Pollet. Label oblige, les artisans de Sébola n’ont rien laissé au

SÉbola l’éthique au pas de courseMarathonien, Loïc Pollet voulait transpirer écolo. A l’arrivée, cela donne Sébola, une jeune griffe lilloise de tenues écoconçues.Par Helene duvigneau

QuI PrATIQuE assidûment la course à pied n’accorde guère d’attention à son image, et encore moins aux auréoles qui, inévitablement, se for-ment sous les aisselles. Après avoir longtemps joggé dans le même uniforme, genre T-shirts-collants moulants, Loïc Pollet, 39 ans et maratho-nien globe-trotter, a décidé de révolutionner la mode de la course pour en faire quelque chose de sexy. Employé dans le textile à Lille, il fut, pendant sept ans, un spectateur privilégié de l’as-cension et du déclin de bon nombre de marques. Avant de comprendre que la clé de la réussite tenait d’abord au degré d’innovation des pro-duits. En 2005, il s’associe avec Philippe de Cagny, ex-diri-geant d’une société de vente à distance, et imagine une tenue de sport, pantalon, T-shirt, sweat, branchée et éthique. Sébola est née. « Une marque française, avec un accent sur  le “ e ” », précise-t-il.

Du fil à retordreDans un Nord industriel plutôt sinistré, le pari est osé. Peu importe. L’idée est là : allier technique, environne-ment et esthétisme. Pourtant,

hasard. Mais désireux d’aller plus loin, les partenaires ont également opté pour l’écocon-ception. « Nous avons compris que l’exigence, aujourd’hui, en terme  d’écologie,  nécessitait d’analyser l’ensemble du cycle de vie des produits. A quoi ça sert de fabriquer un T-shirt en coton bio s’il faut le transporter depuis la Chine ? » une dizaine d’indicateurs au total ont été disséqués par un bureau d’ingénieurs spécialisés : épui-sement des ressources natu-relles, effet de serre, consom-mation d’énergie… Tout ceci a nécessité un investissement de 16 000 euros, financé en partie par l’Agence de l’envi-

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ronnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Le prix de l’effort résultat : courir avec un T-shirt Sébola, c’est aider la planète à respirer. Sur l’en-semble de son cycle de vie, il affiche une réduction de 23 % pour la toxicité de l’air, de 19 % pour l’acidifica-tion de l’air et de 12 % pour l’effet de serre comparé à un T-shirt classique. Les efforts de la marque ont été récompensés l’an passé lors de l’Ethical Fashion Show, le grand rendez-vous de la mode éthique. —www.sebola.fr

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Mikel Uribetxeberria est un vrai citadin, un gars du bitume. Mais la nature résonne dans tous ses travaux photographiques. Notamment sa récente série intitulée « animalia ». Pour celle-ci, le jeune basque a monté des images d’animaux trouvées sur le Net

Des animaux sauvages ont envahi la ville. Une façon pour Mikel Uribetxeberria de rappeler qu’avant le bitume, il y avait des champs. Par KAREN BASTIEN

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avec des scènes de vie urbaines qu’il a lui-même immortalisées.Un gorille prenant la pose dans une chambre, un éléphant gambadant dans un skate park, un loup planté sur un quai de métro… la qualité graphique de la composition fait oublier le surréalisme de la scène. « Je ne suis pas un photographe militant, je suis dans une recherche esthétique. Mais ce sujet me touche particulièrement car les villes explosent partout dans le monde. Elles rognent sur la nature alentour, oubliant même qu’il y avait de la nature », détaille Mikel Uribetxeberria.autre particularité : ces animaux sont seuls, comme plongés dans des abîmes de réflexion quant à leur avenir sur terre. le gorille notamment, dont l’année

internationale vient de débuter. Cette espèce a été déclarée en danger d’extinction : il subsisterait aujourd’hui environ 700 gorilles de montagne et un peu plus de 100 000 individus de plaine. —www.mikeluribetxeberria.com

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Bêtes de scène

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Quel avenir pour les jeunes ?

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Et soudain, le coup de cuisse, chimiquement sain et légère-ment survolté, semble miracu-leusement surpuissant. Pour l’instant, ce genre de performance reste assez solitaire. Car les vélos élec-triques sont des ovnis. Le Conseil national des pro-fessions du cycle estime à 17 000 le nombre d’engins de ce type vendus l’an der-nier, pour un prix moyen de 1 000 euros. Une paille face aux 242 000 vélos de ville et aux 3,5 millions de petites reines toutes catégories ache-tées en 2007. Les spécialistes recommandent le VAE aux personnes âgées qui regret-tent leur ancienne allure de Poulidor. Personnellement, je vise la fin du cauchemar métropolitain. Sur terrain plat, l’autonomie de la bat-terie doit m’autoriser 40 km. Largement de quoi survoler mes dix bornes quotidiennes aller-retour. Dix minutes de moins qu’en métro.

Le match vélo-métro-motoCôté pépettes, j’ai pris ma calculette. A la louche, entre l’investissement, la main- d’œuvre sur les cinq ans de vie promis pour la batterie, et 1,50 euro de recharge élec-trique pour 1 000 km prédit par le fabricant, je dois m’en sortir pour 1,24 euro par jour. Mon métro-boulot-dodo en abonnement men-suel me coûte lui 1,77 euro par jour. Quant à mon col-lègue Vincent, qui débarque au bureau en moto, après un trajet moitié moins long, il débourse au quotidien

Avec sa batterie à roulettes, la traversée de Paris ressemble à un parcours de santé. Un récit sans dopage.Par CECILE CAZENAVE

En DECoUVrAnt la tête du livreur d’Allo Pizza, j’ai compris que je ne pourrais plus jamais me passer de vélo à assistance électrique, le VAE pour les intimes. D’habitude, dans la côte à 10 % de la rue de Belleville, à Paris, je m’ef-fondre à mi-pente, en nage, sur le guidon de mon biclou. Et Allo Pizza compatit, ou pire, s’esclaffe. Cette fois, à mi-chemin, les yeux dans les yeux, j’ai lu dans son expres-sion qu’il pensait avoir affaire à la nouvelle Jeannie Longo.

Une pointe à 25 km/hnormal. Ce roi de la livraison à domicile n’a pas eu le temps de repérer, blottie au creux de ma selle, la batterie lithium polymère. C’est le dernier cri, proposé par Velectris, le spécialiste des kits d’électrifi-cation. reliée à un régulateur électronique sous le porte-bagages, puis à un capteur de cadence de pédalage et enfin à une roue motrice à l’avant, cette batterie me propulse jus-qu’à 25 km/h, la vitesse limite légale de l’engin. L’Italien riccardo ricco, avant d’être contrôlé positif, n’avait pas fait mieux dans la montée du col d’Aspin lors du dernier tour de France. Mais le but n’est pas de mettre la pâtée au maillot à pois. Il s’agit plutôt de soulager l’effort en fonction de la pente dès le premier coup de pédale.

2 euros. Inutile de faire nos comptes carboniques, mon VAE l’emporte à tous les coups. reste qu’en VAE, on n’est tout de même pas à l’abri du rhume ni du ridicule : grisée par ma déconcertante aisance à la grimpette, j’ai oublié de recharger la batterie, jus-qu’à tomber en rade, rue de Belleville. C’est là que j’ai constaté que j’avais perdu du mollet. ouf, Allo Pizza ne passait pas par là. —

Les bonnes idées

Velectris propose aussi des kits d’électrification à 1 120 euros et trois modèles équipés de A à Zwww.velectris.comDes dossiers et des forums sur le vélo, le VAE…cyclurba.fr6 et 7 juin : concours de performances en vélos électriques à Pariswww.association-meet.ens-cachan.fr

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J’ai testé le vélo électrique

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Un nouveau Plan d’Action Européen pour la Conservation des Requins peut changer la situation, grâce à des quotas de pêche basés sur des données scientifiques et au renforcement de l’interdiction du «finning», pratique qui consiste à couper les ailerons des requins et à rejeter leur carcasse à la mer. La coopération des pays membres de l’UE est essentielle pour atteindre ces objectifs importants.

Chaque année, des dizaines de millions de requins sont tués.

Rendez-vous sur

www.sharkalliance.org

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78 avril 2009 terra eco

enrichissez-vous

edition Les mangas se mettent à la page environnement

japonaise militerait-elle en faveur de l’environnement ? Les mangas, jugés violents et futiles, hisseraient-ils le drapeau vert ?

D’une pierre deux coupsC’est en tout cas le vœu formulé lors du dernier sommet mondial du manga. En septembre, des professionnels de la bande des-sinée de 26 pays se sont en effet réunis à Kyoto. Une aubaine pour la capitale culturelle de l’archipel, qui accueille, depuis deux ans, le méconnu Musée international du manga. Mais la ville s’est surtout rendue célèbre pour la signature du protocole sur les gaz à effet de serre portant son nom. Dès lors, pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups ? Ce 9e sommet a choisi « l’innovation environnementale » pour thème, en mettant l’accent sur la lutte contre le réchauffe-ment climatique, la nutrition et les 3 « R » (réduire, réutiliser,

Les Japonais voient dans ce genre qui fait fureur un « must » pour sensibiliser les jeunes à l’écologie.Par rafaële Brillaud

Un spRay à la main, yoshio repeint son jouet. « Stop !, s’exclame son copain Manabu. Si ta bombe contient des CFC [un gaz fluoré], tu vas trouer la couche d’ozone qui entoure  la  terre. »  « Et  qu’est-ce qu’on risque ? », rétorque l’artiste en herbe. Manubu se concentre. « Heu… on bronze et… » Il ne sait pas. Il a beau chercher à la biblio-thèque en compagnie d’ayame et asari, non, décidément, il ne trouve pas la réponse. Débarque alors, dans ce volume 4 de la série « Manga science » (pika édition), un drôle de personnage, un globe terrestre en guise de tête. « Je me présente, Monsieur Bleu, spécialiste de l’écologie et du développement durable ! » Tiens, la bande dessinée

recycler). L’objectif est clair : surfer sur la vague manga pour mieux sensibiliser les jeunes de la planète au développement durable. Quelques titres n’ont toutefois pas attendu l’appel. On peut ainsi jeter son dévolu sur la série de vulga-risation scientifique de yoshitoh asari, « Manga science », qui consacre son volume 4 à la planète bleue, comme son titre l’indique, avec un enseignant dont tout le monde rêve, le professeur Bleu. Tenez, demandez-lui ce qu’est un monde sans effet de serre. Il attrape aussitôt la blonde ayame et la congèle : « C’est un monde glacé. » Monsieur Bleu s’inquiète pour la planète, comme les intitulés de chapitres en témoignent : « Et si on arrêtait le gaspillage d’énergie ? », « La forêt que l’on tue… », « Plus c’est pratique, plus il y a de déchets » ou « L’avenir de la planète dépend de vous ». Dans le volume 10, le dernier paru, yoshio, Manabu, ed

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Les Japonais, Karyn Poupée (Tallandier,septembre 2008). Le Japon : des samouraïs aux mangas,numéro spécialde l’Histoire

(juillet-août 2008).

Astro boy, Osamu Tezuka (Kana, mars 2009). Nausicaä de la vallée du vent, Hayao Miyazaki.

Pour aller

plus loin

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terra eco avril 2009 79

Kansas revivalGreensburg a tous les ingrédients d’un film à gros succès. Une tornade qui, en mai 2007, a détruit la totalité de la bourgade du Kansas. Un ange gardien, Leonardo DiCaprio, qui décide de faire de la ville une « eco-town », c’est-à-dire une cité exemplaire en terme de développement durable (lire aussi page 45). Et aujourd’hui, la chaîne de télévision Discovery qui en tire une série. Une résurrection verte à suivre sur : http://planetgreen.

discovery.com/tv/greensburg

Le bonheur est dans le préIls ont tout juste 20 ans et décidé de mettre « du vert dans les oreilles ». Alexis Lis et Goulven Maréchal traînent leurs micros et leurs casques dans les campagnes. Au bout de leur tour de France, la réalisation de portraits radiophoniques d’hommes et de femmes cherchant des réponses aux problèmes de l’agriculture intensive. Pour chacun, une trentaine de minutes d’entretien à écouter sur :www.duvertdanslesoreilles.fr

Images de convictionAcme Climate Action veut faire la révolution du graphisme vert. Ce groupe de Britanniques a transformé le flot grandissant des recommandations – changer ses ampoules, éteindre son ordinateur, trier ses déchets… – en stickers, lettres ou cartes postales. Compilées dans un livre au look rétro, ces images sont une arme de persuasion massive sur le changement climatique.www.acmeclimateaction.comza

pping

ayame et asari s’interrogent encore : « Pourquoi la Terre est-elle malade ? »si le manga verse dans la péda-gogie, il excelle aussi dans le récit. Et ses intrigues s’inspi-rent parfois des préoccupations environnementales contempo-raines. Dans Les Fils de la Terre (trois volumes, chez Delcourt), un jeune fonctionnaire se voit chargé de redresser l’agriculture de son pays. Il rejoint un village perdu au fin fond des montagnes et découvre, auprès d’un agri-culteur bourru, la rugosité du milieu rural, le goût des légumes cultivés à l’ancienne et la valeur de la terre. La série a décroché en 2008 le prix Mangawa, décerné par des lecteurs français.

De la veuve à la forêtMais quels meilleurs défenseurs de la nature que les grands maîtres du manga ? Dès les années 1950, astro, le petit robot d’Osamu Tezuka, défend la veuve comme la forêt. Citons encore Hayao Miyazaki et l’odyssée écologiste de nausicaä ; Gen d’Hiroshima, vibrant témoi-gnage contre la bombe nucléaire de Keiji nakazawa (dix volumes

actuellement réédités en poche par Vertige Graphic) ; ou les pro-menades contemplatives de Jirô Taniguchi. ne nous y trompons pas toutefois : si les Japonais ont tou-jours été très sensibles aux charmes de Dame nature et aux moindres variations du milieu, l’archipel n’en est pas moins devenu, dans les années 1960, hyperpollué. Car « la tradition japonaise privilégie non pas  la  nature  sauvage, mais la nature construite, artificialisée, reconstruite esthétiquement », sou-ligne philippe pelletier dans son livre Le Japon (1). Vert pomme ou vert d’eau, le manga constitue ainsi avant tout un support permettant d’aborder au Japon une panoplie de sujets bien plus vaste qu’en France. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEa) français l’a bien compris. En janvier, il a distribué gratuite-ment un court album de 8 pages, Destination Monju (2), rappelant l’intérêt du nucléaire, « énergie concentrée qui produit très peu de gaz à effet de serre ». Qu’importe la couleur du message pourvu qu’il y ait des bulles. —

(1) Collection Idées reçues (2004), Le Cavalier bleu. (2) Accessible sur le site du CEA : www.cea.fr

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Les Affameurs, voyage au cœur de la planète de la faim, DOAN BUI

Privé (2009), 364 p., 18 euros.

«Si les gens savaient ce qu’on a gagné, on rétablirait la guillotine

et des têtes valseraient sur des piques. » C’est un trader qui parle. Il n’est pas spécialement content de lui, ni, bien entendu, indigné. Il constate simplement. La fl ambée des matières premières agricoles a mis les populations du tiers-monde à genoux mais lui, elle l’a enrichi. Enormément. « C’est la règle de l’offre et de la demande, justifi e tranquillement un de ses collègues à cravate, lui aussi sportif de haut niveau en spéculation. Le problème, c’est qu’il n’y a pas assez de matières premières pour toute la planète. » Car la faim n’est pas, comme on le croit trop souvent, un système « perdant-perdant ». De même que le genre humain serait entièrement converti à la non-violence si les guerres ne rapportaient un kopeck à personne, la famine aurait sans doute disparu si elle n’était pas aussi lucrative. Mais voilà, quand les cours du blé, du soja ou du riz grimpent, il y a des montagnes de dollars à empocher.

Il y a de l’argent à faire, alors…Alors non, personne ne complote pour que les trois quarts de l’humanité aient le ventre vide. La méchanceté n’est pas une tare si courante. La cupidité, si. Il y a de l’argent à faire, alors… Le plus effarant, c’est que cette « règle de l’offre et de la demande » sur

LIVRE La faim du monde décortiquéedes produits qui remplissent des estomacs humains est intégrée comme une fatalité par nous tous. Les traders de matières premières ne disent pas autre chose : puisque les citoyens, les médias, les gouvernements tolèrent sereinement ces pratiques, comme des bovidés regardent passer les trains, alors pourquoi arrêter ? En réalité, nous regardons surtout ailleurs : les étals de nos marchés débordent de poissons, de bananes, de fraises dont nous ignorons tout. Doan Bui, journaliste au Nouvel Observateur, est allée sur place à Dakar, à Bornéo, en Chine, constater

les origines de ces denrées, les conditions épouvantables dans lesquelles elles sont produites, les catastrophes sur l’environnement.Les multinationales ne sont pas seules sur la sellette. La pieuse Union européenne, l’émanation élue de nous autres, pille les ressources halieutiques africaines et négocie tout à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) au détriment des nations les plus faibles. Pas méchante, juste cupide. Le genre humain marche sur la tête, ça, tout le monde le sait. Mais on ignore à quel point tant qu’on n’a pas lu les Affameurs. —ARNAUD GONZAGUE

enrichissez-vous

Somalie, en 2004.

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Antimanuel d’écologieYVES COCHET Bréal (2009), 312 p., 21 euros. Proverbe saoudien : « Mon père chevauchait un chameau. Je conduis une voiture. Mon fi ls vole en jet. Son fi ls chevauchera un chameau. » Voilà ce qui, selon le vert Yves Cochet, attend l’humanité : le retour généralisé au chameau. La fi n du pétrole signifi e en effet la fi n du monde que nous connaissons. En 2050,

il jure que ni la Chine ni l’Inde n’auront le train de vie des Occidentaux. Ce sont les Occidentaux qui auront le train de vie sino-indien. Qu’on partage ou non son adhésion à la décroissance (pour lui, il ne suffi t pas de consommer mieux, il faut consommer moins, moins, moins), son Antimanuel est une formidable introduction à tous les concepts de l’écologie politique, agrémentée d’extraits des textes fondateurs toujours pertinents. Les « boucles de rétroaction », « pic de Hubbert », « effets de seuils » et autres « interactions spéculaires » deviennent limpides, même à ceux qui n’arrivent toujours pas à faire la différence entre une éolienne et un hélicoptère. — A. G.

La Terre s’estenrhumée

ROXANE-MARIE

GALLIEZ, SANDRINE

LHOMME

Auzou (2009), 9,90 euros. « La Terre s’est enrhumée,

ne l’avez-vous pas remarqué ? Quand elle éternue, ce sont des vagues qui déferlent. Des vagues de géants qui anéantissent les maisons. » Contre cela, pas de comprimé ni de sirop contre la toux. Mais une bonne pluie. C’est un petit garçon qui en a eu l’idée. Une très belle fable poétique. — K. B.

Un trader ne meurt jamaisMARC FIORENTINO

Robert Laffont (2009), 252 p., 18 euros. Qu’est-ce que ça fait d’être dans la tête d’un as de la fi nance ? C’est tout l’intérêt de ce roman sans prétentions littéraires qui nous introduit

dans celle de Sam Ventura, ex-golden boy revenu aux affaires, bien décidé à décrocher la timbale. Ventura mise sur la baisse des cours. Parfois, ça marche, parfois, c’est la claque. Excellent décryptage de la psychologie joueuse du trader, de sa superstition, de son humour pas drôle, de son égoïsme revendiqué et un peu narquois. Rappelons que l’auteur fut lui-même un champion de la spéculation. Regret tardif ou vantardise déguisée ? — A. G.

ne l’avez-vous pas remarqué ? Quand elle éternue, ce

Penser l’après-crise, JEAN-PIERRE PAGE

Autrement (2009), 136 p., 15 euros. A en croire l’économiste Jean-Pierre Pagé, notre système économique, c’est Docteur Jekyll et Mister Hyde : d’une part, l’économie de marché équilibrée et bienfaisante ; de l’autre, le capitalisme cupide et incontrôlable. Hyde a montré les crocs en 1929. Après la Deuxième Guerre mondiale, Jekyll est réapparu. Dans les années 1970, Hyde s’est repointé, jusqu’à la cata des subprimes. Retour de Jekyll. « Le monde de demain ne sera pas ce qu’il est aujourd’hui », assure Pagé, qui entrevoit de profondes « mutations » mais n’avance pas une idée pour aller vers cette nouvelle civilisation. Reste une synthèse claire des vues alter. — A. G.

J’ai très mal au travail JEAN-MICHEL CARRÉ Montparnasse (2009), 2 DVD, 25 euros. Il semblerait que la consigne de ce docu soit : « En une heure vingt, dites-en le plus possible sur l’entreprise. » On y aborde donc la fi erté ouvrière, les accidents de travail, les séminaires de motivation, la militarisation du management, la concurrence de la Chine, les banlieues qui brûlent… Dans ce manteau d’Arlequin, fait de témoignages d’experts, de syndicalistes et de travailleurs, on piochera des morceaux succulents, à condition de ne pas aimer trop s’attarder sur les problématiques et de se munir de son GPS pour ne pas s’y perdre ! Dommage. — A. G.

Toutes les chroniques culturelles : www.terraeco.net

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l’agenda

Rendez-vous à venir

1er au 7 avril Semaine du développement durableCentrée sur « la consommation responsable », cette manifestation informera sur les bonnes pratiques : de l’écorecharge aux fruits de saison en passant par la conduite douce (dans toute la France). www.semainedudeveloppementdurable.

gouv.fr

2 au 5 avril Salon Planète durableDeuxième édition du salon 100 % dédié à la consommation durable pour le grand public : une centaine d’exposants. Retrouvez-y l’équipe de Terra eco (Porte de Versailles, Paris). www.planete-durable.com

8 avrilSortie du documentaire« Nous resterons sur Terre »Avec l’environnementaliste James Lovelock, le philosophe Edgar Morin et les prix Nobel de la paix Mikhaïl Gorbatchev et Wangari Maathai (dans toute la France).http://pro.nousresteronssurterre.com

18 et 19 avrilFestival « Partir autrement » L’association Aventure du Bout du Monde propose de réfl échir aux différentes façons de voyager alors que 1 600 millions de déplacements touristiques hors frontières sont prévus en 2020 (Espace Reuilly, Paris). www.abm.fr/fpa.html

22 avril Journée de la TerreCréée en 1970 aux Etats-Unis, cette manifestation est désormais fêtée de Taïwan à la Russie en passant par la Chine, avec un temps fort dans les établissements scolaires (dans le monde entier).www.earthday.net

22 avril Prix Goldman pour l’environnement Depuis 1990, il récompense annuellement – d’un chèque de 100 000 euros – six défenseurs de l’environnement.www.goldmanprize.org

30 avril« Atmosphère… le climat révélé par les glaces » au musée des Arts et MétiersDernier jour de cette exposition qui revient sur plus de cinquante ans d’exploration polaire. Précieux témoins, les pôles ont conservé les archives climatiques du globe (Paris).www.arts-et-metiers.net

9 au 24 mai9e quinzaine du commerce équitable

Cet événement coïncide avec la journée mondiale du commerce équitable (dans toute la France). www.quinzaine-commerce-equitable.fr

www.wftday.org

10 au 14 maiCongrès mondial d’éducation relative à l’environnementProfesseurs, chercheurs, étudiants, enseignants, artistes… débattront du « vivre ensemble » au palais des Congrès de Montréal (Canada). www.5weec.uqam.ca/FR

12 mai au 1er novembre« Habiter écologique »à la Cité de l’architecture et du patrimoineDe Wright à Murcutt, présentation d’une vingtaine de projets offrant un panorama dans le temps, l’espace, et la technologie (Paris).www.citechaillot.fr

15 au 17 maiSalon santé-environnementPremière édition de cette manifestation (porte de Montreuil, Paris).www.salon-sante-environnement.com

Vous souhaitez nous informerd’une manifestation,écrivez-nous :[email protected]

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