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Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1977 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 9 nov. 2020 16:02 Québec français Nouveautés La communication orale Numéro 25, mars 1977 URI : https://id.erudit.org/iderudit/56696ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document (1977). Nouveautés. Québec français, (25), 6–12.

Nouveautés · Cette oeuvre, chargée d'amour, débordante de sexualité animale, attire par son rythme accordé à celui du soleil, des saisons, par ses descrip tions absolument

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Page 1: Nouveautés · Cette oeuvre, chargée d'amour, débordante de sexualité animale, attire par son rythme accordé à celui du soleil, des saisons, par ses descrip tions absolument

Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1977 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

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Document généré le 9 nov. 2020 16:02

Québec français

Nouveautés

La communication oraleNuméro 25, mars 1977

URI : https://id.erudit.org/iderudit/56696ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Les Publications Québec français

ISSN0316-2052 (imprimé)1923-5119 (numérique)

Découvrir la revue

Citer ce document(1977). Nouveautés. Québec français, (25), 6–12.

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ROMAN

la mornifle Jacques GARNEAU Pierre Tisseyre, Montréal, 1976, 207 p.

En se retirant à la campagne, loin de la ville acca­parante, bruyante, Jacques Garneau s'est mis, tel son Jonas, à l'écoute du pays qui l'habite. Comme d'autres écrivains de sa génération, ii a voulu, en s'isolant dans son village d'adoption réapprendre à nommer les choses, la femme et le pays. Son troisième roman, la Mornifle, oeuvre tout imprégnée de rêve et de poésie, invite, par le mystère de la parole et le jeu de l'écriture, à exorciser, à dépasser le quotidien, à accéder au pays magique, mythique, pour vivre, pour survi­vre. La Mornifle, c'est l'art d'occuper chaque hiver d'ici, c'est le symbole du pays qui se prépa­re à naître, à renaitre.

Ce roman de Garneau contient dix chapitres qui sont autant de portes qui plongent dans le rêve et qui s'ouvrent vers la vie. Car l'hiver, pour Gar­neau, c'est le temps immobile, le temps du rêve, » le temps de se conter des peurs ». C'est aussi le temps de l'espoir, le temps où l'on apprend à mourir pour mieux vivre, pour prendre posses­sion de ce pays endormi, « séché à froid ». C'est pourquoi la Mornifle, femme hideuse mais fidèle à la parole de Jonas, tue ses enfants infirmes, difformes, incapables d'accéder au rêve, pour les faire renaître. Car, comme Jonas le coureur des bois, il faut apprendre à maîtriser les élé­ments de la nature, à dompter la forêt et la mon­tagne », à habiter le pays. Jonas est à lui seul un vaste pays, « un pays trop grand, que l'on s'épui­se à le rêver ». Il adepuis longtemps atteint l'âge de la parole. Et il peut, lui, accuser les Améri­cains « d'outrage au pays ». Il a même inventé ses propres commandements:

Un seul peuple tu seras et le seras parfai­tement. Une seule langue parleras sous peine de mort mêmement. Un seul pays tu libéreras et le feras prochai­nement.

Délivrer le pays, accéder à la parole. Voilà qui n'est pas toujours facile pour l'écrivain. Car, écrit Garneau, « Il faut vraiment du courage pour s'asseoir à table en plein champ. Il ne suf­fit pas de brouter l'espace, mais aussi de le rentrer dans la peau. » Et aussi beaucoup d'ef­

forts, car pour l'inventeur de mots et d'images — et il y en a de très belles dans la Mornifle — « la fatigue n'est pas permise pour un an », « la sueur s'installe sous les manches de chemise » ; même sa tête transpire...

Mais la récompense est dans l'oeuvre achevée, finie. Le lecteur, lui, n'a qu'à l'accueillir, qu'à la cueillir, qu'à faire de beaux rêves... « S'aimer, se naître, s'accoucher, se venir au monde ensem­ble », tout est désormais possible. (A. B.)

un dieu chasseur Jean-Yves SOUCY P.U.M., Montréal, 1976, 203 p. ($8.75)

Le prix de la revue Études françaises a été attribué au premier roman de Jean-Yves Soucy, Un dieu chasseur, en 1976. On ne pouvait faire un meilleur choix.

Cet ouvrage, qui présente certaines similitudes avec Louise Genestde Bertrand Vac, raconte les amours d'un trappeur des « pays d'en-haut » avec l'institutrice d'un village voisin de Mont-Laurier. Dans une langue charnue et juteuse, l'auteur narre la vie quotidienne du trappeur, Mathieu, seul, mais non solitaire, à la vérité solidaire de ses chiens fidèles, des animaux sauvages, de la forêt giboyeuse, de la nature rude, mais aussi tendre et accueillante. Le ciel est son toit, la montagne, avec ses torrents, ses lacs et ses rivières, son domaine incontesté. Une visite au village modifiera toute sa vie. L'institutri­ce, qui pensionne chez le frère de Mathieu, décide de suivre celui-ci. Les contrariétés s'ac­cumulent avec les changements apportés à la vie du dieu chasseur, forcé d'exercer une chasse sans répit contre les intrus, la Fouine, qui lui a volé ses fourrures, et qu'il tue sauvagement, et Josime, l'amoureux éconduit et trompé, auquel il servira une bonne leçon de courage. À la fin, Mathieu et Marguerite doivent se séparer. Elle, qui ne peut plus vivre sans son homme, se noie volontairement. Il reste à Mathieu à suivre son vieux rêve qui est de monter encore plus au nord avec son ami l'Indien.

Cette oeuvre, chargée d'amour, débordante de sexualité animale, attire par son rythme accordé à celui du soleil, des saisons, par ses descrip­tions absolument merveilleuses d'un monde fas­cinant, d'une vie libre et franche où l'Homme, le dieu chasseur, s'accouple avec la nature am­biante. Une oeuvre chargée de sève et de vie. À lire absolument! (G. D.)

moi, Pierre Huneau Yves THÉRIAULT Hurtubise HMH, Montréal, 1976, 135(1)p.

Yves Thériault est un conteur né. Son dernier livre, Moi, Pierre Huneau, en est une nouvelle preuve. Le lecteur n'oubliera pas de sitôt le récit du vieux pêcheur de quatre-vingt-dix ans, qui a quitté son île en face de Boucherville pour s'ins­taller au bord de la mer aux limites de Cap des Rosiers en Gaspésie, et qui a réussi à survivre contre vents et marées à force de courage et de ténacité.

Thériault aime laisser parler des personnages d'un temps révolu, derniers survivants de leur race. Mais cette fois le ton du récit est bien dif­férent. Il n'y a ni désespoir, ni révolte, ni amer­tume. Il y a au contraire une grande tendresse, une résignation à toute épreuve et un amour étonnant de la vie.

Par-dessus tout, Thériault a su donner à son récit toute la saveur et la beauté du parler gaspésien. Le lecteur impatient sera peut-être désarçonné au début mais il découvrira vite un rythme de lec­ture qui épousera celui du conteur lui-même: « Espérez que j'allume, que j'me refasse assez de vouloir pour colletailler les chimères, pis j'vas finir mon aventure » (p. 118). Plus que les aven­tures de Pierre Huneau, qui sont en quelque sorte des accidents de narration, ce sont la per­sonnalité du conteur, son parler et sa puissance d'évocation qui retiennent le lecteur.

Un très beau livre que viennent agrémenter les illustrations de Louisa Nicol qui avait déjà montré son talent dans Oeuvre de chair. Un reproche: les pages 71 et 72 sont inversées, au beau milieu d'un récit palpitant! (M. E.)

à la taille des hommes André HALLÉE Éditions Sherbrooke, Sherbrooke, 1976, 255 p. ($4.95)

Le genre du roman à thèse comporte un écueil que les « praticiens » n'ont jamais manqué de souligner: ne pas concilier la réalité et l'art. Le sujet, intéressant en soi, me paraît bien posé, même si l'auteur, ne laissant pas le choix au lec­teur, appuie trop lourdement sur sa thèse. Après quatre ans dans les Ordres, un prêtre défroque et fonde un foyer. Scandale de son micro-milieu bien-pensant, étroit et mesquinl Comme si la

Un dieu chasseur Jean-Yves Soucy

6 Québec français Mars 1977

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« punition de Dieu » s'exerçait, les malheurs ne cessent de s'abattre sur lui. En butte à l'hostilité et à la réprobation publiques, il est forcé de démissionner de l'Université. Après une brève tentative dans la revente des » autos usagées », il fonde une commune pour jeunes délinquants. Mais l'« Oeuvre » tourne court, à la suite d'un accident qui anéantit à jamais ses facultés.

La complaisance évidente de l'écrivain à présen­ter des détails superflus et des scènes inutiles (surtout les scènes sexuelles) nuit à l'économie du récit. L'auteur, ne sachant pas transcender le réel, reste au niveau plat de la vie concrète et ne parvient pas à s'élever jusqu'à l'art. Néammoins, il a beaucoup d'imagination et un peu de talent. Il lui reste à canaliser l'une et à développer l'autre. De même, évitera-t-il de tomber dans une mora­lisation excessive (souvent « kétaine »). Signa­lons enfin que l'indiscutable qualité matérielle du livre est gâchée par le trop grand nombre de fautes (une quinzaine) et des ignorances (ou né­gligences?) agaçantes de vocabulaire, en parti­culier par des anglicismes pourtant connus {plancher pour étage; appartements pour piè­ces; ignition pour contact, etc.). (G. D.)

la manufacture de machines Louis-Philippe HÉBERT Quinze, Montréal, 1976, 144 p. ($6.95)

Dans un étrange futur, une manufacture de ma­chines conçoit et fabrique pour les habitants d'un village des objets bizarres et assez inquiétants: bureau à tiroir secret inaccessible, portes à bat­tants multiples virtuellement infranchissables, train dans lequel on ne peut monter, etc. Toutes ces machines et constructions kafkaïennes ont en plus comme dénominateur commun d'être rigoureusement inutiles. Mais un tel amoncelle­ment d'inutilité finit par devenir angoissant. Aussi, le lecteur est plutôt soulagé d'apprendre à la fin du récit que tous les habitants du village, désormais réduits à une taille microscopique, sont figés dans un nirvana mécanique à l'inté­rieur de la dernière invention sortie de la ma­nufacture.

Ce récit, qui contient une quinzaine de nouvelles, est écrit dans une langue remarquablement adaptée à son objet, d'une précision froide et d'une technicité rigoureuse. L'effet général est fascinant. (C.V.)

l'absent aigu Geneviève AMYOT Les Éditions Quinze, Montréal, 1976, 127 p. ($5.95)

Ce roman est un long poème d'amour et d'« es-seulance », se déroulant en longues strophes rythmiques ponctuées par la seule respiration de l'âme, par la seule « mémoire qui jamais ne s'apaise » de souvenirs à la fois tristes et pleins de liesse selon les voluptueuses rencontres de chairs ou les sanguinolentes et mortelles blessu­res des corps. Nouvelle Eve, la narratrice <> hal­luciné » dans un énigmatique délire rempli des fulgurances cycliques d'un horrible petit voyage en quête de son âme, en un véhicule rassem­blant tous les amants, franchissant un pont in­franchissable et deux barrières jusqu'à son re­paire, à la recherche de noces sans cesse re­commencées sur des rites sacrificiels, donnant « un seul visage à toutes les chairs qui ont étourdi (ses) doigts ».

La violence sensuelle de ce roman-poème n'ex­clut pas une forme diffuse d'humour qui marque de fréquents rictus les pages les plus âpres en accordant à l'héroïne une distanciation plus que nécessaire pour lui permettre de survivre en sa solitude inhumaine. (G. D.)

le loup de Brunswick City Claude JASMIN Leméac, Montréal, Collection Roman québécois, no 19, 1976, 119 p.

Le loup de Brunswick City, c'est l'histoire d'un bébé, perdu dans une forêt du Maine, adopté par une meute de loups dont il deviendra le chef. Onze ans plus tard, retrouvé puis rééduqué, Louis Laberge connaît l'amour, s'apprête à en­trer à l'université, rêve de participer aux Jeux de Munich. Mais, la guerre du Vietnam fait rage et il reçoit son ordre d'enrôlement. Louis devient son­geur, s'éloigne des hommes et même de Patri­cia.

Puis, il fuit vers la forêt, le pays de son enfance. Comprenant soudain qu'il n'est plus d'enfance possible, il revient vers la maison. Les yeux pleins de larmes, il court sur la route. Il n'a pas vu l'auto dans le tournant. » Klaxon dans la nuit ».

La mort de Louis Laberge, c'est la mort de l'en­fance, thème qui l'emporte sur l'opposition, as­

sez stérile, de la bonne nature et de la méchante civilisation. Dans ce retour à l'enfance, Claude Jasmin rejoint le lecteur dans une mémoire com­mune qui ne peut qu'émouvoir. En outre, Le loup de Brunswick City se lit bien. Le rythme est rapide, le découpage chronologique intéressant. Conte ou roman? Une lecture agréable. (M. A.)

contes de bûcherons Jean-Claude DUPONT Quinze, Montréal, 1976, 215 p.

« Une bonne fois, je vais vous conter, vous raconter tant de vérités, tant de menteries, plus je mens, plus je veux mentir. »

Dans Contes de bûcherons, Jean-Claude Du­pont nous présente onze des plus beaux contes du répertoire québécois qu'il a recueillis, en août 1965, de la bouche d'Isaie Jolin de Saint-Gé-déon de Beauce.

Ces contes de menteries, comme les appelle cet informateur octogénaire, sont tous des contes merveilleux et se subdivisent en trois catégories: les contes magiques, les contes religieux et les contes d'ogres. Le bois et la forêt sont omnipré­sents. Car le conteur, qui •• a fait chantier », transpose, dans ses récits, son milieu ambiant. C'est ainsi, par exemple, que la salle de bal visitée par Tit-Jean, héros de toutes les histoires, ressemble bien plus à la grande « cuisine » d'u­ne vieille maison rurale québécoise. Et c'est une tourtière bien de chez nous que Peau d'Anesse sert à son prince charmant...

Mais ce Tit-Jean, qui jouit d'une grande renom­mée dans le folklore québécois et canadien-français, se rattache, par les exploits extraordi­naires qu'il accomplit, au folklore international: il terrasse un dragon, un ogre, un géant, souvent à l'aide d'une fée métamorphosée en grand-mère, qui lui remet un bâton magique, ou d'une jolie princesse, qui succombe à ses charmes... Et toujours Tit-Jean triomphe. Car, dans le conte merveilleux, la vertu est toujours récompensée, et le vice, puni.

Voilà un recueil fort agréable qui ajoute à la richesse de notre patrimoine. Jeunes ou moins jeunes se délecteront à la lecture de « la Bête à sept têtes », de « Jack de Bois », du « Père qui veut marier sa fille » ou du « Petit Ruban bleu » Car en transcrivant aussi fidèlement que possi­ble les contes d'Isaie Jolin, Jean-Claude Dupont a conservé intacts les procédés de narration et la

I.t.iiis-INiili|'|K Hébert

Li Manilla ^Wîiachi

le loup d<c

Mars 1977 Québec français 7

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langue savoureuse du conteur. Un glossaire, en fin de recueil, permettra aux non initiés de se familiariser avec les mots ou les expressions qui ne sont plus d'usage courant.

« Puis, ils m'ont renvoyé vous conter ça »... (A. B.)

LINGUISTIQUE

linguistique et discours littéraire théorie et pratique des textes Jean-Michel ADAM et Jean-Pierre GOLDENSTEIN Paris, Larousse, 1976, 351 p.

Le titre et le sous-titre de cet ouvrage que ses auteurs, directeur d'études et professeur, propo­sent « tout particulièrement à la réflexion des enseignants du secondaire » (Avant-propos) an­noncent un contenu prometteur que sa table de matières illustre éloquemment. Tous les profes­seurs qui ne sont pas parvenus à rassembler les éléments de bibliographie, nombreux et épars, dont il ont entendu parler au sujet de l'approche linguistique des textes littéraires (connotation, dénotation, isotopies, grammaire du texte, énon­ciation) auront enfin la possibilité de trouver ces éléments réunis et ordonnés dans une démar­che qui recoupe constamment leurs préoccupa­tions pédagogiques et didactiques. En effet, sans être escamotées, les difficultés théoriques que suppose cette approche suggérée par les programmes actuels sont ici clairement présen­tés dans un exposé soucieux de montrer les résultats concrets de son application non seule­ment à des textes littéraires, mais encore à d'au­tres types de textes, par exemple les textes publicitaires.

La lecture de cet ouvrage, sans être une pana­cée, devient tout de même la première sugges­tion pratique qu'il faudra désormais faire à tous les professeurs désireux de repenser leur ensei­gnement du texte et de la littérature. On pourra lui reprocher d'être sans doute trop carrément fidèle au matérialisme historique et passa­blement entiché de la psychanalyse freudienne, mais certainement pas de ne pouvoir servir d'ex­cellente initiation à l'utilisation didactique de l'ap­proche linguistique du texte, littéraire on non. (J.-C. G.)

ESSAI

un génocide en douce Pierre VADEBONCOEUR l'Hexagone/Parti pris, Montréal, 190 p.

Si Pierre Vadeboncoeur a reçu le prix David, c'est sans doute qu'il a depuis La ligne du risque beaucoup de lecteurs. Et Pierre Vadeboncoeur n'a pas attendu le 16 novembre pour croire à l'in­dépendance. Sa vie témoigne, dans son chemi­nement, de sa foi à la vie nationale d'un peuple. Vadeboncoeur a quitté la pensée citél i briste pour la pensée partipriste. Il est devenu l'anti-Trudeau, le dénonciateur de l'utopie et du men­songe qu'est le Canada. Porter bien haut l'affir­mation qu'il faut libérer le peuple québécois en faisant d'abord son indépendance. Pour l'arra­cher au génocide en douce, la mort feutrée de ceux qui veulent écraser l'originalité culturelle d'un peuple qui ferait achopper l'impérialisme anglo-saxon et multinational. En ce sens-là, Un génocide en douce ne devient pas caduc avec la prise du pouvoir par le parti québécois. Victor Lévy-Beaulieu peut toujours penser que des amis nostalgiques accordent un prix au penseur triste de notre aliénation nationale. (Ça vaut en tout cas des entourloupettes chez le Gouverneur général du Canada). Vadeboncoeur apparaît plutôt comme un penseur grave qui montre du doigt l'entreprise de « désemparement » d'un peuple dans son devenir collectif. Le génocide en douce, c'est la cassure du pouvoir québécois populaire. Le pouvoir du langage et de la culture qu'on ostracise parce qu'il ne dialogue pas dans la langue des capitaux, le pouvoir d'un territoire que l'on dépossède dans son tréfonds minier ou par de larges enclaves fédérales, le pouvoir syn­dical que l'on couche à coups de lois-matraques, le pouvoir national que l'on achète par des sub­ventions outre-outaouaises. Mécénat entretenu à coup de taxation, démobilisation, chantage économique: tout ce qu'il faut pour déporter un peuple sans qu'il y paraisse trop, en le vidant de son être, de son avoir, de son pouvoir. Il ne reste à la fin du compte que le corps apparent, ce qui permet d'éviter les grands frais d'une déportation en règle ou les holà de la presse libre ( ou nommée telle). Cet essai sous-titré « écrits polé­miques » vise à attirer l'attention des plus cons­cients sur un phénomène de dépossession par le dedans, dépossession faite sous le couvert de la tolérance, du progrès, de l'ouverture au monde

— à quel monde — et de la rentabilité. Aussi apparaît-il à Vadeboncoeur qui est un homme de gauche que toute révolution sociale d'ici doit nécessairement passer par le national. Ce qu'u­ne certaine « go-gauche » québécoise n'a pas encore compris. Relire cet essai grave, véhé­ment, parfois même exagéré, et penser pour ce peuple des images comme celles, si délirantes, de Brault-Gladu dans Le Son des Cajuns. « Peuple incertain », menacé par des adversai­res de l'extérieur et des décompositeurs naïfs du dedans, devenir enfin un peuple politiquement assis... ou plutôt, dans une autre sorte d'image, debout. Assis dans ses racines et son territoire et debout dans sa dignité d'homme agressé et peut-être éphémère dans son appellation de québécois. (A.G.)

lettres d'un libraire Henri TRANQUILLE Leméac, Montréal, 2 tomes, 146 et 151 p.

Dans La neige et le feu, Pierre Baillargeon parle d Ambroise Audigny, un de ses personnages français sous lequel on devine Paul Valéry, comme d'un Maître Aimé Geoffrion possible! •< mêmes traits, mêmes gestes, même tic. (Est-ce qu'il suffirait à un poète pur de vivre au Cana­da pour se changer en juriste?) ». De même, j'ai trouvé l'équivalent imaginaire du libraire Henri Tranquille qui vient de commettre ces belles lettres dont je parle. C'est cet autre libraire, de l'imaginaire de Baillargeon, qui tient librairie sur Saint-Denis et qui s'est appelé Claude Perrin. Le vrai sosie fictif du libraire connu de la Catherine montréalaise. Même exigence intellectuelle des textes, même attachement véhément à la beauté du langage et surtout même parti pris de l'intelli­gence. L'un et l'autre sont des êtres de conversa­tion, de la conversation vue comme un commer­ce (C'est un titre de Baillargeon). Henri Tranquil­le a-t-il fait autre chose que de discuter de littéra­ture, de choisir (autre titre de Baillargeon, Choix) ses auteurs pour ses clients, d'oublier de faire des affaires qui se vendent bien pour établir un « commerce », un échange avec des gens de let­tres et d'esprits qui le fréquentaient, lui, autant qu'ils fréquentaient sa librairie. C'est cela qu'on retrouve dans les Lettres d'un libraire: un goût sûr pour ce qui valorise l'intelligence de l'homme et un amour connaisseur de tout le dialogue fran­çais. On peut ne pas toujours être d'accord avec Henri Tranquille. On aura toutefois le plaisir — pour ceux qui croient encore au plaisir du texte — de trouver en lui un homme de belle écriture, plutôt rationnelle, qui porte sur les lettres françai-

PIERRE VADEBONCOEUR UN

GÉNOCIDE EN DOUCE

8 Québec français Mars 1977

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ses et québécoises le jugement d'un libraire qui a lu — il en reste — et qui peut se permettre de différer des goûts du moment. Et tant mieux, si grâce à moi, Henri Tranquille se mettait à fré­quenter Claude Perrin: ils sont tellement faits pour s'entendre. Et s'écrire peut-ôtre. (A.G.)

inflexions de voix Thomas PAVEL Les Presses de l'Université de Montréal, 1976, 178 p. ($9.00)

Ce livre n'est ni un ouvrage de linguistique, ni un essai philosophique, mais il se situe en quelque sorte à l'intersection de ces deux genres. Dans cet écrit tout en nuances, Pavel s'attache à décri­re les rapports que les hommes entretiennent avec les mots et, indirectement, avec la vie.

Parmi les thèmes qui s'entrelacent dans ce livre, il en est un qui m'a particulièrement frappé et qui est la façon dont l'auteur se représente le monde des mots. S'inspirant de Platon, Pavel imagine les mots comme des milliers de sphères lumi­neuses qui surplombent la réalité. Chaque sphè­re est un mot. Des hommes sont accrochés a ces sphères qu'ils quittent parfois pour d'autres. Cer­tains, déséquilibrés par la passion, dégringolent dans un monde marécageux où les mots ont per­du leur valeur et leur poids de vérité. C'est une image et certains lecteurs pourraient penser que cela manque de rigueur. Pavel, qui s'attend à cette critique, explique qu'il a été lui aussi fasciné par la rigueur au point de pratiquer le struc­turalisme mais qu'il en est revenu. (C.V.)

THEATRE Inès pérée et inat tendu Réjean DUCHARME Leméac, Montréal, 1976, 127 p.

•< Du monde, bordel, du monde... »

Ce cri, poussé par un des personnages, peut résumer un aspect du message que Réjean Ducharme transmet depuis L'Avalée des avalés jusqu'aux EnfantOmes. En réaménageant le lan­gage, en le violant même, le « grand incognito » des lettres québécoises montre du doigt le can­cer qui tue lentement les sociétés modernes: l'in­communicabilité.

Comme dans ses autres oeuvres, Ducharme, dans Inès Pérée et Inat Tendue (créée en 1968 et éditée pour la première fois en 1976), pose un regard chargé de critique sur un monde qui refuse l'humain; sur un espace qui rejette et vomit les « enfantômes », ces mutants de la parole et de l'amour. Inès et Inat, deux héros de l'absurde qui n'ont rien à envier à Vladimir et Estragon de Beckett, propulsent donc l'univers romanesque de Ducharme sur la scène.

Inès Pérée et Inat Tendue est un texte dramati­que très dense qui, de ce fait, en plus de s'adres­ser aux « fans » de Ducharme, s'adresse à tous ceux qui savent que le théâtre peut être autre chose que grosses farces à la Feydeau ou diver­tissement anodin.

Leméac propose également un auteur de la relè­ve, André Simard, qui, avec Cinq pièces en un acte, aiguise ses dents et notre appétit. Cinq belles promesses d'avenir. (G. C.)

ETUDES le théâtre québécois instrument de contestation sociale et politique Jacques COTNAM Fides, Montréal, 1976, 124 (1)p.

Jacques Cotnam est un critique remarquable. Déjà, son prophétique article sur « Le roman québécois à l'heure de la Révolution tranquille » nous avait permis de déceler chez lui la qualité de l'intuition, de la documentation et de l'analyse. Lucide et passionné à la fois, ce critique sait communiquer son enthousiasme au lecteur.

Dans Le théâtre québécois instrument de con­testation sociale et politique, Jacques Cotnam est fidèle à lui-môme. Il propose a son lecteur une vision cohérente et éclairante du théâtre d'ici, ne craignant nullement d'afficher ses cou­leurs, comme l'indique le titre de son essai. Et c'est un véritable plaisir, en sa compagnie, que de « tâter le pouls de la société québécoise, à différents moments de son évolution nationale ».

Un essai de cette qualité, facile à lire et à com­prendre, contraste furieusement avec les élu-cubrations de certains critiques pédants, em­bourbés dans leur vocabulaire prétentieux et leur arsenal pseudo-scientifique qui voilent les oeu­vres plutôt que de les révéler. Contrairement à

ceux-là, Jacques Cotnam a quelque chose à dire et les mots pour le dire lui viennent aisément

De Marc Lescarbot à Réjean Ducharme, l'auteur décrit le théâtre canadien-français, dit la nais­sance du théâtre québécois et trace son portrait actuel, à travers une sélection d'oeuvres repré­sentatives. Et, ce qui ne gâte rien, Jacques Cot­nam écrit bien. (M.A.)

le théâtre canadien-français sous la direction de Paul WYCZYNSKI, Bernard JULIEN et Hélène BEAUCHAMP-RANK Montréal, Fides, 1976, 1005 p.

Cinquième tome — depuis longtemps atten­du — des Archives des Lettres canadiennes, le Théâtre canadien-français se divise en six parties.

Après une brève introduction de Guy Beaulne, on y étudie d'abord « les Origines » du théâtre canadien-français à travers ses principaux représentants: Lescarbot, Quesnel, Gérin-Lajoie, Petitclair et Frechette. Cette dernière étude a déjà paru dans le tome I de la collec­tion consacré au « Mouvement littéraire de Québec, 1860 ». De loin la plus volumineuse, la deuxième partie, intitulée « Vers une tradi­tion théâtrale », tente de cerner, à l'aide de plusieurs études, l'évolution, la vie et les tech­niques théâtrales, de même que les influences étrangères — américaines, anglaises et fran­çaises — du théâtre représenté à la fois dans les collèges et sur les scènes de Québec et Montréal et aussi du Nouveau-Brunswick, du Manitoba ... et de l'Outaouais, P.Q.! (Pourquoi pas de toutes les régions du Québec?). La troisième partie fournit huit profils d'auteurs contemporains: Gélinas, Toupin, Dubé, Langui­rand, Anne Hébert, Françoise Loranger, Fer­ron et Tremblay. Suivent dix études ou analy­ses de quelques pièces récentes dont la Sa­gouine d'Antonine Maillet, et plus de cent témoignages d'auteurs, metteurs en scène, comédiens, décorateurs, costumiers, musi­ciens... Une imposante bibliographie compilée par John Hare clôt le volume.

Le Théâtre canadien-français constitue certes une mine de renseignements historiques et littéraires. C'est un indispensable instrument qui invite à pousser davantage l'approfondis­sement des problèmes relatifs à la vie théâ­trale au Québec et au Canada français, de Marc Lescarbot à Michel Tremblay. Je trouve

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10 Québec français Mars 1977

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dommage toutefois que l'on ait négligé les auteurs pour enfants, tels Marie-Claire Dave­luy par exemple. (A.B.)

histoire du roman américain Marc SAPORTA Gallimard, coll. Idées, Paris, 1976, 504 p.

Autant La Prairie perdue de Jacques Cabau m'a­vait séduit à la fois par son éclectisme, sa largeur de vues et ses jugements lapidaires, autant r His­toire du roman américain de Marc Saporta m'a plu et charmé par l'étendue de son érudition, la profondeur de sa connaissance de la société américaine, la finesse et la sûreté de ses juge­ments teintés ici et là d'un humour un peu nar­quois (l'Ancien Monde qui observe le Nou­veau...)

Saporta renouvelle, pour ainsi dire, les métho­des de l'histoire littéraire. Au lieu de confiner les romanciers à une longue et fastidieuse enume­ration strictement chronologique, pleine d'éti­quettes, il lui « a paru préférable, sans nier l'existence des générations de romanciers, quand des regroupements chronologiques s'im­posaient, de traiter l'histoire du roman américain par grands courants parallèles •> (Avertissement, p. 19). Je crois qu'il a parfaitement réussi son « montage », en effectuant un découpage intelli­gent et presque toujours sûr. Son étude a le mérite eminent de faire ressortir [American way of life et le Rêve américain, car il lui « est apparu que l'une des caractéristiques majeures du ro­man américain consistait en une action civique, sociale, économique, d'une efficacité remarqua­ble » (p. 20). L'ensemble, composé d'analyses fines et pénétrantes (sinon percutantes) malgré leur brièveté obligée, agréablement écrit, brillant et sobre à la fois, souligne d'une façon nette révolution marquée qu'a subie la littérature ro­manesque aux Etats-Unis, depuis la Déclaration d'Indépendance. L'étude est complétée par un tableau chronologique des événements histori­ques et littéraires dans lesquels ont baigné les romanciers et par un répertoire bio-biblio­graphique. Ce répertoire, très intéressant et très instructif, allège le contenu de son étude. Mais, il aurait dû ôtre accompagné d'un Index Nominum complet pour faciliter la consultation, d'autant plus que le répertoire n'est pas exhaustif. En somme, cette édition du Bicentenaire, revue et augmentée — la première date de 1970 — est une histoire littéraire merveilleuse, qui donne le goût de pousser plus loin l'exploration de la littérature américaine. (G.D.)

l'enfant-personnage et l'autorité dans la littérature enfantine Marielle DURAND Leméac, Montréal, 1976, 350 p. ($9.95)

Depuis quelques dizaines d'années, le phéno­mène-Autorité a été démystifié au profit d'une nouvelle relation adulte-enfant. Beaucoup d'é­ducateurs ne considèrent plus l'enfant comme un futur adulte qu'il faut dresser mais comme un être à part entière qu'il faut respecter. Ceci dit, un consensus sur cette question semble encore fort éloigné. On peut se demander notamment quels types de relations adulte-enfant sont proposés en modèle par les ouvrages de littérature enfantine.

Marielle Durand a entrepris d'étudier cette ques­tion dans un palmarès de 45 livres pour enfants de huit à douze ans. Les résultats sont intéres­sants et donnent à refléchir. L'exercice de l'auto­rité est analysé dans ses manifestations positi­ves: ordres, décisions, récompenses, permis­sions (459 exemples) et négatives: menaces, défenses, reproches, punitions (243 exemples). Ces chiffres sont assez élevés et permettent à l'auteur de conclure que l'exercice de l'autorité de l'adulte vis-à-vis de l'enfant est apparu comme unilatéral, arbitraire, sélectif, subjectif, limitatif, conventionnel et négatif et que l'adulte, en général, se montre encore autoritaire, sinon autoritariste dans l'éducation de l'enfant (p. 253).

Cette étude très détaillée mérite d'être lue atten­tivement par les enseignants concernés. Il ne s'agit pas en effet d'expurger les bibliothèques, mais de prendre conscience des valeurs véhicu­lées par ces livres pour pouvoir les désamorcer avec les jeunes. (C.V.)

DIVERS la vie quotidienne des premiers colons en abitibi-témiscamingue Normand LAFLEUR Leméac, Montréal, 1976, 197 p.

La dernière étude publiée par Normand La­fleur sur la vie quotidienne des premiers colons en Abitibi-Témiscamingue déçoit un peu, car le contenu tient assez mal les pro­

messes du titre. L'historique plutôt pauvre, la description trop sommaire des travaux quoti­diens font que nous restons sur notre appétit. Le texte, trop bref, manque de profondeur, de chair, de substance. La documentation photo­graphique compense cependant largement pour ces lacunes. Mais, si on exclut les «plan­ches » et les pages blanches, il reste environ 47 pages seulement de texte écrit. Et, ce qui ne rachète rien, le style manque de souffle et de fini.

Toutefois, les annexes, qui occupent la deu­xième moitié du livre, sont en fait des plus inté­ressantes, surtout le témoignage détaillé et vivant du prêtre-missionnaire S. Dubois (comme celui de Félix-Antoine Savard, dans la première moitié). En toute objectivité, il faut souligner la solide valeur documentaire de cette étude (cartes, photos, documents écrits, entrevues, etc.) et l'effort — inégale­ment réussi, il est vrai — d'« humanisation » d'une étude qui, trop factuelle, aurait pu tom­ber dans un chosisme un peu froid. L'appareil critique est bien fait. Les tables, les index et la bibliographie ont toujours une grande utilité dans ce genre d'ouvrages.

En somme, une demi-réussite. Le titre un peu présomptueux (ou ambitieux?) avait-il l'illu­sion de nous faire croire à un livre de la même valeur que ceux de la collection Hachette sur la vie quotidienne?... (G.D.)

l'ensaignement, 1. l'école primaire Recherches, no 23, Juin 1976, 204 p. Revue du Cerfi, Fontenay-sous-Bois.

Devant les critiques violentes que suscite l'école, on est parfois tenté de penser que ce sont des réformes maladroites qui ont per­verti une institution dont les origines seraient pures et généreuses. Il n'en est rien. Le ver était dans le fruit dès les débuts de l'enrôle­ment scolaire. C'est du moins ce qui ressort du réquisitoire sanglant que dresse Anne Querrien dans ce numéro de Recherches.

En France, l'école apparaît dès le XVI "siècle. Ce sont des «écoles de charité, n'accueillant que les enfants trouvés, les orphelins, les en­fants dont les parents « bénéficient de l'aumô­ne ». Très vite, les municipalités comprennent l'intérêt de ces écoles et obligent les enfants pauvres à les fréquenter dès l'âge de 5 ans.

l'enfant-personnage et l'autorité

dans la littérature enfantine la vie quotidienne des premiers colons •N abitibi-témiscamingue

Mars 1977 Québec français 11

Page 7: Nouveautés · Cette oeuvre, chargée d'amour, débordante de sexualité animale, attire par son rythme accordé à celui du soleil, des saisons, par ses descrip tions absolument

Une impulsion majeure est donnée au sys­tème en 1694, quand Jean Baptiste de la Salle fonde un noviciat pour former à sa méthode des maîtres destinés à essaimer dans toute la France. L'idée géniale du fondateur des Frè­res des écoles chrétiennes a été de diviser les écoliers en groupes de même niveau à qui le maître enseigne simultanément. Si l'on y ajoute l'uniformisation des livres, des espa­ces et des attitudes physiques, on obtient une machine fort efficace qui servira de moule à l'institution scolaire. La religion, la lecture, récriture et le calcul constituaient les matiè­res de base. En 1843, le comité central d'ins­truction publique ajoute à ce programme la grammaire, l'histoire, la géographie et le des­sin linéaire destinés, selon Anne Querrien, à remplacer la religion dans le rôle de discipli-narisation des masses populaires (p. 72). Le chapitre consacré à l'architecture des écoles montre l'importance accordée au regard du maître qui surveille et punit.

L'étude d'Anne Querrien s'inscrit dans la ligne des recherches de Foucault, Deleuze et Guat­tari. Elle se veut réflexion passionnée — et passionnante — plus que savant travail d'his­torien. Mais elle mérite d'être lue par tous ceux que la crise de l'école intéresse. On se scandalise, dans les milieux de gauche, de ce que l'école reproduise les inégalités socia­les. Pour l'auteur, l'école, sous la forme que nous lui connaissons, a justement pour fonc­tion, explicite chez ses fondateurs, de repro­duire de telles inégalités sociales et de les faire accepter. Ainsi donc, l'école était parfai­tement adaptée à ses objectifs et si elle est en crise aujourd'hui, c'est parce que la forma­tion sociale qui l'a créée est elle-même en crise. (C.V.)

régie de la langue française rapport annuel 1975 L'Éditeur officiel du Québec, 1976, 111p.

Ce premier rapport annuel commence par pré­senter le cadre d'action de la Régie: cadre socio-géographique et juridique. La problé­matique du français au Québec et au Canada y est exposée d'une façon succincte mais re­marquablement objective: De l'avis de la Ré­gie, c est toute la question du Canada comme territoire national pour la langue française qui se trouve posée (p. 31). C'est clair! Ce qui étonne, c'est qu'après cet acte de lucidité, les

auteurs s'empressent de passer à un acte de foi en feignant de croire que la Loi sur les lan­gues officielles va réellement étendre le champ du français aux autres provinces. Le récent conflit des Gens de l'air vient encore de prouver l'angélisme grossier de cette pro­position.

Le rapport s'attache ensuite à préciser le man­dat de la Régie et la façon dont elle entend le remplir. On sait que ce mandat concerne l'application des règlements sur l'affichage, l'étiquetage, la francisation des entreprises et l'utilisation du français par les organismes pu­blics et para-publics. Il faut remarquer, à ce propos, que la Régie a élaboré une approche extrêmement pragmatique et fonctionnelle qui augure fort bien de la réussite du programme.

Le public sait moins bien que la Régie a égale­ment pour tâche de rechercher la forme de langage correspondant aux souhaits de la ma­jorité des Franco-Québécois. [...] Dire la nor­me et [prendre] les moyens pour la répandre (p. 66, 67). Cette tâche, vue comme primor­diale, apparait extrêmement ambitieuse et ne manquera pas de susciter de sérieux débats. On peut prévoir que les professeurs de fran­çais seront particulièrement concernés par les décisions de la Régie. Et la Régie ne peut espérer réaliser un large consensus autour de sa position que si elle parvient à se gagner l'autorité morale et la crédibilité qui lui ont fait gravement défaut lors de sa mise en place. (C.V.)

jeu cahiers de théâtre, no 3 Quinze, Montréal, 1976.

L'excellente revue Jeu en est à son troisième numéro et à sa première année d'existence. Cet anniversaire est souligné par les rédacteurs qui ne manquent pas de rappeler à leurs lecteurs les difficultés auxquelles ils doivent faire face et dont les conséquences sont des pirouettes budgétai­res et une oscillation du prix des numéros.

Le sommaire fort copieux de ce troisième numé­ro comprend l'analyse d'un spectacle, Les Olym­piques et après, par Gilbert David, et la deuxiè­me partie d'une enquête de Gérald Sigouin sur l'histoire du théâtre Euh, l'une de ces jeunes troupes dont <• les orientations et les mutations »

sont exemplaires des tendances du théâtre qué­bécois actuel.

À cela s'ajoutent deux entrevues, l'une avec Michel Garneau, et l'autre avec Jean-Pierre Ronfard. Le succès que connait, ces derniers temps, le dramaturge Michel Garneau donne un surcroît d'intérêt à sa théorie de l'écriture sur commande. Quant à Jean-Pierre Ronfard, met­teur en scène notamment des Oranges sont vertes, on aurait aimé connaître davantage son point de vue sur le théâtre de Gauvreau, ou encore sa conception d'un théâtre expérimental au Québec, à côté des expériences de groupes comme le théâtre Euh par exemple.

Des chroniques sur des spectacles ou des comptes rendus de livres sur le théâtre ainsi que des renseignements divers font de ce numéro un ouvrage fort utile.

Ad multos annos à Jeu, à qui nous souhaitons que n'arrive point le sort qu'un des chroniqueurs fait, un peu prématurément, à Nord. (M. L.)

MANUEL

par mille chemins Germaine POULIOT, en coll. avec Monique POULIOT et Suzelle ROBERGE Les Éditions Projet, Montréal, 1976, 255 p.

Voilà plus de dix ans que la littérature québé­coise est sortie du ghetto où elle a longtemps été enfermée, mais les éditeurs de manuels scolai­res ne semblent pas s'en être rendu compte. Par un effet de l'ignorance ou de la routine, les écrivains québécois ne sont guère représentés dans les ouvrages utilisés à l'élémentaire.

Aussi faut-il saluer la nouveauté que constitue la publication de Par mille chemins. Dans ce livre de lecture, les élèves de 4e année pourront dé­couvrir leur réalité à travers de vieilles légendes indiennes ou racontée par Félix Leclerc, Gilles Vigneault, Yves Thériault, Félix-Antoine Sa­vard... L'initiative est très intéressante et devrait retenir l'attention des enfants autant que de leurs professeurs. Il faut noter enfin qu'un matériel d'exploitation très élaboré, publié séparément, accompagne ce recueil. (C.V.)

Par mille chemins A

12 Québec français Mars 1977