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spectra 85 Mars 2011 Partenariat avec l’économie 4 Aide en matière de dépendances. Les établissements ambulatoires et résidentiels de l’aide en matière de dépendances devraient davantage collaborer au lieu de se percevoir en situation de concurrence – compte tenu des coupes budgé- taires des pouvoirs publics et des exigences accrues posées à des traitements modernes et efcaces des addictions. Telle est la conclu- sion d’une étude réalisée par l’Université de Lausanne sur man- dat de la CRIAD (Coordination romande des institutions œuvrant dans le domaine des addictions). Le traitement des addictions en Suisse s’inscrit depuis quelques décennies dans un processus continu de renforce- ment et d’élargissement de l’offre de prise en charge. Dans un premier temps, le secteur résidentiel en a été le princi- pal bénéciaire. Depuis les années 1990, les efforts se concentrent essentielle- ment sur les institutions ambulatoires et leurs offres de substitution ou de réduc- tion des risques. Le renforcement régu- lier du secteur ambulatoire s’est alors accompagné d’une tendance à l’affai- blissement de la place du résidentiel au sein de la prise en charge des addic- tions. Cependant, face à la prévalence de certaines situations sociales et psy- chopathologiques lourdes et à l’évolu- tion du prol des personnes dépen- dantes, cette relativisation de la place du résidentiel pourrait avoir trouvé ses limites. Evaluation de l’offre résidentielle Tous les acteurs du secteur des addic- tions considèrent aujourd’hui l’articula- tion et la complémentari té des domaines d’intervention (social et médical) et des types de traitement (ambulatoire et ré- sidentiel) comme une condition sine qua non à un traitement et un accompagne- ment optimal des personnes en situa- tion de dépendance. Mais qu’en est-il en réalité? Quid de la collaboration entre ces deux domaines? Pour répondre à ces questions, la CRIAD (Coordination romande des institutions œuvrant dans le domaine des addictions) a mandaté une étude à l’Observatoire de la ville et du développement durable de l’Univer- sité de Lausanne visant à réaliser une évaluation pluraliste de l’offre résiden- tielle de traitement des dépendances et de ses articulations avec le secteur am- bulatoire. La recherche a recouru à une approche pluraliste impliquant trois méthodes complémentaires de récolte et de traitement des données: une ana- lyse documentaire, une approche quan- titative à dominante statistique et une démarche qualitative fondée sur 120 entretiens approfondis auprès d’acteurs des domaines résidentiel et ambulatoire ainsi que des usagers. Offre diversiée mais peu lisible L’offre résidentielle est certes impor- tante et diversiée dans la plupart des cantons, mais généralement peu lisible, en particulier pour les acteurs exté- rieurs au champ du résidentiel. Les des- criptifs des différentes institutions sont insufsamment compréhensibles au ni- veau du contenu. Par ailleurs, le prol des usagers s’est fortement modié: le caractère de marginalité auquel était as- sociée la population des consomma- trices et des consommateurs de drogues des années 80–90 a été remplacé par des individus présentés comme beau- coup plus désinsérés, souffrant plus fré- quemment qu’avant de polydépendance et de comorbidité. De plus, la majorité des institutions du secteur résidentiel ne correspondent plus, aujourd’hui, à une offre à haut seuil destinée à une popula- tion capable de répondre à des exi- gences élevées (abstinence, vie collec- tive, réinsertion professionnelle). Le plus souvent, elles prennent en charge des personnes dont les difcultés et la trajectoire imposent avant tout des prestations d’ordre socio-éducatif (no- tamment pour les plus jeunes), ou de ré- tablissement ou de maintien d’une si- tuation sanitaire et sociale de base, et non une thérapie à haut seuil. L’ambulatoire exprime le besoin d’avoir des lieux résidentiels bas seuil, par exemple pour prendre en charge des usagers en situation de crise sanitaire ou sociale. Les objectifs traditionnels du traitement résidentiel tels que l’absti- nence et la réinsertion professionnelle vacillent, et certains établissements ré- sidentiels ont introduit les traitements de substitution. Par ailleurs, la thérapie de groupe, approche de traitement pri- vilégiée du résidentiel, fait une place toujours plus grande à un suivi person- nalisé. De nombreuses voies possibles L ’étude souligne qu’il n’y a pas une mé- thode unique pour maîtriser ou vaincre l’addiction, qu’il n’y a pas une réponse unique pour les personnes en situation de dépendance. Il est donc nécessaire d’optimiser l’articulation et d’instituer des fonctions transversales entre l’am- bulatoire et le résidentiel. L’intégration des deux secteurs permet d’améliorer la continuité du traitement et, donc, d’ac- croître l’efcacité du suivi. Il faut créer des possibilités de traitement adapté aux besoins des personnes dépendantes dans des situations différentes et aux pathologies différentes. Recommandations: vers une vision partagée Pour y parvenir, les auteurs du rapport d’évaluation recommandent les me- sures suivantes: – la construction d’un référentiel com- mun et /ou de modèles d’actions concertés, an de parvenir à une nition convergente de la problé- matique de l’addiction, des troubles qu’elle engendre et de la chaîne de traitements pertinents; – la dénition commune des objectifs à atteindre par les acteurs, du concept de prise en charge, de l’offre de pres- tations, des groupes cibles, des par- tenaires du réseau; – la recomposition et l’ajustement des prestations de l’offre résidentielle et la reconnaissance de sa pertinence en matière de traitement de per- sonnes souffrant de problèmes d’ad- diction; – l’organisation d’interfaces appro- priées entre les secteurs résidentiel et ambulatoire permettant de les constituer comme des chaînes com- plémentaires d’un système cohérent de traitements; – la formalisation de procédures de collaboration permettant d’assurer une continuité des soins; – la formation et l’information en ma- tière d’offre intégrée an de capitali- ser les bonnes pratiques et de diffu- ser les acquis de connaissance. Les auteurs reconnaissent un grand po- tentiel aux institutions du secteur de l’addiction évaluées en Suisse romande. Ce sont des acteurs importants de la po- litique suisse en matière d’addictions qui offrent à leurs client-e-s des suivis toujours plus diversiés atteignant des résultats positifs. L’articulation des sec- teurs résidentiel et ambulatoire offre, selon l’étude, de bonnes opportunités d’améliorer la continuité dans le traite- ment et la persévérance des client-e-s et garantit ainsi l’efcience et la cohérence de l’ensemble du système. Elles permet- tent de développer des solutions du- rables et intégrées en recourant aux prestations et au savoir-faire existants. Les institutions résidentielles doivent adapter leur offre et leur image aux nou- veaux dés (comme le nouveau prol de leur clientèle). Il incombe aux cantons de créer les conditions-cadre propices à un traite- ment conforme aux besoins des per- sonnes dépendantes dans des situations différentes et aux parcours différents qui intègre souvent aussi bien le traite- ment ambulatoire que résidentiel. Un résumé du rapport se trouve sous: www.bag.admin.ch > Thèmes > Drogues Contact: René Stamm, section Drogues, [email protected] Nouveaux dés pour le traitement résidentiel des addictions

Nouveaux défis pour le traitement résidentiel des addictions-spectra_85_fr

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8/7/2019 Nouveaux défis pour le traitement résidentiel des addictions-spectra_85_fr

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spectra 85 Mars 2011 Partenariat avec l’économie4

Aide en matière de dépendances.

Les établissements ambulatoires et

résidentiels de l’aide en matière de

dépendances devraient davantage

collaborer au lieu de se percevoir

en situation de concurrence –

compte tenu des coupes budgé-

taires des pouvoirs publics et des

exigences accrues posées à destraitements modernes et efficaces

des addictions. Telle est la conclu-

sion d’une étude réalisée par

l’Université de Lausanne sur man-

dat de la CRIAD (Coordination

romande des institutions œuvrant

dans le domaine des addictions).

Le traitement des addictions en Suisse

s’inscrit depuis quelques décennies

dans un processus continu de renforce-

ment et d’élargissement de l’offre de

prise en charge. Dans un premier temps,

le secteur résidentiel en a été le princi-

pal bénéficiaire. Depuis les années 1990,

les efforts se concentrent essentielle-ment sur les institutions ambulatoires et

leurs offres de substitution ou de réduc-

tion des risques. Le renforcement régu-

lier du secteur ambulatoire s’est alors

accompagné d’une tendance à l’affai-

blissement de la place du résidentiel au

sein de la prise en charge des addic-

tions. Cependant, face à la prévalence

de certaines situations sociales et psy-

chopathologiques lourdes et à l’évolu-

tion du profil des personnes dépen-

dantes, cette relativisation de la place

du résidentiel pourrait avoir trouvé ses

limites.

Evaluation de l’offre résidentielleTous les acteurs du secteur des addic-

tions considèrent aujourd’hui l’articula-

tion et la complémentarité des domaines

d’intervention (social et médical) et des

types de traitement (ambulatoire et ré-

sidentiel) comme une condition sine qua

non à un traitement et un accompagne-

ment optimal des personnes en situa-

tion de dépendance. Mais qu’en est-il en

réalité? Quid de la collaboration entre

ces deux domaines? Pour répondre à

ces questions, la CRIAD (Coordination

romande des institutions œuvrant dans

le domaine des addictions) a mandaté

une étude à l’Observatoire de la ville et

du développement durable de l’Univer-sité de Lausanne visant à réaliser une

évaluation pluraliste de l’offre résiden-

tielle de traitement des dépendances et

de ses articulations avec le secteur am-

bulatoire. La recherche a recouru à une

approche pluraliste impliquant trois

méthodes complémentaires de récolte

et de traitement des données: une ana-

lyse documentaire, une approche quan-

titative à dominante statistique et une

démarche qualitative fondée sur 120

entretiens approfondis auprès d’acteurs

des domaines résidentiel et ambulatoire

ainsi que des usagers.

Offre diversifiée mais peu lisibleL’offre résidentielle est certes impor-

tante et diversifiée dans la plupart des

cantons, mais généralement peu lisible,

en particulier pour les acteurs exté-

rieurs au champ du résidentiel. Les des-

criptifs des différentes institutions sont

insuffisamment compréhensibles au ni-

veau du contenu. Par ailleurs, le profil

des usagers s’est fortement modifié: le

caractère de marginalité auquel était as-

sociée la population des consomma-

trices et des consommateurs de drogues

des années 80–90 a été remplacé par

des individus présentés comme beau-

coup plus désinsérés, souffrant plus fré-

quemment qu’avant de polydépendance

et de comorbidité. De plus, la majorité

des institutions du secteur résidentiel necorrespondent plus, aujourd’hui, à une

offre à haut seuil destinée à une popula-

tion capable de répondre à des exi-

gences élevées (abstinence, vie collec-

tive, réinsertion professionnelle). Le

plus souvent, elles prennent en charge

des personnes dont les difficultés et la

trajectoire imposent avant tout des

prestations d’ordre socio-éducatif (no-

tamment pour les plus jeunes), ou de ré-

tablissement ou de maintien d’une si-

tuation sanitaire et sociale de base, et

non une thérapie à haut seuil.

L’ambulatoire exprime le besoin d’avoir

des lieux résidentiels bas seuil, par

exemple pour prendre en charge desusagers en situation de crise sanitaire

ou sociale. Les objectifs traditionnels du

traitement résidentiel tels que l’absti-

nence et la réinsertion professionnelle

vacillent, et certains établissements ré-

sidentiels ont introduit les traitements

de substitution. Par ailleurs, la thérapie

de groupe, approche de traitement pri-

vilégiée du résidentiel, fait une place

toujours plus grande à un suivi person-

nalisé.

De nombreuses voies possibles

L’étude souligne qu’il n’y a pas une mé-

thode unique pour maîtriser ou vaincre

l’addiction, qu’il n’y a pas une réponse

unique pour les personnes en situation

de dépendance. Il est donc nécessaired’optimiser l’articulation et d’instituer

des fonctions transversales entre l’am-

bulatoire et le résidentiel. L’intégration

des deux secteurs permet d’améliorer la

continuité du traitement et, donc, d’ac-

croître l’efficacité du suivi. Il faut créer

des possibilités de traitement adapté

aux besoins des personnes dépendantes

dans des situations différentes et aux

pathologies différentes.

Recommandations:

vers une vision partagée

Pour y parvenir, les auteurs du rapport

d’évaluation recommandent les me-

sures suivantes:– la construction d’un référentiel com-

mun et /ou de modèles d’actions

concertés, afin de parvenir à une

définition convergente de la problé-

matique de l’addiction, des troubles

qu’elle engendre et de la chaîne de

traitements pertinents;

– la définition commune des objectifs à

atteindre par les acteurs, du concept

de prise en charge, de l’offre de pres-

tations, des groupes cibles, des par-

tenaires du réseau;– la recomposition et l’ajustement des

prestations de l’offre résidentielle et

la reconnaissance de sa pertinence

en matière de traitement de per-

sonnes souffrant de problèmes d’ad-

diction;

– l’organisation d’interfaces appro-

priées entre les secteurs résidentiel

et ambulatoire permettant de les

constituer comme des chaînes com-

plémentaires d’un système cohérent

de traitements;

– la formalisation de procédures de

collaboration permettant d’assurer

une continuité des soins;

– la formation et l’information en ma-tière d’offre intégrée afin de capitali-

ser les bonnes pratiques et de diffu-

ser les acquis de connaissance.

Les auteurs reconnaissent un grand po-

tentiel aux institutions du secteur de

l’addiction évaluées en Suisse romande.

Ce sont des acteurs importants de la po-

litique suisse en matière d’addictions

qui offrent à leurs client-e-s des suivis

toujours plus diversifiés atteignant des

résultats positifs. L’articulation des sec-

teurs résidentiel et ambulatoire offre,

selon l’étude, de bonnes opportunités

d’améliorer la continuité dans le traite-

ment et la persévérance des client-e-s etgarantit ainsi l’efficience et la cohérence

de l’ensemble du système. Elles permet-

tent de développer des solutions du-

rables et intégrées en recourant aux

prestations et au savoir-faire existants.

Les institutions résidentielles doivent

adapter leur offre et leur image aux nou-

veaux défis (comme le nouveau profil de

leur clientèle).

Il incombe aux cantons de créer les

conditions-cadre propices à un traite-

ment conforme aux besoins des per-

sonnes dépendantes dans des situations

différentes et aux parcours différents

qui intègre souvent aussi bien le traite-

ment ambulatoire que résidentiel.

Un résumé du rapport se trouve sous:

www.bag.admin.ch > Thèmes > Drogues

Contact:

René Stamm,

section Drogues,

[email protected]

Nouveaux défis pour le traitement résidentiel des addictions