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NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE L’ACCORD-CADRE CULTURE-CNRS 2016-2020

NOUVELLES CHE TURELLE...2 PRÉFACE « La culture, c’est ce qui relie les savoirs et les féconde », comme le dit si bien Edgar Morin. La recherche tend à la découverte de connaissances

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NOUVELLESDYNAMIQUES POUR LA RECHERCHECULTURELLEL’ACCORD-CADRECULTURE-CNRS 2016-2020

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REMERCIEMENTS

Que soient ici remerciés les chercheurs qui se sont prêtés au jeu des entretiens et qui ont fourni des illustrations pour cette brochure. Merci également à ceux qui ont accepté de rédiger les introductions thématiques.

Les opinions exprimées dans ces textes n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

COORDINATION

Astrid Brandt-Grau et Sylvie Max-ColinartMinistère de la Culture et de la CommunicationSecrétariat général / Service de la coordination des politiques culturelles et de l’innovationDépartement de la recherche, de l’enseignement supérieur et de la technologie

RÉALISATION

Conception graphique : Valérie CharlanneEntretiens : Marion RoussetSecrétariat d’édition : Dominique Jourdy, assistée de Anaïs MonchyImpression : Corlet

ISBN papier : 978-2-11-152025-7ISBN pdf en ligne : 978-2-11-152026-4

© Ministère de la Culture et de la Communication, 2017

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NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHECULTURELLEL’ACCORD-CADRECULTURE-CNRS 2016-2020

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PRÉFACE

« La culture, c’est ce qui relie les savoirs etles féconde », comme le dit si bien EdgarMorin. La recherche tend à la découvertede connaissances nouvelles et à leur utili-sation pour comprendre et agir sur lemonde. La culture, quant à elle, inclutsavoirs, croyances, arts et traditionspropres à un groupe humain, à une civilisa-tion, pour habiter le monde. Par sa facultéà rapprocher les sciences et les arts, larecherche culturelle amène créateurs etscientifiques à travailler ensemble, à conce-voir la recherche comme une création et lacréation comme une recherche, avec laliberté que cela suppose.Ainsi la temporalité des arts et des scienceséchappe en partie à celle des décideurspublics, d’où quelquefois une certaineincompréhension entre ces deux mondes. Ils’agit malgré tout de créer des lieux et desmodes de travail nouveaux afin d’approfon-dir le dialogue entre chercheurs, artistes etdécideurs publics qui ne peuvent s’exonérerde répondre aux questions fondamentalesque pose notre société.Outil majeur de coopération, l’accord-cadreentre le ministère de la Culture et de laCommu nication et le CNRS favorise cedialogue, permet de développer denouvelles thématiques de recherche et d’ouvrir de nouvelles perspectives. Ce parte-nariat renforce également la valorisationdes résultats de la recherche, tant sur leplan de la diffusion des connaissances quesur le plan économique.Le premier partenariat entre le ministèrede la Culture et de la Communication et leCNRS a été initié en 1992. Aujourd’hui, nouscomptons vingt-trois unités de rechercheet de service ainsi que deux fédérations derecherche en cotutelle. Nous avons signéensemble soixante-dix conventions departenariat de recherche, créé des groupe-

ments d’intérêt scientifique et des groupe-ments de recherche, dont trois à l’interna-tional. Les laboratoires couverts parl’accord-cadre sont également très impli-qués dans sept Équipex et quinze Labex duProgramme d’investissements d’avenir.Les programmes de recherche interdiscipli-naires développés au sein des structuresconcernées par l’accord-cadre participentaux missions essentielles du ministère de laCulture et de la Communication : protégeret valoriser le patrimoine culturel danstoutes ses dimensions, matérielles et imma-térielles ; favoriser les conditions de la créa-tion ; analyser l’impact des industriesculturelles; diffuser la culture au plus grandnombre.De nouvelles formes de production etd’échange des savoirs, des méthodesinédites d’analyse et de conservation dupatrimoine culturel, des moyens innovantsde création et de diffusion artistique ont vule jour. Leur appropriation par les profession-nels de la culture impose une synergie avecle monde scientifique, qui s’opère grâce àdes participations actives aux productionsdes unités de recherche et de service duCNRS, ainsi que par des échanges de person-nels. Ainsi, des personnels scienti fiques duministère – ingénieurs d’études et derecherche, conservateurs, documentalistes,enseignants – sont parties prenantes demultiples programmes de recherche.L’accord-cadre vise notamment à conso -lider l’excellence des recherches sur les patri-moines et à renforcer l’intégration despratiques et des productions culturelles etartistiques dans les projets de recherche. Ilencourage les liens entre les établissementsd’enseignement supérieur relevant du minis-tère de la Culture et de la Communicationet les structures de recherche du CNRS, etcontribue à mettre en place de nouveaux

CHRISTOPHER MILESSECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

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cursus académiques pour les étudiants,dont certains sont de futurs chercheurs.Grâce à la structuration de la commu-nauté de recherche, en particulier celle de l’accord-cadre, la recherche culturelle agagné la visibilité et la reconnaissancedont elle jouit aujourd’hui. Elle a pu irriguerles formations universitaires, ce quiconduit nombre de jeunes doctorants àfaire leur thèse dans les institutions cultu-relles et les laboratoires inscrits dans l’accord-cadre. Elle est aussi mieux priseen compte dans des projets à dimensioneuropéenne et internationale, comme lemontre, par exemple, la mise en place dela Très grande infrastructure de rechercheeuropéenne dédiée aux sciences du patri-moine, European Research Infrastructurefor Heritage Science (E-RIHS), coordonnéepar le centre national de la rechercheitalien, et qui associe douze pays euro-péens dont la France. Cette infrastructure,à vocation internationale, contribuera àla connaissance et à la conservation desmatériaux du patrimoine en s’appuyantsur un accès transnational à un ensemblede plateformes instrumentales et d’instru -men tations portables mis à disposition parun réseau de laboratoires. Le Centre derecherche et de restauration des muséesde France, avec son accélérateur AGLAE,et l’unité IPANEMA associée au syn -chrotron Soleil, deux structures figurantdans l’accord-cadre, sont chargés de lacoordination du projet au niveau françaispar le ministère de l’Éducation nationale,de l’Enseignement supérieur et de laRecherche.Autre exemple de ce que l’accord-cadre apermis de mettre en œuvre, les recherchespluridisciplinaires en acoustique, informa-tique, cognition et musicologie, conduitespar le laboratoire Sciences et technologiesde la musique et du son, au sein de l’Ircam.Les travaux de cette unité concourent à lacréation et à l’innovation internationale àun niveau d’excellence largement reconnu.Les applications qui en découlent, sous laforme de nouveaux logiciels, profitent à lafois aux musiciens – compositeurs ou inter-prètes – et aux professionnels de la musiqueet du son.

Citons aussi les méthodes et outils pourl’archi tecture, l’urbanisme et le paysage, misen œuvre par le laboratoire multisiteModèles et simulations pour l’architectureet le patrimoine, qui n’auraient pu être déve-loppés sans une approche inter disciplinairealliant architectes, historiens, spécialistesde la conservation et ingénieurs informati-ciens. Ou encore les recherches du Labora-toire ligérien de linguistique dans ledomaine du traitement des corpus oraux, etleur apport aux réflexions sur l’archivage etla diffusion des données linguistiques.Mentionnons enfin la création du labo -ratoire international franco-russe derecherche multidisciplinaire sur l’art préhis-torique en Asie centrale, ARTEMIR, qui n’aurait pu voir le jour sans l’appui, notam-ment, des unités mixtes de recherche de l’ac-cord-cadre PACEA et EDYTEM, du Centrenational de la Préhistoire et du musée natio-nal de la Préhistoire.Ces quelques exemples montrent la trèsgrande diversité des collaborations et desrecherches que favorise le partenariatentre le CNRS et le ministère de la Cultureet de la Communication. Le renouvellementde l’accord-cadre en 2016, pour une duréede cinq années, témoigne de l’attachementdes deux institutions à ce partenariat etmarque leur volonté de poursuivre une poli-tique concertée dans tous les domaines dela recherche culturelle. La signature de cenouvel accord a donné lieu à un colloque,« Nouvelles dynamiques pour la rechercheculturelle », qui s’est tenu à Paris les 21et 22  avril 2016 au musée national de l’Histoire de l’immigration. Nous avons resti-tué ici, sous la forme d’entretiens avecquelques chercheurs, les travaux les plusnovateurs présentés durant ces deux jour-nées. Souhaitons à ce nouvel accord-cadrebeaucoup de fécondité pour la rechercheculturelle.

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L’accord-cadre entre le CNRS et le minis-tère de la Culture et de la Communicationn’est pas seulement l’expression d’unecollaboration fructueuse, qui réunit depuislongtemps, sous notre double tutelle, denombreuses unités, Labex ou réseaux. Cetaccord crée aussi les conditions derecherches et d’innovations qui sont fondamentales pour le CNRS, et ce danstous ses domaines, de l’archéologie, l’urbanisme et l’architecture, la socio -économie de la culture, l’histoire de l’art…à la chimie, la photonique, l’informatique,l’envi ron nement.L’accord-cadre permet au CNRS et au ministère de la Culture de mener une poli-tique concertée dans des domaines derecherche communs et de coordonner leursefforts dans le contexte national et euro-péen de la recherche. Grâce à l’accord-cadre, le CNRS et le ministère de la Culturedéveloppent ensemble des domainesreconnus, en ce début du XXIe siècle, commefaisant partie inséparablement de laculture et de la science. Ainsi, il a facilité leremarquable décloisonnement qui s’estopéré ces dernières années entre lesdomaines scientifiques : la conservationassocie étroitement les chimistes, les conser-vateurs et spécialistes du patrimoine, leshistoriens de l’art ; l’étude du son, dans lesunités mixtes de recherche d’informatiqueen acoustique et signal, contribue à lareconstitution des instruments baroquesmais aussi à la sonorisation des véhiculesélectriques ; les nouvelles orientationstechno lo giques et informatiques de la création musicale (Ircam) sont à la pointedu développement international actuel deces domaines et des recherches sur les inter-actions, jusqu’à l’improvisation musicaleconjointe entre humain et machine. Tousces progrès sont le fruit de notre collabo -

ration et du travail des chercheurs et desenseignants- chercheurs.Depuis 1992, date de la signature dupremier accord, le partenariat qui réunit leministère de la Culture et le CNRS aconstamment redéfini le paysage de larecherche culturelle et artistique. Il a faci-lité la construction et la consolidation dudomaine des arts et de la culture commeun véritable domaine de recherche. Mais ilest allé bien plus loin, en contribuant audéveloppement des champs de rechercheouverts par les pratiques et les productionsliées à la création artistique. C’est un enjeuconsidérable, car la recherche participeainsi à la transformation apportée austatut des arts et de la culture par les acti-vités de création en ligne ou en collectif etpar la circulation en masse des donnéesculturelles (vidéo, son, images). L’asso -ciation des arts et des sciences est désor-mais un lieu voire une méthode de créationet d’innovation scientifique et artistique, etcette rupture de frontières obsolètes estbien le résultat de nos collaborations.Le bilan du dernier accord, signé en 2012,est particulièrement impressionnant à cetégard. Il a rendu possible la création denouvelles structures et l’évolution de plusanciennes, où les personnels du ministèrede la Culture et du CNRS collaborent en arti-culant leurs compétences. Il a permis lelancement et la productivité exceptionnellede Labex et d’Équipex portés tant par lesinstituts du CNRS avec leurs UMR que parles établissements du ministère de laCulture.L’accord a également appuyé la politiquede site du CNRS ainsi que la volonté d’unmaillage territorial plus affirmé en matièrede recherche culturelle. La création ou lareconfiguration d’unités désormais forte-ment ancrées dans de grands sites univer-

PRÉFACE

ALAIN FUCHSPRÉSIDENT DU CNRS

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sitaires, comme le domaine de la musicolo-gie avec une reconfiguration sur les sitesAix-Marseille Université, Sorbonne Univer-sités et Tours, en est un exemple.Il a permis de faire émerger de façon concer-tée de nouvelles thématiques priori taires,en lien avec les « défis sociétaux » de la Stra-tégie nationale de recherche. Ces nouvellespriorités convergent avec la politique scien-tifique du CNRS dans les actions inscritesdans le nouvel accord, particulièrementpour le développement des recherches inter-disciplinaires : dans le domaine despratiques artistiques, de l’infor ma tiquemusicale, de l’archéologie et de l’environne-ment, des matériaux du patrimoine ouencore de la participation des publics à laproduction artistique.Le développement depuis 2012 des actionsinterdisciplinaires au CNRS, à travers lesoutien à la Mission pour l’interdisciplinarité,a aussi permis de nombreuses actions endirection des unités concernées et a élargile champ de la collaboration avec le minis-tère de la Culture au sein même du CNRS. Cen’est plus seulement l’Institut des scienceshumaines et sociales (InSHS), toujoursporteur principal de la coopération, quianime cette collaboration mais à présentbien d’autres instituts qui se sont impliqués :écologie et environnement (InEE) pour l’ar-chéologie, sciences de l’infor mation et deleurs interactions (InS2I) pour le développe-ment de l’informatique musicale, sciencesde l’Univers (InSU), chimie (InC) et physique(InP).Enfin, est apparu encore plus nettement l’in-térêt de coordonner les efforts du ministèrede la Culture et du CNRS dans le contextenational et européen de la recherche :Programme d’investissements d’avenir,participation conjointe aux appels à projetsde l’Agence nationale de la recherche et dela Commission européenne, initiative euro-péenne de programmation conjointe de larecherche « Patrimoine culturel et change-ment global ». Le ministère et le CNRS ontparticipé de façon active et coordonnéeaux processus de numérisation et de diffu-sion numérique en vue de favoriser l’inter-opérabilité des infrastructures et des outils,la mutualisation des données utiles à la

recherche et leur mise à disposition de l’en-semble de la communauté scientifique,notamment en lien avec la Très grandeinfrastructure de recherche Huma-Num.Ces actions communes ont aussi permis –et c’est sans doute la grande nouveautédepuis 2012 – de mettre en évidence le rôledes arts dans les nouvelles exigences démo-cratiques de la société. Discutés, réinventés,réappropriés, en ligne, en festival ou enatelier, et mêlant, comme dans les activitésdu bio-art ou de l’art numérique, science,technologie, art et participation, les arts etcultures contemporaines se dépouillent deleur aura aristocratique pour participer plei-nement à la formation de l’espace commun.Le développement, dans des lieux publicsouverts, de nouvelles scènes artistiques, lerôle des pratiques numériques et de laculture numérique en général, fondées surla participation, le remix, le détournement,et l’expé ri men tation de formes nouvellesd’action en réseau, ou encore l’essor destiers lieux qui associent chercheurs en artset sciences, praticiens, artistes, et disposi-tifs participatifs… sont autant de preuvesd’un même mouvement. Dans nos sociétés,l’art devient un moteur essentiel d’interven-tion et d’innovation sociale et donc, dansune certaine mesure, de fabrication de ladémocratie en tant qu’elle est une exigencede participation à la vie publique. L’explo-sion de pratiques artistiques contributiveset toutes les formes contemporaines de re-empowerment du spectateur participentde la démocratisation de l’art et de la réin-vention de notre démocratie.C’est une mutation profonde du champculturel et de ses hiérarchies qui est en trainde s’opérer et qu’il faut analyser et souteniravec toutes les ressources de la science.Tout cela a été pris en compte dans lesnombreux projets soutenus par le CNRSdans ses unités et ses sites et dans les colla-borations avec le ministère de la Culture etde la Communication, qui tous donnent àvoir la force intégrative et créative de l’artcomme de la science.

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PRÉFACES2 Christopher Miles, secrétaire général, ministère de la Culture et de la Communication

4 Alain Fuchs, président du CNRS

ENVIRONNEMENT, PAYSAGE, ARCHITECTURE, URBANITÉ8 Introduction par Philippe Grandvoinnet (ministère de la Culture et de la Communication)

ENTRETIENS

10 Redonner une seconde vie à d’anciens sites archéologiques, Mathieu Langlais

12 La préhistoire du Pacifique, Estelle Herrscher

14 Le paysage, un lieu de conflits, Yves-François Le Lay

16 Co-construire des projets de rénovation urbaine, Agnès Deboulet

19 La valeur du patrimoine : composer avec la complexité, Nathalie Lancret

MATÉRIALITÉ, IMMATÉRIALITÉ, DÉMATÉRIALISATION22 Introduction par Benoist Pierre (Université de Tours)

ENTRETIENS

24 La reconstitution numérique du pont d’Avignon, Livio de Luca

26 Ce que révèlent les matériaux du patrimoine, Isabelle Pallot-Frossard

28 Comment ont été fabriqués les vitraux du Moyen Âge ? Michel Hérold

30 Étudier les manuscrits, c’est interroger les fondements de notre culture,Anne-Marie Turcan-Verkerk

34 Restituer le patrimoine musical pour le jouer aujourd’hui, Cécile Davy-Rigaux

36 La parole ordinaire, Gabriel Bergounioux

38 Fêtes, gastronomie, contes, carnavals… c’est aussi du patrimoine culturel,Thierry Wendling et Sylvie Sagnes

40 Faire évoluer le droit du patrimoine, Marie Cornu

CRÉATIVITÉ, INNOVATION, ART PARTICIPATIF42 Introduction par Frédérique Aït-Touati (CNRS)

ENTRETIENS

44 L’espoir d’un esperanto sonore, Richard Kronland-Martinet

46 Faire théâtre au XXIe siècle, Antoine Conjard

48 Le numérique au service de l’acoustique, Gérard Assayag

50 Art et mobilisation citoyenne, Yann Toma

54 Un espace participatif pour les précaires, Anthony Pecqueux

56 L’art, un vrai moteur à discussions, Alexandra Cohen

ANNEXE59 Les structures de recherche et les programmes

inscrits dans l’accord-cadre Culture-CNRS en 2017

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Peut-on habiter un lieu, une ville, un terri-toire sans connaître sa géographie et sonhistoire, sa sociologie et ses patrimoines,ses aménités et ses fragi lités, ou encoreles espoirs et les inquiétudes qu’il suscite ?Et parce que l’architecture, la ville, l’envi -ronnement et le paysage sont à la conver-gence d’enjeux politiques, sociaux etéconomiques majeurs, la recherche dansces domaines – qui mêle les scienceshumaines et sociales aux sciences de l’in -

gé nieur – est particulièrement dynamique.L’originalité des travaux qui en sont issus tient à la forte structurationinterdisciplinaire des équipes de recherche dans les établissementsoù ces disciplines sont enseignées. Elle tient aussi à la capacité des

NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

Il n’est pas de lieu qui nepuisse être observé dans sadimension culturelle. Des

métropoles mondiales auxderniers espaces vierges, enpassant par les secteurs péri -urbains, les territoires en décrois-sance, les vestiges préservésd’anciennes tradi tions ou lesnouvelles frontières de la créa-tion archi tec turale, notre envi-ronnement quotidien est unobjet d’étude privilégié de larecherche culturelle.

Philippe Grandvoinnetest architecte et urbanistede l’État, docteuren architecture, chefdu Bureau de la recherchearchitecturale, urbaineet paysagère au ministèrede la Culture et de laCommunication.

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PHILIPPE GRANDVOINNET

ENVIRONNEMENT, PAYSAGE, ARCHITECTURE, URBANITÉ

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chercheurs à y articuler le temps long de la recherche à celui, pluscourt, de l’action ou du projet sur le territoire. Dans les écoles natio-nales supérieures d’architecture et de paysage, par exemple, larecherche académique est stimulée par les enjeux professionnels,et le projet (qu’il soit architectural, urbain ou paysager) apparaîtcomme la figure opératoire d’une recherche en action, nourrie parles productions académiques qu’elle mobilise. La dimension opéra-toire de ces recherches intéresse tant les cultures matériellesqu’imma térielles, dont la perception cognitive ou sensible, analyséeau filtre de leur environnement, est un objet d’étude des plus féconds.L’approche de François Le Lay sur les paysages de l’eau et celle deNathalie Lancret sur les processus de patrimonialisation en Asie duSud-Est en témoignent avec force.Interrogeant parfois de multiples échelles, ces projets sont menésautour de partenariats souples et variés, qui permettent d’articulerles formats de la recherche aux objectifs visés. De nombreuses initia-tives ne pourraient aboutir sans l’appui de réseaux internationaux,et c’est sans doute un atout fonda mental de l’accord-cadre entre leCNRS et le ministère de la Culture que de permettre à des communau-tés de chercheurs issus d’horizons divers de se rassembler autour deprojets qui articulent science et culture. Les travaux d’Estelle Herrschersur le Pacifique montrent la complexité des échelles de temps et d’es-pace qui doivent parfois être mobilisées.Dans ces conditions, l’innovation repose en grande partie sur la capa-cité des chercheurs à anticiper la demande sociale et institutionnelle.L’intuition apparaît ici comme une qualité première. L’interdisciplina-rité, là encore, par la confrontation des approches, favorise l’émer-gence de nouvelles thématiques et permet de conduire une forme derecherche fondamentale prospec tive, qui se constitue en même tempsque de nouveaux objets d’étude apparaissent. Cette recherche secaractérise par sa réactivité et montre la capacité des chercheurs àse saisir de sujets neufs. Les travaux d’Agnès Deboulet sur la réno -vation urbaine en sont un bon exemple.Le renouvellement des connaissances, l’innovation technique et scienti -fique, mais aussi la créativité dont témoignent ces projets, sont indé-niablement stimulés par les outils numériques. Par la puissance decalcul et les processus collaboratifs qu’il autorise, le numérique démul-tiplie la force d’action des chercheurs. Il permet aussi de compiler etde réinterroger des matériaux scientifiques anciens, comme lemontrent les travaux de Mathieu Langlais en archéologie. Qu’il s’agissede récolter et de traiter les données massives produites par larecherche, accumulées lors d’enquêtes sociologiques, de collectesethnographiques ou d’inventaires patrimoniaux, le big data offre sansconteste de nouvelles perspec tives pour les chercheurs qui travaillentaux interfaces de la science et de la culture sur l’environnement naturelet construit.

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ENVIRONNEMENT,

PAYSAGE,

ARCHITECTURE,

URBANITÉ NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC MATHIEU LANGLAIS

Certains sites archéologiques étaienttombés dans l’oubli. Vos travaux ontnotamment permis de les revaloriser…Pour caractériser les changements cultu-rels survenus entre 20 000 et 10 000avant le présent1, en Europe de l’Ouest,je recueille de nouvelles données sur leterrain. Mais en complément, je réévalueaussi des gisements préhis toriques fouil-lés à la fin du XIXe et au XXe siècle. En effet,malgré des méthodes d’enregistrementlacunaires à l’époque, il est possible deredonner une seconde vie à de petitssites comme Auberoche en Dordogne. Cegisement, d’abord attribué au Magdalé-nien, était en effet passé inaperçu carn’ayant pas livré d’œuvres d’art ou depièces extraordinaires. Or, sa réévalua-tion permet de le réattribuer au Laborien,une culture mal connue dans le sud-ouest de l’Europe. Et pour cause : lesrecherches sur le Paléolithique supérieuront plutôt mis l’accent sur des culturesphares paneuropéennes comme leGravettien ou le Magdalénien.

Pourquoi le Laborien attire-t-il moins l’attention dans le sud-ouest de l’Europeque d’autres cultures?Très rares sont les gisements laboriensà avoir été découverts depuis lesannées 1960. En outre, bien que cetteculture ait donné naissance à desproductions artistiques originales tellesque des repré sentations d’animaux sché-matiques, la discrétion de cet art fine-ment gravé ne lui a pas offert le mêmesuccès que l’art figuratif magdalénienou les vénus du Gravettien notamment.Enfin, le Laborien a été déconsidéré caril est à cheval sur plusieurs grandespériodes : le Paléo lithique récent et leMésolithique. Pourtant, c’est justementsous l’angle de cette transition que leLaborien nous apparaît intéressant àétudier : cette période documente eneffet des comportements originaux. Aucélèbre chasseur de rennes et de bisonsdes temps glaciaires, elle opposel’image du chasseur d’aurochs et decerfs, complexifiant ainsi l’évolution deschasseurs-collecteurs de la fin du Paléo-lithique.

REDONNERUNE SECONDE VIE À D’ANCIENS SITESARCHÉOLOGIQUES

Pourquoi certains sites préhisto-riques sont-ils tombés dans

l’oubli? Période déconsidérée à tort,méthodes de fouille lacunaires etdépassées… Ils retrouvent aujour d’huides couleurs grâce au travail desarchéologues.

Mathieu Langlaisest archéologue, chargé de recherchesau CNRS, membrede l’unité mixtede recherche « De la Préhistoireà l’Actuel : culture,environnementet anthropologie » (PACEA, UMR 5199).

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Les méthodes actuelles de fouilles fontpartie des techniques qui permettent derevaloriser ces sites. Comment ont-ellesévolué?Les premières fouilles avaient pour objec-tif principal d’alimenter des col lectionsprivées et autres cabinets de curiosité.Il s’agissait, en vidant à la pelle et à lapioche des sédiments, de rechercher desœuvres d’art ou de beaux objets. Progres-sivement, sous l’influence de la géologie,on a mis l’accent sur la stratigraphie2 etl’organisation verticale des vestigesdans le temps. Ainsi, l’enregistrement dela position des objets dans les couches,les aspects géoarchéologiques et lecontexte de formation du site vont entreren ligne de compte. Le tamisage à maillemillimétrique et à l’eau – désormais quasisystématique – permet d’autre part derécupérer de petits éléments passésinaperçus dans les anciennes fouilles.C’est le cas par exemple des armaturesde chasse en silex, comme des petitespointes fonctionnant au bout d’unehampe – elles peuvent mesurer 3 mm delarge pour 15 mm de long – ou bien des

perles tubulaires en dentale, un coquil-lage marin, avec lesquelles les peuplesdu Laborien fabriquaient certaines deleurs parures. Ces objets nous parlent desmodes de chasse, des comportementstechniques et symboliques.

De nouvelles technologies pourront-elles un jour remplacer l’observationhumaine?Après la fouille, la phase d’analyse descollections tire notamment profit desnouveaux outils informatiques etoptiques. Mais seul l’être humain peutréaliser l’enregistrement des donnéesprimaires sur le terrain et en laboratoire.On peut toujours envisager une automa-tisation de la fouille à l’aide de petitsrobots, mais cela ne remplacera jamaisl’expérience d’un professionnel s’adap-tant en temps réel aux conditions desfouilles et aux découvertes. En archéo -logie préhistorique, parallèlement audéveloppement de machines analy-tiques toujours plus performantes, lecollectif humain demeure indispensable.

1. Les dates « avant le présent »correspondent au nombred’années comptées versle passé en partant de 1950,qui est l’année des premiersessais de datationradiocarbone.

2. Discipline des sciencesde la Terre qui étudiela succession des différentescouches géologiques oustrates.

Site de Saint-Germain-la-Rivière

(Gironde).

À gauche : extrait du carnet

de fouille, G. Trécolle, 1967.

Ci-dessous : archéostratigraphie

réévaluée, Langlais et al. 2015.

Magdalénien moyen ancien

ensemble médian

Magdalénien inférieur

Gravett

ien

PALÉOLITHIQUE RÉCENT

25 23 21 14 12 10

MÉSOLITHIQUE

milliers d’années avant le présentSolu

tréen

Badegoulien

Magdalé

nien

Azilie

nLa

borien

SUD– 50

– 150

– 250

– 350

– 450

– 550

L21 L22 L23 L24 L25 L26 L27 L28

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ENVIRONNEMENT,

PAYSAGE,

ARCHITECTURE,

URBANITÉ NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC ESTELLE HERRSCHER

Quelle est la spécificité de l’aire Pacifiquepar rapport à la préhistoire européenne?La préhistoire des îles du Pacifique sud,Australie exceptée, est beaucoup plusrécente que celle de l’Europe. En outre,l’espace géographique concerné estgigantesque et l’étendue maritimeimmense. Les hommes associés à laculture Lapita pratiquaient très bien lanavigation. Implantés dans l’archipel desBismarck à la fin du deuxième millénaireavant notre ère, ils ont parcouru environ4500 kilomètres pour coloniser les archi-pels vierges de l’Océanie lointaine audébut du premier millénaire, emmenantavec eux animaux domestiques etplantes cultivées. Cinq cents ans plustard, les restes humains retrouvés surdifférents sites archéologiques attestentde l’implan tation d’autres générationssur les côtes et à l’intérieur des îles. Et surce plan, on peut établir un parallèle avecla préhistoire européenne. Dans les deuxcas, on observe en quelques siècles unerupture complète dans les pratiqueshumaines. En Europe, nous sommespassés d’une société de chasseurs- cueilleurs à des populations sédentairesqui pratiquent l’agriculture et l’élevage.Dans le Pacifique, les colons Lapita etleurs successeurs se comportent aussitrès différemment.

À quels niveaux?Ils ont des pratiques funéraires et cultu-relles, ainsi que des habitudes alimen-taires qui n’ont rien à voir entre elles. Lespremiers arrivés enterraient leurs morts,puis revenaient prélever des ossementsdans un deuxième temps. Les Post- Lapitas pratiquaient au contraire desfunérailles simples, se contentant d’inhumer les corps. De même, alors queles Lapitas mangeaient la faune native,notamment des tortues et des poissons,le deuxième groupe de population aban-donne les ressources marines et la viandepour se focaliser sur les végétaux grâceà la pratique de l’horticulture. Enfin,toutes les céramiques les plus anciennespossédaient une ornementation élaboréequi sera abandonnée cinq cents ans plustard au profit d’une explosion de leurdiversité, chaque île ayant ses propresdécors.

À quoi ces ruptures sont-elles dues?Les archéologues qui étudient la céra-mique pensent que le savoir-faire descolons a évolué au fil du temps chez leursdescendants. Nous avons une hypothèsedifférente. Avec Frédérique Valentin, maconsœur de l’ArScAn (Archéologie etsciences de l’Antiquité) avec laquelle j’aitravaillé, nous pensons que ces deuxgroupes n’ont pas de lien direct deparenté, le second correspondant à denouveaux migrants. Des travaux publiésen décembre 2015 vont dans ce sens : lesossements montrent des différencesmorphologiques entre les Lapitas et leurssuccesseurs.

LA PRÉHISTOIRE DU PACIFIQUE

La préhistoire du Pacifique n’estque partiellement connue. Elle

atteste pourtant de ruptures cultu-relles et environnementales dontcertains enjeux résonnent jusqu’àaujourd’hui.

Estelle Herrscherest chargée de rechercheau CNRS, membre du Laboratoireméditerranéen de préhistoire Europe-Afrique (LAMPEA, UMR 7269).

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Des transformations environnementalesn’expliquent-elles pas aussi que certainespratiques se soient modifiées?Si, bien sûr. La modification de l’alimen-tation est sans doute liée à un phéno-mène culturel, mais il existe aussi unfacteur anthropique : la consommationde la faune native terrestre et marinepar les Lapita a conduit à sa raréfaction.Des archéozoologues ont montré l’accumulation d’ossements d’animauxnatifs, preuve que ceux-ci ont beaucoupété consommés, au point que certainesespèces ont été décimées. C’est proba-blement l’une des raisons qui a pousséles populations à intensifier l’horti -culture. Dans le même ordre d’idée, unphénomène climatique baptisé ENSO (ElNiño-Southern Oscillation) pourraitavoir modifié la quantité de poissonsdans l’océan et donc, par répercussion,l’alimentation humaine.

Ces enjeux environnementaux entrent enrésonance avec la question très actuellede la transition alimentaire. Peuvent-ilséclairer de possibles évolutions des socié-tés contemporaines?Parfaitement. L’homme a un impactimportant sur son environnement, il lemodifie et de ce fait, il est obligé de

mettre en place de nouvelles stratégiespour pouvoir subvenir à ses besoins. Onparle beaucoup aujourd’hui de l’alimen-tation du futur, autrement dit desinsectes et de la spiruline comme substituts de la viande. Quoi qu’il en soit,le message par rapport à aujourd’hui,c’est qu’il est indispensable de contrôlernos ressources alimentaires et d’en avoirun usage raisonné si l’on ne veut pas lesdécimer. Car, au-delà de considérationsécologiques, les modifi cations descomportements alimentaires peuventavoir des conséquences néfastes pourl’homme.

« Les Lapitadu Pacifiqueont modifié leurenvironnement. »

Fouille

d’une sépulture

à Teouma

(Vanuatu).

Mission Teouma

© Florence Allièse

Expansion

de la culture

Lapita et

localisation

du site de

Teouma.

AUSTRALIE

NOUVELLE-GUINÉE

OCÉAN PACIFIQUE

MER DE CORAIL

0 1000 kmÎL

ES C

OOK

SAMOA

NOUVELLE- CALÉDONIE

KIRIBATI

TUVALU

FIDJI

VANUATU

ÎLES LOYAUTÉ

NOUVELLE-BRETAGNE

ÎLES SOLOMON

TONGA

YASAWA

Teouma

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ENVIRONNEMENT,

PAYSAGE,

ARCHITECTURE,

URBANITÉ NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC YVES-FRANÇOIS LE LAY

L’évaluation de la beauté d’un paysagediffère-t-elle d’un pays à l’autre?Oui, nous l’avons constaté. Une équipede géomorphologues et d’écologues afait réagir à des scènes fluviales plu-sieurs groupes d’étudiants dans onzepays différents à l’aide d’un photo-ques-tionnaire. Nous avons soumis à la vuedes participants un jeu de photos dontla moitié présentait du bois en rivière,tandis que l’autre en était dépourvue.Nous leur avons demandé si la présencede bois leur semblait naturelle, s’ils trou-vaient que c’était esthétique, s’ils ressen-taient un sentiment de danger et si celaleur donnait envie d’intervenir pourchanger l’existant. Les réponses sontsans appel  : cette enquête a montréd’importantes différences d’un pays àl’autre. Un tel spectacle suscite souventchez les Français une impression delaideur et de dangerosité qui s’accom-pagne du désir de « nettoyer le chenal ».Il est bien mieux toléré en Suède, en Alle-magne ou dans l’Oregon aux États-Unisoù les personnes ont des réponsesdavantage pro-environnementales. Ordeux réalités coexistent : si d’un côté, lebois représente un risque hydraulique, de

l’autre, c’est aussi un atout écologique.Ainsi, son accumu lation dans les coursd’eau peut désta biliser les ponts, lespasserelles, les barrages, et provoquerdes inondations. Mais c’est en mêmetemps un élément naturel qui fournit uneplus grande diversité d’habitats à lafaune grâce à une diversification desconditions d’écou lement de l’eau et àune complexifi cation de la géomorpho-logie des rivières. On voit donc ici deuxperceptions qui s’affrontent.

Pour quelles raisons?L’explication tient pour une part aucontexte socioculturel. On appréciedavantage ce dont on est familier. EnFrance, il existe une longue traditionagricole, les bords des cours d’eau sontoccupés depuis longtemps et jusqu’à laSeconde Guerre mondiale, les prairiesinondables étaient destinées à l’activitépastorale. D’où le fait que notre paysaime tant les paysages de nature entre-tenue, hérités du XIXe siècle. Dans d’au-tres États, les répondants ont l’habituded’être entourés de forêts. Ces diffé-rences induisent des stratégies poli-tiques distinctes. Longtemps, lesFrançais ont disposé d’un dispositif juri-dique contraignant qui obligeait lespropriétaires riverains à supprimertoute entrave à l’écoulement de l’eau,pendant que l’Europe centrale prenaitdes mesures de réintroduction du boisen rivière.

LE PAYSAGE, UN LIEU DE CONFLITS

Belle ou laide, vertueuse ou dange-reuse, la nature est le lieu de repré-

sentations contrastées. Et sa gestion, lethéâtre de nouveaux types de conflits.Les enquêtes auprès de différentsacteurs peuvent aider à réguler lesdébats sur l’environnement.

Yves-François Le Layest maître de conférencesen géographie à l’Écolenormale supérieurede Lyon, et chercheurau laboratoireEnvironnement, ville,société (EVS, UMR 5600).

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Qu’apporte l’oculométrie à l’étude desréactions d’un groupe de personnes faceà une photographie?Le photo-questionnaire ne permet pasde dire ce qui, à l’intérieur de la photo-graphie, suscite telle ou telle réponse.Et c’est là que l’oculométrie peut êtreutile : ce petit dispositif enregistre lesmouvements de l’œil. Une caméra vidéofilme ce que la personne regarde et uncapteur infrarouge localise l’emplace-ment de la pupille.

Les enquêtes sur le paysage peuvent-elles servir le débat public?Bien sûr, notamment parce qu’ellespermettent de restituer la diversité desreprésentations et pas seulement lepoint de vue des décideurs. Deuxacteurs – l’Agence de l’eau Rhône Médi-terranée Corse et EDF – nous ont ainsicommandé une enquête sociale sur larivière d’Ain qui comporte une chaînede barrages hydrauliques pour produirede l’électricité. Cet affluent du Rhôneest le lieu de tensions entre l’amont etl’aval. À l’aval, la communauté depêcheurs aimerait bien qu’EDF lâcheplus souvent de l’eau fraîche pourrendre la rivière plus habitable pourcertaines espèces de poissons. À l’amont,grâce à l’eau accumulée derrière lebarrage, se trouve un joli lac où se déve-

loppent des activités récréatives ettouristiques. Aujourd’hui, du barrage deSivens à l’aéro port Notre-Dame-des-Landes, les projets d’aménagement s’ac-compagnent souvent de controversessocio-environnementales. Pourdésamorcer ce type de conflits, il peutêtre utile de mettre en place une parti-cipation citoyenne au débat public.

Les tensions sont-elles un phénomènenouveau?Non, c’est le type de conflits qui estnouveau. On commence à voir apparaî-tre la question de la déconstruction decertains aménagements. En Nor man die,par exemple, le projet de démantelerdeux barrages hydro électriques de laSélune fait en ce moment l’objet d’unecontroverse. Des écologues aimeraientles supprimer pour favoriser la conti-nuité écologique et permettre auxsaumons de se reproduire, mais certainshabitants ne veulent pas voir disparaî-tre les lacs et leurs activités récréativesliées à l’accumulation d’eau derrière cesinfrastructures. Longtemps les contro-verses ont concerné des projetsd’aména gement, comme la construc-tion d’éoliennes ou d’une centralenucléaire. Désormais, les déconstruc-tions sont devenues conflictuelles. Accumulation

de bois contre

une pile de

la passerelle

du Collège,

à Lyon,

sur le Rhône.

Cl. Y.-F. Le Lay,

2011

« La Franceaime lespaysages de natureentretenue,hérités duXIXe siècle. »

Le lac de

Vouglans (Jura),

alimenté par

la rivière d’Ain.

Cl. Y.-F. Le Lay,

2014

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ENVIRONNEMENT,

PAYSAGE,

ARCHITECTURE,

URBANITÉ NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC AGNÈS DEBOULET

En principe, les habitants des grandsensembles devraient être consultés dansle cadre des projets de démolition/reconstruction. Est-ce toujours le cas?Ces projets financés par l’Agence natio-nale pour la rénovation urbaine (ANRU)ne font pas nécessairement l’objet d’uneconcertation. La plupart du temps, leshabitants des quartiers prioritaires sontdans l’incertitude de ce qui va leur arri-ver. Ils n’ont pas même accès en amontà toutes les informations, des docu-ments aussi importants que le Contratde ville ne leur sont pas transmis etquand on les leur envoie, c’est sous laforme de fichiers zippés de 200 pages…À charge pour eux de les imprimer ! Lesrésidents sont maintenus dans unrapport d’inégalité avec les élus, lestechniciens et les concepteurs. Certainsacteurs, et notamment un courant dejeunes architectes participatifs portéhisto ri quement par quelqu’un commePatrick Bouchain, essaient de travailler

autrement. Mais les obstacles à la miseen place d’une vraie participation sontnombreux. Ils ne tiennent pas seulementau manque de connaissances : dans lesassociations d’habitants, il n’y a pas quedes personnes démunies face aux questions culturelles et urbaines. Lesobstacles sont aussi liés à des résis-tances pas toujours conscientes de lapart de l’institution : par-delà les initia-tives purement démagogiques, co-construire un projet d’aménagementprend du temps. En outre, il faut accep-ter de changer ses habitudes – unedémarche difficile, a fortiori pour lesélus qui, parce qu’ils sont censés repré-senter l’intérêt général, y voient unemise en question de leur légitimité.

Vous essayez de comprendre ce qui sepasse dans la tête des résidents…Oui, nous sommes par exemple allésenquêter dans un grand ensemble duVal-de-Marne qui avait fait l’objet d’unerénovation urbaine récente souventvantée pour la qualité de son architec-ture, avec des bâtiments primés. Et j’aiété très surprise de constater que beaucoup d’habitants âgés, européensd’origine, regrettaient la forme architec-turale des tours et la lumière qui entraitdans les anciens appartements. Lesnouvelles constructions de quatre

CO-CONSTRUIRE DES PROJETS DERÉNOVATION URBAINE

Dans les quartiers prioritaires, à lapériphérie des grandes métro-

poles, les chantiers de rénovationurbaine ne suscitent pas forcémentl’adhésion des habitants. Et les dispo -sitifs de concertation peinent à écoutervraiment ce que ces personnes ont àdire.

Agnès Debouletest sociologueà l’université Paris 8Vincennes Saint-Denis,et directrice adjointe duLaboratoire Architecture,ville, urbanisme,environnement (LAVUE, UMR 7218).

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étages, ils en parlaient comme de petitscubes1 dans lesquels ils se sentaientenfermés. Personne n’était jamais entrédans la psyché de ces habitants.L’anthro pologue Dominique Bouillerles appelle les « inouïs » car ce sont despersonnes qu’on n’entend qu’aumoment des émeutes. En général, ilssont assez rétifs à ces projets de rénova-tion urbaine ; mais nous avons aussisuivi une journée par semaine pendantun an des habitants qui avaient acceptéle principe de la réno vation urbaine.Sauf qu’ils étaient demandeurs dediscussions sur les logements et qu’ilsn’ont jamais pu rencontrer les archi-tectes, parce que le bailleur avait peurde leurs réactions. Les résistances vien-nent souvent du fait que les habitantssont dans l’incertitude de ce qui va leurarriver, mais aussi parfois d’une incom-préhension : certains ne voient pas enquoi les « problèmes » de leur quartierjustifient une démo lition. Il existe d’ail-

leurs une forme de non-dit : la naturemême du projet tient à l’attractivitémontante des péri phéries des grandesmétropoles, mais ce n’est pas explicité.

L’absence de concertation touche-t-elleautant les quartiers plus mixtes socia -lement?De fait, on écoute moins les habitantsdes quartiers populaires en raison d’unedistance sociale plus grande. Les insti-tutionnels éprouvent une difficulté à semettre à la portée de populations peuscolarisées, qui parfois ne parlent pasla même langue qu’eux et n’ont pas lesmêmes aspirations. Et souvent, les asso-ciations de résidants et les récentsconseils citoyens n’ont même pas de lieude réunion, si bien qu’ils doivent passerdes heures à négocier pour trouver unesalle à chaque fois qu’ils en ont besoin.Dans les communes dont la compo -sition est plus diversifiée en termessocio-professionnels, les formes de négo -

Réunion d’une

association

de quartier dans

le Val-de-Marne

en vue d’échanger

sur un projet

de renouvellement

urbain avec

un scénario de

démolition totale

(2016).

Cl. Maïmouna

Kanoute

1. Source : entretien avec Jennifer Bonino.

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ciation avec les résidants ont plus deplace pour exister : élus, techniciens etarchitectes s’engagent davantage dansun processus de clarification ou de co-élaboration. Sans forcément que lesdynamiques en interne soient plusfortes dans ces quartiers.

Les habitants sont-ils mobilisés sur cessujets?À certains endroits, oui. Il existe évidem-ment des quartiers prioritaires gagnéspar des formes d’apathie liées auchômage de masse ainsi qu’à un senti-ment de relé gation. On y trouve souventune seule association avec des militantsvieillissants qui se plaignent de ne pasêtre relayés. Mais ailleurs, d’autres sontbeaucoup plus dynamiques, avec unnombre étonnant d’associations de quar-tier, de groupes de femmes, de clubs dejeunes… Ces variations s’expliquent pardes facteurs historiques et des questionsde peuplement liées notamment aumode d’attribution des logements. Beaucoup s’intéressent maintenant auxeffets de la loi de program mation pourla ville et la cohésion urbaine adoptée en2014 qui établit les Conseils citoyens etconcerne au premier chef les quartiersprioritaires, notamment mais pas exclu-sivement en rénovation urbaine.

Quel est l’impact de cette loi sur lespratiques de participation?C’est trop tôt pour le dire. Cette loi quiconsacre le principe de co-constructionconcernant l’élaboration et la mise enœuvre de projets urbains rentre à peineen application. Mais on peut d’ores etdéjà constater que les conseils citoyensqui en sont issus sont imparfaits. Lesparticipants sont en théorie tirés ausort; en revanche, il est peu tenu comptedes dynamiques locales. Dans une inter-view récente, une jeune femme urba-niste membre d’un conseil citoyen enproche périphérie explique qu’ils ontparfois l’impression d’être pris pour despions ou des cobayes. Et pourtant celase passe dans une municipalité très bien-veillante. Il existe une espèce de coupureentre le dispositif institutionnel et lesmobi li sations de la base. Il arrive quepersonne ne vienne aux concer tations,mais qu’il se passe plein de choses endehors. On a besoin d’articuler ces deuxespaces. Pour avoir travaillé en détailsur les processus de mobilisation, denégociation ou de coordination menéspar des associations d’habitants, je saisà quel point ce processus est exigeant.Non seulement il suppose bien plus quedeux ou trois réunions d’information,mais il demande de surmonter le rapportinégal qui sépare les élus des habitants.Dans cette perspective, des villes ontcommencé à prendre conscience de lanécessité d’embaucher des médiateursde quartiers. De notre côté, nous jouonsparfois ce rôle de tiers : nous menons eneffet des recherches-actions qui visentà faciliter les échanges en aidant leshabitants à comprendre le projet et àformuler des alternatives. C’est untravail indis pen sable face aux formesde dépolitisation actuelles et aux risquesqu’elles font courir à la démocratie.

« Il arriveque personnene vienne auxconcertations,mais qu’il sepasse pleinde chosesen dehors. »

Évènement festif

organisé à Poissy-

La Coudraie

(Yvelines) lors de

la mise en place

des premiers

projets

de rénovation

urbaine (2008).

Cl. Agnès Deboulet

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ENVIRONNEMENT,

PAYSAGE,

ARCHITECTURE,

URBANITÉ NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC NATHALIE LANCRET

LA VALEUR DU PATRIMOINE :COMPOSER AVECLA COMPLEXITÉ

En Asie du Sud-Est, l’inscription de bienssur la liste du patrimoine mondial del’UNESCO, notamment lorsqu’il s’agitd’ensembles religieux, peut susciter devives controverses. Pour quelles raisons?Les programmes patrimoniaux véhi -culent des normes internationales quis’avèrent parfois mal adaptées auxsociétés d’Asie du Sud-Est. Ils peuventparfois provoquer des réactions d’incom préhension, voire de rejet quandils sont proposés ou appliqués. Au débutdes années 2000 par exemple, le gouver-nement indonésien avait demandé l’ins-cription du temple de Besakih, à Bali, surla liste du patrimoine mondial. Mais lescommunautés locales s’y sont opposées,mettant en échec l’inscription de cetensemble religieux pour un certainnombre de raisons. Ces populationslocales craignaient non seulement l’in-gérence de la communauté internatio-

nale dans des affaires qu’elles considé-raient comme strictement balinaises,mais aussi la normalisation de pratiqueset de rituels qui impliquaient souventde grands rassemblements dans l’en-ceinte du temple. Cette opposition futà l’origine d’un long mouvement d’intros -pection des Balinais sur leur propreappré hension d’un programme patrimo-nial. Autre exemple, en Thaïlande cettefois : le projet de restauration du stūpade la pagode Jedi Luang dans la ville deChiang Mai1. Conçu par le Départementdes Beaux-Arts du ministère thaïlandaisde la Culture, le programme se confor-mait à la charte de Venise2 qui exclut lareconstruction des parties détruitesd’un bâtiment historique. La décisionfut prise de ne pas procéder à une resti-tution totale, mais de ne reconstituerque la partie basse de la tour sanctuaireet les éléments manquants dont onavait une connaissance précise. Or,pour la pratique du culte et en se réfé-rant à leur propre appréhension du patri-moine, la population locale et les fidèlesauraient préféré que la pagode soitreconstruite dans son intégralité. Ceprojet a été l’objet de critiques, déclen-chant de fortes oppositions révélatricesde clivages au sein de la société thaïlan-daise. Il a suscité de nombreux débats

Face aux programmes patri-moniaux se revendiquant de

valeurs universelles, on assiste,notamment en Asie du Sud-Est,à l’élaboration de pro positionsqui prennent appui sur desnotions et des pratiques singu-lières.

Nathalie Lancretest directrice de rechercheau CNRS, directrice del’unité mixte de recherche« Architecture, Urbanisme, Société :savoirs, enseignement et recherche » (AUSser, UMR 3329).

1. Le projet de la pagode JediLuang est présenté et discutédans la thèse de doctorat de Pujika Pumketkao,« Conservation du patrimoinebâti de Chiang Mai :Construction et évolution de la notion de patrimoine en Thaïlande », directionNathalie Lancret et EggarinAnnukulyudhaton, UniversitéParis-Est — ENSA Paris-Belleville, et Facultéd’architecture de l’UniversitéKasetsart (Bangkok).

2. La charte de Venise est un traité qui fournit un cadre international pour la conservation et la restauration desmonuments et des sites.

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ENVIRONNEMENT,

PAYSAGE,

ARCHITECTURE,

URBANITÉ NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

qui, aujourd’hui encore, animent uneréflexion sur la singularité des concep-tions et des pratiques patrimoniales,laquelle est à l’origine de propositionsélaborées par des membres de la sociétécivile qui visent à renouveler lesapproches.

Quels sont les acteurs qui élaborent detelles propositions?Le plus souvent, ce ne sont pas des repré-sentants des administrations centralesou des gouvernements locaux mais descitoyens, souvent organisés en asso -ciation, qui sont en position de construireet de diffuser un argumentaire et des stra-tégies d’intervention. Ils interviennentcomme des médiateurs entre différentessphères : celle locale, dont ils sontsouvent membres des élites, celle natio-nale, par le biais d’une fonction universi-taire ou d’expertise ad hoc et enfin, celletransnationale, par leur implication dansdes organismes internationaux du patri-moine. Nous observons leurs itinéraireset leur rôle de passeurs dans les diffé-

rents réseaux et instances, événementset projets dans lesquels ils sont impliqués.Nous observons aussi la circulation et ladiffusion des références patrimonialesidiosyncrasiques qui se font jour dans cessituations et contribuent à l’émergenceet à la codification de nouveaux disposi-tifs du patrimoine.

Quels malentendus ces débats ou cesconflits mettent-ils en lumière?L’authenticité et l’ancienneté, par exemple, ne sont pas des valeurs parta-gées en Asie du Sud-Est. Ainsi, en Indoné-sie, des associations du patrimoineœuvrent depuis le début des années2000 à la promotion du mot pusakapour désigner le patrimoine, en rempla-cement des deux termes utilisésjusqu’alors dans la loi (warisan et cagarbudaya). Le mot pusaka, dans sonemploi premier, peut désigner un objet,un arbre, une pierre, un site ou un lieuqui n’est pas forcément ancien mais quiest animé par une force vitale. Pourcomprendre ce qu’est un pusaka, il faut

« L’authenticitéet l’ancienneté,par exemple, ne sont pas des valeurspartagées en Asie du Sud-Est. »

Pierre considérée

comme un pusaka

à Bali.

© Nathalie Lancret

(2013)

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savoir que, dans les sociétés insulairesd’Asie du Sud-Est, cette force habite lesêtres vivants, humains et non humains,les objets comme les sites naturels. Ellen’est pas distribuée également et seulsles détenteurs de pouvoirs surnaturelssont des pusaka. Ainsi la considérationportée à un pusaka ne dépend pas deses qualités artistiques ou de son ancien-neté, ni même de son authenticité… Savaleur dépend de sa force vitale et deson pouvoir d’efficacité. Cette notionintroduit l’idée d’une dimension symbo-lique et d’une charge spirituelle descomposantes patrimoniales. Elleexprime une relation différente de ceque nous connaissons en Occident, entrele matériel et l’imma tériel. Ainsi, à Bali,les notions de sacré et de profane n’ontpas d’équivalent dans les langueslocales parce qu’on ne peut pas distin-guer les deux. Ce qui importe dans lesmaisons balinaises, c’est moins leurapparence, le type de matériaux qui aété utilisé et les techniques de construc-tion mises en œuvre que le rapport aux

ancêtres qu’elles véhiculent et leurdimension cosmologique. Or certainsdispositifs normatifs peinent à prendreen compte cette complexité.

Vos recherches remettent-elles en causeune culture internationalisée du patri-moine?Non, il ne s’agit ni de remettre en causeune culture internationalisée du patri-moine, ni de développer un point devue essentialiste sur les paradigmes etles pratiques patrimoniales des culturessud-est asiatiques. Le programme derecherche « Les mots du patrimoinedans le projet architectural et urbainen Asie du Sud-Est. Circulation, récep-tion, création3 » examine la circulationdes notions, des objets et des pratiquesen consi dérant différentes échelles. L’objectif est de comprendre ce qui enrésulte de nouveau dans les façons deconsidérer le patrimoine et de compo-ser avec, dans les projets architec -turaux, urbains et paysagers.

3. Recherche menée dans le cadre de l’appel à projets de recherche lancé par le ministère de la Culture etde la Communication françaisen 2014. Coordonnée parNathalie Lancret (UMR AUSser,ENSA de Paris-Belleville), elle réunit des chercheurs del’Institut des sciences socialesdu politique (UMR ISP), du Centre Asie du Sud-Est(UMR CASE), de l’UMR PRODIG,du Nalanda Sriwijaya Center(ISEAS), de l’université GadjahMada (Yogyakarta) et de l’association IndonesianHeritage Trust en Indonésie,de l’université de Chiang Maiet de l’association LittlePeople in Conservation en Thaïlande.

Temple de Besakih

dont l’inscription

sur la liste du

patrimoine

mondial a été

refusée par

les communautés

locales.

© Nathalie Lancret

(2013)

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La dématérialisation n’a pas seulementaccru et consolidé la conservation et lasauvegarde du patrimoine culturel maté-riel et immatériel, elle a aussi permis derenforcer l’interdisci plinarité et l’inter -

sectorialité scientifiques par l’apport décisif de la caractérisationphysico-chimique du patrimoine ou, plus récemment, de l’étude deses spécificités naturelles et culturelles. La plupart des domaines,comme ceux des sciences historiques et archéologiques, des arts etdes lettres, en ont été complètement transformés, et cela avec d’autant plus de force et de profondeur que le mouvement s’estaccompagné du développement de nouveaux outils numériques(océrisation, reconnaissance des formes, 3D ou 4D, modélisationnumérique, photogrammétrie, etc.) et de nouvelles formes d’identi-fication et de recherche, notamment via l’encodage. Du point devue de la recherche, c’est tout le secteur des humanités (qu’elles se

NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

L’avènement du numé-rique a révolutionné l’éco -nomie de la connaissance

comme la science des patri-moines, une science néces sai -rement interdisciplinaire qui alongtemps souffert de pratiquestrop segmentées.

Benoist Pierreest professeur desUniversités, membre junior de l’Institutuniversitaire de France (IUF), directeur du Centred’études supérieures de la Renaissance (UMR 7323 et UFR).

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BENOIST PIERRE

MATÉRIALITÉ,IMMATÉRIALITÉ,DÉMATÉRIALISATION

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considèrent ou pas comme « numériques ») qui en a été transforméet aussi celui des sciences sociales, de l’étude des perceptions et de« l’émotion patrimoniale » jusqu’à la connaissance extrinsèque dupatrimoine et de ce qu’il produit sur la société.La dématérialisation et la numérisation, qu’elles soient d’initiativespubliques ou privées (pensons à Google par exemple), sont donc àl’origine d’un big data patrimonial et culturel dont il faut rappelertous les apports pour la recherche, sans négliger non plus les facteursde risque et les verrous. Côté apport, cela va de l’accès simplifié etsouvent immédiat à la ressource jusqu’à des croisements inédits dedonnées, en passant par la production de nouveaux savoirs et denouvelles formes de restitutions numériques (3D, virtualisation,réalité augmentée, réalité immersive, etc.). Cependant comme touterévolution, la numérisation du patrimoine impose des conditionsde production qui ne sont pas toujours prises en considération, nijaugées à leur juste valeur. Si la dématérialisation contient d’indé-niables avantages comparatifs sur la longue durée, elle requiertdans l’immédiat tout autant la vélocité d’accès et de gestion desdonnées hétérogènes que l’adoption de normes universelles et deprotocoles communs de structuration, seuls moyens de garantirl’identification spécifique des données ainsi produites, leur pérenni-sation et surtout leur corrélation et leur interopérabilité. C’est à cesseules conditions que la dématérialisation structurée du patrimoineest à son tour en mesure de produire de nouvelles données numé-riques et de nouveaux savoirs.Les projets interdisciplinaires présentés dans cette section montrentla vigueur de la recherche en la matière. Ils révèlent les avancéeset l’optimisation scientifiques de la dématérialisation, la façon dontelle démultiplie le potentiel heuristique des travaux engagés, commeles nouvelles compréhensions diachroniques des patrimoines perdusou en partie disparus. Ainsi, la reconstitution 3D du pont d’Avignonpermet pour la première fois de proposer à moindres frais « un objethybride qui mêle le réel et l’hypothétique » (Livio de Luca). Grâce auxtechnologies numériques non invasives, les chercheurs peuvent proposer de nouveaux regards sur les œuvres picturales (IsabellePallot-Frossard), les vitraux (Michel Hérold), les manuscrits du MoyenÂge et de la Renaissance (Anne-Marie Turcan-Verkerk), le patrimoinemusical de Jean-Philippe Rameau (Cécile Davy-Rigaux), la paroleordinaire (re) structurée (Gabriel Bergounioux), la patrimonialisationdes pratiques socioculturelles (Syvie Sagnes et Thierry Wendling) etdes textes de loi (Marie Cornu). C’est désormais à tout un champpatrimonial recomposé et à une culture restituée que s’ouvrent l’ana-lyse et la perspicacité de la recherche augmentée.

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MATÉRIALITÉ,

IMMATÉRIALITÉ,

DÉMATÉRIALISATION NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC LIVIO DE LUCA

LA RECONSTITUTIONNUMÉRIQUEDU PONT D’AVIGNON

Livio de Luca est architecte et HDR en informatique, directeur de recherche au CNRS, directeurde l’unité mixtede recherche « Modèleset simulationspour l’architecture et le patrimoine » (MAP,UMR 3495).

Vous avez participé à la reconstitutionen 3D du pont d’Avignon. Quel était le butd’une telle opération?La modélisation numérique permet decréer un objet hybride qui mêle le réel etl’hypothétique. C’est une méthode trèsintéressante pour améliorer la connais-sance d’un monument en partie détruitcomme le pont d’Avignon. D’autant ques’il est très connu sur le plan touristique,cet ouvrage reste largement méconnusur le plan historique. Il n’a bizarrementpas fait l’objet d’enquêtes structurées,ni même d’une campagne de relevésexhaustive. Certains ont même émis desdoutes sur sa capacité à relier les deuxrives du Rhône. Face à la multitude desources et de points de vue, l’informa-tique nous aide à mettre ces fragmentsen relation avec le réel. Il en existe desmilliers : connaissances extraites destextes anciens, traces trouvées dans desplans et des cadastres, ressources iconographiques – images, aquarelles,gravures… – qui indiquent un état dupont à différents moments. Toutes cesinformations sur les états antérieurs dupont appellent des interprétations pluri-disciplinaires. Ce projet de recherche,

financé par l’Agence nationale de larecherche (ANR) et coordonné par leMAP à l’initiative de Michel Berthelot, aréuni pendant quatre ans des cher-cheurs appartenant à des laboratoiresd’horizons différents1. La géomorpholo-gie permet de situer le pont dans sonpaysage fluvial, de le lier aux événe-ments qui ont traversé l’histoire ainsiqu’aux personnages qui ont vécu sur ceterritoire. L’archéologie sert à observerdans le bâti les éléments qui témoignentde transformations… Les méthodologieset technologies que nous mettons aupoint permettent de mettre en relationle réel, restitué sous forme d’empreintenumérique, avec un faisceau d’informa-tions spatiales et temporelles. Sur leplan spatial, nous arrivons par exempleà relier l’échelle du territoire à celle dubloc, jusqu’au détail architectonique. Surle plan temporel, nous pouvons recon-necter un ensemble de données hétéro-gènes distribuées dans une chronologie.

Avez-vous redécouvert des partiesoubliées du bâti?La mise en corrélation de l’iconographieancienne avec une multitude demesures réalisées dans le cadre del’obser vation du réel nous a mis la puceà l’oreille. Au vu des résultats, nousavons suspecté la présence d’une archesupplémentaire. Pour le vérifier, noussommes allés faire un carottage à18 mètres de profondeur, sur un point

Àquoi pouvait bien ressemblerle pont d’Avignon du temps où

il était encore entier ? Sa reconsti -tution en 3D représente une prouessetechnologique. Redonner vie auxruines sans avoir besoin de les recons-truire en dur est maintenant possible.

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1. Projet PAVAGE (ANR-10-BLAN-2012).Laboratoires impliqués :CEREGE (Centre européen derecherche et d’enseignementen géosciencesde l’environnement), LA3M(Laboratoire d’archéologiemédiévale et moderne enMéditerranée), CIHAM(Histoire, archéologie,littératures des mondeschrétiens et musulmansmédiévaux), et EVS(Environnement, ville, société).

Restitution 3D du

pont d’Avignon dans

son environnement

fluvial au XIIe siècle,

2014.

© UMR 3495 MAP

CNRS/MCC

localisé dans l’espace réel grâce à unecorrélation de données numériques, oùnous avons trouvé du bois – ce qui apermis de confirmer la présence d’unpilier du pont aujourd’hui disparu.

L’outil numérique permet-il d’évitertoute erreur d’interprétation?Non, il permet surtout de conserver unetrace du cheminement intellectuelqu’une communauté scientifique peutfaire autour d’un objet. C’est un outilmagnifique de mémorisation à destina-tion des générations futures de chercheurs. Et par ailleurs, il permet decorréler davantage de données qu’au-trefois. Il y a cinquante ans, par unrelevé topograhique on acquéraitquelques centaines de points sur unterritoire. Aujourd’hui, avec le balayagelaser 3D ou la photogrammétrie numé-rique, nous recueillons des centaines demilliers de points en trois dimensionsen une seule seconde. Soit un point tousles milli mètres pour un objet de détail !Nos relevés sont de véritables calquestridimensionnels numériques du réel. Cequi augmente de façon considérable lepotentiel d’analyse.

Aurait-on été capable de reconstituer lepont sans l’informatique?Je pense que oui. D’un point de vueconceptuel, nous n’avons rien inventé.Les méthodes de représentation géomé-trique implémentées au sein des logicielssont héritées de la Renaissance. Unephotographie du réel s’inscrit dans lalignée des recherches sur la perspectiveet une base de données n’est qu’uneévolution des anciennes techniques demémorisation et d’organisation desconnaissances. Somme toute, le numé-rique permet d’optimiser une démarche,de la rendre plus rigoureuse et surtout de

gagner du temps. Sans ces technologies,la reconstitution du pont aurait pris beau-coup plus que cinq ans ! L’informatiquepermet d’accélérer des interactions entrechercheurs qui ne se rencontrent que rare-ment, augmente de façon exponentiellele potentiel de corrélation de donnéeshétérogènes, et surtout permet de véri-fier plus rapidement un certain nombred’hypothèses.

Ce projet virtuel débouchera-t-il sur unereconstitution en dur?Ce n’est pas prévu. Pour faire connaîtreau grand public le passé de tels édifices,on n’a plus besoin de les reconstituer aumoyen de vraies pierres. Et c’est à monavis un autre avantage du numérique. Enrétablissant physiquement des états anté-rieurs, le risque est de négliger des étapesde transformation des édifices, de choisirune période au détriment d’une autre,d’être réducteur au regard de lacomplexité historique. Grâce aux repré-sentations numériques, qui peuventévoluer en fonction de l’état des connais-sances d’une communauté scientifique,on peut désormais connecter les hypo-thèses de restitution numériques à l’objetréel, en le conservant tel qu’il est. Nousdéveloppons des systèmes destinés à êtreaccessibles à n’importe quel chercheur,afin que l’expé rience que nous avonsmenée puisse être dupliquée. Mais pourl’heure, le degré de sophistication destechnologies actuelles empêche leurdiffusion. Nous voudrions que de telsoutils soient utilisables sur une simpletablette ou depuis un poste informatique.

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MATÉRIALITÉ,

IMMATÉRIALITÉ,

DÉMATÉRIALISATION NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC ISABELLE PALLOT-FROSSARD

CE QUE RÉVÈLENTLES MATÉRIAUX DU PATRIMOINE

Isabelle Pallot-Frossard est conservateur généraldu patrimoine, directricedu Centre de recherche et de restauration des musées de France(C2RMF).

Le Centre de recherche et de restau -ration des musées de France vient d’accueillir dans ses ateliers la restaura-tion de La Nef des fous de Jérôme Bosch.L’occasion d’une découverte surpre-nante…Cette œuvre conservée au musée duLouvre n’était pas en très bon état. Ilfallait la nettoyer et la consolider. Etquelle ne fut pas notre surprise lorsquenous avons découvert que deux élémentsimportants du paysage étaient desrepeints. À commencer par la montagnedu fond que la restau ratrice trouvaitsuspecte. Elle avait raison d’avoir desdoutes : des prélèvements, des coupesstratigraphiques et des analyses ontconfirmé qu’il s’agissait d’un repeint, avecla présence de pigments récents datantau mieux de la fin du XIXe siècle. On a doncpris la décision de retirer cet ajout quimasquait un décor peint par Bosch,composé d’une petite église et d’unvillage. En outre, on a découvert que legros arbre du milieu dont le feuillage sedétache sur le ciel était à l’origine beau-coup moins touffu. Ainsi, grâce aux tech-niques actuelles d’analyse, on a retrouvél’iconographie d’origine. Par ailleurs, la

restauration a permis de restituer l’as-pect léger et lumineux du fond qu’il avaitperdu en raison des ajouts de vernis. Ens’oxydant, ce composé utilisé pour rafraî-chir une peinture a tendance à virer aujaune, si bien que de bleu, le ciel étaitdevenu verdâtre.

Avez-vous eu d’autres surprises?Nous avons détecté quelques faux quiétaient déjà dans les collections. Unetête égyptienne en verre bleu, depuis trèslongtemps au musée du Louvre, a ainsidéfrayé la chronique. Par l’analyse, on adécouvert que ses composés n’étaientpas compatibles avec la période antiquemais qu’ils remontaient au… XIXe siècle !Personne ne s’y attendait. Récemment,on s’est aussi aperçu, au moment del’achat d’un grand Louis XIII de Philippede Champaigne, qu’il avait fait l’objet denombreuses interventions, et notam-ment de changements de format etd’ajouts de peinture destinés à remplacerdes morceaux disparus. Mais il arriveaussi que certaines suspicions des restau-rateurs s’avèrent injustifiées. On s’est par exemple demandé si certaines zones dufond de l’Atelier du peintre de GustaveCourbet étaient des repeints. Or, il s’agis-sait en fait de repentirs du peintre quiétait lui-même ré-intervenu sur sontableau quelque temps après l’avoirterminé.

Le monde de la conservation et dela restauration est entré de plain-

pied dans le XXIe siècle. Des techno -logies dernier cri permettentdésormais de voir les œuvres sousun nouveau jour.

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À quand remontent les premiers liensentre sciences expérimentales et histoirede l’art?Dès les années 1860, Napoléon III aconfié à Louis Pasteur une chaire àl’École des beaux-arts sur la chimieappliquée aux arts. Il enseignait aux peintres l’importance de connaître lesmatériaux utilisés par les anciens, citantnotamment l’exemple de Jan van Eyck,pour s’assurer de la durabilité de leursœuvres. Mais il faut attendre 1888 pourque soit créé le premier laboratoire – liéaux musées de Berlin – entièrementdédié à l’analyse des matériaux du patri-moine culturel par des méthodesphysico-chimiques. La création de celuidans lequel nous sommes, initialementbaptisé Institut Mainini pour l’étudescientifique de la peinture, remonte audébut des années 1930.

Comment les outils ont-ils évolué?Au fil du temps, les techniques se sont affi-nées. Nous pratiquons aujourd’hui desanalyses beaucoup moins invasivesqu’au début, notamment grâce à un outilcomme l’accélérateur de particulesAGLAE qui produit notamment des faisceaux de protons, lesquels viennentimpacter la surface des matériaux. Ilpermet de déterminer la présence desdifférents éléments constitutifs de l’objetanalysé, comme le fer, le cuivre, l’étainou le plomb. Et ce, sans aucun prélè -vement. Par ailleurs, le développementd’outils portables invite désormais à réali-ser des analyses sur site, dans les muséeset monuments. Cette technologie depointe possède un double avantage : ellepermet d’obtenir, sans prélèvement, ettrès rapidement, des informations sur lanature des matériaux, d’origine ou non,et sur l’état de conservation d’une œuvre.C’est une petite révolution dans le mondede l’histoire de l’art.

Jérôme Bosch (vers

1450-1516),

La Nef des fous.

Musée du Louvre.

Clichés pris en lumière

réfléchie.

À gauche, en cours

d’intervention,

avec quatre essais

d’allègement de vernis

oxydés.

© C2RMF/Pierre-Yves Duval

À droite, après

restauration.

© C2RMF/Thomas Clot

> Le C2RMF, qui maîtrise des techniques d’analyse de pointe, fait partie depuisune vingtaine d’annéesd’un réseau européen de laboratoires dédiés auxmatériaux du patrimoineculturel. Aujourd’hui ce réseau bénéficie d’une reconnaissance tant en France qu’au niveaueuropéen avec le projetd’infrastructure E-RIHS(European ResearchInfrastructure for Heritage Sciences).www.erihs.fr

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MATÉRIALITÉ,

IMMATÉRIALITÉ,

DÉMATÉRIALISATION NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC MICHEL HÉROLD

COMMENT ONT ÉTÉFABRIQUÉS LES VITRAUXDU MOYEN ÂGE?

Michel Héroldest conservateur généraldu patrimoine au CentreAndré-Chastel, laboratoirede recherche en histoirede l’art (UMR 8150).

Récemment, une équipe d’historiens del’art spécialistes du vitrail et de la pein-ture a étudié les vitraux de la rose ouestde la Sainte-Chapelle de Paris en colla-boration avec des chimistes. Qu’apporteun tel croisement disciplinaire?Reconstruite à l’initiative du roiCharles VIII, la rose de la Sainte-Chapelleconsacrée au thème de l’Apocalypse estl’un des grands chefs-d’œuvre de l’artde la fin du Moyen Âge en France. Ladernière fois qu’elle avait été déposée,c’était pour la protéger du risque dedestruction lors de la Seconde Guerremondiale. Profiter de sa restaurationpour l’étudier est donc une opportunitérare que nous avons saisie.Nous avons constitué une équipe pluri-disciplinaire aux objectifs multiples :mettre à l’épreuve plusieurs hypothèsesrelatives à la conception et à la réali -sation de la verrière et poursuivre desétudes fondamentales sur la colorationdes verres. Désormais nous pouvonsconfirmer le caractère véritablementexceptionnel de la palette utilisée. Nousavons pu constater l’existence d’unnombre incroyable de verres plaqués etde verres à filets colorés dits «  véni-

tiens », fruits d’une technologie brillam-ment maîtrisée. Concernant le lieu defabrication, le travail des physico-chimistes – qui a porté sur un très grandnombre d’échantillons – a permis de véri-fier diverses hypothèses posées conjoin-tement par les historiens de l’art et parleurs collègues historiens du matériauverre. Les résultats sont en cours d’ex-ploitation, mais d’ores et déjà, ils souli-gnent la complexité de la question. Àl’époque où ce vitrail a été réalisé, deuxgrands centres de production se distin-guent par leur importance : la Norman-die et la Lorraine. S’il a été possibled’établir que les verres de la Sainte-Chapelle ne sont pas lorrains, enrevanche, nous ignorons leur lieu deproduction exact, vu l’éparpillement dessites verriers. Une autre question seposait : ce chantier important avait-ilbénéficié d’une alimentation en maté-riaux homogène et cohérente ? Laréponse est, en l’état actuel de nosconnaissances, non, mais sans que l’onpuisse donner pour l’instant plus deprécisions.

La connaissance du vitrail est-elle entréedans une nouvelle ère?L’opération autour de la Sainte-Chapelles’est déroulée dans le cadre de l’appel àprojets « Convergence », de SorbonneUniversités. Cette initiative d’excellence(Idex) nous a permis de bénéficier demoyens exceptionnels. Nous avons ainsitravaillé avec une post-doctorante,Myrtille Hunault, qui terminait tout juste

La France est le pays au monde quiconserve le plus grand nombre

de vitraux anciens. L’étude de cetimmense patrimoine, dont le recen-sement se termine, soulève denombreuses questions.

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Panneaux de la rose

de la Sainte-Chapelle

de Paris en cours

d’analyse à l’atelier

Vitrail France.

Cl. M. Hérold, Centre

André-Chastel

sa thèse consacrée à la coloration duverre bleu, et naturellement avec le pôlevitrail du Laboratoire de recherche desmonuments historiques (LRMH). Grâceaux échantillons sélectionnés par leshistoriens de l’art, qui en assurentl’authen ti cité, les chimistes ont pu déve-lopper des études fondamentales sur lesméthodes de fabrication et de colora-tion du verre. La connaissance de la tech-nologie verrière de la fin du Moyen Âgea ainsi nota blement progressé. Lesméthodes d’analyse ont la particularitéimportante d’être non destructrices etd’avoir pu être menées dans l’atelier durestaurateur. Quelques panneaux ontété étudiés de façon plus approfondieau Centre de recherche et de restaura-tion des musées de France, à l’aide del’accélérateur Grand Louvre de parti-cules élémentaires (AGLAE) qui met enœuvre des méthodes d’analyse par faisceaux d’ions.

Quelle suite imaginez-vous?Ma mission première est de terminer leRecensement des vitraux anciens de laFrance, commencé il y a une quarantained’années. Neuf volumes sont parus etnous préparons les deux derniers. Mais

j’assure en même temps le suivi en atelierde deux chantiers emblématiques, quimériteraient des investigations dépas-sant l’intervention du restau rateur : celuide la Sainte-Chapelle de Riom, unmerveilleux ensemble du XVe siècle situéprès de Clermont-Ferrand – œuvre del’atelier de Bourges qui a travaillé pourl’Argentier de Charles  VII, JacquesCœur – et celui des vitraux de la cathé-drale d’Aix, document clef pour l’histoirede la peinture en Provence au milieu duXVe siècle. La richesse de toutes lesproblématiques soulevées à chaqueétape de ces études serait évidemmentamplifiée par leur mise à l’épreuve aumoyen d’analyses. Trois approchescomplémentaires gagneraient à coupsûr à se rencontrer plus souvent : celledes peintres verriers, celle des historiensde l’art et naturel lement celles desphysico-chimistes.

« Nos partenaires chimistes sont en mesure d’apporter des argumentsdécisifs en faveur des hypothèsesémises par les historiens de l’art. »

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MATÉRIALITÉ,

IMMATÉRIALITÉ,

DÉMATÉRIALISATION NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC ANNE-MARIE TURCAN-VERKERK

ÉTUDIERLES MANUSCRITS,C’EST INTERROGERLES FONDEMENTSDE NOTRE CULTURE

La bibliothèque de Chartres a étébombardée pendant la Seconde Guerremondiale. Aujourd’hui, on est capable delui redonner vie… Comment?Le bombardement de 1944 n’a pas réussià détruire complètement cette biblio-thèque, dont une partie remontait auhaut Moyen Âge. Selon des témoignagesde l’époque, les habitants de Chartres sesont mobilisés pour ramasser les débrisde feuillets qui volaient de tous côtés.Certains de ces parchemins étaientrecroquevillés sous l’action du feu oucomplètement carbonisés, d’autresétaient devenus raides et translucides.La médiathèque l’Apostrophe de Chartres, l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT) et la Biblio-thèque nationale de France (BNF) ont

uni leurs forces pour rendre ces manus-crits à la vie. Les moins détériorés ontété humidifiés et aplanis dans lesateliers de la BNF, puis numérisés avecl’aide de l’Équipex Biblissima1, et remisen ordre. Le but était d’abord de conser-ver ces feuillets très fragiles quirisquaient de se détériorer davantage sil’on était amené à trop les consulter.Mais cette opération va aussi permettrede reconstituer virtuellement les biblio-thèques médiévales de la cathédrale etde l’abbaye Saint-Père, et de les rendreaccessibles à tout un chacun.

L’équipe de l’Institut de recherche etd’histoire des textes a-t-elle retrouvé desmanuscrits emblématiques?Oui, les collègues de l’IRHT qui mènentle projet, Claudia Rabel et DominiquePoirel, ont par exemple retrouvé desfragments d’un grand recueil de textessur les sept arts libéraux dont l’auteur,Thierry de Chartres, est l’un des maîtresde l’École de Chartres. L’IRHT possédaitun ancien microfilm – en noir et blanc

F aire revivre des bibliothèques duMoyen Âge et de la Renaissance :

ce rêve est désormais possible grâce à Biblissima, un nouveau portail en ligne sur lequel ont travaillé huitéquipes scientifiques coordonnées parle Campus Condorcet.

Anne-Marie Turcan-Verkerkest historienne des texteslatins, directrice d’études à l’École pratique deshautes études, responsablede l’équipe d’histoire desbibliothèques à l’Institut de recherche et d’histoiredes textes (IRHT, UPR 841)ainsi que de l’équipementd’excellence Biblissima.

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et de qualité médiocre – de ce manus-crit, mais l’accès à l’original en couleurest irremplaçable.

Ressent-on une émotion particulière aucontact des parchemins?Bien sûr ! Ce choc émotionnel a mêmeété déterminant dans ma vocation. Unparchemin, c’est une matière vivantequi laisse les doigts gras et dégage uneodeur particulière, mais surtout lemanuscrit est copié, corrigé, annoté àla main. L’ouvrir, c’est comme retrouverdes lettres anciennes de sa famille. Ils’agit d’une rencontre humaine. Quandnous travaillons sur des manuscritssouvent abondamment annotés, nousvivons avec les personnes qui les ont eusentre les mains. Pour identifier ceshommes, apprendre à connaître leurscentres d’intérêt et jusqu’à leurs manies,nous menons des sortes d’enquêtes policières : à partir de divers indices,nous tentons de comprendre où, quand,comment et surtout pourquoi la

personne a travaillé. Il faut imaginer lestextes comme des cailloux roulés par destorrents et des rivières : ils se modifient,se cassent, s’arrondissent… Pour l’Anti-quité, les originaux ont disparu, du coupnous ne saurons jamais vraiment ce queles auteurs avaient écrit. Les éruditscarolingiens héritaient de textes quiavaient déjà beaucoup circulé et qui, decopie en copie, s’étaient chargés defautes. Ils pouvaient les corriger, etnotamment modifier la langue pourrépondre aux exigences de leur époque,très attachée à la correction du latin.Dès lors, les éditeurs modernes qui choi-sissent la version la plus « classique »d’un texte risquent de ne sélectionner

« Il faut imaginer les textes commedes cailloux roulés par des torrentset des rivières. »

1. Biblissima est unéquipement d’excellence(Équipex) financé dansle cadre du Programmed’investissements d’avenir.

Accueil du portail

Biblissima :

http://beta.biblissima.fr

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que des variantes médiévales. Au niveaudu contenu aussi, des modi fi cations ontpu être apportées. Des dieux au plurieldeviennent parfois un dieu au singulier…Certains textes qui font partie de notrepatrimoine culturel sont arrivés jusqu’ànous par l’intermédiaire d’un seul manus-crit médiéval. C’est le cas du De Repu-blica de Cicéron copié à la fin del’Antiquité – et encore, car le texte a étéensuite effacé et le parchemin réutiliséau VIIIe siècle. Si personne n’avait eul’idée de le copier et de le conserver,nous ne pourrions pas le lire aujourd’hui.Étudier la trajectoire des manuscrits,donc des textes, et les filtres par lesquelsils sont passés permet ainsi d’interrogerles fondements de notre culture, sa forceet sa fragilité, et de mieux comprendrece que nous sommes.

La numérisation des parchemins de Chartres a été financée par Biblissima.De quoi s’agit-il?Biblissima associe, depuis la fin de l’année 2012, des institutions patrimo-niales – la BNF, mais aussi des biblio-thèques municipales ou universitaires,ainsi que les Archives nationales – et degrandes équipes d’enseignement et derecherche qui mettent à disposition detous les publics des ressources électro-niques très diverses sur l’histoire de latransmission des textes et des biblio-thèques, du VIIIe siècle à nos jours. Ilexiste beaucoup de ressources en ligne,mais il est très difficile de s’y retrouvercar chaque site possède sa propre orga-nisation et son propre vocabulaire. Lemanteau de la Vierge peut être décritcomme « bleu », « céleste », « azur »…

Quel mot choisir pour interroger lesbases de données ? Pour faciliter la viedes chercheurs et ouvrir la voie à denouvelles découvertes, Biblissima meten ligne, en avril 2017, la premièreversion d’un portail unique qui vapermettre d’interroger ensemble, enune seule fois, les résultats de plus decinquante projets scientifiques et tech-niques : des bibliothèques numériquescomme Gallica, des bases de donnéesscientifiques, des éditions électroniques.Chaque terme ou objet a un identifiantunique, ce qui permet aux internautesde trouver toute l’information sur unmanuscrit, sur un auteur, une biblio-thèque… quelle que soit la forme utiliséepour l’interrogation : pour Cicéron, onpeut par exemple taper Cicero, Tullius,Marcus Tullius Cicero, Cicéron, etc. Lesressources mises en ligne progres si -vement permettent de reconstituer desensembles historiques cohérents, enfonction d’interro gations scientifiquesnouvelles. Le chercheur peut s’immergerdans son corpus documentaire, du cata-logue médiéval d’une bibliothèque auxmanuscrits et imprimés anciens conser-vés. Grâce au visualiseur Biblissima, ilpeut consulter ensemble des manuscritsdu monde entier, les étudier à n’importequel moment, rebondir sur les bases de données et finalement se promenervirtuellement dans des réseaux de livres, de textes, de personnes : pour lui, Biblissima abolit les limites de l’espace etdu temps.

Livre des femmes

nobles et

renommées,

traduction du

De claris mulieribus

de Boccace. f. 143v :

Proba au travail.

Manuscrit, Paris,

BNF, Fr. 598 (a. 1403).

Disponible dans Gallica :

http://gallica.bnf.fr/ark:

/12148/btv1b84521932.

Cl. BNF

« Unparchemin,c’est unematièrevivante. »

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ENTRETIEN AVEC CÉCILE DAVY-RIGAUX

RESTITUERLE PATRIMOINE MUSICALPOUR LE JOUERAUJOURD’HUI

Vous venez de publier l’édition critiquede Dardanus de Rameau. Comment avez-vous procédé?Les partitions de l’époque à partirdesquelles j’ai travaillé avec DenisHerlin, directeur de recherche au CNRS,ont été si souvent remaniées en fonc-tion des productions successives qu’ilest très difficile de reconstituer l’œuvrede départ. Entre la première version deDardanus qui date de 1739, qui est celleque nous avons éditée, et la deuxièmeréalisée en 1744, trois actes sur cinq ontété réécrits. Pourtant, à l’Académieroyale de musique1, c’est la même parti-tion de production qui a servi pour lesreprésentations de 1739 et de 1744, etmême pour les suivantes. Selon les rema-niements, des pages ont été ajoutées etd’autres enlevées. Pour nous approcherde la version originale telle qu’elle a étéexécutée, nous analysons les anno -tations du chef d’orchestre de l’époque,de Rameau lui-même ou des copistesque nous relevons dans la source deproduction. La difficulté est de démêler

les différentes annotations superposéesau fil des productions. Par exemple,pour une indication de tempo, quanddans la marge figure « gay », ajouté parle chef, il se peut qu’une main plustardive ait ensuite précisé « gracieux »ou « vif ». Il faut essayer de restituer lalogique musicale de la production quenous éditons, qui est celle donnée en1739. Chaque morceau, chaque mesuredemande de comparer plusieurs sourcesque nous avons au préalable identifiées,classées, hiérar chisées dans un cata-logue thématique, et de justifier ceschoix dans l’apparat critique. C’est trèschronophage ! En moyenne, éditer untravail critique sur un opéra prend auminimum cinq ans !

À quel public est destiné le fruit de cesrecherches?Ce volume et ses différentes décli -naisons – clavier-chant, parties sépa-rées, recueils de symphonies – serventd’abord aux chefs d’orchestre, maisaussi aux musiciens, aux metteurs enscène, aux chanteurs et aux musico-logues. En fonction des productionsqu’ils pré parent, les chefs d’orchestrenous demandent souvent de recons -tituer en amont l’œuvre qu’ils veulentinterpréter. À l’origine, l’édition critiquede Dardanus avait ainsi été préparéeen vue de l’interprétation donnée par

Initiée en 1993, l’édition complète del’œuvre de Jean-Philippe Rameau

se poursuit à un rythme régulier. Untravail de longue haleine qui se nour-rit des échanges constants entre cher-cheurs en musicologie et chefsd’orchestre.

1. Créée en 1669, selonle principe du compositeurPierre Perrin et surproposition de Colbert ; Lullyen prend la direction en 1672.

Cécile Davy-Rigauxest directrice de recherche au CNRS,docteure habilitée en musicologie,et directrice de l’Institut de recherche en musicologie (IReMus, UMR 8223). Elle participe à l’éditioncritique de Rameau(38 volumes)sous la direction de Sylvie Bouissou.

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Marc Minkowski à l’Opéra de Paris en1998. Nous avons aussi préparé Hippo-lyte et Aricie pour Les Arts Florissants,les Fêtes de l’Hymen et de l’Amour pourl’opéra de New York. Bientôt serontdonnés Naïs en Bulgarie en février 2017au Palace of Arts, Le Temple de laGloire à Berkeley en avril au Zeller Hall, Zoroastre à Berlin en juillet au Komi-sche Oper. On procède de plus en plusde la même façon pour les éditionsmusicales critiques complètes qui sontdéve loppées au sein de l’IReMus,comme celles de Debussy, Lully, Fauré,et récemment Saint-Saëns.

Le regard des musiciens permet-il defaire avancer la recherche?Oui, l’échange que nous avons avec euxnous permet aussi de faire progressernos connaissances sur les pratiquesmusicales anciennes. D’ailleurs, après laproduction, nous demandons en généralà rencontrer le chef d’orchestre. Leretour des musiciens nous permet d’affiner le travail : ils nous signalent deserreurs de notes ou des incohérences detempo, nous dialoguons au sujet deschoix d’instrumentation, etc. Leur regardvient compléter le travail effectué surles données d’archives qui comportentdes descriptions des décors ou deslumières, sur les représentations icono-

graphiques de décors, de costumes, d’ins-truments ou de mises en scène, sur lesanalyses des livrets qui servaient alorsde programme, sur les recherches biogra-phiques concernant musiciens, chan-teurs, copistes, ou encore sur les reprisestardives des œuvres et leurs aménage-ments… Grâce à ces approches, il estpossible de mieux saisir et de faireconnaître la réalité des conditions deproduction et leurs évolutions durantl’Ancien Régime.

Mais votre logique n’est pas forcémentcelle des musiciens…Ils sont dans une logique de concur-rence ou d’émulation et travaillent dansdes temps de production très courts. Ilsont donc tendance à reprendre la mêmeœuvre que leurs confrères au détrimentd’œuvres oubliées comme Acante etCéphise, un très bel opéra de Rameauqui n’a pourtant pas encore été rejoué.En outre, il leur arrive de mélanger les versions, ce qui contredit notreapproche qui consiste à reconstituer lesdifférentes productions majeures del’œuvre telles qu’elles ont été donnéesà l’époque. Nous comprenons qu’ilsfassent de telles entorses si c’est enconnaissance de cause, mais nousessayons de leur faire connaître lalogique originale de l’œuvre.

« Les chefsd’orchestrenousdemandenten amontde reconstituerl’œuvrequ’ils veulentinterpréter. »

Page d’une source

de production

des Indes galantes

de Jean-Philippe

Rameau,

permettant de voir

les annotations

du chef (en rouge)

et les remaniements

(collette sur la partie

gauche, en haut,

pour remplacer

la pièce précédente

employée dans une

version précédente).

Ms, F-po/a 132 (a),

1re entrée, « Le turc

généreux », f. 37r

1735-1773

BNF, Bibliothèque-

Musée de l’Opéra

de Paris.

Disponible dans

Gallica.

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MATÉRIALITÉ,

IMMATÉRIALITÉ,

DÉMATÉRIALISATION NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC GABRIEL BERGOUNIOUX

LA PAROLE ORDINAIRE

Vous avez le projet de déposer et d’ana -lyser des archives sonores de RaymondDepardon. En quoi est-ce représentatifde votre travail sur les corpus oraux?Les réalisateurs de cinéma gardenténormément d’éléments qu’ils ne recyclent pas. Parmi ces chutes, de lapellicule mais aussi beaucoup de son.Sur le principe, Raymond Depardon adonné son accord pour que cette partiede ses archives soit déposée à la Biblio-thèque nationale de France et que nous puissions en faire une exploitationscienti fique. Ce projet s’inscrit àmerveille dans notre démarche decollecte et d’analyse des corpus oraux.Si les paroles brutes qu’il a recueilliespour son film Les Habitants sont pournous précieuses, c’est d’abord parceque les personnes interrogées sontassez décomplexées par rapport à l’en-registreur. De la parole ordinaire, onpeut en trouver des milliers d’heuresrien qu’en allant sur YouTube, mais ellen’est pas représentative des usagesquotidiens car elle est mise en scène.On peut aussi enregistrer des genslambda avec un micro caché, mais ontombe toujours sur les mêmes situa-tions  : échanges dans les magasins,scènes de rue, etc. Ensuite, le travail deDepardon s’étend sur plus de cinquanteans si bien qu’il permet de mettre enlumière les évolutions du langage parlé.

À quand remonte cette volonté d’archi-ver de la parole ordinaire?L’idée de conserver des traces de l’oralà des fins de recherche remonte à 1898.Mais il s’agit à l’époque d’une démarcheethnographique qui consiste à garderla trace d’une culture populaire  : onenregistre surtout des chants ou descontes… Avant la fin des années 1960,la parole ordinaire n’intéresse pas leschercheurs. On ne collecte que les voix

À l’université d’Orléans, des cher-cheurs du Laboratoire ligérien de

linguistique collectent des parolesordinaires et archivent ces corpusoraux. Leur but : étudier les évolutionsde la langue de tous les jours.

Gabriel Bergouniouxest linguiste, professeurà l’université d’Orléanset directeur du Laboratoire ligérien de linguistique (LLL, UMR 7270).

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Images

du traitement

du corpus ESLO.

© O. Baude

très théâtralisées des médias ou de laComédie-Française pour répondre à lademande d’une grande bourgeoisie culti-vée qui, à l’étranger, n’a que faire de lapronon ciation du titi parisien. Lapremière grande enquête a été réaliséeà Orléans entre 1968 et 1971 par uneéquipe anglaise. Ces 350 heures d’enre -gis trement, dont 150 entretiens en face-à-face de personnes de tous milieuxsociaux, étaient destinées auxprogrammes d’enseignement du fran-çais en Angleterre. L’idée était que lesélèves écoutent du «  vrai  » français.Aujourd’hui, nous avons décidé derefaire quasiment le même travail dansun but de comparaison.

Que sait-on des évolutions de la langueparlée, justement?De nouveaux modèles de parole se sontmis en place. En 1968, par exemple, lesgens disaient « Je partirai » dans lesdeux tiers des cas et « Je vais partir »dans un tiers des cas. Cette donnée s’estexactement inversée. Cette évolutionest associée à une forme de « dialectali-sation sociale  ». Il n’empêche que lalangue reste très structurée. Ainsi, il est

assez surprenant de constater qu’enremplaçant la phrase « nous partonsdemain » par « nous on part demain »,nous avons trouvé le moyen de préser-ver la nasale « on », une marque héritéedu proto-indo-européen, qui est passéedevant. Par ailleurs, nous avons étudiécomment parlait un jeune homme devingt-trois ans, Kevin, qui finit trèssouvent ses phrases par «  voilà  »,« hein » ou « quoi ». Or le choix de l’un oul’autre ne doit rien au hasard, il est aucontraire d’une rigueur exemplaire dansla commu ni cation. « Voilà » signifie qu’ilne changera pas d’avis, « hein » cherchel’assentiment, « quoi » laisse la porteouverte à une opinion contraire. Cetterègle d’emploi fonctionne à tous lescoups. C’est une preuve que la languene décline pas : elle se réorganise.

« La langueorale évolue, mais elle restetrès structurée. »

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MATÉRIALITÉ,

IMMATÉRIALITÉ,

DÉMATÉRIALISATION NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC SYLVIE SAGNESET THIERRY WENDLING

FÊTES, GASTRONOMIE,CONTES, CARNAVALS…C’EST AUSSI DUPATRIMOINE CULTUREL

Sylvie Sagnes etThierry Wendling sont anthropologuesau laboratoired’anthropologie etd’histoire de l’institutionde la culture (Lahic), qui est une équipe de l’Institutinterdisciplinaired’anthropologie du contemporain (IIAC, UMR 8177).

Dans les Pyrénées orientales se dérouleune fête de village qui pourrait devenirpatrimoine culturel immatériel de l’huma nité. En quoi est-ce de la Culture?Thierry Wendling : C’est toute la ques-tion. Les fêtes de l’ours ont lieu enfévrier dans trois villages du Haut Valles-pir. Le héros est un homme, transforméen ours, qui traverse le village, accom-pagné de musiciens et d’autres person-nages costumés ou masqués. Desmilliers de personnes participent à l’évé-nement : ils suivent l’animal tandis quecelui-ci s’amuse à saisir les femmes età leur noircir le visage. À la fin de la jour-née, l’ours est rasé et devient un êtrehumain. Le scénario de la fête s’inspired’un conte populaire, « Jean de l’Ours »et exprime des passages, de l’hiver auprintemps, de la nature à la culture…Cette fête relève de la culture au sensanthropologique du terme, autrementdit d’une culture implicite, que toutgroupe humain développe et que tout

un chacun pratique au quotidien. Maispour une raison ou une autre, on consi-dère aujourd’hui que certainespratiques méritent d’être mises enavant sur la Liste représentative dupatrimoine culturel immatériel del’huma nité (PCI) promue par l’UNESCO.Le carnaval de Granville vient d’êtreclassé, la culture de la bière en Belgiqueaussi. Beaucoup de communautéslocales manifestent l’envie d’être rete-nues par l’UNESCO. C’est ce qui se passepour les fêtes de l’ours qu’étudie ClaudieVoisenat, chercheuse au laboratoired’anthro po logie et d’histoire de l’institu-tion de la culture (Lahic). Elle tente decomprendre le processus qui conduitdes gens à agir pour que leur culturedevienne de la Culture.

Ce processus se déroule-t-il sans heurts?Sylvie Sagnes : Certains y sont favorables,d’autres non. Ces derniers redoutent leseffets indésirables d’un tel classement,qui se font d’ores et déjà sentir. On assistepar exemple à un phénomène de specta -cu la ri sation. Pour augmenter le nombrede participants, la fête ne se déroule plussur une seule journée dans les différentsvillages mais sur trois dimanches. Je cite-rai aussi un exemple, parmi d’autres, destensions possibles : en 2016, la présidentedu comité des fêtes est venue attraperl’ours qui jouait avec le public pour le

La culture d’un pays ou d’unerégion, ce ne sont pas que ses

monuments historiques. Désormais,ce sont aussi ses fêtes, ses carnavals,sa gastronomie… Des chercheurss’inté ressent au processus de patri-monialisation des pratiques sociales.

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prévenir que la télévision catalane l’at-tendait et lui demander d’aller se faireraser. Pour beaucoup, c’était insupporta-ble car l’ours est censé être le roi de lafête. C’est lui qui décide. Par ailleurs, leboulanger s’est retrouvé dévalisé enraison de l’affluence : dès neuf heures dumatin, il n’avait plus de pain, de gâteaux,ni même de « pattes d’ours ». Au village,on peut le vivre mal : « oui » aux touristes,mais pas pendant « nos » fêtes.

Que recherchent ceux qui souhaitent queleur fête soit inscrite sur la liste del’UNESCO?S. Sagnes  : Les habitants et les élussouhaitent d’abord que la fête devienneun marqueur identitaire du territoire.C’est important pour des communautésqui ont été bouleversées par la désertifi-cation rurale liée à la fin d’un artisanatflorissant, et qui se situent à la frontièreavec l’Espagne comme c’est le cas duVallespir – ce qui invite à se définir. Àcette volonté de reconnaissance,s’ajoute la possibilité de bénéficier d’unemanne financière. Un classementUNESCO, quel qu’il soit, c’est 30 % defréquentation touristique en plus.

Toutes les pratiques sociales sont-ellessusceptibles de devenir de la Culture?T. Wendling : Toutes les activités hu-maines sont évidemment culturelles.Mais en associant trop systé ma ti que-ment ce « C » majuscule au mot culture,le risque est de voir la société tout entièrese transformer en musée. On en a un petitexemple avec la multi pli cation desplaques commémoratives ou historiquesqui jalonnent nos rues. Cela reste cepen-dant un risque mesuré. D’abord parce quel’administration de la Culture dispose demoyens nécessairement limités – celaexplique d’ailleurs que l’UNESCO entendeconstituer une liste « représentative » etnon pas exhaustive. Ensuite parce quec’est la force potentielle de toute sociétéque de dépasser les contraintes et lesnormes qu’elle se fixe elle-même.

Ce processus concerne-t-il toutes lesrégions du monde?T. Wendling : Jusque dans les années1980, ce type de patri mo nia li sationconcernait principalement despratiques occidentales, et en particuliereuropéennes, comme la gastronomie, lesjeux ou les fêtes. Puis, il s’est étendu auxpays du Sud. Cet élargissement tient

notamment au fait que non seulementces pays se sont mis à lire les enquêtesles concernant, réalisées par des ethno-logues européens et amé ricains, maisqu’ils ont commencé à écrire eux-mêmesdes livres, à tourner des films, à dévelop-per des sites internet…Ce sont souvent des sociétés quiavaient été bouleversées par l’actiondes mis sionnaires et qui avaient oubliécertaines de leurs traditions. En lisantdes études ethnographiques sur leurpropre société, certains de leursmembres s’en sont inspirés pour revi ta -liser d’anciennes pratiques tout en lesadaptant au XXIe siècle. Les Dogons, parexemple, se sont trouvés décrits à partirdes années 1930 dans une série d’ouvrages de Marcel Griaule. Par lasuite, cette société de la boucle du Nigers’est servie des travaux de ce grandethnologue français pour « se » raconteraux tou ristes qui venaient découvrirl’Afrique profonde. Le chamanisme parti-cipe aussi de cette folklorisation  :certains Indiens d’Amérique du Sudpuisent dans les enquêtes sur leschamans de Sibérie pour inventer despratiques à la fois originales et univer-selles à destination d’un nouveau publicintéressé par le tourisme du spirituel.

S. Sagnes : La notion de « patrimoineculturel immatériel » a été forgée enréaction aux critères de patrimonialitéélaborés par les pays occidentaux etimposés au reste du monde. Elle permetà des sociétés moins dotées en grandsmonuments de figurer sur les listes dupatrimoine mondial de l’UNESCO parleurs réalisations non matérielles  :contes, fêtes, etc. On a tendance àpenser la mondialisation en termesd’occi den ta li sation. Avec le PCI, c’est unpeu l’effet inverse qui se produit : descritères de patrimonialité qui viennentde pays émergents infléchissent nospropres valeurs et normes patrimoniales.

« Les habitants et les élussouhaitentd’abord que la fête devienneun marqueuridentitairedu territoire. »

« Le risque estde voir la sociététout entièrese transformeren musée. »

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MATÉRIALITÉ,

IMMATÉRIALITÉ,

DÉMATÉRIALISATION NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC MARIE CORNU

FAIRE ÉVOLUER LEDROIT DU PATRIMOINE

Marie Cornuest directrice derecherche au CNRS,membre de l’Institut des sciences sociales du politique(ISP, UMR 7220). Elle participe au projetMémoloi qui réunit, sous la responsabilitéscientifique de plusieurschercheurs de l’ISP,différents partenaires dont le ministèrede la Culture et de la Communication, l’École nationale des chartes et les Archivesnationales.

Mémoloi est un projet qui vise notam-ment à retracer la genèse du droit de laprotection du patrimoine. Pourquoi avoircommencé par la loi de 1913?Parce que c’est un texte fondateur dudroit des monuments historiques. Cetteloi institue une servitude sur des proprié-tés publiques ou privées dont l’Étatconsidère qu’elles présentent un intérêtpublic du point de vue de l’histoire oude l’art. Autrement dit, elle impose aupropriétaire une obligation de conserva-tion et lui interdit notamment d’interve-nir sur son bien sans auto ri sation del’administration compétente. Despratiques administratives qui débutentpar la création en 1830 du premierposte d’inspecteur des monumentshistoriques l’ont précédée. Des listessont alors dressées et des travaux derestauration financés… en attendantune toute première loi qui, en 1887, neconcerne encore que les monumentsappartenant à des entités publiques etporte avant tout sur les relations entrel’État prescripteur et les communes, lesdépartements, les propriétaires demonuments historiques. En tant quejuristes, nous travaillons avec desconservateurs, des historiens et deshistoriens de l’art pour comprendre l’ap-parition et le contenu de certainesnotions. À commencer par celle deconservation qu’à aucun moment ne

circonscrit le droit. Bien conserver, est-ce maintenir un bien dans son état d’ori-gine ? Ou au contraire, faut-il prendreen compte l’état transformé d’uneconstruction ? Les sciences de la conser-vation et l’histoire de l’art nous éclairentfort utilement sur ces notions. Ce regardinterdisciplinaire est d’autant plusfondamental que le droit des monu-ments historiques se nourrit d’autressciences pour définir son propre objet.C’est vrai pour la notion de conserva-tion, mais aussi pour celle d’intérêt d’artet d’histoire, qui sont toutes deux desnotions juridiques phares dans les textes.Une première monographie a étépubliée par le comité d’histoire du minis-tère de la Culture et la Documentationfrançaise sur la genèse de la loi de 1913.Plusieurs autres ouvrages sont en courssur d’autres grands chantiers législatifsautour de la loi musée de 2002, de la loiarchives de 1979, de la loi archéologiede 1941, ainsi qu’un second volume quitraitera de la loi de 1913 jusqu’àaujourd’hui. Intitulé Hypothèses, uncarnet de recherches sur le projet Mémo-loi fait état de l’avancement destravaux sur ces différents fronts1.

La loi de 1913 influence-t-elle la concep-tion contemporaine du patrimoine?Oui, c’est une loi qui a une vigueur assezsidérante. L’outil de la « servitude » quipermet à l’État de classer un bâtimentou un objet, y compris d’office, c’est-à-dire sans que le propriétaire n’ait donnéson consentement, a tracé un certainchemin. Il reste actif dans tous les texteset projets de protection qui ont suivi,jusqu’à aujourd’hui. Dépassant dans unecertaine mesure l’opposition entrepropriété privée et publique, il constituela carte génétique de la loi de 1913 qui

La notion de patrimoine culturel aévolué, mais le droit continue de

fonctionner sur d’anciens schémas.Le projet Mémoloi propose d’étudierles textes de loi du passé pour mieuxpenser l’avenir.

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continue d’irriguer le droit positif. La loirelative à la liberté de la création, àl’archi tec ture et au patrimoine du 7 juil-let 2016 en porte aussi la marque. La loide 1913 a instauré un système qui a, enquelque sorte, surdéterminé le droit dupatrimoine.

La notion de patrimoine a évolué. Lesleviers juridiques hérités du passépermettent-ils de prendre en compte cesévolutions?La notion juridique de patrimoine,conçue comme une notion cadre, apermis d’enregistrer les évolutions de laperception patrimoniale dans le courantdu XXe siècle. La démarche initiée en 1913comporte cependant des limites. En parti-culier, on éprouve une difficulté àtraduire dans des instruments juridiquesla protection d’un patrimoine culturelimmatériel (PCI). Lorsqu’on codifie lamatière du droit du patrimoine, en 2004,on définit le patrimoine exclusivementdans sa dimension matérielle. L’articlepremier ne vise que des éléments tangi-bles : ensemble de biens meubles ouimmeubles, propriété publique ou privée,qui présente un intérêt d’histoire, d’art,d’archéologie, d’esthétique, de scienceou de technique. Sous ce rapport, le droitdu patrimoine peut être qualifié de droitdes choses, un droit spécial qui intéressecertains biens au regard de leur valeurculturelle. Or la convention de l’UNESCOpour la sauvegarde du PCI développeune autre vision du patrimoine culturelqui s’éloigne non seulement de cettevision objectale, mais aussi du processusmême de patrimonialisation. D’une part,sont en jeu non des choses tangiblesmais davantage des pratiques et savoir-faire, même s’ils peuvent s’exprimer aumoyen de supports matériels. D’autrepart, et plus fondamentalement, leurreconnaissance comme élément du patri-moine procède d’une démarche toutautre. En principe, les instances quidétiennent le pouvoir de patrimonialiserce ne sont plus les États mais les com -munautés. À rebours du projet initié en1913, c’est en outre le lien d’apparte-nance à la communauté et non sa valeurpropre qui fait advenir ce type de patri-moine. La loi du 7 juillet 2016 laisseintacte la définition du patrimoine maté-riel, mais y ajoute un paragraphementionnant que par patrimoine « s’en-tend également des éléments du patri-moine culturel immatériel, au sens de

l’article 2 de la convention internationalepour la sauvegarde du patrimoine cultu-rel immatériel, adoptée à Paris le 17 octo-bre 2003 ». La méthode distributivemontre bien ici la difficulté de construireune définition commune conciliant lesdeux approches objective et subjective.Dans le cadre d’une coopération scienti-fique internationale engagée avec l’Aca-démie de la culture de Lettonie et leministère de la Culture français, nousavons entrepris un programme derecherche, OSMOSE, dont l’objet est decomparer la manière dont différentspays ont entrepris de légiférer sur cenouvel objet que constitue, pour le droit,le patrimoine immatériel2. C’est un autredes programmes de recherche de l’ISP.

Le projet Mémoloi a-t-il aussi une dimen-sion prospective?Ces recherches peuvent en effet aiderà réfléchir non seulement au mode deconstruction du droit, mais égalementà son évolution possible. En travaillantavec des conservateurs et des respon -sables de services patrimoniaux duministère de la Culture, nous avonsconstaté que Mémoloi nourrit aussi ledébat politique au sein des espaces insti-tutionnels et peut alimenter de futursprojets. En l’occurrence, nous avonscollecté des archives très intéressantesémanant de différentes sources. Ellessont mises à disposition sur une plate-forme numérique3 créée sous la respon-sabilité de l’archiviste Florence Clavaudet sont un matériau extrêmementprécieux. Nous avons notammentrecueilli les archives de propositions oude projets qui n’ont pas abouti et quiconstituent des gisements d’idées.Certains d’entre eux vont plus loin quela loi de 1913, en particulier dans le prin-cipe d’une propriété culturelle danslaquelle disparaît plus nettementencore la distinction entre propriétéprivée et publique. On voit aussi défen-due par endroits la possibilité pour lasociété civile de devenir actrice de laprotection des monuments – un chan-tier qui reste aujourd’hui très en retrait.

1. http://memoloi. hypotheses.org ;https://dpc.hypotheses.org/category/projets-collectifs/projet-memoloi

2. https://dpc.hypotheses. org/category/projets-collectifs/projet-osmose

3. http://memoloi.huma-num.fr/sources-et-donnees/

« En tant quejuristes,nous travaillonsavec desconservateurs,des historienset des historiensde l’art pourcomprendrel’apparitionet le contenude certainesnotions. »

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Frédérique Aït-Touatiest chargée de rechercheCNRS, membre du Centrede recherche sur les arts et le langage (CRAL, UMR 8566).

La perception et l’attention sont destermes qui réunissent la plupart despersonnalités qui témoignent dans cespages. Qu’il s’agisse très litté ra lement deperception sonore, musicale, ou de proces-sus pour affiner et développer l’attention,on trouve un souci commun pour dévelop-per ce que Gibson a appelé une « approcheéco logique de la perception ». Créer denouvelles matières sonores, étendre noscapacités perceptives : tel est par exemplele projet porté par Richard Kronland-Martinet. Les nouvelles technologies, envi-sagées comme des moyens de développerla sensibilité et de dépasser les seuils de

la perception, deviennent dans cette optique non plus les ennemismais les alliés d’un renouvellement de l’attention que certains philo-sophes comme Yves Citton appellent de leurs vœux. Comment soute-nir ces activités innovantes qui supposent parfois de développerdes partenariats ad hoc, des institutions nouvelles, des finan cementspropres ? En la matière, l’Ircam fait figure de précurseur. Peut-onjouer d’une machine comme on joue d’un instrument ? Oui, répondGérard Assayag, qui développe avec son équipe « Sciences et tech-nologies de la musique et du son » à l’Ircam des machines musicales

S’ il est un domaine danslequel les figures de l’artiste et du savant se

rejoignent, c’est bien celui de lacréativité et de l’inno vation.Qu’on songe aux inventions deLéonard de Vinci, au « Galiléecritique d’art  » décrit parPanofsky, capable d’interpréterles images aperçues dans sontélescope grâce aux techniquespicturales de son époque,nombreux sont les exempleshistoriques d’une collaborationfructueuse entre les sciences,les techniques et les arts.Les initiatives présentées danscette section démontrent avecforce la vitalité de cette tradi-tion capable d’unir culture etrecherche.

NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

FRÉDÉRIQUE AÏT-TOUATI

CRÉATIVITÉ,INNOVATION, ART PARTICIPATIF

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capables d’interagir avec des musiciens et d’improviser avec eux.Inviter un artiste à tra vailler au sein d’un laboratoire scientifique,lui permettre de développer un projet en profitant des derniers déve-loppements techniques et numériques, encourager le dialogue etles collaborations de longue durée entre artistes et chercheurs : c’estégalement ce qu’a développé Antoine Conjard depuis des annéesau sein de l’atelier « Arts Sciences » de Meylan, qui franchit unenouvelle étape en devenant un atelier « arts et technologies de l’attention ».

Les implications politiques de ces expérimentations sont nombreuses.Elles vont dans le sens d’une prise de conscience croissante du rôlede l’art dans la société : non pas simple supplément d’âme ou capital culturel, mais pratique capable de penser des formes, de produiredessins et desseins, et donc de façonner l’espace public. Conçu nonplus seulement comme expression d’une intériorité singulière, maiscomme force modélisatrice, l’art retrouve dans de nombreuses initia-tives sur le territoire une fonction politique et architectonique. Quellesprocédures inventer pour susciter, collecter puis faire entendre lapluralité des voix et des avis? C’est l’objet d’étude d’Anthony Pecqueux,qui suit le travail de collectifs dont le but est d’intégrer les grandsprécaires aux débats participatifs. Comment créer un espace publicqui soit aussi un espace politique ? L’artiste-chercheur Yann Tomainvente des usages et des modes de partage de l’espace qui renou-vellent profondément la notion de participation. Quant à la coopé-rative Cuesta, elle met en place des dispositifs d’enquête et desinterventions artistiques afin que les populations d’un territoire puissent se saisir des enjeux et des options de l’aménagement urbain :faire émerger un public en donnant la parole aux différents acteursd’un territoire, construire un dispositif d’enquête incluant des inter-ventions artistiques au lieu d’imposer une program mation culturelle,tels sont les leviers d’action « pragmatique », au sens fort du philo-sophe John Dewey, que ces projets développent. Dans un discoursde 19391, Dewey évoquait la nécessité de renouveler une démocratieen crise, fragile si on la considère comme une machine qui fonctionned’elle-même, alors qu’elle doit sans cesse être réinventée et nourrie :c’est ce qu’il nomme la « démocratie créatrice », qui place l’inno vationau cœur du processus démocratique, et qui ne peut s’accomplir « sanseffort d’invention et sans activité créatrice  ». Les initiatives présentées ici ne renieraient sans doute pas son héritage.

1. Creative Democracy —The Task before us.Conférence préparée en 1939 par J. Dewey à l’occasion d’un congrèsorganisé en l’honneur de ses 80 ans. Traduit en français par Sylvie Chaput dansHorizons philosophiques, vol. 5, n° 2, 1995.

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CRÉATIVITÉ,

INNOVATION,

ART PARTICIPATIF NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC RICHARD KRONLAND-MARTINET

L’ESPOIR D’UNESPERANTO SONORE

Claquer une porte ou souffler dans uneflûte produit un son qui existe dans laréalité. Qu’est-ce qu’un son imaginaire?Le son d’une goutte d’eau qui rebonditcomme une bille, notamment. Ce sonn’existe pas et pourtant il fait sens etinduit l’idée que les liquides aussi rebon-dissent et sont susceptibles d’écla -bousser. Il s’agit ici d’un exemple d’unemétaphore sonore que nous cherchonsà matérialiser. Pour y arriver, il est néces-saire d’analyser et de comprendre lelangage des sons qui font partie denotre environnement. Quand on entendquelqu’un taper à la porte, on reconnaîtnon seulement l’action et l’objet maison saisit aussi l’intention de lapersonne : on sait si elle est en colère ousi au contraire elle ne veut pas déran-ger… Autrement dit, les sons contiennentdes informations qui forment une gram-maire et un vocabulaire que noustentons de décrypter. L’« approche écolo-gique de la perception » déve loppée parJames J. Gibson nous guide dans cetravail. Ce psychologue amé ricain amontré que notre perception visuelleévolue pour s’adapter à notre environ-nement. C’est pareil pour l’ouïe : àl’époque des cavernes, les hommespréhistoriques devaient iden tifier la

cause d’un bruit pour savoir s’ils étaienten danger. Et aujourd’hui encore, notreperception auditive associe aussitôt unson à une action – frapper, souffler, frot-ter, scier, etc. – ainsi qu’à un objet – uneporte en bois, un verre, des couverts, etc.Sur quoi s’appuie notre cerveau pourtraiter ces informations sonores ? Unefaçon de le savoir consiste par exempleà imiter des sons voca lement afin demieux repérer les éléments indispensa-bles à leur reconnaissance. Quand ondemande à des gens de simuler un chocsur une plaque de métal, ils font« pshiiii », une onomatopée riche et quidure longtemps. Pour du bois, ils font« chtoc », une interjection plus courte etconcentrée. Nos recherches interdisci-plinaires ont permis de mettre enlumière ces éléments indispensables àl’identification des sons, appelés inva-riants sonores, et qui jouent le rôle desmots dans le langage parlé. Si l’on estcapable d’identifier et de manipuler cesinvariants du langage sonore, il devientalors possible de faire rebondir unegoutte d’eau, ou de frotter le vent.

Sait-on aujourd’hui fabriquer de tels sonsgrâce à l’informatique?C’était le but du compositeur EdgarVarèse qui rêvait « d’instruments obéissant à la pensée ». Mais il ne suffitpas de disposer des bons outils informa-tiques pour pouvoir donner corps auson qu’on imagine. Sur un synthétiseurde sons, il n’y a pas un bouton « bois » ou« métal ». Il faut pratiquer pendant desannées pour réussir à matérialiser cequ’on a dans la tête. Une associationintuitive des sons à des mots que l’on

L’ informatique est en passe dedonner corps à un vieux rêve.

Désormais, fabriquer des sons quin’existent pas dans la réalité mais quiportent sens ne relève plus de lascience-fiction. Au programme :d’innom brables applications tantindustrielles que sociétales.

Richard Kronland-Martinetest directeur de rechercheau CNRS, directeurdu laboratoire Perception,représentations, image,son, musique (PRISM, FRE 2006).

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connaît permet de faciliter la construc-tion de nouvelles sonorités ou, de façonplus générale, ce qu’on appelle la navi-gation dans l’espace sonore. De grandesavancées ont déjà été accomplies dansce domaine et chaque jour amène denouvelles connaissances. Ce qui ne veutpas dire que demain, tout le mondepourra composer le son. Derrière unpiano, n’importe qui peut faire des notes,mais pas forcément de la musique.Reste que les travaux actuels permet-tent d’ores et déjà de rendre la construc-tion des sons plus sensible, plus intuitive.De nouvelles voies de recherche sur l’influence des sons sur le comporte-ment humain s’ouvrent aussi. Peut-êtreserons-nous capables, dans un futurproche, de construire des sons qui apaisent, qui soignent, qui ouvrent nossens… mais on entre ici dans le domainede la science-fiction.

Quelles nouvelles applications cesrecherches ouvrent-elles?Elles sont innombrables. Nous avonspar exemple travaillé avec PeugeotCitroën sur la sonification des voituresélectriques. Depuis une trentaine d’années, les industriels tentaient derendre les voitures moins bruyantes enutilisant des technologies de plus enplus sophistiquées. Et d’un seul coup, ons’est rendu compte du danger que repré-sentent les moteurs silencieux, en parti-culier les moteurs électriques, pour lespiétons. Le paradigme s’est inversé, sibien qu’on nous demande aujourd’huide fabriquer des sons qui doivent êtrecompris de tous pour ces véhicules. Pasquestion que chacun choisisse son esthé-tique comme pour sa sonnerie de télé-phone portable. Il faut définir unlangage commun qui évoque un objetqui roule, à la fois gros et métallique, etqui nous informe sur son action : accé-lère-t-il ou freine-t-il? Vient-il vers nousou s’éloigne-t-il ? Bref, y a-t-il danger ?Au niveau des applications sociétales,les recherches actuelles permettent deremédier à la dysgraphie, un trouble del’écriture, chez les enfants. Le violondemande une maîtrise gestuelle extrê-mement précise qui serait impossible àapprendre sans le retour sonore qui vade pair. L’idée, c’était donc de fabriquerun stylo qui agisse comme un instru-ment de musique : quand le geste n’estpas correct, il grince afin d’informer l’en-fant de son erreur et de l’aider à se corri-

ger. Ce principe peut également servirau chirurgien, ou au sportif pour aiderà l’appren tis sage d’un geste expert. Unintérêt majeur du langage des sons,c’est qu’il soit compris interna tio na -lement. La phase actuelle de nostravaux remet ainsi au goût du jour l’es-poir d’un véri table Esperanto sonore.

Les sons vont-ils prendre leur revanchesur l’image?Nous vivons en effet dans un mondeplutôt dominé par l’image. Pourtant, si95 % des jeunes ont besoin d’écouter dela musique pour se développer, c’est quepour eux ces vibrations sont presquevitales. Notre environnement atendance à oublier la beauté et larichesse spirituelle des sons et nousessayons de leur redonner une placedans la société. Mais les sons ont aussiun énorme avantage sur l’image : ilsoccupent tout l’espace qui nous envi-ronne. On peut entendre des sons horsde notre champ de vision, et donc dessons produits par des actions que l’onne voit pas. Aujourd’hui, les nouvellestechnologies augmentent sans cessenotre perception du monde. Nos télé-phones portables savent le temps qu’ilfera demain ou si nous avons des amisà proximité, et demain ils seront dotésde capteurs qui nous rensei gneront surla présence de dangers, par exemple desources radioactives ou autres. Pouraccéder à ces informations, les sons ontune place de choix. Imaginez qu’auxsons de notre environnement, on ensuperpose d’autres capables de nousinformer de façon intuitive sur cesnouvelles perceptions de notre monde.Et ce, de façon quasi subliminale. Voilàun des grands défis d’aujourd’hui.

« Les sons contiennentdes informations quiforment une grammaire et un vocabulaire que nous tentons de décrypter. »

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CRÉATIVITÉ,

INNOVATION,

ART PARTICIPATIF NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC ANTOINE CONJARD

FAIRE THÉÂTREAU XXIe SIÈCLE

Antoine Conjardest directeur del’Hexagone, scènenationale située à Meylan, une commune de Grenoble-AlpesMétropole, partenaire de l’unité mixtede recherche « Artset pratiques du texte,de l’image, de l’écranet de la scène » (Litt & arts, UMR 5316).

Vous avez mis en place un nouvel atelierbaptisé « Arts et technologies de l’atten-tion » qui vise à mettre en relation deschercheurs et des artistes. Est-ce une devos missions?Oui, dès le premier contrat d’objectif del’Hexagone, la recherche a été unemission qui s’est ajoutée aux missions decréation et de diffusion. C’est d’autantplus important pour moi de créer lesconditions de la rencontre que l’Hexa-gone est une scène nationale implantéesur un territoire qui abrite 22 000 cher-cheurs. Quand je suis arrivé à Grenoble,au début des années 2000, j’ai voulumettre en contact des artistes et desscientifiques. C’est pourquoi nous avonsmonté un partenariat avec le Commis -sariat à l’énergie atomique (CEA) qui metà disposition de l’atelier « Arts Sciences »un temps plein et demi. À l’époque, toutle monde me regardait de travers. Cen’est plus le cas aujourd’hui. L’atelier« Arts et techno logies de l’attention » estune seconde étape. Dans ce cadre, nousavons obtenu des financements de laRégion Auvergne-Rhône-Alpes pour l’embauche d’une doctorante, AliceLenay, qui fait sa thèse sur la manièredont le visage à l’écran génère denouveaux espaces attentionnels. Elle

commence un travail de veille sur cettequestion de l’attention au croisement deplusieurs domaines  : l’art, les neuro -sciences, la littérature et la philosophie.

Vous défendez le principe d’une « laïcitétechnologique ». De quoi s’agit-il?La technologie est souvent abordée dansdes termes religieux. C’est notammentle cas avec Google qui soutient à traversle « transhumanisme », une vision del’homme du futur perpétuel lementperfectible et modifiable. Le moteur derecherche assure que l’homme sera àl’avenir dépassé par la machine dans destermes comparables à des termes reli-gieux, il parle même du jour de la « singu-larité  ». Nous cherchons à mettre enplace des usages différents de la techno-logie, de sorte que ce ne soit pas elle quigouverne, mais qu’elle soit au service dela dramaturgie. En tout état de cause, lesambiances techniques diffèrent selonles  régions du monde. Au Japon, denombreux chorégraphes utilisent unetechnologie toute-puissante, agressive,hyperprécise qui donne l’impression que l’humain ne maîtrise pas les éléments.Aux États-Unis, les artistes s’intéressentplutôt aux surhommes. Et en France, onretrouve souvent l’idée d’un être qui sefaufile à l’intérieur de la technologie pourjouer avec elle.

Favoriser les rencontres entre lesarts, les nouvelles connaissances

et les nouvelles technologies pourstimuler l’imaginaire, c’est la motiva-tion centrale du projet de l’HexagoneScène nationale Arts Sciences, dirigépar Antoine Conjard.

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BIONIC ORCHESTRA 2.0

Le beatboxer EZRA

et son gant instrumenté

réalisé lors d’une

résidence de recherche

au sein de l’atelier Arts

Sciences de l’Hexagone.

© Laurence Fragnol

Lionel Palun,

Fresque#1

Œuvre numérique

interactive sur

les big data

réalisée dans

le cadre d’un

projet de

recherche

européen

entre le Japon

et la France.

© Lionel Palun

Le théâtre et la technologie n’ont pastoujours fait bon ménage…«  Avec le cinéma, le monde s’améri -canise  », écrivait en 1917 l’écrivain amé ricain Upton Sainclair. L’art ciné ma -to graphique a besoin de la science et del’industrie. Le théâtre, en revanche, alongtemps fait mine de ne pas travailleravec la technologie, en raison d’un héri-tage romantique qui valorise l’idée d’unart pur, déconnecté des enjeux de la tech-nique et de l’industrie. Ce qui étaitévidemment faux : depuis qu’elle a étéinventée, l’électricité a été intégrée authéâtre qui utilise de la lumière, du son,de la vidéo. Associer des artistes, desscientifiques et des industriels est néces-saire pour raconter les histoires duXXIe siècle.

« En France, on retrouvesouvent l’idée d’un êtrequi se faufile à l’intérieurde la technologie pour jouer avec elle. »

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INNOVATION,

ART PARTICIPATIF NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC GÉRARD ASSAYAG

LE NUMÉRIQUEAU SERVICEDE L’ACOUSTIQUE

Gérard Assayagest directeur de l’unitémixte de rechercheSciences et technologiesde la musique et du son à l’Ircam (STMS, UMR 9912).

L’arrivée du numérique dans le domaineacoustique a-t-elle transformé la rela-tion entre le musicien et son instrument?Pour jouer d’un instrument purementnumérique comme le synthétiseurvirtuel, il faut manipuler sur l’ordinateurun programme informatique doté d’uneinterface graphique capable de générerdes métaphores visuelles. Les sons ainsiproduits peuvent être extraordinaires,mais les musiciens se plaignent souventde ne pas « ressentir » la machine. Uninstrumentiste entretient avec sonpiano ou son violon une relation charnelle, il vit cet objet comme uneextension de lui-même qu’il peut contrô-ler physiquement. Ce n’est plus le casavec les instruments numériques.

Pour répondre à ces critiques, vous aveztravaillé sur des instruments hybrides.Comment fonctionnent-ils?Depuis quelques années, on se dirigevers une hybridation entre le réel et levirtuel, le physique et le numérique. Leprincipe consiste à augmenter un instru-ment acoustique de capteurs et d’un

dispositif électromécanique qui agit surla résonance de l’instrument et permetd’en modifier le timbre ou de lui rajouterdes effets tels que la réver bération. Maisau lieu que ces sons sortent d’un haut-parleur, ils sont réellement produits parl’instrument avec son rayonnementpropre. On peut décider par exemple quepour obtenir un effet sonore spécifique,il suffise au musicien de pencher sonviolon d’une certaine manière – un gestenaturel pour un violoniste qui a l’habi-tude de contrôler ainsi la projection duson. Techniquement, le moyen d’arriverà une telle hybridation consiste à dis -poser à l’intérieur de l’instrument des« capteurs » et des « actuateurs ». Lespremiers enregistrent des informationsqui sont ensuite numérisées avantd’être envoyées à un ordinateur éven - tuel lement embarqué. Les seconds permettent de convertir ces para mètresnumériques en actions physiques sur lecorps de l’instrument. Le numérique estici mis au service de l’acoustique, ce quipermet de rétablir une interaction corpo-relle avec l’objet. L’humain s’engagedavantage corps et âme quand les sonsproviennent de son instrument quequand ils sortent d’un haut-parleur. Cegenre d’instruments hybrides n’est pasencore accessible au grand public, maisl’Ircam a organisé des concerts où l’ona pu entendre les prototypes.

La révolution numérique a permisde fabriquer des sons inédits. Mais

elle a aussi bouleversé la relationphysique qui existait entre le musicienet son instrument. Aujour d’hui, desdispositifs hybrides tentent de rétablircette interaction corporelle si impor-tante pour les artistes.

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Certains instruments numériques sontaujourd’hui capables de générer de lamusique de manière autonome…Il existe en effet des agents informa-tiques autonomes qui utilisent l’intelli-gence artificielle pour générer pareux-mêmes des séquences musicales.On les a programmés de telle sortequ’ils soient capables d’interagir demanière intéressante avec des humains.Ces machines ont la capacité de capterle style du musicien et de lui renvoyerdes figures musicales adaptées. Cetteco-créativité repose sur un phénomènede feedback ou de « réinjection stylis-tique » qui intéresse particulièrementla scène de l’improvisation. Nous avonstravaillé avec le pianiste de DavidBowie, Mike Garson, les musiciens dejazz Bernard Lubat et Benoit Delbecq, legroupe Aka-Moon, les musiciens de l’En-semble intercontemporain ou encorel’Américaine Marie Kimura. En général,les musiciens sont fascinés par cetterelation à ce qui produit du même et dudifférent. Ils ont l’impression de joueravec leur double. Ceux qui ont expéri-menté nos prototypes nous disent quel’ordinateur suscite des surprises qui nesont pas humaines. Or ceci est unequalité pour les improvisateurs qui sontsouvent un peu blasés, toujours enquête de renouveau.

Demain, les machines permettront-ellesde se passer des humains?L’ordinateur peut aussi créer denouvelles combinaisons totalement origi-nales grâce à sa « culture musicale »phénoménale acquise par appren tissageautomatique. La musique algorithmique,qui est purement générative, existe d’ail-leurs depuis les années 1950. Et dans cecas, l’être humain s’efface après laphase de programmation. Mais ce n’estpas notre démarche. Ce que nousmettons au point est au service de l’humain, il est important pour nousqu’un musicien en chair et en os aitenvie d’interagir avec nos prototypes.

Vos recherches s’adressent-elles aussiau grand public?Nous avons mené des expériences quifont appel au public, en le mettant là encore dans une situation de co- créativité avec des dispositifs mobiles.Ainsi, les smartphones sont de vraisordi nateurs très puissants sur lesquelsil est possible d’implémenter des pro-grammes de traitement et de synthèsedu son, réactifs à l’environ nement, quipermettent de s’interconnecter pourcréer des paysages sonores collectifsimprovisés. Ces approches renouvellentla notion même de concert ou de per-formance publique.

« L’humain s’engagedavantage corps et âmequand les sonsproviennent deson instrumentque quand ils sortent d’unhaut-parleur. »

Instruments

augmentés,

à l’Ircam.

Cl. Philippe

Barbosa

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ENTRETIEN AVEC YANN TOMA

ART ET MOBILISATIONCITOYENNE

Vos œuvres s’articulent souvent à desquestions environnementales. Pensez-vous que l’art puisse changer le monde?L’art peut changer ce que je nommerai« le climat magnétique du monde »,dans la mesure où il entre en relationavec nos imaginaires et les met en réso-nance. À partir de là, tout s’ouvre endirection de l’action collective. L’arttend à devenir force de proposition età faire avancer, à terme, l’innovation.D’abord parce que l’art s’inscrit dansune temporalité qui tente d’anticiperdes évolutions sociales en recourant àla fiction. Il tire sa force opérationnellede sa capacité à produire des actes fédé-rateurs qui parlent au plus grandnombre : ce média, compris de tous, estplus accessible que n’importe queldiscours militant. Ainsi, les mêmes questions, posées dans un cadre poli-tique, sont désormais reçues diffé -

remment par les spectateurs/acteurs.Dynamo-Fukushima est une œuvreparticipative réalisée au Grand Palaisen 2011, juste après la catastrophe quia touché le Japon. Le dispositif a attiré24 000 personnes en trois jours. Il consis-tait en quatre cercles monumentauxconstitués de centaines de vélos.Chacun était connecté à une boule delumière et à un compteur géant quiaccumulaient ce que j’ai appelé des« unités d’énergie artistique ». Le calculreposait sur la force motrice dégagéepar les participants. Cette œuvre parti-cipative a permis non seulement demobiliser le public, mais aussi de créerun lien avec les sinistrés, notammentles enfants de Fukushima. Un dispositifdynamique de mise en relation étaitélaboré sur place, et ce, de manièrecontextuelle. Les gens qui pédalaientvoyaient s’afficher en grand, sur lecompteur installé devant eux, le résul-tat de leurs coups de pédale. Toutes lesdemi-heures, l’énergie artistique ainsiaccumulée était libérée dans un acted’intérêt collectif : tandis qu’un sonmontait jusqu’à l’antenne du GrandPalais, tout le monde s’arrêtait de pédaler. Cette solidarité n’était pas quesymbolique : autour du lieu, des ONGjaponaises étaient chargées de collecterdes fonds en vendant des produits dérivés. Ces ressources ont bénéficié à

L’artiste Yann Toma voit dans l’artun média capable de mobiliser

les populations sur des questions poli-tiques. Le but des dispositifs qu’ilinvente : transmettre au plus grandnombre ce qu’il nomme Énergie Artis-tique (EA). Pour y parvenir, il fédère lepublic à travers des œuvres partici-patives destinées à provoquer de véri-tables électrochocs collectifs.

Yann Tomaest artiste-théoricien,professeur des universitésen arts plastiques et en sciences de l’art à l’université Paris IPanthéon-Sorbonne. Il est membre du conseil de laboratoire de l’InstitutACTE (Arts, créations,théories, esthétiques, UMR 8218) où il dirigel’équipe de recherche Art & Flux qui travaille sur les relations entre art,diplomatie et innovation.

www.institut-acte.cnrs.fr/art-flux/

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Yann Toma,

Dynamo-Fukushima,

œuvre

participative,

Paris, Grand

Palais, 2011.

© Yann Toma/

ADAGP, Paris, 2017

Photo : François

Tomasi/RMNGP.

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l’association Ringono, « pomme » enjaponais, une ONG qui développe unprogramme d’achat de fruits dotésd’une molécule capable de faire régres-ser le Césium 137 dans le corps desenfants, considérés comme force deguérison et distribués massivement auxpopulations concernées. Au Japon, cesproduits-œuvres sont destinés à êtrediffusés auprès du plus grand nombreet ont déjà contribué à créer unenouvelle dimension dans la réception.Avec l’association Ringono, Dynamo-Fukushima a permis de créer une chaînehumaine qui a de véritables vertus.

Vous revendiquez donc le concept d’uti-lité en art…Je trouverais puéril d’opposer utilité etinutilité dans le domaine artistique. L’artet la culture sont d’une inutilité quasiutile. En général certains signaux sontutiles à la société, ils permettent d’enrichir les connaissances humaines.Mais il ne s’agit pas de réaliser desœuvres en vue d’obtenir une rentabilitéimmédiate. L’idée c’est plutôt que l’artsoit utile au niveau symbolique et qu’ilmobilise les corps. Dynamo-Fukushimapermettait ainsi de participer à uneaventure commune où partisans etdétracteurs du nucléaire pouvaientpédaler ensemble et dialoguer.

Êtes-vous à la recherche du consensus ?Non, pas du tout. Je cherche plutôt àcréer une empathie collective à traversl’expérience d’une rupture corporelle. Àun moment où l’État français n’avaitpas encore exprimé un tel sentiment, enraison de sa politique très favorable aunucléaire, j’ai voulu manifester dans unlieu hautement symbolique pour laFrance une solidarité à l’égard des popu-lations qui avaient subi la catastrophe.J’ai généré du consensus dans larupture. Dans un contexte où le corpssocial est mis à l’épreuve, l’art contribueà apporter de la relation, du lien, là oùl’individu ne trouve plus ses repères, sesharmoniques. Il initie de nouveaux équi-libres, comme autant de balises qui s’ap-pliquent à dépasser les constatsalarmants pour tendre vers des champsd’action où le renversement destendances s’envisage naturellement.Car au-delà des constats et des diagnos-tics technologiques, une dimensionsensible entre en jeu, un état d’esprit, unappel à réaliser ce à quoi plus personne

ne croit. Il convient de rendre réversiblece que Francis Bacon nomme « l’empirede l’homme sur les choses » et cet irré-sistible besoin de dominer la nature.

Ce travail artistique fait-il partie de vosrecherches?Oui, il s’agit d’une recherche-création.Je m’inscris en cela dans une traditionnée à la fin des années 1970 et qui adonné lieu à un doctorat en arts plas-tiques arti culant la pratique et la théorie. Pour moi, l’œuvre est au centrede la recherche et les écrits en nourris-sent la profondeur. Bernard Teyssèdre,à l’origine de la création de mon UFR1, aporté une telle conception. Il a drainéautour de lui des personnalités commeMichel Journiac, grand artiste du bodyart français qui a réalisé des œuvresparticipatives. Jean-Michel Palmier,philosophe et historien de l’art qui abeaucoup réfléchi à cette relation entreart et politique que je juge fondamen-tale, est un de mes inspi rateurs.

Quels sont vos chantiers actuels?J’en ai beaucoup ! Dans le cadre d’unecommande de l’ONU sur la question desocéans, je vais mobiliser à New York unecentaine de saxophonistes qui vonttenter d’attirer les baleines. Je travailleaussi sur la Route de la soie, avec leKazakhstan, où je souhaite réaliser desyourtes lumineuses et fédératrices àtravers des chants qui devraient jalonner de longues processions et ainsiparticiper à accroître la visibilité desquestions environnementales. Enfin, j’en-visage de faire chanter des milliers d’en-fants devant des espaces aquatiquespour améliorer l’état de l’eau. Cesœuvres sont systématiquement enphase avec un effet mobilisateur. Celame rappelle également Human Energy,une œuvre participative monumentaleque j’ai conçue en 2015 pour la COP21,sous la Tour Eiffel : Human Energydevait être une gigantesque batteriehumaine – un village autosuffisant éner-gétiquement avec terrains de sport, devélo et de danse, salles d’expo sition etfablabs sur le thème « art, design et envi-ronnement ». Ce village devait s’animergrâce à la force motrice et mobilisatricedu spectateur. Des dizaines de milliersde visiteurs, incluant les leadersmondiaux, devaient parti ciper à l’instal-lation et des centaines de milliers d’au-tres devaient se connecter grâce à l’ap-

« Je cherche à créerune empathiecollective àtraversl’expérienced’une rupturecorporelle. »

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1. Unité de formation et de recherche (UFR) Artsplastiques et sciences de l’art,université Paris 1.

Yann Toma,

Human Energy,

œuvre participative

monumentale,

semaine des

négociations

de la COP21, Paris,

Tour Eiffel, 2015.

Scénographie © ARTEL

© Yann Toma/ADAGP,

Paris 2017

plication HUMAN ENERGY. Chaque parti-cipant aurait été invité à danser, péda-ler, courir ou s’étirer, jouer, découvrir ourêver, pour produire ensemble desunités d’énergie comptabilisées mondia-lement par l’application et affichées surdes compteurs géants sur place. Lesévénements de novembre 2015 au Bata-clan ont entraîné l’annu lation partielledu village, j’ai dû trouver une nouvellesolution in extremis : Runtastic. L’idéeétait de mettre en œuvre une cartogra-phie numérique pour connecter80 millions de Runners à l’œuvre et à laTour Eiffel. Chaque soir, l’énergie accu-mulée en courant éclairait la Tour Eiffel,envoyant un message fort du type :« Nous devons ensemble agir contre lechangement climatique, maintenant. »Construite en 1889 pour commémorerle centenaire de la Révo lution française,la Tour Eiffel est ainsi devenue, pendantla COP21, le phare d’un nouveau phéno-mène fédérateur : la mobilisationcitoyenne par l’art.

La société transforme-t-elle l’art?Les mutations sociétales et climatiquestransforment radicalement le mondedes imaginaires, à commencer par celuides artistes. L’art, pilier de l’empire del’homme sur les choses avec la science,se transforme au contact de nos inquié-tudes et peut devenir un art où l’on necommande plus de façon démiurgiquemais où l’on infléchit sa position, un artoù l’on traite la nature en partenaire.Hier inscrite dans des logiques esthé-tiques validées par le marché, l’actionde l’art, portée par nos imaginaires, semodifie donc radicalement. Pour lesartistes investis dans ces question -nements, l’inscription du corps et de sespotentialités au sein même du proces-sus de résolution des dérèglementsclimatiques apparaît comme une néces-sité. Les artistes ne sont pas déconnec-tés des théâtres sociaux, diplomatiques,économiques, ils sont en mesure dejouer des rôles moteurs pour raccorderles paroles écrites ou déclamées. C’estlà que leur effet mobi li sateur est à soncomble.

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CRÉATIVITÉ,

INNOVATION,

ART PARTICIPATIF NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC ANTHONY PECQUEUX

UN ESPACE PARTICIPATIFPOUR LES PRÉCAIRES

Vous suivez en ce moment un projet quiimplique de « grands précaires » de larégion grenobloise. Qu’est-ce qui faitl’originalité de ce dispositif partici patif?Aujourd’hui, dans le cadre des poli-tiques de la ville, les habitants sont invi-tés à participer aux projets urbainsmenés dans le périmètre de leur domi-cile. Mais « participation » est un biengrand mot : cela va de la simple infor-mation à la consultation, jusqu’à desréunions participatives qui sont plusrares. Pour questionner les liens entrehabiter et parti ciper qui sont aujour -d’hui tenus pour évidents, avec macollègue architecte Laure Brayer nousavons décidé de nous intéresser à unprojet de « Lîeu » émanant d’un espacede parole baptisé le « Parlons-en » 2 quiexiste depuis 2009. Animé par une asso-ciation éponyme, il invite une fois parmois les personnes en situation de

grande précarité, les travailleurssociaux qui s’occupent des accueils dejour, les militants associatifs à se réunirdans une salle polyvalente de la Maisondes habitants du centre-ville à Greno-ble. De ces échanges, a émergé l’idée decréer un lieu participatif qui permetteaux personnes en situation de précaritéde se rencontrer, de bricoler, de s’infor-mer… Ce projet m’intéresse à plus d’untitre. D’une part, il implique une popu-lation qui n’a pas vocation à parti ciper :par définition, les sans-abri n’habitentnulle part ; quant aux personnes engrande difficulté économique, socialeet financière qui comptent aussi parmiles grands précaires, elles sont suscep-tibles à tout moment de se retrouver àla rue. D’autre part, le projet n’est pasporté par une institution mais par lespersonnes elles-mêmes.

Qu’est-ce que cela change?À peu près tout. Dans les dispositifs quim’intéressent, les enjeux émergent ducollectif. Quand une municipalité est àl’initiative du dispositif, les participantsse retrouvent souvent dans une salle declasse où le maire prend la place dumaître et les habitants celle des élèves.La relation est donc asymétrique. Parailleurs, le script est en général déjà écrit,si bien qu’il s’agit juste de le présenteraux personnes rassemblées au moyende Powerpoint compliquées. Or denombreuses études scientifiques ont

Consulter les habitants sur desaménagements urbains qui les

concernent passe aujourd’hui pourune évidence. En revanche, lessans-abri sont exclus des dispositifsinstitutionnels de participation. Lesocio logue Anthony Pecqueuxenquête à Grenoble sur un projetparticipatif animé par de « grandsprécaires ». Cette recherche s’ins-crit dans le cadre du projet HAPA-RÊTRE (« Habiter : la part de l’être »)financé par l’Agence nationale dela recherche1.

1. Projet 14-CE29-0011.

2. https ://lieugrenoble.wordpress.com/

Anthony Pecqueuxest sociologue, directeurdu Centre de recherchesur l’espace sonoreet l’environnement urbain (CRESSON), équipe grenobloise du laboratoire Ambiances,architectures, urbanités(AAU, UMR 1563).

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montré que ce type de participationéchouait à rapprocher gouvernants etgouvernés et à réenchanter un systèmedémocratique en perte de vitesse. Nonseulement parce qu’il reconduit dessituations d’infantilisation, mais aussiparce qu’il exige des participants qu’ilslaissent leur histoire personnelle auvestiaire sous prétexte de s’élever auniveau du débat collectif. A contrario, le« Parlons-en » a choisi de valoriser lestémoignages personnels : les personnespeuvent livrer des éléments très intimes,sans pour autant que la réunion ne vireà un catalogue de situations drama-tiques. Les expériences individuelless’addi tionnent et coagulent. La puis-sance expressive du « je » cherche à setransformer en un « nous ».

Quels sont les obstacles à la créationd’une telle dynamique collective?Ils sont nombreux. On entend souventde la part des participants l’idée que« ça ne sert à rien ». Car cette forme departicipation prend beaucoup de temps.Quand le scénario est déjà écrit, il suffitde le « jouer ». Quand il faut l’élaborersoi-même, c’est plus long. Et de fait, leprojet de « Lîeu » porté par le Parlons-en n’a pas tellement avancé depuisseptembre 2014. En outre, en raison dela souplesse du dispositif, les personnespeuvent être présentes un jour et nejamais revenir. Il faut compter aveccette possibilité du départ, du retrait,

de la parenthèse qui est une source deralentissement. Il existe aussi un obsta-cle politique : la municipalité attend unprojet bien ficelé avant de s’engagerdans le processus, alors que cette expé-rience exige que le projet reste ouvertet assez indéterminé jusqu’à sa réali -sation par les participants. On est doncface à deux logiques différentes.

L’institution peut-elle s’inspirer de cetype de démarches?Je ne pense pas : il faut qu’elle accom-pagne ces projets, mais non qu’elle semette à en initier elle-même. Ce qui neveut pas dire que le Parlons-en est unespace anti-institutionnel. Les élus sonten effet invités à participer auxréunions au titre de citoyens comme lesautres. L’adjoint au maire chargé desaffaires sociales de la Ville de Grenobleest l’élu référent pour le projet sur lequelje travaille. On l’a vu trois fois en un anet demi. C’est bien mais c’est trop peupour que la confiance s’installe.

Dans l’absolu, s’agit-il d’un exerciced’appro fon dis sement de la démocratie?C’est de l’activité politique au quotidien.Après, ce qui en ressort peut être négatif :on retrouve du dissensus, des blocages,des reproductions dans le débat deschèmes sexistes… Il ne faut pas êtreangélique et y voir un idéal à atteindre,mais plutôt une pratique qui permet d’in-carner la démocratie.

Le « Parlons-en »a choisi de valoriser les témoignagespersonnels […] La puissanceexpressive du « je » cherche à se transformeren un « nous ».

Un « Parlons-en » :

les participants

sont assis

en cercle,

l’animateur

est au centre.

© Laure Brayer

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CRÉATIVITÉ,

INNOVATION,

ART PARTICIPATIF NOUVELLES DYNAMIQUES POUR LA RECHERCHE CULTURELLE

ENTRETIEN AVEC ALEXANDRA COHEN

L’ART, UN VRAI MOTEURÀ DISCUSSIONS

Alexandra Cohenest co-directrice de la coopérative culturelle Cuesta.

L’expérience originalede la coopérative Cuesta,présentée ici bienqu’elle sorte du périmètrede l’accord-cadre Culture-CNRS, illustrede façon exemplairele développement derecherches collaborativesimpliquant les artisteset les citoyens. À l’instarde Cuesta, le ministèrede la Culture et dela Communication etle CNRS encouragentles équipes de rechercheà s’engager sur le terrainauprès des collectivitéset des populations,en harmonie avecle patrimoine naturelet culturel.

Faire intervenir des artistes dans le cadrede projets d’aménagement est unepratique en plein développement. Quelleest la spécificité de votre démarche?Nous avons défini une méthode detravail qui consiste à enquêter auprèsdes différents acteurs dans la premièrephase du projet d’aménagement et àmener des actions de concertation avecles publics, afin d’accompagner commedes poissons-pilotes chaque étape dela maîtrise d’œuvre. L’idée de la coopé-rative Cuesta, c’est d’intervenir légère-ment en amont pour nourrir les études,avec l’aide d’équipes artistiques. Cettedémarche, nous l’avons mise au pointen 2015 dans le cadre d’un projet devalorisation d’un territoire enclavé etmalaimé situé le long de la Vilaine, ausud de Rennes. Les Rennais préfèrent serendre au bord de la mer, à Saint-Malo,ou dans la forêt de Brocéliande, plutôtque dans ce paysage de broussaillesconsidéré comme périurbain. Aujour -d’hui, il n’est pas facile d’y circuler tantla biodiversité a repris ses droits sur cesanciennes zones industrielles parse-mées de centaines d’étangs. L’agenceTer, en charge du projet paysager, adonc dessiné une « Voie des Rivages »destinée à desservir les étangs grâce àun cheminement doux, et une « Voie des

Terres » pour relier les communes alen-tour. Quand elle a fait appel à nous pourapporter au projet une dimension cultu-relle, nous avons jugé plus pertinent decommencer par enquêter, plutôt que deplaquer un programme culturel. Nousn’allions pas installer des sculptures lelong de la Vilaine ou organiser une Nuitblanche ! Nous avons rencontré despublics qui ne se parlaient pas entreeux : riverains, agriculteurs, directeurde la station d’épuration, chercheurs enagronomie, responsable d’une structurepour les jeunes, écologues… Au lieu deles convoquer à des réunions publiquesselon un agenda politique, noussommes d’abord allés les voir chez eux,individuellement, avant de constituerdes groupes d’intérêt. Et nous avonsdécouvert qu’ils réagissaient mal àcertaines images de concours qu’ilsavaient vues sur le site de Rennes métro-pole. Pour diverses raisons, ils n’appré-ciaient pas certaines propositions quine leur semblaient pas cohérentes avecleur pratique du territoire. Nous avonsfait part de ces retours à l’agence Terqui n’en avait pas eu connaissance. Ceséchanges ont permis de faire évoluer leprojet. À partir de là nous avons défininotre endroit d’intervention, à traversdes actions-pilotes, conçues avec desartistes invités.

L’art est une invitation audialogue. Pour accompagner les

projets d’aménagement urbain, lacoopérative Cuesta a mis au pointune méthode féconde qui mêleenquêtes de terrain et interventionsartistiques.

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Quel rôle jouent les artistes?Ils renouvellent la représentation quel’on peut avoir d’un territoire ou d’uneproblématique. Le collectif Bureaucosmique est la première équipe aveclaquelle nous avons choisi de travailler.Avec ces jeunes architectes et plasticiensbasés à Rennes, nous avons demandé àdes groupes d’habitants, réunis dans lescommunes par les services techniqueset les élus, de nous guider vers la Vilaine,à pied ou en vélo. Nous avons parcourutout le territoire avec eux et créé uneexposition itinérante des photos deBureau cosmique qui documentent etvalorisent ces paysages malaimés. Unillustrateur, Mioshe, a réalisé une fresquede huit mètres de long représentant lavallée. Lors des quatre escales, cetteintervention artistique a constitué unvrai moteur à discussions. Nous avonsaussi invité une poète paysagiste, EstherSalmona, à animer des ateliers d’écriturequi ont donné lieu à la création d’uneparti tion pour cinq voix lue par le publiclors d’une étape. Une chorégraphe,Myriam Lefkowitz, a quant à elle pro -posé des balades perceptives, les yeuxfermés, afin d’aiguiser l’attention desparticipants à l’environnement.

Concrètement, ces échanges ont-ilspermis de faire évoluer le projet initial?Oui, toute cette matière recueillie sur leterrain a en effet nourri le projet. On la

retrouve dans le projet paysager.Aujourd’hui, le plan-guide de la Voie desRivages est achevé et nous sommesentrés dans une nouvelle phase  : lesoumettre aux acteurs. Encore faut-ildécider des sujets qui peuvent encoreêtre travaillés en co-construction et dece qui n’appelle plus de discussions. Letracé, par exemple, n’appelle peut-êtreplus de négociations, contrairement àla programmation sur les espaces atte-nants qui exige de partir des besoins dechacun.

Cette méthode permet-elle de résoudretous les conflits?Il y a toujours du dissensus, car nousœuvrons à créer un espace public quiréponde à des besoins, à des usages trèsdivers. C’est aussi en cela qu’il est unespace politique. Il est impossible de faireabstraction des conflits dans des ateliersqui réunissent des gens d’âges et d’ori-gines diverses. Reste à savoir commenttravailler avec ces oppositions. Il ne fautpas les gommer en acceptant de revenirà des relations individuelles, mais tenterde les résoudre collectivement. C’est diffi-cile, mais nous avons réussi à faire ensorte que les différents acteurs soientparties prenantes, que leurs voix comp-tent dans la constitution du projet.

« Il y a toujours du dissensus, car nousœuvrons à créerun espace publicqui réponde à des besoins, à des usages très divers. »

Vallée de la

Vilaine, agence

Ter + Cuesta

+ Bureau

cosmique

Fresque par

MioSHe

© Franck Hamon,

Rennes métropole

> Cuesta mobilisel’artistique pour intervenirdans le champ desterritoires et des sociétés.Elle propose desdémarches innovantesavec des artistes oudes collectifs afin de créerde nouveaux modesd’enquête, d’action etde coproduction dessavoirs et de renouvelerles représentations.cuesta.fr

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Les moyens mis en œuvre par le MCC en 2017

Les structures en 2017

Programme d’investissements d’avenir

23 UNITÉSMIXTES EN COTUTELLE

9 en archéologie

6 en architecture

2 en art du sonore

2 en conservation du patrimoine

2 en histoire de l’art et musicologie

1 en linguistique

1 en sciences et création

2 FÉDÉRATIONS DE RECHERCHE EN COTUTELLE

1 en archéologie

1 pour le développementde l’Équipex New AGLAE

70 UNITÉS IMPLIQUÉES DANS DESCONVENTIONS DE PARTENARIATDE RECHERCHE

1 LABORATOIREINTERNATIONALASSOCIÉ, ENARCHÉOLOGIE

3GROUPEMENTSDE RECHERCHE,POUR LA MISE EN RÉSEAU DES UNITÉS AUNIVEAU NATIONAL

4CONVENTIONSPOUR DES PUBLICATIONSSCIENTIFIQUESCOMMUNES

7 ÉQUIPEX 15 LABEX

3GROUPEMENTSD’INTÉRÊT SCIENTIFIQUE

3GROUPEMENTSDE RECHERCHEINTERNATIONAUX

2CONVENTIONS-CADRES AVEC DESÉTABLISSEMENTSPUBLICS DU MCC

EFFECTIFS

29 agents mis à disposition du CNRS

DOTATION

1 380 000 €

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LES STRUCTURES DE RECHERCHE ET LESPROGRAMMESINSCRITS DANSL’ACCORD-CADRECULTURE-CNRSEN 2017

ABRÉVIATIONS

ANR : Agence nationale de la rechercheBNF : Bibliothèque nationale de FranceC2RMF : Centre de recherche etde restauration des musées de FranceCICRP : Centre interdisciplinairede conservation et de restaurationdu patrimoineCNP : Centre national de préhistoireCRMH : conservation régionaledes monuments historiquesDRAC : direction régionale des affairesculturellesENS : École normale supérieureENSA : école nationale supérieure d’architectureENSAP : école nationale supérieured’architecture et de paysageEPHE : École pratique des hautesétudesFR : fédération de recherche

FRE : fédération de rechercheen évolutionGIS : groupement d’intérêt scientifiqueINRAP : Institut national de recherchesarchéologiques préventivesINSA : institut national des sciencesappliquéesLRMH : laboratoire de recherchedes monuments historiquesMCC : ministère de la Culture et de la CommunicationMNHN : Muséum national d’histoirenaturellePNRCC : programme national de recherche sur la conservation des collectionsUMR : unité mixte de rechercheUPR : unité propre de rechercheUSR : unité de service et de recherche

ANNEXE

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UMR 6566CENTRE DE RECHERCHE EN ARCHÉOLOGIE,ARCHÉOSCIENCES, HISTOIRE (CREAAH)www.creaah.univ-rennes1.fr

Cotutelles : CNRS, Université Rennes 1, MCC, UniversitéRennes 2, Université de Nantes, Université du MaineÉtablissement partenaire : INRAP

UMR 7041ARCHÉOLOGIES ET SCIENCES DE L’ANTIQUITÉ(ARSCAN)www.arscan.fr

Cotutelles : CNRS, Université Paris-Nanterre, Université Panthéon-Sorbonne, MCCÉtablissement partenaire : INRAPPartenariat scientifique avec le CNP pour le projetd’analyse des productions scientifiques sur les abris ornés de Fontainebleau

UMR 7044ARCHÉOLOGIE ET HISTOIRE ANCIENNE :MÉDITERRANÉE ET EUROPE (ARCHIMEDE)www.archimede.unistra.fr

Cotutelles : CNRS, Université de Strasbourg, Université de Haute-Alsace, MCC

UMR 7269LABORATOIRE MÉDITERRANÉEN DEPRÉHISTOIRE EUROPE-AFRIQUE (LAMPEA)www.lampea.cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, Université Aix-Marseille, MCCÉtablissement partenaire : INRAP

UMR 8164HISTOIRE, ARCHÉOLOGIE, LITTÉRATURE DES MONDES ANCIENS (HALMA)www.halma.recherche.univ-lille3.fr

Cotutelles : CNRS, Université Lille 3, MCCÉtablissement partenaire : INRAP

FR 3383FÉDÉRATION DES SCIENCESARCHÉOLOGIQUES DE BORDEAUX (FSAB)Cotutelles : CNRS, Université de Bordeaux, Université Bordeaux-Montaigne, MCC

STRUCTURES EN COTUTELLE

Structures de recherchepour lesquelles les partenairesassurent conjointement le pilotagescientifique en qualité de cotutelles

ARCHÉOLOGIE

UMR 5140 ARCHÉOLOGIE DES SOCIÉTÉSMÉDITERRANÉENNES : MILIEUX, TERRITOIRES,CIVILISATIONS (ASM)www.asm.cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, Université Paul-Valéry Montpellier,MCCÉtablissement partenaire : INRAP

UMR 5199DE LA PRÉHISTOIRE À L’ACTUEL : CULTURE,ENVIRONNEMENT ET ANTHROPOLOGIE(PACEA)www.pacea.u-bordeaux.fr

Cotutelle : CNRS, Université de Bordeaux, MCCÉtablissements partenaires : INRAP, EPHE

UMR 5608TRAVAUX ET RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUESSUR LES CULTURES, LES ESPACES ET LES SOCIÉTÉS (TRACES)http://traces.univ-tlse2.fr/

Cotutelles : CNRS, Université Toulouse Jean-Jaurès, MCCÉtablissement partenaire : INRAPAtelier réflexif « Archives et archéologie, constructiond’un outil chronogramme générique » avec le CNPConstruction du réseau des acteurs sur le mégalithismeavec le CNP et les DRAC Corse et OccitaniePartenariat scientifique avec la DRAC Occitanie (CRMH)

UMR 6298ARCHÉOLOGIE, TERRE, HISTOIRE, SOCIÉTÉS(ARTEHIS)www.artehis-cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, Université de Bourgogne, MCCÉtablissement partenaire : INRAPPartenariat scientifique avec la DRAC BourgogneFranche-Comté (CRMH)

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ARCHITECTURE

UMR 1563AMBIANCES, ARCHITECTURES, URBANITÉS(AAU)www.aau.archi.fr

Cotutelles : CNRS, École centrale de Nantes, ENSAGrenoble, ENSA Nantes (établissements publics sous tutelle du MCC)

UMR 3329ARCHITECTURE, URBANISME, SOCIÉTÉ :SAVOIRS, ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE(AUSSER)www.umrausser.cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, MCCÉtablissements partenaires : ENSA Paris-Belleville, ENSAParis-Malaquais, ENSA Paris-La Villette, ENSA Marne-la-Vallée (établissements publics sous tutelle du MCC)

UMR 3495MODÈLES ET SIMULATIONS POURL’ARCHITECTURE ET LE PATRIMOINE (MAP)www.map.cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, MCCÉtablissements partenaires : ENSA Marseille-Luminy,ENSA Nancy, ENSA Paris-La Villette, ENSA Lyon(établissements publics sous tutelle du MCC)

UMR 5319PASSAGESwww.passages.cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, Université de Bordeaux, Université Bordeaux-Montaigne, Université de Pau et des pays de l’Adour, ENSAP Bordeaux

UMR 5600ENVIRONNEMENT, VILLE, SOCIÉTÉ (EVS)umr5600.ish-lyon.cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, ENS de Lyon, Université Jean-Moulin,Université Lumière-Lyon 2, École nationale des travauxpublics d’État, ENSA Lyon (établissement public sous tutelle du MCC), Université Jean-Monnet, Mines Saint-Étienne, INSA de Lyon

UMR 7218LABORATOIRE ARCHITECTURE, VILLE,URBANISME, ENVIRONNEMENT (LAVUE)www.lavue.cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, Université Vincennes-Saint-Denis,Université Paris-Nanterre, MCCÉtablissements partenaires : ENSA Paris-Val-de-Seine,ENSA Paris-La Villette (établissements publics sous tutelle du MCC)

ART DU SONORE

UMR 9912SCIENCES ET TECHNOLOGIES DE LA MUSIQUE ET DU SON (STMS)www.ircam.fr/recherche/lunite-mixte-de-recherche-stms/

Cotutelles : CNRS, IRCAM, MCC, Université Pierre-et-Marie-Curie

UMR 7323CENTRE D’ÉTUDES SUPÉRIEURESDE LA RENAISSANCE (CESR)www.cesr.cnrs.fr

Programmes de recherche de l’équipe Centre de musique baroque de Versailles (CMBV)Cotutelles : CNRS, Université François-Rabelais, MCC

CONSERVATIONRESTAURATION DU PATRIMOINECULTUREL

FR 3506NEW AGLAECotutelles : CNRS, MCC, Chimie ParisTechPartenariat entre l’UMR 8247 Institut de recherchede chimie Paris (IRCP) et le C2RMF.

UMR 6566CENTRE DE RECHERCHE EN ARCHÉOLOGIE,ARCHÉOSCIENCES, HISTOIRE (CREAAH)Collaboration scientifique avec le C2RMFsur la provenance de la variscite des paruresnéolithiques.(voir Archéologie p. 60)

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UMR 7041ARCHÉOLOGIES ET SCIENCES DE L’ANTIQUITÉ(ARSCAN)Programme de recherche soutenu par l’Agence nationalede la recherche (ANR ROXIANA, 2011) : recherches surles assemblages métalliques et céramiques du bassin del’Oxus à la vallée de l’Indus, en partenariat avec le C2RMF.(voir Archéologie p. 60)

USR 3224CENTRE DE RECHERCHES SUR LA CONSERVATION (CRC)http://crc.mnhn.fr/

Association par convention avec le LRMHet le laboratoire du musée de la Cité de la musique.Cotutelles : CNRS, MNHN, MCC

UMR 8150CENTRE ANDRÉ-CHASTEL : LABORATOIREDE RECHERCHE EN HISTOIRE DE L’ARTCollaborations scientifiques avec le LRMH (pôle  vitrail).Partenariat avec le LRMH dans le cadre du Labex MATISSE.(voir Histoire de l’art et musicologie ci-contre)

USR 3461INSTITUT PHOTONIQUE D’ANALYSE NON DESTRUCTIVE EUROPÉEN DES MATÉRIAUX ANCIENS (IPANEMA)http://ipanema.cnrs.fr/

Soutien à la mise en place de la plateforme sur les matériaux anciens.Soutien à la conférence internationale « Synchrotron dans l’art et l’archéologie » SR2A.Cotutelles : CNRS, MCC, Université Versailles-Saint-Quentin-en-YvelinesÉtablissement partenaire : MNHN

HISTOIRE DE L’ARTET MUSICOLOGIE

UMR 7323CENTRE D’ÉTUDES SUPÉRIEURES DE LA RENAISSANCE (CESR)Programme de recherche en histoire de l’artet musicologie.Projet « Sculpture 3D » (sculptures de la renaissance de la région Centre) avec la DRAC Centre-Val de Loire (CRMH).(voir Art du sonore p. 61)

UMR 8150CENTRE ANDRÉ-CHASTEL : LABORATOIREDE RECHERCHE EN HISTOIRE DE L’ARTwww.centrechastel.paris-sorbonne.fr

Programme « Recensement du vitrail ancien (Corpus vitrearum) ».Cotutelles : CNRS, Université Paris-Sorbonne, MCC

UMR 8223INSTITUT DE RECHERCHE EN MUSICOLOGIE(IREMUS)www.iremus.cnrs.fr

Cotutelles : CNRS, Université Paris-Sorbonne, MCC, BNF(établissement public sous tutelle du MCC)

PATRIMOINELINGUISTIQUE

UMR 7270LABORATOIRE LIGÉRIEN DE LINGUISTIQUE (LLL)www.lll.cnrs.fr

Programme « Corpus oraux »Cotutelles : CNRS, Université d’Orléans, UniversitéFrançois-Rabelais, BNF (établissement public sous tutelle du MCC)

NUMÉRISATIONET VALORISATIONMULTIMEDIA

UMR 3495MODÈLES ET SIMULATIONS POURL’ARCHITECTURE ET LE PATRIMOINE (MAP)Programme de recherche sur la numérisationdu patrimoine matériel, sur l’organisationde la documentation d’un objet patrimonial à partir d’un modèle 3D.Modélisation d’objets patrimoniaux pour le suivi et la documentation des altérations et des restaurations.Programme « Modélisation 3D des grottes ornées » avec le CNP, en lien avec le projet MEMORIA.Association par convention avec le GIP Centreinterdisciplinaire de conservation et de restauration du patrimoine (CICRP).(voir Architecture p. 61)

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UMR 7041ARCHÉOLOGIES ET SCIENCES DE L’ANTIQUITÉ(ARSCAN)Programme de recherche et de valorisation dans le cadre du projet de sauvegarde et de reconstitution du patrimoine du Proche-Orient.(voir Archéologie p. 60)

SCIENCESET CRÉATION

UMR 8218ARTS, CRÉATIONS, THÉORIES, ESTHÉTIQUES(ACTE)www.institut-acte.cnrs.fr

Programme de recherche et événement sur les problématiques de la création.Soutien aux programmes de recherche « Art du Sonore ».Cotutelles : CNRS, Université Panthéon-Sorbonne, MCCÉtablissement partenaire : École nationale supérieureLouis-Lumière

PROGRAMMES DE RECHERCHESOUTENUS

Structures de recherche pourlesquelles le ministère de la Cultureet de la Communication, sans avoirla qualité de cotutelle, reconnaîtune ou plusieurs thématiques de recherche développées

ARCHÉOLOGIE

UMR 5060INSTITUT DE RECHERCHE SURLES ARCHÉOMATÉRIAUX (IRAMAT)Programme « Compréhension et restitution des chaînesopératoires en métallurgie du fer ».Collaboration avec le Laboratoire d’archéologiedes métaux Nancy-Jarville.

UMR 5138ARCHÉOLOGIE ET ARCHÉOMÉTRIE : ORIGINE,DATATION ET TECHNOLOGIES DES MATÉRIAUX(ARAR)Collaborations scientifiques sur la datationdes matériaux issus des fouilles programmées.

UMR 5204ENVIRONNEMENTS, DYNAMIQUES ETTERRITOIRES DE LA MONTAGNE (EDYTEM)Programme d’étude environnementale sur les grottesornées avec le CNP.Programme « Archéologie des patrimoines culturelset naturels de montagne et lacustres ».

UMR 5607AUSONIUS : INSTITUT DE RECHERCHESUR L’ANTIQUITÉ ET LE MOYEN ÂGE (IRAM)Mise à jour de l’atlas des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.Publication de la revue Aquitania.

UMR 6249LABORATOIRE CHRONO-ENVIRONNEMENTProgramme « Structure, fonctionnement des écosystèmesrécents ».Programme « Dynamique des sociétés, territoires etpaléoclimats ».

UMR 6273CENTRE MICHEL-DE-BOÜARDCENTRE DE RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUESET HISTORIQUES ANCIENNES ET MÉDIÉVALES(CRAHAM)Programme « Cultures, identités et espaces de l’Antiquitéromaine à la fin du Moyen Âge ».

UMR 7055PRÉHISTOIRE ET TECHNOLOGIEProgramme de recherche sur la problématique minièredans la longue durée (établissements pré-incas, incas,coloniaux, exploitations industrielles contemporaines)avec le C2RMF, dans le cadre du LIA MINES ATACAMA.

UMR 7209ARCHÉOZOOLOGIE, ARCHÉOBOTANIQUE :SOCIÉTÉS, PRATIQUES ET ENVIRONNEMENTS(AASPE)Programme « Histoire des interactions entre les sociétéshumaines et les peuplements animaux et végétaux ».

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UMR 7264CULTURES ET ENVIRONNEMENTS.PRÉHISTOIRE, ANTIQUITÉ, MOYEN ÂGE(CEPAM)Mise en réseau des lithothèques (avec le CNP et l’INRAP).

UMR 7268ANTHROPOLOGIE BIO-CULTURELLE, DROIT, ÉTHIQUE ET SANTÉ (ADES)Programme « Étude et conservation des ensemblesfunéraires de la Préhistoire récente à l’Époque moderne ».

UMR 7299CENTRE CAMILLE-JULLIAN (CCJ)HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIEDE LA MÉDITERRANÉE ET DE L’AFRIQUEDU NORD, DE LA PROTOHISTOIRE À LA FIN DE L’ANTIQUITÉProgramme « Histoire et archéologie de la GauleNarbonnaise, de l’Afrique antique, de la colonisationgrecque ».

UMR 7302CENTRE D’ÉTUDES SUPÉRIEURESDE CIVILISATION MÉDIÉVALE (CESCM)Partenariat scientifique avec la DRAC Nouvelle-Aquitaine.

UMR 7324CITÉS, TERRITOIRES, ENVIRONNEMENTET SOCIÉTÉS (CITERES)Étude des relations des sociétés du passé à l’espace, avec le laboratoire Archéologie et territoires.

UMR 8096ARCHÉOLOGIE DES AMÉRIQUES (ARCHAM)Archéologie des Antilles et des Guyanes.

UMR 8167ORIENT ET MÉDITERRANÉE, TEXTES – ARCHÉOLOGIE – HISTOIREProgramme de recherche sur les collections d’égyptologiedu musée Rodin.

UMR 8215TRAJECTOIRESProgramme « Des débuts de la sédentarisationà l’émergence des premiers États ».

USR 3414MAISON DES SCIENCES DE L’HOMMEET DE LA SOCIÉTÉ DE TOULOUSEMise en place d’une application SIG génériquepour l’analyse et l’étude des parois ornées des grottesavec le CNP.

ARCHITECTURE

UMR 5116CENTRE ÉMILE-DURKHEIM (CED)Collaboration avec le laboratoire PAVE (ENSAP Bordeaux)sur les travaux croisant la sociologie, les sciencespolitiques et l’architecture (atelier Ville, et actions de recherche collaborative).

UMR 5295INSTITUT DE MÉCANIQUE ET D’INGÉNIERIEDE BORDEAUX (I2M)Collaboration avec le Groupe de recherche Environnement,confort, conception architecturale et urbaine (GRECCAU,ENSAP Bordeaux) sur les travaux touchant aux ambianceset au confort, à l’écoconstruction et à l’architecture basseconsommation.

ART DU SONORE

FRE 2006PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS, IMAGE, SON, MUSIQUE (PRISM)Programme Locus Sonus

UMR 5800LABORATOIRE BORDELAIS DE RECHERCHEEN INFORMATIQUE (LABRI)Hébergement du Studio de création et de rechercheen acoustique musicale (SCRIME).

UMR 7190INSTITUT JEAN-LE-ROND-D’ALEMBERTSoutien à l’équipe Lutherie-Acoustique-Musique (LAM) :programme « Documents et archives sonores », travaux du GIS SPADON et colloque.

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ARTS VISUELS

UMR 7252XLIMProjet SLIDERS_Lab en partenariat avec l’École européenne supérieure de l’image

CONSERVATIONRESTAURATION DU PATRIMOINECULTUREL

UMR 3685NANOSCIENCES ET INNOVATIONPOUR LES MATÉRIAUX, LA BIOMÉDECINE ET L’ÉNERGIE (NIMBE)Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôle métal).

UMR 5060INSTITUT DE RECHERCHE SURLES ARCHÉOMATÉRIAUX (IRAMAT)Collaboration scientifique avec le C2RMFsur la provenance de l’obsidienne et du jade.Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôle métal).

UMR 5295INSTITUT DE MÉCANIQUE ET D’INGÉNIERIEDE BORDEAUX (I2M)Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôle bois).

UMR 6249LABORATOIRE CHRONO-ENVIRONNEMENT(LCE)Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôlemicrobiologie).

UMR 7055PRÉHISTOIRE ET TECHNOLOGIEProgramme de recherche associant le C2RMF et le LRMH sur la technologie de la pierreet de la métallurgie du cuivre.Participation au projet international de coopérationscientifique (PICS) Neo-Désert avec le C2RMFsur la néolithisation du désert salé d’Atacama au Chili(projet franco-chilien).

UMR 7205INSTITUT DE SYSTÉMATIQUE, ÉVOLUTION,BIODIVERSITÉ (ISYEB)Collaborations scientifiques avec le LRMH(pôle microbiologie) sur l’analyse génomiquede la diversité microbienne d’une grotte ornée.

UMR 7285INSTITUT DE CHIMIE DES MILIEUXET DES MATÉRIAUX DE POITIERS (IC2MP)Collaborations scientifiques entre l’équipe Hygrogéologie,argiles, sols et altérations (HydrASA) et le LRMH (pôlepierre).

UMR 7574LABORATOIRE DE CHIMIE DE LA MATIÈRECONDENSÉE DE PARIS (LCMCP)Programme de recherche sur le greffage desophorolipides, dans le cadre du Labex MATISSE.Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôlemicrobiologie).

UMR 7583LABORATOIRE INTERUNIVERSITAIREDES SYSTÈMES ATMOSPHÉRIQUES (LISA)Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôle vitrail) :Glass and Limestone Alteration : an innovativeMethodology to study its mechanisms and kinetics (projet ANR GLAM).

UMR 7588INSTITUT DES NANOSCIENCES DE PARIS (INSP)Participation du C2RMF à l’École thématiquede la couleur.Programme de recherche du LRMH sur la coloration due au nettoyage laser (JAPILA, projet PNRCC 2012).

UMR 7590INSTITUT DE MINÉRALOGIE ET DE PHYSIQUEDES MILIEUX CONDENSÉS (IMPMC)Collaboration scientifique entre le musée de Minéralogieet le C2RMF, sur la base de minéraux de référence de gisements connus.Programme de recherche du C2RMF sur le verre.Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôles pierre et béton).Partenariat avec le C2RMF et le LRMH dans le cadre du Labex MATISSE.

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UMR 8212LABORATOIRE DES SCIENCES DU CLIMATET DE L’ENVIRONNEMENT (LSCE)Soutien à la plateforme « Laboratoire de mesuredu carbone 14 » (LMC14).

UMR 8233DE LA MOLÉCULE AUX NANO-OBJETS :RÉACTIVITÉ, INTERACTIONSET SPECTROSCOPIES (MONARIS)Convention entre le Laboratoire de dynamique,interactions et réactivité (LADIR) et le C2RMF : analyses en microspectrométrie Raman.Collaboration avec le LRMH sur la consolidation de fibres textiles par pulvérisation de protéines de soie.

UMR 8235LABORATOIRE INTERFACES ET SYSTÈMESÉLECTROCHIMIQUES (LISE)Collaboration scientifique avec le LRMH, pôle béton(thèse sur l’étude de l’interface acier-béton dansles processus de corrosion induits par la présencede chlorures), et pôle métal (contrat d’analyse plomb).

UMR 8247INSTITUT DE RECHERCHE DE CHIMIE PARIS(IRCP)Collaboration scientifique avec le C2RMF : programme de recherche sur la physico-chimiedes matériaux témoins de l’Histoire.

UMR 8529INSTITUT DE RECHERCHES HISTORIQUESDU SEPTENTRION (IRHIS)Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôle métal).

UMR 8589LABORATOIRE DE MÉDIÉVISTIQUEOCCIDENTALE DE PARIS (LAMOP)Collaborations scientifiques avec le LRMH (pôle pierre).

USR3290MINIATURISATION POUR L’ANALYSE,LA SYNTHÈSE ET LA PROTÉOMIQUE (MSAP)Collaboration scientifique avec le C2RMFsur les applications de la protéomique au patrimoineculturel.

ETHNOLOGIEANTHROPOLOGIE —PATRIMOINEIMMATÉRIEL

UMR 7186LABORATOIRE D’ETHNOLOGIEET DE SOCIOLOGIE COMPARATIVE (LESC)Soutien au programme du Centre de rechercheen ethnomusicologie (CREM).

UMR 8177INSTITUT INTERDISCIPLINAIRED’ANTHROPOLOGIE DU CONTEMPORAIN (IIAC)Soutien au Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture (LAHIC).

SOCIOÉCONOMIEDE LA CULTURE

UMR 7170INSTITUT DE RECHERCHEINTERDISCIPLINAIRE EN SOCIOLOGIE,ÉCONOMIE ET SCIENCE POLITIQUE (IRISSO)Recherche sur la pérennisation de l’emploides techniciens de l’audiovisuel français.

UMR 7305LABORATOIRE MÉDITERRANÉENDE SOCIOLOGIE (LAMES)Recherche sur Marseille-Provence 2013 : un nouveau public et quelles pratiques ?

UMR 7363SOCIÉTÉS, ACTEURS, GOUVERNEMENT EN EUROPE (SAGE)Recherche sur les différents temps professionnels dans les métiers de la création, en collaboration avec la Maison interuniversitaire des sciencesde l’Homme – Alsace (MISHA).

UMR 8070CENTRE DE RECHERCHE SUR LES LIENS SOCIAUX (CERLIS)Programmes de recherche : « Quels designs économiqueset financiers pour les musées face à la raréfaction des ressources publiques ? » et « Musées et bibliothèques :vers de nouveaux modèles économiques et de gestion ? »(dans le cadre de l’appel à projets de recherche« La nouvelle économie des institutions culturelles :bibliothèques publiques et musées »).

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UMR 8174CENTRE D’ÉCONOMIE DE LA SORBONNERecherche sur le développement des ressources propresau sein des équipements d’art.

UMR 8598GROUPE D’ÉTUDE DES MÉTHODES DEL’ANALYSE SOCIOLOGIQUE DE LA SORBONNE(GEMASS)Recherche sur la dynamique des inégalités : la formation des représentations, la représentationdes inégalités culturelles.

UMR 9194CENTRE DE RECHERCHE EN ÉCONOMIEET STATISTIQUE (CREST)Recherche sur les effets du développement de l’internetsur la fréquentation des films en salle.

USR 3185MAISON EUROPÉENNE DES SCIENCESDE L’HOMME ET DE LA SOCIÉTÉ LILLE NORD-DE-FRANCE (MESHS)Projet de recherche « Cartes et cartels du spectaclevivant : stratégies et fréquentation ».

POLITIQUESCULTURELLES

UMR 7220INSTITUT DES SCIENCES SOCIALESDU POLITIQUE (ISP)Projet « Mémoloi, mémoire des lois patrimoniales ».Programme de recherche sur le droit des bibliothèques et du patrimoine.

HISTOIRE DE L’ARTET MUSICOLOGIE

USR 3103L’INFORMATION VISUELLE ET TEXTUELLEEN HISTOIRE DE L’ART : NOUVEAUX TERRAINS,CORPUS, OUTILS (IN VISU)Inventaire des collections interculturellesdans les institutions muséales.

HISTOIRE DU LIVRE

UPR 841INSTITUT DE RECHERCHE ET D’HISTOIREDES TEXTES (IRHT)Constitution de corpus numériques des manuscritsmédiévaux des bibliothèques publiques en France,avec campagne de numérisation.

RECHERCHEET ARCHIVES

UMR 7184INSTITUT D’HISTOIRE DU DROITTravaux sur les fonds du Parlement de Paris.Maintenance des bases documentaires.(Unité hébergée par les Archives nationales)

UMR 7220INSTITUT DES SCIENCES SOCIALESDU POLITIQUE (ISP)Programme « Archives et Recherche ».

UMR 8596CENTRE ROLAND MOUSNIER (CRM)Travaux de recherche sur la topographie historiquede Paris.Commissions des Ordonnances, publication des actesdes rois de France.(Unité hébergée par les Archives nationales)

PATRIMOINELINGUISTIQUE

UMR 5478CENTRE DE RECHERCHE SUR LES LANGUESET TEXTES BASQUES (IKER)Projet « Iparrahotsa 2.0 » : application de conversiontexte-voix (TTS) pour le basque navarro-labourdin.

UMR 6004LABORATOIRE DES SCIENCES DU NUMÉRIQUEDE NANTES (LS2N)Programme OCEAN, outil de concordance bilingue librepour l’aide à la traduction.

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UMR 7114MODÈLES, DYNAMIQUES, CORPUS (MODYCO)Programme « Temporalité linguistique en LSF et françaisécrit » : création d’un outil d’aide à l’acquisition de marqueurs temporels chez l’enfant sourd signeur.

UMR 7118ANALYSE ET TRAITEMENT INFORMATIQUEDE LA LANGUE FRANÇAISE (ATILF)Programme ORTOLANG (ajout de nouvelles ressources sur le français aux corpus), en partenariat avecl’UMR 7114 MoDyCo et l’UMR 7309 LPL.

UMR 8202STRUCTURE ET DYNAMIQUE DES LANGUES(SEDYL)Programme ACL-CF : application cartographique en lignepour visualiser le résultat d’enquêtes sur les languesde France.

UPR 3251LABORATOIRE D’INFORMATIQUE POUR LA MÉCANIQUE ET LES SCIENCESDE L’INGÉNIEUR (LIMSI)Programme « ALIBI : augmenter les livres bilingues ».Programme « Atlas sonore des langues de France ».Programme « Outillage et modélisation de la languedes signes française ».

SCIENCESET CRÉATION

UMR 5316ARTS ET PRATIQUES DU TEXTE, DE L’IMAGE,DE L’ÉCRAN ET DE LA SCÈNE (LITT & ARTS)Collaboration scientifique avec Hexagone-Scènenationale Arts Sciences (Grenoble Alpes métropole).

AUTRESSTRUCTURES

LABORATOIREINTERNATIONALASSOCIÉ (LIA)

LABORATOIRE INTERNATIONAL FRANCO-RUSSE « MULTIDISCIPLINARY RESEARCH ONPREHISTORIC ART IN EURASIA » (ARTEMIR)Institutions concernées : UMR 5199 PACEA, UMR 5204EDYTEM, Centre national de Préhistoire, Musée national de Préhistoire, Université de Bordeaux,Université de Savoie Mont-Blanc, Université d’État de Novossibirsk, Institut d’archéologie et ethnographie,Institut d’automatisation et d’électrométrie, Fondation russe pour la recherche fondamentale.

GROUPEMENTSD’INTÉRÊTSCIENTIFIQUE (GIS)

GIS « SUPPORTS PÉRENNES D’ARCHIVAGEDES DONNÉES NUMÉRIQUES » (SPADON)www.lne.fr/fr/r_et_d/gis-don/conservation-donnees-numeriques-gis-don.asp

Ce GIS réunit six organismes de recherche spécialistes de l’archivage numérique. Il s’est fixé comme objectifd’améliorer la conservation des informations enregistréessur les disques optiques numériques (DON), de proposerdes solutions d’archivage stables et de guider les acteursdu domaine (instituts patrimoniaux, fabricants,utilisateurs) dans le choix des supports en précisant leursconditions d’utilisation. Par ailleurs, les membres du GISparticipent aux différents comités de normalisation (ISO, AFNOR, AES).

GIS « HUMANITÉS CLASSIQUES »http://ista.univ-fcomte.fr/gishumanites

Ce GIS vise à renforcer la coopération d’un certainnombre de laboratoires et d’équipes de rechercheconsacrant leurs travaux aux humanités classiqueset à la mise en valeur de leur corpus. Il comprendles disciplines suivantes : philosophie antique,littératures anciennes, philologie, linguistique,archéologie, anthropologie, histoire ancienne, histoire du fait religieux, histoire de l’art et iconographie, histoire et théorie des droits antiques,histoire des sciences et des techniques.

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GIS « STUDIO DE CRÉATION ET DE RECHERCHE EN INFORMATIQUE ET MUSIQUES EXPÉRIMENTALES » (SCRIME)https://scrime.labri.fr/le-scrime-2/

Les champs d’activité du SCRIME s’étendentde la recherche scientifique à la création artistique,en passant par la formation, la diffusion des musiquescontemporaines et la pédagogie en milieu scolaireet universitaire. Il est avant tout un lieu de rencontreentre chercheurs, artistes et enseignants, où chacun échange ses connaissances, ses compétences et son expertise.

GROUPEMENTSDE RECHERCHEET RÉSEAU

GROUPEMENTS DE RECHERCHE (GDR)

GDR 3544SCIENCES DU BOIS (BOIS)https://www6.inra.fr/gdr-sciences-du-bois

Les sciences du bois concernent une communautétrès diverse par ses disciplines, ses thématiqueset les contextes institutionnels. L’objectif de ce GDR est de rassembler cette communauté autour de thèmesscientifiques transversaux, d’axes fédérateurs et d’actions de coordination en matière de pédagogie, de partage de ressources, de relations avec la communauté scientifique internationaleet les professions.

GDR 3644SOCIÉTÉS, PRATIQUES ET ENVIRONNEMENT :DONNÉES ET RÉSULTATS DE L’ARCHÉOZOOLOGIE ET DE L’ARCHÉOBOTANIQUE (BIOARCHÉODAT)http://archeozoo-archeobota.mnhn.fr/spip.php?article236

Au service de grandes questions sociétales concernantl’interface homme-société-environnement-biodiversité,l’archéobotanique et l’archéozoologie produisentdes quantités considérables de données souvent difficilesd’accès et trop peu valorisées. Ce GDR vise à réunirles corpus de données bioarchéologiques dans des basesde données partagées, à utiliser, nourrir et validerces dernières par une série de recherches collaboratives,à consolider les liens existant dans la communautéscientifique au-delà des limites institutionnelleset à valoriser les travaux de cette communautéscientifique émergente.

GROUPEMENTS DE RECHERCHEINTERNATIONAUX (GDRI)

GDRI « SANTÉ DES ÉCOSYSTÈMESET ÉCOLOGIE DES MALADIESENVIRONNEMENTALES » (EHEDE)http://gdri-ehede.univ-fcomte.fr/

Ce GDRI a pour objectif de promouvoir les échangeset d’améliorer la lisibilité des recherches menées en Asieet en Europe associant la santé des écosystèmeset l’écologie des maladies. Configuration uniqueau monde, il rassemble des spécialistes de biologiedes populations et de conservation, des écologuesdu paysage et des communautés, des géographes,des parasitologues, des modélisateurs et des spécialistesdes sciences de la santé de 16 laboratoires de 6 pays.Il mobilise également des acteurs de l’agriculture,de la conservation et de la santé publique, pour aborderdes sujets concernant les perturbations multi-échellesdes écosystèmes régionaux.

GDRI « AMBIANCES ENTRADUCTION/TRANSLATING AMBIANCES(TRA’AM) »www.ambiances.net/seminars/gdri-translating-ambiances.html

Créé à l’initiative du réseau international Ambiances,ce GDRI se propose d’explorer la problématiquedes ambiances en « traduction », c’est-à-dire selondes modalités de traduction linguistique, disciplinaire,sensorielle, et professionnelle. Il s’agit à la foisde reconnaître la pluralité des versions et des modesd’accès aux ambiances, de mettre au travail la notiond’ambiance en l’inscrivant dans un dispositif collaboratif,et d’approcher la thématique des ambiancesarchitecturales et urbaines en s’intéressant aux écartset déplacements qu’elle convoque. Le réseau se positionne au croisement des mondes scientifiques,opérationnels et artistiques.

GDRI « ANCIENT TEXTILES FROM THE ORIENTTO THE MEDITERRANEAN » (ATOM)www.mae.u-paris10.fr/gdri-atom/

Ce GDRI a pour objet de cerner à la fois l’impact de la production textile sur l’environnement au traversde l’agriculture, de l’élevage et de la manipulationdes ressources, son rôle dans l’artisanat, et plusgénéralement dans l’économie, mais aussi l’utilisationdes textiles dans la construction du genre et des identitésindividuelles et collectives. La zone géographiqueconcernée couvre l’Orient et le bassin méditerranéen.Il s’agit de développer de nouvelles approchesinterdisciplinaires pour l’étude des textiles, combinantles données et les expérimentations archéologiques,les enquêtes ethnographiques comparatives, les donnéestextuelles et iconographiques.

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GDRI « PHOTOGRAPHS : PERCEPTION ANDCHANGES » (PHOTOGRAPHS)https://photographs.sciencesconf.org/

Ce GDRI a pour objectif la mise en place d’un réseaud’échange d’informations sur la caractérisationdes photographies du passé et sur leur réception par le public. Il permettra ainsi de faire émerger de nouvelles formes de coopération interdisciplinaireet interinstitutionnelle en vue de développer des protocoles et des normes sur l’étude des photographies.

RÉSEAU

RÉSEAU CAI-RN ARCHÉOMÉTRIE(COMPÉTENCES ARCHÉOMÉTRIQUESINTERDISCIPLINAIRES – RÉSEAU NATIONAL)http://archeometrie.cnrs.fr

Domaine de recherche interdisciplinaire qui faitpartie des sciences archéologiques, l’archéométries’intéresse aux informations enregistrées par les objetsanciens, artefacts ou archives environnementales,observables à travers la mesure instrumentéede paramètres inaccessibles à l’observation visuelle.Ses méthodes relèvent des sciences chimiques et physiques, des sciences de la Terre et de la Vie et des sciences environnementales. Le réseau CAI-RNarchéométrie permet de renforcer les coopérations et les partenariats au sein de la communautédes chercheurs dans ce domaine, et de mutualiserdes moyens.

PUBLICATIONSSOUTENUES

> Revue en ligne Archéologie de la France – Informations

> Revues archéologiques nationales et interrégionales :Aquitania, Documents d’archéologie méridionale (DAM),Revue archéologique de Narbonnaise (RAN),Revue archéologique de l’Est (RAE), Archéologie du Midimédiéval, Revue archéologique de l’Ouest (RAO),Archéosciences, Revue du Nord

> Revue de l’art

> Collection « Archives et Patrimoine »

CONVENTIONS-CADRES

Conventions-cadres entredes établissements publicsdu ministère de la Culture et de la Communication et le CNRS

> Renouvellement de la convention-cadre entrela Bibliothèque nationale de France, établissement publicsous tutelle du MCC, et le CNRS, à compterdu 21 octobre 2015 pour une durée de cinq ans.

> Accord-cadre entre l’Institut national de recherchesarchéologiques préventives (INRAP) et le CNRS, à compterdu 25 mars 2015 pour une durée de quatre ans.

ÉQUIPEX ET LABEX

Liste des Équipex et des Labexauxquels participent conjointementdes structures inscrites dansl’accord-cadre et des institutionsculturelles. Les Équipex et les Labexsont financés par le Programmed’investissements d’avenir —enseignement supérieur et recherche.

ÉQUIPEMENTSD’EXCELLENCE(EQUIPEX)

LE NOUVEL AGLAENouvelle installation d’analyse par faisceaux d’ions pour le patrimoine culturelhttp://c2rmf.fr/analyser/un-laboratoire-de-haute-technologie-pour-les-collections-des-musees/aglae

MATRICEOutils de recherche pour l’analyse de la mémoire par la coopération internationale et les expérimentationswww.matricememory.fr

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BIBLISSIMABibliotheca bibliothecarum novissimawww.biblissima-condorcet.fr

CLIMCORCarottage paléoclimatique : haute résolution et innovationshttp://climcor-equipex.dt.insu.cnrs.fr

CRITEXParc national d’équipements innovants pour l’étudespatiale et temporelle de la zone critique des bassinsversantswww.critex.fr

ORTOLANGOutils et ressources pour un traitement optimiséde la languewww.ortolang.fr

PATRIMEXPatrimoines matériels : réseau d’instrumentationmultisite expérimentalwww.sciences-patrimoine.org/index.php/equipex-patrimex.html

LABORATOIRESD’EXCELLENCE(LABEX)

LASCARBXL’usage du monde par les sociétés anciennes : processuset formes d’appropriation de l’espace sur le temps longhttp://lascarbx.labex.u-bordeaux.fr

IMUIntelligence des mondes urbainshttp://imu.universite-lyon.fr

FUTURBAINSFuturs urbainswww.futurs-urbains.fr

PATRIMAPatrimoines matériels : savoirs, patrimonialisation,transmissionwww.sciences-patrimoine.org/index.php/membres.html

MATISSEMatériaux, interfaces, surfaces, environnementwww.matisse.upmc.fr

CAPCréation, Arts et Patrimoineshttp://labexcap.fr

ICCAIndustries culturelles et création artistique. Numérique et Internethttps://icca.univ-paris13.fr

ARTS H2HArt, recherche, technique et science — Laboratoire desarts et médiations humaineswww.labex-arts-h2h.fr

BCDIVDiversités biologiques et culturelles : origines, évolution,interactions, devenirhttp://labex-bcdiv.mnhn.fr

HASTECHistoire et anthropologie des savoirs, des techniqueset des croyanceswww.hesam.eu/labexhastec

ARCHIMEDEArchéologie et histoire de la Méditerranée et de l’Égypte anciennehttp://archimede.cnrs.fr

PPLes passés dans le présent : histoire, patrimoine et mémoirehttp://passes-present.eu

MEDLes sciences humaines et sociales au cœur de l’interdisciplinarité pour la Méditerranéehttp://labexmed.mmsh.univ-aix.fr

SMARTInteractions humain/machine/humain intelligentes dansla société numériquewww.smart-labex.fr

EHNEÉcrire une histoire nouvelle de l’Europehttp://labex-ehne.fr

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MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION182 RUE SAINT-HONORÉ75033 PARIS CEDEX 01

Ce document peut être téléchargé à l’adresse :www.culturecommunication.gouv.fr/Thematiques/Enseignement-superieur-et-Recherche/La-recherche/Accord-cadre-avec-le-CNRS

Mai 2017