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Presses Universitaires du Mirail Politique industrielle et politique économique au Brésil Author(s): Jacques BERTHELOT Source: Caravelle (1988-), No. 57, NUMÉRO CONSACRÉ AU BRÉSIL (1991), pp. 5-53 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40852019 . Accessed: 15/06/2014 21:29 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.77.146 on Sun, 15 Jun 2014 21:29:23 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Presses Universitaires du Mirail

Politique industrielle et politique économique au BrésilAuthor(s): Jacques BERTHELOTSource: Caravelle (1988-), No. 57, NUMÉRO CONSACRÉ AU BRÉSIL (1991), pp. 5-53Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40852019 .

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C.M.H.L.B. CARAVELLE

n° 57, pp. 5-53, Toulouse, 1991.

Politique industrielle et politique économique au Brésil

PAR

Jacques BERTHELOT Ecote Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse.

¿te

L'image que l'opinion internationale a du Brésil est celle non seu- lement du pays du Sud le plus endetté mais aussi d'un grand pays agricole, qui dispute la place de deuxième exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires, selon les années, à la France et aux Pays-Bas, sans oublier les inégalités sociales criantes, notamment dans la répartition des terres, et les menaces écologiques graves que fait peser la deforestation amazonienne sur l'équilibre climatique mondial.

On sait beaucoup moins que, en 1975 déjà, le Brésil était la hui- tième puissance industrielle, devant l'Espagne, qu'en 1986 les expor- tations de produits manufacturés représentaient plus des deux tiers des exportations totales, dont 48 °/o de produits industriels au sens étroit et 21 % de produits des industries agricoles et alimentaires, et que la production manufacturée était en 1988 4,8 fois plus élevée que la production agricole (15, 105). De fait, l'industrie a été le moteur

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principal de l'économie brésilienne de 1930 à 1980, son taux de crois- sance annuel étant le double de celui de l'agriculture de 1940 à 1980. Par contre il lui est devenu inférieur de moitié de 1980 à 1988, 1,9% contre 3,8%. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les classes dirigeantes, dominées par

les « barons du café », étaient restées libre-échangistes : elles préfé- raient importer les meilleurs produits européens, notamment bri- tanniques, que de promouvoir un développement industriel qui aurait eu pour effet de renchérir la main-d'œuvre des plantations, alors qu'on sortait tout juste de l'esclavage. Les premières impulsions furent données par la guerre 1914-18 qui, en coupant le Brésil de ses fournisseurs et clients, avait révélé les faiblesses d'une économie trop spécialisée dans l'agro-exportation, mais l'industrialisation ne démarrera vraiment qu'avec les années 1930. Après la proclamation de la République en 1889 et jusqu'à 1930, de nouvelles couches socia- les, urbaines (en particulier une bourgeoisie libérale, des classes moyennes et un embryon de classe ouvrière), émergent en effet peu à peu et elles vont disputer à l'oligarchie terrienne la direction des affaires politiques. Mais en 1920, l'agriculture occupe encore 70 % des actifs et génère plus de 80% des exportations alors qu'on ne compte encore que 275 000 ouvriers dans 13 000 usines où dominent les industries agro-alimentaires et textiles Í56).

La crise de 1929 et l'effondrement des cours du café portent au pouvoir le candidat de ces nouvelles couches sociales, Gétulio Vargas, qui favorise l'essor industriel à partir de 1932. Pour cela, il dévalue le cruzeiro, élève fortement la protection, et bénéficie du fait que les capitaux accumulés par le café ne demandent qu'à s'y investir. La production industrielle va alors croître de 5,2 % par an de 1931 à 1940, année où l'on compte 780 000 actifs dans 50000 usines. Le stade de pure substitution aux importations des biens de consommation courante est dépassé, le taux de couverture par la production inté- rieure est supérieur à 90 % dans la plupart des branches (*), Je pays couvrant par exemple ses besoins en fonte et ciment.

L'industrialisation s'accélère à partir de la guerre 1939-45, le taux de croissance annuel passant de 6,5 % de 1941 à 1947 à 8,8 % de 1948 à 1956 puis à 10,7% de 1957 à 1961. La production triple de 1947 à 1961 et le pourcentage des actifs travaillant dans l'industrie passe de 4,8 % en 1949 à 14,2 % en 1964. La production de biens durables et d'équipements égalise dès 1960 celle des biens de consommation courante.

Le brusque ralentissement des années 1962-67 est lié à une forte poussée de l'inflation, passée de 48 % en 1961 à 92 % en 1964 (taux

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sans précédent qui ne sera retrouvé et dépassé qu'à partir de 1980), et à une dégradation de la balance des paiements, déjà négative depuis 1957 (6), ce qui amène les militaires au pouvoir en 1964 et leur fait prendre, sous 'les injonctions du FMI, de sévères mesures d'austérité.

Durant les 6 années du « miracle économique » (1968-1973), le taux de croissance annuel de 10,1 % est principalement tiré par l'indus- trie, particulièrement des biens durables (23,6 %) et d'équipement (18,1 %). Les exportations de biens manufacturés s'accroissent au rythme incroyable de 40,6 % par an, leur part dans les exportations totales ayant presque décuplé entre 1962 et 1970, de 3,9 % à 32,4 % !

Si ce dynamisme des exportations manufacturées se poursuit au rythme de 28 % par an de 1973 à 1980, notamment vers les pays pétroliers, la croissance se ralentit mais reste encore de 7 % par an de 1974 à 1979. Ce ralentissement tient aux effets conjugués du pre- mier choc pétrolier et du déficit accru des paiements courants, passé de 1,7 milliards de $ en 1973 à 10,7 milliards en 1979. La dette exté- rieure bondit en conséquence de 12,6 milliards de $ à 50 milliards, car die est alors généreusement financée par les banques occidenta- les en mal de clients pour recycler les pétro-dollars. L'inflation passe de 15,7 % à 77,2 %, du fait de l'indexation des salaires et des divers revenus du capital.

Le déséquilibre accru des paiements extérieurs ne résulte pas encore tant du poids du service de la dette que du déficit commer- cial : malgré la forte croissance des exportations, les importations vont encore plus vite, tant pour les biens d'équipement et intermé- diaires que les biens durables pour les 20 % à 25 % de Brésiliens qui profitent du système économique. Un équilibre est alors maintenu entre promotion des exportations et substitution aux importations. Mais en 1978 un clignotant passe au rouge : le ratio du service de la dette atteint 66,4 % des exportations et le second choc pétrolier va donner le coup de grâce à une économie rongée par de profonds déséquilibres.

Le Brésil est aujourd'hui l'un des rares pays du Sud à posséder un tissu industriel relativement complet. Si les industries agricoles et alimentaires restent en 1988 la principale branche, avec 14 % de la valeur ajoutée industrielle, elles sont suivies de près par la chimie (13,4%), puis viennent la mécanique (11,8%), la métallurgie (8,2%), le matériel de transport (7,9 %), le matériel électrique et de commu- nications (7,3 %) (41). Le Brésil est aussi un important exportateur de produits haut de gamme, par exemple d'avions ou de services d'ingénierie industrielle: en France même, les Bandeirantes èqui-

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pent plusieurs lignes aériennes régionales et l'armée de l'air s'entraîne sur des Tucanos (74). 52 °/o des exportations manufacturées sont des- tinées en 1985 aux pays occidentaux, alors que 59 % allaient vers les pays du Sud en 1965.

Ces flatteuses performances ne doivent pas toutefois cacher le prix auquel elles ont été payées, sur le plan social comme économique, en particulier au cours de la décennie écoulée.

Quelles ont été les principaux mécanismes macro-économiques ayant abouti à la stagnation globale, et notamment industrielle, des années 80 ? Quels ont été les principaux moteurs de la politique industrielle ? Pourquoi l'industrie n'a-t-dle pas réussi à impulser le développement équilibré du Brésil ? Telles sont les questions auxquelles cette analyse va tenter de répondre.

A

LA CROISSANCE FREINËE PAR LE SERVICE DES DETTES EXTERNE ET INTERNE DANS LES ANNÉES 1980

Alors que les 8,8% de croissance annuelle des années 1965-80 s'expliquent par le taux de croissance industrielle de 10,1 %, contre 3,8 % pour l'agriculture, les 2,9 °/o de croissance annuelle des années 1980-88 sont largement imputables à l'industrie (2,6 % contre 3,5 % pour l'agriculture), d'autant que son poids dans le PIB n'a cessé de croître, de 33 % en 1965 à 43 % en 1988 (I6). Si on fait abstraction de la bonne année 1980, le taux de croissance tombe à 2,1 % de 1981 à 1989, avec 0,9 % seulement pour l'industrie Í38). Avec la forte récession de 1990, la croissance des années 1981-90 a été nulle. Le revenu par tête baisse déjà de 0,2 % par an de 1981 à 1989 après avoir augmenté de 3,2 % dans les années 60 et de 6,1 % dans les années 70 (").

Cette décennie connaît trois périodes : ime grave récession de 1981 à 1983, le PIB décroissant de 5 % de 1980 à 1983 et le volume de l'in- dustrie de transformation de 16,2 °/o ; une embellie de 1984 à 1986, le taux de croissance industrielle passant de 6,1 % en 1984 à 10,9 % en 1986, mais sans que le taux d'utilisation des capacités de pro- duction ne retrouve son niveau de 1980 ; une nouvelle récession enfin de 1987 à 1990, le PIB stagnant en 1988 alors que la production décroît de 3,2 %, remontant de 2,9 % en 1989 comme la production indus- trielle (3 %), le traitement de choc du plan Collor entraînant tine

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récession record en 1990 (chute de 4,6 % du PIB), principalement imputable à l'industrie (- 8 %) Í45, 123).

Le poids croissant de la dette extérieure et de lia dette publique interne ont nourri, et ont entretenus par, les trois virus des déficits publics, de l'hyperinflation et de la baisse des investissements. Cela a entraîné une nette détérioration du niveau de vie de l'immense majorité de la population, par suite de l'incapacité politique des gouvernements successifs à imposer des réformes structurelles indis- pensables pour parvenir à un minimum de consensus social, et ce en dépit de la démocratisation intervenue en 1985. Reprenons ces divers points.

La dette extérieure et ses facteurs exogènes

De 53,8 milliards de $ fin 1980, la dette à moyen et long terme est passée à 104,4 milliards fin 1988, la dette totale à 115 milliards puis à 122 milliards fin 1990 (du fait des 8 milliards d'intérêts non payés depuis 1989), et ceci malgré le contexte globalement récessif de cette période Í35, 37, no). En dépit des rééchelonnements et de la faible part du principal remboursé, le service de la dette a constamment dépassé depuis 1981 et jusqu'en 1987 le sdlde de la balance commer- ciale pourtant supérieur à 10 milliards de $ depuis 1984 (16, ni, 116). Ce n'est qu'en 1988 que le solde commercial record (19,1 milliards de $, situant le Brésil au 3e rang mondial, après le Japon et la RFA) a été supérieur au service de la dette, bien que celui-ci ait aussi atteint 18 milliards (le record ayant été de 20,6 milliards en 1982) dont 11 milliards d'intérêts et 6 milliards de rachat de dettes conver- ties en actions. Le Brésil a ainsi payé 91,5 milliards de $ d'intérêts de 1980 à 1988 (*>3). Aucun intérêt n'a cependant été payé entre mars et décembre 1987 ni depuis 1989 sur les 72 milliards de $ à plus d'un an dus aux banques commerciales.

Le service de la dette externe à plus d'un an implique ainsi, pour les seuls intérêts, une ponction de 4,5 % du PIB en 1988 (*) et de 42 % de la valeur des exportations (16). Ce pourcentage diminue depuis 1986 avec la croissance des exportations puisqu'il était de 55 % en 1982.

(*) Ces 4,5 % avancés par la Banque Mondiale (16) sont en contradiction avec les 1,5 % donnés par la Banque Centrale (103, 124).

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Si l'impossibilité d'assurer le service de la dette a été le principal facteur de croissance de celle-ci, trois facteurs exogènes ont aussi joué un grand rôle : la montée des taux d'intérêt, la dégradation des termes de l'échange, les fluctuations du dollar. C. Furtado esti- mait en 1983 que la seule croissance des taux d'intérêt sur les mar- chés financiers internationaux entre 1979 et 1982 avait alourdi la dette de 15 milliards de $, le taux réel moyen de l'eurodollar étant passé de 0,7 % pour 1974-78 à 5,3 % en 1979-82 (™, «), et I. Sachs avance 36,8 milliards de $ pour la période 1968-1986 (93). 74% de la dette publique est en effet en 1986 à taux variable. Le problème reste hélas d'actualité, les taux d'intérêt réels ayant poursuivi leur hausse en 1988 puis à nouveau en 1990 après un certain tassement en 1989.

C. Furtado ajoute que la dégradation des termes de l'échange intervenue durant les 4 années 1979-1982, compte tenu notamment du renchérissement des produits pétroliers importés, représentait un manque à gagner de 25 milliards de $ et I. Sachs avance le chiffre de 40 milliards pour les années 1968-1986 (93). Si les prix du pétrole ont bien baissé dans les années 80 (surtout depuis la dépréciation du $ en 1985), ils ont remonté depuis août 1990 tandis que la dégra- dation des cours des produits agricoles s'est considérablement accé- lérée, le café et le cacao ayant atteint depuis 1989 leur niveau le plus bas en terme de pouvoir d'achat.

Si la dépréciation du dollar dans les années 70 avait stimulé l'en- dettement en cette monnaie, sa hausse de 1980 à 1985 a énormément accru le service de la dette en monnaie nationale, la baisse du dollar depuis 1985 augmentant par contre la valeur en $ de la dette contrac- tée en devises autres que le dollar (dont la part est de 40,3 % en 1987 contre 34,7 % en 1980).

Quant aux opérations de conversion en cruzados de dettes échues rachetées avec décote par la Banque Centrarle aux détenteurs actuels qui les avait rachetées auparavant sur le marché gris de la dette (avec une décote passée de 25 à 70 % entre début 1986 et mi-1989), leur impact est ambigu. Certes dies ont porté en 1988 sur 6,1 mil- liards de $ (10 milliards même avec la conversion informelle), rédui- sant le stock de la dette de 121 à 115 milliards de $. Mais la balance des paiements ne s'améliore pas dans les mêmes proportions car la conversion de la dette donne lieu à plusieurs manœuvres. D'une part, les cruzados obtenus, censés être réinvestis en actions d'entreprises brésiliennes (debt equity swap), permettent plusieurs tours de pédale de bicyclette financière aboutissant à réexporter plus de $ que ceux versés pour le rachat avec décote de la créance (dans la mesure où le taux de dépréciation du cruzeiro sur le marché parallèle est infé-

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rieur à la décote des créances imposées par la Banque Centrale au nouveau détenteur) (83). D'autre part, les firmes étrangères en pro- fitent pour rapatrier le maximum autorisé de profits, en obtenant les devises au taux officiel, tout en réinvestissant sur place les cruza- dos obtenus à partir soit de créances rachetées sur le marché gris de la dette, soit du marché parallèle des changes (107, 103). Ces opéra- tions contribuent donc à accélérer la surévaluation du cruzeiro offi- ciel et à dégrader la balance des paiements. C'est pourquoi le Brésil a suspendu 'le programme de conversion de dettes en décembre 1988.

Hyperinflation et absence de consensus social

L'inflation, passée de 110 % en 1980 à 1783 % en 1989 et 1794 en 1990, résulte tant des lourds déficits budgétaires que des mécanis- mes d'indexation des prix et revenus du secteur moderne, en l'ab- sence d'un consensus social possible sur un gel durable des prix et revenus. Les fréquentes mini-dévaluations, en dehors des pério- des de gel des prix et revenus des « plans » successifs entrepris depuis 1986 pour extirper l'inflation, ont également alimenté l'infla- tion importée.

L'absence de consensus social vouait ces plans à l'échec : plan Cruzado en 1986, plan Bresser en 1987, plan Verão en 1989 (avec le nouveau cruzado), plan Collor depuis 1990 (avec retour au cruzeiro). Leur réussite aurait supposé que les salariés du secteur moderne, pour ne pas parler de la majorité silencieuse des exdus du secteur informel urbain et rural, considèrent comme équitable la réparti- tion des revenus existante au début des périodes de gel des prix et revenus. C'est pourquoi l'on a parlé d'inflation inertielle (3, ̂). Du moins ces plans hétérodoxes, avec gél des prix et cherchant plu- tôt à relancer la consommation intérieure qu'à la limiter, ont-ils été moins récessifs que la politique d'ajustement structural orthodoxe imposée par le FMI dans les années 1981-84 (3, 12<>).

Hyperinflation, dette interne et dette externe

Le déficit budgétaire et le poids croissant du service des dettes externe et interne sont interreliés de façon complexe. Si la dette publique interne est de plus en plus nourrie par les titres publics versés aux exportateurs pour le rachat des devises nécessaires au service de la dette externe, cela s'explique aussi par la politique

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budgétaire laxiste des années 70 où le recours à l'endettement exté- rieur, certes très attractif du fait de taux d'intérêt réel quasi-néga- tifs, ne résultait en définitive que de l'incapacité pdlitique à adapter la fiscalité aux capacités contributives de chacun (89). Critiquer ce laxisme budgétaire n'implique pas l'adhésion à l'idée dominante du « trop d'Etat », au vu notamment de la précarité des consommations collectives populaires, mais soutient l'idée d'un « autre Etat » (57,123).

Si 23,2 % de la dette externe est d'origine strictement publique C33), la dette publique et à garantie publique atteint 89 % de la dette totale à plus d'un an en 1988 (U6). C'est en effet l'Etat qui, dans les années 1970 surtout, a encouragé les entreprises, principalement publiques et secondairement privées, à s'endetter en devises. Cela lui permettait de récupérer les devises dépassant les besoins d'im- portation des entreprises concernées pour financer, non seulement le service de la dette externe (96), mais aussi le déficit public interne.

Deux moyens ont été utilisés pour inciter les entreprises à s'en- detter en devises : d'une part, la fixation délibérée de taux d'intérêt internes supérieurs aux taux internationaux, ce qui permettait aussi de lutter contre l'inflation mais augmentait le service de la dette interne ; d'autre part, le risque de change a été assumé par l'Etat à partir de 1977, le dépôt auprès de la Banque Centrale des devises empruntées étant indexé sur le taux de change et rémunéré au LIBOR, correspondant à une étatisation du fait de la dette privée

Le principe de la correction monétaire est en effet en vigueur depuis 1965, non seulement pour les titres publics, mais aussi, avec des retards variables, pour les tarifs publics, les impôts, les loyers, le taux de change, les livrets d'épargne et d'autres actifs mobiliers. Les salaires eux-mêmes ont été indexés mais ils seront les grands perdants car l'indexation n'est intervenue pour eux qu'une fois par an jusqu'en 1979 et 2 fois par an depuis, alors qu'elle était bien plus fréquente voire continue pour les actifs financiers.

Les premiers titres publics - l'ORTN, titre à 2 et 5 ans lancé en 1965, et la LTN, titre de court terme créé en 1970 - sont indexés sur l'inflation observée ou sur le taux de change. De 1965 à 1979, la correction monétaire s'est faite en fonction de l'inflation car la cor- rection en fonction du change aurait été inférieure. Dès la fin 1970, ces deux titres drainent la moitié de l'épargne nationale (21).

A partir de 1981-83, l'interruption des financements extérieurs oblige le gouvernement à émettre un volume accru de titres attrac- tifs pour capter l'excédent croissant de la balance commerciale auprès des entreprises privées (qui réalisent 80 % des exportations),

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d'autant que l'inflation élevée impliquait de stériliser la contrepartie monétaire de cet excédent (10). Dans la mesure où les titres étaient aussi indexés sur le taux de change, la surévaluation du taux de change officiel du cruzeiro, de 15 °/o environ dans les années 80, a accru d'autant la dette publique internei64).

En 1988, les opérations de debt equity swap auraient accru de 40 % le volume d'émission de monnaie et de titres publics, alimen- tant fortement l'inflation (107).

Déficit budgétaire, dette interne et démonétisation de V économie

Une grande partie de l'endettement interne a cependant une origine endogène. Depuis 1971 le service de la dette interne n'est plus imputé au Budget fédéral et échappe donc au contrôle parlementaire, auto- risant une politique laxiste d'endettement public. Une part notable des titres émis permet à la Banque Centrale d'approvisionner un compte de la Banque du Brésil (compte supprimé en 1986) pour l'octroi de subventions, en particulier à l'agriculture, qui n'apparais- sent donc pas au Budget général (37, 10) mais au Budget monétaire (w). C'est ainsi que les subventions ont pu passer de 3 % du PIB et de 31,9 % des recettes fiscales en 1973 à respectivement 7,6 % et 99,2 % en 1980, sans que les députés aient à en débattre (10) !

Le déficit budgétaire, solde des dépenses et recettes définitives du Trésor, dont la charge de la dette publique, recouvre au Brésil plu- sieurs réalités. D'abord la dette publique totale comprend la dette interne fédérale mais aussi celle des Etats, communes et entreprises publiques, la seconde correspondant à 12 % du PNB en 1989 contre 13 % pour la dette fédérale, la dette publique extérieure correspon- dast en outre à 25 % du PNB, soit 50 % pour la dette publique totale, externe et interne (23). Ensuite, il y a deux acceptions principales du déficit public (les deux excluant le service de la dette du Trésor auprès de la Banque Centrale) : le déficit opérationnel ou réel (retenu par FMI et Banque Mondiale) (") correspond au déficit de l'ensem- ble du secteur public et inclut notamment le service de la dette interne aux mains du public effectivement payé (intérêts et principal remboursé avec correction monétaire et éventuellement de change), mais exclut la correction monétaire sur l'encours de la dette interne totale ; le déficit nominal, calculé aux prix courants, prend en compte ia correction monétaire sur l'ensemble de la dette aux mains du

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public (encours et service) Í58, 10). La différence entre déficits opéra- tionnel et nominal est importante: le premier est passé de 6% du PNB en 1981 à 2,7 % en 1984 et à 12,4 % en 1989 (la brusque aug- mentation du déficit opérationnel en 1989 tient à la forte hausse des taux d'intérêt internes, les intérêts sur la dette interne passant de 2,9 % du PNB en 1988 à 9,5 % en 1989) (**), le second de 12,7 % à 23,3 % et à 73 % respectivement. Une des raisons de la différence tient au fait que la correction monétaire a souvent été, depuis la seconde moitié des années 80, très inférieure à 'l'inflation (dans la mesure où elle était calculée sur l'inflation passée et non sur celle en cours). Cela signifie aussi que le déficit nominal n'est que poten- tiel, dans la mesure où le retard ultérieur de la correction monétaire sur l'inflation permettra de le réduire fortement. Dans la mesure où la correction monétaire effective sur le service de la dette a été inférieure à l'inflation, le déficit opérationnel effectif a été lui-même inférieur au déficit opérationnel calculé par la Banque Centrale : il aurait été de 3,7 % du PIB en 1987 au lieu de 5,5 % affichés par la Banque Centrale, le service de la dette interne ayant même été néga- tif (- 1,5 % du PIB) au lieu du 0,3 °/o du PIB affiché (58). Mais le déficit nominal est le facteur le plus déterminant de l'inflation puis- que tous deux peuvent se développer en l'absence même de déficit réel (88).

L'accélération de l'inflation à partir de 1980 et la morosité corol- laire des souscripteurs potentiels de LTN et d'ORTN ont obligé la Banque Centrale à détenir une part croissante du portefeuille de titres, qui passe de 15,2 % en 1977 à 67,6 % en 1986 puis retombe à 48,3 % en 1989. La correction monétaire de 1980, très inférieure à l'inflation (21), ayant refroidi les épargnants, les titres émis à partir de 1980 vont bénéficier de la correction de change, plus crédible que celle basée sur l'inflation et les 2 maxi-dévaluations de 1980 et de 1983 seront très avantageuses pour les souscripteurs. Il n'empêche que les ORTN (et OTN) vont se déprécier de 52,1 % de 1980 à 1988, la correction monétaire effective ayant été très inférieure à l'in- flation i58).

Avec la LBC (lettre de la Banque Centrale) en 1986 et la LFT (lettre financière du Trésor) créée en 1987, la correction monétaire n'est plus préfixée mais calculée a posteriori, ce qui en a fait une vérita- ble monnaie parallèle au cruzado depuis 1987, notamment la LFT. Emise à très court terme, son pouvoir d'achat est indexé quotidien- nement et porte un intérêt réel positif, celui de i'overnight, titre au jour le jour dont le taux est défini chaque jour par la Banque Cen- trale et qui tient compte du taux d'inflation (un autre titre, le BTN,

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servant de référence à l'inflation quotidienne). La seule façon de conserver ile pouvoir d'acat de son épargne ou de sa trésorerie consiste à les convertir aussitôt en LFT Í90), ce que font chaque jour les banques pour leurs disponibilités et pour leurs clients, s'ils dis- posent en compte d'au moins 50 000 cruzados (valeur de septembre 1988), soit 2 mois de sailaire minimum, excluant les 52 % de Brési- liens au revenu inférieur (21). De fait, l'IBGE vient de révéler en 1990 que seuls 31,6% des Brésiliens ont un compte bancaire Í60).

On a donc assisté à une démonétisation progressive de l'économie brésilienne, les billets de banque et comptes à vue (Ml) représentant un pourcentage de plus en plus négligeable des liquidités (M4), puis- que les titres publics et les livrets d'épargne, eux aussi indexés, sont devenus de plus en plus liquides et constituent la seule monnaie crédible. Ainsi billets et comptes à vue ne représentent plus fin 1989 que 7 % des liquidités, contre 44% fin 1978, la LFT représentant 97,9 % des titres publics.

Les garanties offertes par ces titres ont permis au Brésil de connaî- tre une dollarisation bien plus faible de son économie que les autres pays d'Amérique latine (23), mais la dollarisation n'en existe pas moins et les prix en dollar concernent surtout le marché immobilier et certains biens importés ou leurs substituts nationaux: le blé par exemple est payé aux producteurs en dollar en 1987 et 1988 (20). De même, avec la montée de l'incertitude sur la pérennité de l'indexa- tion, le taux de change cruzado-cruzeiro/dollar sur le marché paral- lèle a connu de nombreuses périodes de forte surcotation par rap- port au taux de change officiel.

Cependant, même si, certains mois, les taux d'intérêt réels dépas- sent 15%, sur les 8 années 1981-88 la rentabilité réelle moyenne annuelle des titres d'Etat n'aurait pas excédé 1,6 %, du fait des périodes où l'indexation n'a pas joué, notamment aux premières phases des plans Cruzado, Bresser, Verão F) et Collor. Selon une autre source cependant, le taux moyen annuel pondéré des prêts (publics et privés) aurait été de 19% environ de 1980 à 1986 (124). Les phases de désindexation ont constitué un sérieux ballon d'oxy- gène pour le gouvernement, l'hyperinflation permettant d'éponger très rapidement une partie significative de la dette interne.

Au totali, le financement du maintien du pouvoir d'achat des LFT a beaucoup nourri l'inflation en obligeant le gouvernement à émettre un volume croissant de cruzados, qui s'est accru de 43 % par exem- ple pour le seul mois de septembre 1989. D'un autre côté, pendant les années 70 au moins, l'émission des titres a été moins inflation- niste que ne l'aurait été un financement monétaire du déficit. Avec

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la conversion quotidienne des LFT indexées en billets, cet avantage a disparu, d'autant que, dans un système monétaire normal, billets et dépôts à vue (Ml) ne sont pas rémunérés.

A la racine du déficit budgétaire : le déficit des entreprises publiques et une pression fiscale insuffisante face à des subventions et exemptions fiscales excessives

Le poids de la dette interne dépasse désormais celui de la dette externe publique ou à garantie publique, non seulement en valeur (100,8 milliards de $ contre 87,7 milliards fin 1989) (10), mais surtout par son impact économique global. Cette dette interne découle en effet de l'accumulation, année après année, de déficits budgétaires nourris principalement à trois sources : outre le service de la dette interne elle-même, qui en entretient la croissance, il s'agit du déficit des entreprises publiques et d'une politique fiscale déséquilibrée, avec des recettes fiscales en baisse relative mais un octroi laxiste de subventions et d'exemptions fiscales.

Le déficit des entreprises publiques a représenté en moyenne 42 % du déficit du secteur public de 1981 à 1986, leurs dettes atteignant 79 milliards de $ en 1990, soit 17,8 milliards de plus que la valeur de leur actif (2, 42) ! On y reviendra.

Alors que les dépenses publiques passent de 19,7 à 23,5 % du PIB entre 1970-74 et 1988, les recettes fiscales baissent de 3,8 points (de 25,9 à 22,1 %), l'augmentation des dépenses étant imputable pour 2,8 points au service des dettes externe et interne (de 0,6 à 3,4 °/o) et la baisse des recettes provenant des impôts indirects pour 3,5 points. La baisse de 8,2 % de l'épargne publique en proportion du PIB (de 6,3 % à - 1,9 %) tient donc à l'incapacité gouvernementale de com- penser les faibles rentrées imputables à la baisse d'activité par une augmentation adéquate des impôts directs qui, bien qu'ayant aug- menté de 1 point, ne dépassent pas encore les impôts indirects et sont très régressifs sur le plan social (103, I24). En particulier la fisca- lité sur les revenus du capital et agricoles était quasi-inexistante avant les premières mesures prises en octobre 1988 (nouvelle Consti- tution) puis en mars 1990 (plan Collor) («).

Les subventions publiques fédérales sont passées de 1,5 % du PIB dans les années 70 à 2 % dans les années 80 mais baissent depuis 1987 (0,8 % du PIB en 1988) («*). En 1989, les 8 principaux types de subventions portent sur 2,2 milliards de $. On peut y ajouter les

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exemptions fiscales multiples, notamment 62 mesures équivalant à 5,5 milliards de $ en 1989 (41). Les subventions et exemptions fiscales aux exportations de produits manufacturés ont représenté en moyen- ne 53,3 % de la valeur des exportations de 1979 à 1983 et 40,2 % de 1984 à 1987 (103), ce qui est colossal puisqu'impliquant une perte ou un manque à gagner de plus de 10 milliards de $ par an, un lourd tribut supplémentaire à imputer en définitive au service de la dette externe.

Outre celles relatives aux exportations de produits agricoles trans- formés, 'les subventions agricoles ont surtout pris la forme de boni- fications d'intérêt, moyen privilégié de la politique agricole de 1974 à 1983 et qui a fait bénéficier les agriculteurs d'un taux d'intérêt réel moyen de - 23,4 % sur cette période Í64) ! Blé et Proalcoal absorbent en 1987 plus du quart des dépenses publiques agricoles, lesquelles ont été financées de 1980 à 1987 à 53 % par le Budget monétaire, donc hors Budget général. Si ces 2 programmes ont accru l'autonomie ali- mentaire et énergétique du pays, leurs coûts sociaux ont eux aussi été élevés : le blé est peu consommé par les classes populaires (20, M) et le programme Proalcoòl a accéléré la marginalisation des ouvriers agricoles et petits paysans.

Une dernière remarque s'impose : rapportée au PIB, la dette publi- que interne n'apparaît pas exorbitante comparativement aux pays occidentaux (mais ceux-ci sont en mesure d'y faire face) : elle était d'un peu plus de 33 % début 1989 contre 26 % en France, 50 % aux EU, 65 % au Japon. Mais sa vitesse de croissance est incomparable- ment supérieure et s'accélère (21) : alors que l'accroissement annuel de la dette fédérale représentait 35,7 % des recettes fiscales en 1977, il leur est 11,6 fois supérieur en 1989 (™) ! Surtout, son échéance n'a cessé de se rétrécir, étant passée de 3 ans en 1982 à 1 an en 1985 puis à 2 mois en janvier 1989, ne laissant aucune marge de manœu- vre à l'Etat (21). L'extrême liquidité de cette dette nécessite donc de la consolider. Il a été opportunément proposé de convertir la dette interne en actions d'entreprises publiques ou de créer un fonds d'amortissement constitué d'actions d'entreprises publiques et de devises fortes sur lequel seraient gagées des émissions de bons négociables (124).

La forte croissance de la sphère financière nourrie par la dette interne

Pour trouver des souscripteurs aux titres publics du fait de l'incer- titude quant à la continuité de leur indexation, et alors que les taux

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réels n'ont cessé de croître sur le marché international depuis 1981, ceux du Brésil ont été fixés depuis 1987 à des niveaux encore plus élevés i35). Fin 1989 le taux réel net sur les titres publics est d'envi- ron 40 °/o Fan, ce qui représente un transfert annuel de 18 milliards de $ aux souscripteurs, bien supérieur à celui de la dette externe (101). Cela a permis de limiter la fuite des capitaux comparativement aux autres pays latino-américains. Cette fuite a néanmoins été estimée à 3 milliards de $ de 1976 à 1982, à 7 milliards de $ de 1983 à 1985, et entre 6,5 à 10 milliards pour la seule année 1989.

Avec l'hyperinflation, les taux d'intérêt sont calculés sur une base mensuelle, les banques exigeant une rémunération de 3 % à 15 % par mois supérieure au taux d'inflation (106) î En septembre 1989, les banques ordinaires prêtent ainsi à un taux annuel supérieur de 45 % au taux d'inflation, la Banque du Brésil, principale banque commer- ciale publique, prêtant à un taux réefil de 18 % i48). Ce ¡haut niveau des taux réels faisait partie de la stratégie anti-inflation du plan Verão de 1989 puis du plan Col'lor. En octobre 1990, le crédit aux entre- prises est à 32 % par mois, soit 2700 % par an, ailors que l'inflation mensuelle attendue était de 13 %, soit un taux réel de 706 % par an ; de même 'les CDB, certificats de dépôts bancaires, titres indexés les plus rémunérateurs du moment, rapportaient 25 % par mois, soit un taux réel de 290 %, le triplement de sa mise en un an ! Le Brésil détiendrait ainsi le record mondial des taux d'intérêt réels (117).

Si, on l'a vu, le taux réel des titres publics est cependant resté faible en moyenne de 1981 à 1988, cette faible rémunération moyenne ne signifie pas grand'chose pour des titres à très court terme (37), et le taux réel très élevé observé sur de courtes périodes, surtout depuis 1988, a autorisé des gains spéculatifs considérables. A tel point que les dollars tendent parfois à refluer au Brésil afin de profiter de l'aubaine (35) ! D'où aussi le fait qu'un grand nombre d'entreprises aient préféré placer leurs disponibilités sur le marché financier plu- tôt que de réaliser des investissements productifs (57). Les profits financiers des 500 premières entreprises ont ainsi représenté en 1989 25 % du montant de leur chiffre d'affaires, soit une croissance en volume de 32 % sur 1988, se traduisant par une augmentation de 5,3 % de leur taux de profit (profit net sur actif total) en dépit d'une réduction de chiffre d'affaires de 4,5 % en volume (43) ! Les profits financiers des entreprises exportatrices en particulier (mais ces pro- fits sont réalisés sur le marché financier interne) sont passés de 3,9 % de leur chiffre d'affaires en 1986 à 6,1 % en 1987, 25,5 % en 1988 et 32 % en 1989 (45) |

Les marchés financiers brésiliens sont donc surtout des marchés

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de titres à très court terme bien plus que de titres d'épargne longue (actions et obligations), compte tenu des incertitudes à long terme dans un contexte d'hyperinflation et de l'effet dissuasif des taux d'intérêt élevés sur ces titres. Alors que les transactions quotidiennes de titres publics ont été de 60 milliards de $ en 1989, celles sur actions se limitaient à 69,2 millions de $ et sur obligations à 130 mil- lions (10,108).

L'euphorie du marché des titres publics a cependant profité aussi au marché des actions, d'autant que leur cours restait bien en deçà de leur valeur patrimoniale, leur price earning ratio moyen étant en effet de 9 en 1989 contre 19 en moyenne mondiale. Le climat d'in- certitude quant à la permanence de l'indexation profite en effet aux actifs réels, auxquels on peut assimiler les actions tout comme l'or et les devises. Mais ce qui a eu les conséquences sociales les plus lour- des a été la forte croissance de la spéculation immobilière et fon- cière, le prix réel des terres agricoles ayant ainsi doublé de 1980 à 1986 C64). Ceci éloigne encore plus l'éventualité d'une quelconque application de la réforme agraire, votée en 1985 mais officiellement enterrée par la Constitution de 1988.

L'activité boursière s'est développée bien plus au Brésil que dans les autres pays latino-américains puisque sa part dans la capitalisa- tion boursière en actions des cinq principaux pays (avec Argentine, Chili, Mexique, Venezuela) est passée de 24 °/o en 1980 à 54 % en 1989, la capitalisation étant multipliée par 4,8 au Brésil contre 3,9 en moyenne mondiale (108). Toutefois la rentabilité des placements en actions de 1975 à 1988 a été inférieure au Brésil à celle du Chili, du Mexique et de l'Argentine comme à la moyenne des pays occiden- taux. Mais Argentine et Brésil détiennent le record mondial de la volatilité des rendements boursiers depuis 5 ans, ce qui traduit le caractère fortement spéculatif des gains comme des pertes.

Même si la forte croissance des activités financières résulte très largement de l'hyperinflation, il est anormal de constater que la part des institutions financières dans le PIB, qui était de 6,4 % en 1970 contre 12,3 % pour l'agriculture, l'a dépassée depuis 1981 et lui est de 70 % supérieure en 1987 (15,1 °/o contre 8,9 °/o) (<&) ' a titre de comparaison le poids des institutions financières se limite en France à 5,1 °/o du PIB en 1989 (6 °/o avec les assurances).

Chute des investissements productifs et récession

Ces taux d'intérêt prohibitifs ont bien eu l'effet recherché de refroidir aussi bien la consommation que l'investissement, trop sans

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doute puisque l'insuffisance de la demande et le niveau des frais financiers sont les deux raisons majeures avancées par les indus- triels pour la faiblesse de leurs projets d'investissement (36, 46).

Ce processus de désinvestissement est à l'œuvre depuis de nom- breuses années. Alors que l'investissement total s'est élevé en moyen- ne de 11,2 % par an de 1965 à 1980, il a stagné de 1980 à 1988 (16), ne représentant plus alors que 23 % du PIB contre 25 % en 1979. Les investissements se sont même effondrés de 13,6 % en 1990, un des revers les plus lourds du plan Collor (46). La baisse des investisse- ments publics en est largement responsable car la rentabilité des investissements privés est de moins en moins assurée en leur absen- ce (2). Le pourcentage des dépenses publiques consacrées aux activi- tés économiques est passé de 23,3 % en 1972 à 12,1 % en 1988 (16).

Ainsi se boucle le cercle vicieux de la désindustrialisation (96) et de la récession récentes au Brésil. Si la forte poussée des exportations a permis de compenser en partie et pour un temps le rétrécissement du marché intérieur, ce qui restait de devises, une fois assuré le service de la dette externe et payées les importations incompressi- bles de pétrole et de blé, n'a pas permis d'importer les biens d'équi- pement nécessaires à la production industrielle. Alors que les impor- tations globales ont augmenté de 8,2 % par an de 1965 à 1980, elles ont diminué de 2,9 % par an de 1980 à 1988 (16), celles d'équipement étant les plus frappées.

En effet, le pourcentage des équipements importés, de 23,3 °/o en moyenne dans les années 70, est tombé de moitié, à 11,4 °/o, de 1980 à 1988. Dans le même temps, le pourcentage de formation brute de capital fixe dans le PIB à prix constants baissait de 20 % en moyenne, passant de 23,3 % à 18,6 °/o. Quant au taux de croissance moyen du PIB, il baissait respectivement de 8,6 % à 3 % (de 1980 à 1989).

Cela implique-t-il une corrélation étroite entre le taux d'importa- tion (rapport des importations au PIB, ici à prix constants) et le taux de croissance, qui justifierait une plus grande ouverture du pays au marché mondial, comme le donne à penser la baisse du taux d'importation, passé de 15,9 % dans les années 70 à 8,7 % les années 1980-88 (41) ? Sans doute, mais à la condition que les importations soient sainement financées, à partir d'exportations, car le taux élevé d'importation des années 70 a été payé au prix de l'endettement extérieur et du freinage des importations des années 80.

Ainsi la forte croissance des exportations et la compression des importations ont-elles fortement réduit l'offre intérieure et nourri à leur tour l'inflation. Celle-ci a frappé douloureusement la majorité de la population, celle du secteur informel, qui ne bénéficiait ni des

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mécanismes d'indexation des revenus du capital ou des salaires du secteur moderne (moins bien indexés que les revenus du capital, sauf en 1986), ni de 'l'indexation de leur trésorerie puisque ne possédant pas de compte bancaire.

Les ambitieuses mais vaines tentatives du plan Collor

L'inflation étant passée d'une moyenne mensuelle de 30 % en 1989, dont 53 % en décembre, à 84,3 % en mars 1990, le plan Collor met en place à la mi-mars deux séries de mesures très énergiques : les unes, de portée immédiate, opèrent une attaque frontale de l'hyper- inflation, les autres visent à éliminer les sources des déséquilibres budgétaires structurels. Les premières bloquent pour 18 mois 70 % des liquidités totales (M4) (au-delà de 50 000 cruzeiros, 1000 $, pour les particuliers), correspondant à 30 % du PIB, ce qui correspond à un gel de la dette intérieure puisque celle-ci est à 60 % sous forme de titres à court terme aux mains du public. Les 30 °/o de liquidités non bloquées, libellées en nouveaux cruzados, redeviennent des cru- zeiros. L'indexation des prix et revenus est supprimée. L'équivalent de 80 milliards de $ de liquidités est donc gelé sur un total de 115 milliards, ne laissant à l'économie que 35 milliards de $, soit 10 % du PIB. Les augmentations mensuelles de prix et de loyers sont pla- fonnées tandis que les salaires seront librement négociés tout en bénéficiant d'un réajustement minimal mensuel, un réajustement tri- mestriel garantissant en outre un gain de pouvoir d'achat au salaire minimum. La libéralisation progressive des importations contribuera à modérer l'inflation et le taux de change cesse d'être administré, étant désormais fixé par le marché (39, 40).

La seconde catégorie de mesures doit permettre de réduire de 10% du PIB le déficit opérationnel attendu pour 1990, en passant d'un déficit de 8 % du PIB à un excédent de 2 °/o, soit un total d'écono- mies attendues de 12 milliards de $, sur 320 milliards de dépenses publiques. La suppression de nombreuses subventions à l'importa- tion et sur les produits industriels et l'imposition des bénéfices agri- coles et à l'exportation doivent rapporter 2,3 milliards de $. Un impôt est créé sur »les avoirs financiers, l'impôt sur les produits industriels est augmenté de 30 % et celui sur le revenu des personnes physiques devient plus progressif. Surtout, la privatisation des entre- prises publiques devra se faire au rythme d'au moins une par mois, à l'exception des 30 entreprises relevant de la compétence exclusive du gouvernement fédéral, tandis que les participations publiques

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minoritaires seront rétrocédées au secteur privé. Par dessus tout, on s'engage à licencier 350 000 des 1,7 million de fonctionnaires, dont 50 000 au moins en 1990 0*, 1U).

Le pari était que la maîtrise de 'l'inflation ferait plus que compen- ser l'effet dépressif de l'assèchement des liquidités et de la baisse drastique des dépenses publiques sur la production et l'emploi. Où en est-on début 1991 ? L'inflation a été sérieusement ébranlée mais nul- lement terrassée puisqu'après avoir chuté à 7,9 % en mai dlle est remontée à 9,6 % en juin 1990, 17 % en novembre et 20 % en février 1991, soit un mois après l'annonce du second plan Collor. Le séques- tre de 80 % des avoirs financiers ayant asséché de façon indifféren- ciée la trésorerie des entreprises et particuliers, ila récession et le chômage ont pris des proportions inattendues : l'utilisation des capa- cités de production de l'industrie de transformation est tombée de 79 % en janvier 1990 à 61 % fin avril, le volume de production indus- trielle a baissé de 7,1 % de janvier à juin, le taux moyen de chômage du secteur moderne passant respectivement de 3,1 % à 5,3 % Í43), et ie niveau de revenu moyen des personnes occupées baissant de 10 à 15 % de janvier à fin avril (41) ! D'un autre côté, la récession a été alimentée par la suppression de l'indexation des salaires, le salaire minimum réel ayant perdu en fait 20,4 % de pouvoir d'achat fin juin par rapport à janvier 1990 (43). Dans ce marasme général, seules les banques réussissent à doubler leur profit net sur les 12 mois se terminant fin juin 1900 (59) !

Devant da récession, le gouvernement a dû ouvrir rapidement les robinets, d'abord en débloquant jusqu'à fin avril 10 milliards de $ au profit des 4 secteurs les plus affectés (automobile, équipements, construction et agriculture), puis îles déblocages se sont poursuivis au coup par coup et les fraudes se sont multipliées (factures préda- tées notamment afin de pouvoir payer en nouveaux cruzados blo- qués), si bien que, dès la fin juin, le stock de nouveaux cruzados blo- qués du secteur productif avait disparu. Face à la chute de la pro- duction agricole, alors que les superficies cultivées avaient déjà baissé de 10 % durant la campagne 1989-90, le gouvernement a dû revenir sur la suppression des bonifications d'intérêt au crédit agricole en annonçant un « paquet » agricole. De même il a fallu augmenter fortement les tarifs publics en septembre et réintroduire en fin d'an- née les subventions à l'exportation. L'évolution des taux d'intérêt a été parallèle à l'inflation, la rémunération des certificats de dépôts bancaires (CDB) étant passée de 7 % par mois en mars à 25 °/o en octobre.

L'échec du plan s'explique notamment par la non maîtrise des

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POLITIQUE INDUSTRIELLE ET ÉCONOMIQUE AU BRÉSIL 23

dépenses publiques autres que les salaires, celles des Etats et muni- cipes surtout, et par l'absence de réalisation des réformes structu- relles prévues. La réduction des emplois publics et la privatisation des entreprises publiques se sont heurtées à l'opposition des syndi- cats, de leur direction ainsi qu'à l'absence de candidats privés à la reprise, à tel point que le gouvernement décide en septembre de ne démarrer le programme qu'en 1991 (46) ! Si l'absence de candidats peut s'expliquer par des raisons conjoncturelles tenant à la déprime de l'économie, on va voir que la localisation sectorielle d'un grand nombre d'entreprises publiques ne leur laisse guère de perspective de rentabilité, même dans le cadre d'une gestion privée rénovée.

LES MOTEURS DE LA CROISSANCE INDUSTRIELLE

Si le dynamisme industriel jusqu'en 1980 est largement imputable à l'importance des interventions de l'Etat et des investissements étrangers, le frein principal constant a résidé dans l'étroitesse du marché intérieur inhérent au modèle industriel et, plus largement, à la politique économique suivis.

Quelle qu'ait été la couleur politique des gouvernements, le Brésil a indéniablement cherché, et dans une large mesure réussi, à pro- mouvoir un tissu industriel relativement complet, du moins par rapport aux besoins des 25 à 30 % de la population pouvant préten- dre à en partager les produits (un sondage de 1990 montre que seuls 24,9 % des Brésiliens ont un permis de conduire, lesquels n'ont pas tous une automobile). Cette intervention publique s'est manifestée aussi bien par la gestion directe, la création d'entreprises publiques, que par tout un arsenal de mesures indirectes de promotion indus- trielle. A contrario, on peut aussi relier la stagnation industrielle des années 80 à l'incapacité croissante de l'intervention publique (8).

Les entreprises publiques

C'est avec la guerre, en 1940, que sont créées les premières entre- prises publiques : dans les mines, la chimie, la sidérurgie, la construc- tion de camions Q™). Cette politique s'accentue dans les années 50, l'Etat créant de grandes infrastructures (barrages, routes...) et inter- venant dans les secteurs de l'énergie (Pétrobas, compagnies électri- ques...) et la fourniture des matières premières et produits intermé- diaires indispensables à la rentabilité des investissements privés dans

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les branches de biens de consommation courante et de biens durables. Cette intervention directe se poursuit après 1964, la part des entre- prises publiques dans l'ensemble de l'industrie ayant continué à croî- tre jusqu'en 1980.

Le déficit des entreprises publiques, élément majeur du déficit global, est largement responsable de la récession industrielle des années 80, étant donné leur poids dans l'activité industrielle mais aussi leurs médiocres performances.

Ainsi, alors que, en 1978, 38 des 50 premières entreprises (tous sec- teurs confondus) classées selon leur capital social étaient publiques, contre 12 entreprises privées dont 6 étrangères, l'on ne comptait que 18 entreprises publiques pour le classement selon 'le chiffre d'affaires, contre 18 entreprises étrangères et 14 privées nationales (2). En 1987, on ne retrouve que 29 entreprises publiques parmi les 50 premières classées selon le capital social (mais les 20 premières), 20 pour le classement selon le chiffre d'affaires (7 parmi les 20 premières), et 16 pour le classement selon les profits, dont 7 parmi les 20 premières.

Sur les 500 premières entreprises (tous secteurs confondus) de 1987, les 89 entreprises publiques détiennent 58,9 % de l'actif net total et réalisent 40 % du chiffre d'affaires, mais leur perte nette équivaut à 30 % du profit après impôt des entreprises privées nationales et étran- gères. Leur rentabilité (bénéfice net sur actif net) est de - 5,3 % alors qu'elle est de 33,3 % pour les 339 entreprises privées nationales et de 42,3 °/o pour les 72 multinationales (FMN) (32). Sur les 500 pre- mières entreprises de 1989, les 76 entreprises publiques sont sorties du rouge, mais leur taux de rentabilité de 2,1 % (bénéfice net sur actif total), est encore loin des 11 % et 13 % des entreprises privées nationales et étrangères (43). La cause paraît entendue.

Une telle comparaison globale est cependant faussée par la spéci- ficité d'un grand nombre d'entreprises publiques : sur les 89 men- tionnées pour 1987, 30 se situent dans la branche très peu concur- rentielle des services publics urbains (eau, électricité, gaz, assainis- sement) qui ne compte au total que 33 entreprises, mais ayant essuyé des pertes égales à 10 % des profits des 500 premières entreprises. Il y a aussi 6 entreprises de transports publics sur les 12 de la branche, dont le déficit se partage également entre 3 entreprises publiques et 3 privées. C'est à ces branches qu'appartiennent les entreprises publiques dont les prix relatifs ont subi une détériora- tion constante de 1980 à 1987 (3). Faute de distinguer les entrepri- ses publiques du secteur concurrentiel de celles dont les fonctions de service public sont évidentes, on aboutit à des comparaisons fort peu significatives (91)-

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La comparaison des seules entreprises des industries de transfor- mation donne des résultats bien plus nuancés, même si elle confirme que, globalement, les performances des entreprises publiques sont inférieures à celles du secteur privé en 1987 : sur les 8 entreprises publiques sidérurgiques, 7 sont très lourdement déficitaires, leur taux de rentabilité (bénéfice net sur actif net) se situant entre - 100 % à - 237 °/o, alors que de nombreuses entreprises privées sidérur- giques réalisent des taux de profit élevés, à 2 ou 3 chiffres, une seule entreprise privée étant également lourdement déficitaire. Par contre, parmi les 66 entreprises de la branche chimie, les 10 entreprises publiques sont dans l'ensemble compétitives, 2 des 3 entreprises déficitaires en 1987 étant toutefois publiques.

De même Petrobras, première entreprise du pays pour le chiffre d'affaires (2e pour l'actif net et 15e pour le bénéfice net en 1989), dispose de son propre centre de recherche, et a joué un rôle moteur dans l'avancée technologique du Brésil, puisque le pays a pu expor- ter pour 5 milliards de $ en services d'ingénierie de 1978 à 1985 (51), les FMN comptant peu à ce niveau (47). D'un autre côté, on peut émettre des réserves sur la rentabilité sociale de la Cie Vale do Rio Doce qui, bien que première entreprise du pays quant au bénéfice net (19e pour le chiffre d'affaires et 6e pour l'actif net), fonde en fait ces confortables bénéfices sur les subventions massives au program- me amazonien du Grand Carajás, programme dont le coût social global est élevé, notamment par la deforestation due au charbon de bois utilisé par les usines transformant en fonte le minerai de fer (43, 7f 82) 9

Plus largement, les dépenses de recherche-développement du pays, sur la période 1978-1982, sont assurées à 92% par les entreprises nationales, et essentiellement par les entreprises publiques, les FMN n'en couvrant que 8 % (55). Selon une enquête de 1980, celles-ci étaient néanmoins plus performantes au niveau technologique et en matière de qualité, les entreprises publiques devançant toutefois elles-mêmes les entreprises privées nationales.

La spécificité des entreprises publiques justifierait de financer par l'impôt leurs activités non rentables au lieu de les obliger à s'endetter aux taux élevés que l'on sait. On ne s'étonnera donc pas que la part des crédits bancaires mobilisée par elles soit passée de 17 % en 1978 à 53 % en 1984, leurs frais financiers passant de 28,4 % de leurs charges en 1978 à 85 % en 1983, contre de 23 % à 50 % pour les entreprises privées nationales, de 26 % à 53 % pour les étrangères.

Cet endettement excessif s'explique en partie par la politique d'in- vestissements trop laxiste des années 70 où des crédits extérieurs

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étaient faciles à obtenir. Et, si « tout ne va pas pour le mieux pour ce qui est de la probité de cet appareil d'Etat », n'est-ce pas qu'il a été « habitué pendant de longues années à travailler dans Vimpunité, sans contrôle social de la part du parlement et des médias » (91) ? Si laxisme il y a eu, n'est-ce pas parce qu'il profitait aux entreprises privées, puisque le poids de l'endettement public reposait sur la collectivité alors que les investissements publics étaient situés dans les secteurs les moins rentables mais indispensables à lia rentabilité des entreprises privées ?

Cependant l'endettement des entreprises a bien baissé depuis 1987, le ratio des capitaux propres aux capitaux empruntés étant en 1989 de 2,24 pour les entreprises privées nationales, de 1,46 pour les FMN et de 1,42 pour les 57 entreprises publiques fédérales (contre 0,73 pour les entreprises d'Etat) (43). Ce désendettement est à relier aux profits financiers élevés des entreprises sur les placements en titres indexés.

Les aides publiques directes et indirectes à F industrie

L'importance et la nature des aides à l'industrie, entreprises publi- ques incluses, ont varié selon (les phases de la croissance économi- que et la couleur politique des gouvernements. Trois constantes carac- térisent la politique économique suivie : le traitement préférentiel des multinationales et des entreprises publiques par rapport aux fir- mes privées nationales (") ; le maintien d'une bonne protection du marché intérieur, quand bien même les contraintes de l'endettement extérieur ont imposé à certaines périodes, notamment depuis 1980, de mettre l'accent sur les exportations ; la préférence donnée à l'in- dustrie, y compris agro-alimentaire, sur l'agriculture Í64). En dehors de ces points forts, si le Brésil a fini par se doter d'un tissu indus- triel relativement complet, selon les normes occidentales s'entend, cela résulte moins de l'application contre vents et marées d'une politi- que industrielle mûrement programmée que d'une adhésion étroite des organismes publics qui en étaient chargés aux revendications des industriels eux-mêmes (12). Si la plupart des branches sont dotées d'un plan sectoriel et d'organismes spécialisés, la prolificité de ceux- ci rend problématique une bonne cohérence d'ensemble : plus d'une centaine d'organismes sont ainsi chargés en 1987 de gérer la politique industrielle. Malgré ces réserves, la politique industrielle du Brésil a néanmoins été bien plus cohérente et efficace que celle des autres pays d'Amérique latine.

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Les aides ont souvent été octroyées en fonction d'alliances et conflits d'intérêts spécifiques entre gestionnaires de ces organismes, élus et 'lobbies industriels, la législation de chaque Etat doublant en outre la législation fédérale Í84, 24, 75). Quelques mesures géné- rales permanentes ressortent cependant : indépendamment des inci- tations aux investissements étrangers (voir plus bas), il s'est agi surtout de (la protection du marché intérieur, des dévaluations et autres incitations à l'exportation et des aides au financement industriel.

La protection du marché intérieur

Constante depuis les années 30, elle s'est opérée avec contingente- ment des importations jusqu'en 1953 (52), année où est mise en place la vente aux enchères des devises dont l'essentiel est alloué aux importations prioritaires. En 1966, la protection effective nette est en moyenne de 72 % sur les produits manufacturés, allant de 115 % sur les biens de consommation courante à 58 % sur les biens d'équi- pement (n).

De 1968 à 1974, le Brésil ouvre davantage ses frontières, puis les refermera progressivement. Cette protection quasi-permanente vau- dra au Brésil l'étiquette de mauvais élève par la Banque Mondiale mais aussi par les Etats-Unis, son premier partenaire commercial (13).

Les intrants non concurrents d'une production nationale ont été bien moins taxés que les autres (69). Dans l'industrie des engrais par exemple, le taux de protection a varié, de 1970 à 1988, de 5 % pour l'importation de matières premières à 30 % pour les engrais simples et 50 % pour les engrais composés (106). Cette protection sélective sera efficace puisque le taux de couverture des engrais azotés passe de 7,5 % en 1970 à 42,2 % en 1980, alors que la consom- mation fait plus que tripler, le taux d'importation de l'acide phos- phorique passant de 34 % en 1972 à 3 °/o en 1985. En 1989, l'impor- tation reste strictement réglementée et suppose une licence d'im- portation que la CACEX n'accorde que si n'existe pas de similaire national Pour mieux protéger les entreprises de certaines branches, en évitant la sous-facturation des intrants importés par les filiales des FMN, les droits de douane sont fixés non à partir des prix CAF mais de prix de référence pré-établis (26). En 1990, le taux moyen de protection nominale de l'industrie de

transformation reste de 20 % tandis que le taux de protection effec- tive est de 40% (**). Bien que les droits de douane soient raison-

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nables pour les biens d'équipement et que l'exemption totale soit possible pour 'les intrants exclusivement destinés aux produits expor- tés i48), l'addition des diverses taxes peut dépasser largement 100 % de la valeur CAF : au droit de douane lui-même (jusqu'à 85 % du prix CAF), s'ajoutent l'impôt sur les produits industriels (jusqu'à 130 % de la valeur dédouanée), l'impôt sur la circulation des marchandi- ses fixé par chaque Etat (15 à 20 % de la valeur précédente), plus 3 à 4 °/o de la valeur FAB pour les organismes d'importation. En outre la Banque Centrale impose aux exportateurs étrangers un délai de paiement minimum allant de 90 jours pour les biens de consomma- tions à 2 ans pour les biens d'équipement de plus de 200 000 $ (26). En dépit du programme de »libéralisation des importations du plan Collor, celui-ci ne s'est pas réellement concrétisé en 1990.

A titre de comparaison, le taux moyen de protection nominale des produits industriels est en 1989 de 4,7 °/o dans la CEE, de 4,4 % aux Etats-Unis et de 2,8 % au Japon (28). Mais en Corée, où le tarif moyen sur les produits manufacturés était aussi de 20 % en 1983, le taux de protection effective allait de 31 % sur les machines à 40-62 % sur les biens intermédiaires et 124 % sur les automobiles ; tandis qu'à Taïwan le tarif moyen sur les produits manufacturés était en 1985 de 30 %, auquel s'ajoutaient les taxes intérieures sur les produits étrangers pouvant atteindre 120 % (4, 9, 14, 42). Ce n'est que sous la pression des Etats-Unis, mais aussi parce qu'ils ont atteint un niveau d'industrialisation leur permettant d'affronter le grand large sans gros risques, que ces pays ont réduit récemment leurs droits de douane.

Les diverses incitations à l'exportation des produits manufacturés

Dévaluations fréquentes du cruzeiro et aides financières à l'expor- tation en ont été les instruments essentiels.

Si la dévaluation est utilisée dès les années 30, le taux de change cruzeiro-dollar devient de plus en plus surévalué de 1940 à 1953 du fait d'une inflation bien supérieure à celle des Etats-Unis (u). Malgré les taux de change multiples institués en 1953, les exportations manufacturées sont pénalisées par un cruzeiro surévalué de 30 à 40 % entre 1954 et 1966. Leur pénalisation résidait déjà dans la pro- tection effective élevée, correspondant à une taxe implicite de 30 % de la valeur à l'exportation, si bien que la valeur ajoutée d'un même produit manufacturé était plus du double de 1954 à 1966 lorsqu'il était vendu sur le marché intérieur que lorsqu'il était exporté (n).

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Outre l'indexation du taux de change sur l'inflation en 1968, les produits manufacurés bénéficient dans les années 70 d'une subven- tion moyenne à l'exportation de 26,1 % alors que les produits agri- coles supportent des taxes à l'exportation, d'autant plus faibles cependant que le degré de transformation est important Í64). A partir de 1971, les taxes à l'exportation diminuent sur les produits agricoles transformés mais, compte tenu des aides reçues par ailleurs, ils bénéficient au total d'une subvention nette. Ceci sera encore plus marqué à partir de 1975-76, l'huile et le tourteau de soja par exem- ple bénéficiant à la fois de subventions et de crédits bonifiés à l'exportation (75).

Après un plancher de 3 % en 1980, le taux de subvention des expor- tations manufacturés remonte à 22,6 % de 1981 à 1984, puis rebaisse à environ 7 % depuis 1985, mais cette baisse a été en partie compen- sée par l'exemption de l'impôt sur les plus-values Í64). Les difficul- tés budgétaires ayant conduit à taxer les exportations de produits agricoles bruts au taux de 13 %, ceci a encouragé les exportations agro-alimentaires (85, 19).

Au total, les subventions et allégements fiscaux sur les produits exportés ont pesé très lourd sur les finances publiques, ayant repré- senté 89,8 milliards de $ de 1976 à 1989 : de 3,5 milliards par an jusqu'en 1980, on est passé à 4,9 milliards en 1985, 10,1 en 1988 et 9,6 en 1989, soit, pour ces 2 dernières années, un montant comparable aux intérêts dus sur la dette externe et égal à 50 % du déficit interne !(59). En particulier ces diverses aides aux produits manufac- turés exportés sont passées de 10 °/o du prix intérieur en 1965 à 40 % entre 1967 et 1975 (», »6) et à 46,4 % de 1978 à 1987 0<>3).

Dans quelle mesure le taux de change officiel a-t-il encouragé ou pénalisé les exportations depuis 1970 ? A partir de 1968, des mini- dévaluations fréquentes sont instituées, mais le cruzeiro reste sur- évalué de 15 % en moyenne dans les années 70, ce qui a pénalisé les exportations tout en rendant plus attractifs les emprunts à l'étran- ger et les importations. Les mini-dévaluations deviennent plus fré- quentes dans les années 80 et, en 1985, on en compte jusqu'à 3 par semaine, puis elles seront suspendues pendant les périodes de gel des prix des plans Cruzado, Bresser, Verão et Collor. En outre des maxi-dévaluations interviennent en décembre 1979 (30 %), en 1981 (10 %), en février 1983 (30 %), en mai et juin 1987 (16,5 % à elles deux), en janvier 1989 (17 %), en juillet 1989 (12 %), si bien que le taux de change a en fait été surdévalué de 17,6% de 1980 à 1985, correspondant à une subvention notable à l'exportation (Q7). Malgré

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son appréciation depuis 1985, le cruzeiro est resté en moyenne moins surévalué que dans les années 70 Í64).

Au total, la croissance des exportations depuis 20 ans cadre mal avec la surévaluation continue du cruzeiro (à l'exception des années 1983-85) mais s'explique par l'importance des aides à l'exportation dans les années 70, par leur sous-facturation (de 10 % en moyenne) dans lies années 80 ainsi que par le dynamisme du commerce mondial des années 1985-89. Malgré leur valeur élevée et croissante, les expor- tations sont plutôt un exutoire en cas de morosité du marché inté- rieur, ne représentant que 8,8 % du chiffre d'affaires industriel en 1979 et 15 % en 1987. Les entreprises exportatrices elles-mêmes n'y consacrant au plus que 20 à 30 % de leur chiffre d'affaires, elles ont largement compensé en 1988 et 1989 la surévaluation du cruzeiro par l'explosion de leurs profits financiers i45).

Le financement de l'industrie

Les aides publiques ont enfin été considérables en matière de finan- cement des entreprises industrielles. Dans les années 30 et 40, le poids prépondérant des industries de biens de consommation courante exigeait des apports de capitaux relativement limités et les capitaux accumulés dans l'exportation de biens primaires, alors non rentable, étaient abondants. Dans les années 50 par contre, l'Etat s'est engagé à financer le développement indus- triel à hauteur des 2/3 des besoins, et cet engagement est concrétisé par la création en 1953 de la Banque Nationale pour le Développement Economique et Social et d'autres banques publiques d'investisse- ment octroyant l'essentiel des prêts à long terme (105, 86). Le secteur bancaire public collecte encore en 1985 environ 70 % des dépôts (75). C'est également au milieu des années 60 qu'ont été créés de nom- breux établissements publics de crédit destinés à promouvoir la consommation de biens durables et de logements. En effet, « contrai- rement à ce que prétendait alors le courant de pensée dominant, la concentration du revenu ne stimula pas l'épargne de ceux qui en étaient les principaux bénéficiaires », leurs propension marginale à épargner ayant même été négative (57).

Si l'essentiel du financement de l'industrialisation repose dans les années 70, et notamment après 1973, sur l'endettement extérieur, le financement intérieur est aussi facilité pour les entreprises dans la mesure où les taux d'intérêt réels sont négatifs du fait d'une forte bonification. Dans les années 80, la perte de solvabilité extérieure

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redonne au secteur financier public un rôle accru dans le financement industriel, mais avec des moyens de plus en plus réduits.

Le rôle décisif des multinationales et des investissements directs étrangers

L'implantation des FMN s'est faite au gré des fluctuations de la politique d'ouverture plus ou moins grande aux investissements directs étrangers, et surtout des perspectives de profit que les FMN y trouvaient. D'une façon générale, la majorité des gouvernements auraient préféré se limiter à des emprunts extérieurs plutôt qu'à des investissements directs mais ils ont bien dû se résigner à ceux-ci, en l'absence de réponse suffisante des prêteurs. Dans Ha mesure où ils ont favorisé l'implantation des FMN, du moins ont-ils souhaité qu'elle soit profitable d'abord à l'économie nationale, ce qui les a conduit, d'une part, à limiter les réexportations de profits, d'autre part à associer capitaux brésiliens et étrangers au sein de joint-ven- tures, de façon à garantir un transfert de technologie accroissant l'autonomie future de l'industrie nationale. Mais les FMN semblent avoir profité davantage des aides publiques que les entreprises nationales, ne serait-ce que parce que leur plus forte concentration les favorisait (").

Si, jusqu'à 12 % du capital investi, les bénéfices nets sont rapatria- bles annuellement sans taxation, au-delà l'impôt appliqué va de 40 % du bénéfice transféré s'il se situe entre 12 et 15 % du capital investi à 60 % du bénéfice au-ddlà de 25 % du capitali, ce qui constitue une puissante incitation au réinvestissement sur place i68, 107, 26). Cette mesure n'a pas fondamentalement gêné les FMN puisque la grande majorité se sont implantées en vue d'exploiter les possibilités de croissance du marché intérieur bien plus qu'en vue de réexportations. Mais il faut bien qu'en fin de compte les profits accumulés puissent être rapatriés : or, d'une part, le rapatriement du capital est autorisé sans impôt dans les limites de l'investissement initial et moyennant un impôt de 25 % au-delà ; d'autre part les FMN ont su trouver des voies détournées pour échapper à cet impôt, notamment par la sur- facturation des achats et la sous-facturation des ventes à la maison- mère (d'environ 10 % dans les années 80) (&), du moins pour les produits non taxés à l'importation sur la base de prix de référence.

Si, dans les branches traditionnelles comme la sidérurgie, l'asso- ciation de capitaux brésiliens et de capitaux étrangers n'a pas posé trop de problèmes, les FMN ont été bien plus jalouses de conserver

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leur autonomie pour ne pas partager leur technologie dans les sec- teurs de pointe. Cependant la législation brésilienne oblige les FMN déposant des brevets à céder une licence d'exploitation si ce brevet n'a pas été mis en œuvre dans les trois ans suivant leur dépôt. D'au- tre part, aucun contrat d'achat de licence d'exploitation ne peut res- treindre le droit d'exporter les produits (49).

Dès les années 30, un certain nombre de FMN étaient déjà instal- lées : Ford, Firestone, IBM, Nestlé, Siemens... Après 1945, la poli- tique renforcée de substitution aux importations oblige les FMN à s 'installer sur place, faute de pouvoir continuer à exporter à partir du Nord. De 1956 à 1961, 565 millions de $ d'investissements directs seront réalisés.

Le développement de l'inflation de 1962 à 1964 entraîne un arrêt des investissements directs étrangers, mais l'arrivée au pouvoir des militaires en 1964 - qui abrogent les restrictions au rapatriement des profits - et le reflux de l'inflation vont entraîner des investisse- ments étrangers massifs, le tiers des investissements industriels des années du miracle économique. Cependant le dynamisme encore plus fort des investissements nationaux, des entreprises publiques sur- tout, fera tomber la part des FMN dans le capital investi des 100 premières entreprises de 37 °/o en 1968 à 27 °/o en 1974, leur part dans l'actif net passant de 28 % à 15 % (™).

Le premier choc pétrolier stoppe cette euphorie et, la capacité de production devenant excédentaire, les investissements directs étran- gers se stabilisent jusqu'en 1978 avant de chuter brutalement à partir de 1979. Par contre les rapatriements de profits s'accélèrent et dépas- sent les investissements directs à partir de 1978 (86).

La liberté d'implantation des entreprises étrangères dépend encore en 1989 de leur secteur d'activité : aucune possibilité n'existe dans les secteurs des transports aériens, de l'exploration pétrolière, de l'électricité et du téléphone et ceci afin de protéger les grandes entreprises publiques en situation de monopole ; la participation étrangère est limitée dans la banque, l'ingénierie et l'automobile, et elle ne peut être que minoritaire dans l'informatique et l'électro- nique (26).

En 1983, le Brésil était le pays en développement ayant reçu le plus d'investissements directs étrangers : 24,6 milliards de $ contre 17,1 milliards à l'Afrique du Sud, 13,6 au Mexique, 7,9 à Singapour, le stock de capitaux étrangers investis ayant augmenté de 13 % par an între 1973 et 1983. Sur les 27 milliards de $ de capitaux étrangers investis fin janvier 1986, 75,1 % concernaient l'industrie de transfor- mation, notamment l'automobile (11,1 % du total, on y reviendra), la

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chimie de base (9,9 %, avec notamment Rhodia, Unilever, Hoechst, Ciba-Geigy, Bayer), la construction mécanique (9 % avec Caterpil- lar), la métallurgie (7,7 %, avec Alcoa, Alcanbrasil), le matériel électri- que (7,6 % avec Philipps, Philco, Siemens, General Electric) (49).

L'implantation des FMN n'est pas toujours allée de pair avec un apport de capitaux étrangers et cet apport n'a pas impliqué néces- sairement de nouveaux investissements mais parfois seulement le rachat d'entreprises nationales. Ainsi la firme sidérurgique Mannes- mann a pu constituer les 51 % du capital lui donnant le contrôle des opérations en valorisant son apport de savoir-faire pour 18,75 % et en empruntant le reste à la Banque du Brésil (105). De même, le développement récent de la conversion de la dette externe en partici- pations étrangères va rarement de pair avec un investissement net réel mais se ¿imite généralement à un changement d'actionnai- res (107). De surcroît la conversion des créances sur le Brésil, négo- ciées avec décôte sur le marché gris, donne lieu à des transferts frauduleux de devises estimés à 2 milliards de $ en 1988.

Dans l'ensemble, les FMN ont rapatrié bien plus de profits qu'elles n'ont investi dans le pays. Déjà en 1951, le Président Vargas dénon- çait le solde négatif, de 80,7 millions de $, des rapatriements de profits par rapport aux investissements étrangers, aggravant le désé- quilibre de la balance des paiements (86). Quelques mois plus tard, en 1952, il promulguait une ordonnance limitant à 10 % les rapatrie- ments de profits autorisés. Les Américains menacèrent de suspendre tous les crédits au Brésil et le Président se mit à dos une partie de ses ministres, ce qui allait provoquer sa chute dans la mesure où il était incapable d'imposer les réformes de structure qui auraient pu rendre viable un modèle industriel plus autonome.

Selon une étude de 1980, citée par H. TheryO**), les 11 premières FMN ont en moyenne rapatrié 2,5 $ par $ investi et, en comptant ce qui a été réinvesti sur place, elles ont multiplié leur mise par 4,9. La principale filiale de Nestlé au Brésil, Cicobra, a dégagé en moyen- ne, de 1971 à 1980, un taux de profit (bénéfice net avant impôt) de 30 o/o de l'actif net ou de 7,5 % du chiffre d'affaires Í68). Le taux de rapatriement des profits, mesuré par rapport aux investissements et réinvestissements, n'a cessé de croître depuis 1980, passant de 3,4 °/o à 5 % en 1987, ce qui a rendu le flux net de capitaux négatif le 2,1 milliards de $ de 1985 à 1987 (investissements directs nets moins transferts nets de profits) (W). Ces données ne tiennent pas toujours compte des profits liés à la sur- et sous-facturation interne mtre filiales et sièges des FMN et aux transferts pour brevets et icences.

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Quel a été le poids global des FMN dans l'économie et plus parti- culièrement dans l'industrie brésiliennes ? Puisqu'elles ont effective- ment transféré d'importants profits, ont-elles été au moins bénéfi- ques pour l'économie locale ? De 1949 à 1962, un tiers de la produc- tion manufacturière a été le fait des FMN(100). En 1977-78, elles auraient réalisé 44 % de la production et 50 % des exportations de produits manufacturés (71).

Une analyse portant sur 1978 compare les performances de 282 entreprises privées à 100 % brésiliennes à autant d'entreprises étran- gères, définies comme celles dont plus de 10 % du capital est étran- ger, et réalisant un même chiffre d'affaires dans les mêmes bran- ches (122). Il ne s'agit pas d'un échantillon représentatif de l'ensem- ble des entreprises privées, locales et étrangères, puisque seuls ont été retenus les 282 couples d'entreprises réalisant dans les mêmes branches un même chiffre d'affaires. Il en ressort que les entrepri- ses étrangères font un chiffre d'affaires supérieur par établissement (bien qu'inférieur à celui de leur pays d'origine) et utilisent des techniques plus intensives en capital, la valeur ajoutée étant supé- rieure de 12,8 % par salarié et de 20 °/o par ouvrier. Ceci s'explique par une main-d'œuvre moins nombreuse de 13,8 % et plus qualifiée (payée 26 % de plus pour les employés et 19 % de plus pour les ouvriers). Pour un chiffre d'affaires identique donc, elles dégagent une valeur ajoutée supérieure de 6 %, ce qui s'explique en partie par une plus forte intégration verticale (moins de consommations intermédiaires), et en partie par la vente de produits de qualité supé- rieure à un prix plus élevé, ceci expliquant aussi des frais de publi- cité de 20 % supérieurs. Surtout la valeur de leurs exportations est de 61,6 °/o supérieure et celle de leurs transferts de profits de 8,5 % supérieure. Au total, pour un même niveau de chiffre d'affaires, les entreprises étrangères sont plus axées sur la clientèle aisée, locale ou étrangère, et créent moins d'emplois peu qualifiés.

Selon l'étude précitée des 500 premières entreprises brésiliennes en 1987, mais où ne sont pas isolées les entreprises strictement indus- trielles, les 71 FMN accaparaient 36,9 % du profit net total après impôt alors qu'elles réalisaient 22,9% du chiffre d'affaires total à partir de seulement 8,5 °/o de l'actif net totall. Ceci montre bien que les FMN se sont implantées dans les branches les plus rentables, ce qui ne veut donc pas dire les plus capitalis tiques. Du reste la pre- mière des 71 FMN dans la classification générale des 500 premières entreprises (Mercedes Benz) ne se situe qu'au T rang et l'on n'en trouve que 4 parmi les 20 premières (Shell, Pirelli, Rhodia).

Les FMN sont notamment bien implantées dans l'automobile, où

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elles réalisent plus de 90 % du chiffre d'affaires (on va y revenir) ou dans l'équipement électrique, avec 80 % du chiffre d'affaires. Mais cette présence est forte aussi dans certaines branches traditionnelles comme le textile (avec la Rhodia française, la Santista argentine et divers groupes japonais) ainsi que dans l'industrie du tabac qu'elles contrôlent à 100 % (dont 80 % par une filiale de la British American Tobacco) (ios).

L'implantation des FMN s'est généralement faite davantage dans la perspective des débouchés intérieurs que de conquête des marchés extérieurs, mais elles n'ont pas manqué d'exploiter les possibilités d'exportations rentables, notamment avec l'évolution régressive du marché intérieur dans les années 80. Un des exemples des oppor- tunités saisies concerne la filière soja où, suite à l'embargo américain de 1973 sur les exportations de soja, l'essentiel des capacités de tri- turation est contrôlé par 6 FMN(17).

La place inégale des FMN et des entreprises nationales selon les branches : les exemples de Fautomobile et de V informatique

L'exemple de l'automobile

Dès 1919, une chaine d'assemblage Ford fonctionne au Brésil, la production atteignant 24 000 unités en 1924. En 1956 une forte pro- tection du marché est mise en place en contrepartie de l'engagement des FMN d'accroître rapidement le taux de nationalisation (pièces fabriquées sur place), qui atteint 99 °/o, en poids du moins, en 1966, année où les taxes sur les véhicules importés deviennent prohibi- tives, multipliant leur prix par 2 à 3. En 1990, 95 % des pièces déta- chées sont fabriquées sur place (115).

En 1988, la Gurgel 280 est devenue la première automobile à être conçue et fabriquée à 100% dans le tiers monde par une firme nationale (*>). Sur les 7 FMN présentes, 4 se partagent en 1988 l'essen- tiel du marché des voitures particulières : Volkswagen (32 %), Gene- ral Motors (27 %), Ford (21 %) et Fiat (12 %) (26), Mercedes dominant le secteur des poids lourds (75 %) à côté de Saab et Volvo. En réalité il n'y a plus que 3 FMN depuis novembre 1986 puisque Volkswagen et Ford ont regroupé leurs activités d'Argentine et du Brésil au sein d'Autolatina, soit un potentiel de production de 900 000 véhicules. Ce regroupement devrait permettre d'améliorer la compétitivité en accroissant le volume de production par modèle : en 1984 celui-ci était

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en effet de 32 000 seulement au Brésil, soit 3,6 à 4,1 fois moindre qu'aux Etats-Unis, RFA et Japon, ce qui se traduisait par un sur- coût de 10 % de ce seul fait (77).

Ford et Volkswagen ont un capital à 80 % étranger, les autres à 100 %, à l'exception de Fiat, dernière firme implantée et qui a dû accepter de limiter sa participation à 55 %, le reste étant détenu par l'Etat du Minas Gerais (g6). Volkswagen est le plus grand inves- tissement étranger au Brésil ainsi que le plus grand investissement de RFA à l'étranger, et la firme s'est du reste diversifiée, en acqué- rant en 1973 une propriété de 139 000 hectares dont elle défricha 44 000 ha pour un élevage de 35 000 bovins (en 1985). Finalement l'accumulation des déficits et surtout l'image désastreuse dans l'opi- nion publique des conséquences écologiques et sociales de cette opé- ration ont amené Volkswagen à revendre cette fazenda en 1986(102, ™, 125).

Les FMN automobiles constituent un lobby très puissant avec lequel le gouvernement doit composer mais dont il a su orienter le développement moyennant des exemptions fiscales, notamment dans le cadre du programme Proalcool de véhicules à l'alcool et du pro- gramme BEFIEX de promotion des exportations. Ce dernier pro- gramme a été introduit pour limiter le solde déficitaire des échanges extérieurs de la branche automobile jusqu'au milieu des années 70 du fait de l'importation des biens d'équipement et des rapatriements de profits et prestations de service des FMN, ces deux derniers postes étant de 71,2 millions de $ en 1974 contre 5,6 millions de $ d'investis- sements additionnels (m). Le pouvoir de négociation des FMN s'est encore manifesté en 1986-87 lorsqu'elles ont su imposer des relève- ments de prix de 41 % supérieurs à l'inflation de juillet 1986 à août 1987 (33).

Avec 1 million d'unités en 1989, la production a baissé de 38,7 % depuis le record de 1,65 millions d'unités en 1980 du fait de la baisse du niveau de vie et de la hausse des taux d'intérêt, non seulement au Brésil mais aussi dans les autres pays d'Amérique latine qui constituaient un débouché traditionnel (49). Les firmes ont tenté d'y faire face en modernisant leur production (robotisation des chaînes de Ford et Fiat) et en accroissant la proportion et l'orientation de la production exportée, passée de 13,5 % en 1980 à 37,4 % en 1987, 85 % de ces exportations étant destinées aux pays occidentaux contre 16,7 % en 1980. Mais la part des exportations est retombée à 30 % en 1988 et à 25,1 % en 1989 du fait des difficultés à se procurer les pièces auprès des sous-traitants et au retard pris par l'indexation du taux de change i38).

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Avec 2,7 milliards de $ réalisés à l'exportation en 1987, la branche automobile se situe ainsi en deuxième position après la filière soja. La concertation étroite entre les 7 FMN leur permet de réaliser des superprofits à l'abri de la forte protecton du marché intérieur. Ceci, joint à des taxes intérieures très lourdes, égales à 43 °/o du prix de vente au consommateur contre 14 % au Japon (112), fait de la voiture brésilienne une des plus chères au monde, malgré un coût salarial horaire 6 fois plus faible qu'au Japon. Il n'est pas étonnant que seuls 25 % des Brésiliens aient le permis de conduire i60). Qu'im- porte, puisque, en 1988, les diverses aides à l'exportation, en rabais- sant le prix de 41 %, ramènent l'automobile brésilienne au niveau des prix japonais.

L'industrie automobile est-elle menacée par la libéralisation des importations, interdites depuis 1974, et par les possibilités d'établis- sement instaurées en 1990 par le plan Collor ? On n'en est pas là puisque cette libéralisation s'accompagne d'un droit de douane de 85 °/o, ce qui ne met pas en cause la compétitivité des voitures natio- nales, tandis que l'implantation de nouvelles usines, notamment japo- naises, est peu crédible compte tenu des investissements élevés requis et des difficultés économiques dans lesquelles se débat le Brésil.

Par contre la libéralisation des importations de pièces détachées est fortement réclamée par les fabricants, qui n'ont pas de mal à faire observer qu'en 1990 la plupart des grands constructeurs occi- dentaux importent de l'étranger, et notamment des pays à bas salai- res, un pourcentage très supérieur de pièces aux 5 % du Brésil. Ils se plaignent surtout de ne pouvoir importer les équipements élec- troniques actuellement nécessaires pour les véhicules exportés vers les pays occidentaux.

La branche automobile a été la plus touchée par la purge du plan Collor puisque, sur la base 100 pour février 1990, la production de véhicules est tombée en avril à l'indice 34 contre 73,5 pour l'ensemble de l'industrie de transformation (41) !

L'exemple de l'informatique

Tout autre a été la stratégie suivie dans la branche informati- que (52, 53). Bien que Burroughs (devenue Unisys), implantée dès 1924, ait lancé la première machine à calculer fabriquée entièrement sur Iliace en 1958 (4°), ia décision fut prise au début des années 70 de promouvoir une industrie essentiellement nationale.

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Une entreprise publique, COBRA, est créée en 1972 avec la parti- cipation minoritaire d'une firme britannique, Ferranti, qui accepte de céder sa technologie après 4 ans. En 1975 on interdit les importa- tions de micro et de mini-ordinateurs et de leurs composants élec- troniques. En 1977, le gouvernement tente de négocier avec les 8 FMN cherchant à s'implanter sur ces gammes, mais, les grandes FMN refusant de céder leur technologie à moins de devenir majoritaires dans la COBRA, le gouvernement réussit à s'associer à des petites entreprises étrangères et agrée 4 autres entreprises nationales. La COBRA sortira son premier modèle, COBRA 500, en 1978. Le Secré- tariat d'Etat à l'Informatique (SEI) est créé en 1979, son rattache- ment au Conseil National de Sécurité soulignant le caractère straté- gique du contrôle de cette branche. En 1981, IBM et Burroughs sont néanmoins agréés pour produire des mini-ordinateurs C79). Les entre- prises locales et le SEI sont partagés entre deux voies pour dynami- ser la production nationale : soit se limiter à importer les nouveaux microprocesseurs et bâtir à partir de là leurs propres technologies, soit passer des accords de licence avec des firmes étrangères de manière à gagner du temps.

Selon la loi informatique de 1984, la réserve de marché limite à 30 °/o la participation des FMN dans les entreprises et une forte pro- tection est assurée contre les importations (m). Les investissements sont subventionnés à 12,6 %. Néanmoins le SEI autorise en 1984 les achats de licence pour des super-mini et, fin 1985, 7 accords ont été conclus avec différentes firmes étrangères, dont celui de COBRA avec Data General (DG). Malgré cela, les entreprises locales suppor- teront d'autant plus mal la concurrence d'IBM et de Burroughs que îa croissance économique très ralentie s'est également fait sentir sur le marché des mini-ordinateurs. Dans le cas de la COBRA, plu- tôt que d'adapter la technologie de DG à leurs propres produits, ses ingénieurs ont préféré continuer à perfectionner les super-micro à 32 bits qu'ils avaient eux-mêmes conçus dès 1983 à partir de l'impor- tation de microprocesseurs Motorola (w) mais ils ont finalement dû jeter l'éponge en 1990, étant forcément dépassés par l'avancée techno- logique américaine et nipponne (126).

Alors que la production d'ordinateurs passe de 8 800 unités en 1980 à 652 400 en 1986, la part des entreprises nationales passe de 17 °/o à 97 °/o des unités, mais seulement de 7 % à 37 % du chiffre d'affaires, compte tenu du prix unitaire très supérieur des gros ordi- nateurs exclusivement produits par les FMN, où IBM réalise 80 % de la production et des exportations (49). Le chiffre d'affaires de la branche continue à progresser vivement en 1988 et 1989 alors

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POLITIQUE INDUSTRIELLE ET ÉCONOMIQUE AU BRÉSIL 39

que la production industrielle totale stagne, et la part des entreprises nationales passe à 57 % puis à 71 % du total Í33, 3S).

Un point commun avec la branche automobile est le prix intérieur très élevé des micro et mini-ordinateurs. Ceci nourrit de très fortes importations clandestines, de plus d'un milliard de $ en 1987, puis- qu'un micro-ordinateur comparable IBM PC se vend sur le marché parallèle 2 à 3 fois moins cher. Contrairement à la branche automo- bile, les exportations sont négligeables : moins de 2 % du chiffre d'affaires en 1987, essentiellement par IBM et vers les pays latino- américains.

Le dynamisme de cette branche n'a pas laissé sans réactions le gouvernement américain qui a menacé à plusieurs reprises de pren- dre des mesures de rétorsion, estimant en 1985 que la réservation du marché aux entreprises brésiliennes lui ferait perdre 700 millions de $ d'exportations en 1986 et 15 milliards de $ de 1986 à 1992 (52). En novembre 1987, il menace à nouveau de réduire de 105 millions de $ les importations de produits brésiliens. Finalement, en septem- bre 1988, le dynamisme de la production nationale amène les FMN américaines à accepter d'entrer dans des joint ventures avec partage technologique P). Cela se concrétise par un accord en 1990 entre Hewlett-Packard et une entreprise privée, Edisa, et ceci dans le cadre du programme de libéralisation entrepris par le plan Collor. La réserve de marché ne jouera que jusqu'en octobre 1992 et pour les seuls produits capables de devenir compétitifs, sdon la liste établie par la CONIN, qui remplace le SEL Les droits à l'importation sont abaissés sur les pièces détachées. Enfin, un projet de loi prévoit d'étendre à l'informatique la possibilité, prévue par la Constitution, d'entrée du capital étranger dans des joint ventures à hauteur de 49 % et non plus de 30 % ("7, &, 70).

UN MODÈLE INDUSTRIEL EXCLUANT POUR LA MAJORITÉ DE LA POPULATION BRÉSILIENNE

Quelles qu'aient pu être les performances indéniables de l'indus- trie brésilienne aux plans économique et technologique, il faut main- tenant en évaluer le coût social, qui n'a pas été mince. Conçu pour satisfaire les besoins d'une minorité pouvant prétendre à un modèle de consommation occidental, il a fait appel à des technologies inten- sives en capital tout en mobilisant des ressources considérables pré- levées en définitive sur les besoins non satisfaits de la majorité de la population.

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Un modele industriel se heurtant à Vétroitesse du marché quii génère lui-même en promouvant la concentration des revenus

Si le Brésil a fini par se doter d'une industrie couvrant pratique- ment tous les secteurs, des biens de consommation courante aux biens d'équipement sophistiqués en passant par les biens de consom- mation durables et les biens intermédiaires, cela résulte essentiel- lement des contraintes nées de l'étroitesse du marché solvable et des taux de profit comparés des différentes productions possibles, la politique industrielle n'ayant jamais reposé sur une volonté poli- tique d'élargir le marché par une redistribution des revenus et des patrimoines.

Le développement des industries de biens de consommation cou- rante ne s'est imposé dans les années 30 que par suite de l'effondre- ment des exportations primaires, ce qui, privant le pays des devises nécessaires aux importations manufacturées, ne laissait pas d'autres alternatives pour satisfaire les besoins de la minorité. A la fin des années 40, les branches productrices de biens de consommation cou- rante avaient perdu de leur dynamisme, faute d'un élargissement du marché solvable qu'aurait autorisé une répartition plus équitable des revenus, déjà très concentrés. Par contre cette population solvable était demandeur de biens de consommation durables (électroména- ger, automobiles...) à valeur unitaire élevée et permettant aux indus- triels potentiels de dégager de hauts profits. Pour développer ce secteur, il fallait accroître les importations d'équipements que le pays ne produisait pas, mais le déficit de la balance des paiements ne le permettait pas.

Déjà, à cette époque (1952-53), l'alliance populiste au pouvoir n'avait pas la capacité politique d'imposer les profondes réformes, toujours d'actualité, qui auraient permis de sortir de ce dilemme: réforme agraire qui aurait intégré au marché plusieurs millions de paysans marginaux tout en accroissant la production agricole et en abaissant le coût salarial ; meilleure répartition des revenus urbains pour élargir la demande de biens de consommation cou- rante ; réforme fiscale pour faire financer par l'impôt ce qui finissait par devoir l'être par l'endettement et l'inflation.

C'est pourquoi on choisit la solution de l'appel au capital étranger, sous forme d'investissements directs surtout car les banques occi- dentales refusaient de prêter si des entraves étaient mis aux pre- miers. Les FMN étaient essentiellement intéressées par le secteur des biens durables, dont la rentabilité semblait assurée puisque, d'une part, l'Etat prenait en charge les grands travaux d'infrastructure et

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POLITIQUE INDUSTRIELLE ET ÉCONOMIQUE AU BRÉSIL 41

les secteurs productifs 'les moins rentables et que, d'autre part, les entreprises privées nationales pourraient jouer le rôle de sous-trai- tants (95), l'Etat s'engageant vis-à-vis d'elles à adopter une politique libérale de crédits.

L'euphorie n'allait durer qu'un temps très court (1957-62) du fait du déséquilibre de la balance des paiements provoqué par les importa- tions massives d'équipements et l'inflation. La raison essentielle réside dans la saturation rapide de la demande consécutive au renforcement de la concentration des revenus. En effet, les secteurs de production de biens durables et de biens d'équipement, très intensifs en capital, n'ont permis de créer qu'un minimum d'emplois : quand la produc- tion industrielle augmente de 79,4 % de 1949 à 1958, les emplois ne s'accroissent que de 24,7 % ; alors que, de 1960 à 1974, le capital manufacturier augmente de 7,5 °/o par an, l'emploi n'auggmente que de 3,3 % l'an. En outre, l'élévation du degré de qualification a accen- tué la concentration des revenus : les salaires des techniciens, em- ployés et fonctionnaires augmentent 2,5 fois plus vite que ceux des ouvriers entre 1949 et 1958 ; entre 1958 et 1969, l'augmentation des premiers est plus de quatre fois supérieure à celle des seconds (86) ; de 1967 à 1974, les emplois d'actifs ayant au moins 5 années de sco- larité augmentent 3 fois ̂lus vite que ceux des actifs ayant au plus 4 années 000).

Après la stagnation des années 1962-67, le miracle des années 1968- 73 bute sur les mêmes contradictions générées par la concentration croissante des revenus. De plus en plus axée sur la demande d'équi- pements liés à la production des biens de consommation durable, le secteur des biens d'équipement voit en conséquence se tarir l'essen- tiel de ses débouchés, puisqu'il ne s'est pas orienté vers la production d'équipements pour les industries de biens de consommation de masse, lesquelles continuent à importer leurs équipements, la crois- sance de la demande de ces biens de consommation restant d'ailleurs très limitée par la stagnation du pouvoir d'achat de la majorité de la population.

Rien n'a changé dans les mécanismes excluant de cette industriali- sation, si ce n'est que des mécanismes supplémentaires s'y sont ajou- tés avec l'hyperinflation et la récession des années 80. Cela s'est tra- duit par une misère accrue pour la majorité de la population, celle du secteur informel surtout.

Le fait d'afficher un taux de croissance annuel de 3,6 % du PIB par tête de 1965 à 1986 (wi) ou de 2 % de 1980 à 1988 (*) a peu de signification dans le pays qui détient le record mondial des inégalités de revenus et où celles-ci s'accentuent (112). Le niveau de vie de la

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majorité silencieuse s'est en fait dégradé depuis 30 ans. Pour la Banque Mondiale, le nombre de pauvres (revenu annuel inférieur à 370 $) a baissé au Brésil de 36,1 à 23,1 millions entre 1960 et 1981 mais il serait remonté à 33,2 millions en 1987, 43 % de plus en 6 ans (73). En dépit d'un taux de croissance de 4 % du revenu par tête de 1964 à 1979, les prix alimentaires ont augmenté 20 °/o plus vite que l'indice général des prix, la consommation calorique par habitant est resté stable et colle de protéine par habitant a baissé (98). Alors que le PIB par tête était multiplié par 4,9 de 1940 à 1986, le pouvoir d'achat du salaire minimum légal est tombé en 1986 à 48,5 % de son niveau de 1940 (92, ™), ayant baissé de 30 % de 1980 à 1987 P), si bien que la moitié des ménages vivaient en 1985 au-dessous du seuil de pauvreté de 100 $ par mois, contre 44 % en 1976 (57). Surtout, le taux de mortalité infantile est 2 à 3 fois supérieur à celui des pays ayant le même niveau de PIB par tête (103).

Un modèle industriel aggravant les déséquilibres inter et intra' régionaux : V exemple du Nordeste

Aux coûts sociaux communs à l'ensemble du pays, il faut ajouter ceux liés à la concentration urbaine excessive, aux inégalités régio- nales et au manque d'effets d'entraînement de l'industrialisation sur la croissance régionale. Les 2/3 des emplois et les 3/4 de la valeur de la production industrielle sont localisés en 1980 dans la région Sudeste, dont 48 % et 53 % dans le seul Etat de São Paulo. Avec la région Sud on arrive à 86 % et 89 % respectivement (105).

Cette forte concentration régionale résulte à la fois de l'absence de véritable politique d'aménagement du territoire jusqu'aux années 70, de la priorité donnée aux industries de biens durables et d'équi- pement et de la rentabilité des diverses implantations possibles pour les entreprises, notamment étrangères. Ainsi 76% des 500 millions de $ investis par les FMN de 1955 à 1961 dans l'industrie ont-ils été concentrés dans le seul Etat de São Paulo ("). A partir des années 70 pourtant, la politique de décentralisation industrielle du gouverne- ment fédéral pour lutter contre la concentration spontanée des activi- tés dans les zones déjà les plus actives du Sud-Est sera très impor- tante mais elle sera peu efficace car les jeux étaient déjà faits.

Ainsi un gros effort a été fait pour le Nordeste où, indépendam- ment des infrastructures et des entreprises publiques installées, les aides publiques au secteur privé ont représenté jusqu'à « 70 à 90 % de l'investissement, si bien que Von a pu dire que le gouvernement

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brésilien avait inventé les capitalistes sans capital » (105). En outre, bien que l'industrie y ait enregistré de 1965 à 1985 un taux de crois- sance de 9 % par an, supérieur à la moyenne nationale, le choix d'un modèle identique à colui prévalant au niveau nationall y a eu des conséquences encore plus graves, du fait de la plus grande pauvreté de sa population. D'une part l'industrialisation s'y est concentrée dans les trois métropoles de Bahia, Pernambouc et Ceara, les autres Etats étant condamnés à la désindustrialisation, d'autre part ces industries sont plus un appendice de celles du Sudeste et du Sud que des pôles de développement pour le Nordeste. En effet, les indus- tries du Nordeste achètent 48 % de leurs biens intermédiaires et 95 % de leurs équipements à d'autres régions où elles vendent 43 % de leur production, l'exportation en absorbant 15 °/o. Le Nordeste s'est surtout spécialisé dans la production des biens intermédiaires, avant l'agro-alimentaire (sucre et éthanol surtout). Ces industries étant intensives en capital, le coût par emploi créé passant de 236 000 $ en 1980 à 556 000 $ en 1983, les effets sur l'emploi y ont été limités : les 500 000 emplois industriels créés dans les années 1970, soit un accroissement annuel de 2,2 %, sont peu de choses en com- paraison des 2 millions de migrants supplémentaires à la recherche d'un emploi en ville, sans parler de la résorption du chômage déjà existant et surtout de la croissance démographique interne aux villes C78).

Que dire alors de l'évolution de la situation dans les années 80, compte tenu de la sécheresse qui y a sévi dans la première moitié de la décennie et de la récession depuis 1987. Pour 29 °/o de la popula- tion totale, le Nordeste compte en 1985 46,6 % des familles dont le revenu est au plus de un demi salaire minimum (25 $ par mois) et l'espérance de vie n'y est que de 53 ans contre 63 en moyenne nationale (»).

A

CONCLUSION: INTÉGRATION AU MARCHÉ MONDIAL OU/ET RÉFORMES DE STRUCTURE ?

La libéralisation des échanges extérieurs, par la diminution de la protection et la libre fixation du taux de change par le marché, enté- rinée par le plan Cdllor, fait-elle partie des mesures sine qua non d'un assainissement durable de l'économie brésilienne ? Faut-il l'op- poser à une stratégie structuraliste selon laquelle les réformes de

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structure ouvrant un accès plus équitable aux ressources, au savoir et au pouvoir résoudront ipso facto tous les problèmes ?

Le Brésil est le seul pays d'Amérique latine à disposer, en 1982 (6) et depuis 1987, d'un solde positif de ses échanges de produits manu- facturés, mais ceci n'est pas en soi un facteur positif puisqu'il tra- duit, du fait de la contrainte de la dette, une forte réduction des importations de biens d'équipement par rapport aux années 70. Le taux d'importation supérieur des années 70 peut difficilement être corrélé avec le meilleur taux de croissance d'alors puisqu'il a été payé au prix de l'endettement excessif qui a entraîné la récession des années 1980. Le taux d'ouverture globale de l'économie, mesuré par le rapport des importations plus les exportations au PIB, n'est pas davantage corrélé avec le taux de croissance puisque le premier n'a pas varié d'une décennie à l'autre, étant passé de 21,4 % à 21,1 °/o, dans la mesure où le taux d'exportation a augmenté de 57 %, pas- sant de 7,9 % dans les années 70 à 12,4 % de 1980 à 1988, alors que ces exportations accrues ont seulement servi à payer les intérêts de la dette, tant externe qu'interne (41).

La marge de manœuvre est étroite entre la nécessité de protéger un tissu industriel qui reste nécessairement fragile pendant long- temps, compte tenu de l'avance technologique constante des pays plus industrialisés (y compris certains NPI du Sud-Est asiatique), et les bénéfices que l'industrie nationale peut tirer d'un accès plus aisé aux équipements plus efficients et moins coûteux, voire au sti- mulant que représente l'importation de biens de consommation concurrents des productions nationales Í32, 42, 74). La réponse ne peut être que nuancée et ne saurait être dissociée du modèle de crois- sance et des profondes réformes à entreprendre au niveau d'un meilleur partage des facteurs de production et notamment des terres, des revenus, de l'accès aux consommations collectives, donc aussi de la fiscalité.

Sauf exceptions - l'informatique en est une - le Brésil ne devrait pas chercher à importer constamment les équipements les plus sophistiqués, notamment pour produire principalement des biens destinés à l'exportation vers les pays occidentaux ou à la minorité la plus aisée du pays. Il devrait se limiter à importer les équipements permettant à la fois d'élever la capacité de pro- duction locale d'équipements plus performants, capacité qu'il convient donc de protéger, et d'abaisser suffisamment les coûts de production pour élargir le marché intérieur à de nouvelles couches sociales pour les biens de consommation courante. Le coût nettement inférieur de la main-d'œuvre est en effet un avantage puisqu'il permet d'éviter le recours aux technologies de

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pointe tout en créant bien plus d'emplois et en conservant des coûts de production compétitifs (104). Si donc une intégration accrue et solitaire au marché mondial doit être prudente, par contre le marché commun régional en cours de construction (avec l'Argentine, le Para- guay et l'Uruguay) est très positif. Mais la libre fixation du taux de change par le marché, effective notamment depuis octobre 1990, est dangereuse dans le contexte hyperinflationniste structurel actuel et il aurait mieux valu s'en tenir au système des mini-dévaluations, mais calculées de manière à obtenir le niveau de solde commercial compatible avec le taux de croissance globale socialement accep- table (124).

Puisque la maximation du solide extérieur n'est pas une fin en soi et ne saurait durablement sacrifier 'le niveau de vie de la majorité de la population au service de la double dette publique (externe et interne), l'idéal serait d'arriver à une sorte de debt-structural reforms swap, c'est-à-dire à un contrat d'abandon des créances sur le Brésil en contrepartie d'un programme de profondes réformes de structures, et notamment de véritables réformes agraire et fiscale, ce contrat étant négocié de façon tripartite entre les organisations non gouver- nementales (ONG, brésiliennes et internationales) préoccupées par ces réformes, le gouvernement brésilien et les Clubs de Paris et de Londres. S'il est très délicat de vouloir exercer une pression politique sur un gouvernement souverain - a fortiori s'agissant d'un grand pays démocratique comme le Brésil - ce type de conditionalité ou d'ingérence ne devrait pas être impossible à mettre en œuvre puis- que son impact est assuré d'être infiniment plus positif que la potion magique conventionnelle du FMI. Après tout, les associations écologistes brésiliennes ont bien proposé de gérer un fonds alimenté par les cruzeiros de contrepartie de la dette externe rachetée par des ONG ou gouvernements étrangers, fonds finançant des actions de préservation de l'environnement, en Amazonie notamment, les ONG étrangères ou internationales ayant déjà mené des opérations le debt-ecology swap en Bolivie, Equateur, Costa Rica et Philip- pines O2*). Il est dlair que, si les blocages structurels internes ne sautent pas et puisque l'on ne peut compter à moyen terme sur de srofonds changements dans l'environnement économique internatio- lal, le poids du service de la dette externe continuera à grossir et ì asphyxier un peu plus l'économie du pays. De toutes façons, les ntérêts déjà versés ont permis aux créditeurs extérieurs de récu- pérer l'essentiel de leur mise et le reste a été largement couvert par es provisions constituées C*). Si le statu quo peut leur permettre de 'écupérer quelques miettes supplémentaires, il les prive en fait du volume d'activités bien supérieur dérivant d'une relance de l'écono-

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mie brésilienne sur des bases saines. Par ailleurs, bien que Ile Brésil ait naturellement besoin d'exploiter rationnellement et de façon reproductible les richesses de l'Amazonie, l'extension de la frontière agricole dans cette région n'est pas une alternative à moyen terme à une réforme agraire, puisqu'elle exigerait de gros moyens financiers et l'utilisation de techniques encore mal maîtrisées, d'agro-foresterie notamment, compte tenu de la grande fragilité des sols.

On se plaît au Brésil à prendre pour modèle la Corée du Sud et Taïwan, en soulignant leurs performances remarquables au niveau industriel et à l'exportation, et on en tire la seule conclusion que le Brésil doit s'intégrer davantage au marché mondial, et notamment ouvrir plus largement ses frontières à l'importation, pour pouvoir obtenir le même taux de croissance du PIB par tête. Ce faisant, on oublie l'essentiel des raisons et formes de leur croissance : c'est parce que ces pays, comme du reste le Japon lui-même, ont mis en œuvre, dès la fin de la seconde guerre mondiale, une réforme agraire radi- cale, abolissant le métayage et limitant à trois hectares (certes irri- gués pour l'essentiel) la superficie par exploitation, que ces pays ont aujourd'ui un PIB par tête voisin de celui des pays occiden- taux (87). Le fait que ces réformes agraires y aient alors été déci- dées sous la pression des Etats-Unis (afin de barrer la route à la contagion du communisme) ne change rien à l'affaire, cette pression y ayant du moins été plus efficace qu'en Amérique latine sous l'ère Kennedy avec l'Alliance pour le Progrès.

C'est >la réforme agraire qui a permis d'asseoir le take-off sur une paysannerie dynamique, laquelle, s'étant enrichie à l'abri d'un mar- ché fortement protégé, a constitué la base essentielle du marché des produits manufacturés, autorisant ainsi une industrialisation basée au départ sur la substitution d'importations et dégageant un taux d'épargne intérieure élevé. Ce n'est que dans les années 1960 que ces pays en sont venus à développer plus vite les marchés d'expor- tation, le marché intérieur restant toujours l'essentiel. Et on a vu que Corée du Sud et Taïwan sont restés jusque ces dernières années des marchés relativement protégés. Ces pays ont réussi leur crois- sance économique, en dépit de cette protection élevée pourrait-on dire, parce qu'ils s'étaient d'abord donnés les moyens de développer pleinement leur marché intérieur en commençant par mobiliser tout le potentiel des terres et de la paysannerie.

On peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles la réforme agraire a fini par être enterrée de fait officiellement (U3, », 66). a la base il y a les divisions persistantes au sein des couches popu- laires, ouvrières et agricoles, divisions que la Nova Republica et la Constitution de 1988 n'ont pas réussi à faire sauter en débouchant

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sur un projet politique cohérent avec une stratégie de développe- ment équilibré à long terme. A la base de ces divisions, il y a beau- coup de malentendus idéologiques sur le type de projet politique global qui soit réaliste pour le Brésil. Ainsi, faute de syndicat repré- sentatif de ses intérêts, la petite paysannerie en voie de modernisa- tion s'est laissée séduire par le discours démagogique de l'UDR, constituée par les grands latifundistes prêts à tout (au meurtre par pistoleiros interposés) pour s'opposer à la réforme agraire. En effet l'enterrement de celle-ci a conduit le CPT et le Mouvement des Sans Terre à radicaliser leur position, en rejetant globalement le système capitaliste et en privilégiant les formes communautaires d'exploita- tion des terres, tandis que le syndicat agricole CONTAG se repliait sur la défense des salariés des plantations. Sur le flan ouvrier, l'ouver- ture politique des années 80 et la faillite du socialisme dans le monde ont provoqué la scission du mouvement syndical en trois courants : gauche traditionnelle héritière du marxisme et deux courants qui acceptent le système capitaliste, l'un social-démocrate, et l'autre conservateur.

Au total, l'avortement de la réforme agraire ne s'explique que par uno communication inadaptée de la part des forces sociales qui la soutenaient. Elle est apparue comme un projet peu réaliste ou du moins non mobilisateur pour la majorité des classes moyennes et populaires, urbaines notamment, dans la mesure où elle se présen- tait comme l'un des éléments d'une stratégie globalement anti-capi- taliste, voire anti-propriété, alors même que, dans le contexte d'hyper- inflation, la terre est devenue de plus en plus une valeur refuge pour une fraction significative des classes moyennes elles-mêmes. Cette absence de large consensus social sur la réforme agraire est d'au- tant plus déplorable que, précisément, les meilleurs arguments en sa faveur peuvent être trouvés dans une logique de froid libéralisme économique sans même avoir besoin d'invoquer la social-démocra- tie (29, 30).

Dans un contexte de désengagement inévitable de l'Etat et de concurrence extérieure accrue, le patronat industriel national, habi- tué à compter sur les aides de l'Etat et à prendre le minimum de risques, devra lui-même réaliser que la modernisation des relations de travail constitue le premier facteur de compétitivité. Il lui faudra abandonner les relations très hiérarchiques fondées sur la déqualifica- tion du travail s'il veut être en phase avec le nouveau modèle techno- logique de spécialisation flexible émergent au niveau mondial, fondé sur la responsabilisation accrue des travailleurs, la fin de la sépara- tion des tâches de production et de contrôle, le rôle des équipes (8). En dépit enfin des premières mesures prises par le Président Collor,

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la réforme fiscale est (loin d'avoir été menée à bien si l'on relit l'édi- torialiste de Conjuntura Economica en 1984-85 : « La mauvaise répar- tition du revenu est devenue aujourd'hui une menace à la poursuite du développement... Nous sommes aujourd'hui la huitième puis- sance économique du monde occidental. Une nation dans cette situa- tion ne peut se payer le luxe de reléguer une grande partie de ses habitants à la condition de consommateurs de cinquième catégorie... De nombreuses industries contraintes d'opérer à des niveaux très réduits d'activité pourraient être notablement renforcées avec une autre structure de répartition des revenus... » (2°). « La charge fis- cale nette a baissé de 1970 à 1982, même en tenant compte de l'impôt forcé représenté par l'inflation : ceci recouvre une situation dans laquelle les contribuables traditionnels sont toujours plus imposés et les bénéficiaires de subventions et transferts divers toujours plus privilégiés, ceci notamment en raison du niveau croissant d'évasion par l'économie souterraine et de la multiplicité des mécanismes légaux de réductions fiscales dans les tranches supérieures de l'im- pôt sur le revenu des personnes physiques » (30).

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(97) Salama P. - Les effets pervers des politiques d'ajustement dans les éco- nomies semi-industrielles. Revue Tiers Monde, n° 117, janv.-mars 1989, pp. 39-58.

(98) Seers D. - Inflation: the Latin American experience. Discussion paper 168, Institute of development studies, Brighton, novembre 1981.

(99) Selingardi Sampaio S. - A evolução recente do sistema industrial brasi- leiro : a ação do Estado e dos investimentos externos, Boletim de geografia teorética, 18 (35-36), 1988, pp. 5-37.

(100) Sheahan I. - Early industrialisation and violent reactions : Argentine and Brazil Discussion paper 176, Institute of Development Studies, Brighton, août 1982.

(101) Singer P. - La clase obrera frente a la crisis inflacionaria y a la demo- cratization en Brasil

(102) SiRKis A. - L'Amazonie peut encore être sauvée. Le Monde Diplomatique, novembre 1989, p. 7.

(102) Taieb E., Barros O. - Economie et société brésiliennes : croissance ou développement ? Nathan, 1989.

(104) Tauile J.R. - Notas sobre la automatización microelectronica en él Brasil Revista de la CEPAL, n° 36, décembre 1988, pp. 47-57.

(105) Thery H. - Le Brésil, 1985 et 1989.

(106) Thery H. - Atouts et problèmes de l'agriculture brésilienne. Economie et Finances Agricoles, avril 1989, repris dans Problèmes Economiques du 44-1990, pp. 6-12,

(107) Trotignon J. - La conversion de la dette extérieure brésilienne en capital-risque. Problèmes d'Amérique latine, n° 4888, 1989, pp. 69-80.

(108) Van AGTMAEL A. - rerestroiKa lanno-americaine ei marcnes jinanciers à la veille d'un retournement de situation ? Techniques Financières et Déve- loppement, juin 1990, pp. 17-23.

(109) Vanhecke C. - Brésil, lourd héritage. Le Monde, Bilan économique et social 1989.

(110 à 119) Veja des 7-3-90, 18-4-90, 9-5-90, 23-5-90, 4-7-90, 4-8-90, 8-8-90, 17-10-90, 2-5-90, 26-9-90.

(120) Vergopoulos K. - Brésil : chocs en série. Analyse de l'expérience brési- lienne récente. Problèmes d'Amérique Latine, n° 4856, La Documentation Fran- çaise, 1988, pp. 79-94.

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POLITIQUE INDUSTRIELLE ET ÉCONOMIQUE AU BRÉSIL 53

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(122) Willmore L.N. - The comparative performance of foreign and domestic firms in Brazil. World Development, n° 4, 1986, pp. 489-502.

(123) Zantman A. - Le plan Collor dans Vœil du cyclone : de l'hyperinflation à l'hvverstaelation ? Problèmes d'Amériaue latine. n° 4916. 1990, dû. 73-97.

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(125) Folha de São Paulo, 23-3-89. (126) Veja, 19-6-1991.

Résumé. - Principal moteur de la croissance brésilienne de 1930 à 1979, l'in- dustrie est aussi responsable de la stagnation économique des années 80. Ceci tient à des interrelations macro-économiques complexes dans le contexte du poids croissant du service de la dette externe. Celui-ci a nourri le déficit budgé- taire, la dette interne, l'hyperinflation, le désinvestissement public puis privé, l'échec des « plans » successifs entrepris depuis 1986 pour les éradiquer s 'expli- quant en définitive par l'aggravation des inégalités sociales et l'incapacité poli- tique d'adopter les réformes agraire et fiscale indispensables pour atteindre un consensus social minimum et mobiliser les facteurs de production oisifs. En dépit de son déficit élevé, le secteur public industriel a joué un rôle capital dans l'industrialisation globale, en prenant en charge les activités non rentables pour le secteur privé, national comme multinational, mais le modèle industriel choisi, fondé sur l'exclusion de la majorité de la population, était incapable de promouvoir une croissance globale équilibrée.

Resumo. - Principal fator do crescimento brasileiro de 1930 a 1979, a indústria é também responsável pela estagnação económica dos anos 80. Isto explica-se por interrelações macroeconómicas complexas no contexto do peso sempre crescente da dívida externa. Esta alimenta o déficit fiscal, a dívida interna, a hiperinflação, a queda do investimento público e privado. O fracasso dos planos sucessivos implantados desde 1986 para dominar a situação explica-se afinal pela agravação das desigualdades sociais e a incapacidade política de adotar reformas agrárias e tributárias indispensáveis para atingir um consenso mínimo e mobi- lizar os fa tores ociosos de produção. A despeito de seu déficit elevado, o setor público industrial desempenhou um papel capital na industrialização global, encarregando-se das atividades não rentáveis para o setor privado, tanto nacional como multinacional, mas o modelo industrial escolhido, baseado na exclusão da maioria da população, revelou-se incapaz de promover um crescimento global equilibrado.

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