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La Bible au désert Quand un psychanalyste célèbre abandonne tout – sauf la prêtrise – pour vivre en ermite dans le désert marocain, cela donne naissance à de belles fulgurances. Daniel Duigou, seul en son oasis, nous fait découvrir à nouveau le livre le plus « hérétique » de la Bible : Qohélet, ou L’Ecclésiaste, dont la « vanité des vanités » nous amène, sans désespoir, à goûter une spiritualité authentiquement libre. P. 5 Cyrille Javary À partir de sa connaissance intime de la Chine, Cyrille Javary nous introduit à la perception qu’ont les Chinois eux-mêmes de leur univers spirituel. Du chamanisme archaïque et toujours vivace aux cultes contemporains, il retrace avec clarté une histoire plurimillénaire de rivalités autant que de dialogues et d’influences. Surtout, il nous montre ce que ces sagesses ont d’universel. Lire en dernière page des extraits de son introduction. LIRE PAGE 8 Albin Michel Numéro 27 – été 2010 Tony Cartano Dans les tourments de la guerre civile espagnole P. 2 Les contemplations épistolaires de Charlotte Jousseaume P. 3 La Bible lue par Marc-François Lacan P. 5 E ssayiste à l’œuvre immense, cri- tique d’art et littéraire, traducteur de Shakespeare et de Yeats comme de Pétrarque ou de Léo- pardi… les compétences d’Yves Bonnefoy semblent défier toutes les fron- tières, mais c’est moins leur pluralité qui les rend admirables que leur unité fondamen- tale : elles sont toutes orientées, nourries, sans cesse réévaluées par l’auteur à l’aune de son unique raison de vivre et d’écrire : la poésie. La poésie pour lui n’est pas un genre littéraire qui aurait sa case assignée dans un système culturel, elle est la fonda- tion de tout, elle est une manière de vivre – un peu comme cette philosophie antique dont Pierre Hadot nous a appris qu’elle n’était pas un ensemble de théories, mais une pensée à vivre. L’Inachevable, tel est le titre choisi par le poète pour son nouveau livre – un titre qui fait écho à son premier grand ouvrage de prose, paru en 1959, L’Improbable et autres essais. Sur plus de cinq cents pages, L’Inachevable rassemble vingt ans d’entretiens, pour la majorité inédits en France, et tous fondés sur la même exigence : celle de dire les choses en vérité, avec la plus grande jus- tesse, de faire que la précision de chaque mot colle de près à l’expérience intérieure. Véritables textes pen- sés et autonomes, d’une allure qui épouse la liberté du moment, ils portent sur la peinture, la musique, l’ar- chitecture, mais, dans la même foulée, sur le sacré, les mythes et la modernité. Tous cherchent à déchiffrer le signe ascendant de la poésie : une pratique qui, mieux qu’une sagesse satisfaite ou qu’une folie chao- tique, propose à chacun un chemin de lucidité, un acte d’amour par lequel le monde peut prendre sens. SUITE PAGE 2 Yves Bonnefoy, la poésie comme manière de vivre © Mathilde Bonnefoy HQ27 02/08/10 19:52 Page1

Numéro 27 – été 2010 Yves Bonnefoy, la poésie comme ... · chitecture, mais, dans la même foulée, sur le sacré, les mythes et la modernité. Tous cherchent à déchiffrer

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Page 1: Numéro 27 – été 2010 Yves Bonnefoy, la poésie comme ... · chitecture, mais, dans la même foulée, sur le sacré, les mythes et la modernité. Tous cherchent à déchiffrer

La Bible au désertQuand un psychanalyste célèbre abandonne tout – sauf laprêtrise – pour vivre en ermite dans le désert marocain, celadonne naissance à de belles fulgurances. Daniel Duigou,seul en son oasis, nous fait découvrir à nouveau le livre leplus « hérétique » de la Bible : Qohélet, ou L’Ecclésiaste,dont la « vanité des vanités » nous amène, sans désespoir,à goûter une spiritualité authentiquement libre. P. 5

Cyrille Javary

À partir de sa connaissanceintime de la Chine, CyrilleJavary nous introduità la perception qu’ontles Chinois eux-mêmesde leur univers spirituel.Du chamanisme archaïqueet toujours vivace aux cultescontemporains, il retraceavec clarté une histoireplurimillénaire de rivalitésautant que de dialogueset d’influences. Surtout,il nous montre ce que cessagesses ont d’universel.Lire en dernière page desextraits de son introduction.

LIRE PAGE 8

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Numéro 27 – été 2010

Tony CartanoDans les tourments de laguerre civile espagnole P. 2

Les contemplationsépistolaires deCharlotte Jousseaume P. 3

La Bible lue parMarc-FrançoisLacan P. 5

Essayiste à l’œuvre immense, cri-tique d’art et littéraire, traducteurde Shakespeare et de Yeatscomme de Pétrarque ou de Léo-pardi… les compétences d’Yves

Bonnefoy semblent défier toutes les fron-tières, mais c’est moins leur pluralité qui lesrend admirables que leur unité fondamen-tale : elles sont toutes orientées, nourries,sans cesse réévaluées par l’auteur à l’aunede son unique raison de vivre et d’écrire : lapoésie. La poésie pour lui n’est pas ungenre littéraire qui aurait sa case assignéedans un système culturel, elle est la fonda-tion de tout, elle est une manière de vivre –un peu comme cette philosophie antiquedont Pierre Hadot nous a appris qu’ellen’était pas un ensemble de théories, maisune pensée à vivre.L’Inachevable, tel est le titre choisi par lepoète pour son nouveau livre – un titre qui faitécho à son premier grand ouvrage de prose,paru en 1959, L’Improbable et autres essais.Sur plus de cinq cents pages, L’Inachevable rassemble vingt ans d’entretiens, pour la majorité inédits enFrance, et tous fondés sur la même exigence : celle de dire les choses en vérité, avec la plus grande jus-tesse, de faire que la précision de chaque mot colle de près à l’expérience intérieure. Véritables textes pen-sés et autonomes, d’une allure qui épouse la liberté du moment, ils portent sur la peinture, la musique, l’ar-chitecture, mais, dans la même foulée, sur le sacré, les mythes et la modernité. Tous cherchent à déchiffrerle signe ascendant de la poésie : une pratique qui, mieux qu’une sagesse satisfaite ou qu’une folie chao-tique, propose à chacun un chemin de lucidité, un acte d’amour par lequel le monde peut prendre sens.

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Yves Bonnefoy, la poésiecomme manière de vivre

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LLe romancier Tony Cartano –également grand éditeur de lit-térature étrangère, qui exerça

longtemps, et jusqu’à ces derniersmois, ses talents chez Albin Michel –a certainement écrit, avec Des giflesau vinaigre, son livre le plus person-nel. Pourtant, ce roman est appa-remment historique, nous donnant àvivre, avec une vérité rare les affresde la guerre civile espagnole, et del’exil qui s’ensuivit pour tant de vain-cus. Mais s’agit-il vraiment d’Histoire,

même si les ré-férences qu’in-dique l’auteur

en fin de volume sont bien solides ?Non, il est plutôt question de mé-moire, et d’une mémoire intime, carl’homme que Cartano a placé aucœur de son récit n’est autre queson père, anarchiste espagnol ayantvécu tous les combats épiques decette terrible guerre (de la colonneDurutti jusqu’à la bataille de Teruel),puis le combat moins épique de l’exilau pays basque français.

MAIS LA MÉMOIRE ELLE-MÊME A SES

LIGNES DE PERTE, et le romancier doitalors prendre le relais pour transmet-tre – quoi, il ne le sait pas d’avance,c’est la littérature qui le lui fera savoir.« Faire d’un père l’objet d’une fictionn’est pas un sacrilège, explique TonyCartano, surtout si l’on considèrequ’il fut un être d’illusion, entièrementfaçonné par l’utopie ». Et au cœur deson livre, entremêlant récit et auto-

2 L’Homme en Question ■ ÉTÉ 2010

Àl’heure où le temps de vie des livressemble s’aligner de plus en plus sur lesrythmes effrénés de la presse, elle-même éperonnée par la concurrence dela toile, à l’heure où l’expérience indivi-

duelle prime sur les savoirs collectifs, où l’exi-gence d’efficacité délégitime les longues analyses,pourquoi publier encore de grands ouvrages detype encyclopédique, réunissant des dizaines de sa-vants et intellectuels autour d’une thématique in-terdisciplinaire ? Parce que plus notre monde vavite, Trop vite pour reprendre le titre de Jean-LouisServan-Schreiber, plus nous avons besoin de cesoutils de réflexion qui s’élaborent lentement, qui sepensent collectivement, qui ne veulent pas sacrifierla complexité sur l’autel du marketing.Telle est la responsabilité des grands éditeurs, et telest le choix d’Albin Michel, même si la maison estplus connue pour ses spectaculaires best-sellers.Le succès en 2006 de l’Histoire de l’islam et des

musulmans en France du Moyen Âge à nos jours,dirigé par Mohammed Arkoun, avait été suivi en2007 du premier volume des Lieux de savoir,

consacré aux « Espaces et communautés » qui ontpermis aux hommes, en tous temps et en touslieux, d’élaborer et de transmettre leurs savoirs.Cette immense entreprise de recherche internatio-nale, dirigée par Christian Jacob, produira undeuxième volume en novembre, « Les mains del’intellect  », consacré aux pratiques savantes detous genres et de toutes cultures. Et dès octobre,un autre ouvrage collectif de plus de 1 300 pagesparaîtra sur La Naissance, rassemblant sous la di-rection du Pr René Frydman et de Myriam Szejerprès de deux cents spécialistes de tous domaines– du droit à l’obstétrique en passant par la psy-chanalyse, l’éthique, l’histoire, l’anthropologie…Au-delà des grands documents et de romans trèsattendus, l’actualité d’Albin Michel de cet automne,ce seront aussi ces deux monuments éditoriaux pu-bliés par deux femmes (respectivement HélèneMonsacré qui dirige le département Sciences Hu-maines, et Mathilde Nobécourt directrice du dé-partement Psychologie), que nous présenteronsdans notre prochain numéro. ■

Jean Mouttapa

QU’EST-CE QUE CE MONDE, se de-mande et nous demande Yves Bon-nefoy tout au long de ces entre-tiens ? Est-il possible à l’homme dele saisir, ou demeureront-ils à jamaisétrangers l’un à l’autre ? À écouter lepoète parler de l’Italie, de Shakes-peare qu’il a tant traduit, de Rim-baud ou du surréalisme qu’il a tra-versé dans sa jeunesse, mais encorede Goya, Picasso ou Giacometti, ondécouvre, à chaque page, un espoirinentamé dans les ressources del’être humain, dans sa capacité àconstruire et à résister. Derrière ce li-vre se profile la question de la grandepoésie, cette vue du monde et desêtres par le dedans, toujours acces-sible à chacun.

L’INACHEVABLE est d’abord un livre-somme, où s’agglomèrent en uneétrange entité littéraire, mêlés à dessavoirs multiples, tous les doutes dupoète, toutes ses interrogations et

son refus radical des solutions toutesfaites. Mais L’Inachevable est aussiun livre ouvert au lecteur, car YvesBonnefoy ne se situe jamais dansl’exposition arrogante de thèses et desynthèses, il n’est jamais dans la suf-fisance. Il désire seulement aller versle lecteur, lui prendre la main, parta-ger avec lui quelques clés, lui indiquerun seuil à partir duquel la quêtepourra devenir sienne. ■

L’InachevableYves BonnefoyEnv. 350 pages, env. 20 €

SUITE DE LA PAGE UNE

Éditorial3 ■ Victor Cohen-Hadria

■ Charlotte Jousseaume

4 ■ Stéphanie Janicot

■ Amanda Boyden

■ Louise Erdrich

5 ■ Daniel Duigou

■ Marc-François Lacan

6 ■ Josy Eisenberg

et Daniel Epstein

■ Fatna Aït Sabbah

■ Nicolas Lyon-Caen

7 ■ 10

■ Le Petit Gibert illustré

■ Les Philo-fables

pour la Terre

8 ■ Cyrille J.-D. Javary

■ Cheng Wing fun

et Hervé Collet

■ D. T. Suzuki

Sommaire

© D

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Un pèreentre mémoire et rêve

ROMAN

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Page 3: Numéro 27 – été 2010 Yves Bonnefoy, la poésie comme ... · chitecture, mais, dans la même foulée, sur le sacré, les mythes et la modernité. Tous cherchent à déchiffrer

3L’Homme en Question ■ ÉTÉ 2010

Tel semble être le questionne-ment de Victor Cohen Hadria,auteur il y a douze ans de

Chroniques des quatre horizons,incroyable kaléidoscope de la dias-pora juive. Dans Les Trois Saisons

de la rage, on retrouve le soucid’une trame complexe et subtile,de la mosaïque des destins et del’analyse des conduites humaines,mais en les arrimant au milieu duXIXe siècle, l’année 1859 exacte-ment, et la pratique médicale dudocteur Le Cœur, homme des Lu-mières, fils de la Révolution, vraihumaniste c’est-à-dire qui douteconstamment, annonçant autantPasteur que Freud.

Dans une correspondance avec unmédecin aux armées, Le Cœur ap-prend que le soldat Délicieux, unpaysan pauvre et analphabète desa commune normande, qui s’estenrôlé à la place d’un fils de fermierprospère, veut s’adresser à sa fian-cée restée au pays.

DE CETTE HISTOIRE D’AMOUR, lamen-table et triste, on a ensuite une au-tre approche dans le journal quetient le médecin de campagne toutau long de l’hiver et du printemps.Lui qui connaît tous les secrets defamille, les maladies, les adultères,les misères sociales, qui n’est pasexempt lui-même de tentations et

d’aventures, se consacre pourtant àses rares heures de liberté à un traitésur la rage et à une réflexion sur lesmotivations de l’âme humaine. Etc’est toute une comédie humainequi prend vie alors, un tourbillon dedestins où paysans, bourgeois etchâtelains partagent une même avi-dité de vivre, où la naïveté, le cy-nisme, la brutalité, l’égoïsme et lesexe mènent la danse…Formidable catalogue des mœurs,croyances et turpitudes du monderural, c’est une vision du monde etde l’histoire que nous offre VictorCohen Hadria, pleine d’humanité etde lucidité. Et si l’on pense à Mau-passant inévitablement, à MartinWinckler et sa Maladie de Sachs

pour l’évocation de la souffrancehumaine du point de vue d’un mé-decin, on se dit que Cohen Hadriaréussit ici un pari délicat : situer sonaction il y a cent cinquante ans etnous parler de nous, de nos espé-rances, nos désirs, nos actes et noséchecs, preuve s’il en est que lagéographie des sentiments n’estpas affaire de temps. ■

Les Trois Saisons de la rageVictor Cohen-Hadria464 pages, 22 €

■ Du même auteur :Chroniques des quatre saisons480 pages, 21,30 €

Comment, dans un roman, rendre compte du monde sinon en démultipliant les récits, en les

imbriquant les uns dans les autres, en en changeant la perspective suivant les narrateurs ?

Normandie, côté cœurROMAN

Lettres d’uneâme vivanteVoici un livre étrange, court comme untrait de lumière, sans effet ni affectation,qui devrait faire son chemin parmi leslecteurs assoiffés d’authentiquelittérature spirituelle – ceux, par exemple,qui demeurent inguérissables de ladisparition de Christiane Singer. Sonauteur, Charlotte Jousseaume, nous offreà travers ce premier livre le fruit d’unesensibilité contemplative enracinée dansle quotidien. S’agit-il d’un roman, d’uneméditation, d’un poème en prose ?

On ne saurait dire au premier abord…On penserait même par moments à untémoignage réel, tant est troublante lavérité humaine de ces six lettres qu’écritla narratrice, nouvellement installée dansune propriété normande qu’elle aappelée « Le chêne de Mambré », où ellerevient à la vie après avoir traversé lesténèbres à la suite d’un deuil. Six lettresoù s’exprime une extrême attention à cequi fait la singularité de chacun, et d’oùjaillit une confiance sereine en lavocation divine de tout être.C’est beau, profond et superbementécrit. Beau par une ouverture à lanature, aux signes de l’existence, à laqualité du silence, qui invite às’émerveiller de tout ce qui est vivant,jusqu’aux simples pierres. Profond carhabité de ce calme indéfinissable, maisen tout cas dégagé de toute tristesse,qui peut suivre les grandes tempêtesintérieures. Quant à l’écriture, elleépouse si bien cette mystique duquotidien qu’au-delà du vocabulaireprofondément chrétien, on se sentaspiré, croyant ou pas, dans l’ascensionspirituelle dont témoigne la narratrice. ■

Le silence est ma joieCharlotte Jousseaume154 pages, 13 €

MÉDITATION

biographie, il a ce temps de ré-flexion digne de figurer dans uneanthologie :

«  …L’HISTOIRE ÉCHAPPE, se perddans les creux. C’est sans doutecette crainte et de la trahison dé-clarée et volontaire qui m’a si long-temps tenu à l’écart du sujet. Ilm’est arrivé pourtant de me direque j’avais lu tous les livres, vu tousles films, toutes les expositions, etque la coupe était trop pleine. Heu-reusement, l’écrivain a des recours.S’il ne peut prétendre, pas plus quen’importe qui, à la vérité, il s’arroge

par contre le droit de tricher. Tout luiest permis. Dès que les mots ont,au-delà de leur sens, la prétentionde créer des images, les limitestombent. L’échafaudage compenseles trous, les oublis creusés par letemps qui a passé. Raconter, si ons’y applique avec liberté, n’a riend’un acte magique ni d’une profa-nation de sépulture. On peut enêtre empêché par des circons-tances désagréables ou provisoire-ment destructrices. L’essentiel,c’est de croire, dur comme fer, sanshonte, que le monde réel vous ap-partient. À supposer que cela relèvedu mensonge ou du fantasme, tantpis, du moment que l’illusion sel’approprie. Sans honte, je peuxm’en sortir. Tout est là ».À travers la réécriture cruelle et lu-mineuse de cette histoire à la foisvécue et rêvée, c’est tout l’enjeu del’écriture romanesque qu’a vouluexplorer Tony Cartano. Pari réussi. ■

Des gifles au vinaigreTony Cartano272 pages, 19 €

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4 L’Homme en Question ■ ÉTÉ 2010

On ne peut qu’être frappé par lacohérence de l’univers roma-nesque de Stéphanie Janicot

qui décline de roman en roman l’in-cessante complexité des relations fa-miliales, famille recomposée, deuil àfaire, rupture à consommer. DansQue tous nous veuille absoudre, ti-tre emprunté à « La Ballade des pen-dus » de Villon, c’est une femme re-venue de loin qui raconte sonquotidien. Ou plutôt sa survie, ellequi a perdu son mari, comme ellereporter de guerre, dans un attentat.Place de la Contrescarpe à Paris, oùelle habite, elle tente une difficile re-naissance, d’autant plus difficile

qu’elle doit supporter chaque matinles prophéties assenées par un en-fant qui fascine tous les riverains tantses imprécations résonnent en euxcomme autant de catastrophes in-times. Amadouer ce mystérieux en-fant de Sarajevo, écouter Catherineson amie la pharmacienne, sa filleado à l’heure des choix, se projeter,avec Samuel, son beau-fils, dans unavenir incertain, se rassembler et ac-cepter un monde fait de violence etd’injustice, tel est son défi, qui faitécho aux nôtres. Et cet enfant pro-phète, tour à tour ange de la désola-tion et ange de la résurrection,évoque autant nos peurs que nosdésirs de plénitude et de paix. ■

Que tous nous veuille absoudreStéphanie Janicot272 pages, 19 €

L’ange de la ContrescarpeROMAN

O rchid Street est en train dechanger. Ariel May et son mari,tout juste arrivés du Minnesota,

l’une pour prendre la direction d’un hô-tel de luxe, l’autre pour jouer lespères au foyer, essaient de prendre lamesure de ce quartier populaire et deleur nouvelle ville. Depuis sa véranda,Philomenia Beauregard observe sesnouveaux voisins, les Gupta, origi-naires d’Inde, qui emménagent dansl’une des plus grandes maisons. Del’autre côté de la rue, un adolescentnoir, un dealer de crack qui se fait ap-peler Fearius, vient de sortir de mai-son de correction. Plus loin, CeriseBrown assiste impuissante à la séni-lité grandissante de son mari…

LE ROMAN S’ARTICULE autour de lavie de ces personnages, de leurs as-pirations et de leurs frustrations, degrands et petits drames. Mais dans lamenace de cet ouragan imminent,certaines tensions s’exacerbent, etles éléments ne tardent pas à se dé-chaîner dans les cœurs et les es-prits, jusqu’à mener au drame.

À TRAVERS CES CINQ VOIX, AmandaBoyden saisit parfaitement la vérité del’existence de ces personnages dontles peurs et les espoirs atteignent unedimension universelle. Elle raconte uneAmérique fissurée par les différencesde race et de classe sociale, une Amé-rique qui nous ressemble étrange-ment. Un roman fort et émouvant quiest aussi un magnifique portrait de laNouvelle-Orléans. ■

En attendant BabyloneAmanda Boyden448 pages, 22 €

Drame avant la tempêteHISTOIRES DE VIE

La romancière américaine Amanda Boyden s’attache à suivre

les destins d’une douzaine de personnages qui habitent

la même rue de la Nouvelle-Orléans, dans les jours

qui précèdent l’arrivée d’un ouragan, Ivan, qui a frappé la ville

à l’été 2004, un an avant Katrina.

Tragédie dans les Grandes PlainesAMÉRIQUE

Hommage au Dakota du Nord quiest devenu le lieu embléma-tique de son œuvre, le nouveau

roman de Louise Erdrich fait revivre ledestin de plusieurs familles aux destinsinextricablement mêlés.Jamais élucidé, le massacre d’une fa-mille de fermiers blancs en 1911 hantetoujours la petite ville de Pluto. QuatreIndiens avaient été lynchés sans autreforme de procès pour ce crime qu’ilsn’avaient pas commis. Seul l’Indien

Mooshum avait échappé au lynchage.Personne ne comprend mieux lepoids de ce drame que le juge Coutts,qui veille sur les habitants de Plutoavec compassion et lucidité. MaisEvelina Harp, la petite-fille de Moo-shum, mi-ojibwé, mi-blanche, adoles-cente extrême et prompte à tomberamoureuse, est fascinée par cette his-toire. Elle veut à tout prix découvrir lavérité et percer les zones d’ombre durécit de son grand-père…

Louise Erdrich excelle à tisser les voixde ces trois narrateurs et à les ras-sembler en un chœur de tragédiegrecque, composant une mosaïquesomptueuse d’histoires qui s’entre-mêlent sur plusieurs générations, tourà tour glaçantes, drôles et mélanco-liques. ■

La Malédiction des colombesLouise Erdrich496 pages, 22 €

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5L’Homme en Question ■ ÉTÉ 2010

P rêtre, il le demeurera, car ce n’estpas une fonction mais un sa-crement, qu’il a d’ailleurs reçu

tardivement, à cinquante ans passés.Il a fait construire une casbah auxconfins du désert marocain, où il s’estinstallé, loin de tout – plus près peut-être de lui-même. De son oasis, où ilvit dorénavant en ermitage, DanielDuigou nous fait partager les beautés,les silences, les rares et riches ren-contres.

UN QUOTIDIEN RYTHMÉ PAR SES LEC-TURES BIBLIQUES, et notamment parcelle d’un livre étrange, déconcertant,tellement agnostique a priori que sacanonicité a parfois été remise encause : Qohélet, ou L’Ecclésiaste.Son auteur semble flirter parfois avecle nihilisme, tellement il s’inscrit enfaux contre toutes les logiques alié-nantes de ce monde. Daniel Duigouse joint à cette critique radicale de lasociété et de la religion, qui exprimeen creux une sagesse de la liberté :oui, il faut en finir avec ces idéologieset avec ces fausses morales qui nouspossèdent, oui, il faut rompre avecl’esprit de sacrifice, vestige d’une re-ligion dévoyée. En écho à Qohélet, leméditant au fond du désert part decette constatation terrible que, déci-dément, « tout est vanité », pour nousconduire petit à petit sur un chemind’espérance – d’une Espérance théo-logale ayant fait table rase de tousles faux espoirs pauvrement humains.Le lecteur de cette méharée spirituellepassera par les haltes les plus contra-dictoires : toujours en écho à Qohélet,il vivra le temps de l’emprise et celuide la dépossession, le temps de la ré-volte et celui de la méditation, letemps de l’agonie et celui de la jouis-sance, le temps de la folie et celui du

Une méharée spirituelleSAGESSE

Il a quitté son appartement, il a abandonné ses habitudes

parisiennes, dit adieu à ses amis et à ses anciennes

fonctions – journaliste de télévision ayant une belle carrière

derrière lui, psychologue-psychanalyste travaillant

notamment dans l’accompagnement des mourants.

L ’exercice de la lecture et de latraduction de la Bible a étéune activité essentielle du

moine bénédictin tout au long de savie (1908 – 1994). Activité qui s’ac-compagnait toujours d’une hermé-neutique, d’un effort d’interprétationoù se dit la liberté de l’homme lecteurde la Parole de Dieu. Toujours Marc-François Lacan reste du côté de lavie, du don, de l’écoute, et de la pa-role comme recherche inlassabled’une vérité inépuisable.

LA VÉRITÉ AVEC UNE MAJUSCULE estcertes transmise par la Révélation,mais pour l’homme «  la vérité ne

s’épuise pas  », elle s’élargit sanscesse à partir des questions susci-tées par la Bible – car la Bible, en ef-fet, n’est pas là pour apporter desréponses, contrairement à ce quel’on croit souvent, elle est là pour dé-placer et approfondir nos ques-tionnements. ■

Frère LacanBIBLE

La vériténe s’épuise pasMarc-François Lacan322 pages, 18 €

partage… Puis il en reviendra à Jésus,aussi génialement déconcertant pourle croyant que pour le psychanalyste.Jésus qui invite sans cesse ses inter-locuteurs à assumer leur destin desujets libres et vivants. Il nous faut re-venir à l’Évangile, nous dit Daniel Dui-gou, car l’Évangile n’a jamais voulul’humiliation de l’homme, il l’a appeléau contraire à cette élévation royalequ’est la véritable humilité. ■

Vanité des vanités…Méditations au désertDaniel Duigou322 pages, 17 €

Après Dieu n’est pas un assureur (paru en avril dernier),

ce deuxième volume de l’œuvre de Marc-François Lacan,

frère du célèbre psychanalyste, rassemble des textes

d’exégèse et de théologie.

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L’œuvre de Marc-François Lacan, sa relation avec son frère et pluslargement les liens entre « Psychanalyse et spiritualité » seront évoqués aucours de la rencontre animée par Nathalie Sarthou-Lajus, rédactrice en chefadjointe de la revue Études, en collaboration avec la librairie La Procure, etavec la participation de Marie Balmary et Jacques Sédat, le mercredi29 septembre de 19 h 30 à 21 h 30 à l’auditorium du Centre Sèvres, 35 bisrue de Sèvres 75006 Paris (Métro Sèvres-Babylone, entrée libre).

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6 L’Homme en Question ■ ÉTÉ 2010

T out est en Dieu, et Dieu se ma-nifeste à travers tout : non seu-lement dans les maisons

d’étude, mais aussi dans la nature ;non seulement dans la prière codifiée,mais aussi dans l’élan spontané descœurs brisés ; non seulement dans lestextes de la tradition, mais aussidans les récits populaires.

RABBI NAHMAN DE BRASLAV, petit-filsdu Baal Chem Tov, le fondateur duhassidisme, n’est pas célèbre quepar son ascendance. Sa pensée in-carne l’essence même du hassi-disme. Outre ses enseignementsthéoriques, Rabbi Nahman a écrit unlivre unique dans la tradition juive : unlivre de contes. Bien entendu, ce nesont pas des contes ordinaires, maisbien des contes hassidiques : sim-ples, emplis de merveilleux, ils parlentaux plus humbles, jeunes et vieux ;truffés de symbolisme à plusieurs ni-veaux, ils constituent des énigmesque les plus grands kabbalistes s’at-tachent à déchiffrer. Entre ces deuxextrêmes, chacun y trouve un niveaude lecture qui entre en résonanceavec son âme.

PENDANT TOUTE UNE ANNÉE, les rab-bins Josy Eisenberg et Daniel Epsteinont commenté à la télévision l’un deces contes. Fils de roi, fils d’esclave

raconte l’histoire classique d’unprince et d’un roturier échangés à lanaissance. Au fil de la lecture, ondécouvre que derrière la fable se ca-chent les secrets de l’histoire univer-selle et le destin de l’âme… ■

Fils de roi, fils d’esclaveJosy Eisenberg et Daniel Epstein192 pages, 16 €

Le conte à clésde Rabbi Nahman

JUDAÏSME

Pourquoi la question fémininecristallise-t-elle à ce point lespassions dans le monde mu-

sulman ? Comment en est-elle venueà incarner toutes les peurs des milieuxconservateurs face à la modernité ?Pour répondre à ces questions et,éventuellement, proposer des solu-tions, il ne suffit pas d’en rester au ni-veau de l’histoire des faits : il faut seplonger dans l’histoire des représen-tations, y compris les plus obscureset les plus inconscientes.

LA FEMME DANS L’INCONSCIENT MU-SULMAN, qui fit scandale à l’époquede sa parution avant de s’imposercomme un classique et qui paraît au-jourd’hui dans une version entière-ment revue, explore l’image de lafemme dans le discours orthodoxe :subalterne, tentatrice… Mais il dé-voile aussi un pan méconnu de la lit-térature musulmane : son « discoursérotique religieux  » qui révèle unefemme « omnisexuelle, animale et in-satiable » à laquelle, l’homme, réduit

à un phallus, est à jamais incapablede donner pleine satisfaction.Mêlant avec brio l’analyse sociolo-gique de la modernité, l’exégèse duCoran et de la législation musulmane,et la lecture de récits érotiques à fairerougir les moins prudes, ce livre est àla fois provocant et éclairant tout endemeurant toujours respectueux. ■

La Femme dans l’inconscientmusulmanFatna Aït Sabbah240 pages, 8 €

La femme,le Coran et l’érotisme

ISLAM

Le hassidisme, né au XVIIIe siècle en Europe orientale, est un

mouvement mystique juif qui a la particularité d’être à la fois

élitiste et populaire. Élitiste, parce qu’il est mené par un groupe

de kabbalistes visionnaires, littéralement plongés corps et âme

dans les mystères les plus profonds de la vie divine ; populaire,

parce qu’il revendique pour chacun l’accès direct à Dieu.

Au delà de Port-RoyalHISTOIRE

P ar son importance dans l’évo-lution culturelle et politique fran-çaise et par l’extraordinaire am-

pleur des sources qu’il a laissées, lejansénisme a suscité l’attention de tousles courants historiographiques, deSainte-Beuve au marxisme. Danscette étude qui renouvelle la question,Nicolas Lyon-Caen s’attache augroupe même des jansénistes pari-siens : il montre ce qui fait leur cohé-sion et ce qui supporte leur influence,tout en s’interrogeant sur la perma-nence d’un groupe social dans uncontexte politique troublé. Stimulée parla persécution subie par les religieux dePort-Royal et leurs amis, la cohésiondes réseaux jansénistes incarne auXVIIIe siècle l’esprit même de la bour-

geoisie parisienne ; une « caisse se-crète », la boîte à Perrette, montre l’exis-tence d’un groupe structuré, un peu àla manière de ce que l’on appellerait au-jourd’hui un parti politique.

PRATIQUANT UNE ANALYSE DE SOCIO-LOGIE HISTORIQUE TOTALE, l’auteurmontre qu’être janséniste à Paris,c’est à la fois appartenir à un courantreligieux (dont il met en évidence lesdiverses nuances), pratiquer la dé-votion (aspect traditionnel de la cha-rité paroissiale) et nouer des relationsdans un réseau institutionnel et poli-tique où la société parisienne puisel’essentiel de sa stabilité (corpora-tions, municipalité, Parlement). Fruitd’un immense travail de recherche

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Page 7: Numéro 27 – été 2010 Yves Bonnefoy, la poésie comme ... · chitecture, mais, dans la même foulée, sur le sacré, les mythes et la modernité. Tous cherchent à déchiffrer

7L’Homme en Question ■ ÉTÉ 2010

dans les actes notariés parisiens, lelivre de Nicolas Lyon-Caen replacela question janséniste sur le terrainsocial et contribue à la défensed’une sociologie historique du faitreligieux. ■

La Boîte à Perrette.Le jansénisme parisienau XVIIIe siècleNicolas Lyon-CaenEnv. 560 pages, 25 €

A uteure du best-seller ABC3D,publié à plus de 200 000exemplaires dans le monde,

Marion Bataille s’est imposée parmiles grands créateurs de pop-up, ceslivres animés surprenants que goû-tent petits et grands.

AVEC ABC3D, Marion Bataille jon-glait avec les lettres de l’alphabet ;dans l0, elle joue de la beauté for-melle des 10 chiffres arabes et duplaisir de compter à l’endroit et àl’envers. Chaque chiffre noir dans ladouble page blanche se trans-

forme, grâce à une tirette, en unautre chiffre : 01 devient 10, 2 de-vient 9, 3 devient 8… La répétitiondu geste permet de passer deschiffres croissants aux chiffres dé-croissants et d’éprouver la parfaitesymétrie des chiffres, des mains etdu corps.Compter sur ses 10 doigts et mani-puler les chiffres avec ses mains,admirer les métamorphoses, l’épuredes lignes et des 3 couleurs – blanc,

noir, rouge – glisser le livre dans uncoffret aux formes parfaites : l’intel-ligence récréative de cet album l0charmera les adultes et les plusjeunes aimant les chiffres mais aussiceux qui, se sentant malmenés pareux, pourront les manier avec jubi-lation et en apprécier l’esthétisme. ■

10Marion Bataille11 pages, 12,50 €

Jouer avec des chiffresLIVRE-OBJET

L ’écrivain Bruno Gibert redéfinitdans ce dictionnaire imaginaireplus de 500 mots choisis au ha-

sard, dans une langue et un esprittoujours proches de l’enfance. Le jeuest simple : trouver ce que chaquemot cache implicitement de poé-tique, d’absurde, d’anecdotique oude simplement drôle. Réduits à cesens secondaire ou métaphorique,les mots « rhabillés » entraînent le lec-teur dans un jeu littéraire. Mais plusqu’un simple exercice de style, en mi-mant le dictionnaire et désacralisantainsi les mots, ce livre ouvre la voied’un principe de création : inventerlibrement sa propre définition deschoses et du monde. Les illustrationssurréalistes, traitées comme desplanches encyclopédiques, com-plètent le tableau fantaisiste. Objetscomposites, hybrides improbables,attelages merveilleux : les mots ré-inventés ont leur pendant en images.

Tous les codes d’un dictionnaireclassique sont respectés pour par-faire le pastiche.L’immense talent de Bruno Gibert,aussi doué pour l’écriture que pourl’illustration fait de ce livre une œu-vre unique pleine d’humour, degrâce et de sens. ■

Le Petit Gibert illustréBruno Gibert192 pages, 16 €

Un dictionnaireinattendu

MOTS

SALSIFIS n.m. Légume venu de l’espace.

SAUVAGE adj. Il y a très longtemps, le cheval était sauvage, le chien était sau-vage, la chèvre était sauvage, la vache était sauvage, le chat était sauvage,l’homme était sauvage.

RÉPONSE n.f. Celle-ci est valable pour toutes les questions : « Je ne sais pas. »

OURS n.m. Papa du nounours. L’animal est devenu féroce le jour où les enfantsont volé tous les nounours pour les mettre dans leur lit.

AMI n.m : Précieux coffre à secrets.

L’écologiepour tous

D ans la continuité des Philo-fa-bles, les Philo-fables pour laTerre proposent aux enfants

de s’interroger sur leurs relations avecla nature.À travers des mythes, des fables an-ciennes et modernes, des contes detoutes origines, sont abordées les no-tions de responsabilité, de modéra-tion, d’équilibre, de consommation…

CES FABLES OU PARABOLES, toutes il-lustrées par des symboles en tam-pons colorés de l’artiste peintre Phi-lippe Lagautrière, ne donnent pas deleçons ; elles veulent être le point dedépart d’une réflexion personnelle etd’une remise en question des préju-gés et des habitudes. C’est pourquoiun petit atelier philosophique propiceà interrogations vient les prolonger.Ces écolo-fables (on pourrait bien lesappeler ainsi !) cherchent à nous res-ponsabiliser. Pouvons-nous continuerà nous comporter comme si nousétions les seuls maîtres d’une Terreaux ressources supposées infinies etne devons-nous pas écouter les mes-sages de sagesse des autres civilisa-tions ? Que faisons-nous, chacun(adultes comme enfants !), pour pré-server notre planète ? ■

Les Philo-fables pour la TerreMichel Piquemal/Philippe Lagautrière148 pages, 13,50 €

JEUNESSE

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8 L’Homme en Question ■ ÉTÉ 2010

L’Occidental qui voyage en Chine contem-poraine est frappé par l’activité bourdon-

nante des temples chinois. Ceux-ci, fermés du-rant l’époque maoïste, détruits durant la Révolutionculturelle, n’ont pas disparu. Alors même qu’il sem-ble aujourd’hui que l’argent soit le seul dieu prié surle continent chinois, on se rassure à voir que lesvieux temples de jadis sont toujours là. Ou plutôt,qu’ils sont de nouveau là, reconstruits quand ilsavaient été démolis, refaits à neuf quand ils avaientété abandonnés. Et que l’on s’y presse, jeunes etvieux, touristes chinois et paysans du lieu ; à croireque trente années de marxisme athée, de maoïsmeantireligieux ont glissé sur le cœur des Chinoiscomme l’eau sur l’aile d’un canard.

LE SPECTACLE DE CES TEMPLES, de ces moines et deces moniales, de ces cérémonies, nous conforte fi-nalement dans l’idée qu’au niveau du religieux,les Chinois ne sont finalement pas si différents denous. Bien sûr, leurs dieux sont bizarres, leurscostumes étranges, leurs chants singuliers, maiscela n’est qu’écume : au-delà des particularitésculturelles, la spiritualité humaine n’est-elle pasuniverselle ? Il y a bien une religion des Chinois, etmême trois : le taoïsme, le confucianisme et lebouddhisme.Mais n’est-ce pas un peu superficiel de conclureainsi ? N’est-ce pas plaquer une grille familière surun univers dont l’étrangeté est parfois très décon-certante ? La Chine est si particulière, si différentede tout ce dont nous avons l’habitude, qu’à l’abor-der avec les présupposés de notre culture, nousrisquons ne pas percevoir ce qu’elle a d’original ou,pire, de ne pas nous apercevoir que certains fon-damentaux qui nous semblent universels – laconception du divin, la signification de la prière, la

fonction d’un temple… – n’y tiennent pas du toutla même place, et même pour tout dire, n’y exis-tent pas. […]

C’EST POURQUOI NOUS PRÉFÉRONS PARLER DE “SA-GESSES”, plutôt que de “religions” chinoises : à la dif-férence de la religion qui se fonde sur un absolu sanscompromission possible, la sagesse est un chemi-nement, une propension, un enseignement. En chi-nois, taoïsme, confucianisme et bouddhisme sontréunis par une expression, san jiao, qui signifie lit-téralement “les trois enseignements”. En effet, au-cun idéogramme, en chinois classique, necorrespond à l’idée occidentale de religion…

Extraits de l’introduction de :

Les Trois Sagesses chinoises. Taoïsme,confucianisme, bouddhismeCyrille J.-D. Javary256 pages, 17 €

■ Du même auteur :100 Mots pour comprendre les Chinois334 pages, 16 €Le Discours de la tortue680 pages, 25 €

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ALBIN MICHEL, 22 rue Huyghens, 75014 Paris – Tél. : 01 42 79 10 92 – Fax : 01 43 27 21 58 – www.albin-michel.frRédaction : Jean Mouttapa, éditeur ; Julien Darmon ; Anne-Sophie Jouanneau – Coordination : Gil Rousseaux – Maquette : Caractère B.

La sieste, un artde vivre chinoisDans cette anthologie de poésiechinoise, l’art de la siesteest célébré comme jamais :sous la brise douce de l’été,maîtres ch’an et taoïstescélèbrent le non-agir, ledétachement, la joie de vivre etde se laisser vivre en harmonieavec la nature…Autant de réjouissances qui s’accompagnentsouvent d’une coupe de vin, seul ou entre amis.Traduit et rassemblé par deux spécialistes de lapoésie chinoise, orné de superbes calligraphies,ce recueil est le compagnon idéal des longsaprès-midis à l’ombre des pins, ou des doucesnuits embaumées de jasmin… ■

« sur la mousse verte qui recouvre la terre, ledébut de l’éclaircie

sous les arbres verdoyants, de la sieste je meréveille, personne

seul le vent du sud, ancienne connaissance,ouvre furtivement la porte et feuillette un livre »

L’Art de la sieste et de la quiétudeCheng Wing fun et Hervé Collet256 pages, 7,50 €

Le testamentspiritueld’un grandmaître zenAuteur des célèbres Essais sur le bouddhisme zen,Daisetz Teitaro Suzuki (1870-1966) est le maîtrequi a fait connaître le Zen en Occident. Il fut encontact avec les plus grands penseursoccidentaux, comme C. G. Jung. Ces DerniersÉcrits au bord du vide (originellement parus sousle titre Field of Zen, et dont la traduction était trèsattendue) rassemblent des articles – dont uneautobiographie spirituelle – qu’il écrivit dans ladernière décennie de sa vie. Son intuitionspirituelle y atteint un très haut degré d’intensité,de simplicité et de poésie. Il y compare notammentla mystique de Maître Eckhart avec le Zen, analysel’acte de création du monde comme un jeu dequestions-réponses au sein même de Dieu ouencore diagnostique le malaise dans la civilisationcomme dû à l’hypertrophie de l’intellect. Cesarticles sont de vraies « graines d’éveil » appeléesà germer dans l’esprit du lecteur. ■

Derniers Écrits au bord du videD. T. Suzuki238 pages, 16 €

La Chine, terre d’espritset de sagesses

RELIGIONS

© F

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Lolli

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