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Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Nutrition clinique et métabolisme 28 (2014) 244–248 Développement professionnel continu Nutrition de l’obèse agressé Nutrition support in obese patient Fabienne Tamion a,b,a Inserm U1096, faculté de médecine pharmacie, université de Rouen, France b Réanimation médicale, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France Disponible sur Internet le 12 juin 2014 Résumé Au cours de ces trois dernières décennies, l’incidence de l’obésité a considérablement augmenté dans les pays industrialisés. Aussi, il n’est pas surprenant que les patients obèses représentent une population croissante dans les services de réanimation. Le patient obèse agressé présente de grandes variations du métabolisme des hydrates de carbones, des lipides et des acides aminés ainsi que du catabolisme protéique. Le support nutritionnel chez le patient agressé est un véritable défi pour l’équipe médicale mais il devient encore plus difficile chez le patient obèse. La mesure de la dépense énergétique par calorimétrie indirecte détermine au mieux la dépense énergétique, néanmoins elle est peu utilisable notamment en réanimation ; différentes équations peuvent alors être utilisées. Le régime hypocalorique, hyperprotidique peut être bénéfique sur l’anabolisme protéique et le contrôle glycémique. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Obésité ; Réanimation ; Réponse métabolique ; Apport nutritionnel Abstract Over the past three decades the incidence of obesity showed a steady rise in developed countries. So, it is not surprising that obese patients constitute an increasing portion of patients admitted to the intensive care units. Critically ill obese patients are characterized by wide variations in their carbohydrate, lipid and amino acid/protein metabolism. Nutrition support in the critically ill patient is challenging but is even more difficult in a morbidly obese patient. Providing nutritional support for the critically ill obese patients represents a unique challenge to the medical team. Measurement of energy expenditure by indirect calorimetry has become the preferred method, however it is not always available and different equations could be used. Hypocaloric, high-protein nutritional support may be beneficial for net protein anabolism and better glycemic control. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Obesity; Intensive care unit; Metabolic response; Nutritional support 1. Introduction L’obésité est devenue la pathologie métabolique la plus fré- quente des pays industrialisés [1]. La prévalence de l’obésité augmente de fac ¸on « épidémique » dans les pays industria- lisés, comme dans les pays en voie de développement. En Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] France, ce constat est bien actuel puisque la prévalence de l’obésité adulte a augmenté en moyenne de 5,9 % par an depuis 12 ans, pour atteindre 14,5 % en 2009 d’après l’enquête natio- nale ObEpi 2009 [2]. On observe également une augmentation de la prévalence de l’obésité infantile : selon la dernière enquête Individuelle et Nationale sur les Consommations Alimentaires (enquête Inca 2), 13 % des enfants entre 3 et 17 ans seraient en surpoids (obésité incluse) [3]. Cette prévalence franc ¸aise connaît une augmentation identique à celle observée aux États- http://dx.doi.org/10.1016/j.nupar.2014.05.002 0985-0562/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Nutrition de l’obèse agressé

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Nutrition clinique et métabolisme 28 (2014) 244–248

Développement professionnel continu

Nutrition de l’obèse agressé

Nutrition support in obese patient

Fabienne Tamion a,b,∗a Inserm U1096, faculté de médecine pharmacie, université de Rouen, France

b Réanimation médicale, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France

Disponible sur Internet le 12 juin 2014

ésumé

Au cours de ces trois dernières décennies, l’incidence de l’obésité a considérablement augmenté dans les pays industrialisés. Aussi, il n’estas surprenant que les patients obèses représentent une population croissante dans les services de réanimation. Le patient obèse agressé présentee grandes variations du métabolisme des hydrates de carbones, des lipides et des acides aminés ainsi que du catabolisme protéique. Le supportutritionnel chez le patient agressé est un véritable défi pour l’équipe médicale mais il devient encore plus difficile chez le patient obèse. La mesuree la dépense énergétique par calorimétrie indirecte détermine au mieux la dépense énergétique, néanmoins elle est peu utilisable notamment enéanimation ; différentes équations peuvent alors être utilisées. Le régime hypocalorique, hyperprotidique peut être bénéfique sur l’anabolismerotéique et le contrôle glycémique.

2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Obésité ; Réanimation ; Réponse métabolique ; Apport nutritionnel

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Over the past three decades the incidence of obesity showed a steady rise in developed countries. So, it is not surprising that obese patientsonstitute an increasing portion of patients admitted to the intensive care units. Critically ill obese patients are characterized by wide variations inheir carbohydrate, lipid and amino acid/protein metabolism. Nutrition support in the critically ill patient is challenging but is even more difficultn a morbidly obese patient. Providing nutritional support for the critically ill obese patients represents a unique challenge to the medical team.

easurement of energy expenditure by indirect calorimetry has become the preferred method, however it is not always available and different

quations could be used. Hypocaloric, high-protein nutritional support may be beneficial for net protein anabolism and better glycemic control.

2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Fl1

. Introduction

L’obésité est devenue la pathologie métabolique la plus fré-

uente des pays industrialisés [1]. La prévalence de l’obésitéugmente de facon « épidémique » dans les pays industria-isés, comme dans les pays en voie de développement. En

∗ Correspondance.Adresse e-mail : [email protected]

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http://dx.doi.org/10.1016/j.nupar.2014.05.002985-0562/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

rance, ce constat est bien actuel puisque la prévalence de’obésité adulte a augmenté en moyenne de 5,9 % par an depuis2 ans, pour atteindre 14,5 % en 2009 d’après l’enquête natio-ale ObEpi 2009 [2]. On observe également une augmentatione la prévalence de l’obésité infantile : selon la dernière enquêtendividuelle et Nationale sur les Consommations Alimentaires

enquête Inca 2), 13 % des enfants entre 3 et 17 ans seraientn surpoids (obésité incluse) [3]. Cette prévalence francaiseonnaît une augmentation identique à celle observée aux États-
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nis il y a 30 ans. Actuellement, on considère que plus d’unord-Américain sur trois est un obèse. De nombreuses étudesnt évalué l’impact de la corpulence sur le pronostic des patientsbèses hospitalisés notamment dans les services de soins inten-ifs. L’impact de l’obésité sur la morbi-mortalité varie enonction du degré d’obésité et du type d’agression. Parallèle-ent, son coût économique et ses conséquences représentent

ce jour plus de 2 à 5 % des dépenses de santé dans les paysndustrialisés [3].

. Définition de l’obésité

L’obésité se définit par un excès de poids dû à une inflation dea masse grasse, c’est-à-dire à un excès des réserves énergétiques4,5]. En pratique, on évalue la masse grasse indirectement àartir de l’indice de masse corporelle (IMC) prenant en comptees éléments simples que sont : le rapport du poids (kg) sure carré de la taille (m2) [6]. L’intervalle de l’IMC optimal estitué entre 18,5 et 24,9. La surcharge pondérale correspond à’intervalle d’IMC compris entre 25 et 29,9. L’obésité se définitar un IMC égal ou supérieur à 30. Entre 35 et 40, on parle’obésité sévère et au-delà de 40 se définit l’obésité massive.

Lors du vieillissement et dans certaines situations patholo-iques, le sujet obèse peut être dénutri par différents mécanismesouvant conduire à l’obésité sarcopénique. [7].

.1. L’obésité sarcopénique

L’obésité sarcopénique est une entité anatomo-clinique quissocie une augmentation de la masse grasse et une perte deasse musculaire [8]. Il n’existe pas de consensus quant à la

éfinition de ce syndrome dont la prévalence varie de 2 % àlus de 20 % en fonction des critères diagnostiques utilisés, duexe et de l’âge [8]. La masse maigre (MM) diminue de 5 à

kg entre 20–30 ans et 60–70 ans selon les études [9,10]. Cetteernière peut être évaluée par l’utilisation du Dual Energy X-ay Absorptiometry (DEXA) et/ou certaines coupes de scanner

11]. Au-delà de 70 ans, l’étude de Ding et al. [12] confirmeue la MM continue à diminuer avec l’âge et que le phéno-ène est plus rapide chez l’homme. Il faut enfin souligner que

’indice de masse maigre (MM/taille2 en kg/m2) reste remarqua-lement constant jusqu’à 70 ans dans les deux sexes comme leontre l’étude de Coin et al. [9]. Ainsi, il existe une variabilité

mportante de la composition corporelle en MM chez le sujetbèse pour une même corpulence [11]. Les différentes donnéese la littérature impliquent ce type d’obésité dans le pronosticéfavorable de ces patients.

Chez le sujet obèse, il existe une inflammation chroniqueu fait de la production d’adipocytokines pro-inflammatoiresar l’augmentation de la masse adipeuse [7]. Cette inflam-ation chronique favorise le catabolisme protéique (proteinasting) essentiellement lié à l’augmentation de la sécré-

ion d’IL6 (interleukine 6), de Tumor Necrosis FactorTNF�), et l’insulino-résistance. Les effets des cytokinesro-inflammatoires sur le métabolisme protéino-énergétiqueusculaire sont bien connus.

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. Métabolisme et obésité au cours de l’agression

La réponse métabolique à l’agression correspond à un chan-ement de stratégie de l’organisme pour faire face à une situationiguë pathologique ; elle s’oppose à l’adaptation physiologiquebservée lors du jeûne par une augmentation importante desépenses énergétiques et du catabolisme protéique. L’assistanceutritionnelle, telle qu’elle est utilisée actuellement, a pourbjectif principal de limiter le processus de dénutrition post-gression.

.1. Chez le patient non obèse

La réponse métabolique à l’agression s’accompagne d’uneugmentation du turnover protéique comme en témoigne’augmentation des pertes azotées urinaires, l’augmentatione l’oxydation lipidique et l’insulino-résistance relative [13].ette insulino-résistance est un mécanisme adaptatif favorisant

’utilisation du glucose au cours de l’agression vers un recyclagelutôt qu’une oxydation complète ou un stockage. Le main-ien de l’anabolisme protéique s’avère néanmoins extrêmementifficile. Malgré un apport nutritionnel optimal, le catabolismerotéique persiste bien souvent chez le patient agressé, avec pouronséquence une fonte musculaire.

.2. Chez le patient obèse

L’obésité et l’agression sont associées à des modificationsétaboliques qui affectent le statut nutritionnel. Ces modi-cations métaboliques liées à l’obésité sont amplifiées par

’agression, et les modalités optimales du support nutritionnelhez le patient obèse agressé restent difficiles à définir. À laifférence du patient non obèse, le patient obèse mobilise deacon prédominante son stock protéique comparativement à sontock lipidique [14]. Chez le patient obèse agressé, le stock lipi-ique sera peu utilisé et l’apport nutritionnel aura pour but dee pas majorer la réserve lipidique pré-existante. L’atteinte dea lipolyse et de l’oxydation lipidique oriente vers une utilisa-ion préférentielle des hydrates de carbone avec une accélérationu catabolisme protéique, comme en témoigne l’augmentationu quotient respiratoire [15]. Le risque de dénutrition protéiquest majeur chez le sujet obèse agressé en raison d’une dimi-ution rapide de la masse maigre alors que la masse grassest proportionnellement moins mobilisée [16]. Ces situationseuvent contribuer à la survenue de l’obésité sarcopénique.insi, la réponse métabolique de l’obèse s’adapte au jeûne avecobilisation préférentielle des réserves adipeuses. À l’inverse

u cours de l’agression, le patient obèse présente un hyper-atabolisme protéique prédominant avec baisse de l’utilisationes réserves adipeuses. Ce déficit protéique induit notammentes conséquences sur la fonction immunitaire. Ces situations’agression aiguë entraînent une demande énergétique accrue et

n catabolisme protéique très accéléré. En effet, les sujets obèsesobilisent moins facilement leurs réserves lipidiques et ont

ne néoglucogenèse augmentée du fait de l’insulino-résistance14]. Les hormones de réponse au stress (glucagon, cortisol,

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atécholamines. . .), hyperglycémiantes, accentuent cette sarco-énie.

Ainsi, un apport nutritionnel non adapté peut engendrer desésordres métaboliques néfastes. L’apport calorique excessifénère une augmentation de la lipogénèse et induit des stéatosesépatiques responsables parfois de dysfonctions hépatiquesévères [17]. La présence de pathologies métaboliques sous-acentes, particulièrement le syndrome métabolique, majore lesifficultés de prise en charge nutritionnelle [18]. L’équipe de Vanen Berghe et al. [19] a mis en évidence le rôle du contrôle stricte la glycémie par l’insuline sur la mortalité, les complicationsnfectieuses et la durée de séjour chez des patients chirurgicauxn situation de stress. Le patient obèse présente une insulino-ésistance basale avec un hyperinsulinisme et une prédisposition

l’intolérance glucidique. Bien que des études remettent enause ce contrôle strict de la glycémie au cours de l’agression,’insulino-résistance pré-existante doit souvent être prise enharge [20]. Enfin, l’existence d’un syndrome compartimentalbdominal s’associe à une majoration du risque de pneumopa-hie d’inhalation, particulièrement lors de l’instauration d’uneutrition entérale [21].

Il faudra cependant veiller à ce qu’en aucun cas le supportutritionnel et plus spécifiquement l’apport protidique ne soitimité comme on l’observe trop souvent chez ces patients enurpoids. Une telle attitude reviendrait à leur faire perdre de laasse protéique au cours de l’agression.

. Apports caloriques et protéiques chez le patient obèsegressé

.1. Évaluation des besoins nutritionnels

L’évaluation métabolique est un élément clé de la prise enharge nutritionnelle du patient en soins intensifs [22]. Elleermet de déterminer le statut nutritionnel, la présence d’unealnutrition et d’anomalies métaboliques. Les patients en situa-

ion d’agression (traumatisme, brûlure, sepsis. . .) présententn hypercatabolisme responsable de la dénutrition aiguë post-gression [23]. Le support nutritionnel va devoir répondre à ceatabolisme intense pour limiter la dénutrition impliquée dans laurvenue des défaillances d’organes. De nombreux sujets obèsesospitalisés pour une pathologie aiguë ou un acte chirurgicalestent trop souvent pendant de longues périodes sans aucunpport nutritionnel considérant leur réserve calorique excessivet suffisante.

Peu de travaux ont évalué l’apport énergétique optimal duatient obèse en situation de stress bien que cette populationéveloppe de nombreuses complications. L’apport nutritionneloit couvrir l’hypercatabolisme mais ne doit en aucun cas favo-iser une hypernutrition toujours néfaste [24]. De nombreusesecommandations ont été éditées par les différentes sociétésavantes définissant l’apport calorique chez le patient non obèse

n situation de stress à 20–25 kcal/kg par jour et 1,2 à 2 g/kg parour de protéines [25]. L’utilisation de telles recommandationsasées sur l’apport en kcal/kg est à haut risque d’hypernutritionhez l’obèse.

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[26]. Plusieurs investigateurs ont proposé des estimations de’apport énergétique chez le sujet obèse hospitalisé par le déve-oppement d’équations prenant en compte respectivement leoids, l’âge, le statut de la ventilation artificielle, les facteurs detress, le poids idéal, la formule de Harris et Benedict. . . Néan-oins, toutes ces évaluations prédictives sont prises en défaut

n raison de la très grande variabilité de la dépense énergétique.ette grande variabilité est en partie liée la pathologie aiguë

ous-jacente, l’hypercatabolisme post-agression, et les facteurse co-morbidité associés. Ainsi, l’estimation des apports énergé-iques et protéiques adéquats chez l’obèse agressé reste difficileaute d’études ayant concrètement évalué l’efficacité de diffé-ents apports tant énergétiques que protéiques.

.2. Évaluation de la dépense énergétique

La calorimétrie indirecte est la méthode de référence, particu-ièrement chez le patient obèse. Cependant, cette technique n’estas facilement réalisable au lit du patient notamment en unitée soins intensifs. Aussi, plusieurs adaptations ont été proposéesour évaluer la dépense énergétique sans aucun consensus à ceour.

Les différentes formules ne sont pas adaptées à l’évaluatione la dépense énergétique. En effet, la formule de Harris et Bene-ict « classique » est validée chez le patient non obèse mais nonhez l’obèse. Elle risque donc de sous-estimer la dépense énergé-ique en utilisant le poids corporel idéal (PCI) et de la surestimern utilisant le poids corporel observé ou le poids habituel.

La masse métaboliquement active étant la MM, il est proposé’utiliser le poids ajusté pour calculer les besoins énergétiques :

Poids ajusté (kg) = PCI + 0,25 × (poids réel − PCI), où PCIst le poids corporel idéal.

Le PCI peut être calculé de deux facons :

soit à partir des équations de Hawmi :◦ chez l’homme : PCI (kg) = 48 + [taille(cm) − 152] × 1,06,◦ chez la femme : PCI (kg) = 45,4 + [taille(cm) − 152] ×

0,89 ; soit en prenant un IMC théorique de 25 : PCI

(kg) = 25 × taille2(m2).

.3. Le support nutritionnel hypocalorique : données de laittérature

Les difficultés d’évaluation de la demande énergétique et lesffets délétères de l’hypernutrition ont conduit à une approchelternative de la prise en charge nutritionnelle du patient obèsear un régime de type hypocalorique et hyperprotidique. L’étudencienne de Greenberg et Jeejeebhoy [27] sur 12 patients nongressés montre que l’utilisation d’un apport protéique de,83 g/kg par jour permet de maintenir un bilan azoté positifalgré un apport calorique faible. Dickerson et al. [28] ont

onduit la première étude prospective sur l’apport hypocalorique

arentéral (881 kcal/jour soit 50 % de la dépense énergétiquevaluée et 2,1 g/kg par jour de protéines) chez des patients obèsesn postopératoire. Malgré une perte de poids estimé à 1,7 kgar semaine, l’anabolisme protéique était respecté avec une
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ugmentation significative de la concentration protéique sériquet une positivité du bilan azoté. Dans le travail de Burge et al.29] il n’y avait pas de différence significative sur le bilan azoténtre un apport hypercalorique (100 % de l’apport des dépensesnergétiques évaluées) et hypocalorique (50 % des dépensesvaluées) (29). Choban et al. [30] ont comparé deux régimesaloriques différents avec un apport protéique identique danses deux groupes soit 2 g/kg par jour sur 14 jours. L’évaluationu bilan azoté n’a montré aucune différence significative entrees deux groupes de patients [30]. Une seule étude a évalué’apport hypocalorique – hyperprotidique par voie entérale com-aré à un apport standard chez des patients obèses en réanimation31]. Chez 40 patients hospitalisés en réanimation (poids supé-ieur à 125 % du poids idéal), une formulation hypocalorique,yperprotidique a été réalisée par adjonction de protéines à uneormulation polymérique isocalorique, et hyperprotéique. Lesatients étaient stratifiés en deux groupes pour recevoir soit unégime hypocalorique (11 kcal/kg par jour) ou soit un régimeormocalorique (19 kcal/kg par jour). Aucune différence signi-cative sur le bilan azoté n’a été observée entre les deux groupesu cours de la première semaine. Les deux groupes de patientsrésentaient une augmentation significative de la concentrationlasmatique de transthyrétine (préalbumine) comparée à celle

l’admission. À l’inverse des précédentes études, il existaitne négativation du bilan azoté dans les deux groupes. Néan-oins, l’évolution des patients dans le groupe hypocalorique ais en évidence une réduction significative de la durée de ven-

ilation, de la durée de séjour en soins intensifs et de la durée’antibiothérapie. Par ailleurs, l’apport hypocalorique a permisn contrôle de la glycémie plus satisfaisant et une utilisation pré-érentielle des réserves lipidiques comme source énergétique aurofit des réserves protéiques [31].

Quelques restrictions à ces modalités sont cependant néces-aires. Chez le patient âgé et obèse, l’efficacité clinique duupport hypocalorique est controversée. Liu et al. [32] ont com-aré de facon rétrospective deux populations de sujets obèsesifférentes en âge (groupe I : < 60 ans et groupe II : ≥ 60 ans).l existe une différence en termes de bilan azoté entre les deuxopulations (patients avec bilan azoté négatif : 1/18 groupe I vs/12 groupe II ; p = 0,025) et l’effet positif sur la concentratione transthyrétine et sur l’évolution clinique n’a pas été noté.es observations restent néanmoins insuffisantes pour limiter

’apport hypocalorique chez le sujet âgé et obèse.Ces données sont en faveur du rôle bénéfique de l’apport

ypocalorique-hyperprotéique chez le patient obèse en situa-ion d’agression et les recommandations formalisées d’expertFAR-SFLF-SFNEP – 2013 sur la prise en charge du sujet obèsegressé valident cette attitude (en cours de publication).

. Apports en micronutriments chez le patient obèsegressé

L’alimentation quotidienne du sujet obèse est générale-

ent plus riche en graisses, en produits sucrés et donc à

aute densité énergétique et à faible densité nutritionnelle. Ceype d’alimentation est associé à une faible teneur en vita-

ines, protéines, minéraux et fibres. L’augmentation des apports

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nergétiques et l’agression majorent les besoins en micronutri-ents, ce qui accentue le risque de déficit en micronutriments.es patients obèses sont particulièrement susceptibles de pré-enter des déficits ou des carences spécifiques (vitamines etligo-éléments).

. Recommandations : aspects pratiques

.1. Apports protéino-énergétiques

Compte tenu d’un syndrome métabolique souvent préexis-ant, du catabolisme protéique exacerbé et de la mobilisationéduite de la masse grasse, une alimentation hypocalo-ique et hyperprotéique est de rigueur afin d’éviter certainesomplications (hyperinsulinisme, hyperglycémie, hypertrigly-éridémie, stéatose. . .) et de couvrir les pertes azotées liées à’hypercatabolisme.

Les recommandations des sociétés savantes recommandentn support nutritionnel :

hypocalorique couvrant 50 à 60 % de la dépense énergétiquesoit 20 à 25 kcal.kg−1.j−1 en utilisant le poids ajusté ;

hyperprotéique : 1,2 à 2 g de protéine.kg−1.j−1 en utilisant lepoids ajusté.

.2. Apports en électrolytes

Les besoins ne semblent pas différer par rapport aux patientson obèses. Il faut donc veiller à adapter les apports en fonc-ion des bilans entrée-sorties et des résultats biologiques. Ilaut tenir compte des apports en électrolytes contenus ou nonmélanges parentéraux sans électrolytes). La présence de nom-reuses pathologies cardio-vasculaires devrait être prise enompte notamment dans l’apport sodé.

.3. Apports en micronutriments (oligo-éléments etitamines)

Les besoins en micronutriments ne semblent pas différer parpport aux patients non obèses. Il faudra cependant tenir compteu volume de redistribution et savoir augmenter les apports lors’agressions sévères (sepsis, brûlure. . .).

.4. Modalités d’apports

Compte tenu des complications infectieuses dues à l’obésitét aux difficultés des voies d’abord, la nutrition entérale seraarticulièrement privilégiée. Il faut néanmoins établir une sur-eillance accrue de celle-ci en raison des risques plus importants

bsolue d’utiliser la voie entérale ; l’utilisation de cathéter deype « tunnelisé » peut être une solution. La nutrition entéraleu parentérale (peu recommandée) sera administrée selon lesêmes modalités que chez le patient non obèse.

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[tube feeding in critically ill obese patients. Nutrition 2002;18(3):241–6.

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. Conclusion

Le support nutritionnel optimisé doit faire partie intégrantee la prise en charge du patient obèse hospitalisé, notammentn situation d’agression. Selon les données actuelles de la litté-ature, la stratégie d’un support hypocalorique-hyperprotidiqueermet un apport protéique et énergétique adapté au maintien’un bilan azoté positif. Le maintien d’un anabolisme protéiqueoit être l’objectif principal du support nutritionnel du sujetbèse agressé. Il faut adapter les apports en vitamines et micro-utriments tenant compte du volume de redistribution et de’agression.

Si une prise en charge optimale nutritionnelle est une prioritéhez le patient agressé, elle devient une nécessité absolue chez’obèse agressé dont l’image corporelle fait trop souvent oublieru’il peut être dénutri.

éclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relationvec cet article.

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