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CINQUANTE-TROISIÈME ANNÉE – N o 16355 – 7,50 F FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI JEUDI 28 AOÛT 1997 Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 9 F ; Autriche, 25 ATS ; Belgique, 45 FB ; Canada, 2,25 $ CAN ; Côte-d’Ivoire, 850 F CFA ; Danemark, 14 KRD ; Espagne, 220 PTA ; Grande-Bretagne, 1 £ ; Grèce, 400 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 2900 L ; Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 250 PTE ; Réunion, 9 F ; Sénégal, 850 F CFA ; Suède, 15 KRS ; Suisse, 2,10 FS; Tunisie, 1,2 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $. International ............ 2 Annonces classées .. 4 France ......................... 6 Abonnements........... 7 Société ........................ 8 Régions ....................... 10 Horizons ..................... 11 Carnet ......................... 13 Entreprises ................ 14 Finances/marchés.... 15 Aujourd’hui ............... 17 Jeux .............................. 19 Météorologie ............ 19 Culture........................ 20 Guide culturel .......... 22 Radio-Télévision...... 23 POINT DE VUE Europe : la fin d’une histoire par Jean-Paul Fitoussi P RINTEMPS 1998 : l’échéance fatidique vers la monnaie unique approche à grands pas, à la fois fin d’une his- toire et commencement d’une aventure. Certes, de nombreuses incertitudes demeurent sur l’iden- tité des compagnons de l’aventure, la fin de l’histoire n’étant pas en- core écrite. Le nord et le sud de l’Europe regarderont-ils ensemble dans la même direction ? Ou bien parviendra-t-on, à force d’exi- gences, à séparer leurs destins ? Déjà les discours sont, au Sud, em- prunts d’amertume. En Italie, le président du conseil n’a-t-il pas parlé de « racisme monétaire » ? Et, à n’en point douter, certaines expressions utilisées par les « élites » du Nord masquent sous un humour douteux un mépris inacceptable. Epiphénomène que tout cela, pourrait-on dire ; seules les réali- tés comptent. On aurait tout de même préféré que la sympathie, plutôt que l’invective, serve de prémisse à l’Union. C’est généralement lorsque tout va mal qu’on se cherche de mau- vaises querelles, et il faut bien convenir que l’Europe aborde la phase finale de la transition vers la monnaie unique en bien piteux état. Elle est restée, dans les an- nées 90, à l’écart de la croissance du monde. De 1991 à 1996, son taux de croissance, à peine supé- rieur à 1 %, fut de moitié moindre que celui des Etats-Unis. Ce sont donc des pays en marasme écono- mique qui s’apprêtent à s’unir. Plus grave encore, ce décalage entre la prospérité du monde et la stagnation de notre continent si- gnifie que l’Europe a accumulé un retard d’investissement, donc technologique, vis-à-vis des ré- gions en croissance normale. Car le taux d’investissement est d’au- tant plus bas que la croissance économique est faible. Lire la suite page 12 Jean-Paul Fitoussi est économiste et enseigne, notam- ment, à l’Institut d’études poli- tiques de Paris. Les volcans de « VGE » a LE CENTRE européen du volcanisme, Vulcania, « le seul grand projet culturel français pour l’an 2000 », selon la formule de son concepteur, Valéry Giscard d’Estaing, continue à être l’enjeu d’une bataille politico-juridique, pas toujours feutrée, en dessous des volcans d’Auvergne. Depuis la si- gnature du permis de construire par le préfet de région, les pro-Vulcania font le « forcing » et pavoisent à coups d’affiches publicitaires. De leur côté, les opposants ont engagé de nouveaux recours. Dominique Voynet s’est saisie du dossier et ren- dra son arbitrage prochainement. M. Giscard d’Estaing a écrit à Lionel Jospin pour réclamer le finance- ment nécessaire de l’Etat. Le pre- mier ministre n’a pas répondu. Lire page 10 Les habits neufs de la Mostra FELICE LAUDADIO LE CINQUANTE-QUATRIÈME Festival de Venise, qui s’ouvre le 27 août, a un nouveau directeur, Fe- lice Laudadio. Ce critique de cinéma, devenu par admiration producteur d’Antonioni, a conçu un programme centré sur les films d’auteur et les re- gards engagés. En même temps que s’ouvre la Mostra sortent à Paris deux films primés l’un à Cannes, l’autre à Berlin, Western, de Manuel Poirier, et La Rivière, de Tsai Ming-liang. Lire pages 20 à 22 CE N’EST apparemment qu’un discret communiqué de la Fédération française des spiritueux, publié au cœur de la vague de cha- leur. C’est pourtant un événement, qui ne va pas manquer d’animer les conversations au- tour des zincs, à la rentrée. Les Français et leurs hôtes de l’été, les tou- ristes, y apprend-on, auront consommé cet été 50 millions de litres de « spiritueux anisés », soit « 2,5 milliards de verres ». Cocorico, donc, puisque le pastis se porte bien ? Non, car la vé- ritable information est dans une petite phrase noyée dans cinq volumes de louanges à la gloire des anisés : « Pour la première fois, en 1997, les whiskies dépassent les anisés en va- leur. » Une affirmation fondée sur l’observa- tion des « ventes réalisées en grandes surfaces, lesquelles représentent près de 80 % des ventes totales ». Certes, en volume, les anisés restent de loin les premiers alcools vendus en France et l’effet des variations de taux de change a forcément joué dans ce dépassement « en valeur » du bon vieux pastis national par les « alcools de grain » anglo-saxons – whisky et gin pour l’es- sentiel –, libellés en monnaies récemment re- devenues fortes, dollar et livre sterling. La fé- dération incrimine aussi « l’augmentation de 4 % des taxes sur les spiritueux, au début de l’an- née, qui a entraîné une baisse de volume du même ordre de grandeur, 4,4 %, depuis le mois de janvier », baisse qui frapperait plus les bois- sons anisées que les autres. S’y ajouterait l’im- pact de la loi Evin sur le tabac et l’alcool, inter- disant aux marques françaises de faire de la publicité sur le territoire national, alors que les marques étrangères pourraient continuer à faire parler d’elles, via les télévisions étrangères ou le sponsoring d’événements sportifs hors de France retransmis par la télévision française. Le réseau des cafés-hôtels-restaurants serait lui aussi touché par l’irrésistible montée en puissance des alcools de grain. C’est déjà le cas depuis longtemps dans les boîtes de nuit, où le « long drink » à base de whisky, gin ou vodka s’est imposé dans les habitudes de consomma- tion. Mondialisation oblige, les spiritueux étrangers s’attaqueraient donc avec succès à ce monument national qu’est l’apéritif : « Les vins doux et autres vins cuits sont aussi en déclin face aux whiskies », note un représentant de la fédération. Quant au cognac, « les producteurs considèrent le marché français comme quasi- ment perdu », car nos compatriotes ne se ré- solvent pas, comme les Japonais, à le consom- mer en long drink... A Marseille, la société Ricard, après mûre ré- flexion, confirme ce déclin d’un pan entier de l’exception culturelle française. Elle précise même qu’en 1996 pastis et whisky étaient déjà au coude à coude dans la bataille des comptoirs. Ce déclin s’inscrit dans un mouve- ment de fond de la consommation alcoolique de l’Hexagone, « en recul régulier depuis vingt- cinq ans », explique la Fédération française des spiritueux. Tous produits confondus, vins et bières compris, le chiffre d’affaires de la pro- fession reste quand même de 100 milliards de francs. De plus, tirée par ce que les Anglo- Saxons nomment le french paradox qui fait du vin rouge, au-delà des mers, un quasi-élixir de santé, l’exportation vient suppléer la défail- lance française : elle représente 36,8 milliards de francs de chiffre d’affaires, « c’est-à-dire l’équivalent de 120 Airbus », note avec fierté la fédération... Pascal Galinier Cet été, le whisky a gagné la bataille des comptoirs a RETOUR SUR IMAGES Le martyr du Kosovo C’EST une photo hors du temps. Elle dit pourtant une tragédie pré- cise qui en entraîna d’autres : celle du Kosovo, cette terre peuplée es- sentiellement d’Albanais réprimée et asservie par le nationalisme serbe. Annick Cojean a retrouvé ces femmes que l’on voit pleurant Nasimi Elshani, tué en janvier 1990 par la police serbe. Lire page 11 GEORGES MERILLON/SYGMA Les Etats-Unis ont entraîné l’armée rwandaise lors de l’offensive au Zaïre Une mission de l’ONU tente d’enquêter sur les massacres de réfugiés DES INSTRUCTEURS de l’armée américaine ont participé à l’entraîne- ment au combat des soldats rwan- dais au moins depuis 1996, selon un rapport du Pentagone adressé au Congrès et dont Le Monde a obtenu une copie. Jusqu’à présent, Washing- ton reconnaissait avoir dispensé des cours de déminage et de justice mili- taire à l’armée de Kigali. Le Penta- gone dément, en revanche, que ces instructeurs aient accompagné l’ar- mée rwandaise dans sa campagne zaïroise où, combattant aux côtés des troupes de M. Kabila, elle a contribué à la chute du régime du maréchal Mobutu. Or, selon les ser- vices de renseignement français, des « conseillers » américains étaient présents dans l’est du Zaïre lorsque les offensives ont débuté. C’est à cette époque que de vastes mas- sacres de réfugiés hutus rwandais ont commencé, sur lesquels une nouvelle mission d’enquête de l’ONU va tenter de faire la lumière. Lire page 2 et notre éditorial page 12 a Pas de fusion RPR-UDF Alors que les militants souhaitent la création d’un grand parti de droite, les séguinistes défendent la refonte du RPR. D’autres élus redoutent une vo- lonté masquée d’alliance avec le Front national. p. 6 a La retraite de Frederik De Klerk L’ancien président sud-africain, Prix Nobel de la paix avec Nelson Mandela, quitte la vie politique. p. 3 a Immigration : polémique à gauche Associations et partis de gauche pro- testent contre l’avant-projet de loi de M. Chevènement et la décision de ne pas abroger les lois Pasqua-Debré. p. 9 a Priorité à Airbus Industrie Le gouvernement souhaite que la transformation d’Airbus Industrie en société indépendante soit prioritaire sur la fusion entre Aerospatiale et Das- sault. p. 14 a Aide à la presse Lors des journées de la communication d’Hourtin, Catherine Trautmann a an- noncé un « plan d’action » pour aider la presse écrite. p. 17 a Les Ouïghours réprimés par Pékin Réfugiés au Kazakhstan, des chefs sé- paratistes rêvent de lutte armée contre la Chine. p. 4 À UNE SEMAINE de la rentrée scolaire des élèves du primaire, le ministre, Claude Allègre, veut en- clencher le plan de créations d’emplois-jeunes dans l’éducation nationale. Il réunit, jeudi 27 août, l’ensemble des recteurs pour exa- miner les modalités d’embauche et les tâches qui seront confiées à ces jeunes diplômés (bacheliers ou bac+2). L’objectif est de recruter 40 000 personnes, d’octobre à dé- cembre 1997, puis 35 000 durant 1998. Les candidats pourront pos- tuler auprès des rectorats à partir du 10 septembre. Outre les tâches d’accueil et d’encadrement, d’animation et de soutien scolaire, les jeunes « aides-éducateurs », qui seront principalement recrutés dans le primaire, pourraient être amenés à seconder les instituteurs dans les classes. Les syndicats enseignants sont divisés sur ce sujet. La FEN estime que ce peut être une chance, tandis que la FSU rappelle qu’enseigner « est un métier et une formation ». De nombreuses questions restent ainsi en suspens, même si le ministère de l’éducation natio- nale veut affirmer haut et fort que la création d’emplois est sa priori- té. Après la promesse, faite en juil- let, de réemployer dès la rentrée tous les maîtres auxiliaires, Ségo- lène Royal, ministre déléguée à l’enseignement scolaire, a égale- ment annoncé, le 26 août, la réou- verture de 800 classes à la rentrée, sur les 1193 fermetures prévues. Le Snuipp (FSU) a estimé, mardi 26 août, qu’il s’agissait d’un « ap- pel d’air insuffisant [qui] ne consti- tue qu’une amorce de correction alors que nous voulons une vraie in- version de la tendance ». En revanche, le SE-FEN juge qu’il s’agit d’« une première ré- ponse » à ses revendications. Quant au SGEN-CFDT, il rappelle que le précédent gouvernement avait supprimé plus de 5 000 postes dans l’éducation dont 2 900 dans le primaire. Lire page 8 L’éducation nationale organise l’embauche de 75 000 jeunes Ils seconderont les instituteurs

o 16355 – 7,50 F JEUDI 28 AOÛT 1997 FONDATEUR ......LeMonde Job: WMQ2808--0001-0 WAS LMQ2808-1 Op.: XX Rev.: 27-08-97 T.: 11:23 S.: 111,06-Cmp.:27,11, Base : LMQPAG 33Fap:99 No:0332

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    CINQUANTE-TROISIÈME ANNÉE – No 16355 – 7,50 F FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANIJEUDI 28 AOÛT 1997

    Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 9 F ; Autriche,25 ATS ; Belgique, 45 FB ; Canada, 2,25 $ CAN ;Côte-d’Ivoire, 850 F CFA ; Danemark, 14 KRD ;Espagne, 220 PTA ; Grande-Bretagne, 1 £ ; Grèce,400 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 2900 L ; Luxembourg,46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas,3 FL ; Portugal CON., 250 PTE ; Réunion, 9 F ;Sénégal, 850 F CFA ; Suède, 15 KRS ; Suisse, 2,10 FS ;Tunisie, 1,2 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.

    a RETOUR SUR IMAGES

    Le martyrdu Kosovo

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    Les Etats-Unis ont entraîné l’arméerwandaise lors de l’offensive au ZaïreUne mission de l’ONU tente d’enquêter sur les massacres de réfugiés

    DES INSTRUCTEURS de l’armée À UNE SEMAINE de la rentrée De nombreuses questions

    L’éducation nationale organisel’embauche de 75 000 jeunes

    Ils seconderont les instituteurs

    américaine ont participé à l’entraîne-ment au combat des soldats rwan-dais au moins depuis 1996, selon unrapport du Pentagone adressé auCongrès et dont Le Monde a obtenuune copie. Jusqu’à présent, Washing-ton reconnaissait avoir dispensé descours de déminage et de justice mili-taire à l’armée de Kigali. Le Penta-gone dément, en revanche, que cesinstructeurs aient accompagné l’ar-mée rwandaise dans sa campagnezaïroise où, combattant aux côtésdes troupes de M. Kabila, elle acontribué à la chute du régime dumaréchal Mobutu. Or, selon les ser-vices de renseignement français, des« conseillers » américains étaientprésents dans l’est du Zaïre lorsqueles offensives ont débuté. C’est àcette époque que de vastes mas-sacres de réfugiés hutus rwandaisont commencé, sur lesquels unenouvelle mission d’enquête del’ONU va tenter de faire la lumière.

    Lire page 2et notre éditorial page 12

    POINT DE VUE

    Europe : la finRINTEMPS 1998 :

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    d’une histoire par Jean-Paul Fitité des compagnons de l’aventure, prunts d’amertume. En Italie, le

    n discret devenues fortes, dollar et livre sterling. La fé- considèrent

    té, le whisky a gagné la bataille des compt

    scolaire des élèves du primaire, leministre, Claude Allègre, veut en-clencher le plan de créationsd’emplois-jeunes dans l’éducationnationale. Il réunit, jeudi 27 août,l’ensemble des recteurs pour exa-miner les modalités d’embaucheet les tâches qui seront confiées àces jeunes diplômés (bacheliers oubac+2). L’objectif est de recruter40 000 personnes, d’octobre à dé-cembre 1997, puis 35 000 durant1998. Les candidats pourront pos-tuler auprès des rectorats à partirdu 10 septembre.

    Outre les tâches d’accueil etd’encadrement, d’animation et desoutien scolaire, les jeunes« aides-éducateurs », qui serontprincipalement recrutés dans leprimaire, pourraient être amenésà seconder les instituteurs dans lesclasses. Les syndicats enseignantssont divisés sur ce sujet. La FENestime que ce peut être unechance, tandis que la FSU rappellequ’enseigner « est un métier et uneformation ».

    toussiEpiphénomène que tout cela,

    le marché français comme quasi-

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    restent ainsi en suspens, même sile ministère de l’éducation natio-nale veut affirmer haut et fort quela création d’emplois est sa priori-té. Après la promesse, faite en juil-let, de réemployer dès la rentréetous les maîtres auxiliaires, Ségo-lène Royal, ministre déléguée àl’enseignement scolaire, a égale-ment annoncé, le 26 août, la réou-verture de 800 classes à la rentrée,sur les 1 193 fermetures prévues.Le Snuipp (FSU) a estimé, mardi26 août, qu’il s’agissait d’un « ap-pel d’air insuffisant [qui] ne consti-tue qu’une amorce de correctionalors que nous voulons une vraie in-version de la tendance ».

    En revanche, le SE-FEN jugequ’il s’agit d’« une première ré-ponse » à ses revendications.Quant au SGEN-CFDT, il rappelleque le précédent gouvernementavait supprimé plus de5 000 postes dans l’éducation dont2 900 dans le primaire.

    Lire page 8

    Les volcansde « VGE »

    LE CENTRE européen du

    a volcanisme, Vulcania, « leseul grand projet culturel françaispour l’an 2000 », selon la formule deson concepteur, Valéry Giscardd’Estaing, continue à être l’enjeud’une bataille politico-juridique,pas toujours feutrée, en dessous desvolcans d’Auvergne. Depuis la si-gnature du permis de construire parle préfet de région, les pro-Vulcaniafont le « forcing » et pavoisent àcoups d’affiches publicitaires. Deleur côté, les opposants ont engagéde nouveaux recours. DominiqueVoynet s’est saisie du dossier et ren-dra son arbitrage prochainement.M. Giscard d’Estaing a écrit à LionelJospin pour réclamer le finance-ment nécessaire de l’Etat. Le pre-mier ministre n’a pas répondu.

    Lire page 10

    communiqué de la Fédération française desspiritueux, publié au cœur de la vague de cha-leur. C’est pourtant un événement, qui ne vapas manquer d’animer les conversations au-tour des zincs, à la rentrée.

    Les Français et leurs hôtes de l’été, les tou-ristes, y apprend-on, auront consommé cet été50 millions de litres de « spiritueux anisés »,soit « 2,5 milliards de verres ». Cocorico, donc,puisque le pastis se porte bien ? Non, car la vé-ritable information est dans une petite phrasenoyée dans cinq volumes de louanges à lagloire des anisés : « Pour la première fois, en1997, les whiskies dépassent les anisés en va-leur. » Une affirmation fondée sur l’observa-tion des « ventes réalisées en grandes surfaces,lesquelles représentent près de 80 % des ventestotales ».

    Certes, en volume, les anisés restent de loinles premiers alcools vendus en France et l’effetdes variations de taux de change a forcémentjoué dans ce dépassement « en valeur » du bonvieux pastis national par les « alcools degrain » anglo-saxons – whisky et gin pour l’es-sentiel –, libellés en monnaies récemment re-

    dération incrimine aussi « l’augmentation de4 % des taxes sur les spiritueux, au début de l’an-née, qui a entraîné une baisse de volume dumême ordre de grandeur, 4,4 %, depuis le moisde janvier », baisse qui frapperait plus les bois-sons anisées que les autres. S’y ajouterait l’im-pact de la loi Evin sur le tabac et l’alcool, inter-disant aux marques françaises de faire de lapublicité sur le territoire national, alors que lesmarques étrangères pourraient continuer àfaire parler d’elles, via les télévisions étrangèresou le sponsoring d’événements sportifs hors deFrance retransmis par la télévision française.

    Le réseau des cafés-hôtels-restaurants seraitlui aussi touché par l’irrésistible montée enpuissance des alcools de grain. C’est déjà le casdepuis longtemps dans les boîtes de nuit, où le« long drink » à base de whisky, gin ou vodkas’est imposé dans les habitudes de consomma-tion. Mondialisation oblige, les spiritueuxétrangers s’attaqueraient donc avec succès àce monument national qu’est l’apéritif : « Lesvins doux et autres vins cuits sont aussi en déclinface aux whiskies », note un représentant de lafédération. Quant au cognac, « les producteurs

    ment perdu », car nos compatriotes ne se ré-solvent pas, comme les Japonais, à le consom-mer en long drink...

    A Marseille, la société Ricard, après mûre ré-flexion, confirme ce déclin d’un pan entier del’exception culturelle française. Elle précisemême qu’en 1996 pastis et whisky étaient déjàau coude à coude dans la bataille descomptoirs. Ce déclin s’inscrit dans un mouve-ment de fond de la consommation alcooliquede l’Hexagone, « en recul régulier depuis vingt-cinq ans », explique la Fédération française desspiritueux. Tous produits confondus, vins etbières compris, le chiffre d’affaires de la pro-fession reste quand même de 100 milliards defrancs. De plus, tirée par ce que les Anglo-Saxons nomment le french paradox qui fait duvin rouge, au-delà des mers, un quasi-élixir desanté, l’exportation vient suppléer la défail-lance française : elle représente 36,8 milliardsde francs de chiffre d’affaires, « c’est-à-direl’équivalent de 120 Airbus », note avec fierté lafédération...

    Pascal Galinier

    Elle dit pourtant une tragédie pré-cise qui en entraîna d’autres : celledu Kosovo, cette terre peuplée es-sentiellement d’Albanais répriméeet asservie par le nationalismeserbe. Annick Cojean a retrouvéces femmes que l’on voit pleurantNasimi Elshani, tué en janvier 1990par la police serbe.

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    Les habits neufsde la Mostra

    FELICE LAUDADIO

    LE CINQUANTE-QUATRIÈME

    International ............ 2 Entreprises ................ 14

    Festival de Venise, qui s’ouvre le27 août, a un nouveau directeur, Fe-lice Laudadio. Ce critique de cinéma,devenu par admiration producteurd’Antonioni, a conçu un programmecentré sur les films d’auteur et les re-gards engagés. En même temps ques’ouvre la Mostra sortent à Paris deuxfilms primés l’un à Cannes, l’autre àBerlin, Western, de Manuel Poirier, etLa Rivière, de Tsai Ming-liang.

    Lire pages 20 à 22

    P l’échéance fatidiquevers la monnaieunique approche àgrands pas, à la fois fin d’une his-toire et commencement d’uneaventure. Certes, de nombreusesincertitudes demeurent sur l’iden-

    la fin de l’histoire n’étant pas en-core écrite. Le nord et le sud del’Europe regarderont-ils ensembledans la même direction ? Ou bienparviendra-t-on, à force d’exi-gences, à séparer leurs destins ?Déjà les discours sont, au Sud, em-

    président du conseil n’a-t-il pasparlé de « racisme monétaire » ?Et, à n’en point douter, certainesexpressions utilisées par les« élites » du Nord masquent sousun humour douteux un méprisinacceptable.

    Annonces classées .. 4France ......................... 6Abonnements........... 7Société ........................ 8Régions....................... 10Horizons ..................... 11Carnet ......................... 13

    Finances/marchés.... 15Aujourd’hui ............... 17Jeux .............................. 19Météorologie ............ 19Culture........................ 20Guide culturel .......... 22Radio-Télévision...... 23

    pourrait-on dire ; seules les réali-tés comptent. On aurait tout demême préféré que la sympathie,plutôt que l’invective, serve deprémisse à l’Union.

    C’est généralement lorsque toutva mal qu’on se cherche de mau-vaises querelles, et il faut bienconvenir que l’Europe aborde laphase finale de la transition vers lamonnaie unique en bien piteuxétat. Elle est restée, dans les an-nées 90, à l’écart de la croissancedu monde. De 1991 à 1996, sontaux de croissance, à peine supé-rieur à 1 %, fut de moitié moindreque celui des Etats-Unis. Ce sontdonc des pays en marasme écono-mique qui s’apprêtent à s’unir.Plus grave encore, ce décalageentre la prospérité du monde et lastagnation de notre continent si-gnifie que l’Europe a accumulé unretard d’investissement, donctechnologique, vis-à-vis des ré-gions en croissance normale. Carle taux d’investissement est d’au-tant plus bas que la croissanceéconomique est faible.

    Lire la suite page 12

    Jean-Paul Fitoussi estéconomiste et enseigne, notam-ment, à l’Institut d’études poli-tiques de Paris.

    a Pas de fusionRPR-UDFAlors que les militants souhaitent lacréation d’un grand parti de droite, lességuinistes défendent la refonte duRPR. D’autres élus redoutent une vo-lonté masquée d’alliance avec le Frontnational. p. 6

    a La retraite de Frederik De KlerkL’ancien président sud-africain, PrixNobel de la paix avec Nelson Mandela,quitte la vie politique. p. 3

    a Immigration :polémique à gaucheAssociations et partis de gauche pro-testent contre l’avant-projet de loi deM. Chevènement et la décision de nepas abroger les lois Pasqua-Debré. p. 9

    a Prioritéà Airbus IndustrieLe gouvernement souhaite que latransformation d’Airbus Industrie ensociété indépendante soit prioritairesur la fusion entre Aerospatiale et Das-sault. p. 14

    a Aide à la presseLors des journées de la communicationd’Hourtin, Catherine Trautmann a an-noncé un « plan d’action » pour aiderla presse écrite. p. 17

    a Les Ouïghoursréprimés par PékinRéfugiés au Kazakhstan, des chefs sé-paratistes rêvent de lutte armée contrela Chine. p. 4

  • LeMonde Job: WMQ2808--0002-0 WAS LMQ2808-2 Op.: XX Rev.: 27-08-97 T.: 11:18 S.: 111,06-Cmp.:27,11, Base : LMQPAG 33Fap:99 No:0333 Lcp: 196 CMYK

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    I N T E R N A T I O N A LLE MONDE / JEUDI 28 AOÛT 1997

    Le HCR va passer en revue les réfugiés Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)

    va entamer une opération visant à distinguer, parmi les Hutus rwan-dais présents en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), les réfugiés « authentiques » de ceux qui sont soupçonnés departicipation au génocide des Tutsis rwandais de 1994. Deux millionsde Hutus avaient fui le Rwanda, dont 600 000 sont rentrés chez euxfin 1996. L’opération, qui devrait durer un mois, comportera environ17 000 entretiens, conduits par une trentaine d’avocats. Lesmembres présumés de l’ex-armée rwandaise se verront refuser lestatut de réfugié.

    Le HCR espère déterminer si les réfugiés sont fondés à craindreun retour au Rwanda, où sont déjà emprisonnés 100 000 Hutus ac-cusés de génocide. On ignore toutefois comment le HCR compte dis-cerner les coupables des innocents. Une opération similaire, menéeen Centrafrique, s’était heurtée au refus des Hutus de reconnaître legénocide. – (Reuter.)

    Une mission de l’ONU va de nouveau tenter d’enquêter sur les massacres de Hutus dans l’ex-ZaïreLA MISSION d’enquête des Na-

    tions unies sur les massacres de ré-fugiés dans l’ex-Zaïre vient d’arri-ver à Kinshasa. Un bras de feropposait, depuis quatre mois,l’ONU et la République démocra-tique du Congo (RDC, ex-Zaïre) ausujet des investigations qui doiventêtre menées. Et, si Kinshasa affirmeaujourd’hui vouloir coopérer étroi-tement avec la mission d’enquête,rien ne prouve que ce bras de fersoit terminé. Car, depuis qu’indiceset témoignages ont révélé l’am-pleur des massacres commis pen-dant et après la conquête du Zaïrepar Laurent-Désiré Kabila et ses al-liés, c’est plutôt Kinshasa que NewYork qui semble fixer les règles dujeu.

    Le président Kabila avait toutd’abord refusé, au printemps der-nier, que les recherches internatio-nales soient menées par le rappor-teur spécial de l’ONU sur les droitsde l’homme, Roberto Garreton. Cedernier avait rédigé des rapportsaccusant directement l’Alliance desforces démocratiques pour la libé-ration du Congo (AFDL) de M. Ka-bila et les soldats tutsis de l’arméerwandaise d’avoir exterminé desmilliers de réfugiés hutus, etd’avoir systématiquement entravél’action des organisations humani-taires qui auraient pu porter se-cours aux civils affamés agonisant

    dans les forêts. Dans son dernierrapport, publié le 11 juillet, M. Gar-reton estimait que les tueries sem-blaient mériter la qualification de« crime contre l’humanité » etconseillait aux prochains enquê-teurs de tenter de déterminer « siun génocide a été planifié et mis enœuvre ».

    OBSTACLESL’ONU a rapidement cédé à la

    première exigence de Kinshasa, etécarté Roberto Garreton, nom-mant l’ancien ministre des affairesétrangères togolais Atsu-KoffiAmega à la tête de la nouvelleéquipe. Ensuite, New York a accep-té de revoir sa copie sur le mandatdes enquêteurs. Ceux-ci devront,finalement, s’intéresser aux exac-tions commises dans le pays depuismars 1993, et non plus depuis l’au-tomne 1996, date du déclenche-ment de l’offensive militaire qui aporté Laurent-Désiré Kabila aupouvoir. Le nouveau régime en-tend ainsi démontrer que des viola-tions des droits de l’homme ont étéperpétrées du temps du maréchalMobutu Sese Seko.

    Kinshasa continue par ailleurs denier que des réfugiés aient été déli-bérément massacrés. Fin juin, tan-dis que des réfugiés étaient encorepourchassés, selon des organisa-tions humanitaires, M. Kabila disait

    que « s’il n’y a plus de réfugiésrwandais, c’est parce qu’ils sont tousrentrés chez eux ». « Il n’y a jamaiseu de massacres ! », affirmait-il. Dé-but août, alors que Kinshasan’avait pas levé tous les obstacles àla venue de la nouvelle équiped’enquêteurs, le président Kabilas’énervait contre l’ONU qui« traîne les pieds » et invitait lacommission à venir aider la RDC à« sortir d’une situation qui risque deconduire à la condamnation gratuited’un peuple qui a recouvré sa liber-té ».

    Aujourd’hui pas plus qu’hier, lamission d’enquête internationale,

    dont huit membres sur vingt-troissont à Kinshasa, n’est assurée depouvoir travailler librement. Elledoit encore négocier avec le gou-vernement de M. Kabila sa libertéde mouvement et les garanties deconfidentialité pour les témoi-gnages recueillis. Elle doit ré-pondre à de nouvelles demandesde Kinshasa, notamment le souhaitque ses propres médecins légistesaccompagnent les enquêteurs surles sites de fosses communes. Si,officiellement, seul un « feu vert »gouvernemental est attendu pourcommencer à travailler, les enquê-teurs ne sont pas encore arrivés

    dans les provinces orientales du Ki-vu et la région de Kisangani, où lestueries ont été commises.

    Les experts onusiens ne sont enoutre guère soutenus par lacommunauté internationale,même si les Etats-Unis ont rappelé,lundi 25 août, qu’ils souhaitaient« une enquête complète et impar-tiale pour tirer au clair les très gravesaccusations de massacres et d’atro-cités ». Alors que les Occidentauxmenaçaient la RDC de sanctions sila lumière n’était pas faite sur lesexactions, ils n’ont pas ménagéleurs efforts cet été pour renforcerleurs relations avec M. Kabila.

    « PLAN MARSHALL »L’ONU a annoncé dès le mois de

    juillet qu’un « plan Marshall » étaiten préparation pour participer à lareconstruction du pays. Trois se-maines plus tard, des délégués del’Union européenne, au termed’une visite à Kinshasa, recomman-daient « la reprise de la coopérationstructurelle » entre l’UE et l’ex-Zaïre, notant « avec satisfaction lavolonté des autorités congolaises defonder leur action sur la démocratieet le respect des droits de l’homme ».Washington, qui suspendait sonaide aux progrès réalisés dans cesdomaines, a finalement effectué unpremier versement de 10 millionsde dollars (61 millions de francs).

    Et, sur le continent africain,Laurent-Désiré Kabila bénéficied’un soutien croissant, notammentdes pays d’Afrique centrale et del’Est. Le président sud-africain etPrix Nobel de la paix Nelson Man-dela a rejoint le cercle de ses parti-sans en déclarant, lundi, qu’iln’avait « aucune raison de douter »des « assurances » de M. Kabilaque « jamais les siens n’avaient étéimpliqués dans de prétendus mas-sacres ».

    La nouvelle mission d’enquête,qui prévoit de rester six mois auCongo-Kinshasa, doit rendre sonrapport à New York en avril 1998.Nul ne sait cependant si elle pourraeffectuer librement ses investiga-tions, si certains charniers n’ontpas été « nettoyés » depuis le prin-temps dernier, si les témoins po-tentiels n’ont pas été intimidés...

    Et les révélations sur une impli-cation américaine dans l’entraîne-ment à des actions de guérilla del’armée de Kigali (lire ci-dessus),celle-là même qui a combattu auxcôtés de Laurent-Désiré Kabila et –selon des sources concordantes –ordonné et exécuté les massacres,ne contribuera pas forcément à ceque toute la vérité soit établie surles carnages qui ont secouél’Afrique des Grands Lacs.

    Rémy Ourdan

    Des « conseillers » américains ont aidé à renverser le régime de M. MobutuDÈS LE DÉBUT de 1996, des « conseillers »

    américains ont contribué à entraîner les troupesrwandaises du général Paul Kagamé, vice-pre-mier ministre et ministre de la défense, et cer-tains – entre 30 et 60, selon des estimations desservices français de renseignement – ont en-suite servi, jusqu’au Congo (ex-Zaïre), auprèsdes unités de l’Alliance conduites par Laurent-Désiré Kabila. Ces « conseillers » sont des an-ciens des forces spéciales américaines, voire dessoldats de fortune que recrutent des sociétésprivées aux Etats-Unis et dont le Pentagonepeut feindre d’ignorer la mission qu’ils exé-cutent.

    C’est à la fin de 1995, dit-on de même source,que les Américains ont, à propos de l’ex-Zaïre,mis au point un scénario d’intervention avec legénéral Kagamé et avec le président de l’Ougan-da, Yoweri Museveni. Pour exécuter la mission,le ministre rwandais de la défense a également

    fait recruter des pilotes russes et anglo-saxonsqui, depuis le Rwanda, ont pu assurer la logis-tique propre aux forces de l’Alliance dans l’ex-Zaïre.

    Le rôle de ces « conseillers » américains a sur-tout été de chercher à professionnaliser l’arméerwandaise, essentiellement composée de Tutsis,de façon à lui permettre de faire face à des in-cursions que des soldats hutus menaient depuisl’est du Zaïre avec la complicité active du ré-gime du maréchal Mobutu. De son côté, leRwanda a pu entraîner et armer des Zaïroishostiles à Kinshasa, avec l’aide de ces « conseil-lers » américains. L’ensemble de ces opérationsdepuis le Rwanda a été placée sous l’autoritéd’un ancien colonel belge, Willy Mallants. Selondes mercenaires français engagés par le généralMobutu, le colonel Mallants a pu faire bénéfi-cier de son expertise Laurent-Désiré Kabila.

    D’une manière générale, la mission des

    « conseillers » américains s’est, semble-t-il, in-tensifiée en juillet et en août 1996. Mais il aurafallu attendre juillet 1997 pour que le généralKagamé reconnaisse avoir reçu une telle assis-tance et en avoir fait profiter M. Kabila.

    Les « conseillers » américains ne se sont pascontentés de dispenser un entraînement auxforces rwandaises. Certains ont, en effet, menédes incursions en territoire ex-zaïrois, notam-ment dans la région de Goma, aux côtés de dé-tachements rwandais. Cela expliquerait la dis-parition de deux d’entre eux, au début de 1997,au Kivu (Le Monde du 29 mars). Selon les ser-vices français, ces deux Américains, dont lescorps ont été enterrés, puis vraisemblablement« dispersés » par ceux qui les ont tués, servaientsur la ligne de front séparant les « rebelles » etl’armée ex-zaïroise.

    Jacques Isnard

    NEW YORKde notre correspondante

    Lorsque Laurent-Désiré Kabilaprit le pouvoir à Kinshasa, Was-hington émit l’espoir que le nou-veau maître de la République dé-mocratique du Congo (ex-Zaïre)saurait se montrer plus respectueuxdes règles démocratiques que sonprédécesseur, le maréchal MobutuSese Seko. Le président Clinton ap-pela de ses vœux une « transitionvers une authentique démocratie ».

    Dans les semaines et les mois quisuivirent, pourtant, des informa-tions inquiétantes, puis alarmantes,parvinrent du Congo-Kinshasa. Lechef de l’opposition, Etienne Tshi-sekedi, était brièvement détenu,des témoignages faisant état demassacres de réfugiés hutus rwan-dais par des militaires filtraientd’une zone, au sud de Kisangani,où ni travailleurs humanitaires, nijournalistes, ni diplomatesn’étaient admis, et M. Kabila blo-quait la mission d’enquête del’ONU.

    Pour tous ceux qui ont tentéd’enquêter sur les atrocitéscommises dans l’est du Congo, unequestion revenait inévitablement :quel rôle y a joué l’armée rwan-daise ? Puis, lorsque les témoi-gnages ont laissé clairement soup-çonner que l’armée rwandaise,aujourd’hui dominée par les Tutsiset qui a appuyé M. Kabila, était en-core active dans la région, unequestion subsidiaire est venues’ajouter à la première : quel rôleont joué les militaires américainsauprès de l’armée rwandaise ?

    Washington a toujours catégori-quement démenti que les militairesaméricains, envoyés au Rwandadans le cadre d’un programme decoopération bilatérale établi lors duchangement de régime à Kigali en1994, aient eu d’autres fonctionsqu’humanitaires, depuis la forma-tion de déminage jusqu’à l’ensei-gnement d’un code de justice mili-taire, dans un pays ravagé par laguerre civile. Cependant, un docu-ment du Pentagone, établi en ré-ponse à des questions de membresdu Congrès, révèle que son rôle au-près des forces rwandaises a dépas-sé le cadre strictement humanitaireet implique, notamment depuis1996, des programmes d’entraîne-ment au combat. Selon ce docu-ment, dont Le Monde a prisconnaissance, des instructeurs mili-taires américains forment toujoursactuellement des officiers rwandaisaux techniques de commandement.

    Les accusations d’une assistance

    militaire technique à l’armée rwan-daise ont été publiquement formu-lées le 16 juillet par des membres del’organisation humanitaire Physi-cians for Human Rights (PHR, Mé-decins pour les droits de l’homme),basée à Boston, qui, de retourd’une mission de deux semainesdans la région des Grands Lacs, ontété invités à déposer devant lacommission des affaires internatio-nales de la Chambre des représen-tants lors d’une audition sur leCongo.

    RÉSUMÉ CHRONOLOGIQUEDans leur rapport de mission

    rendu public le même jour, lesmembres de PHR relèvent « un cli-mat d’insécurité persistant, d’atroci-tés et de violations de droits del’homme dans l’Est du Congo etl’Ouest du Rwanda ». Ils déclarentavoir « recueilli des informationsfiables selon lesquelles l’arméerwandaise a commis et continue decommettre des atrocités à une largeéchelle contre les populations civilesde l’Est du Congo », et dénoncent« le rôle crucial que le vice-présidentet ministre de la défense rwandais,Paul Kagamé, continue de jouer auCongo ».

    Après avoir détaillé les atrocitéscommises, les membres de PHRaccusent l’administration améri-caine de « ne pas reconnaître publi-quement qu’une guerre civile est encours dans l’Ouest du Rwanda et[de] ne pas admettre son soutien augouvernement rwandais dans cetteguerre ». « Les forces spéciales del’armée américaine, poursuit le rap-port de PHR, entraînent l’armée

    rwandaise au Rwanda depuis aumoins début 1996 ; le fait que cet en-traînement se soit étendu aux opéra-tions antiguérilla et aux frappeschirurgicales (“surgical strikes”) au-delà de la frontière est particulière-ment préoccupant ».

    Le représentant du Pentagone àcette audition, Bill Twaddell, a niétout en bloc. Mais les membres dela Commission, ébranlés, ont de-mandé par écrit, le 22 juillet, desexplications au département de ladéfense. Celles-ci leur sont parve-nues le 19 août, sous la forme d’unrésumé chronologique de huitpages, accompagné de tableaux(notamment sur les dépenses en-gagées), des « activités militairesaméricaines au Rwanda depuis1994 ». En introduction de ce docu-ment, le Pentagone précise que« l’armée américaine n’a assuré au-

    cun entraînement anti-guérilla au-près de l’Armée patriotique rwan-daise (APR) ». « Notre but auRwanda, précise le département dela défense, est de fournir une sécuri-té modeste et des programmes d’as-sistance humanitaire favorisant lerespect des droits de l’homme etcontribuant à faire de l’APR une ar-mée professionnelle et apolitique ».

    NOUVEAU PROGRAMMESelon le document, au cours de

    l’année fiscale 1994, les Etats-Unisont déployé 200 militaires à Kigalidans le cadre de l’opération huma-nitaire « Support Hope », pour la-quelle 2 100 militaires américainsétaient déployés dans l’ensemblede la région (Ouganda, Kenya,Zaïre). L’année suivante, l’assis-tance a été plus spécifiquementdestinée à l’armée rwandaise, se li-

    mitant à des stages de justice mili-taire, à la formation au déminageet à des cours d’anglais.

    En 1996 en revanche, apparaît unnouveau programme : l’« entraîne-ment combiné » (« joint/combinedexchange training »), dans le cadreduquel neuf instructeurs améri-cains des « Special Forces » en « te-nue de camouflage » (« battle-dressuniform ») forment, du 15 juillet au30 août, 30 soldats rwandais au« commandement de petites uni-tés », aux « compétences tactiques »(« tactical skills »), à la « progressionterrestre » (« land navigation »), au« secours d’urgence » (« first aid »)et à l’« habileté au tir » (« basic riflemarksmanship »). L’entraînementaux « compétences tactiques », est-il précisé, est surtout axé sur lecomportement « tactique » des pa-trouilles de reconnaissance (« tacti-cal patroling ») ; quant à l’entraîne-ment au tir, il a été mené dans lecamp d’entraînement de Gabiro,dans l’Est du Rwanda, et compre-nait « la familiarisation et le perfec-tionnement avec les armes attri-buées ». Parallèlement, laformation au déminage se pour-suit.

    Du 2 novembre au 10 décembre1996, soit à l’époque où commenceau Zaïre l’offensive des forces deM. Kabila appuyées par destroupes rwandaises, une unité mili-taire américaine des « affaires ci-viles » entraîne des hommes del’armée et de la gendarmerie rwan-daises à la planification et à l’exé-cution d’opérations impliquant lespopulations civiles, et en parti-culier les personnes déplacées.

    Egalement en novembre, uneéquipe d’entraînement en« communication » (« public infor-mation ») « forme des instructeursrwandais pour la planification etl’exécution de campagnes média-tiques axées sur les thèmes du rapa-triement des réfugiés et de la ré-conciliation » ; cette équipe estrattachée à la « Force des opérationspsychologiques » (« joint psychologi-cal operations task force ») ducommandement américain dans larégion.

    UNE QUESTION « SENSIBLE »En 1997, les missions de forma-

    tion théorique des cadres de l’ar-mée rwandaise à la justice mili-taire, au traitement despopulations civiles et à la commu-nication se sont poursuivies, demême que l’entraînement au démi-nage. A l’heure actuelle, du 15 juil-let au 30 août, neuf instructeursmilitaires américains forment 60militaires rwandais, officiers etsous-officiers, aux techniques decommandement, et supervisentl’entraînement que ces officiers re-transmettent ensuite à 60 autres« stagiaires ». Ces activités sontstrictement limitées au territoirerwandais, et le Pentagone affirmeque le seul militaire américain àavoir pénétré au Zaïre fut un colo-nel attaché au département d’Etat,qui a accompagné, en novembre1996, avec un passeport diploma-tique, une mission civile d’évalua-tion d’aide humanitaire.

    En entraînant des militairesrwandais, les Américains savaient-ils le rôle que jouerait l’arméerwandaise dans la rébellion qui de-vait renverser le maréchal Mobutuau Zaïre ? C’est sans doute unequestion à laquelle Washington vamaintenant devoir répondre. Pourl’heure, les organisations humani-taires relèvent que les autoritésaméricaines leur ont prêté uneoreille attentive « sur une questionvisiblement très sensible politique-ment au sein de l’administration »,puis ont admis le soutien, ycompris militaire, au gouverne-ment rwandais ; soulignant que lesmilitaires américains ont pu serendre dans des zones dont l’ar-mée rwandaise refuse l’accès auxtravailleurs humanitaires, l’un desmembres de la mission de PHR, leDr Jennifer Leaning, demande aumoins que ce soutien s’exerce « enconformité avec le droit internatio-nal ».

    Sylvie Kauffmann

    Les Etats-Unis ont entraîné l’armée rwandaise au combat et à la guérillaDes Américains participent à la formation militaire des troupes de Kigali depuis au moins 1996. Ils auraient accompagné ces soldats – tutsis –

    dans la guerre zaïroise qui a provoqué la chute du régime du maréchal Mobutu, et au cours de laquelle des massacres de réfugiés hutus ont été commis

    AFRIQUE Selon un rapport duPentagone adressé au Congrès, dontLe Monde s’est procuré une copie,l’armée américaine a entraîné l’arméetutsie rwandaise au combat et à la

    guérilla, et non pas seulement au dé-minage et à la justice militaire. Desinstructeurs américains sont toujoursprésents au Rwanda, où ils formentdes officiers aux techniques de

    commandement. b WASHINGTON dé-ment en revanche avoir participé auxoffensives de M. Kabila et de ses alliésrwandais dans l’ex-Zaïre. Pourtant, se-lon les services de renseignement

    français, des « conseillers » américainsétaient présents à Goma lorsque cesactions militaires, qui furent accompa-gnées de massacres des réfugiés hu-tus, ont commencé. b L’ONU vient

    d’envoyer une nouvelle mission d’en-quête sur les massacres de réfugiés auCongo-Kinshasa, qui devra rendre unrapport au printemps 1998 (lire aussinotre éditorial page 12).

    400 km

    Kisangani

    Bukavu

    KINSHASA

    Goma

    Zaïre

    Z A M B I E

    BUR.

    A N G O L A

    LacTanganyika

    GABON

    CONGO

    OUG.

    TANZ.

    SOUDANCENTRAFRIQUE

    RWANDA

    ÉQUATEUR

    MAN

    IEM

    A

    HAUT-ZAÏRE

    SHABA(KATANGA)

    BANDUNDU

    KASAÏ-OCC.

    KASAÏ-ORIENTAL

    BAS-ZAÏRE

    NORD-KIVU

    SUD- KIVU

    La région des grands lacs

    OUGAND

    Z A Ï R E

    Bukavu

    Uvira

    GomaRWANDA

    OUG.

    TAN.

    BUJUMBURA

    BURUNDI

    Z A Ï R E

    TANZANIE

    Uvira

    Bukavu

    50 km

    ButareKIGALI

    Lac Kivu

    Du 15 juillet au 30 août 19969 instructeurs militaires améri-cains ont formé 30 militaires rwandais au camp de Gabiro dans l'est du Rwanda.

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    I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / JEUDI 28 AOÛT 1997 / 3

    Le dernier président blanc sud-africain,Frederik De Klerk, quitte la vie politique

    Nelson Mandela salue son rôle dans la transformation du paysLe dernier président de l’apartheid, Frederik DeKlerk, a annoncé, mardi 26 août, qu’il se retirait dela vie politique. L’homme qui avait partagé le prix

    Nobel de la paix avec Nelson Mandela était de plusen plus contesté en Afrique du Sud, y compris ausein de son propre camp.

    JOHANNESBURGde notre correspondant

    L’Afrique du Sud a tourné unepage de son histoire politique,mardi 26 août, avec le retrait de lavie politique de l’ancien présidentFrederik De Klerk. De plus en pluscontesté, y compris dans sonpropre camp, celui qui mit fin aurégime d’apartheid a décidéd’abandonner son poste de chef duParti national (NP). M. De Klerk aquitté toutes ses fonctions au seinde l’ancien parti dirigeant, devenu,depuis 1994, la principale forced’opposition au service des intérêtsde la minorité blanche.

    La décision de l’ex-chef d’Etatconstitue un bouleversement poli-tique majeur et représente unéchec personnel. Salué, avec Nel-son Mandela, comme l’artisanclairvoyant et pragmatique du« miracle » sud-africain, M. DeKlerk n’a jamais su, par la suite,trouver sa place dans l’Afrique duSud de l’après-apartheid. Son rôlehistorique dans la transition démo-cratique du pays lui a pourtant va-lu, pendant longtemps, l’estimed’une bonne partie de la popula-tion. A l’opposé, il a aussi faitnaître une rancœur tenace chezcertains de ses propres partisans,qui lui reprochaient encore récem-ment d’avoir trahi leur cause.

    Après avoir pris la tête du Partinational et du pays en 1989, M. DeKlerk a permis l’accession négociéede la majorité noire au pouvoir, enautorisant les mouvements anti-apartheid et en libérant M. Mande-la. Ce dernier, avec qui il a partagéle prix Nobel de la paix en 1993, ad’ailleurs tenu à lui rendre hom-mage. « J’espère que l’Afrique duSud n’oubliera pas le rôle de M. DeKlerk dans la transformation denotre pays », a déclaré le présidentMandela.

    La stature de Frederik De Klerk aconsidérablement diminué aprèsles élections de 1994. L’ancien chefd’Etat a pourtant choisi de conti-nuer à jouer un « rôle constructif »,selon ses propres termes, dans lanouvelle Afrique du Sud. De fait, ila contribué à apaiser les tensionsentre la majorité noire et la minori-té blanche en siégeant, en tant quevice-président, au sein du gouver-nement d’unité nationale, dirigé

    par Nelson Mandela. Mais, réduit,selon lui, à un rôle de faire-valoirdu pouvoir noir, M. De Klerk a dé-cidé, en mai 1996, de quitter cegouvernement. Depuis, sous lapression de l’aile dure de son parti,il n’a cessé de se consacrer, dansl’opposition, à une défense agres-sive des intérêts de l’électorat blancconservateur.

    Ce durcissement politique aconsidérablement terni l’image del’ex-président, d’autant plus qu’il acoïncidé avec le début des travauxde la commission Vérité et réconci-liation (TRC), chargée de faire lalumière sur les crimes de l’apar-theid. Les auditions et les enquêtesde la TRC ont porté un sérieuxcoup au crédit politique de l’ancienchef d’Etat en éclairant d’un jourpeu flatteur son rôle au sein du ré-gime de ségrégation raciale. Ellesont montré qu’avant de mettre finà l’apartheid M. De Klerk – prag-matique mais conservateur dansl’âme – a aussi pris part au fonc-tionnement du système d’oppres-sion contre la population noire.

    La commissiond’enquête sur lescrimes de l’apartheida porté un sérieuxcoup au crédit del’ancien chef de l’Etat

    Mais, plus que les révélations dela commission Vérité et réconcilia-tion, c’est le refus arrogant deM. De Klerk de reconnaître lamoindre responsabilité personnellequi a consommé son divorce avecl’opinion publique. Le chef du NP atoujours présenté les abus commissous l’apartheid comme des déra-pages individuels perpétrés en de-hors des consignes officielles. Lorsde ses différentes dépositions de-vant la TRC, il n’a jamais expriméde véritable repentir. M. De Klerk,au contraire, a mis en cause la par-tialité de la commission, accuséed’être un instrument de vengeanceentre les mains du pouvoir noir.

    Mécontent du traitement réservé àson leader, le Parti national a déci-dé, en mai, de boycotter la TRC etd’intenter des poursuites judi-ciaires à son encontre.

    Les autres partis, suivis par lapresse, ont alors relancé de plusbelle leurs attaques contre l’ex-chefd’Etat. Comme à l’occasion des ré-vélations de la commission sur sesresponsabilités au temps de l’apar-theid, ils ont exigé son départ de lavie politique. Jusqu’à présent, Fre-derik De Klerk avait refusé de cé-der et de devenir le « Gorbatchevsud-africain », victime d’une dé-mocratie multiraciale qu’il a contri-bué, malgré tout, à mettre enplace. En décidant aujourd’hui dequitter la scène publique, il re-connaît que son avenir politiqueest désormais compromis. De plus,M. De Klerk ne fait plus l’unanimi-té au sein même du NP, ce qu’il alaissé entendre en évoquant, pourjustifier son départ, l’intérêt « del’Afrique du Sud et du parti ».

    En perte de vitesse sur le planélectoral, le NP se trouve dans unétat de division et de faiblesse sansprécédent. M. De Klerk, en posi-tion d’arbitre, n’a pas su maintenirson unité. Rebutés par sa dériveconservatrice, les réformateurs ontfondé une nouvelle formation poli-tique. Sous la conduite de RoelfMeyer, l’ex-« numéro deux » duNP, ils espèrent séduire une partiede la population noire et représen-ter les aspirations progressistes dela fraction modérée de la minoritéblanche.

    Le NP, de son côté, semble dé-sormais encore moins en mesurede représenter une véritable forced’opposition face à l’hégémonie duCongrès national africain (ANC) deM. Mandela. Livré à son aile dure,il devra sans doute se contenter dedisputer aux partis d’extrêmedroite les suffrages des Blancs lesplus conservateurs. A soixante etun ans, Frederik De Klerk quitte lavie politique sur un sentiment dedéception et d’amertume, sansavoir pu incarner jusqu’au boutl’esprit d’ouverture qui aurait per-mis d’ancrer son parti et sacommunauté dans l’Afrique duSud multiraciale.

    Frédéric Chambon

    Deux diplomates nord-coréens obtiennentl’asile politique aux Etats-Unis

    Des discussions délicates des Américains avec Pyongyangsur le programme d’exportation de missiles balistiques

    de la Corée du Nord doivent reprendre jeudi à New YorkLES DEUX DIPLOMATES nord-

    coréens qui avaient « disparu » deleurs ambassades respectives ontobtenu l’asile politique aux Etats-Unis : Nord-Coréens et Améri-cains ont confirmé, mardi 26 août,la double défection de l’ambassa-deur au Caire, Jang Sung-Gil, et deson frère, Jang Sung-Ho, conseil-ler économique à la délégation gé-nérale de la Corée du Nord enFrance. Selon la chaîne de télévi-sion CNN, ils devaient être inter-rogés par des responsables améri-cains et sud-coréens sur leprogramme d’exportations demissiles par la Corée du Nord à laveille de la reprise, mercredi, desdiscussions sur ce sujet entre Was-hington et Pyongyang.

    L’ambassadeur Jang, qui est leplus important diplomate nord-coréen à avoir jamais demandél’asile politique aux Etats-Unis, estconsidéré comme disposant d’in-formations-clés sur la vente demissiles à l’Iran, à la Syrie et à la

    Libye. La Corée du Nord est pré-sumée capable de produire100 missiles Scud par an et avoirvendu plus de 300 de ces missilesau Proche-Orient.

    Le porte-parole du départementd’Etat, James Rubin, a annoncéque Washington avait acceptéd’accorder l’asile aux deux réfu-giés, tout en refusant de préciserle lieu où ils se trouvaient.

    CRISE DE RÉGIMEA Paris, un responsable nord-

    coréen a confirmé leurs défectionset déclaré que les deux diplomatess’étaient rendus coupables de« détournements de fonds ». Pyon-gyang exige donc qu’ils soient li-vrés aux autorités nord-coréennespour être jugés, a-t-il ajouté.

    Selon CNN, ceux-ci se trouventaux Etats-Unis, après s’être trou-vés « techniquement » sur le solaméricain depuis la semaine der-nière lorsqu’ils se sont réfugiésdans les ambassades américaines

    au Caire et à Paris. L’ambassadeurJang, qui avait été sous-ministredes affaires étrangères et étaitconsidéré comme un fidèle du ré-gime nord-coréen, craignait peut-être de rentrer chez lui après la dé-fection de son fils, l’année der-nière, et des révélations sur untrafic de montres dans son ambas-sade.

    Pour le département d’Etat, cesnouvelles défections semblentconfirmer que la Corée du Nordtraverse une crise profonde.

    Des responsables américains etnord-coréens doivent reprendre àNew York des discussions au sujetdu programme présumé d’expor-tation de missiles par la Corée duNord vers le Proche-Orient. Pyon-gyang a confirmé mardi son inten-tion d’y participer. Washingtonpose comme préalable à touteamélioration des relations entreles deux pays le règlement de laquestion des exportations de mis-siles. – (AFP.)

    Pendant la famine, les dépenses somptuaires continuentTOKYO

    de notre correspondantBien que son économie soit exsangue et sa popu-

    lation affamée, la République populaire démocra-tique de Corée (RPDC) ne renonce pas à consacrerses rares ressources à célébrer les gloires du régime.Des Coréens du Nord résidant au Japon, quiviennent de se rendre dans leur pays, ont été stupé-faits par la somptuosité du mausolée où repose lecorps embaumé de Kim Il-sung, le « grand leader »décédé en 1994 après avoir régné sur le pays prèsd’un demi siècle.

    Ce « palais de la commémoration », inauguré à lafin de la période de deuil de trois ans, le 8 juillet, estsitué au pied du mont Kumsu, dans la banlieue nordde Pyongyang. Il comporte une « tour de la vie éter-nelle » en granit haute de 92 mètres. On accède aumausolée par un tapis roulant qui court le long d’untunnel de 1,5 km. De 10 mètres de large et 6 mètresde haut, il est entièrement tapissé de plaques demarbre. L’édification et l’aménagement du site au-raient coûté 200 millions de dollars. Bien qu’ils par-tagent la dévotion envers le « grand leader », écrit lequotidien japonais Asahi Shimbun, les visiteurs ontdéploré que ces sommes n’aient pas été consacréesà nourrir une population qui souffre depuis deuxans d’une grave pénurie alimentaire.

    L’idéologie remplace-t-elle le riz ? C’est ce quevoudrait faire croire un éditorial du 8 juillet du Ro-dong shinmun, organe du parti des Travailleurs, qui

    écrit : « Au cours des trois dernières années, nousavons fermement établi notre base politique et idéolo-gique (...) en vue de réaliser les grands objectifs révolu-tionnaires fixés par le camarade Kim Il-sung. Un résul-tat qui vaut plus que des millions de tonnes de riz... »La dévotion de la population nord-coréenne enversKim Il-sung paraît effectivement sans borne : Radio-Pyongyang annonçait récemment que depuis 1994,66 millions de visiteurs étaient venus se recueillir de-vant sa gigantesque statue de bronze doré sur lahauteur de Mansudae, à Pyongyang. Le nombre deshabitants de la RPDC ne dépassant pas 22 millions,ce chiffre signifie que chaque citoyen s’y est rendutrois fois et que, chaque jour, 60 000 visiteurs se se-raient pressés au pied de la statue...

    Invraisemblable... à moins que ces actes de dévo-tion n’aient été récompensés de dons en nourriture,avance-t-on à Séoul. Car la pénurie alimentaire em-pire. Selon d’autres visiteurs également cités parl’Asahi, les vols de nourriture seraient de plus en plusfréquents et, la nuit, les champs seraient gardés.Dans les cas de vols répétés, les coupables seraientexécutés en public. En 1996, les autorités avaient or-donné que les familles des défunts n’expriment pasleur peine en public. Mais cette année, les funé-railles doivent avoir lieu la nuit en présence unique-ment des parents proches. Le chagrin serait-ilcontre-révolutionnaire ?

    Philippe Pons

    Israël libère un Palestinien en détentionadministrative depuis vingt mois

    TEL-AVIVde notre correspondant

    Israël a annoncé, mardi 26 août,la libération imminente d’Imad ElSabeh, soupçonné d’être un mili-tant du Front populaire de libéra-tion de la Palestine, et qui, depuisvingt mois, est en détention admi-nistrative, c’est-à-dire qu’il n’a ja-mais été inculpé ni ne connaît lescharges retenues contre lui. L’ac-cord passé entre les services derenseignement intérieur, Shin Bet,et Imad El Sabeh prévoit qu’il serendra aux Pays-Bas – où il bénéfi-cie d’une bourse d’études – pourquatre ans au moins et s’abstien-dra durant cette période de touteactivité « hostile ».

    Imad El Sabeh s’est faitconnaître et a rappelé à l’opinionla question de la détention admi-nistrative par un étrange échangeépistolaire avec un lieutenant deréserve israélien qu’il ne connaîtpas. Ce dernier, Youval Lotam,s’est retrouvé au trou pour avoirrefusé de servir à Meguido, oùsont incarcérés une partie desquelque 400 détenus administra-tifs palestiniens. Dans sa cellule,Imad El Sabeh lit un jour un entre-filet publié par le quotidien AlQods : un lieutenant de l’armée is-raélienne a été condamné, débutjuillet, pour avoir refusé de servirà Meguido, déclarant : « Je choisisd’être en prison comme prisonnierplutôt que geôlier de détenus poli-tiques enfermés sans procès. »

    « Qui es-tu, lieutenant ? », de-mande Imad El Sabeh, dans unelettre ouverte qu’il adresse à l’offi-cier anonyme et que son avocat,Me Tamar Peleg, a transmise à cer-tains journaux. « Quelle est pour

    toi la signification de ma liberté ?(...) La “ sécurité de l’Etat ” n’est-elle pas importante à tes yeux. Et sij’étais un véritable terroriste ? (...)Quel que soit ton nom, que ton som-meil soit doux et serein (...). Un jour,je connaîtrai ton nom et alors, jet’écrirai une longue lettre, de pri-sonnier à prisonnier. »

    « VICTIMES DE PAIX »Cette lettre, Lotam la lit début

    août, peu après sa libération dequatre semaines de détention dis-ciplinaire. « [Mon] arrestation va-lait la peine, malgré tout ce qui l’aaccompagnée. A présent, je ressensmême une fierté cachée à propos dece que j’ai fait », déclare-t-il ausupplément hebdomadaire deHaaretz.

    Sous le titre « Lettres de Ha-waï », l’hebdomadaire Ha’Ir a pu-blié, au cours des deux dernièressemaines, des extraits de missivesadressées à sa famille par El Sa-beh. « Hawaï » est le nom de codede l’une des prisons où il a séjour-né. Il a été arrêté quelques joursavant l’évacuation de la ville deRamallah, à la fin de décembre1995. Dix autres hommes de Ra-mallah sont amenés à « Hawaï »dans les jours qui suivent.

    « Ils nous ont choisis pour être lesvictimes de paix dans la région deRamallah », écrit Imad El Sabeh,qui n’hésite pas à emprunter àl’écrivain israélien Amos Oz cettecitation : « La justice en toutecirconstance, nous disent-ils. Maispas maintenant. En attendant, c’estla sécurité qui déterminera la jus-tice... Une fausse sécurité porteusedes germes de sa propre destruc-tion. » – (Intérim.)

    Le débat sur les adoptions forcées d’enfants aux débuts de l’Etat juif est relancé TEL-AVIV

    de notre correspondantLa photo de l’étreinte de Tsila Lé-

    vine et de sa mère biologique, Mar-galit Omeissi, s’étalait mardi26 août à la « une » des journauxpopulaires israéliens. Les deuxfemmes se sont retrouvées la se-maine dernière après avoir été sé-parées en 1948. Leurs retrouvaillesont relancé le débat sur la façondont l’élite ashkénaze avait, durantles années pionnières de l’Etat juif,abusé de sa position dominante parrapport aux immigrants originairesde pays arabes.

    Tsila Lévine a été élevée au kib-boutz d’Ayin Hamifrats par des pa-rents adoptifs aujourd’hui décédés.Lorsqu’elle a demandé à savoird’où elle venait, a-t-elle raconté,« on m’a averti qu’il valait mieux (...)que je me concentre sur ma familleactuelle ». Pas facile pour une fil-lette à la peau brun foncé de ne passe poser de questions lorsque tousles autres enfants du kibboutz ontla peau blanche. A l’âge de six ans,elle a appris qu’elle était une enfantadoptée.

    Il y a deux ans, Tsila, qui vit de-puis une quinzaine d’années en Ca-lifornie, lit un article sur les adop-tions forcées d’enfants yéménitesentre 1948 et 1954, au moment oùle scandale ressurgit sous la pres-sion de parents à la recherche deleurs enfants. Elle prend contactavec l’Association des juifs yémé-nites en Israël, qui la guide vers unavocat. Celui-ci publie dans lesjournaux la photo de la petite filleadoptée. Parmi ceux qui l’appellent,Margalit Omeissi, âgée de soixante-sept ans, dont la fille a « disparu »il y a près d’un demi-siècle de lacrèche de Rosh Ha’Ayin, au centredu pays. Lorsque Margalit, alorsjeune immigrante originaire du Yé-

    men, s’adressa à la police, un agentlui répondit : « Madame, si vousavez un problème, vous pouvez re-tourner au Yémen ».

    « Je te dis que c’est moi qui t’aimise au monde », dit Margalit à Tsi-la lorsqu’elles se sont retrouvées.Un médecin, qui a pris des échantil-lons de sang et de salive, a confir-mé lundi que le lien de filiation estétabli à 99,99 %. Mais pour ungrand nombre de parents yémé-nites, les autorités ont poussé levice jusqu’à leur annoncer la mortde leur enfant et à ériger une sépul-ture factice. Certaines de ces

    tombes ont récemment été ou-vertes et trouvées vides.

    La commission d’enquête offi-cielle qui a été mise en place en1995 n’avance que lentement dansl’étude des 687 plaintes déposées.Bien des questions restent à éluci-der : comment se sont organisésceux qui ont mis en place ce raptinstitutionnel pour effacer lestraces de leurs manipulations ?Quels étaient leurs motifs ? Oùétait situé le centre de décision ?

    L’explication couramment avan-cée est que, dans un contexte de si-tuation économique difficile et de

    menaces de guerre, l’establishmentashkénaze ne voyait pas d’un bonœil ces familles d’immigrants yé-ménites frustes et dépendants del’aide gouvernementale et auraitjugé préférable, pour le bien desenfants et de l’Etat, de les faireadopter par des familles conve-nables – c’est-à-dire ashkénazes. Lerabbin Ouzi Meshoulam et ses dis-ciples, des orthodoxes déchaînésqui depuis plusieurs années ont faitde l’affaire des enfants yéménitesdisparus leur cheval de bataille,vont jusqu’à parler d’« Ashké-na-zis ». – (Intérim.)

  • LeMonde Job: WMQ2808--0004-0 WAS LMQ2808-4 Op.: XX Rev.: 27-08-97 T.: 11:19 S.: 111,06-Cmp.:27,11, Base : LMQPAG 34Fap:99 No:0335 Lcp: 196 CMYK

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    Les réfugiés au Kazakhstan rêvent de lutte armée « contre un milliard de Chinois »ALMA ATA (Kazakhstan)de notre envoyé spécial

    « L’Empire russe a éclaté. LaChine suivra. Nous y travaillons. »Dans sa petite maison d’Alma Ata,

    la capitale du Kazakhstan, AchirVahidi, soixante-quatorze ans,éclate de rire en promettant pourbientôt à l’Empire du Milieu le sortqu’a connu l’Union soviétique.Leader en exil de l’Organisation delibération de l’Ouïghouristan,Achir Vahidi est convaincu que sapatrie « occupée », plus connue

    sous le nom chinois de Xinjiang,sera bientôt libre. Il n’a peur ni desmots ni des Chinois. Pourtant, iln’ouvre sa porte récemment blin-dée que sur rendez-vous. Le20 janvier 1996, des inconnus l’ontassommé après avoir sonné. Puisils ont tenté de lui fracasser lecrâne contre une cloison, heureu-sement en torchis. C’est le mur quia cédé et non la tête, explique levieil Ouïghour. « C’étaient deshommes de main payés par lesChinois », assure-t-il. Rien n’a étévolé à part des documents sur sonorganisation.

    Laissé pour mort, Achir Vahidi aperdu un œil, mais pas son idéal.Ce bolchevik convaincu s’étaitengagé à vingt ans dans l’Armée delibération du Turkestan-Oriental,une République brièvementindépendante (1944-1949) sous

    contrôle soviétique. Aujourd’huiguéri du communisme, Achir Vahi-di est resté un nationaliste ouïg-hour. Et cet agitateur profession-nel n’en doute pas : après laRépublique islamique du Turkes-tan (1933-1934), après « sa » Répu-blique du Turkestan-Oriental, « latroisième révolution de ce siècle acommencé » chez les Ouïghours.

    RESSENTIMENTLongtemps sous influence

    chinoise, véritablement colonisépar les Mandchous, au XIXe siècle,le Xinjiang, « la nouvelle marche »en chinois, sera, prédit-il, le tom-beau de l’empire des Hans. Beau-coup de spécialistes sourient. Etbeaucoup d’Ouïghours ne par-tagent pas son optimisme. L’Etin-celle de la patrie, nouvelle arméede libération de l’Ouïghouristan,

    censée faire exploser l’empirechinois, ne serait qu’un pétardmouillé...

    Tout aurait commencé vers 1989,peu après les événements de laplace Tiananmen. A Ouroumtsi, lacapitale du Xinjiang, les étudiantsouïghours manifestent pour soute-nir le mouvement démocratiquechinois écrasé dans le sang et dontun des leaders, Wu Er Kai-xi, étaitd’origine ouïghoure. A Ouroumtsi,les revendications des étudiantsont pris un tour nationaliste. La ré-pression s’abat, ici comme ailleurs.Peu après, en février 1990, Baren,une petite ville du sud du Xinjiang,se révolte. Elle se « libère », armesà la main. Les forces chinoisesécrasent la rébellion.

    Mais, « après les événements deBaren, l’idée d’indépendance estdevenue très forte. Nous avons es-sayé de faire quelque chose »,confie, à Alma Ata, un jeune Ouïg-hour du Xinjiang qui rejoint à cetteépoque une école coranique. « Lapolice chinoise n’arrêtait pas dem’interroger. J’ai dû fuir au Kazakh-stan », dit-il. La répression s’accen-tue notamment contre les jeuneset les imams, accusés de se servirdes mosquées pour propager desidées « séparatistes ». Des mani-festations sporadiques se pour-suivent, aussitôt suivies d’arresta-tions.

    En février 1997, dans la ville deXining (Koundja, en ouïghour),c’est l’explosion. Des émeutes fontofficiellement une dizaine demorts, entre cent et trois cents se-lon les Ouïghours. Elles sont sui-vies d’une répression massive.C’est l’arrestation d’un jeune diri-geant musulman qui a mis le feuaux poudres. « Mais il y a des rai-sons plus profondes à la révolte deKoundja », explique un jeuneOuïghour de cette ville.

    Le nombre toujours croissant decolons chinois accentue chaquejour la pression, notammentéconomique, sur la populationouïghoure. « Les Chinois ont trouvéun nouveau moyen pour nous colo-niser : ils confisquent nos terres pourles donner à des colons chinois »,assure-t-il. « En fait, les autoritésaugmentent les impôts ; quand lesOuïghours ne peuvent plus payer,elles donnent les terres aux Chinoisqui bénéficient de crédits. C’est dufavoritisme économique », dit-il.

    Certes, certains Ouïghours ontprofité du « boom » économiquede la Chine. Mais l’accroissementdes différences sociales au profitd’une minorité et des Chinois desouche semble aussi avoir accen-tué le ressentiment du peuple faceaux colons et à leurs « collabora-teurs ». Les Ouïghours dénoncentune politique de quotas pour les

    emplois industriels, dans les uni-versités, les hôpitaux.

    Surtout, ils s’élèvent contre lapolitique de plus stricte limitationdes naissances que Pékin leur a im-posée en 1988. « Au Xinjiang, lesOuïghours n’ont le droit d’avoir quedeux enfants en ville et trois enfantsdans les villages », raconte un jour-naliste ouïghour d’Alma Ata. Lapopulation contourne souvent ceslimitations. « Ma famille, au senslarge, a constitué une caisse pourpayer les amendes imposées par lesChinois à partir du deuxième en-fant », explique un Ouïghour duXinjiang. « L’un de mes parents asept enfants, dont trois seulementsont enregistrés, poursuit-il. Ceuxqui ne le sont pas n’existent pas offi-ciellement. Ils n’ont pas de pa-piers », dit-il.

    Les accouchements clandestinsseraient la cause d’une forte mor-talité chez les jeunes femmes ouïg-houres. A Alma Ata, la capitale ka-zakh, l’une des organisationsindépendantistes ouïghoures, leFront national uni révolutionnaire(FNUR), estime que le Xinjiangcompte près d’un million d’enfants« clandestins », réservoir naturelde la rébellion antichinoise.

    DES « RÉVOLTES LOCALES »Face à la répression, les divisions

    historiques ou idéologiques s’es-tompent entre des dirigeants ouïg-hours pourtant rongés d’ambitionspersonnelles. Les deux diasporas –celle du Moyen-Orient, née de lapremière République islamique, etcelle du Kazakhstan, issue de laRépublique « soviétique » du Tur-kestan-Oriental – ont renoué. En-core divisées sur la tactique, lestrois organisations ouïghoures duKazakhstan se sont mises d’accordsur un programme : « L’indépen-dance, par tous les moyens ». Maisla lutte des exilés se heurte aux ha-biles manœuvres diplomatiques dePékin, qui a noué des liens avec laRussie et les Républiques d’Asiecentrale.

    Dans son petit bureau d’AlmaAta, un journaliste ouïghour feuil-lette un texte, frappé d’un tamponchinois « Document réservé », da-té du 14 mars 1996 à Pékin et inti-tulé « Réunion sur la question duXinjiang du Comité permanent duPolitburo du Parti communistechinois ». Le point numéro huit dece texte, parvenu clandestinementà Alma Ata depuis le Xinjiang, pré-cise : « Les séparatistes ouïghoursdisposent de forces en Turquie, auKazakhstan, au Kirghizistan. Il faututiliser les moyens diplomatiques,notre grande expérience internatio-nale et notre amitié avec les paysvoisins pour liquider ces mouve-ments. » Et depuis les embrassades

    d’avril à Moscou entre le présidentchinois et les chefs des Répu-bliques d’Asie centrale, la répres-sion s’est effectivement accentuéecontre les organisations indépen-dantistes ouïghoures du Kazakh-stan.

    Au Xinjiang même, Pékin ren-force son emprise. Le documentdu PC chinois propose ainsi de« renforcer la lutte contre le sépara-tisme » en améliorant « le contrôlesur la religion », en « augmentantles effectifs de l’Armée populaire »,invitée à « construire un mur de bé-ton contre le séparatisme ». Maisl’avant-dernier point du documentdu PC chinois sonne comme l’aveud’un possible échec : « Il faut êtreprêt s’il y a des révoltes. »

    A Alma Ata, la tension monte.« Une centaine de jeunes de Kound-ja [Xining] se sont réfugiés auKazakhstan. Ils veulent passer enAfghanistan pour se lancer dans lalutte armée », dit un journalisteouïghour d’Alma Ata. Mais,contrairement à ce qu’affirmentles « extrémistes », cet intellectuelestime qu’il n’y a pas, pas encore,d’Armée de libération de l’Ouïg-houristan. « Il n’y a pas de lutte or-ganisée mais des révoltes locales,dit-il. Ce sont des groupes qui se for-ment spontanément, sans relationsentre eux. » Pourtant cet observa-teur estime qu’aujourd’hui « lesOuïghours sont prêts à la lutte ar-mée ». Car ils n’ont pas le choix,estime-t-il : « Ils ont compris qu’ilsont dix ans pour réagir ou dispa-raître en tant que peuple. »

    Dans son petit deux pièces de lacapitale kazakh, YousoupbekMoukhlissi, soixante-seize ans, unancien officier de l’armée du Tur-kestan-Oriental, met en avantl’exemple de la Tchétchénie : « Simoins d’un million de Tchétchènesont réussi à battre 140 millions deRusses, les Ouïghours peuvent ga-gner contre un milliard deChinois », lance le chef du Frontnational uni révolutionnaire(FNUR), partisan d’une lutte ar-mée encore très imaginaire.

    Les chefs en exil de la lutte pourla libération de l’Ouïghouristan es-pèrent aussi que les « contradic-tions » du système chinois vonts’exacerber. Ils parient sur des dif-ficultés avec Hongkong, Taïwan, leTibet, la Mongolie-Intérieure. Surune intensification de la lutte pourle pouvoir au sein du PC chinoisaprès la mort de Deng Xiaoping,sur le mouvement démocratiquechinois. Bref sur d’éventuelles se-cousses à Pékin qui, selon le scéna-rio déjà éprouvé dans l’ex-URSS,leur permettraient de prendre lelarge avant l’assimilation totale.

    Jean-Baptiste Naudet

    REPORTAGEPour les exilés,un seul mot d’ordre :« L’indépendance,par tous les moyens »

    C H I N E

    INDE

    M O N G O L I E

    PAKISTAN

    AFGHANISTANTADJIKISTAN

    KAZAKHSTAN

    Pékin

    Ouroumtsi

    Alma-Ata

    37%8,5%

    7,5%

    Kazakhs

    Chinois (Hans)

    R U S S I EKIRGHIZSTAN

    AFP

    /Rec

    ense

    men

    t offic

    iel ch

    inois

    1990

    Autres (dont Huis, Mongols, Kirghizes,Ouzbeks, Tadjiks)

    plus de 80%

    50-80%

    30-50%

    La diversité ethnique au Xinjiang

    Ouïghours

    B

    47%

    Les Chinois Hans ne représentaient que 4%de la population de la région autonomedu Xinjiang dans les années 50.

    OUZBÉKISTAN

    Xining

    RÉGION AUTONOME

    DU XINJIANG

    Musulmans : % dans la population

    PÉKINde notre correspondant

    Une assez sérieuse répressionest en cours dans la région duXinjiang à l’encontre des milieuxrétifs à l’autorité de Pékin, si l’onen juge par les annonces offi-cielles chinoises à ce sujet.

    Un groupe de neuf « terroristeset autres criminels endurcis » ontété passés par les armes, le22 juillet, à Xining, la ville-fron-tière de l’extrême Ouest de la ré-gion où s’étaient produites lesémeutes de « séparatistes » del’ethnie ouïghoure turcophone,début février. Le jugement, objetd’un rassemblement de foule or-ganisée, a été présenté commefrappant non pas des indépen-dantistes mais des coupablesd’actes de violence. Vingt autresprévenus, comme les premiersaux noms ouïghours ou d’autresnationalités non chinoises, à l’ex-ception d’un trafiquant de drogueet d’un voleur, ont été condamnésà des peines allant de quinze ansde prison à la mort avec sursis,transformable en détention à vieà l’issue d’une période probatoirede deux ans.

    Le pouvoir chinois tente, parcette orchestration de la répres-sion qui mêle la lutte contre le sé-paratisme à celle contre la crimi-nalité ordinaire, d’atténuer l’effet

    de ces mesures sur la fractureethnique. Celle-ci se lit pourtantclairement dans ses communi-qués. Ainsi, une campagne éner-gique est en cours pour freiner lesprogrès de l’exercice non officielde la religion musulmane.

    « RECTIFICATION INTENSIVE »Le 21 juin, le Quotidien du Xin-

    jiang, organe du pouvoir, a faitétat d’une « rectification inten-sive » dans la préfecture d’Ili,dont dépend Xining. Selon lejournal, 105 écoles coraniquesnon officielles ont été fermées. Ildevait s’agir de cours très discretspuisque le même compte renduprécise que 500 étudiants ont été« dispersés ». En outre, 133 mos-quées illégales édifiées depuis1995 ont été soit fermées, soit re-converties. Des enseignants ac-cusés de propager des « senti-ments séparatistes » dansl’éducation laïque ont été révo-qués.

    Cette répression s’exerce ausein du système dirigeant lui-même. Toujours selon des docu-ments officiels de Pékin, les auto-rités ont « découvert » récem-ment que pas moins d’un quartdes 18 000 membres du Parti de lapréfecture de Turfan – près duchef-lieu de la province, Ou-roumtsi, dans une zone pourtant

    fortement sinisée – étaient rede-venus croyants (s’ils avaient ja-mais cessé de l’être) et partici-paient régulièrement au culte ! Ilfaut y voir naturellement un effetpervers des efforts de recrute-

    ment du Parti communiste lui-même et de l’enthousiasme queces efforts suscitent en retourchez les gouvernés du cru. Cet en-thousiasme s’explique par le faitque ce Parti est de moins en

    moins politisé aux échelons infé-rieurs et fonctionne plutôtcomme un club d’influence et untremplin pour hommes d’affaires(comme, dans une certaine me-sure, les nébuleuses liées auxmosquées, d’ailleurs).

    Il n’est pourtant pas banal devoir ce même organisme léni-niste, maître absolu de la Chine,déclencher une vaste opérationpsychologique dans ses cellulesdu Xinjiang autour du thème :« Un membre du parti est unathée »... C’est exactement ce quise produit depuis le mois d’avril, àen croire le quotidien local, quiprécise que, dans certains cas, il afallu avoir recours, face à des ré-calcitrants, à des « entretiens par-ticuliers » à l’issue desquels les in-téressés se sont évidemmentamendés.

    APPUI MORALInversement, le pouvoir tente

    de rétablir un degré de coopéra-tion avec des personnalités reli-gieuses, souvent des imams lo-caux, qui lui sont restées fidèles.L’un des chefs ouïghours du Xin-jiang, Abdulahat Abdurixit, quiest dépourvu de pouvoir réel maissert de caution au régime chinois,a rendu visite en personne à di-vers imams de la région de Kash-gar, au mois de mai, pour à la fois

    resserrer des liens distendus etobtenir leur appui moral dans lareprise en main. L’un d’entre eux,dont le nom est transcrit sous laforme Abudukadeer en chinois,imam de Shache, aurait fait ob-server, qu’« à voir ce qui se passeautour de lui et à prendre encompte ses propres sentiments, ilétait impératif de frapper de coupssévères les activités religieuses illé-gales ».

    « SUPERSTITIONS FÉODALES »Au Xinjiang, il se peut que l’ef-

    fort de reprise en mains rappelleles brutales tentatives du passévisant à effacer les traces visiblesd’une identité ethnico-religieusedistincte. A Khotan, plus de 8 000femmes ont été officiellement fé-licitées pour avoir « abandonné lacoutume du port du voile islamiqueafin de participer au travail pro-ductif et à la vie sociale ».

    On ne peut pas faire une règlegénérale de l’existence de pareilsoukazes déguisés. Mais il n’estpas interdit de se souvenir que,sous Mao Zedong, dans les an-nées 60, les autorités du Xinjiangétaient allées jusqu’à contraindredes musulmans à manger du porcafin de les convaincre de renoncerà leurs « superstitions féodales »...

    Francis Deron

    Le gouvernement chinois s’inquiète de lamultiplication de violents incidents im-pliquant des séparatistes ouïghours, uneethnie turcophone et musulmane de laprovince occidentale du Xinjiang. Depuis

    les émeutes qui ont eu lieu dans la villede Xining, en février 1997, Pékin s’estlancé dans une opération de répressiondes « terroristes » tout en s’efforçant depromouvoir l’athéisme dans les struc-

    tures locales du Parti communiste dontbeaucoup d’adhérents avaient renouéavec des pratiques religieuses officielle-ment qualifiées d’« illégales ». Réfugiésau Kazakhstan voisin, des responsables

    d’organisations séparatistes ouïghouresse sont mis d’accord sur un programme :« l’indépendance par tous les moyens ! ».Mais la lutte des exilés se heurte aux ma-nœuvres diplomatiques de Pékin, qui a

    noué des liens avec la Russie et les répu-bliques de l’Asie centrale ex-soviétiqueet entend user de son influence pour em-pêcher ces dernières de servir de basesarrière aux indépendantistes.

    Pékin accentue sa répression contre les séparatistes ouïghours du XinjiangLe Parti communiste a lancé une campagne pour promouvoir l’athéisme dans cette région musulmane de l’Ouest chinois

    où se sont multipliés, ces derniers mois, les incidents provoqués par les sécessionnistes turcophones

  • LeMonde Job: WMQ2808--0005-0 WAS LMQ2808-5 Op.: XX Rev.: 27-08-97 T.: 10:56 S.: 111,06-Cmp.:27,11, Base : LMQPAG 34Fap:99 No:0336 Lcp: 196 CMYK

    I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / JEUDI 28 AOÛT 1997 / 5

    Le mouvement sioniste célèbre à Bâlele centième anniversaire de sa formation

    Un millier de personnes participent à trois jours de débatsLe ton était plutôt à l’apaisement lors de l’inau-guration officielle, mardi soir 26 août à Bâle, descérémonies marquant le centenaire de la fonda-

    tion du mouvement sioniste. S’affichant enhomme d’ouverture, le président de l’Organisa-tion sioniste mondiale et de l’Agence juive,

    Avraham Burg, s’est livré à un plaidoyer en fa-veur de la paix dans le respect mutuel auProche-Orient.

    BERNEde notre correspondant

    En présence de près d’un millierde participants, l’ouverture des cé-rémonies marquant le centenairede la fondation du mouvement sio-niste s’est déroulée dans la mêmegrande salle à colonnades du casi-no de Bâle, où, du 29 au 31 août1897, 196 délégués s’étaient réunisautour du journaliste autrichienTheodor Herzl, pour le premiercongrès sioniste. « A Bâle, j’ai fondél’Etat juif », écrivait Herzl dans sonjournal au lendemain de cette ren-contre. « Si j’en parlais aujourd’hui,ajoutait-il, le monde entier rirait.Mais dans cinq ans peut-être, cin-quante ans en tout cas, chacun verraque j’ai raison. »

    Cent ans plus tard, on peutprendre la mesure du chemin par-couru. Mais comme l’a admis Avra-ham Burg, le sionisme « n’est plus

    le rêve d’origine, qui était de créerl’Etat d’Israël ». « De la même façonque le sionisme des cinquante der-nières années nous a permis de nepas redevenir l’élément persécuté del’histoire humaine, de même le sio-nisme et la morale juive du prochainsiècle nous empêcheront de devenirdes persécuteurs », a-t-il déclaré ense référant à la coexistence avec lesPalestiniens. « Il faut plus de centmois de paix pour surmonter centans de guerre. La patience apporterala paix au Proche-Orient », a-t-ilajouté.

    Cette commémoration est aussil’occasion de dresser un bilan et des’interroger sur l’avenir. Pendanttrois jours, une trentaine de cher-cheurs animeront toute une sériede débats consacrés au sionisme, àses rapports avec le judaïsme et lesautres religions, ainsi qu’aux ques-tions de l’antisémitisme et de l’an-

    tisionisme après la Shoah. Enmarge des cérémonies officielles,plusieurs débats contradictoiresont été organisés entre Israéliens etPalestiniens, et à la mi-août, unecontre-manifestation s’est tenue àBâle sur le thème « Cent ans desionisme, libération ou oppres-sion ? » A la veille du centenaire ducongrès sioniste, une réunion dejeunes Suisses et Israéliens, qui aégalement eu lieu dans la cité rhé-nane, a demandé au gouvernementhelvétique de présenter des ex-cuses au peuple juif pour les er-reurs du passé. Evoquant les man-quements de la politique de laSuisse durant la seconde guerremondiale, le président du gouver-nement de Bâle-Ville, Ueli Vischer,a reconnu que le renvoi de réfugiésconstituait « une honte que nousdevons assumer ».

    Alors que le contexte était plus

    favorable il y a trois ou quatre ans,la célébration de ce centenaire seressent du tour pris par la polé-mique sur les fonds en déshérence,et sur les relations controverséesde la Suisse avec l’Allemagne nazie.

    MESURES DE SÉCURITÉElle a sans doute aussi pâti du

    blocage du processus de paix auProche-Orient. Le président EzerWeizman ayant renoncé à faire ledéplacement pour des raisons decalendrier, Israël sera représenté àla cérémonie officielle du 31 aoûtpar le président de la Knesset, DanTichon. Le gouvernement helvé-tique s’est abrité derrière le proto-cole pour ne pas assister aucongrès et se faire représenter parla présidente du Parlement suisse,Judith Stamm.

    Devant les critiques que lui avaitvalues cette attitude timorée, leConseil fédéral a finalement décidéde dépêcher le ministre socialistede l’intérieur, Ruth Dreifuss, à unrepas offert par le gouvernementbâlois aux délégués israéliens. Unecertaine indifférence est égalementperceptible dans la population deBâle, qui peut parfois laisser trans-paraître quelque irritation devantle coût des mesures exception-nelles de sécurité prises pour la cir-constance. Les contrôles ont étérenforcés aux frontières et sur leRhin, le survol de la ville est inter-dit aux avions privés, et environsept cents militaires sont venusprêter main forte à la police. LaSuisse a un « intérêt éminent » audéroulement paisible de la commé-moration, a tenu à préciser unporte-parole gouvernemental àBerne.

    Jean-Claude Buhrer

    L’enthousiasme inlassable de Theodor HerzlÀ PROPREMENT PARLER,

    Theodor Herzl n’est pas le fonda-teur du sionisme, puisque l’idée duretour des juifs dans leur patrie an-cestrale accompagne la vie reli-gieuse d’un peuple privé d’exis-tence politique depuis la chute deJérusalem, en 70 après J.-C. Quantau versant politique du sionisme,on en trouve déjà l’expression sé-cularisée dans une brochure rédi-gée en 1882 par un médecind’Odessa, Leo Pinsker, L’Auto-émancipation, bien avant que Herzln’épouse cette cause. Dès le débutdes années 1880, en réaction auxpogroms qui ont suivi l’assassinatdu tsar Alexandre II, les premiersfilets d’émigration ont commencé àpousser en direction de la Palestineottomane ces premiers des sio-nistes modernes que furent les« Amants de Sion » (Hovevei Tsion).

    Theodor Herzl, ce bourgeois juifdont la vie fut si brève – né à Buda-pest en 1860, il meurt en 1904 –, au-ra en revanche réinventé le sio-nisme. D’un mouvement marginal,il saura faire une question de poli-tique internationale. Personnagebrillant de juif assimilé, ami deSchnitzler, admiré par le jeuneFreud, Herzl se heurte sans cesse àl’antisémitisme, qui prend en cettefin du XIXe siècle un tour non plusseulement religieux, mais racial. AVienne, dont le maire, Karl Lueger,est élu sur un programme antijuifmalgré l’opposition de l’empereurFrançois-Joseph. A Paris, où les an-tisémites militants groupés autourdu marquis de Morès provoquentsystématiquement en duel les offi-ciers juifs au début de la dernièredécennie du XIXe siècle. A cela,Herzl assiste tandis qu’il est corres-pondant à Paris de la Neue FreiePress, le grand quotidien libéral au-trichien. De même est-il témoin desprodromes de l’affaire Dreyfus.L’événement aura sur lui une in-fluence considérable, sinon déci-sive.

    DEUX RUPTURESC’est cette perception du danger

    qui donne toute sa force à l’entre-prise de Herzl. Elle lui confère unenthousiasme extraordinaire, fié-vreux parfois, pour faire aboutirl’idée d’Etat juif, à laquelle il dé-voue son existence et sa fortune àpartir de 1895. Une existence qui aété jusqu’alors celle d’un auteurdramatique à la carrière difficile,d’un journaliste puis directeur litté-raire admiré. Mais cette positiondans l’un des organes de presse lesplus renommés de cette époquecontribue à lui ouvrir certainesportes des hautes sphères poli-tiques.

    Son apport au sionisme va depair avec deux ruptures. Ruptureavec la politique des philanthropes,les Rothschild ou le baron deHirsch, qui financent des coloniesagricoles en Argentine ou en Pales-tine, et qu’il cherche sans succès àgagner à sa cause. Rupture avec lastratégie de l’immigration sur leterrain, matérialisée par les achatsde terre, à laquelle il préfère, nonsans une certaine mégalomanie, lanégociation au plus haut niveau.Inlassablement, Herzl tente deprendre langue avec les grands de

    ce temps : le sultan à Constanti-nople, le kaiser Guillaume II, qui lereçoit à Jérusalem à l’automne1898. Les congrès sionistes qu’il ras-semble presque chaque année àpartir de celui de Bâle, le 29 août1897, sont d’abord autant de« coups » publicitaires destinés àrenforcer la crédibilité du mouve-ment. Ils deviendront ensuite unearène politique, où Herzl verra s’af-fronter, avant de mourir d’épuise-ment, les « territorialistes », qui,derrière l’écrivain Israel Zangwill,sont prêts à accepter un Etat juif ausud de l’actuel Kenya, comme leproposent les Anglais, et les juifs deRussie, attachés à l’antique Israël.

    Il est courant de dire que le sio-

    nisme politique de Theodor Herzlest vide de contenu et de lui oppo-ser le sionisme culturel, moins axésur l’édification d’un Etat, de celuiqui fut l’un de ses rivaux, le Russe« Amant de Sion » Ahad Haam. Etpourtant, ce qui reste du sionisme,cent ans après le congrès de Bâle,c’est bien plutôt cette perceptionpar Herzl d’une urgence humani-taire face à une menace qui, auXXe siècle, prend les traits dumeurtre de masse. En cela, et parsa frénésie même, Herzl reste unmoderne, quelque appréciationque l’on puisse porter sur sonœuvre et sur ses conséquences.

    Nicolas Weill

    Une commission d’enquête sur la stérilisation forcée en SuèdeSTOCKHOLM. Le gouvernement social-démocrate suédois a décidéde créer une commission d’enquête sur la stérilisation forcée de quel-que 60 000 Suédois entre 1935 et 1975 (Le Monde du 27 août). « Nousallons rassembler nos connaissances sur les circonstances juridiques, mé-dico-sociales et historiques des stérilisations », a déclaré, lundi 25 août,le ministre des affaires sociales, Margot Wallström. Le rôle du gouver-nement, du Parlement et des scientifiques dans cette affaire sera pas-sé en revue par la commission d’experts, qui sera nommée « d’icipeu ». Elle sera chargée également de faire des propositions sur l’in-demnisation des victimes, à qui des excuses devraient être présentées.Par ailleurs, quelque 2 000 Norvégiens et 1 400 Finlandais ont subi untraitement identique par le passé, selon les autorités de ces pays. –(Corresp.)

    La justice genevoise condamnela diffusion de thèses négationnistesGENÈVE. Sur plainte de la section suisse de la Ligue internationalecontre le racisme et l’antisémitisme (Licra), le procureur général ducanton de Genève, Bernard Bertossa, a condamné deux libraires de laville à respectivement 3 500 et 5 000 francs suisses d’amende (14 000et 20 000 francs français) pour avoir mis en vente un ouvrage de Ro-ger Garaudy soutenant implicitement « des thèses révisionnistes et né-gationnistes relatives à la politique du IIIe Reich à l’égard des juifs ».Dans les considérants de son jugement, rendu le 14 août, le procureurindique que « les thèses véhiculées par le pamphlet de Roger Garaudysont très directement visées par les normes réprimant la discriminationraciale » au sens d’un nouvel article du code pénal helvétique qui pu-nit « celui qui publiquement niera, minimisera grossièrement ou cher-chera à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité ». –(Corresp.)

    Des hélicoptères du présidentLissouba bombardent BrazzavilleBRAZZAVILLE. Des hélicoptères du président Pascal Lissouba ont at-taqué en plein Brazzaville, mardi 26 août, les forces de l’ancien pré-sident Denis Sassou Nguesso, marquant une nouvelle escalade dansle sanglant conflit congolais. Les quatre hélicoptères, des MI-18 etMI-24 de fabrication russe, ont bombardé tôt le matin les positionsdes miliciens « Cobras » à M’Pila, dans le secteur est de la capitale, se-lon des témoins. Ils ont pilonné le port fluvial Mfima et les environsde la tour Nabemba appartenant à la compagnie pétrolière Elf-Congo. Aucune indication n’a été obtenue sur les dégâts. C’est la pre-mière fois que ces hélicoptères, basés à Pointe-Noire, capitale pétro-lière du pays, sont utilisés dans des combats. Cette recrudescence dela violence survient alors que les pourparlers de paix, menés par leprésident gabonais Omar Bongo, qui devaient reprendre mardi à Li-breville, sont restés suspendus en l’absence de la délégation du pré-sident Lissouba. – (AFP.)

    EUROPEa RUSSIE/TURQUIE : le ministre russe des affaires étrangères, Ev-gueni Primakov, rencontrera les principaux dirigeants turcs à Ankaraen octobre, a indiqué, mardi 26 août, un diplomate russe à Ankara. Ils’agira de la première visite officielle en Turquie d’un chef de la diplo-matie russe depuis la fin de l’Union soviétique. La date exacte de la vi-site devrait être fixée dans les prochaines semaines. – (AFP.)a POLOGNE : le Parti paysan polonais (PSL) a renoncé, mardi26 août, à voter la motion de censure qu’il avait déposée contre lepremier ministre Wlodzimierz Cimoszewicz, après avoir obtenu uncompromis sur la politique agricole du gouvernement. Ce compromisdevrait permettre de maintenir la coalition au pouvoir, formée du PSLet de l’Alliance de la gauche démocratique (SLD, ex-communiste),jusqu’aux élections législatives du 21 septembre. Les députés du Partipaysan s’abstiendront lors du vote de la motion de censure, qui doitavoir lieu mercredi ou jeudi. – (Reuter.)a ÉTATS-UNIS : quelque 150 bombes nucléaires américaines sub-sistent en Europe, au lieu des 6 000 armes tactiques recensées en1985, selon le bulletin des scientifiques atomiques relevant du conseilaméricain des ressources naturelles de la défense. Ces bombes aéro-portées B-61 sont en Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Turquie,Belgique, Pays-Bas et en Grèce. – (AFP.)

    MAGHREBa ALGÉRIE : le gouvernement est déterminé à lutter contre le« terrorisme », a réaffirmé, mardi 26 août, son porte-parole, HabibChawki Hamraoui, qui a appelé la population à « davantage de vigi-lance ». Rapportée par l’agence officielle de presse APS, cette déclara-tion intervenait après l’annonce du massacre d’une soixantaine depersonnes, perpétré quelques heures auparavant dans un hameau demontagne, à Beni Ali, à proximité de Blida. – (AFP.)

    AMÉRIQUESa ARGENTINE : le président Carlos Menem a donné, mardi 26 août,le coup d’envoi officiel de la privatisation de la poste argentine, trans-formée en une concession de trente ans accordée à un consortiumbaptisé Correo Argentino, nouvel emblème de sa politique néolibé-rale. A compter du 1er septembre, la poste sera désormais entre lesmains du tandem constitué par les firmes Sideco et Itron, du groupedirigé par le magnat Francisco Macri, et du Banco de Galicia, qui ontacquis 86 % des parts. Les 14 % restants sont entre les mains des20 000 employés. Cette privatisation doit rapporter 102 millions dedollars par an à l’Etat durant vingt ans. – (AFP.)a COLOMBIE : la guérilla de l’ELN (Armée de libération nat