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objets ” - savoie.fr · sociétés, au plus près des regards et des paroles, du vécu des communautés et des pré-occupations identitaires des pays. Vaste chantier expérimental

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L’exercice de l’inventaire s’applique à l’ensemble des biens culturels, patrimo-niaux, considérés du point de vue de l’histoire et de l’histoire de l’art 1.Au pre-

mier rang de l’héritage figurent, les grandes œuvres du passé : les monuments histo-riques, l’architecture savante et les vestiges archéologiques, notamment, comme élé-ments d’un patrimoine consensuel et fortement institutionnalisé, mais aussi les vestigesde l’architecture industrielle et le bâti rural traditionnel, les paysages, les savoir-faireagricoles et artisanaux, les productions du terroir, la gastronomie locale… une multi-plicité d’œuvres et d’objets, certes plus modestes, mais porteurs d’identité, de cohésionet de communication sociale.La notion de patrimoine, longtemps réservée à quelques œuvres majeures, fonda-mentales et inaliénables, recouvre aujourd’hui une réalité changeante, un peu vague,sinon envahissante, dont la définition ne cesse d’évoluer au rythme des fractures et desreconstructions sociales, débordant le champ culturel et les limites de nos anciens hori-zons d’entente.Le consensus patrimonial, c’est-à-dire la reconnaissance du bien commun et de l’intérêtpublic, ne se satisfait plus de la seule approche culturelle et descriptive des monumentsdu passé ; elle s’attache à la réalité des territoires et des hommes dans un perpétuel mou-vement de ré-appropriation collective du passé pour une historicité du présent.Dans son entreprise de diagnostic et d’inventaire des territoires patrimoniaux de laSavoie, la Conservation départementale du patrimoine prend acte de cette complexitédu territoire, lieu investi, habité, espace de rencontre et d’altérité.Il lui faut se saisir bien sûr des “ objets ” (les monuments, les sites, les paysages, lessavoir-faire, etc.), mais aussi se projeter dans tout ce qui construit le quotidien de nossociétés, au plus près des regards et des paroles, du vécu des communautés et des pré-occupations identitaires des pays.Vaste chantier expérimental ouvert cette année 2001, en partenariat avec la RégionRhône-Alpes, par une petite équipe de chercheurs sur le territoire du projet “ Grandlac ” : les soixante et une communes du bassin versant du lac du Bourget 2.Les premières restitutions publiques de cet inventaire seront proposées dès 2002, sousforme de publications, d’expositions, d’outils d’information et de sensibilisation sus-ceptibles de préserver le lien au patrimoine et le lien entre les hommes dans les poli-tiques de développement et d’animation du territoire.

Claude GIROUD

Vice-Président du Conseil généraldélégué à la Culture

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É D I T O R I A L ÉDITORIAL

Pour un réseau des territoirespatrimoniaux de la Savoie

La rubriquedes Patrimoines

de SavoieNuméro huit

Conseil Généralde la SavoieConservation

départementale du Patrimoine

Hôtel du départementBP 1802

73018 Chambéry cédexTéléphone

(00-33-4) 04 79 60 49 36Télécopie

(00-33-4) 04 79 60 49 01E-mail

[email protected]

Directeur de la PublicationJean-Pierre COUREN

Rédacteur en chefPhilippe RAFFAELLI

SecrétariatCaroline LANFANT

Crédit photographiqueArchives départementales

(pages 3 et 4)Pierre Pezet

(pages 5 à 7)Denis RigaultDenis Vidalie(pages 8 et 9)

SDAP

(pages 10 et 11)Chantal Somm

& Cédrik Valet (CDP)Archives Départementales

(pages 12 à 14)CAUE de la Savoie

(page 15)Philippe Raffaelli (CDP)

(page 16)Jean-François Laurenceau

(CDP)(page 17)

Jean-François Laurenceau(CDP)

Photothèque du Musée Savoisien

(pages 18 et 19)Olivier Pasquet

(page 21)Christian Mermet (ADRAS)Jean-François Laurenceau

(CDP)(page 22)

Conception graphique et réalisation

Editions COMP’ACT

Dépôt légal4ème trimestre 2001

Tirage 1800 exemplairesISSN 1288-1635

CONSERVATIONDÉPARTEMENTALE

DU PATRIMOINE

Conservation départementaledu Patrimoine de la SavoieDirectionJean-Pierre COUREN

conservateur en chef du patrimoine

Françoise BALLET, conservateur du patrimoinePhilippe RAFFAELLI, conservateur du patrimoineJean-François LAURENCEAU,assistant qualifié de conservationVinciane NEEL,assistante de conservationFrançoise CANIZAR, rédacteurNicole DUPUIS, adjointe administrativeCaroline LANFANT, secrétaireHervé FOICHAT, chargé de l’informatisationdes collections départementales et desnouvelles technologies

ont collaboré à ce numéro ■ Françoise BALLET ■ Stéphane BONOMI, CAUE de laSavoie (04 79 96 74 16) ■ Christian CAZANAVE, Filature Arpin, La Fabrique,73700 Séez-Saint-Bernard (04 79 07 28 79) ■ Corine CHORIER, attachée deconservation au Conservatoire d’Art et d’Histoire de Haute-Savoie, collectionsdépartementales (04 50 51 02 99) ■ Michel COLLADO, ASADAC territoires (04 7968 53 00) ■ Chantal FERNEX DE MONGEX, Conservateur du Patrimoine auxMusées de Chambéry (04 79 33 44 48) ■ Philippe GANION, Architecte desBâtiments de France, SDAP (04 79 71 74 99) ■ Elisa JAFFRENNOU, chargée demission, commune du Villard-du-Planay (04 79 22 19 65) ■ Jean LUQUET,directeur des Archives départementales de la Savoie (04 79 70 87 70) ■

Vinciane NE E L ■ Olivier PA S Q U E T, Archi tecte Géographe, TV.TV, BP 2,73720 Queige (04 79 38 01 24)■ Phil ippe RA F FA E L L I ■ D. SA N TA L L I E R ,Pé t rographe, U F R S c i e n c e s d e l a T e r r e , U n i v e r s i t é d e L y o n ■

C h a n t a l S O M M & Cédrik VA L E T, Ethnologues, chargés de mission à laCD P ■ Eric TH I R A U LT, Archéologue préhistor ien.

Corps de ferme, pré-verger,vigne et bois, Chindrieux,

Chautagne.Cliché Chantal Somm, CDP

1. Le service régional de l’Inventaire recense, étudie et fait connaître le patrimoine artistique de la France en région Rhône-Alpes.Dans le département de la Savoie, il a réalisé en 1989-1990 l’inventaire du canton de Beaufort dont la publication a reçu leconcours de la Région Rhône-Alpes et du Conseil général de la Savoie : Images du patrimoine, 1994, “ Beaufortain, pays deSavoie ” par T. MONNET et M. PABOIS, Lyon. Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France - ADIRARhône-Alpes, 80 p., 1991. 2. Un inventaire du canton de La Motte-Servolex a été réalisé il y a quelques années à l’initiative de l’association Connaissancedu canton de La Motte-Servolex et des Amis du Prieuré du Bourget-du-lac, en liaison avec le service de l’Inventaire de la DRACRhône-Alpes (publié en 1996 avec le concours du Conseil général de la Savoie).

Tous ces thème définissent clairement unattachement profond à un patrimoine.

Ces chiffres corroborent assez bien le constat faitdepuis plusieurs années aux Archives départe-mentales de la Savoie, mais aussi dans les dépar-tements voisins, dans les associations culturelles,historiques et généalogiques : nous connaissonsun mouvement profond et durable d’accroisse-ment de la demande en archives de l’ordre de10 % par an, aussi bien en nombre de documentsconsultés qu’en personnes fréquentant les sallesde lecture des services d’archives. Les publica-tions d’archives de toute nature (récits, souvenirs,cartes postales et photos) n’ont jamais été aussinombreuses et demandées, il suffit de regarderles vitrines de la plupart des bureaux de presseet des librairies.

Les archives du quotidienUn constat tout aussi important doit être fait

sur la nature des documents auxquels s’intéres-se ce public.

En priorité ou second choix, 33 % de per-sonnes voudraient consulter les actes de l’état-civil : la généalogie est désormais une pratiqueculturelle affirmée, mais le nombre de ceux qui,sans en avoir le temps ou la formation, voudraients’y intéresser est impressionnant.

Plus surprenant : en premier ou second choix,26 % des personnes voudraient consulter lesarchives des municipalités. C’est plus que desthèmes comme les archives des hommes poli-tiques, de la Seconde guerre mondiale ou de laguerre d’Algérie, qui pourtant ont manifestementun grand écho dans l’opinion publique.

Nos concitoyens s’intéressent donc de maniè-re privilégiée aux archives de la vie quotidienne,à des documents relativement récents qui témoi-gnent des décisions d’aménagement, urbanismeet construction, état-civil, écoles, autorisationsdiverses, vie et propriétés familiales, avec uneprédilection pour les documents photo, portraitset plans. Cet attachement aux archives du cadrede vie se manifeste aussi dans une assez grandesensibilité, mise en avant dans le sondage, à laprotection de la vie privée et, sur un autre plan,à l’idée que ces documents pourraient être conser-vés loin de l’endroit où ils ont été produits, parexemple aux Archives départementales.

De manière que l’on pourrait juger para-doxale, mais qui est en fait très cohérente, chacunsouhaite avoir accès très facilement à des sourcesd’information larges, par exemple sur l’état-civil,mais refuse l’idée que d’autres pourraient déte-nir ces informations ou ce patrimoine. C’est ainsique l’on voit, avec les meilleures intentions, despersonnes et des associations recueillir et pré-server des éléments importants de patrimoine,trop souvent en contradiction avec la loi sur lesarchives publiques qui en fait une propriété descommunes, puis se comporter concrètement demanière à en restreindre l’accès, par exemple ense gardant bien d’en réaliser l’inventaire et endécourageant les chercheurs « extérieurs » qui enréclament l’accès.

Des services publics inadaptés ?Devant ce constat, le service public des

archives, que ce soit les Archives départemen-tales ou les communes qui détiennent une partimportante du patrimoine, doit se livrer à uneopération-vérité sur la réponse qu’il apporte à lademande de nos concitoyens.

L’organisation des archives en France est héri-tée d’une double tradition, celle des études his-toriques et de la centralisation administrative. Leshistoriens, spécialistes travaillant selon des cri-tères scientifiques de recherche ou amateurs éclai-rés sensibles à ces méthodes de travail, sont sansdoute en France – et en Savoie plus que dansd’autres provinces – plus nombreux et présentsdans la vie de la cité que d’autres secteurs de laculture. Les Archives départementales ont étécréées au chef-lieu de chaque département pourrépondre à cette demande. Elles ont donc été

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Le nouveau public des archives

A R C H I V E S

Archives départementales de la Savoie244 quai de la Rize73000 Chambérytél. 04 79 70 87 70fax 04 79 85 79 25http ://www.sabaudia.org

Un sondage SOFRES paru dans le journal Le Monde du 6 novembrepourrait changer bien des regards sur les archives, dont certainsaffirment un peu vite qu’elles n’intéressent que les historiens ou unefaible minorité de fanatiques de généalogie. Ainsi pour 80 % despersonnes interrogées, le mot archives est associé à la mémoire, pour 29 % c’est une part de mémoire collective et pour 27 % un héritagelaissé par nos ancêtres.

Fondation pour les écolesde la province deMaurienne : Lanslebourg,école de filles, 1771.

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A R C H I V E S conduites à privilégier les sources d’informationissues des institutions - Préfecture, conseil géné-ral, Equipement, Justice - ou des grandes familleset entreprises ayant joué un rôle officiel dans lavie publique.

Les municipalités, longtemps déchargées deresponsabilités réelles par la tutelle de l’Etat, ontdû absorber en deux décennies de lourdescharges nouvelles : il était légitime que le patri-moine ne figure pas au premier plan de leursobjectifs. Cette contrainte est d’autant plus fortequ’une conservation et un inventaire correct dece patrimoine, même en adoptant des normeslégères, suppose des contraintes et des connais-sances techniques importantes : par exempleaménager un local correct pour garder desarchives anciennes à l’abri des vols et de l’humi-dité n’est pas aussi simple et fréquent qu’on pour-rait le croire. Enfin, nous l’avons vu, au plan local,beaucoup d’associations et de concitoyens se sen-tent propriétaires, et donc compétents sur unepart de la mémoire collective.Pour des maisons des archives et du patrimoine

Bien entendu, les Archives départementalesdoivent garder leurs fonctions de conservation etcommunication des archives historiques, ne serait-ce qu’en raison de la fréquentation croissante deleur salle de lecture. Elles resteront un centre deressources et d’expérience qu’il s’agit justementde mettre à disposition de tous les acteurs.

Les communes, en revanche, ne peuvent pastoutes recruter un archiviste, même si de plus enplus y pensent pour répondre à des besoins admi-nistratifs et patrimoniaux. Elles peuvent bienentendu faire appel au Centre de gestion de lafonction publique territoriale, où depuis quatreans une série de missions d’aide et d’expertiseont été menées. Mais ces actions sont ponctuelleset atteignent désormais leurs limites, avec deuxannées de travail d’avance commandées ou surle point de l’être.

On peut envisager de centraliser ce patri-moine en le déposant systématiquement auxArchives départementales : sur le plan strictementmatériel, c’est une solution. C’est cependantcontradictoire avec la demande d’un service deproximité.

Par ailleurs, si les professionnels sont néces-sairement spécialisés par métier - archives, biblio-thèques, monuments, musées - la demande dupublic s’adresse globalement à un patrimoine etune mémoire collective.

Il nous faut donc aujourd’hui aller plus loin.Si on observe les financements, modestes certes,mais tout de même existants, consacrés ces der-nières années aux archives des communes, quece soit par les municipalités elles-mêmes et parle Conseil général au titre des Archives départe-mentales, on peut sans peine démontrer qu’ilsauraient permis de mettre à disposition de chaquegrande structure intercommunale existante ou engestation – par exemple en Maurienne ou Taren-taise-Val d’Arly, un archiviste professionnel. LesArchives départementales pourraient facilementmettre à sa disposition cédéroms et moyens dedocumentation, voire, pourquoi pas certainsfonds d’archives jusqu’ici hébergés à Chambéry,pour en faire un centre de ressources ouvert surles demandes des municipalités, des associationsculturelles et historiques et du public.

Il manque encore l’étincelle ou le levain quipermettrait à la demande du public et auxmoyens existants de se rejoindre dans un lieu etselon une méthode à inventer.

La proposition de créer au sein de chaquegrande structure intercommunale ou pays unemaison des archives et du patrimoine, lieu d’ex-périence, de service et d’animation plus qu’in-vestissement lourd, est un élément de réflexiondans cette direction.

Jean LuquetEtat-civil,

registre paroissial duBourget-du-Lac.

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La Filature avec 20 000 mètres de draptissés par an, maintient une activité tradi-

tionnelle grâce à une chaîne de production excep-tionnelle. Utilisant un matériel unique de trans-formation, de production de fils et de finition desdraps de laine, exceptionnel par le nombre et l’an-cienneté des machines, l’outil de production dela Filature ARPIN est classé parmi les Monumentshistoriques depuis le 19 janvier 1999 : 14 de sesmachines ont été portées à l’Inventaire du Patri-moine National en tant qu’objets mobiliers, surproposition de la Conservation départementaledes Antiquités et Objets d’Art.

Le maintien de la spécificité du produit fabri-qué, le drap de laine et le drap de Bonneval, estla seule garantie de la longévité des machines,qui dans un soucis d’adaptation technique ordi-naire auraient disparu depuis plus de 50 ans.

La Filature ARPIN conserve en même temps,les savoir-faire indispensables à leur fonctionne-ment et à leur entretien. L’intervention humainereste fondamentale dans la chaîne de transfor-mation et de production ; elle repose sur la maî-trise et la conduite des machines par les maîtres-lainiers-tisserands, seul trait d’union d’une machi-ne à l’autre. La filature accueille le grand public,avec en moyenne plus de 45 000 visiteurs par an.

Les machinesUne quinzaine d’étapes marquent le passage

du produit brut (laine de tonte des moutons) auproduit fini (les draps de laine).

A titre de comparaison, la rationalisation effec-tuée en France pour des produits plus courantsa réduit à un maximum de 5 étapes l’ensemblede ce cycle grâce à la combinaison des machines entre elles, un calibrage précis de la matière pre-mière employée, une production limitée à desqualités standardisées et une distribution du tra-vail totalement réorganisée, au service d’une pro-duction accrue.

Les 16 machines les plus anciennes de la Fila-ture se rapportent essentiellement : en amont, aucycle de préparation et de fabrication des fils ; enaval, aux opérations de finition après tissage. Gar-dant ainsi la trace de tout le réseau de tisseursayant travaillé à domicile, en Haute -Tarentaise,pour la Filature.

Le travail à domicile n’a guère survécu enFrance après de la Première guerre mondiale que dans certaines micro-régions produisant des tissus

spécialisés. L’ourdissoir de la Filature servait à préparer les chaînes qui rejoignaient ensuite les métiers à tisser dispersés dans toute la Tarentai-se. Au retour, les tissus façonnés entraient dansles foulons ou sur la machine à chardons qui lesconditionnait selon les qualités de densité quali-tés de densité recherchée.

Modifications techniquesMalgré la conservation de ce nombre impres-

sionnant d’anciennes machines sur un même lieude production, à caractère familial et spécialisé,deux modifications techniques fondamentales onteu des répercussions sur l’organisation de la Fila-ture.

La première transformation, avec l’arrivée del’électricité, a consisté à équiper chaque machi-ne directement d’un moteur électrique, ce quipermit de supprimer les courroies entraînées parles arbres de transmission mais aussi lescontraintes d’orientation des machines par rap-port à ces arbres.

La deuxième transformation, par besoin d’adé-quation technique aux exigences qualitatives etquantitatives des métiers à lance servant au tis-sage, fut l’introduction de métiers à tisser récents

A N T I Q U I T É S

& OBJETS D’ART

depuis 1817, Séez - Saint-Bernard

La Filature Arpin machines et métiers Monuments Historiques

Foulage du drap de Bonneval.

Foulon à engrenage en bois (1875).

La Filature ARPIN, implantée au lieu-dit La Fabrique en 1817, mais dont le premier atelier fut créé en 1771 à Montvalezan, est la dernièrefilature française en activité, regroupant en un même lieu, toutes lesmachines et métiers permettant de transformer la laine de tonte, prélevéesur le dos des moutons, jusqu’au produit fini.

en remplacement des anciennes machines defilage, des renvideurs à chariots. Elle est due éga-lement à la disparition progressive en Tarentaisedes tisseurs à domicile.

Qualités historiques et techniques des machines classées

La rareté des machines de la Filature, de sur-croît en parfait état de fonctionnement, était uncritère de classement indubitable. Dans la plupartdes régions lainières, lorsque des machines sub-sistent, un seul des deux cycles, filature ou tissa-ge est généralement conservé. Il ne reste souventque des machines emblématiques, un métier àtisser par exemple. Certaines machines de la Fila-ture, proviennent des Ardennes, du Nord, de Bel-gique, elles représentent un intérêt historique ettechnique et témoignent de la production d’an-ciens grands constructeurs de machines textilesaujourd’hui totalement disparus.

La qualité et la transparence technique desmachines elles-mêmes permettent de suivrevisuellement la transformation de la laine, étapepar étape, avec une grande variété de dispositifsmécaniques. Le bon état de conservation du parcdes machines d’excellente conception – estiméen 1994 à 9 M.F. par le cabinet Roux et Herr –mais aussi la capacité de refaire artisanalementcertaines pièces, ont permis à la Filature de main-tenir son activité.

Enfin, la volonté permanente de poursuivreun travail haut de gamme basé sur la laine pro-duite en pays de Savoie et non achetée sur lemarché international, ainsi que le savoir-faire deses maîtres-lainiers-tisserands, permettent à la Fila-ture d’être toujours productive et présente sur unmarché difficile en exploitant niches et marchéhaut de gamme.

Savoir faire traditionnel et intégréLa Filature Arpin produit 20 000 mètres de

draps par an en utilisant 15 tonnes de laine. C’està la fois dérisoire et considérable :

Dérisoire quand on sait que cela ne correspondqu’à deux ou trois jours de production d’une unitétextile moderne, standardisée et informatisée.

Considérable lorsque, en visitant la Filature,on mesure la quantité de patience, de passion, desavoir-faire, nécessaires pour transformer la laine,

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Faits historiques marquants de laFilature ARPIN

1771. Création du pre-mier atelier Arpin àMontvalezan.1817. Implantation aulieu-dit La Fabrique àSéez.1828. La Filature dressedes tentes en drap deBonneval pour accueilliret abriter au col du Petit-Saint-Bernard Victor-Emmanuel de Savoie,futur roi de Sardaigne,puis d’Italie qui s’arrêterapar la suite à la Filaturepour féliciter M. Arpin etson personnel.1830. La Filature met aupoint le célèbre knickeret équipe tous lesmembres de laCompagnie des Guidesde Chamonix.Aujourd’hui, tous lesguides de toutes les com-pagnies ont toujours unknicker Arpin.1890. Les expéditionsitaliennes pourl’Himalaya font réalisertous leurs vêtements à laFilature.1910. La Filature produitson électricité pour sesbesoins, mais aussi pourles villages de Séez et deBourg-Saint-Maurice.1949. Pour habiller seséquipes dans le cadre deses expéditions polaires,Paul-Emile Victor faitappel à la Filature et faitréaliser les vêtements endrap de Bonneval.1992. A l’occasion desJeux Olympiques d’hiverd’Albertville, la Filaturefournit des gilets en drapde Bonneval pour lesprincipaux responsablesdu CIO, ainsi que desplaids destinés aux

cadeaux de certains invi-tés et personnalités.1996. Présentation auSISEL (salon profession-nel) du drap deBonneval ; la Filaturecôtoie Dupont deNemours, Goretex ettoutes les grandesmarques.1997. Attribution du 1er

prix Made in Savoie, parla Jeune ChambreEconomique deChambéry, du trophéeProduit Savoyard récom-pensant la Filature pourson savoir-faire et sesproduits.Le Président de laRépublique, M. JacquesCHIRAC, qui s’est vu offrirune couverture Arpin parMichel BARNIER, commissaire européen,adresse à ce derniertoutes ses félicitationspour la qualité des pro-duits de la Filature Arpin.1998. La Filature crée sacollection de vêtementsde montagne, en drap deBonneval, des vêtementsclassiques et intempo-rels, vendus à la bou-tique de la Filature et dis-tribués auprès d’unesélection de revendeurshaut de gamme dans lesstations de Megève,Chamonix, Val d’Isère,Courchevel et Méribel.1999. La quasi totalité duparc de machines de laFilature est classée autitre des Monuments his-toriques : quatorze desmachines sont enregis-trés à l’Inventaire duPatrimoine national. LaFilature ARPIN est aujour-d’hui la seule Filature enFrance, toujours en acti-vité, à utiliser un matérielde production de fils etde finition des tissus,

exceptionnel par lenombre et l’anciennetédes machines.2000. Dans le cadre dutourisme industriel, tech-nique, scientifique, laFilature reçoit deMadame la Secrétaired’Etat au Tourisme,Michelle DEMESSINE, le 1er

prix national des Bravosde l’accueil. Ce prixrécompense la Filature etson équipe pour lesefforts accomplis dans lecadre de la valorisationtouristique et patrimonia-le de l’accueil. La Filature crée sa collec-tion de drap deBonneval pour l’ameu-blement avec laquelleelle réalise la décorationintérieure d’hôtels et derestaurants prestigieux,mais aussi la décorationintérieure d’apparte-ments ou de chalets pourdes particuliers.

Tondeuse pour le rasage du drap, E. Schneider & Legrand, Sedan, Ardennes (1887).

Ourdissoir pour la préparation des chaînes, Ets J.-P. Hugand SA, Charlieu, Loire (1890).

produire les fils et tisser chaque mètre de drap.Le défi de la Filature a toujours consisté à pro-mouvoir une activité traditionnelle, englobant l’in-tégralité du cycle de fabrication : du choix de lalaine à la finition des draps. Enfin, l’approchetechnicienne est complétée par le savoir-faire del’équipe.Origine et qualité de la laine d’alpage utilisée

Il est important d’apprécier l’origine et la qua-lité de la laine traitée dans l’ensemble des cyclesde transformation et de production. Pour fabri-quer un produit toujours identique depuis plusde 175 ans, il est indispensable d’employer lamême matière première : la laine des moutonsd’alpage.

La laine naturelle constitue la base essentielleet unique du produit fini. Les qualités de feutrage,le toucher, la résistance, le mélange de laine natu-relle blanche ou marron…, tout ce qui contribue àidentifier une qualité de laine est lié bien entenduà la race des moutons, mais aussi et surtout à leuralimentation, leurs conditions d’élevage.

Pour des raisons de qualité, Jacques ARPIN nesélectionne que la laine des alpages savoyards.Cette sélection est vitale pour la filature, car lesmoutons ne mangent que de l’herbe grasse, neconnaissent pas les aliments sous forme de cro-quettes. La qualité de la nourriture se répercutenaturellement sur celle des fibres de laine.

Le marché international, qui peut différencierjusqu’à 50 qualités de laine sur un même mouton(dos, ventre, cou...), propose de la laine à desprix moins élevés que ceux payés par la Filaturepour la laine des moutons de Savoie. Mais, lesseuls approvisionnements réalisés sur ce marchépar le passé se sont avérés peu satisfaisants : lalaine ne présentait pas toutes les qualités requisespour la fabrication des draps et ne répondait pasaux critères de sélection de la Filature.

Christian Cazanave

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Batteur-mélangeur, servant à l’ouverture de la laine (1865).

Dégorgeoir pour la finition de la laine (1817).

Date de création1817 à Séez-Saint-Bernard, le premier ate-lier ARPIN ayant été crééen 1771 à Montvalezan.

ParticularitéLa filature ARPIN estaujourd’hui la dernièrefilature françaisecapable de transformerla laine de tonte desmoutons élevés en alpa-ge. Elle regroupe dansses ateliers toutes lesmachines et matérielsnécessaires à la transfor-mation de la laine detonte, à la productionde fils, au tissage dedraps de laine et à leurfinition. 14 des 16machines du parc de lafilature, en activité,exceptionnelles par leur l’ancienneté,sont classées au titre des MonumentsHistoriques depuis le 19 janvier 1999.

ActivitéTransformation de lalaine, production de fils,tissage de draps de lainehaut de gamme, dont ledrap de Bonneval, utilisé pour l’habille-ment, la maison et ladécoration.

MachinesLes machines permet-tent d’assurer tous lescycles de préparation etde fabrication des fils,toutes les opérations detissage des draps et definition des draps.

Production20 000 mètres de drappar an, représentantenviron 15 tonnes delaine traitée, provenantuniquement de mou-tons vivant dans lesalpages des pays deSavoie.

Effectifs9 salariés, dont 5 maîtres-lainiers-tisserands, 3 couturières-ven-deuses, 1 responsable.

SpécificitéNi musée, ni usine, nimagasin d’usine, laFilature ARPIN reste unatelier d’artisans passionnés par leurmétier, amoureux deleurs machines, fiers deleur fabrication.

AteliersVisite payante toutes les30/45 minutes, du lundi matin au vendredimidi, de 9 h à 11 h 15(dernière visite)et de 13 h 45 à 17 h 15(dernière visite).le samedi, aux mêmeshoraires, mais, par sécurité, les machines ne fonctionnent pas.

Tarifs individuelsAdulte : 25 FEnfant (6 à 13 ans) : 13 F Groupe à partir de 20 personnes. Prise de rendez-vousobligatoireAdulte : 20 F

Enfant : 10 FGratuité pour accompagnateur, chauffeur de car.

BoutiqueEntrée libreboutique traditionnellede vente pour le grandpublic et les professionnelsouverte du lundi ausamedi, de 9 h à 12 h,et de 14 h à 19 h.Laine au détail (laine enbourre, laine à tricoter).Draps 100 % pure lainevierge au mètre.Draps de laine grattés(pour couvertures etvêtements).Draps de laine non grattés pour la décora-tion (rideaux, tentures).Draps de Bonneval(coussins, housses pourcanapés, divans, etc).Couvertures galonnéesou surfilées, plaids,couvre-lits, coussinsVêtements de montagneet de loisirs, pulls,écharpes, chaussettes.Bagageries en drap deBonneval.

Internetwww.madeinsavoie.comprésentation de laFilature et des produits,agenda, reportages, boutique, vente en ligneet infos pratiques.

Fiche signalétique de l’entreprise

A N T I Q U I T É S

& OBJETS D’ART

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L’histoire des collectionsCette politique commence en 1977 avec l’ac-

quisition de la magnifique collection de livresd’estampes, d’affiches et de manuscrits sur la

montagne rassemblée par Paul Payot.Après avoir pris possession de cet

ensemble, le Conseil Général qui comp-tait parmi ses membres le docteur Jacques

MIGUET, passionné d’art et de littérature, com-mença d’acquérir assez systématiquement des

tableaux, parfois des ensembles d’œuvres d’ar-tistes qui lui paraissaient dignes de laisser

une trace dans le département, ou deprendre place dans l’ancien Séminairedevenu le Conservatoire d’Art et d’Histoi-

re de Haute-Savoie.Dès lors, la collection départementale,

repérée comme un fonds patrimonial attiraitdonateurs et artistes locaux. C’est ainsi que lestableaux de l’École Lyonnaise (Fusaro, JacquesTruphémus), la série de peintures de montagne

de Suzanne Lansé 1, la donation de sculpturesd’Evariste Jonchère, un ensemble d’eaux-fortesd’Enrico Vegetti 2, venaient s’ajouter aux collec-tions initiales. C’est ainsi que le Conseil Généralcomplétait par des acquisitions le fonds d’es-tampes ou celui des affiches anciennes sur lamontagne, triplant le volume initialement consti-tué par Paul Payot (actuellement 450 affiches).

Ces quelques faits historiques, s’ils sont évi-dents pour les acteurs culturels de la procherégion, y compris chez nos voisins italiens etsuisses, méritaient d’être rappelés, car ils sontmoins connus des nouvelles générations.

Les collections

La collection PayotLa collection Payot n’est plus à présenter. De

1988 à 1998, elle a fait l’objet d’expositions et decatalogues édités par le Conservatoire d’Art etd’Histoire, généralement sous la direction scien-tifique des Archives départementales : un cata-logue général, une monographie d’artiste, et plu-sieurs catalogues thématiques 3 centrés sur desaspects historiques, socioéconomiques, ou eth-nographiques du territoire et sur les particulari-tés de la civilisation alpine.

C’est en effet le cœur de la collection accu-

mulée par Paul Payot, passionné par la montagne

et plus particulièrement par le massif du Mont-

Blanc et la vallée de Chamonix. Mais ce grand

collectionneur avait aussi la passion de l’érudi-

tion. D’où la présence dans les réserves du

Conseil Général, de collections entières comme

la biographie de Michaud, ou de la revue L’illus-

tration, et de quelques ouvrages rares, comme

cette édition en français, de la Cosmographie uni-

verselle de Sebastian Münster illustrée au burin 4,

et dont l’un des intérêts est de proposer l’une des

premières représentations de montagne, dans une

tentative à la fois scientifique, topographique et

philosophique.

Le Conservatoire d’Art et d’Histoire de Haute-Savoie

Collections d’art du Conseil Général

A l’origine de la constitution des collections d’art du Conseil Général deHaute-Savoie il y a non pas, comme souvent en France, la récupération dessaisies révolutionnaires (et pour cause…), ou la cession d’un cabinet decuriosités d’un collectionneur passionné du XIX e siècle, mais la volonté duDépartement de constituer un fonds patrimonial témoignant des particu-larités sociales, historiques et culturelles du territoire de la Haute-Savoie.

En haut, Evariste Jonchère,

Danseuse royale cambod-gienne, statut en bronze,

acquisition du ConseilGénéral.

En bas, John Hopner(attribué à), Jeune femme

à la couronne de fleur,HST, coll. Chastel.

M U S É E S

C O L L E C T I O N S

Conservatoire d’Art et d’Histoire

de Haute-SavoieCollections

départementales18 avenue de Trésum

74000 Annecytél. 04 50 51 02 33fax 04 50 51 22 43

9

À côté d’ ouvrages classiquement appréciésdes bibliophiles, comme par exemple le poèmesur les Alpes d’Albrecht von Haller 5, Paul Payots’intéressait également aux manuscrits, commece Livre de Raison transcrit et édité en mars 2001sous le titre Les Carnets de Cachat le Géant.

À l’affût des pièces rares, témoignant de l’his-toire des Alpes, Paul Payot avait acheté un burindessiné et édité par Pierre Martel en 1744 pourillustrer la première expédition depuis Genèveaux « glacières », organisée en 1741 par les AnglaisWindham et Pocoke. Cette expédition est connuepar des copies manuscrites de lettres françaises,qui sont également dans la collection.

Autre pièce historique : une estampe aqua-rellée sur le voyage de M. de Saussure, gravéepar Méchel : un premier état assez rare, présen-tant M. de Saussure en difficulté sur le sommetdu Mont-Blanc). 6

Intéressant l’historien, le topographe, le voya-geur, le naturaliste, la collection Payot appelleaussi le regard de l’historien d’art. Les techniquesde gravure et de « coloriage » utilisées entre 1740et 1870, sont représentées dans toute leur diver-sité, dans les feuilles libres comme dans lesalbums illustrés : aquatintes, gravures aquarel-lées, gouaches miniatures (comme celles deDubois).

L’album de Samuel Birmann 7 par exemple,contient aussi bien des vues d’intérêt ethnogra-phique ou sociologique (un four savoyard, lesBains de Saint-Gervais) que des paysages auxcadrages divers, teintant d’un certain naturalismedes compositions encore très classiques.

Avec l’évolution des techniques, on observeaussi le changement de la représentation de lamontagne. Dans les dernières années du XVII e

siècle apparaît une peinture de paysage de mon-tagne, devenue un art à part entière, avec un lan-gage neuf, dégagé des visions exclusivementtopographiques ou fantaisistes des premièresreprésentations. C’est ce qu’illustre l’une des pein-tures de Pierre Louis de La Rive achetées par PaulPayot :Vue du Mont-Blanc près des environs deSallanches au coucher du Soleil (1803). 8

La collection Chastel, acquise auprès desdescendants du Baron Chastel en 1979, est leseul ensemble de peintures anciennes que leConseil Général possède. Représentative des col-lections d’amateurs du XIX e siècle, elle se com-pose de peintures des trois écoles traditionnelles– française, italienne, flamande et hollandaise –parmi lesquelles quelques copies. L’un de cesexemples est une très belle copie néoclassiquedu tableau Joseph et Putiphar, d’après Adrien vander Werf.

Le Conseil Général a entrepris la restaurationde certaines œuvres, les plus belles et les plusmenacées, comme une remarquable paire de por-traits flamands, et un tableau attribué à Jan vanBrueghel.

La collection JonchèreUn ensemble de sculptures du sculpteur Eva-

riste Jonchère (1892-1956), grand Prix de Romeen 1925, a été offert en donation en 1982 parLucienne Jonchère, son épouse, originaire deHaute-Savoie. Composée de dix bronzes, deux

marbres, quelques céramiques et une soixantai-ne de plâtres, cette collection témoigne de l’acti-vité d’un artiste fortement impliqué dans les rela-tions avec les colonies françaises de l’époque, enAfrique comme en Asie. Le Conservatoire possè-de aussi le plâtre de quelques pièces maîtressescomme Pasiphæ et le Taureau. Evariste Jonchè-re fonda au Tonkin, à Hanoï, une école d’art dontcertains artistes contemporains revendiquentencore l’héritage aujourd’hui. Les statuettes enbronze de l’époque indochinoise sont sansconteste les plus belles pièces.

Les perspectives d’avenirDepuis 1999, le Conseil Général de Haute-

Savoie, tout en complétant les collections dans lacontinuité de ce qu’il possède déjà (par exempleen étendant les représentations iconographiquesde la montagne à l’ensemble des paysages dudépartement 9), a orienté sa politique d’acquisi-tions dans deux directions : d’abord vers la sau-vegarde et la protection des œuvres d’ artistesvivant dans la région qui ont marqué le départe-ment par leur activité créatrice.

C’est le sens de l’achat d’un groupe sculpltéau sculpteur André Poirson, La Cène; et c’est celuide la signature d’une convention de donationavec l’artiste peintre Yves Mairot, qui vient defaire don au Conseil Général d’une cinquantainede toiles, de dessins, de collages et d’un ensembledocumentaire, en tout 120 pièces largementreprésentatives de l’ensemble de son œuvre.

L’autre direction concerne le patrimoine eth-nographique : c’est le sens des démarches entre-prises avec plusieurs détenteurs de collectionsethnographiques, notamment avec le MuséePaysan de Fessy, dans le Chablais, créé et animépar l’artiste collectionneur Bernard Lacroix.

Corinne Chorier

1. 1989, donation SuzanneLansé (15 peintures).2. 1981, acquisition de 55 eaux-fortes d’Enrico Vegetti.3. Quelques titres :Découverte et Sentiment de la Montagne, 1986 – Jean Antoine Linck,peintre genevois, de paysages, 1990 – Du railau câble, 1994.Bibliographie complètedisponible auConservatoire d’Art etd’Histoire.4. 1568 (première éditionen allemand, Bâle, 1544).5. Écrit en 1729 et réédité plus de dix fois jusqu’en 1828.6. Cette estampe est actuellement présentée enSuisse centrale dans l’exposition Le vent tourne.7. Bâle, 1826.8. L’historique de cetableau, qui a appartenuau comte de Redern àBerlin, nous a été transmispar M. Patrick AndréGueretta qui prépare unemonographie sur l’artiste :Pierre-Louis de La Rive oula Belle nature, Vie etœuvre peint (1753-1817),à paraître en janvier 2002(Genève, éditions Georg).9. Achat d’ aquarelles originales et d’estampes deTerry en 2000.

En haut, Marc-Théodore Bourrit,Vue de la Mer de Glace duMontenvers, de l’Aiguilledu Dru, du Géant et desCharmoz, gouache, coll. Payot.

En bas, Vue de Genève,planche de laCosmographie universelle(détail), éd. 1568, coll. Payot.

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Connaissance et tradition des décors peints en Savoie

Depuis la tendance stylistique des années 50visant à mettre en exergue le matériau brutcomme la pierre – légitime dans l’architecturemoderne mais transposée dans l’ancien –, nousassistons encore à la destruction de nombreuxenduits peints. On explique en partie ce rejet parla complexité des techniques employées et laperte des savoir-faire dans la restauration.

Or, on peut avancer l’hypothèse d’une réelletradition du décor mural en Savoie en raison del’influence artistique italienne, mais également dela nature des constructions réalisées très souventen maçonnerie enduite – dont un des rôles est laprotection contre les intempéries – plutôt qu’en

pierre appareillée. Il suffisait d’une finition sousforme de badigeon pour obtenir une surface colo-rée, d’un léger décor (encadrements, chaînesd’angle, frises), le tout réalisé par le maçon poursouligner l’architecture.

Le véritable décor s’élabore par des artistes etparachève les constructions les plus significativesvisant à introduire une dimension architecturalecomplémentaire ou une note théâtrale commecelle exprimée sur le péristyle du château de Cara-magne à Chambéry (monument historique depuis1963), qui compte une habile scène mythologiquedu début du XIX e siècle, à l’instar de celle légè-rement antérieure (1790) de la grande salle duchâteau des Marches des frères Galliari.

Ce sont essentiellement les périodes baroquepuis néo-classique qui contribuèrent au déve-loppement de la peinture murale ; quelquestémoignages antérieurs subsistent comme unefragile fresque dans le choeur de la basiliqued’Aime et des traces en extérieur situées dans lesarcatures aveugles à l’est.

Si la pierre sculptée confère une certaine tem-poralité à l’édifice, le décor peint au contraire doitêtre protégé contre les intempéries et nécessiteun entretien autre, mais permet en outre une miseau goût du jour des décors ; c’est ainsi qu’unecouche picturale en abrite souvent des plusanciennes.

Origine du décor muralPour Viollet le Duc, dans son dictionnaire de

l’architecture médiévale, il « existait une allian-ce intime entre l’architecture et la peinture » etde poursuivre que « dans la décoration de l’ar-chitecture, il faut convenir, il est vrai, que la pein-ture est la partie la plus difficile peut-être et cellequi demande le plus de calculs et d’expérience ».

À Pompéi, les peintres du premier siècle avantJ.-C. ont simulé non seulement la texture dumarbre, du bois, mais ont introduit des architec-tures peintes qui modifient la structure initiale duvolume de la pièces comme dans la villa des Mys-tères, bien avant la maîtrise des lois sur la pers-pective ; l’objectif n’étant pas de reproduire la réa-lité, mais d’introduire une dimension de l’ordrede l’illusion et d’inventer des paysages imagi-naires.

Techniques et principesLes Romains maîtrisaient parfaitement la tech-

nique adaptée au décor mural à savoir la fresque,qui consiste à appliquer sur un enduit à la chauxfrais et lisse des pigments mouillés à l’eau se révé-lant lors de la prise de l’enduit. Pour de raisonsde facilité de mise en œuvre, on utilise davanta-ge la peinture à la détrempe (dite a tempera) quis’applique sur l’enduit sec avec adjonction de liantcomplémentaire (comme la colle végétale).

Malgré la quasi disparition de ces techniques,la peinture murale perdure, et se développe dansles centres urbains et villageois – comme à Saint

Le décor mural peint et le trompe-l’œil

M O N U M E N T S

É D I F I C E S

Considéré comme une richesseornementale, une mise en scène del’architecture, le décor mural peintfait obligatoirement référence à destechniques particulières qui impliquent une connaissance del’édifice et du subjectile.Car si ce type de décoration estplus connu dans les édifices religieux, il orne depuis l’Antiquitédes villas particulières, et agrémente encore de nombreuxédifices civils en Savoie, voiremême des ensembles urbainscomme le faubourg Montmélian à Chambéry.

Église de Sollières-Endroit,

décor peint à motif floral.

SDAP

Service départementalde l’architecture et du

patrimoine de la Savoie1, rue des Cévennes

73011 Chambéry cedextél. 04 79 71 74 99fax 04 79 71 71 89

11

Martin-de-Belleville – au XIX e et début du XX e

siècle grâce aux peintures à la chaux, aux silicatesplus faciles d’utilisation.

On distingue le trompe l’œil architectural quiprolonge la perception des volumes de l’édificedans la travée de la nef proche du chœur aveuglede la cathédrale de Moutiers où le peintre repro-duit des baies, ou qui marque une nouveautéarchitectonique (comme un décor rapporté aveccolonnes et fronton sur la façade de la chapellede Lachenal à Bozel) et le trompe-l’œil figuratifqui simule un monde imaginaire aux innom-brables possibilités ou au contraire interdit touteévasion car il fige le décor.

Pathologie et restaurationL’action de conservation doit prendre en

compte le monument, son support avec ses com-posantes, ainsi que le milieu environnant. Le sup-port peut être soumis à des actions mécaniqueset chimiques qui sont facteurs d’altération parfoisirréversibles sur les couches picturales. L’inter-vention sur le décor ne se fera qu’après avoir maî-trisé les problèmes inhérents au bâtiment (misehors d’eau, drainage...).

Le protocole de restauration prévoit au caspar cas une instrumentation dont la collecte desmesures permettra d’établir un cahier des chargesjustifiant les choix artistiques, comme le dégage-ment d’une couche picturale plutôt qu’une autre,la mise en cohérence avec l’édifice et son mobi-lier, le respect des coûts et des délais d’exécution.

L’altération des peintures ou le péril sur unédifice les abritant peuvent conduire à des situa-tions extrêmes nécessitant la dépose, illustrée parle cas des peintures murales du début du XIV e

siècle de la maison-forte de Cruet – dont l’agen-cement a été très remanié – qui furent finalementréinstallées au Musée Savoisien.

Restauration des décors peints de l’église de Sollières-Sardières

En 2001, la campagne de restauration desdécors intérieurs achève un ensemble d’inter-ventions sur l’église Saint-Etienne à Sollières-Endroit (reprise des désordres, drainage, réfec-tion d’enduits, chauffage...).

Des sondages ont révélé trois campagnes pic-turales relativement rapprochées, démontrantnotamment un enrichissement du décor.

En 1827, date de la reconstruction de l’égliseaprès l’avalanche de 1817, celle-ci ne possèdequ’un décor simple chaulé en blanc, avec descroix de consécration en bois peint.

Seul le choeur a reçu un décor succinct : sousles évangélistes (visibles actuellement), on retrou-ve un badigeon bleu foncé (fond d’un ciel étoilé ?)et un badigeon rouge et un gris-bleuté sur l’arcdoubleau près du choeur.

Le travail de décoration, conduit vers 1871par Romolla est visible sur l’arc doubleau de latribune ; les bouquets de fleurs étaient inscritsdans des caissons, brossées par la troisième cam-pagne. Les pendentifs ont été repris par la suiteau niveau de l’arc séparant le choeur, tout commele décor en fleurs de lys du transept nord et sud.

En 1925, Machione, semble-t-il a repeint lesmêmes motifs, en les simplifiant. Démonstrationfaite par le ciel étoilé du choeur, les fleurs de lys,

les bouquets de fleurs – remarquables – sur lesvoûtes de la nef, les Quatre Evangélistes, ensignant sur Saint Matthieu.

Les travaux ont été menés par une entrepri-se spécialisée et suivi par un architecte du patri-moine ainsi que par l’architecte des Bâtiments deFrance. Le parti architectural a conduit à privilé-gier le décor le plus récent pour la qualité et laspécificité de ces motifs floraux.

Une expérience à l’initiative des élus et desprofessionnels a permis une présentation du chan-tier au public, avec une démonstration des étapespicturales grâce à l’échafaudage resté en place.

Les sondages préliminaires, la recherche his-torique, le diagnostic ont guidé le parti de res-tauration (harmonisation des teintes, mise envaleur des décors floraux...) permettant de situerl’édifice dans son contexte local et artistique etd’obtenir une présentation argumentée desdécors.

Si le décor peint décline avec l’architecturemoderne qui exclu tout décor superflu, il entameun renouveau, marqué par la démonstration depossibles restaurations, par l’intérêt pour la thé-matique des « Chemins du Baroque », mais aussipar le développement d’un mouvement architec-tural ancré dans le régionalisme et l’historicisme (!).

Philippe Ganion

M O N U M E N T S

É D I F I C E S

Bibliographie

– Architectures peintesen trompe-l’œil,Milman M., Skira, 1986.– Dictionnaire de l’architecture médiévale,Viollet le Duc E.,Bibliothèque de l’Image,1997.– Encyclopédie duPatrimoine, Dinkel R.,Les Encyclopédies duPatrimoine, 1997.– Fresques et peinturesmurales en Savoie, Dir Peyre D., Société

Savoisienne d’Histoire etd’Archéologie, 1988.– La conservation despeintures murales, MoraP. et L., Bologne, 1977.– La chaux pour bâtir etdécorer, Berkowicz,Nathan, 1990.– Les enduits et la cou-leur - aspect techniqueet tradition, Perréard M.,Revue MonumentHistorique N°139, 1985.– La restauration desdécors peints, Caille M.,Revue MonumentHistorique N°116, 1981.

– Peintures murales deséglises rurales, CouturierP., Revue Vieille MaisonFrançaise N°156, 1995.– Sous les enduits ledécor, Baud H., RevueVieille Maison FrançaiseN°141, 1992.– Vicario ou l’art de lafresque en Savoie,Bogey A., MagazineHistoire en Savoie N°3,1992.– Façades peintes - dessins de décors,Mader R., SDAP,Chambéry.

Chapelle Lachenal, Bozel, décor peint en trompe-l’œil de la façade.

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D O S S I E R

Elle a plusieurs objectifs. Tout d’abord,contribuer à la connaissance du terri-

toire ; en effet, sur ce secteur précis, le bâti rurala peu attiré l’attention, contrairement à d’autreszones, telles la Maurienne, la Tarentaise ou leBeaufortain. Un pré-inventaire avait été réaliséentre 1970 et 1980 par Bernard Manipoud,conservateur délégué des Antiquités et Objetsd’Art, dans quelques communes de ce secteur. Ilavait mis en évidence la richesse de ce patrimoi-ne vernaculaire discret, constitutif du paysage etsoumis à de profondes transformations depuisune cinquantaine d’années. Ensuite, il s’agit defournir des éléments de réflexion pour de futursprojets de valorisation, en mettant en évidenceles points forts du territoire en matière de patri-moine rural. Enfin, les observations recueilliespourront servir de fondements à d’éventuelles

mesures de préconisation en ce qui concerne laréhabilitation et la transformation du bâti ancien(volumétrie, percements, matériaux...), tout par-ticulièrement lors de la mise en place éventuellede chartes architecturales, constituant ainsi unoutil à destination des élus, du SDAP et du CAUE

de la Savoie.Si l’enquête met en œuvre une démarche

scientifique, elle se doit d’être rapidement opé-ratoire pour répondre aux attentes publiques etcollectives. La couverture topographique a étéchoisie à ces fins. L’enquête de terrain est doncréalisée dans toutes les communes du territoireGrand Lac, canton après canton. Elle concerneessentiellement le bâti vernaculaire non protégé.Les vestiges archéologiques, les antiquités etobjets d’art, ainsi que les monuments classés ouinscrits à l’inventaire supplémentaire des Monu-ments Historiques sont pris en compte parailleurs. Divers types « d’objets » sont concernéspar l’enquête ethnologique. Pour autant, toutesles traces et constructions vernaculaires ne béné-ficient pas d’une analyse approfondie.

Pour chaque commune, un certain nombred’édifices sont sélectionnés suivant différents cri-tères qui peuvent ou non se cumuler :– permanence de l’implantation parcellaire depuisla fin du XIX e siècle ;– lisibilité des fonctions et des usages agricoles,commerciaux, industriels, etc... dans la structuredu bâti ;– permanence et lisibilité des dispositifs deconstruction ;

Habiter entre lac et montagnes

Inventaire du patrimoine bâti vernaculaire en territoire Grand Lac

Four à pain avec pignonsà redents dits en

« sauts de moineau »,anciennement couvert de

chaume, hameau deLandernier, Motz.

La maison du carrier et ses abords,

Le Bourget-du-Lac.

La Conservation départementale du Patrimoine aengagé en avril 2001 une étude ethnologique du patri-moine bâti vernaculaire sur l’ensemble des communesdu bassin versant du lac du Bourget dans le cadre dela deuxième Convention Patrimoniale de la Savoie(Région Rhône-Alpes), des inventaires cantonaux desterritoires patrimoniaux de la Savoie et du ProjetGrand Lac. Cette mission d’enquête a été confiée àdeux ethnologues, Chantal SOMM et Cédrik VALET.

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– édifice rassemblant plusieurs dispositifs deconstruction caractéristiques d’un secteur ;– petit patrimoine bâti remarquable, de par sonarchitecture, son usage, son histoire, etc... ;– architecture majeure remarquable n’ayant pasfait l’objet de procédures de protection ;– architecture dite « balnéaire », liée au dévelop-pement du tourisme dès la fin du XIX e siècle ;– installations liées aux activités lacustres (pêche,nautisme, loisirs...).

Les édifices sélectionnés sont étudiés et ren-seignés par des fiches types, l’une pour le patri-moine rural, l’autre pour les édifices majeurs (châ-teaux, monuments religieux, maisons d’archi-tectes, etc...), établies selon la méthodologie del’Inventaire général des monuments et richessesartistiques de la France réalisé au niveau régio-nal par le Service de l’Inventaire de la DRAC. Lesethnologues mènent en parallèle une enquêteorale qui précise les usages des bâtiments, lestransformations dont ils ont été l’objet, l’histoiredu lieu et de ses occupants, les modes d’habiteret les attentes éventuelles en matière de réhabi-litation ou de valorisation.

Un fonds photographique de repérage est parailleurs constitué. Il concerne également des bâti-ments n’ayant pas fait l’objet d’analyse spécifique,ainsi que les paysages et les visions d’ensembled’implantation du bâti. En partenariat avec le CAUE

de la Savoie, il est enregistré par François Labor-de dans la photothèque Grand Lac. Ce partena-riat avec le CAUE inclue également la réalisationpar Hervé Dubois de relevés et de croquis archi-tecturaux.

L’approche historique est présente tout aulong de cette enquête : une recherche documen-taire a été réalisée en amont de l’étude par San-drine Philifert, chargée de Mission à la Conser-vation Départementale du Patrimoine ; de plus,Dominique Barbero, société Formation ConseilAssistance, réalise progressivement une série d’at-las de cartographie historique à partir de la MappeSarde de 1730 et des registres de tabellions

conservés et numérisés aux Archives départe-mentales de la Savoie.

L’enquête de terrain est la source majeure derenseignements. Elle se décompose en plusieursétapes. En premier lieu, les ethnologues rencon-trent les maires des communes étudiées et lesmembres d’associations patrimoniales, afin deconnaître leurs attentes et leurs projets éventuels.Puis, ils parcourent l’ensemble du territoire com-munal : cette première prise de contact permetune appréhension globale des paysages, de l’or-ganisation du territoire et de l’état de son occu-pation par les hommes. Enfin chaque hameau faitl’objet d’une attention plus fine aboutissant à lasélection d’un certain nombre de bâtiments. C’estune période d’échanges avec les habitants, aucours de laquelle divers sujets sont abordés :dis-cussions autour du projet Grand Lac, histoire dulieu et de ses occupants, histoire des bâtimentssélectionnés, de leurs transformations, de leursusages ou à l’inverse des raisons de leur aban-don, des manières d’habiter... Cette étape permetde connaître les préoccupations des habitants,que ce soit en matière de réhabilitation du bâti,d’éventuels projets de valorisation ou encore dudéveloppement d’activités culturelles ou écono-miques en lien avec le patrimoine bâti. A ce jour,sur la soixantaine de communes concernées parle Projet Grand Lac, une dizaine a été étudiée,principalement en Chautagne et sur la rive ouestdu lac. Ces premières observations font apparaîtreune grande diversité, qu’il s’agisse des paysages,

de l’occupation des territoires, de l’urbanisme, del’architecture ou encore de la qualité de préser-vation du bâti ancien.

La variété des activités humaines dans l’en-semble du secteur concerné a structuré lesespaces naturels, qu’il s’agisse des zones monta-gneuses, combes, plateaux, ou des plaines allu-viales du littoral lacustre. La présence humainese matérialise par des paysages de vignes, des

D O S S I E R

Extrait cadastral de la mappe sarde de 1730, pointe de Châtillon, commune de Chindrieux(Archives départemen-tales de la Savoie).

À gauche, « dardalis » :jeunes châtaigniersémondés, abattus puisfendus en quatre, utilisésen piquets de vigne.

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pré- marais encore exploités, des vergers dontcertains se situent au coeur même des villages,des pâtures et des enclaves agricoles que la forêtenserre. Intimement liée à cette occupation variéedes sols, l’implantation du bâti diffère suivant leshameaux. Il est plus ou moins groupé, plus oumoins dense, implanté dans la pente, par exempleau hameau du Petit Caton (commune du Bour-get-du-Lac), ou en suivant les courbes de niveaux,comme sur les hauteurs de Serrières-en-Chau-tagne. Globalement, l’implantation parcellaire dubâti dans les parties anciennes des villages ou desbourgs est relativement pérenne, avec toutefoisdes différences notables suivant les communes etles hameaux : les reconstructions ont souventrepris les fondations d’anciens bâtiments. L’im-plantation des bâtis récents apparaît à l’inversesouvent en décalage avec les anciennes logiquesd’implantation. Car si, autrefois, il s’agissait demaintenir libre de tout bâtiment les terres agricolesles mieux exposées, il apparaît aujourd’hui queles parcelles ensoleillées et plates sont au contrai-re les plus recherchées pour la construction.

Au vu des premières enquêtes, la richessetypologique du bâti rural ne fait aucun doute, qu’ils’agisse de fermes, de maisons de notables (châ-teaux, maisons-fortes...), de maisons de bourg,de commerces, de structures d’hébergement oude résidences de villégiature liées au dévelop-pement du tourisme à la fin du XIX e siècle. Cetterichesse est en lien étroit avec l’organisation par-cellaire du bâti. Par exemple, en ce qui concer-ne les fermes, cette organisation fait apparaîtretantôt des alignements de maisons mitoyennes,comme au Grand-Villard, commune de La Cha-pelle-du-Mont-du-Chat, tantôt des maisons enordre lâche comportant dans un même bâtimentlogis, caves, étables et fenil, tantôt des maisonsdissociées, dans lesquelles la partie habitable estséparée des bâtiments d’exploitation. Elle laisseainsi entrevoir des façons d’habiter très variablessuivant les communes pour une même périodeet pour une même fonction de production. Lamaison apparaît alors comme le fruit de logiquesmultiples entrelacées, bien au-delà d’une simpleréponse aux contraintes naturelles ou écono-miques. Par ailleurs, la grande diversité des acti-vités humaines a laissé des témoignages de l’his-toire des hommes au travers d’édifices industrielsou artisanaux importants de par leur taille, commeles papeteries de La Roche Saint Alban, ou au

contraire discrets et en lien direct avec la présencedu lac, tels les pêcheries situées dans les maraisde Chindrieux ou le bâtiment d’alevinage àConjux, etc...

La construction du bâti utilise des matériauxdivers suivant les lieux et des dispositifs tech-niques qui apparaissent souvent comme unesignature propre à une commune ou à un secteurgéographique. A toutes les époques, le choix pré-férentiel d’un matériau dépend de facteurs mul-tiples : ressources locales, circuits de distribution,savoir-faire des artisans, effets de mode... La pré-sence d’une carrière influe par exemple directe-ment sur l’utilisation du matériau : ainsi, lehameau de Vars à Chindrieux est l’un des rares àprésenter des maisons entièrement construites enmoellons de molasse, tout comme le chef-lieu deSerrières-en-Chautagne se révèle riche de mai-sons en tuf. Certaines caractéristiques architectu-rales sont parfois le résultat de l’influence d’unefamille d’artisans, comme par exemple les orne-ments en terre cuite et les jambes de force ouvra-gées que l’on peut trouver sur la commune deSerrières-en-Chautagne.

L’analyse d’édifices peu transformés dans lescinquante dernières années indique de multiplestransformations antérieures, effectués au fur et àmesure de l’évolution des activités humaines. Cesremaniements anciens n’avaient pour autant pasremis en cause la cohérence des bâtiments, dufait de la reprise de dispositifs de construction oude matériaux de même type. Aujourd’hui, lestransformations des maisons anciennes appa-raissent souvent en décalage avec le bâti précé-dent, qu’il s’agisse des nouveaux matériaux stan-dardisés, des dispositifs de construction, de lavolumétrie, de la modification des pentes de toitou des percements. Il en résulte une perte decohérence des ensembles visuels, laquelle estencore renforcée par les constructions récentes,hétéroclites tant dans leur aspect architectural quedans leur implantation. Conscients de ce problè-me, un certain nombre d’acteurs locaux appa-raissent sensibles aux préconisations techniquesou architecturales qui peuvent être faites en matiè-re de restauration du bâti ancien ou en matièred’urbanisme. Dans le même temps, la majoritédes personnes rencontrées souligne leur manquede connaissance des réseaux de conseils ou desprofessionnels compétents existant sur le secteur.L’information des habitants s’avère ainsi l’une destâches à remplir lors de l’enquête orale.

Cette étude ethnologique devrait se pour-suivre en 2002 sur la rive est et dans la partie suddu lac du Bourget.

Chantal Somm & Cédrik Valet

Type de maison à juxtaposition,

Serrières-en-Chautagne.Cohabitation de

différentes cellules familiales lisible

en façade.

En haut, jambe de forceouvragée, charpente fin

du XIX e siècle.

En bas, un exemple dedisparité du traitementdes façades suivant les

propriétaires.

Antéfixe en terre cuite.

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D O S S I E R

En 1996 et 1997, les communes du Planayet de Chanaz accueillaient respectivement

les 1ère et 2ème rencontres du patrimoine rural à l’ini-tiative du CAUE. Engagés depuis dans un pro-gramme européen INTERREG II reposant sur la valo-risation du patrimoine rural autour de la théma-tique “ L’homme et la pente ”, la commune dePlanay a souhaité que cette coopération trans-frontalière avec la commune de La Salle soit ànouveau l’occasion à l’échelle du départementde la Savoie d’échanger sur le patrimoine ruralen plaçant au cœur de cette 3ème rencontre, larichesse de la dimension transfrontalière en sedéplaçant en Vallée d’Aoste. Les interventions desdifférents acteurs du développement touristiqueet de la valorisation du patrimoine rural ontmontré la diversité des pratiques entre la Savoieet la Vallée d’Aoste en matière de protection etde valorisation du patrimoine rural. Diversité lar-gement induite par les contextes respectifs tantjuridiques, institutionnels que socio-économiques.La Région Autonome de la Vallée d’Aoste peuten effet légiférer dans les domaines de la conser-vation de la nature, du paysage et en matière deplanification urbaine et territoriale.

La préservation du patrimoine rural en Vallée d’Aoste

L’ensemble des mesures concernant ces troisdomaines est rassemblé depuis avril 1998 dansun document général de planification : le PlanTerritorial Paysager (PTP), équivalent des Sché-mas Directeurs en France. Des mesures, parexemple, ont été prises pour limiter l’urbanisa-tion diffuse et pour encourager la réutilisation desbâtiments inoccupés au cœur des villages et deshameaux. La protection du paysage et des “ biensculturels ” touche 80 % du territoire de la Valléed’Aoste. Mais plus qu’une stricte protection, la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel et environnemental constituent la basede la nouvelle stratégie de développement sou-tenue financièrement et instruite par la Région.Dans le contexte valdôtain, les élus font face àdes règles strictes de restauration et d’aménage-ment, comparables à celles des secteurs des Bâti-ments de France, mais étendues à une grandepartie du territoire.

L’agriculture et la valorisation des produits du terroir

Constatant la dévitalisation de l’activité agri-cole, la Région vote en 1983 une loi sur l’agri-tourisme qui vise à diversifier cette activité par lebiais de l’accueil à la ferme (chambres et/ou res-tauration). La restauration agritouristique, parexemple, suit des règles strictes : limitation à 30couverts, 50 % des produits d’origine de la fermeet personnel familial obligatoire. Cependant, si laloi a permis de définir une prestation de qualité,la Région et les agriculteurs en reconnaissent larigidité et participent ensemble à l’adapter auxpratiques très diversifiées de chaque exploitant.

Du côté italien comme du côté français, il aété montré l’importance de l’agriculture et de soninteraction à plusieurs niveaux : importance dulien au lieu (agriculture, paysage, protection dupatrimoine naturel), valorisation des savoir-faireet des produits du terroir qui participent à l’ani-mation touristique. Les processus de patrimonia-lisation reposant sur l’agriculture sont en celausités, multiples et complexes.

Quelle politique d’interprétation du patrimoine rural ?

Si les actions transfrontalières de mise envaleur touristique du patrimoine rural sont riches(le projet Interreg II La Salle/Le Planay et l’espa-ce Mont-Blanc en sont les exemples), ils demeu-rent des interrogations sur la place qu’occupe le

patrimoine rural de montagne dans le tourismeaujourd’hui, et notamment ce que sont les habi-tants des pays touristiques. Il est évident qu’à unmoment de leur histoire, les sociétés alpines sesont adaptées à la réalité du tourisme, la traditionse perdant au profit de la folklorisation et du spec-tacle. Mais ce ne fut qu’une étape des rapportsentre habitants et population touristique. Aujour-d’hui, il existe une demande de tourisme cultu-rel à travers lequel on souhaite comprendre cequ’a été ou ce qu’est la culture montagnarde. Ilne s’agit plus de livrer au visiteur une vision folk-lorisante du patrimoine.

Élaborer un discours d’interprétation du patri-moine, c’est-à-dire rendre intelligible une cultu-re, c’est avant tout éviter la mythification, lesreprésentations idylliques, exclusives ou limita-tives. Il s’agirait plutôt de redécouvrir, grâce à uneconnaissance précise, ce que ces cultures ont étéet ce que les montagnards sont aujourd’hui. Quela mémoire ne soit pas le siège de la nostalgiemais qu’elle continue à alimenter le changement,l’ouverture et l’innovation. Tous les porteurs deprojets de développement et d’animation touris-tique ont le devoir de prendre en considérationces enjeux qui sont au cœur de notre relation àl’Autre et au monde.

Stéphane Bonomi & Elisa Jaffrennou

La 3e rencontre du patrimoinerural en Vallée d’Aoste

Vue générale de La Salle, en Vallée d’Aoste.

Liste des intervenants

• Ennio PASTORET, Assesseur à l’Education et à la Culture de la RégionAutonome de la Valléed’Aoste • François PEILLEX, Vice-Président du ConseilGénéral de la Savoie• Cassiano PASCAL,Maire de la Salle • Christian GROS,Maire du Planay • Paolo JACCOD,Ingénieur-Architecte• Bruno LUGAZ, Directeur du CAUE de laSavoie• Vivien ChARREY, Géographe• Donatella MARTINET,Directrice de la Surintendance des BiensArchitecturaux de la RégionAutonome de la Valléed’Aoste• Marc LEMARIE, Chef du Service Départe-mental de l’Architecture etdu Patrimoine • Annalisa BETHAZ,Directrice du Service del’Urbanisme de la RégionAutonome de la Valléed’Aoste• Tiziana COGNEIN,Directrice de la Direction du Développement Agricole,de la Viticulture et del’Agritourisme • Allessio ZERGO, Agriculteur et représentantde l’association « agritouris-me en Vallée d’Aoste »• Dominique GIARD,Chargé de mission développement au Parcnational de la Vanoise• Denise MENU, Chargé de mission à laDirection Régionale del’Agriculture et de la Forêt• François PORTET, Ethnologue à la DirectionRégionale des AffairesCulturelles• Eric LARUAZ,Chargé de mission duContrat Global de dévelop-pement Tarentaise-Vanoise• Jean-Paul GUÉRIN,Professeur à l’Institut deGéographie Alpine• Alberto CERISE, Vice-Président de l’EspaceMont-Blanc• Serge TUAZ et StéfaniaMUTI, Coordinateurs àl’Espace Mont-Blanc• Pierre BALTZ, Chargé d’étude à l’AgenceTouristique Départementale• Alexis BETEMPS, Ethnologue au BureauRégional d’Ethnologie et deLinguistique de la Valléed’Aoste• Michel DIETLIN, Chargé demission à la FACIM.

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ARCHÉOLOGIE Une muséographie en plein air

Le parc archéologique desLozes à Aussois

Le site des Lozes offre de grands affleure-ments de marbre qui, presque de tout

temps, ont été gravés. Ce marbre, résistant, facileà extraire et proche du village a été exploité demanière artisanale à partir de 1923 fournissant Aus-sois en pierres de taille. En 1946, débute une extra-ction intensive pour la construction des barragesde Plan d’Aval puis de Plan d’Amont.

Fréquenté par les habitants du village et parles carriers, le site a vu ses affleurements se cou-vrir de noms, de dates et de graffiti. C’est unelongue tradition qui se poursuivait car les ancienshabitants – ceux de l’Age du Fer – avaient déjàgravé dans la roche des centaines de motifs abs-traits ou figuratifs. Beaucoup de gravuresanciennes, peu visibles ont dû disparaître du faitde l’exploitation de la carrière.

Ce n’est cependant qu’en 1989 que l’impor-tance archéologique des gravures rupestres du sitedes Lozes a été reconnue. En effet, les gravures, enplein air, se sont érodées ; pour les plus anciennes,elles ne sont observables qu’avec un éclairage solaire approprié. Les gravures ont été étudiées,relevées, photographiées et moulées, dans le cadred’un programme de recherche plus vaste sur l’artrupestre de Maurienne (voir La Rubrique n°1,pages 8 et 9).

Aussois possède un autre site d’art rupestredont les affleurements, recouverts par des sédi-ments, ont conservé leur gravures en parfait état.Après dégagement, étude et moulage, les gravuresont été protégées pour assurer leur pérennité enévitant leur exposition à l’érosion naturelle ethumaine, et de nouveau enfouies à titre conserva-toire. Ces sites sont inscrits à l’Inventaire Supplé-mentaire des Monuments Historiques depuis 1999.

Le problème de la conservation des gravuresde plein air est difficile à résoudre car les motifss’effacent, inexorablement et lentement, sous l’ef-fet de l’érosion naturelle et de la pollution atmo-sphérique, et deviennent invisibles pour un œilnon averti.

C’est pour cela que le site des Lozes a été misen valeur par la commune d’Aussois, propriétaire,en partenariat avec la Conservation Départemen-tale du Patrimoine, et que le parc a été créé. Ilpermet aux habitants et aux amateurs de découvrirun patrimoine archéologique original. Il sensibili-se le visiteur à sa fragilité et lui apprend à observeret à respecter les gravures par ailleurs très abon-dantes en Maurienne.

Le « Parc archéologique des Lozes » a été inau-guré le 9 juillet, en présence de plusieurs person-nalités et d’un public nombreux. Le visiteur estaccueilli par des informations générales sur l’artrupestre le préparant au circuit de visite. En par-courant le cheminement matérialisé par des bornes,il lui est possible de découvrir, pour peu qu’il lefasse aux meilleures heures, des gravures de l’Agedu fer et du Moyen-Age : personnages armés, cava-lier, scène de chasse, animaux (chiens et bouque-tins) et des motifs abstraits. Des tables didactiques,installées à côté des roches, aident à leur lecture età leur compréhension tandis que des passerelleset des plate-formes canalisent les visiteurs et per-mettent une observation dans les meilleures condi-tions sans toucher les zones gravées des affleure-ments rocheux.

Françoise Ballet

Parc Archéologique des Lozes• Maître d’ouvrage Commune d’Aussois• Responsables scientifiques : Françoise Ballet, conservateur du patrimoine, responsable du programme de recherche sur les gravures rupestres de SavoiePhilippe Raffaelli, conservateur du patrimoine• Architecte Michel Fabre• Conception graphique Studio Guy Restelli• Réalisation Bernard Massonnat

Parc Archéologiquedes Lozes

site MonumentHistorique

accès libre hors enneigement

La Maison d’Aussoistél. 04 79 80 30 80fax 04 79 20 40 [email protected]

Table de lecture et plate-forme d’observation.

Inauguration du Parc des Lozes.

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ARCHÉOLOGIE

Au cœur de Chanaz,la chapelle Saint-Pierrerestaurée.

Accueil et mise encontexte historique duvisiteur.

Bacs de tessons, évoquant les 11,7 tonnes de céramique retrouvée à Portout.

Amphores et monnaies, témoins des échanges commerciaux.

À visiter : le nouveau musée de Chanaz

Un atelier gallo-romain du Ve s.Les potiers de Portout

Le 29 septembre 2001 était inauguré, enprésence des élus et d’un public nom-

breux malgré une pluie ininterrompue, le muséede Chanaz. Pour la commune, cette réalisationrépond à plusieurs objectifs patrimoniaux. Le pre-mier, bien sûr, est la mise en valeur d’un patri-moine archéologique important, fruit d’un longtravail de recherche. Mais l’aménagement muséo-graphique installé dans une chapelle gothique duXVe siècle, restaurée, face à la maison de Boigneclassée Monument Historique, correspond aussià la mise en valeur du patrimoine architecturalde la commune.

Le parti-pris muséographique a d’ailleurs étéde conserver les caractéristique intérieures de lachapelle et de ne pas oblitérer les éléments archi-tecturaux.

Le programme muséographique et scienti-fique a été élaboré sous la direction de la Conser-vation Départementale du Patrimoine.

Trois thèmes principaux emmènent le visi-teur à la rencontre des potiers gallo-romains : lecontexte historique, la vie à Portout au V e siècleet la production de l’atelier.

Ils sont illustrés par les objets issus des fouillesde Jacques Pernon, des photos, des cartes, desdessins… intégrés dans un mobilier muséogra-phique créé pour cet espace par Sarah Lassale,en une présentation attrayante.

Un CDROM, à disposition du public, permetaux amateurs de connaître tout ce que les archéo-logues ont appris de leurs recherches.

Françoise Ballet

Musée de ChanazOuvert tous les jours en juillet et août de14h30 à 18h30.Du 15 avril au 30 juin et du 1er septembre au15 octobre, ouvertmardi, mercredi, samedide 15h30 à 17h30 et le dimanche de14h30 à 18h30.Groupes et scolaires sur rendez-vous.Musée 04 79 52 11 84.Point I 04 79 54 59 59.

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ARCHÉOLOGIE Haches néolithiquesproduction, diffusion et usage dans

les Alpes Occidentales et le bassin du Rhône5500 à 2300 avant J.-C.

En se basant sur le fonctionnement du sys-tème technique des haches à lames de

pierre polie, l’enjeu de cette étude archéologiqueest de comprendre et de proposer des interpré-tations sur les relations sociales entretenues entreindividus et entre communautés néolithiques enconsidérant la manipulation des outils, les tech-niques et les symboles associés comme des vec-teurs de dynamiques sociales et non pas commede simples moyens de subsistance économique.Quelle était la fonction des haches au sein dessociétés néolithiques ? La production et la diffu-sions des lames de hache dans les Alpes occi-dentales, ont-elles eu une incidence sur le fonc-tionnement des communautés néolithiques ?

De nombreux indices suggéraient l’existencede centres de production de lames de hache. Afinde cerner au mieux le fonctionnement du systè-me de production et de diffusion, le cadre géo-graphique retenu englobe toutes les Alpes occi-dentales : vallées alpines du Piémont, Val d’Aos-te, Valais, Alpes et Préalpes françaises, bassin dulac Léman, bassin français du Rhône jusqu’auxportes de la Provence (Saône et Ain exclus), hautbassin de la Durance en amont de Sisteron.

Quatre axes de travail ont été développés : lacaractérisation des matières premières, l’analysetechnologique des productions, la diffusion desobjets, leur évolution chronologique, et l’analy-se des contextes. L’étude porte sur un échan-tillonnage important des outils conservés dansl’ensemble de la région choisie soit plus de 2 000pièces étudiées en détail pour un corpus de réfé-rence de plus de 2 500 objets.

Caractérisation des matières premièresLes analyses pétrographiques montrent

qu’une famille de roches, les éclogites alpines,est utilisée de manière préférentielle dans l’en-semble de la zone d’étude, à des taux souventsupérieurs à 75 %. Cette famille comprend leséclogites fraîches véritables et les omphacitites.Les jadéitites, présentant parfois des grenats, peu-vent être associées à ces roches pour l’analysearchéologique. Toutes ces roches, issues d’unmétamorphisme alpin de haute pression et bassetempérature, proviennent de gisements situésdans les vallées internes piémontaises et sont dif-fusées en masse sur plus de 200 km. alentour desreliefs alpins. D’autres roches métamorphiquessont utilisées dans les régions périphériques maisn’ont pas été diffusées à plus de 50-70 km de leurssources.

La production Les éclogites, sous forme de bloc ou d’éclat

extraits sur des affleurements frais, sont longue-ment taillées puis bouchardées et polies pourobtenir des outils de forme relativement bien pré-déterminée. Les autres roches « tenaces » (dures)employées peuvent être également soigneuse-ment façonnées mais les supports sont alors desgalets entiers ou éclatés puis taillés.

Les sites de production de lames polies enéclogites sont concentrés dans des régions pré-cises : dans les vallées alpines piémontaises, dansle Sillon alpin, les cluses ouvertes sur l’extérieurdes Alpes (Chambéry), le Diois et la vallée duBuëch. Cela induit l’existence d’un contrôle étroitde leur circulation, sous forme de pièces ébau-chées puis achevées, de l’est vers l’ouest à traversles Alpes.

Dans les Alpes occidentales, d’autres productions emploient les roches tenaces

Les armatures de flèche en serpentinites etamphibolites polies sont façonnées et utilisées demanière fréquente dans les vallées internes. Ellessoulignent la relation privilégiée entretenue parles producteurs de lames de hache avec les rochesmétamorphiques alpines, bien que la productionet la circulation ne suivent pas des voies iden-tiques. Durant le Néolithique final (3400 à 2300avant J.-C.) on les trouve dans toutes les valléesinternes des Grandes Alpes franco-italiennes.

Les bracelets de pierre en roches tenaces sem-blent eux aussi liés aux productions de lames dehache bien que les roches employées soient leplus souvent différentes. Ils témoignent de rela-tions transalpines fortes dès les phases anciennesdu Néolithique (5500 à 4800 environ avant J.-C.)et suggèrent l’existence de liens culturels à trèslongues distances en direction du Bassin parisienet de la façade atlantique de la France.

Au Néolithique, il y a environ 8000 ans, apparaît unoutil fondamental, la hache à lame en pierre polie. Cet outil, inventé par les premiers agriculteurs-pasteurs, était particulièrement utilisé pour le travaildu bois et le matériau qui servait à sa fabrication étaitsoigneusement choisi.

Lames de haches en pierre polie, Saint-Saturnin,Saint-Alban-Leysse.

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Enfin, les sphéroïdes percées et les billes depierre, réalisés parfois en roches tenaces de cou-leur verte dans le bassin du Rhône, soulignentplus discrètement la proximité des populationsavec les roches alpines.

Diffusion et évolution chronologiqueL’étude chronologique de la production et de

la diffusion des lames polies alpines permet demettre en évidence une évolution, synthétisée ensept phases. Les trois premières, du plus ancienNéolithique au Néolithique moyen I (5500 à 4200env. avant J.-C.), voient la mise en place pro-gressive de réseaux de diffusions à travers lesAlpes occidentales, à partir de centres de pro-duction piémontais implantés sans doute de plusen plus près des sources de matériaux, à l’initia-tive des cultures de la plaine padane.

Durant les phases 4 et 5, Néolithique moyenII (4200 à 3400 avant J.-C.), la diffusion des lamespolies en éclogites atteint son apogée, tandis quela structuration des sites de production change pro-fondément, avec l’apparition ou le renforcementde sites producteurs dans les Préalpes françaises.Un lien peut-être proposé entre l’ampleur géo-graphique inégalée atteinte par ce système de pro-duction et la mobilité structurelle reconnue dansles phrases récentes de la civilisation chasséennequi imprègne alors les deux versants des Alpesoccidentales.

A l’extrême fin de cette période, apparaît dansle Valais l’emploi de roches indéterminées, maisqui sont travaillées de manière radicalement dif-férente des éclogites, par sciage et polissage.Durant le Néolithique final (phase 6) (3400 à 2300avant J.-C.) , les transformations continuent avecune baisse sensible de la diffusion en éclogites,mais le maintien de productions fortes dans lesreliefs alpins et préalpins, tandis que l’emploi dupolissage s’accentue.

L’étude des emmanchements fait ressortir uneévolution chronologique qui est sous influencedes choix techniques des régions du Plateausuisse, du Jura et de la Bourgogne, qui prennentde plus en plus d’importance à partir du Néoli-thique moyen II (4200 à 3400 avant J.-C.).

La fonction des hachesL’examen des contextes de découverte et des

modes de gestion des lames polies met en lumiè-re leur relative fréquence et leur emploi courant,qui en font des outils communs mais soigneuse-ment entretenus. Mais les contextes funérairesmontrent de fortes variations dans le statut sym-bolique de l’outil : à titre d’exemple, les hachesne jouent aucun rôle déterminant dans le rituelfunéraire de la civilisation du Chasséen rhodanien,alors que ces communautés sont directementimpliquées dans la production de lames polies.

La fonction symbolique de la hache est clai-rement mise en lumière par la décou-

verte d’outils non utilitaires de par leurs qualitésintrinsèques : dimensions exceptionnelles, façon-nage soigné, choix du matériau, et de par leurprésence dans des dépôts isolés funéraires ounon. La chronologie et la répartition géographiquede ces lames polies exceptionnelles et des dépôtsisolés souligne la forte structuration des produc-tions et des diffusions de lames polies en éclo-gites..

On peut différencier un statut lié aux pro-ducteurs et aux diffuseurs (grandes lames polies),et un autre lié aux utilisateurs (petites pièces lon-guement utilisées, à forte valeur affective per-sonnelle).

L’ensemble des données acquises ainsi queles modèles ethno-archéologiques développésen Nouvelle-Guinée par Pierre Pétrequin (cher-cheur au CNRS, laboratoire de chrono-écologie del’Université de Franche-Comté), permettent deproposer de nouvelles interprétations sur le fonc-tionnement des sociétés néolithiques alpines. LesAlpes apparaissent ainsi, comme une région aufort dynamisme culturel, qui rayonne et influe surles régions alentours. Le rôle social structurant dela circulation des biens peut être appréhendé ; ilest illustré par la concurrence entre les Alpes occi-dentales et le Plateau suisse, entre les productionsde lames de hache en éclogites alpines et leslames de hache-marteau, non utilitaires. La placesymbolique de la hache, telle qu’elle apparaît àtravers les sépultures, les pièces exceptionnelleset les dépôts, permet de supposer qu’elle estinvesti d’un fort sens culturel, qu’elle est partieprenante des relations entre individus et entrecommunautés. L’histoire des techniques rejointl’histoire des sociétés et ouvre de nouvelles pers-pectives à la recherche préhistorique.

Éric Thirault

Étude des roches

Pour déterminer rochesou minéraux, les géo-logues disposent deplusieurs méthodes plusou moins destructives :L’observation à l’oeil nuou à la loupe se fait surle terrain mais est rare-ment suffisante.En laboratoire, le prélè-vement de fragmentsd’objets permet l’obser-vation de lames mincesau microscope polari-sant ; le broyage et lamise en solution d’aumoins une partie repré-

sentative de l’objetaboutit à l’étude géochi-mique de l’échantillon.Ces deux méthodesétant destructrices dumatériel archéologique,on lui préfère, commecela a été le cas pourcette recherche, l’étudepar diffraction auxrayons X qui permetl’analyse des objetsentiers.La provenance desmatériaux est ensuiterecherchée. La lecturede la carte géologiqueapporte un premier

élément de réponse qu’il faut ensuite confirmer sur le terrainpar l’examen d’éven-tuels sites d’exploitationet par l’analyse deroches prélevées sur ces sites pour des comparaisons.

D. Santallier

Pointes de flèches en roche verte polie, grotte des Balmes,Sollières-Sardières,Maurienne.

Fac-similé d’une hachetrouvée sur le site néolithique desBaigneurs à Charavines(Lac de Paladru, Isère).

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A C T U A L I T É S

Sur fond de crise du financement, l’institutionculturelle tente d’apprivoiser la notion d’en-

treprise. Or, prétendre rapprocher les canons de laculture, de l’économie et du marketing 1, au-delàdes domaines très spécifiques qu’ils ont en communcomme le marché de l’art, nécessite un travail decadrage et de définition et, pourquoi pas, un partipris.

Entre entreprise et culture, la priorité doit être donnée à la culture

En Savoie notamment, l’ASADAC est dans sonrôle lorsqu’elle tente de faire entrer les méthodesde l’entreprise dans le projet culturel. Cependant,il importe de ne pas confondre méthode etlogique d’entreprise. Les méthodes du gestion-naire doivent servir le projet culturel et non l’in-verse.

Éviter le risque d’un dévoiement de la finalité du projet

Les bailleurs de fonds reprochent souvent àl’institution culturelle de ne pas s’adapter suffi-samment aux attentes des publics, par élitismeou plus simplement encore par manque de for-mation économique. Aussi, les professionnels dela culture sont-ils devant un formidable chantierde restructuration, perspective qui devrait concer-ner tout autant les porteurs de projets que les élus.Mais dans le même temps, l’institution culturellea en charge une responsabilité proprement irré-ductible à toute logique d’entreprise.

Il faut être conscient que, sous prétexte deperformance, et à trop vouloir séduire, on prendle risque de faire entrer la diffusion du savoir etde l’art dans la logique consumériste. C’est unelourde responsabilité sur le plan de la finalité dela mission culturelle mais c’est surtout économi-quement discutable.

L’entreprise culturelle n’est pas une entreprise commerciale, elle se situe pourtant dans l’économie de l’offre

L’entreprise culturelle, mal comprise, quiconfondrait la mission essentielle de se rappro-cher des publics avec une soumission aux lois dumarché, devrait alors abandonner l’explorationdes valeurs intemporelles, des permanences, dupatrimoine 2 et entrer dans la logique des cyclesde consommation, de conquête, de développe-ment de marchés et de concurrence.

Les statistiques nous décrivent des adoles-cents qui n’ont plus aucun contact avec la lectu-re et les musées. Suffit-il, pour qu’ils fréquententles lieux de culture, que l’on adopte le conceptde convenience 3, véritable socle de l’industriceaudiovisuelle, désormais prescrit à l’industrie dutourisme ?

L’entreprise culturelle a mieux à faire que des’adapter à toute force à ce qu’elle croit percevoirdu désir potentiel des publics. Bien gérer, c’estaussi défendre de véritables projets didactiquesqui engagent la parole, la responsabilité et le

talent des élus, des scientifiques, des universi-taires, des artistes et des professionnels du patri-moine.

Cet aspect ne devrait pas être débattu sansque l’on ait d’abord défini la place réelle de laculture dans la société. Comment prendre encompte « l’envie de musée » – un véritable fait desociété – et interpréter cette propension à lamuséification désormais courante pour la valori-sation et l’animation de lieux marginalisés : lesusines et les édifices religieux désaffectés, le patri-moine militaire, le patrimoine vernaculaire, leschantiers navals, etc… qu’il s’agit de reconvertir ?

Maîtrise des coûts. Recherche de profitsDe la même façon, comment expliquer que

les budgets des collectivités publiques soient siabondants en matière d’investissement mais sifrugaux en matière de fonctionnement pour cesnouvelles structures ?

La question de la maîtrise des coûts est régu-lièrement mise en avant alors que la plupart desmusées ne comptabilisent pas les entrées gra-tuites. A l’inverse d’une entreprise commerciale,la recette, dans l’économie culturelle, n’est pas leseul critère d’évaluation des performances.

Qu’il soit gratuit ou payant, chaque contactavec le public devrait faire l’objet d’une analysecomptable. On devrait pouvoir alors relativiserles dépenses – encore faudrait-il qu’elles soientréellement rapprochées des recettes – et afficherqu’en matière culturelle, au-delà des recettes d’ex-ploitation, les retombées sont multiples, réma-nentes et qu’elles concernent toutes les dimen-sions du territoire.

Mais ceci suppose que l’on connaisse parfai-tement ses publics !

Par exemple, le coûteux enseignement de lamusique contribue à réduire les fractures géné-rationnelles, géographiques, ethniques ou socialesqui minent notre quotidien.

Et comment ne pas voir que les très actuellesnormes architecturales du développementdurable sont presque toujours contenues dansnotre patrimoine 4.

Le premier devoir de l’entreprise culturelle est d’exister.

Les critères de l’économie constituent moinsune condition qu’un moyen d’existence de l’en-treprise culturelle. Les défis du médiateur cultu-rel s’appellent désormais : développement demarché, maîtrise des coûts, attractivité des média-tions, recherches de financement, formation desressources humaines, professionnalisation, dif-fusion en réseaux, recherche de mécénat, sensi-bilisation des acteurs publics et des commandi-taires, politique de prix, etc.

On est bien là dans la gestion de l’entrepriseà une différence près : l’objet diffusé n’est pas un produit. C’est une mission. Elle emprunte à l’entreprise ses procédés, certainement pas safinalité.

Michel Collado

Le marketing et l’entreprise culturelle

le point de vue de l’ASADAC

L’AgenceSavoyarde

d’Aménage-ment, de

Développementet d’Aide aux

Collectivités(ASADAC)

soutient les projets des

collectivités enSavoie, depuis

25 ans, dans lesdomaines du

développementéconomique et

du tourisme.Depuis quelques

années, les projets culturels

prennent unepart croissantedans l’activitéde conseil de

l’agence.

1. Marketing : mot américain, 1959, “ commer-cialisation ”, ensemble des

techniques et méthodesayant pour objet la stratégie

commerciale, l’étude desmarchés commerciaux.2. De ce point de vue,

l’exemple des États-Unis est éloquent.

3. Convenience : besoincroissant pour les clients defacilité, de fluidité, d’acces-

sibilité mentale et physique,facile, rapide, sans heurts,

bref de commodité.Carnets de route de la

montagne – De l’écoute desclients à l’action

marketing, AFIT, 2000.4. Par exemple, la norme

HQE (Haute QualitéEnvironnementale)

prévoit, entre autres, la promotion de matériaux

réutilisables et recyclablesdans le bâtiment. Gageonsque les bâtisseurs du XVII e

siècle auraient été certifiés !

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A C T U A L I T É SNouveaux voyages autour du Mont-Blanc

Au XIX e siècle et au début du XXe siècle,les touristes, anglais et genevois le

plus souvent, parcouraient chemins et sentiers pourfaire le tour du Mont-Blanc ou bien, partant de Cha-monix, se rendaient, à Courmayeur et à Martigny,escortés de guides et de porteurs quand ils n’étaientpas suivis par les mulets qui transportaient leursbagages.Changement de siècle : en 2000 et 2001, desguides du patrimoine, des accompagnateurs demoyenne montagne, des responsables d’office detourisme, savoyards, valdôtains et valaisans, font euxaussi le tour du fameux massif, en autocar cette fois,et en passant par les célèbres cols du Grand et duPetit-St Bernard, à l’occasion d’un stage de forma-tion transfrontalier intitulé Lieux et découvertes desmétiers autour du Mont-Blanc. Les trois voyagesexceptionnels, organisés pour ce stage (Métiers duBois et du Métal, Métiers de la Montagne et desPlantes et Métiers de la Vache et de la Vigne), consti-tuaient la conclusion d’une action débutée en 1996,intitulée Et l’Homme créa le Mont-Blanc, et prolon-gée par le second volet d’Une Suite au Féminin;deux actions entreprises dans le cadre du program-me INTERREG II France-Italie-Suisse, mis en œuvrepar la Commission Européenne en partenariat avecla Confédération Helvétique. Ces opérations decoopération transfrontalière, menées sur le territoi-re des deux départements français de Savoie etHaute-Savoie, de la Région Autonome de la Valléed’Aoste et du Canton du Valais, avaient pour objec-tif de faciliter une meilleure connaissance réciproqueet une valorisation inédite du patrimoine culturel.Elles proposaient, pour ce faire, une (re)découver-te des gestes, des savoir-faire et des techniques deceux qui, combinant expérience et innovation et sui-vant les traces du Docteur Paccard, le chamoniard,“ inventent le Mont-Blanc ” au quotidien : le Guide,l’Aubergiste, le Bûcheron, l’Herborisateur, le Maqui-gnon et le Fabricant de Sonnailles, pour la premiè-re action, Et l’Homme créa le Mont-Blanc. La Fro-magère, La Vigneronne, L’Institutrice et l’Ouvrière,pour la seconde, Une Suite au Féminin. Le choix deces métiers “ emblématiques ” reprenait le conceptde L’Invention du Mont-Blanc développé par l’his-torien Philippe Joutard qui assurait la direction scien-tifique de l’opération ; tous ces métiers sont étroite-ment associés à la construction, sans cesse renou-velée, de l’image du Mont-Blanc, sommet jusqu’il ya peu innommable, qui attire aujourd’hui, on le sait,les touristes du monde entier.

A travers deux séries de films documentaires lar-gement diffusés en France, en Suisse et en Italie parles télévisions de service public, l’élaboration decontenus Internet, la distribution de deux coffretsmultimédia, la publication de matériel pédagogique,la réalisation d’ expositions et la mise en oeuvre destages de formation, il ne s’agissait pas, on l’auracompris, de baliser routes, chemins, sentiers autourdu Mont-Blanc avec une multitude de panneaux designalisation, mais de susciter durablement, chez leshabitants des trois versants du célèbre massif, chezles touristes et les professionnels du tourisme, l’idéeet l’envie d’en faire le tour à la découverte d’éléments

marquants du patrimoine culturel local en y inscri-vant plus lisiblement le travail des “ petits inventeursdu Mont-Blanc ”.

Ces actions, dont la mise en œuvre s’est étaléeau total sur cinq ans, n’auraient pu exister sans l’ex-périence d’une collaboration, déjà ancienne, entreplusieurs “ chefs de file ” : – le Centre d’Etudes Franco-provencales RenéWillien ;– le Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Lin-guistique de la Vallée d’Aoste ;– le Centre Régional d’Etude des Populations Alpinespour le Valais ;– le Centre Alpin et Rhodanien d’Ethnologie ;– le Dôme Médiathèque de la Ville d’Albertville etla société de production TV.TV., pour la Savoie.

Mais rien n’aurait été possible sans le soutien ini-tial de l’ESPACE MONT-BLANC et celui des partenairessuivants :– pour la France : Ministère de l’Agriculture, Minis-tère de la Culture, Région Rhône-Alpes, ConseilGénéral de la Savoie, Conseil Général de la Haute-Savoie et Syndicat Intercommunal Espace NatureMont-Blanc ;– pour la Suisse : OFIAMT et Canton du Valais, Conser-vatoire et Jardin botaniques de Genève, FondationAlimentarium de Vevey ;– pour l’Italie : Région Autonome de la Vallée d’Aoste.

De nombreuses manifestations auront été orga-nisées durant ces cinq années sur les trois versantsdu Massif du Mont-Blanc pour présenter les filmsdocumentaires, les deux expositions Et l’Hommecréa le Mont-Blanc et Le Cœur et la Raison, les cof-frets édités par les Editions Glénat (Et l’Homme créale Mont-Blanc: un livre avec 2 cassettes VHS) et lesEditions Priuli & Verlucca (Quaderni di culturaalpina : Il lavoro della donna, un livre et un CDRom) ou bien encore clore les différents stages deformation. Ces rencontres auront rassemblé de nom-breuses personnes dans les trois régions concernéesen construisant un réseau, aussi vivant qu’inédit, derelations transfrontalières individuelles et collectivesqui se développera dans les mois et les années àvenir avec d’autres manifestations déjà programméeset d’autres projets en préparation.

Olivier Pasquet

Rita Math, fromagère àChamois, Val d’Aoste.

Stagiaires de la formationLieux et découvertes desmétiers autour du Mont-Blanc devant la forgeoreilles au Châble(Valais), en juin 2001.

E X P O S I T I O N S

Dôme Médiathèqued’Albertville135 place de l’EuropeBP 17373204 Albertvilletél. 04 79 10 44 70

Au cœur du vieux bourgde Saint-Pierre-d’Albigny,un nouvel espace culturela été inauguré, le 28 juin2001, dans les caves réha-bilitées de l’actuel Hôtelde ville. Ce bâtiment,édifié au XIXe s., recèle eneffet les vestiges de l’égli-se de l’ancien couventdes Augustins, fondé en1380 par Jean de Miolans,et qui fut démantelé à laRévolution. Grâce auContrat global de déve-loppement-MétropoleSavoie, un projet de valo-risation patrimoniale desvestiges, coordonné parJean-Yves Duverney,conseiller municipal, a pu être réalisé par lacommune de Saint-Pierre-d’Albigny, en partenariatavec le lycée profession-nel du Nivolet, avec leconseil du Service dépar-temental de l’architectureet du patrimoine et de laConservation départe-mentale du patrimoine dela Savoie. Cet aménage-

ment répond à un objectifde développement touris-tique de la Combe deSavoie, concrétisé par leréseau Les chemins de lavigne et du patrimoine,piloté par le Parc naturelrégional des Bauges, quirelie 7 communes viti-coles de Saint-Jeoire-le-Prieuré à Grésy-sur-Isère. Les vestiges de l’ancienneéglise conventuelle duXIVe siècle sont d’un inté-rêt patrimonial indéniablequ’il s’agisse d’architectu-re, de sculpture ou d’his-toire autour de l’évoca-tion du culte de la fameu-se relique des SaintesEpines, des pierres tom-bales armoriées descaveaux des seigneurs deMiolans, de Montmayeuret de Lescheraines.Le Caveau des Augustinsaccueille le grand publicet les scolaires. Cetespace didactique dédiéaux “ cinq sens ” est unlieu polyvalent de rencontre. Il invite à la

découverte des savoir-faire et à la dégustationdes produits du terroirmais aussi à l’enrichisse-ment culturel en propo-sant des conférences, desrencontres littéraires etthéâtrales, des concertsde musique, des exposi-

tions liées aux arts plastiques, à l’histoire et àl’archéologie, auxsciences, enfin à un parcours ludique de com-préhension de l’intérêtpatrimonial de ces vestiges architecturauxjusqu’alors méconnus.

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E X P O S I T I O N S

A C T U A L I T É S

La nouvelle exposition dela Conservation départe-mentale du patrimoine,Histoires d’écritures,écritures d’histoire,retrace l’histoire d’unedes plus anciennesinstitutions administrativesde la Maison de Savoie :la Chambre des comptes,grâce au fonds exceptionneldes Archives camérales.Cette exposition aurait dûsuccéder, dans les sallesde l’ancienne Chambredes comptes au châteaudes ducs, à l’expositionestivale, Rupestre, qui aprésenté – à plus de 5000 visiteurs – lestravaux archéologiquesmenés jusqu’en 2000 parla Conservationdépartementale sur l’artrupestre en Savoie,notamment un

choix de moulages de conservation. Par l’orga-nisation d’expositionstemporaires, la Conser-vation départementales’est attachée, en effet, àrépondre aux attentes dugrand public enaméliorant l’offreculturelle du prestigieuxchâteau de Chambéryclassé parmi les Monumentshistoriques dès 1881.Malheureusement lesderniers événementsinternationaux en ontdécidé autrement.Histoires d’écritures,écritures d’histoirea dû être transférée auxArchives départementalesde la Savoie où elle estenfin présentée aupublic ; ses ateliers decalligraphie

contemporaine prévus enanimation au château ontdû être annulés.

Comptes et archives,sources de l’Histoire :La Chambre des comptesde Savoie a siégé auchâteau depuis le débutdu XIV e siècle jusqu’à sasuppression en 1720 auprofit de L’Intendancegénérale de Savoie. L’institution pourvued’une juridictionsouveraine depuis 1351 a structuré les Etats deSavoie. La gestionnovatrice du domaineseigneurial, du comté auduché de Savoie, a laisséune masse considérabled’archives camérales,aujourd’hui en grandepartie conservées auxArchives départementales,dont les fameux rouleauxde compte de châtellenies.Il s’agit de la principalesource documentaire del’histoire régionale :histoire militaire, histoireinstitutionnelle, histoireéconomique et sociale,diplomatie et vie de cour,arts, chantiers deconstruction etcommandes, impôts,etc… autant de champsde recherche qu’exploitent

paléographes,archéologues, historiens,étudiants médiévistes etmodernes. Grâce auconcours des Archivesdépartementales,quelques piècesoriginales vous sontprésentées ; ces“Ecritures d’Histoire ”témoignent de l’originalitéde l’expérienceadministrative de laMaison de Savoie quisut, entre le milieu duXIIIe siècle et le XVIIIe

siècle, transformer ledomaine seigneurial enune principautéd’Empire, véritablelaboratoire politiqued’un état « despotique »laissé inachevé parl’Europe des nations etles idéaux de laRévolution française etdu Risorgimento italien.

Philippe Raffaelli

Histoires d’écritures,écritures d’histoire une exposition auxArchives épartementalesde la Savoie, 244 quai de la Rize, à Chambéry : novembreet décembre 2001, du lundi au vendredi de 9h à 17h.

“ Histoires d’écritures, écritures d’histoire ”exposition, novembre & décembre 2001

Après neuf mois d’absen-ce de la scène culturelle,le Musée des Beaux-Artsde Chambéry accueille ànouveau le public. Denombreux réaménage-ments intérieurs permet-tent de découvrir la nou-velle galerie italienne au1er étage, tandis que l’éta-ge supérieur est mainte-nant consacré aux expo-sitions temporaires. Pource nouvel envol, JoanMiró reçoit le visiteuravec les œuvres des vingtdernières années de savie, puis on peut décou-vrir les peintures d’unjeune américain, SteveDawson, et enfin leskakémonos intimistesd’Henri Jaboulay, artistelyonnais décédé en 2001.Des visites guidées et desanimations pour les plusjeunes sont organisées.Chantal Fernex de Mongex

Renseignements auMusée des Beaux-Arts,place du Palais de Justiceà Chambéry.Tél. 04 79 33 75 03.

Le “ caveau des Augustins ”à Saint-Pierre-d’Albigny

Paire de consoles en pierre calcaire ornée de sculptures de style roman représentant un coupleanthropomorphe – Adam et Eve ? –, inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiquesen 2001. Ces deux pièces, datables du XII e siècle, ontété dégagées lors d’un chantier à proximité de l’égliseconventuelle et ont pu être sauvegardées grâce à l’intervention de Christian Mermet, membre del’ADRAS, qui a également assuré le suivi archéologiquedes travaux aux Augustins.

Le caveau des Augustins

ouvert en juillet et août avec dégustation

de produits locaux. Hors saison,

renseignements à l’Office de Tourisme

tél. 04 79 71 44 07fax 04 79 71 44 55

ou à la Mairie de Saint-Pierre-d’Albigny

tél. 04 79 28 50 23fax 04 79 28 58 50

email :[email protected]

Réouverture du Muséedes Beaux-Arts

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L I V R E SNotes de lecture

1848. QUEL DESTINPOUR LA SAVOIE ?Maurice Messiez

“ L’automne 1847 voit laSavoie sortir d’une longueléthargie. Elle célèbre avecjoie les premièresouvertures vers la libertéaccordées par Charles-Albert. Cependant la« croisade » que conduit leroi pour réaliser l’unitéitalienne amène la Savoie às’interroger sur son avenir.Sa personnalité survivrait-elle dans une Italie unifiée ?Son destin peut-il être au-delà des Alpes ? A partir desarchives, souvent inédites,des autorités politiques dumoment et des témoignageslaissés par lescontemporains, le présentouvrage éclaire les débatsqui agitaient alors la sociétésavoyarde et retrace lesévénements de cette annéecruciale pour le destin de laSavoie. ”L’histoire en Savoie n°1,nouvelle série, 200121,04 e (138 F)

TERRES ET CHÂTEAUXDES ÉVÊQUES DEGENÈVE. Les mandements deJussy, Peney et Thiez desorigines au début duXVII e siècle.Matthieu de la Corbière,Martine Piguet, CatherineSantschi

“ Comment le domainetemporel des évêques deGenève s’est-il constitué,développé, organisé ? Pourrépondre à ces questions,dans le cadre d’unprogramme Interreg, uneéquipe d’historiens placéssous la direction desArchives d’Etat de Genève aentrepris une rechercheapprofondie dans lesdocuments en partieinédits, des archives deGenève, de la Savoie, de laHaute-Savoie, de Turin etmême de la Côte-d’Or. Lerésultat est une étude trèscomplète, qui résout enfinune des principalesénigmes de l’histoire deGenève au Moyen-Age et

renouvelle de manièrefondamentale laconnaissance que l’onpouvait avoir de l’histoirede ces villages jusqu’à la findu XVI e siècle.On voit ainsi reconstituésles châteaux de l’évêque àla campagne, le processusde formation de sesdomaines, leur organisationen mandements, le rôle deschâtelains, des lieutenants,des subalternes, la vie desvillageois dans leursparoisses, leurs relationsavec leurs seigneurs, leurscurés, leurs voisins, lesfranchises qui leurs ont étéaccordées par l’évêque en1469. Enfin on peut suivreau jour le jour lescirconstances dramatiquesdans lesquelles cesmandements ont changé demaîtres en 1536, les terresde Peney et de Jussypassant sous la dominationde la Genève réformée,tandis que la Terre deSallaz, après une brèvetentative des Genevois pours’en assurer le contrôle,était confisqué par le roi deFrance et restait dansl’orbite savoyarde. ”Mémoires et Documentspubliés par l’AcadémieSalésienne, t. 105, 27,44 e (180 F)

LE CŒUR ET LA RAISON.Femmes : métiers etdéveloppement aux paysdu Mont-Blanc

L’ouvrage met en évidencele rôle des femmes au Paysdu Mont-Blanc enchoisissant quatre métiers,non spécialement féminins,dans lesquels elles ont sutrouver leur espace etl’occuper de manièreoriginale. Ainsi lafromagère, la vigneronne,l’institutrice et l’ouvrièrenous invitent à leur suite àdécouvrir le dur labeur desfemmes montagnardes d’unpassé très récent. Sousforme d’enquêtesethnographiques, c’est toutun savoir-faire et un savoir-vivre qui prend forme au filde la lecture. Récits,anecdotes, le tout illustrépar des documentsphotographiques rendent lerécit très vivant.A noter, fruit d’unecollaboration entre laRégion autonome de laVallée d’Aoste, le CentreAlpin et Rhodaniend’Ethnologie de Grenobleet Le Dôme Médiathèqued’Albertville, cette édition

est bilingue, à la foisfrançaise et italienne.Programme Interreg II I/F“…Et l’homme créa leMont-Blanc. Une suite auféminin. ”Musumeci editore. 10,33 e

POMBLIÈRE, FABRIQUE DE MÉTAUXDEPUIS 1898.Un village-usine deSavoie dans la grandeindustrieIvan Grinberg

“ Pomblière est une usinesingulière. Implantée voiciun siècle au cœur de laTarentaise, elle est l’uniqueproducteur français desodium, un métal peuconnu aux multiplesusages : le blue-jean, lavitamine A, le papier blancou encore lessurgénérateurs nucléairesen sont de discrets maisimportants utilisateurs. Au cours de son histoire,l’usine a fabriqué biend’autres métaux, cobalt,vanadium, calcium,ferroalliages, etc… Usine defaible tonnage, elle s’estconstruit une forte traditiontechnologique, accumulantinnovations de procédés etde produits. C’est là sansdoute une raison de salongévité. Alors que tantd’usines alpines sont mortesau cours des vingt dernièresannées, Pomblière a sutrouver les ressources poursurmonter les handicapsqui ont menacé sonexistence : une situationlogistique héritée despionniers de l’industrieéléctochimique, la fragilitéde ses approvisionnementsen minerai et lebouleversement de sesmarchés traditionnels.L’usine pendant trois quartsde siècle, a vécu au rythmede la grande entreprise,Ugine, puis Péchiney. Elleest redevenue aujourd’huiune société indépendante,renouant avec l’espritentrepreneurial de sesfondateurs. Pomblière, c’estune usine, mais c’est aussiun village de montagne, néde son activité ; leur destinsont inséparables. Ouvriers,employés et « capitalistes »,haute stratégie et travailquotidien, cafés etcritériums cyclistes,étrangers et paysansdéracinés, chiffre d’affaireset rentabilité, toutes lesdimensions de l’existenceusinière voudraient icitrouver leur place. C’est

pourquoi ce livre tented’articuler le quantitatif et le qualitatif, le technique,l’économique et le social, la restitution de la mémoireet le travail critique del’histoire. ”Histoire industrielle, PUG24,39 e (160F)

LES STALLES DE LACATHÉDRALE SAINT-JEAN-BAPTISTE À SAINT-JEAN-DE-MAURIENNENathalie Pineau-Farge

Cet ouvrage reprendl’excellent travail derecherche effectué parNathalie Pineau-Farge pourson mémoire de maîtrise, etédité par la Sociétéd’Histoire et d’Archéologiede Maurienne. Il s’agitd’une présentation de latotalité du décor sculptédes stalles de la cathédraleSaint-Jean-Baptiste à Saint-Jean-de-Maurienne. Travailmonumental s’il en estpuisque l’ensemble estcomposé de quatre-vingtun sièges (quarante-troishauts et trente-huit bas)dont deux stallesd’honneur. Outre unerecherche historique et, uneprésentation de l’ensembleet de ses remaniements, cetouvrage produit unerecherche iconographique,ainsi qu’un travail sur lesmodes de représentation àtravers les sources etinfluences à la fin dumoyen-Age.Ce livre richement illustré etdocumenté contentera à lafois l’œil et l’esprit.SHAM. Tome XXXIV-XXXVEditions Derrier30 e (196,79 F)

CHAMPAGNY, un pays etdes hommes en VanoiseCollectif.

“ Ce livre est une œuvreconstruite, originale,collective : huit regardscroisés sur un mêmeterritoire, sur une mêmesociété ; huit acteurs qui,chacun avec sa sensibilité etsa connaissance du terrain,cherchant à mettre à jourles relations que la société

champagnolaise entretientdepuis des siècles avec sonterritoire de vie et detravail, en le marquant dansson paysage, en réagissantface aux changements desdernières décennies. Huitécritures ou plusexactement sept plumes etun objectifphotographique, quitentent de décrire le long ettranquille écoulement dessiècles jusqu’auxbouleversements récents,qui regardent l’évolution deChampagny avec lucidité,sans nostalgie devant lesdéveloppements actuels.Huit clés pour comprendrecette vallée secrète qui nese livre qu’en nuances, enalternances, en dualités. ”Editions Comp ’Act19,82 e (130 F)

100 ANS LÀ-HAUT.De 1900 à 2000.Montvalezan- La RosièreGisèle et Roger Gaide,auteurs-éditeurs.

“ Ce livre inscrit dans letemps la mutation entredeux modes de vie, celuitraditionnel de la vie ruraled’autrefois, et celui desbouleversements engendréspar l’essor touristique demasse. Une approchesociologique est réaliséepour chacun des thèmesabordés, notamment lestraditions, les transports,l’agriculture, le fort de laRedoute Ruinée et les faitsmilitaires, l’histoire du ski etla création de la station.L’architecture, l’émigration,les écoles, l’habit et lareligion sont égalementtraités avec sensibilité.Gisèle et Roger Gaidecristallisent la mémoirecollective des gens de leurvillage, Montvalezan-La Rosière avec un fondsrichement documenté dephotographies et detémoignages. Reflet du vécuet expression d’une volontéunanime de transmettre auxgénérations futures « l’espritdes lieux », cet ouvrage peutlargement exprimerl’évolution des mentalités del’ensemble de la populationalpine en ce siècle. ”Le Tyrol - Le PanoramicLa Rosière 1850tél. 04 79 06 80 55

Vinciane Neel