15
1 LA CARAÏBE: ENTRE INTÉGRATION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE ET MONDIALISATION Publié en Mai 2017 CENTRE DE RECHERCHE, DE RÉFLEXION, DE FORMATION ET D‘ACTION SOCIALE (CERFAS) OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE Bureau du Secrétariat général de la CARICOM, en Guyana

OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

1

LA CARAÏBE: ENTRE INTÉGRATION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE

ET MONDIALISATION

Publié en Mai 2017

CENTRE DE RECHERCHE, DE RÉFLEXION, DE FORMATION ET D‘ACTION SOCIALE

(CERFAS)

OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA COOPÉRATION

INTERNATIONALE

Bureau du Secrétariat général de la CARICOM, en Guyana

Page 2: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

2

Sommaire • Introduction…………………………………………p.3

I. Panorama sur la région Caraïbe……………………..p.4

II. État des lieux de l’intégration régionale

de la Caraïbe………………………………….p.6

III. Aperçu des échanges intra-régionaux

de la Caraïbe ………………………….……………p.8

IV. La Caraïbe sur la scène internationale…………..….p.10

V. Des relations qui restent asymétriques……………..p.12

• Conclusion…………………………………………..p.13

Page 3: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

3

INTRODUCTION

La montée en puissance de l’économie mondiale constituesans conteste l’un des faits marquants

de la fin du XXe siècle. Elle est en grande partie le fruitdesrévolutions technologiques

notamment l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication et du

grand développement des firmes multinationales. Par ailleurs, ce phénomène tend à briser les

frontières entre les États et à accélérer ainsi la dynamique de la coopération régionale; compte

tenu que les défis deviennent de plus en plus globaux.

Dans la Caraïbe, les paysse sont engagés résolument dans un processus

d’intégrationrégionale,manifesté dans de nouvelles politiques commerciales, de nombreuses

réformes structurelles et la création d’un grand nombre d’organismes régionaux. Ceci inaugure

une nouvelle forme d’intégration de la région dans l’économie mondiale; sous la houlette et dans

le sens des intérêts des pays occidentaux.

Dans cette perspective, plusieurs questions paraissent essentielles:Quel bilan peut-on faire

aujourd’hui desdynamiques d’intégration régionale de la Caraïbe?Quel lien réel existe-t-il entre

ces initiatives régionales et les intérêts des pays occidentaux, notamment les États-Unis

d’Amérique,l’Angleterre, l’Union Européenneet les institutions financières internationales ?Ce

processus d’intégration a-t-il permis aux pays de la régiond’accéder à plus de progrès socio-

économique, politique et culturel dans le contexte de la mondialisation ?

Ces interrogations méritent d’être agitées à un moment où des gouvernements de certains États

notamment l’Angleterre remettent en causelacoopérationrégionale.Leprésent bulletin entend

mettre en évidence l'état des lieux de l’évolution de l’intégration régionale de la Caraïbeainsi que

son interaction avec le reste du monde, plus particulièrement les pays occidentaux.

Page 4: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

4

I. PANORAMA SUR LA RÉGION CARAÏBE

Il n’existe pas de définitiongéographique

universellement admise de la région Caraïbe. Certains

limitent l’espace caribéen à la Caraïbe insulaire

(Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les

pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre

travail, nousretenons quela Caraïbe regroupe les

territoires insulaires et les pays continentaux

riverainstels le Mexique, la Colombie, le Venezuela,

Belize, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Costa Rica,

Panama, etc.

L’histoire de la Caraïbecommence véritablement au XVe siècle lorsque de nombreuses

puissances européennes, en l’occurrence l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-

Bas, débarquèrent dans cette partie du monde. Elle est étroitement liée à l’extermination des

indigènes, puis à la traite négrière pratiquée par ces dernières entre le XVe et le XIXe siècle. La

fin du XIXe siècle fut marquée par l’influence des États-Unis d’Amérique qui s’emparèrent de la

plupart des administrations de la régionsurtout pour étendre et consolider leurs intérêts. Tout au

long du XXe siècle, l’instabilité politique a servi de prétexte aux autorités américaines pour

intervenir militairement dans la zone (Tableau 1). Aujourd’hui encore, la politique

expansionniste américaine est toujours de mise et répond aussi bien à des intérêts stratégiques

(doctrine de Monroe, 1823) qu’économiques.

Tableau 1 : Les différentes interventions militaires américaines dans la Caraïbe

Pays Cuba Haïti Mexique République

Dominicaine

Panama Grenade Porto-

Rico

Période 1917-

1923

1915-

1934 et

1994

1916-

1917

1916-1924 et

1965

1928-

1921 et

1964

1983 1950

Source : Élaboration de l’Observation du CERFAS

Depuis les quatre dernières décennies, la promotion du tourisme international est devenue le

secteur d’activités le plus prisé de la région.À l’heure actuelle, le tourisme constitue la principale

devise pour bon nombre de pays de la Caraïbe et évince les revenus deséconomies traditionnelles

de plantation pratiquées depuis l’époque coloniale. Toutefois, les retombées sur l’économie

locale sont relativement faibles. Par ailleurs, l’économie de la région reste soumiseauxinstabilités

des échanges mondiaux et aux menaces environnementales comme la déforestation, les aléas

climatiques, qui la guettent régulièrement.

La Caraïbe se caractérise aussi par sa grande diversité. Ceci est dûnotamment auxinfluencesde

son passé colonial. Elle offre une grande variété de statuts politiques : vingt quatre

Étatspolitiquement indépendants, des territoires dépendants de métropoles tels

Page 5: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

5

quedesdépartementsfrançais d’outre-mer (Martinique, Guyane, la Guadeloupe etc.), des membres

duCommonwealthbritanniques, les Antilles néerlandaises et des dépendancesaméricaines telles

que les Iles Vierges américaines, Porto-Rico.Outre ces différences de statut,il existe différents

types de régimes politique : parlementaires (Commonwealth des Bahamas), présidentiels (Haïti,

République Dominicaine, Mexique), régimes à parti unique (Cuba), etc. Sur le plan linguistique,

à côté des langues autochtones (locales ou nationales), prédominentquatre langues européennes:

l'anglais, l'espagnol, le français et le néerlandais.En dépit de cette diversité, elle demeure une

zone propice à lacoopération régionale, eu égard aux préoccupations communes notamment le

faible niveau de développement socio-économique,l’étroitesse des marchés internes, le manque

de capitaux et de technologie, les réponses aux catastrophes naturelles, etc.

Page 6: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

6

I. ÉTAT DES LIEUX DE L’INTÉGRATION RÉGIONALE DELA CARAÏBE

Les premiers projets d’intégration régionale de la Caraïbe furent élaborés au temps de la

colonisation européenne et se limitèrent aux entités administratives mises en œuvre par les

différentes métropoles. À titre d’exemple,en 1958, les colonies britanniques se sont regroupées

au sein d’une Fédération dénommée « la Fédération des IndesOccidentales » qui échoua après

quatre années de fonctionnement. Dans la décenniesuivante,des anciennes colonies,

devenuesindépendantes, tentèrent plusieurs schémas d’intégration régionale (Tableau 2). On peut

citer notamment l’Associationde libre-échange des Caraïbes(CARIFTA) précédant la

Communauté et Marché Commun de la Caraïbe (CARICOM), l’Organisation des États de la

Caraïbe Orientale (OECO), l’Association des États de la Caraïbe (AEC), etc.

De nos jours, laCaricomest l’institution la plus avancée dans la Caraïbe en matière

d’intégrationéconomique régionale. À sa création en 1973, elle comptait quatre membres

fondateurs: la Barbade, Guyana, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago.Actuellement,laCaricomest

composée dequinze États membres,cinqmembres associés, douze États d’Amérique latine et de

la Caraïbe possédant un statut d’observateur3. Ses principaux objectifs sont inscrits dans le traité

de Chaguaramasréviséle 5 juillet 2001 et visent notamment la création d’un marché et d’une

économie uniques entre les États membres4. Le marché unique de la CARICOM est fonctionnel

depuis 2006 à l’exception des Bahamas et de Montserrat, membres de la CARICOM, qui n’en

font pas partie. Cependant, l’économie unique de la Caraïbe tarde à être mise en œuvre.

1LaBanque de Développement des Caraïbes (BDC) compte 28 membres dont 19 membres de la région. 2 “…” Ces données ne sont pas disponibles 3 Pour plus de détails, voir http://193.51.134.44/ocicar/index.php?option=com_content&task=view&id=20&Itemid=44 4Pour plus de détails, voir http://www.wipo.int/wipolex/fr/regeco_treaties/text.jsp?file_id=204027

Tableau 2: Les principales institutions régionales

de coopération économique de la Caraïbe Organisation régionale

ou sous-régionale

Membres Date de création Fondements

juridiques

Siège social

OECO 10 18 juin 1981 Traité de Basse-terre Castries (Sainte Lucie)

CARICOM 15 1er août 1973 Traité de Chaguaramas Georgetown

(Guyana)

AEC 25 29 juillet 1994 Convention à Carthagène

(Colombie)

Port d’Espagne

(Trinité et Tobago)

Banque de

Développement des

Caraïbes (BDC)

191 1969 …2 Bridgetown

(Barbade)

Banque centrale de la

Caraïbe orientale

8 Octobre 1983 … Basseterre (Saint-

Christophe-et-Niévès)

PetroCaribe 18 Juin 2005 … Venezuela

Page 7: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

7

Quelques caractéristiques des États membres de la CARICOM Pays Capitale PIB/ Per Capita

en 20155

IDH (Valeur

2014)

Antigua-et-Barbuda Saint John's 23 062,3 0.783

Bahamas Nassau 23 001,0 0.790

Barbade Bridgetown 16 405,8 0.785

Belize Belmopan 8 483,5 0.715

Dominique Roseau 10 864,5 0.724

Grenade Saint-Georges 13 558,5 0.750

Guyana Georgetown 7 521,7 0.636

Haïti Port-au-Prince 1 757,4 0.483

Jamaïque Kingston 8 872,9 0.719

Montserrat Plymouth6 … …

Sainte Lucie Castries 10 944,3 0.729

Saint-Kitts-et-Nevis Basseterre 25 088,2 0.752

Saint-Vincent-et-les-

Grenadines

Kingstown 11 139,6 0.720

Suriname Paramaribo 16 702,7 0.714

Trinité-et-Tobago Port-d'Espagne 33 308,5 0.772

Source : Élaboration de l’Observatoire du CERFAS

Par ailleurs, l'Association des États de la Caraïbe (AEC) est la deuxième grande organisation

régionale. Créée en juillet 1994, cette organisation fédère la majorité des États et territoires

baignés par la mer des Caraïbes7.D’autres institutionscomposent

également le paysage caribéen :le PetroCaribe,la Banque de

Développement de la Caraïbe, la Banque Centrale de la Caraïbe

orientale, le CARIFORUM, la CARIFIESTA,l’Organisation du

tourisme des Caraïbes (OTC), etc.

Néanmoins, les obstacles à l'intégration régionale restent

multiples. D’une part,la multiplicité des organisations

internationales parfois concurrentes ne favorise pas l'efficacité de

l’intégrationrégionale.D’autre part, leurs économies, tributaires de l’agriculture et du tourisme,

encouragent la concurrence au détriment de la complémentarité. Au-delà de ces éléments,

l’intégrationrégionale de la Caraïbe est actuellement freinée parles relations fusionnelles

qu’entretiennent certains territoires avec les anciennes puissances

coloniales.Commentimaginerque la Martinique qui est un département français ne prenne parti

pour la France dans les négociations commercialesinter-régionales? Face à ces barrières

multiples, les institutionsrégionales sont loin de réaliser le pari d’une intégration régionale

poussée et de garantir les intérêts des pays de la région.

5Selon la Banque Mondiale. Pour plus de détails, voir

http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.PP.CD?view=chart 6 En 1997, la capitale de Montserrat, Plymouth, a été abandonnée en raison de l’activité volcanique. Des bâtiments

gouvernementaux provisoires ont été construits à Brades. 7 Pour plus de détails, voir le texte intégral de la Convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe, http://www.acs-

aec.org/index.php?q=fr/documents/legal/1994/la-convention-creant-lassociation-des-etats-de-la-caraibe

Siège du Secrétariat de l'Association des États de la Caraïbe .Crédit Photo : ACS

Page 8: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

8

II. APERÇU DES ÉCHANGES INTRA-RÉGIONAUX DE LA CARAÏBE

Si l’on s’en tient aux chiffres fournis par la CARICOM8, les États membres ont connu une

période de stagnation de l’activité économique dans les années 70-80. Dans les années 90-2000,

elle a connu une période de revitalisation et de croissance. Au niveau de son marché interne, les

exportations intra-régionales sont passées de 1,37 milliard de dollars américains en 1990 à 3,32

milliards de dollars américains en 2000. Les importations intra-régionales, en proportion des

importations totales, sont passées de 10 % en moyenne de 1990 à 1997 à 12,3 % en 1999 pour

baisser à 11,1 % en 20009.

Les importations et les exportations intra-régionales sont fortement concentrées dans les secteurs

liés aux ressources naturellesà quelques exceptions près de Trinité et Tobago qui exporte le

pétrole10. Celles-ci ont représenté́ plus de 80 pour cent du total des exportations des quinze

dernières années. Il s'agit en partie d'un héritage du modèle de spécialisation développé à

l'époque coloniale, modèle extractif et tourné vers l'extérieur, qui n'a pas favorisé la

diversification de la base productive des pays de la Caraïbe, ni le développement de liens

commerciaux étroits entre eux.. Du fait que les pays de la Caraïbe aient les mêmes productions

agricoles, ils n’ont pas grand-chose à échanger entre eux.Ainsi donc, les échanges intra-

régionaux demeurent particulièrement faibles11.

8 Nous avons choisi d’aborder cette section en utilisant les données statistiques de la Caricom, étant donné qu’elle est la plus

grande organisation régionale économique. Toutefois, il existe d’autres types d’échanges commerciaux. 9 Pour plus de details, voir 10Les échanges internes sont composés à 70 % par des livraisons pétrolières. 11CARICOM’S INTRA-REGIONAL TRADE 2008-

2013,http://www.caricomstats.org/Files/Publications/CARICOM's_Intraregion_2013.pdf

Page 9: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

9

Globalement, l’intégration régionale économiqueabénéficié de la croissance des échanges intra-

régionaux en facilitant notamment un accèsaux marchés internes. Toutefois, l’intégration

régionale dans la Caraïbe mérite d’être plus poussée. Plusieurs raisons expliquent cette faible

intégration.Les États membres de la CARICOM ne jouissent pas de manière équitable de tous les

privilèges accordés. Au moment de l’entrée en vigueur du marché unique, le 1er janvier 2006,

trois États-membres de la CARICOM, Les Bahamas, Montserrat et Haïti, n’ont pu bénéficier du

passeport de la CARICOM, restreignant ainsi la mobilité régionale de leurs ressortissants. De

plus, des États membres de la CARICOM, ne font pas partie du Marché commun de la Caraïbe.

À ce titre, on peut citer les Bahamas. D’autre part, l’intégration régionale fait face à un problème

d’exclusion. Des pays de la Caraïbe, la République Dominicaine et Cuba, densément peuplés et

ayant un niveau de développement économique avancé, ne font pas partie de la CARICOM.Cette

faible intégration s’explique aussi par l’existence de régimes fiscaux largement assis sur les

droits de douanes. En effet, les relations entre les États sont compliquées par des litiges

frontaliers, souvent liés à des enjeux économiques (droits de pêche) et des questions migratoires.

Page 10: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

10

III. LA CARAÏBE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Alors qu’ils poursuivent l'agenda de l'intégration régionale, les pays du CARICOM ainsi que

d’autres pays de la région caribéenne bénéficient toujours d’un traitement préférentiel12. Profitant

de leur positiondominante et de leur proximitégéographique, les Etats-Unis d’Amérique

maintiennent leur prépondance dans les échangescaribéennes àtravers la multiplication d’accord

de partenariat: Caribbean Basin Initiative (CBI) lancé en 1982, Caribbean Basin

EconomicRecoveryAct (CBERA) en 1983, le Caribbean Basin Trade PartnershipAct(CBTPA)

en 2000, l’Initiative du Bassin de la Caraïbe en 2004, le CAFTA-DR avec la République

Dominicaine en 2007. La part de marché à l’importationcaribéenne reste à un haut niveau, alors

que la part des exportationscaribéennes gagne à un niveau modeste. De même, l’Union

Européenne, maintient des préférences commerciales unilatérales avec 16 pays de la Caraïbe

membres des pays dits ACP (Asie Caraïbe Pacifique) au terme de l’accord de Cotonou, signé en

l’an 2000 et révisé en 201013.

Toutefois, ces avantages ne sont pas suffisants pour promouvoir atténuer les handicaps dont

souffrent les exportateurs de la région. Ceci est dû en partie aux règles d’origine que doivent

respecter les pays de la région Caraïbe pour bénéficier du traitement tarifaire préférentiel. Elles

relèvent non pas d'une stratégie de développement initiée et assumée par les pays caribéens mais

plutôt de conditionnalités proposées ou imposées par leurs partenaires extérieurs.

12Les pays de la Caricom sont tous membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à l’exception des Bahamas qui

ont le statut d’observateur. 13Pour plus de détails, voir: http://www.wipo.int/wipolex/fr/regeco_treaties/text.jsp?file_id=204027

21,7 23,4 24,527,8

32,8

21,424,8

27,832 33,8

0

5

10

15

20

25

30

35

40

2002 2003 2004 2005 2006

Exportations

Importations

Évolution des échanges commerciales entre les États -

Unis d'Amérique avec la Caraïbe

Source: Élaboration de l'Observatoire selon données du département américain

en milliards de dollars

Page 11: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

11

Quelques accords commerciaux extra-régionaux de la Caraïbe

Organisation Partenaire

commercial

Pays membres Création

Accord de

Cotonou

Union

européenne

57 pays

provenant de

l’Asie, de la

Caraïbe et du

Pacifique

Juin 2000

CARIBCAN CANADA Les pays de la

CARICOM

1986

Caribbean Basin

Centrale (CBI)

États-Unis

d’Amérique

Convention de

LOMÉ (ACP)

Union

européenne

1975

Mercosur Amérique du

Sud

Certains pays de

la CARICOM et

de l’Amérique

du Sud

1991

CAFTA-DR.

États-Unis

d’Amérique

Costa-Rica,

Salvador,

Guatemala ,

Honduras,

Nicaragua

2004

Source : Élaboration de l’Observatoire du CERFAS

Par ailleurs, le bassin Caraïbe est une destination touristique de premier plan à l’échelle

mondiale. Les flux touristiques en provenance des Etats-Unis d’Amérique et des pays européens

se concentrent principalement sur les Grandes et Petites Antilles. Il s’agit essentiellement d’un

tourisme balnéaire et d’un tourisme de croisière, particulièrement important de novembre à avril

lorsque les conditions climatiques sont plutôt défavorables dans les pays tempérés.

Le bassin Caraïbe est aussi une vaste plaque tournante des paradis fiscaux, selon plusieurs

organisations internationales en particulier l’Organisation de Coopération et de Développement

économiques (l’OCDE) et la Commission économique européenne. En juin 2015, cette dernière

a accusé 30 pays qui ne font pas assez d’efforts pour limiter l’évitement fiscal dont 16 États de la

Caraïbe. Enfin, les routes maritimes mondiales placent la Caraïbe en situation de carrefour et la

convertissent en un enjeu stratégique et économique extraordinaire : trafic Est-Ouest par le canal

de Panama et Nord-Sud entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, etc.

Page 12: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

12

IV. DES RELATIONS QUI RESTENT ASYMÉTRIQUES

En dehors de l’opposition frontale de Cuba et du Venezuela, les États de la région participent, avec

toutes les nuances, aux accords commerciaux préalablement conditionnéspar les puissances

occidentales qui sont les maîtres du jeu des échanges commerciaux. Après le tourisme international,

les produits agricoles continuent d’être une importante source de revenus pour les pays de la région.

En raison de leur faible industrialisation, la région fait face à une importante concurrence

internationale surtout avec le poids de quelques entreprises multinationales qui contrôlent l’ensemble

de la chaine alimentaire (de la production jusqu'à la consommation). D’où une très faible valeur

ajoutée pour les économies de la région.

De plus, sous l’instigation des institutions financières internationales, au premier rang desquelles se

trouvent le FMI et laBanque mondiale, des programmes d’ajustement structurel furent élaborés et

imposés aux pays en voie de développement notamment certains pays du bassin Caraïbe au début

des années 80, comme seul remède pour rééquilibrer leurs économies. Ces pays ont été ballotés

entre des solutions inappropriées et des stratégies de sortie de crise à l’élaboration desquelles ils

n’ont pas participé, de nombreux pays se sont retrouvés en marge des espaces de discussion et de

production des règles qui devaient désormais encadrer leur action. N’ayant aucun droit sur

l’orientation du projet économique de leurs peuples, ils se contentent d’écrire sous la dictée des

institutions internationales. Ainsi donc, la souveraineté économique de ces pays fut alors capturée

par un ordre international qui laissait peu de place au débat et à la production de connaissances et de

solutions endogènes et locales sur les grands enjeux économiques.

Aujourd’hui, d’autres mécanismes continuent encore de maintenir l’externalisation des décisions

politiques dans la mise en œuvre des choix nationaux de développement. Les accords, traités et

conventions signés, contribuent en général à dessaisir les pays de la région d’une grande partie de

leur droit de choisir des voies autonomes de développement. Ainsi donc, les communautés

économiques régionales pèsent peuetbénéficient d’une marge de manœuvre très faible face au géant

américain et aux puissances européennes.D’autant plus qu’ils peinent à s’organiser et à se trouver un

leader. Aujourd'hui, les États-Unis d’Amériqueexpriment leur volontédebâtir une zone de libre-

échange des Amériques (ZLEA) sur l’ensemble du continent américain, du Nord au Sud,

incluantnotamment la région Caraïbe.Les pays de la région attendent encore de voir quelles en seront

les conséquences sur les relations Caraïbe/ États-Unis d’Amérique.

Page 13: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

13

CONCLUSION

Le système de coopération que nous venons de présenter souligne et éclaire la complexité des

relations régionales dans la Caraïbe et la faible marge de manœuvre des pays de la région dans

les négociations internationales. Certes, des efforts significatifs ont été déployés en vue de la

convergence économique et de la mise en place des associations régionales telles que la

CARICOM, l’AEC ; cependant, de sérieux obstacles demeurent. Jusqu'à présent, le volume du

commerce intra-caribéen reste faible et ne représente que 10% du volume total du commerce

dans la région. La diversité des réalités nationales, la divergence des intérêts, les conflits internes

entre États, entre autres, constituent encore des entraves majeures à l’intégration régionale.

Par ailleurs, les institutionsrégionales ne se sont pas toujours donné des pouvoirs supranationaux

requis pour assurer l'exécution des décisions collectives et la convergence des politiques

communes. De plus, les États et territoires de la Caraïbe restent subordonnés à la volonté des

puissances occidentales notamment des États-Unis d’Amérique.Dans ces conditions, il est loin

d’être certain que les tentatives d’intégration régionale puissentcréer les conditions propices à la

mise en place d’une véritable coopération qui garantisse le progrès socio-économique et le bien-

être des populations de la région.

Pour autant, les associations régionales caribéennes, renforcées et réorientées dans le sens des

intérêts des pays de la région, sont incontournables pour l’avenir de la Caraïbe.

Ellesconstitueraientdes espaces de discussion et d’échanges qui leur permettraient d’affirmer sur

la scène internationale une certaine forme de solidarité régionale. Elles pourraient constituer

également des instruments efficaces pour uneintégrationrégionalechaque jour plus poussée ;

mettant ainsi un terme à leur marginalisation et leur permettant de tirer de plus grands bénéfices

du processus de la mondialisation.Ilest donc impératif que les pays de la région se donnentles

moyens de cette ambition pour restructurer leur économie et s’adapter enfin aux nouvelles

exigences des marchés globaux.Il est aussi impératif que les fils de la Caraïbe apprennent à

mieux se connaitre, à créer une nouvelle conscience caribéenne pour inventer une véritable

intégration qui garantisse le progrès et le bien-être des populations appauvries de la région.

Page 14: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

14

Bibliographie générale

Page web d’intérêt

Association des États de la Caraïbe : http://www.oecs.org/

Communauté et Marché commun de la Caraïbe : http://www.caricom.org/

Regional Statistics Caribbean Community (CARICOM) : http://www.caricomstats.org/

Rapports et Documents pour approfondir :

Bavelier Alain, Les relations économiques internationales,1997

Dharan P Ghai, problèmes actuels d'intégration économique, commerce d'Etat et pays en voie de

developpement

Jorge Heine & Leslie Manigat, The Caribbean and World Politics: Cross Currents and

Cleavages, 1988

Maurice Burac*, Henry Godard*, François Taglioni, Le bassin Caraïbe dans les Amériques

:intégration régionale ou continentale ?, disponible sur,

http://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M403/Integration.pdf

CARICOM’S INTRA-REGIONAL TRADE 2008-2013,disponible

sur,http://www.caricomstats.org/Files/Publications/CARICOM's_Intraregion_2013.pdf

(Dernière visite: 31.05.17)

CARIBBEAN COMMUNITY AND COMMON MARKET, REVISED TREATY OF CHAGUARAMAS ESTABLISHING THE CARIBBEAN COMMUNITY INCLUDING THE CARICOM SINGLE MARKET AND ECONOMY,

disponiblesur,http://www.wipo.int/wipolex/fr/regeco_treaties/text.jsp?file_id=204027

(Dernièrevisite : 31.05.17)

TAGLIONI F, « L’Association des États de la Caraïbe dans lesprocessus d’intégration régionale.

Quelle insertion pour les Départements Français d’Amérique ? », disponible

sur,https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00007523/document (Dernière visite : 31.05.17)

TAGLIONI F, « Les Dynamiques de coopération entrel’Europe et la Caraïbe », (2002),

disponible sur, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00005688 (Dernière visite: 31.05.17)

TAGLIONI F. (2000). « Les méditerranées eurafricaine et américaine :essai de comparaison »,

2000, disponible sur, https://hal-agroparistech.archives-ouvertes.fr/halshs-00005692/document

(Dernière visite : 31.05.17)

Page 15: OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA … · (Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre travail, nousretenons

15

Union Européenne, l’accord de Cotonou et le cadre financier pluri-annuel 2014-2020, disponible

sur, http://www.europarl.europa.eu/intcoop/acp/03_01/pdf/mn3012634_fr.pdf (Dernière visite:

31.05.17)

Verbit P. Gilbert, les accords commerciaux et le développement, Paris, les Editions

internationales, collection tendances actuelles, 2001

Centre de Recherche, de Réflexion, de Formation et d’Action Sociale

27, 1ère Avenue du Travail, Bois Verna

Port-au-Prince, Haïti ; BP 100 93

Tél.: (509) 4893-3139

Email: [email protected]

Page web: www.cerfashaiti.org