1
LA CARAÏBE: ENTRE INTÉGRATION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE
ET MONDIALISATION
Publié en Mai 2017
CENTRE DE RECHERCHE, DE RÉFLEXION, DE FORMATION ET D‘ACTION SOCIALE
(CERFAS)
OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DE LA COOPÉRATION
INTERNATIONALE
Bureau du Secrétariat général de la CARICOM, en Guyana
2
Sommaire • Introduction…………………………………………p.3
I. Panorama sur la région Caraïbe……………………..p.4
II. État des lieux de l’intégration régionale
de la Caraïbe………………………………….p.6
III. Aperçu des échanges intra-régionaux
de la Caraïbe ………………………….……………p.8
IV. La Caraïbe sur la scène internationale…………..….p.10
V. Des relations qui restent asymétriques……………..p.12
• Conclusion…………………………………………..p.13
3
INTRODUCTION
La montée en puissance de l’économie mondiale constituesans conteste l’un des faits marquants
de la fin du XXe siècle. Elle est en grande partie le fruitdesrévolutions technologiques
notamment l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication et du
grand développement des firmes multinationales. Par ailleurs, ce phénomène tend à briser les
frontières entre les États et à accélérer ainsi la dynamique de la coopération régionale; compte
tenu que les défis deviennent de plus en plus globaux.
Dans la Caraïbe, les paysse sont engagés résolument dans un processus
d’intégrationrégionale,manifesté dans de nouvelles politiques commerciales, de nombreuses
réformes structurelles et la création d’un grand nombre d’organismes régionaux. Ceci inaugure
une nouvelle forme d’intégration de la région dans l’économie mondiale; sous la houlette et dans
le sens des intérêts des pays occidentaux.
Dans cette perspective, plusieurs questions paraissent essentielles:Quel bilan peut-on faire
aujourd’hui desdynamiques d’intégration régionale de la Caraïbe?Quel lien réel existe-t-il entre
ces initiatives régionales et les intérêts des pays occidentaux, notamment les États-Unis
d’Amérique,l’Angleterre, l’Union Européenneet les institutions financières internationales ?Ce
processus d’intégration a-t-il permis aux pays de la régiond’accéder à plus de progrès socio-
économique, politique et culturel dans le contexte de la mondialisation ?
Ces interrogations méritent d’être agitées à un moment où des gouvernements de certains États
notamment l’Angleterre remettent en causelacoopérationrégionale.Leprésent bulletin entend
mettre en évidence l'état des lieux de l’évolution de l’intégration régionale de la Caraïbeainsi que
son interaction avec le reste du monde, plus particulièrement les pays occidentaux.
4
I. PANORAMA SUR LA RÉGION CARAÏBE
Il n’existe pas de définitiongéographique
universellement admise de la région Caraïbe. Certains
limitent l’espace caribéen à la Caraïbe insulaire
(Grandes et Petites Antilles), d’autres y ajoutent les
pays continentaux voisins. Dans le cadre de notre
travail, nousretenons quela Caraïbe regroupe les
territoires insulaires et les pays continentaux
riverainstels le Mexique, la Colombie, le Venezuela,
Belize, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Costa Rica,
Panama, etc.
L’histoire de la Caraïbecommence véritablement au XVe siècle lorsque de nombreuses
puissances européennes, en l’occurrence l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-
Bas, débarquèrent dans cette partie du monde. Elle est étroitement liée à l’extermination des
indigènes, puis à la traite négrière pratiquée par ces dernières entre le XVe et le XIXe siècle. La
fin du XIXe siècle fut marquée par l’influence des États-Unis d’Amérique qui s’emparèrent de la
plupart des administrations de la régionsurtout pour étendre et consolider leurs intérêts. Tout au
long du XXe siècle, l’instabilité politique a servi de prétexte aux autorités américaines pour
intervenir militairement dans la zone (Tableau 1). Aujourd’hui encore, la politique
expansionniste américaine est toujours de mise et répond aussi bien à des intérêts stratégiques
(doctrine de Monroe, 1823) qu’économiques.
Tableau 1 : Les différentes interventions militaires américaines dans la Caraïbe
Pays Cuba Haïti Mexique République
Dominicaine
Panama Grenade Porto-
Rico
Période 1917-
1923
1915-
1934 et
1994
1916-
1917
1916-1924 et
1965
1928-
1921 et
1964
1983 1950
Source : Élaboration de l’Observation du CERFAS
Depuis les quatre dernières décennies, la promotion du tourisme international est devenue le
secteur d’activités le plus prisé de la région.À l’heure actuelle, le tourisme constitue la principale
devise pour bon nombre de pays de la Caraïbe et évince les revenus deséconomies traditionnelles
de plantation pratiquées depuis l’époque coloniale. Toutefois, les retombées sur l’économie
locale sont relativement faibles. Par ailleurs, l’économie de la région reste soumiseauxinstabilités
des échanges mondiaux et aux menaces environnementales comme la déforestation, les aléas
climatiques, qui la guettent régulièrement.
La Caraïbe se caractérise aussi par sa grande diversité. Ceci est dûnotamment auxinfluencesde
son passé colonial. Elle offre une grande variété de statuts politiques : vingt quatre
Étatspolitiquement indépendants, des territoires dépendants de métropoles tels
5
quedesdépartementsfrançais d’outre-mer (Martinique, Guyane, la Guadeloupe etc.), des membres
duCommonwealthbritanniques, les Antilles néerlandaises et des dépendancesaméricaines telles
que les Iles Vierges américaines, Porto-Rico.Outre ces différences de statut,il existe différents
types de régimes politique : parlementaires (Commonwealth des Bahamas), présidentiels (Haïti,
République Dominicaine, Mexique), régimes à parti unique (Cuba), etc. Sur le plan linguistique,
à côté des langues autochtones (locales ou nationales), prédominentquatre langues européennes:
l'anglais, l'espagnol, le français et le néerlandais.En dépit de cette diversité, elle demeure une
zone propice à lacoopération régionale, eu égard aux préoccupations communes notamment le
faible niveau de développement socio-économique,l’étroitesse des marchés internes, le manque
de capitaux et de technologie, les réponses aux catastrophes naturelles, etc.
6
I. ÉTAT DES LIEUX DE L’INTÉGRATION RÉGIONALE DELA CARAÏBE
Les premiers projets d’intégration régionale de la Caraïbe furent élaborés au temps de la
colonisation européenne et se limitèrent aux entités administratives mises en œuvre par les
différentes métropoles. À titre d’exemple,en 1958, les colonies britanniques se sont regroupées
au sein d’une Fédération dénommée « la Fédération des IndesOccidentales » qui échoua après
quatre années de fonctionnement. Dans la décenniesuivante,des anciennes colonies,
devenuesindépendantes, tentèrent plusieurs schémas d’intégration régionale (Tableau 2). On peut
citer notamment l’Associationde libre-échange des Caraïbes(CARIFTA) précédant la
Communauté et Marché Commun de la Caraïbe (CARICOM), l’Organisation des États de la
Caraïbe Orientale (OECO), l’Association des États de la Caraïbe (AEC), etc.
De nos jours, laCaricomest l’institution la plus avancée dans la Caraïbe en matière
d’intégrationéconomique régionale. À sa création en 1973, elle comptait quatre membres
fondateurs: la Barbade, Guyana, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago.Actuellement,laCaricomest
composée dequinze États membres,cinqmembres associés, douze États d’Amérique latine et de
la Caraïbe possédant un statut d’observateur3. Ses principaux objectifs sont inscrits dans le traité
de Chaguaramasréviséle 5 juillet 2001 et visent notamment la création d’un marché et d’une
économie uniques entre les États membres4. Le marché unique de la CARICOM est fonctionnel
depuis 2006 à l’exception des Bahamas et de Montserrat, membres de la CARICOM, qui n’en
font pas partie. Cependant, l’économie unique de la Caraïbe tarde à être mise en œuvre.
1LaBanque de Développement des Caraïbes (BDC) compte 28 membres dont 19 membres de la région. 2 “…” Ces données ne sont pas disponibles 3 Pour plus de détails, voir http://193.51.134.44/ocicar/index.php?option=com_content&task=view&id=20&Itemid=44 4Pour plus de détails, voir http://www.wipo.int/wipolex/fr/regeco_treaties/text.jsp?file_id=204027
Tableau 2: Les principales institutions régionales
de coopération économique de la Caraïbe Organisation régionale
ou sous-régionale
Membres Date de création Fondements
juridiques
Siège social
OECO 10 18 juin 1981 Traité de Basse-terre Castries (Sainte Lucie)
CARICOM 15 1er août 1973 Traité de Chaguaramas Georgetown
(Guyana)
AEC 25 29 juillet 1994 Convention à Carthagène
(Colombie)
Port d’Espagne
(Trinité et Tobago)
Banque de
Développement des
Caraïbes (BDC)
191 1969 …2 Bridgetown
(Barbade)
Banque centrale de la
Caraïbe orientale
8 Octobre 1983 … Basseterre (Saint-
Christophe-et-Niévès)
PetroCaribe 18 Juin 2005 … Venezuela
7
Quelques caractéristiques des États membres de la CARICOM Pays Capitale PIB/ Per Capita
en 20155
IDH (Valeur
2014)
Antigua-et-Barbuda Saint John's 23 062,3 0.783
Bahamas Nassau 23 001,0 0.790
Barbade Bridgetown 16 405,8 0.785
Belize Belmopan 8 483,5 0.715
Dominique Roseau 10 864,5 0.724
Grenade Saint-Georges 13 558,5 0.750
Guyana Georgetown 7 521,7 0.636
Haïti Port-au-Prince 1 757,4 0.483
Jamaïque Kingston 8 872,9 0.719
Montserrat Plymouth6 … …
Sainte Lucie Castries 10 944,3 0.729
Saint-Kitts-et-Nevis Basseterre 25 088,2 0.752
Saint-Vincent-et-les-
Grenadines
Kingstown 11 139,6 0.720
Suriname Paramaribo 16 702,7 0.714
Trinité-et-Tobago Port-d'Espagne 33 308,5 0.772
Source : Élaboration de l’Observatoire du CERFAS
Par ailleurs, l'Association des États de la Caraïbe (AEC) est la deuxième grande organisation
régionale. Créée en juillet 1994, cette organisation fédère la majorité des États et territoires
baignés par la mer des Caraïbes7.D’autres institutionscomposent
également le paysage caribéen :le PetroCaribe,la Banque de
Développement de la Caraïbe, la Banque Centrale de la Caraïbe
orientale, le CARIFORUM, la CARIFIESTA,l’Organisation du
tourisme des Caraïbes (OTC), etc.
Néanmoins, les obstacles à l'intégration régionale restent
multiples. D’une part,la multiplicité des organisations
internationales parfois concurrentes ne favorise pas l'efficacité de
l’intégrationrégionale.D’autre part, leurs économies, tributaires de l’agriculture et du tourisme,
encouragent la concurrence au détriment de la complémentarité. Au-delà de ces éléments,
l’intégrationrégionale de la Caraïbe est actuellement freinée parles relations fusionnelles
qu’entretiennent certains territoires avec les anciennes puissances
coloniales.Commentimaginerque la Martinique qui est un département français ne prenne parti
pour la France dans les négociations commercialesinter-régionales? Face à ces barrières
multiples, les institutionsrégionales sont loin de réaliser le pari d’une intégration régionale
poussée et de garantir les intérêts des pays de la région.
5Selon la Banque Mondiale. Pour plus de détails, voir
http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.PP.CD?view=chart 6 En 1997, la capitale de Montserrat, Plymouth, a été abandonnée en raison de l’activité volcanique. Des bâtiments
gouvernementaux provisoires ont été construits à Brades. 7 Pour plus de détails, voir le texte intégral de la Convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe, http://www.acs-
aec.org/index.php?q=fr/documents/legal/1994/la-convention-creant-lassociation-des-etats-de-la-caraibe
Siège du Secrétariat de l'Association des États de la Caraïbe .Crédit Photo : ACS
8
II. APERÇU DES ÉCHANGES INTRA-RÉGIONAUX DE LA CARAÏBE
Si l’on s’en tient aux chiffres fournis par la CARICOM8, les États membres ont connu une
période de stagnation de l’activité économique dans les années 70-80. Dans les années 90-2000,
elle a connu une période de revitalisation et de croissance. Au niveau de son marché interne, les
exportations intra-régionales sont passées de 1,37 milliard de dollars américains en 1990 à 3,32
milliards de dollars américains en 2000. Les importations intra-régionales, en proportion des
importations totales, sont passées de 10 % en moyenne de 1990 à 1997 à 12,3 % en 1999 pour
baisser à 11,1 % en 20009.
Les importations et les exportations intra-régionales sont fortement concentrées dans les secteurs
liés aux ressources naturellesà quelques exceptions près de Trinité et Tobago qui exporte le
pétrole10. Celles-ci ont représenté́ plus de 80 pour cent du total des exportations des quinze
dernières années. Il s'agit en partie d'un héritage du modèle de spécialisation développé à
l'époque coloniale, modèle extractif et tourné vers l'extérieur, qui n'a pas favorisé la
diversification de la base productive des pays de la Caraïbe, ni le développement de liens
commerciaux étroits entre eux.. Du fait que les pays de la Caraïbe aient les mêmes productions
agricoles, ils n’ont pas grand-chose à échanger entre eux.Ainsi donc, les échanges intra-
régionaux demeurent particulièrement faibles11.
8 Nous avons choisi d’aborder cette section en utilisant les données statistiques de la Caricom, étant donné qu’elle est la plus
grande organisation régionale économique. Toutefois, il existe d’autres types d’échanges commerciaux. 9 Pour plus de details, voir 10Les échanges internes sont composés à 70 % par des livraisons pétrolières. 11CARICOM’S INTRA-REGIONAL TRADE 2008-
2013,http://www.caricomstats.org/Files/Publications/CARICOM's_Intraregion_2013.pdf
9
Globalement, l’intégration régionale économiqueabénéficié de la croissance des échanges intra-
régionaux en facilitant notamment un accèsaux marchés internes. Toutefois, l’intégration
régionale dans la Caraïbe mérite d’être plus poussée. Plusieurs raisons expliquent cette faible
intégration.Les États membres de la CARICOM ne jouissent pas de manière équitable de tous les
privilèges accordés. Au moment de l’entrée en vigueur du marché unique, le 1er janvier 2006,
trois États-membres de la CARICOM, Les Bahamas, Montserrat et Haïti, n’ont pu bénéficier du
passeport de la CARICOM, restreignant ainsi la mobilité régionale de leurs ressortissants. De
plus, des États membres de la CARICOM, ne font pas partie du Marché commun de la Caraïbe.
À ce titre, on peut citer les Bahamas. D’autre part, l’intégration régionale fait face à un problème
d’exclusion. Des pays de la Caraïbe, la République Dominicaine et Cuba, densément peuplés et
ayant un niveau de développement économique avancé, ne font pas partie de la CARICOM.Cette
faible intégration s’explique aussi par l’existence de régimes fiscaux largement assis sur les
droits de douanes. En effet, les relations entre les États sont compliquées par des litiges
frontaliers, souvent liés à des enjeux économiques (droits de pêche) et des questions migratoires.
10
III. LA CARAÏBE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE
Alors qu’ils poursuivent l'agenda de l'intégration régionale, les pays du CARICOM ainsi que
d’autres pays de la région caribéenne bénéficient toujours d’un traitement préférentiel12. Profitant
de leur positiondominante et de leur proximitégéographique, les Etats-Unis d’Amérique
maintiennent leur prépondance dans les échangescaribéennes àtravers la multiplication d’accord
de partenariat: Caribbean Basin Initiative (CBI) lancé en 1982, Caribbean Basin
EconomicRecoveryAct (CBERA) en 1983, le Caribbean Basin Trade PartnershipAct(CBTPA)
en 2000, l’Initiative du Bassin de la Caraïbe en 2004, le CAFTA-DR avec la République
Dominicaine en 2007. La part de marché à l’importationcaribéenne reste à un haut niveau, alors
que la part des exportationscaribéennes gagne à un niveau modeste. De même, l’Union
Européenne, maintient des préférences commerciales unilatérales avec 16 pays de la Caraïbe
membres des pays dits ACP (Asie Caraïbe Pacifique) au terme de l’accord de Cotonou, signé en
l’an 2000 et révisé en 201013.
Toutefois, ces avantages ne sont pas suffisants pour promouvoir atténuer les handicaps dont
souffrent les exportateurs de la région. Ceci est dû en partie aux règles d’origine que doivent
respecter les pays de la région Caraïbe pour bénéficier du traitement tarifaire préférentiel. Elles
relèvent non pas d'une stratégie de développement initiée et assumée par les pays caribéens mais
plutôt de conditionnalités proposées ou imposées par leurs partenaires extérieurs.
12Les pays de la Caricom sont tous membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à l’exception des Bahamas qui
ont le statut d’observateur. 13Pour plus de détails, voir: http://www.wipo.int/wipolex/fr/regeco_treaties/text.jsp?file_id=204027
21,7 23,4 24,527,8
32,8
21,424,8
27,832 33,8
0
5
10
15
20
25
30
35
40
2002 2003 2004 2005 2006
Exportations
Importations
Évolution des échanges commerciales entre les États -
Unis d'Amérique avec la Caraïbe
Source: Élaboration de l'Observatoire selon données du département américain
en milliards de dollars
11
Quelques accords commerciaux extra-régionaux de la Caraïbe
Organisation Partenaire
commercial
Pays membres Création
Accord de
Cotonou
Union
européenne
57 pays
provenant de
l’Asie, de la
Caraïbe et du
Pacifique
Juin 2000
CARIBCAN CANADA Les pays de la
CARICOM
1986
Caribbean Basin
Centrale (CBI)
États-Unis
d’Amérique
Convention de
LOMÉ (ACP)
Union
européenne
1975
Mercosur Amérique du
Sud
Certains pays de
la CARICOM et
de l’Amérique
du Sud
1991
CAFTA-DR.
États-Unis
d’Amérique
Costa-Rica,
Salvador,
Guatemala ,
Honduras,
Nicaragua
2004
Source : Élaboration de l’Observatoire du CERFAS
Par ailleurs, le bassin Caraïbe est une destination touristique de premier plan à l’échelle
mondiale. Les flux touristiques en provenance des Etats-Unis d’Amérique et des pays européens
se concentrent principalement sur les Grandes et Petites Antilles. Il s’agit essentiellement d’un
tourisme balnéaire et d’un tourisme de croisière, particulièrement important de novembre à avril
lorsque les conditions climatiques sont plutôt défavorables dans les pays tempérés.
Le bassin Caraïbe est aussi une vaste plaque tournante des paradis fiscaux, selon plusieurs
organisations internationales en particulier l’Organisation de Coopération et de Développement
économiques (l’OCDE) et la Commission économique européenne. En juin 2015, cette dernière
a accusé 30 pays qui ne font pas assez d’efforts pour limiter l’évitement fiscal dont 16 États de la
Caraïbe. Enfin, les routes maritimes mondiales placent la Caraïbe en situation de carrefour et la
convertissent en un enjeu stratégique et économique extraordinaire : trafic Est-Ouest par le canal
de Panama et Nord-Sud entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, etc.
12
IV. DES RELATIONS QUI RESTENT ASYMÉTRIQUES
En dehors de l’opposition frontale de Cuba et du Venezuela, les États de la région participent, avec
toutes les nuances, aux accords commerciaux préalablement conditionnéspar les puissances
occidentales qui sont les maîtres du jeu des échanges commerciaux. Après le tourisme international,
les produits agricoles continuent d’être une importante source de revenus pour les pays de la région.
En raison de leur faible industrialisation, la région fait face à une importante concurrence
internationale surtout avec le poids de quelques entreprises multinationales qui contrôlent l’ensemble
de la chaine alimentaire (de la production jusqu'à la consommation). D’où une très faible valeur
ajoutée pour les économies de la région.
De plus, sous l’instigation des institutions financières internationales, au premier rang desquelles se
trouvent le FMI et laBanque mondiale, des programmes d’ajustement structurel furent élaborés et
imposés aux pays en voie de développement notamment certains pays du bassin Caraïbe au début
des années 80, comme seul remède pour rééquilibrer leurs économies. Ces pays ont été ballotés
entre des solutions inappropriées et des stratégies de sortie de crise à l’élaboration desquelles ils
n’ont pas participé, de nombreux pays se sont retrouvés en marge des espaces de discussion et de
production des règles qui devaient désormais encadrer leur action. N’ayant aucun droit sur
l’orientation du projet économique de leurs peuples, ils se contentent d’écrire sous la dictée des
institutions internationales. Ainsi donc, la souveraineté économique de ces pays fut alors capturée
par un ordre international qui laissait peu de place au débat et à la production de connaissances et de
solutions endogènes et locales sur les grands enjeux économiques.
Aujourd’hui, d’autres mécanismes continuent encore de maintenir l’externalisation des décisions
politiques dans la mise en œuvre des choix nationaux de développement. Les accords, traités et
conventions signés, contribuent en général à dessaisir les pays de la région d’une grande partie de
leur droit de choisir des voies autonomes de développement. Ainsi donc, les communautés
économiques régionales pèsent peuetbénéficient d’une marge de manœuvre très faible face au géant
américain et aux puissances européennes.D’autant plus qu’ils peinent à s’organiser et à se trouver un
leader. Aujourd'hui, les États-Unis d’Amériqueexpriment leur volontédebâtir une zone de libre-
échange des Amériques (ZLEA) sur l’ensemble du continent américain, du Nord au Sud,
incluantnotamment la région Caraïbe.Les pays de la région attendent encore de voir quelles en seront
les conséquences sur les relations Caraïbe/ États-Unis d’Amérique.
13
CONCLUSION
Le système de coopération que nous venons de présenter souligne et éclaire la complexité des
relations régionales dans la Caraïbe et la faible marge de manœuvre des pays de la région dans
les négociations internationales. Certes, des efforts significatifs ont été déployés en vue de la
convergence économique et de la mise en place des associations régionales telles que la
CARICOM, l’AEC ; cependant, de sérieux obstacles demeurent. Jusqu'à présent, le volume du
commerce intra-caribéen reste faible et ne représente que 10% du volume total du commerce
dans la région. La diversité des réalités nationales, la divergence des intérêts, les conflits internes
entre États, entre autres, constituent encore des entraves majeures à l’intégration régionale.
Par ailleurs, les institutionsrégionales ne se sont pas toujours donné des pouvoirs supranationaux
requis pour assurer l'exécution des décisions collectives et la convergence des politiques
communes. De plus, les États et territoires de la Caraïbe restent subordonnés à la volonté des
puissances occidentales notamment des États-Unis d’Amérique.Dans ces conditions, il est loin
d’être certain que les tentatives d’intégration régionale puissentcréer les conditions propices à la
mise en place d’une véritable coopération qui garantisse le progrès socio-économique et le bien-
être des populations de la région.
Pour autant, les associations régionales caribéennes, renforcées et réorientées dans le sens des
intérêts des pays de la région, sont incontournables pour l’avenir de la Caraïbe.
Ellesconstitueraientdes espaces de discussion et d’échanges qui leur permettraient d’affirmer sur
la scène internationale une certaine forme de solidarité régionale. Elles pourraient constituer
également des instruments efficaces pour uneintégrationrégionalechaque jour plus poussée ;
mettant ainsi un terme à leur marginalisation et leur permettant de tirer de plus grands bénéfices
du processus de la mondialisation.Ilest donc impératif que les pays de la région se donnentles
moyens de cette ambition pour restructurer leur économie et s’adapter enfin aux nouvelles
exigences des marchés globaux.Il est aussi impératif que les fils de la Caraïbe apprennent à
mieux se connaitre, à créer une nouvelle conscience caribéenne pour inventer une véritable
intégration qui garantisse le progrès et le bien-être des populations appauvries de la région.
14
Bibliographie générale
Page web d’intérêt
Association des États de la Caraïbe : http://www.oecs.org/
Communauté et Marché commun de la Caraïbe : http://www.caricom.org/
Regional Statistics Caribbean Community (CARICOM) : http://www.caricomstats.org/
Rapports et Documents pour approfondir :
Bavelier Alain, Les relations économiques internationales,1997
Dharan P Ghai, problèmes actuels d'intégration économique, commerce d'Etat et pays en voie de
developpement
Jorge Heine & Leslie Manigat, The Caribbean and World Politics: Cross Currents and
Cleavages, 1988
Maurice Burac*, Henry Godard*, François Taglioni, Le bassin Caraïbe dans les Amériques
:intégration régionale ou continentale ?, disponible sur,
http://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M403/Integration.pdf
CARICOM’S INTRA-REGIONAL TRADE 2008-2013,disponible
sur,http://www.caricomstats.org/Files/Publications/CARICOM's_Intraregion_2013.pdf
(Dernière visite: 31.05.17)
CARIBBEAN COMMUNITY AND COMMON MARKET, REVISED TREATY OF CHAGUARAMAS ESTABLISHING THE CARIBBEAN COMMUNITY INCLUDING THE CARICOM SINGLE MARKET AND ECONOMY,
disponiblesur,http://www.wipo.int/wipolex/fr/regeco_treaties/text.jsp?file_id=204027
(Dernièrevisite : 31.05.17)
TAGLIONI F, « L’Association des États de la Caraïbe dans lesprocessus d’intégration régionale.
Quelle insertion pour les Départements Français d’Amérique ? », disponible
sur,https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00007523/document (Dernière visite : 31.05.17)
TAGLIONI F, « Les Dynamiques de coopération entrel’Europe et la Caraïbe », (2002),
disponible sur, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00005688 (Dernière visite: 31.05.17)
TAGLIONI F. (2000). « Les méditerranées eurafricaine et américaine :essai de comparaison »,
2000, disponible sur, https://hal-agroparistech.archives-ouvertes.fr/halshs-00005692/document
(Dernière visite : 31.05.17)
15
Union Européenne, l’accord de Cotonou et le cadre financier pluri-annuel 2014-2020, disponible
sur, http://www.europarl.europa.eu/intcoop/acp/03_01/pdf/mn3012634_fr.pdf (Dernière visite:
31.05.17)
Verbit P. Gilbert, les accords commerciaux et le développement, Paris, les Editions
internationales, collection tendances actuelles, 2001
Centre de Recherche, de Réflexion, de Formation et d’Action Sociale
27, 1ère Avenue du Travail, Bois Verna
Port-au-Prince, Haïti ; BP 100 93
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