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17 février 2012 Strasbourg / Ochem et Solunto jouent Tarkos à Pôle Sud Les mots sont une musique Philippe Ochem et Frédéric Solunto y ont rendu hommage à l’une des figures de la poésie française contemporaine, décédée en 2004 : Christophe Tarkos. Ayant eu à se dévêtir des apparences, ayant eu tout entier à passer sous la porte pour ne plus ressurgir qu’en parole virevoltante, le comédien Frédéric Solunto pénètre sur le devant de la scène, ne trouvant plus rien à quoi se raccrocher que des parcelles d’obscurité et la prodigalité de son dire. En ce sens, et cela fonde l’insoutenable de la beauté, sa logorrhée est un transport, une explosion. « Ma divagation se laisse transporter au-delà des bornes de mon esprit », nous dit Tarkos et il nous faut céder à ce départ, tout relâcher. La pâte du poème – la pâte-mot – gonfle, elle est bonne à manger, elle est bonne comme « l’amour est bon », elle est une boisson : « L’amour est un café liquide gazeux ». Il est ainsi, Frédéric Solunto, généreux de son art et de sa personne. Il fallait le voir aller et venir sur la scène, regarder – ou pas – les spectateurs, empoigner les mots de Tarkos avec sa voix et son corps. Dans ses œuvres, le poète

Ochem et Solunto jouent Tarkos

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Article paru dans les DNA le 17 février 2012

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17 février 2012

Strasbourg / Ochem et Solunto jouent Tarkos à Pôle SudLes mots sont une musique

Philippe Ochem et Frédéric Solunto y ont rendu hommage à l’une des figures de la poésie française contemporaine, décédée en 2004 : Christophe Tarkos.

Ayant eu à se dévêtir des apparences, ayant eu tout entier à passer sous la porte pour ne plus ressurgir qu’en parole virevoltante, le comédien Frédéric Solunto pénètre sur le devant de la scène, ne trouvant plus rien à quoi se raccrocher que des parcelles d’obscurité et la prodigalité de son dire.

En ce sens, et cela fonde l’insoutenable de la beauté, sa logorrhée est un transport, une explosion. « Ma divagation se laisse transporter au-delà des bornes de mon esprit », nous dit Tarkos et il nous faut céder à ce départ, tout relâcher. La pâte du poème – la pâte-mot – gonfle, elle est bonne à manger, elle est bonne comme « l’amour est bon », elle est une boisson : « L’amour est un café liquide gazeux ».

Il est ainsi, Frédéric Solunto, généreux de son art et de sa personne. Il fallait le voir aller et venir sur la scène, regarder – ou pas – les spectateurs, empoigner les mots de Tarkos avec sa voix et son corps. Dans ses œuvres, le poète s’emploie à souligner les contours de sa langue pour mieux les dépasser. Message reçu !

Frédéric Solunto prend magistralement toute la lumière sur scène, mais n’oublions pas le pianiste.

À l’écoute, on comprend le gros travail de Philippe Ochem qui, dans une mise en jeu discrète, tente de donner à lire une véritable partition en des interventions maîtrisées et avisées. Le musicien donne à la parole une seconde pulsation, fluide et accidentée à la fois.

Un dialogue imaginaire entre la poésie et le souffle, en tentative ici réussie de mélanger la vraie et grande poésie au jazz. Une manière de transe s’invente là. En un tourbillon du sens. Joël Isselé