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warn warn warn OCTOBER 2018 Policy Brief 2018 Présidentielle du Senegal 24 Février 2019 au Senegal Contexte d'une élection à « hauts risques »

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warnwarnwarnOCTOBER 2018Policy Brief

2018

Présidentielle du

Senegal24 Février 2019 au Senegal Contexte d'une élection à « hauts risques »

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WEST AFRICA NETWORK FOR PEACEBUILDING

WARN POLICY BRIEF OCT. 2018

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

du 24 Février 2019 au Sénégal

ENJEUX ET DÉFIS POUR UN SCRUTIN TRANSPARENT, CRÉDIBLE ET APAISÉ.

1- Contexte d'une élection à ''hauts risques''

Le rendez-vous électoral du Sénégal se prépare dans un

climat de tension sur fonds de désaccords aussi profonds

qu'ils ne l'ont jamais été, depuis la présidentielle de l'an

2000 qui a consacré la première alternance pacifique et

démocratique. Toutes les concertations initiées par le

pouvoir en place dans le cadre de la préparation de cette

élection ont été boycottées par une partie de l'opposition.

Au regard de tout cela et des actes posés par les deux

camps, aussi bien de la majorité que de l'opposition, y a-t-il

encore une opportunité pour la médiation ? On pourrait se

poser légitimement la question lorsque le Président de la

République, Macky Sall, à l'occasion de la prière de l'Aïd El-

Kebir (Tabaski, août 2018 ) déclare qu'il ne reste plus qu'à

aller à l'élection dans l'impossibilité de dialoguer. Dès Lors,

le contexte qui précède cet important rendez-vous

électoral est loin d'être apaisé compte tenu des vives

tensions au sein de la classe politique avec notamment des

divergences sur la conduite du processus électoral. Cette

situation est accentuée par les controverses politico-

judiciaires sur l'éventualité ou la recevabilité de la

Macky Sall¹, Président de la République du Sénégal, 05 Janvier 2016

candidature de potentiels adversaires du Président de la

République sortant qui ambitionne de rempiler pour un

second mandat.

1 https://news.sen360.sn/uploads/2018/01/levee-du-blocage-du-dialogue-politique-a-cause-de-l-039-absence-de-la-confiances-entre-pouv oir-et-acteurs-politiques-la-societe-civile-instruit-macky-953475.jpg

Le réseau ouest africain d'alerte précoce et de

réponse (WARN) fait partie intégrante du

programme de prévention et d'édification de la

paix de l'Afrique de l'Ouest, co-coordonné par le

Réseau Ouest-Africain pour l'Édification de la

Paix (WANEP). A travers son programme WARN,

WANEP a établi un réseau d'alerte précoce et de

réponse basé sur la société civile en Afrique, qui

Réseau Ouest Africain d'Alerte Précoce et de Réponse (WARN)

met l'accent sur la sécurité humaine. WARN couvre

l'ensemble de la zone de la Communauté

Économique des États de l'Afrique de l'Ouest

(CEDEAO).

Depuis 2002, WANEP a un accord avec la CEDEAO à

travers la signature d'un protocole dans le cadre du

renforcement des capacités en matière de

prévention des conflits. L'un des objectifs de cet

accord est de servir d'interface entre WARN et le

système d'alerte précoce de la CEDEAO afin

d'optimiser la prévention des conflits par l'alerte

précoce en Afrique de l'Ouest. Depuis avril 2003,

WANEP tient un bureau de liaison au département

d'alerte précoce de la CEDEAO à Abuja, au Nigéria.

Reconnaissant le rôle et les réalisations du Réseau Ouest-Africain pour l'édification de la Paix (WANEP) dans la prévention des conflits et la consolidation de la

paix en Afrique, en particulier en Afrique de l'Ouest, le Conseil Économique et Social des Nations Unies, lors de sa session de 2006, a accordé à WANEP le statut

consultatif spécial pour les Nations Unies. WANEP est dès lors mandaté pour désigner des représentants officiels auprès des Nations Unies à New York,

Genève et Vienne, afin de renforcer ses stratégies de plaidoyer et de sensibilisation pour la paix et la sécurité humaine.

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SENEGAL

3

La loi sur le parrainage², très controversée du reste, est

venue compliquer la situation, avec les incertitudes et

suspicions qui pèsent sur les modalités d'application de ce

système de sélection, qui comporte des risques

d'élimination de certains candidats, du fait de la complexité

de cette opération qui porte en elle les germes d'un

contentieux pré-électoral, dont personne ne peut prévoir

les conséquences. Le principal parti d'opposition en

l'occurrence le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) et ses

alliés, ainsi que d'autres partis, continuent de récuser le

Ministre de l'Intérieur, Monsieur Aly Ngouye Ndiaye,

soupçonné d'être partisan et incapable de neutralité, du

fait de son appartenance au parti au pouvoir. Malgré les

contraintes du système de parrainage, les déclarations de

candidature se multiplient avec un chiffre avoisinant la

quarantaine. Ainsi, à l'occasion de la réunion convoquée le

27 aout dernier par le Ministre chargé des élections pour la

remise des formulaires de collecte de signatures, près de

quatre-vingts (80) coordonnateurs nationaux se sont

présentés avant que le chiffre n'évolue pour dépasser la

centaine.

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DU 24 FÉVRIER 2019

Dakar, le 05 Septembre 2018³ : Manifestation de l'opposition sénégalaise pour réclamer l'organisation d'une élection transparente, plusieurs leaders malmenés et arrêtés

Ce contexte est aggravé par les difficultés sociales et

économiques que le Sénégal vit du fait de plusieurs

facteurs dont la crise financière aiguë, caractérisée par une

dette intérieure⁴ très lourde, qui plombe la marche des

affaires causant l'arrêt de plusieurs chantiers au niveau des

infrastructures de la nouvelle ville de Diamniadio et la

construction de routes. Les fortes perturbations qui ont

marqué le front social avec de multiples contestations et

grèves dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de la

justice sur fond de revendications salariales ou matérielles

pèseront sur l 'élection présidentiel le . D'autres

phénomènes comme les problèmes d'approvisionnement

en eau⁵ de plusieurs quartiers de la capitale, les

controverses dans le secteur du commerce et de la

distribution relativement à la présence de grandes firmes

étrangères ont contribué à accentuer le mécontentement

des populations. La mauvaise campagne arachidière de

l'année 2018 ainsi que les retards pluviométriques

inquiétants de cette année ont fortement fragilisé le

monde rural où la situation alimentaire s'est beaucoup

détériorée avec près de 750.000 ménages menacés par la

famine⁶ (chiffres officiels du gouvernement). A cela

s'ajoute la difficulté, pour le pouvoir sortant, de trouver une

solution à la lancinante question du chômage des jeunes

car, en effet, c'est par centaines voire par milliers que les

jeunes empruntent les pirogues ou le désert pour tenter de

rallier l'Europe via le Maroc ou la Libye. Le rapport annuel

de Amnesty International de 2018 qui a épinglé le Sénégal

s u r l a q u e s t i o n d e s d r o i t s d e l ' h o m m e e t

l'instrumentalisation de la justice est venu ternir l'image de

la classe dirigeante aux affaires.

2 Le parrainage existait déjà dans le système électoral sénégalais ; mais il était appliqué uniquement aux candidats indépendants sur la base de la fourniture d'une liste de 10.000 signatures appuyant toute candidature indépendante. C'est à la suite de la pléthore de listes enregistrées aux élections législatives de juillet 2017 (47 listes) que le parrainage citoyen a été introduit dans notre dispositif avec l'extension de l'obligation de l'appui de 0,8 % à 1% des électeurs inscrits dans le fichier général (soit environ 52 000 signatures, réparties dans au moins sept des 14 régions du pays, à raison de 2 000 par région au minimum), comme condition de recevabilité pour tout candidat qu'il soit présenté par un parti politique légalement constitué, une coalition de parti ou un candidat indépendant. L'introduction de ce système de parrainage a fait l'objet d'une révision constitutionnelle votée par l'Assemblée Nationale le 19 avril 2018.Tout candidat doit désigner un coordonnateur national chargé de superviser la collecte des signatures ; il doit désigner des délégués régionaux et des collecteurs. Son nom et le numéro de sa carte d'électeur ainsi que celui des collecteurs doit figurer sur les formulaires de parrainage prévue à cet effet afin d'assurer la traçabilité des opérations de collecte.3 https://klinfos.com/wp-content/uploads/2018/09/D%C3%A9thi%C3%A9-Fall-Manifestation-.jpg.jpg4 Le montant de la dette intérieure est estimé autour de 800 milliards selon certains opérateurs économiques, chiffre que réfute le Ministère des finances qui parle de 400 milliards environ. Rien que dans le secteur du BTP, les syndicats avancent le chiffre de 180 milliards.5 Sur les difficultés d'approvisionnement en eau, la Société Des Eaux confrontée à des difficultés a lancé d'importants programmes de réhabilitation de forages, de renforcement de la capacité de la station de Keur Momar Sarr avec ce qu'il est convenu d'appeler KMS 3 ainsi que le programme de dessalement de l'eau de mer au niveau des mamelles.6 http://www.rewmi.com/750-000-personnes-menaces-de-famine-entre-matam-podor.html

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SENEGAL ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DU 24 FÉVRIER 2019

Des bus de la Compagnie de transport public Dakar Dem Dikk incendiés par des manifestants

contre la loi du parrainage. Dakar, 19 Avril 2018⁷.

En plus de ces questions, on assiste depuis quelques

semaines à des escalades verbales, venant aussi bien du

pouvoir que de l'opposition, qui n'augurent rien de bon et

qui pourraient installer le Sénégal dans une crise politique

sans précédent. Publiquement, le Parti Démocratique

Sénégalais (PDS) à annoncer son intention d'empêcher la

tenue de l'élection présidentielle si son candidat Karim

WADE⁸ n'est pas admis à se présenter.

Ces quelques éléments d'analyse de la situation politique,

sociale et économique vont, à n'en pas douter, impacter le

déroulement de l'élection présidentielle, qui est présentée

par beaucoup d'analystes comme une élection à hauts

risques, du fait de la montée des périls et des

questionnements, à cause de la cristallisation des positions

et de la radicalisation croissante de l'opposition.

C'est dans ce contexte de vives tensions, d'incertitudes et

de doutes pour les uns et pour les autres que l'élection

présidentielle du 24 février 2019 se prépare; élection dont

l'enjeu principal tourne autour de l'organisation du scrutin

dans le calme et la transparence, afin de préserver la

stabilité politique et sociale du

pays pour la consolidation de la

démocratie et de l'état de droit.

2- L'analyse des forces en

présence

Toutes les candidatures déclarées

ou annoncées n'ont pas la même

côte de popularité au regard de la

c o n fi g u r a t i o n a c t u e l l e d e

l'échiquier politique. D'un côté, il

y a les partis traditionnels qui ont

longtemps dominé la scène

politique mais qui, à cause de

scissions et d'exclusions, ont fait

naître de leurs flancs des formations devenues assez

représentatives. De l'autre côté, on a assisté à l'émergence

de nouvelles formations politiques porteuses d'un

discours assez nouveau et incarnées par des leaders qui,

en si peu de temps, ont su se frayer un chemin dans

l'espace politique. A côté de ces partis, des mouvements

investissent le terrain et sont dirigés par des leaders et

personnalités qui ont occupé des fonctions soit dans les

gouvernements précédents soit dans la haute

administration. Des hommes d'affaires y figurent aussi.

a) Une mouvance présidentielle aux manettes

Elle a son candidat naturel en l'occurrence le Président

Macky Sall, candidat à sa propre succession et regroupe

plus d'une soixantaine de partis et mouvements de

soutien. Sa volonté affichée de briguer un second mandat

lui vaut d'être accusé de vouloir écarter ses principaux

challengers comme Karim Wade⁹ et Khalifa Sall¹⁰ maire de

la capitale, après avoir renoncé, après avis du Conseil

Constitutionnel, à la réduction de son mandat pour lequel

il avait été élu pour 7 ans à 5 ans, conformément à un

7 http://afriquemidi.com/wp-content/uploads/2018/04/4-696x391.jpg8 Pour rappel le fils de l'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade est jugé depuis le 31 juillet 2014 devant la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) pour avoir s'être enrichi de manière illicite de près de 117 milliards de Francs CFA grâce à des montages financiers complexes durant le magistère de son père. Karim Wade, a été libéré en juin 2016 par grâce présidentielle, après avoir été condamné un an plutôt à six ans d'emprisonnement. A sa sortie de prison, l'ancien Ministre a quitté Dakar par vol spécial, en compagnie de Me Madické Niang et du Procureur général du Qatar9 Karim Wade a été attrait devant la Cour de Répression de l'Enrichissement illicite (CREI) qui impose aux personnes incriminées à travers le renversement de la charge de la preuve de justifier l'origine licite de leurs biens. C'est pour cette raison que Karim Wade a été arrêté, jugé et condamné à une peine de 6 ans de prison et au remboursement du préjudice subi par l'État. Après avoir purgé 3 ans, il bénéficiera d'une grâce présidentielle après de nombreuses pressions et à l'intervention de l'émir du Qatar, pays où il sera exilé après sa libération. Officiellement il n'est pas empêché de revenir au Sénégal mais les autorités brandissent à chaque fois qu'il envisage de rentrer, le remboursement de la somme de 138 milliards dû à l'État solidairement avec ses co-inculpés. 10 Pour Khalifa Sall, son arrestation entre dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la gestion de la caisse d'avance de la mairie de Dakar pour laquelle il est poursuivi pour un détournement de 1,8 milliards de francs sur la base de fausses factures d'achats de riz et mil. Condamné en première instance à une peine de 5 ans de prison assorti d'une amende et de la confiscation du 1/5 de ses biens, la Cour d'Appel vient de confirmer le jugement rendu en première instance avec en plus le remboursement à l'État constitué partie civile du montant incriminé. Un 31 Aout 2018 vient de mettre fin à ses fonctions de maire. Ses avocats ont décidé de se pourvoir en cassation.

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SENEGAL ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DU 24 FÉVRIER 2019

engagement ferme et maintes fois réitéré. Même si sa

coalition affiche une assurance de gagner dès le 1er tour, au

fur et à mesure que l'on s'approche de l'échéance, une

inquiétude mal dissimulée semble la gagner et de grandes

opérations de débauchage se multiplient dans les rangs de

ses adversaires.

b) Une opposition multiple et très disparate

Elle se présente de façon très disparate et émiettée. Le Parti

Démocratique Sénégalais (PDS), du point de vue de son

score aux dernières élections législatives, en assure le

leadership, bien que s'étant allié avec d'autres partis. Ce qui

pourrait paraître comme un handicap pour le PDS, c'est

l'absence de son fondateur et secrétaire général national

Me Abdoulaye Wade et de son candidat déclaré Karim

Wade, dont l'inscription sur les listes électorales a été

rejetée par le ministère de l'intérieur en attendant l'issue du

recours déposé devant la Cour suprême.

En attendant l'aboutissement de ce dossier en justice, ce

parti doit faire face aux multiples débauchages et

ralliements de ses responsables. Cependant, en raison de

l'expérience tirée de son long séjour dans l'opposition et de

ses douze (12) années d'exercice du pouvoir, il n'aurait pas

dit son dernier mot. Toutefois, au cas où le recours devant la

juridiction suprême ne connaitrait pas de succès, le PDS

devrait se chercher un autre candidat en son sein ou

soutenir un candidat externe, ce qui risque de fragiliser

davantage ce parti. Dans tous les cas de figures, son

électorat traditionnel ainsi que les mouvements de soutien

à Karim qui essaiment dans le pays, pèseront pour

beaucoup dans la balance en faveur d'un autre candidat.

Karim Wade et Khalifa Sall : revers judiciaires pour deux ténors de l'opposition,

qui visent la présidentielle du 24 février 2019¹¹. Khalifa Sall n'est plus maire de

Dakar depuis le 5 septembre. Sa révocation par décret présidentiel lui a en effet

été directement signifié à la prison.

Pour sa part, Idrissa Seck, président du parti « Rewmi » est

candidat à cette présidentielle. Après quelques erreurs de

communication qui lui ont valu quelques déboires, il est en

train de sillonner sans relâche le pays profond. Sa récente

allégeance au guide suprême de la confrérie mouride serait

perçue par certains comme une volonté de rapprochement

pour renforcer sa position à Touba, ville sainte qui est très

convoitée par la classe politique et qui polarise un électorat

important.

Quant à « Book Guiss-Guiss » de Pape Diop, né des flancs du

PDS, son leader disposerait de moyens financiers

considérables pour l 'élection présidentielle. De son côté, le

Parti de l'Unité et du Rassemblement (PUR) du Pr. Issa

Sall qui a été la grande révélation des élections

législatives serait adossé à un mouvement religieux

influent. Le Grand Parti (GP) de Malick Gackou ainsi que

PASTEF¹² de Ousmane Sonko joueront aussi des rôles

considérables dans l'issue de cette élection.

La grande inconnue reste le cas du Maire de Dakar,

Khalifa Ababacar Sall, condamné à une peine de 5 ans de

prison et dont le dossier est toujours pendant devant la

justice ; il pourrait en cas de condamnation en appel, se

pourvoir en cassation. Si sa candidature arrivait à être

validée, il constituerait un sérieux adversaire et est

présenté, à tort ou à raison, comme le seul capable, à

part Karim Wade, de battre l'actuel Président Macky Sall;

ce qui, pour beaucoup d'observateurs, justifierait

l'acharnement sur sa personne.

c) Les autres candidats non encore alignés

D'un point de vue historique, aucun candidat non issu de

partis politiques légalement constitués n'a jamais réussi

à tirer son épingle du jeu nonobstant ce qui est

considéré comme une désaffection des citoyens vis-à-

vis des politiques. Ainsi, malgré l'impopularité de

certains candidats qui risquent d'avoir un score peu

élevé, ils compteraient en cas de second tour.

Aussi, il faut le signaler, une femme, Nafissatou Wade, se

porte candidate pour briguer la magistrature suprême

au Sénégal. Présidente Nationale de Convergence «

DEGGU JEF », elle se donne une vision d'une politique

11 https://www.senxibar.com/photo/art/grande/25058516-26543807.jpg?v=153571945212 Patriotes du Sénégal pour l'Ethique, le Travail et la Fraternité

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SENEGAL ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DU 24 FÉVRIER 2019

citoyenne pour le Sénégal. Ainsi, elle devient la première

candidate femme déclarée pour le scrutin du 24 février

2019 au Sénégal.

Nafissatou Wade¹³, surnommée la “Lionne”, a annoncé sous la Coalition « Degg

Jeuf », sa candidature à la présidentielle de 2019 au Sénégal.

d) La société civile très attendue

La société civile sénégalaise a accumulé, au fil des

échéances électorales, de l'expérience en matière

d'interventions. Elle n'a pas vocation à conquérir le pouvoir

mais son rôle réside dans sa capacité à anticiper sur les

crises politiques en gestation et à s'imposer comme force

de veille et d'alerte en s'impliquant dans la médiation et la

surveillance du processus électoral. Sur le terrain, elle

travaille deja à prévenir la crise électorale et les contentieux

qui sont perceptibles à l'horizon et surtout résister aux

positions partisanes capables de complexifier le contexte.

Aussi, les médias doivent accompagner davantage le

processus électoral tout en continuant à respecter les

règles déontologiques qui les régissent.

Alioune TINE¹⁴, Cheick FALL¹⁵ des leaders de la société civile Sénégalaise

e) Les citoyens

Ils semblent être les laissés-pour-compte des politiques

des différents régimes qui se sont succédés. Beaucoup de

promesses sont faites en leur endroit mais à l'arrivée, leurs

préoccupations ne sont pas suffisamment prises en compte

à tel point qu'elles ont tendance à ne plus accorder du

crédit aux discours de campagne des hommes politiques,

en l'absence d'une véritable politique qui mette le citoyen

au cœur du développement. Ce qui explique leur

désaffection vis-à-vis de la politique et la multiplication des

mouvements citoyens qui prônent un autre discours.

3- Les défis de la classe politique sénégalaise

Le manque de confiance et la suspicion sont les choses les

mieux partagées dans ce processus électoral. A 6 mois de

l'élection, beaucoup de désaccords persistent sur les règles

du jeu. Le fichier électoral audité récemment laisse planer,

de la part de l'opposition, de sérieux doutes quant à sa

fiabilité, au moment où des informations feraient état de

l'existence de trois (3) fichiers. Il s'y ajoute la question des

cartes d'identité biométrique faisant office de carte

d'électeur qui continuent d'alimenter la controverse en

plus des cartes issues de la dernière révision exceptionnelle

13 https://www.senegaldirect.net/tlchargement/2018/08/Nafissatou-wade-681x511.jpg https://www.senegaldirect.net/premiere-femme-candidate-a-la-presidentielle-en-2019-mais-qui-est-nafissatou-wade/14 http://xalimasn.com/wp-content/uploads/2018/09/Alioune-TINE.jpg 15 https://minujusth.unmissions.org/3-questions-à-cheikh-fall-le-célèbre-blogueur-et-cyber-activiste-sénégalais

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SENEGAL ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DU 24 FÉVRIER 2019

dont il faudra assurer la distribution dans la transparence.

Le parrainage, dont la collecte de signature vient d'être

lancée est remis sur la table, avec la décision de l'opposition

regroupée au sein du Front de Résistance Nationale (FRN)

d'attaquer devant les juridictions, l'arrêté du Ministre de

l'Intérieur sur le modèle de formulaire.

Le Front de Résistance Nationale, regroupant des forces politiques et sociales

opposées au pouvoir, lors d'une conférence de presse exigeant la libération du

député-maire de Dakar, Khalifa Sall, et la validation de l'inscription sur les listes

électorales de Karim Wade, candidat du PDS¹⁶.

La décision du Front de Résistance Nationale, regroupant

l'essentiel des forces politiques et sociales opposées au

pouvoir, de tenir des séries de manifestations de

protestation sur l'ensemble du territoire et au niveau de la

diaspora va certainement raviver la tension. Déjà, depuis

quelques semaines, on assiste à des escalades verbales

venant des deux camps. Des leçons doivent être tirées des

précedentes élections quant on sait que des centres urbains

comme Dakar, avec une forte concentration de la jeunesse

organisée en société civile et très active, a connu des

manifestations violentes ayant conduit à des morts

d'hommes aux élections de 2012. Diourbel, ou se trouve la

ville de Touba avec la confrerie mouride qui s'était

explicitement aligné du côté du PDS d'Abdoulaye Wade,

empêchait tout rassemblement en faveur d'un autre

candidat. Touba demeure une localité à hauts risques en

raison de son électorat important, sous haute influence

religieuse.

La question sécuritaire n'est pas en reste avec les

séparatistes de la Casamance qui restent un épineux

problème pour le Sénégal depuis son indépendance. Des

élections n'ont jamais pu se tenir sereinement dans cette

localité du pays.

A toutes ces questions, il faudra essayer de trouver des

solutions consensuelles dans un esprit de dépassement et

d'apaisement de part et d'autre.

4- Scenarii par rapport à l'élection du 24 février 2019

a) Une victoire au 1er tour du président sortant suivie

de troubles (probable)

Au regard du code électoral qui permet au Président

Macky Sall de briguer un second mandat et de tous les

déboires ou empêchements juridiques qui se présentent à

certains de ses principaux adversaires, ainsi que tous les

écueils et obstacles que rencontre l'opposition dans la

conduite du processus électoral, une victoire intervient dès

le 1er tour. Alimentées d'une part, par les frustrations des

populations quant à la satisfaction de leurs demandes

sociales et d'autre part, par la colère de l'opposition par

rapport à la conduite du processus électoral, les réactions

et contestations qui s'en suivent font basculer le pays dans

une ère de troubles préjudiciables à la stabilité.

b) Un second tour très tendu en lutte rangée (très

probable)

Malgré le délai trop court et la pléthore de candidats qui se

dessine, on assiste à l'émergence, au niveau de

l'opposition, de quelques pôles crédibles autour du PDS,

de Khalifa Sall, de Idrissa Seck, de Ousmane Sonko, du Pr.

Issa Sall, Pape Diop et de Malick Gackou. Profitant du

dialogue qui a timidement repris et produit quelques

résultats en matière de consensus, ces candidats disposant

d ' a p p a r e i l e x p é r i m e n t é s e t b é n é fi c i a n t d u

mécontentement général des populations mobilisent

l'électorat en vue d'empêcher le candidat Macky Sall

d'avoir 50 % l'obligeant ainsi pour un second tour (entre

2012 et les législatives de 2017, Macky Sall a perdu 16

points passant de 65 % à 49 % avec des alliés très affaiblis

par les scissions). Le Sénégal connaît alors un second tour

très tendu, caractérisé par des alliances atypiques, pour le

report des voix entre les différents camps en présence.

16 http://www.seneplus.com/sites/default/files/styles/section_hero/public/raw_photos/fnr.jpg?itok=QUbPN4V3

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SENEGAL ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DU 24 FÉVRIER 2019

c) Un passage en trouble (probable)

Au regard de la montée de la tension et des difficultés créée

par le parrainage avec les forts soupçons « d'élimination »

des candidats crédibles en vue de baliser la voie au

Président Sall, l'opposition se radicalise et multiplie les

manifestations de rue pour contraindre le pouvoir à reculer

et à créer davantage de conditions pour une élection libre

et transparente. Ces manifestations débouchent sur des

affrontements mettant en péril l'organisation du scrutin. Le

scrutin se déroule tant bien que mal. Le président sortant

Macky Sall est réélu au premier tour. Les résultats sont

contestés et engendrent d'autres manifestations. La

société civile et les institutions compétentes se mobilisent

pour le conflit post- électoral ainsi né.

Les recommandations

a) Au gouvernement

Ÿ Être plus attentif aux revendications de l'opposition sur

la conduite du processus électoral (modalités

d'application du parrainage, fichier électoral et

désignation d'une personnal ité neutre pour

l'organisation de l'élection) ;

Ÿ Continuer à observer le principe de l'égalité entre les

candidats, notamment l'égal accès aux médias d'Etat

etc. ;

Ÿ Créer les conditions pour faciliter la distribution des

cartes d'identité à tous les électeurs;

Ÿ Mettre en place un dispositif transparent de contrôle

des parrainages et signatures impliquant les

représentants de candidats et la société civile;

Ÿ Doter les organes de gestion des élections (Commission

Electorale Nationale Autonome, Direction Générale des

Elections, Conseil Constitutionnel, Ministère de

l'Intérieur) de moyens adéquats pour mener librement

et à bien leur mission ;

b) Aux partis politiques et candidats

Ÿ Accepter le dialogue et éviter de boycotter les

rencontres initiées par le pouvoir même si on n'est pas

d'accord sur la démarche ;

Ÿ Mener une campagne de collecte de signatures saine

sans verser dans la corruption et les achats de

conscience;

Ÿ S'abstenir de toutes manifestations à caractère violent

e t p r i v i l é g i e r l e d é ba t a u t o u r d e s o f f r e s

programmatiques;

Ÿ Éviter de faire des déclarations hasardeuses sur les

résultats du scrutin ou de proclamer des résultats avant

l'organe habilité;

Ÿ Informer et sensibiliser leur électorat sur le code

électoral et les procédures de vote

Ÿ S'engager à reconnaitre les résultats officiels ou à ne les

contester que par les voies légales ;

Ÿ Respecter leurs engagements consignés dans le code

de bonne conduite notamment en évitant les discours

haineux et peu courtois ;

c) Aux organisations de la société civile

Ÿ Intensifier la dynamique unitaire en vue d'un

accompagnement conséquent du processus électoral ;

Ÿ Définir un cadre de prévention et de résolution des

contentieux et conflits électoraux en gestation grâce à

la mise en place de mécanismes de médiation acceptés

par tous ;

Ÿ Mettre en place un dispositif de monitoring et de

surveillance des élections avant, pendant et après le

scrutin

Ÿ Être à équidistance des différents candidats et partis

politiques

Ÿ S'abstenir d'être des canaux d'expression de messages

de haines, d'appels à la violence… ;

Ÿ S'abstenir de proclamer les résultats avant l'organe

habilitée ;

d) Aux organes de régulation (Commission Électorale

Nationale Autonome, Conseil National de Régulation

Audiovisuel, COUR D'APPEL)

Ÿ Trancher de manière juste et équitable les litiges et

contentieux entre les candidats

Ÿ Se tenir à équidistance des différents candidats et être

neutre et impartial

Ÿ Faire son travail en toute indépendance conformément

aux prérogatives conférées par la loi.

e) Aux médias

Ÿ Continuer à assurer le traitement de l'information de

façon juste et équilibrée ;

Ÿ S'abstenir de publier des informations avant toute

vérification sur la crédibilité de la source dont elles

émanent ;

Ÿ Se garder de donner des résultats avant l'organe

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habilitée à le faire ou de donner des tendances qui

pourraient influencer les électeurs avant la fin du vote.

f) A la CEDEAO, l'UA, la communauté internationale

et aux Représentations diplomatiques

Ÿ Accompagner le processus électoral à travers (entre

autres) une observation électorale ;

Ÿ S'impliquer dans les plaidoyers auprès des parties

prenantes pour un processus électoral apaisé ;

Ÿ Appuyer les initiatives de la société civile dans le cadre

du monitoring et de la surveillance du processus

électoral

Conclusion

Avec l'élection présidentielle du 24 février 2019, le Sénégal

est à un tournant historique qui, mal négocié, pourrait se

révéler être une impasse dont le pays a su jusqu'à présent

se préserver. Les découvertes d'importantes richesses

pétrolières et gazières attisent beaucoup de convoitises

qui méritent une vigilance et une attention plus soutenue,

face aux dangers d'une déstabilisation dont il sera difficile

de se relever et qui achèverait la tranquillité légendaire du

pays, qui jusque-là a su se tenir à l'écart des conflits qui

minent la sous-région.

SENEGAL ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DU 24 FÉVRIER 2019

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OCTOBER 2018

Présidentielle du

Senegal24 Février 2019 au Senegal Contexte d'une élection à « hauts risques »