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Août 2008 Asia Brief | Optimiser la production du riz en Asie – Résultats des partenariats | page 1 ASIA BRIEF OPTIMISER LA PRODUCTION DU RIZ EN ASIE RÉSULTATS DES PARTENARIATS DDC Direction du développement et de la coopération – Section Asie orientale ÉDITORIAL La série ‘Asia Brief’ a pour objectif d’informer les acteurs du développement et le public (suisse) des dernières innovations, résultats et impacts de la coopération suisse au développement en Asie. Elle relève en particulier les actions passées et présentes menées dans le but d’améliorer l’efficacité de l’aide grâce à des partenariats entre les organisations suisses et les partenaires locaux. Les discussions et les connaissances tirées de ces expériences devraient par ailleurs contribuer à réduire l’exclusion sociale et renforcer nos efforts visant à diminuer la pauvreté de moitié en Asie d’ici 2015. Walter Meyer, Section Asie orientale UNE APPROCHE RÉGIONALE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE Le riz constitue la denrée de base de 2,7 milliards d'Asiatiques. Il leur fournit 40% des calories quotidiennes. Le défi de ces 50 dernières années a été d’assurer l'approvisionnement en riz des plus démunis à un prix abordable. En 1997, la DDC a commencé à financer un programme de partenariat – nommé Irrigated Rice Research Consortium (IRRC) – entre le Centre international de recherche sur le riz (IRRI) basé aux Philippines et 11 pays producteurs de riz d’Asie du Sud et du Sud-Est: Bangladesh, Cambodge, Chine, Inde, Indonésie, Laos, Myanmar, Sri Lanka, Vietnam, Malaisie et Philippines. Ce programme contribue à identifier les problèmes liés à la riziculture irriguée et à y remédier en développant et en testant des technologies de culture du riz et des stratégies de gestion des cultures in situ. Il met l’accent sur une utilisation plus efficace des ressources, notamment le terrain, la main d’œuvre, l’eau et les engrais, en vue d’une augmentation de la production durable et respectueuse de l’environnement. Les méthodes présentées ci-après comportent des avantages pour les paysans tant en termes économiques qu'environnementaux et ont de ce fait été adoptées par des milliers de paysans à travers l’Asie. Repiquage du riz, Philippines ‘L’alternance des phases sèches et des phases d’inondation’ (alternate wetting and drying), une pratique qui permet aux paysans de récolter la même quantité de riz en utilisant 15-30% moins d'eau. Si elle était appliquée dans toute l’Asie, la quantité d’eau économisée en une année équivaudrait à 200 fois la consommation annuelle de Paris. ‘L’ensemencement direct du riz', une alternative à la méthode habituelle de repiquage des semis: il permet d’épargner 20% de frais de main d’œuvre et 30% de frais d’eau. Le riz semé directement arrive à maturité 10-15 jours plus tôt, ce qui permet aux paysans de recultiver plus rapidement les terres et d’être plus flexibles en cas de pluies irrégulières. Les technologies post-récoltes telles que des séchoirs améliorés augmentent la valeur meunière du riz de 12-40% par rapport au riz séché au soleil. Les sacs hermétiques destinés au stockage des semis permettent également de réaliser un gain considérable. ’La gestion localisée des éléments nutritifs’ (site- specific nutrient management) a augmenté les revenus annuels nets de 100$ à 300$ par ha en Chine, Inde, Indonésie, Philippines et Vietnam. Cette innovation a conduit à l’introduction de recommandations nationales en matière de gestion des éléments nutritifs du riz irrigué. La lutte écologique contre les rongeurs diminue de moitié l’utilisation d’insecticides chimiques et augmente les récoles de près d'une demi-tonne par ha. En Indonésie, au Myanmar et au Vietnam, elle a supplanté les autres approches.

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ASIA BRIEF

OPTIMISER LA PRODUCTION DU RIZ EN ASIE RÉSULTATS DES PARTENARIATS

DDC Direction du développement et de la coopération – Section Asie orientale

ÉDITORIAL La série ‘Asia Brief’ a pour objectif d’informer les acteurs du développement et le public (suisse) des dernières innovations, résultats et impacts de la coopération suisse au développement en Asie. Elle relève en particulier les actions passées et présentes menées dans le but d’améliorer l’efficacité de l’aide grâce à des partenariats entre les organisations suisses et les partenaires locaux. Les discussions et les connaissances tirées de ces expériences devraient par ailleurs contribuer à réduire l’exclusion sociale et renforcer nos efforts visant à diminuer la pauvreté de moitié en Asie d’ici 2015.

Walter Meyer, Section Asie orientale UNE APPROCHE RÉGIONALE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE Le riz constitue la denrée de base de 2,7 milliards d'Asiatiques. Il leur fournit 40% des calories quotidiennes. Le défi de ces 50 dernières années a été d’assurer l'approvisionnement en riz des plus démunis à un prix abordable. En 1997, la DDC a commencé à financer un programme de partenariat – nommé Irrigated Rice Research Consortium (IRRC) – entre le Centre international de recherche sur le riz (IRRI) basé aux Philippines et 11 pays producteurs de riz d’Asie du Sud et du Sud-Est: Bangladesh, Cambodge, Chine, Inde, Indonésie, Laos, Myanmar, Sri Lanka, Vietnam, Malaisie et Philippines. Ce programme contribue à identifier les problèmes liés à la riziculture irriguée et à y remédier en développant et en testant des technologies de culture du riz et des stratégies de gestion des cultures in situ. Il met l’accent sur une utilisation plus efficace des ressources, notamment le terrain, la main d’œuvre, l’eau et les engrais, en vue d’une augmentation de la production durable et respectueuse de l’environnement. Les méthodes présentées ci-après comportent des avantages pour les paysans tant en termes économiques qu'environnementaux et ont de ce fait été adoptées par des milliers de paysans à travers l’Asie.

Repiquage du riz, Philippines ‘L’alternance des phases sèches et des phases d’inondation’ (alternate wetting and drying), une pratique qui permet aux paysans de récolter la même quantité de riz en utilisant 15-30% moins d'eau. Si elle était appliquée dans toute l’Asie, la quantité d’eau économisée en une année équivaudrait à 200 fois la consommation annuelle de Paris. ‘L’ensemencement direct du riz', une alternative à la méthode habituelle de repiquage des semis: il permet d’épargner 20% de frais de main d’œuvre et 30% de frais d’eau. Le riz semé directement arrive à maturité 10-15 jours plus tôt, ce qui permet aux paysans de recultiver plus rapidement les terres et d’être plus flexibles en cas de pluies irrégulières. Les technologies post-récoltes telles que des séchoirs améliorés augmentent la valeur meunière du riz de 12-40% par rapport au riz séché au soleil. Les sacs hermétiques destinés au stockage des semis permettent également de réaliser un gain considérable. ’La gestion localisée des éléments nutritifs’ (site-specific nutrient management) a augmenté les revenus annuels nets de 100$ à 300$ par ha en Chine, Inde, Indonésie, Philippines et Vietnam. Cette innovation a conduit à l’introduction de recommandations nationales en matière de gestion des éléments nutritifs du riz irrigué. La lutte écologique contre les rongeurs diminue de moitié l’utilisation d’insecticides chimiques et augmente les récoles de près d'une demi-tonne par ha. En Indonésie, au Myanmar et au Vietnam, elle a supplanté les autres approches.

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AUX ORIGINES DE LA PRODUCTION DU RIZ Tout au long de l'histoire, le riz a toujours figuré au nombre des principaux aliments de l’humanité. Il constitue la denrée alimentaire de base de près de la moitié de la population mondiale. Selon certains vestiges archéologiques, les origines du riz remonteraient à 3'000 ans av. J.-C. en Chine et en Inde. La riziculture s’étend progressivement à l'ouest, avant d'être introduite en Europe du Sud au Moyen-Âge. Au terme de la Deuxième Guerre mondiale, l’Asie traverse une grave pénurie alimentaire. En 1960, lorsque la peur de la famine s’empare de l'Asie, les fondations Ford et Rockefeller créent l'IRRI, un centre de compétence international pour le riz, à Los Banos, aux Philippines. En ce temps-là et aujourd'hui encore, le riz constitue la principale source alimentaire, d'emplois et de revenus de milliards de personnes, en particulier en Asie. Le centre est fondé alors que la population mondiale est en rapide expansion et que, parallèlement, la surface à disposition de la riziculture ne cesse de décliner. Les récoltes de riz et la production renouent avec la croissance après l’introduction de variétés modernes par l'IRRI dans les années 60. La production annuelle de l’Asie passe ainsi de seulement 200 millions de tonnes en 1961 à 600 millions en 2007, un essor connu sous le terme de révolution verte (années 70 et 80). Grâce à l'amélioration du revenu des paysans et à la baisse simultanée du prix du riz – à la faveur des consommateurs les plus démunis –, la révolution verte contribue tant directement qu’indirectement à la réduction de la pauvreté en Asie. La simple augmentation de la consommation de calories améliore la santé de 32-42 millions d'enfants asiatiques en âge préscolaire et abaisse considérablement le taux de mortalité infantile. La DDC soutient l’IRRI par le biais du programme de partenariat (IRRC) et de son projet bilatéral sur le riz au Laos. LES DÉFIS D’AUJOURD’HUI: LA CRISE DU PRIX DU RIZ Aujourd’hui, le besoin d’une seconde révolution verte se fait ressentir. Les prix du riz ont bondi de 400$ par tonne en janvier 2008 à plus de 1000$ en mai 2008. Deux des principaux exportateurs, l'Inde et le Vietnam, ont diminué leurs exportations pour être à même de répondre à la demande nationale de riz. Dans certains pays, cette situation a déclenché des émeutes et contraint les soldats à surveiller les camions de livraison pour prévenir les pillages.

De nombreux facteurs ont contribué à l’émergence de cette crise. D’une part, la population mondiale consomme davantage de riz qu’elle n’en produit, ce qui a engendré une rapide baisse des réserves au cours de ces dernières années. D’autre part, la croissance des récoltes a ralenti au point d’être désormais inférieure à la croissance de la population. La réduction de l’investissement public en recherche et en développement agricoles a encore exacerbé le problème. Nombre de gouvernements croyaient à tort que la baisse constante du prix du riz dans les années 90 était liée à l’abondance de ces céréales. Ces 10 prochaines années, la terre devra produire 50 millions de tonnes de plus qu’aujourd’hui. Or il n’y a que peu de superficie à disposition pour augmenter la riziculture. Du reste, des dizaines de milliers d’ha se perdent annuellement au profit du logement et de l'industrie. Récemment, la production de riz a également été affectée par de mauvaises infrastructures d’irrigation, l’apparition récurrente de parasites et des conditions météorologiques extrêmes. Par ailleurs, l’augmentation du prix du pétrole et des engrais n’est pas restée sans effet sur les coûts de production et de transport du riz. En réponse au renchérissement de l’engrais, son utilisation a baissé, entraînant à son tour des récoltes moins abondantes. L’IMPORTANCE DU RIZ IRRIGUÉ Le monde fait face aujourd’hui à une situation semblable à celle qui prévalait il y a 4 décennies – soit avant la révolution verte. Où se tourner dès lors pour obtenir davantage de riz? La réponse nous renvoie dans les plaines irriguées d’Asie. Ce continent compte 79 millions d’ha de plaines irriguées, qui représente que 45% des surfaces de riziculture mondiale. Il s’agit malgré tout de l’environnement le plus productif de la planète, fournissant 75% du riz mondial. Ainsi, en Asie du Sud, 1 ha de riz irrigué nourrit 48 personnes, alors que le riz pluvial ne nourrit que 13 personnes par ha. Plus de 2,7 milliards de paysans et de consommateurs asiatiques dépendent du riz irrigué. D’où l’importance d’augmenter sa production.

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IMPACT DU PARTENARIAT: AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET RÉDUIRE LES PERTES Le programme de partenariat régional a contribué à identifier les problèmes que chaque pays rencontrait lors de la riziculture irriguée et à y remédier en développant et en testant des technologies de culture du riz et des stratégies de gestion des cultures in situ. Axé sur une utilisation plus efficace des ressources, notamment le terrain, la main d’œuvre, l’eau et les engrais, il vise à augmenter la production durable et respectueuse de l’environnement. Les partenaires – des instituts de recherche et de développement – fixent l'agenda de recherche et participent au processus de recherche, lequel consiste à tester des technologies innovantes et à les adapter aux conditions locales. Une fois les technologies validées dans les champs des paysans, il s‘agit de former des instructeurs, d’élaborer des manuels et de les traduire dans les langues locales. Ce processus permet aux pays concernés par les mêmes défis de partager leurs expériences. Toutes les nouvelles technologies ne sont toutefois pas au même stade de développement dans tous les pays. PLUS DE RIZ, MOINS D’EAU L’eau est une denrée précieuse que se disputent les ménages, l’industrie et l’agriculture. On estime que le riz irrigué utilise 24-30% de l’eau douce mondiale. En Asie, plus de 80% des sources d'eau douce sont destinées à l'irrigation, et une grande partie d'entre elles le sont à l'irrigation des rizicultures. D’ici 2025, 15-20 millions d’ha de riz irrigué souffriront dans une certaine mesure de pénurie d'eau. Le riz irrigué des plaines est généralement inondé tout au long de ses stades de développement pour lutter contre l’apparition des mauvaises herbes et des ravageurs. Or des recherches ont montré que le riz nécessitait une immersion continue uniquement pendant le stade de floraison. L’alternance des phases sèches et des phases d'inondation (AWD) développée dans le cadre du partenariat consiste à laisser sécher les champs, puis à les inonder, puis à les laisser sécher encore. La quantité d’eau utilisée est moindre puisque le niveau d’eau n’atteint qu’une hauteur de 3-5 cm au lieu des 10 cm habituels. Les paysans peuvent ainsi obtenir le même rendement tout en utilisant 15-30% moins d'eau. L’eau économisée peut à son tour irriguer d’autres champs, ce qui permet au final d’augmenter la production globale.

Un tube gradué est utilisé lors de la mise en œuvre de l'AWD pour déterminer le moment d'irriguer les champs (Delta du Mékong, Vietnam) Au terme de 4 ans de recherche, de formation et de diffusion, l'AWD est désormais mis en oeuvre par des dizaines de milliers de paysans en Chine et aux Philippines. La méthode est en rapide expansion au Vietnam, en Inde, au Bangladesh, au Myanmar et en Indonésie. Outre l'eau, l'AWD permet également aux riziculteurs d'économiser le carburant des pompes à eau. Il requiert par ailleurs moins de travail et coûte 20-25% de moins. Aux Philippines, où les pénuries de riz soumettent le système politique à de fortes pressions, on estime à 40'000 le nombre de riziculteurs à avoir adopté l’AWD depuis son introduction en 2006. Si cette méthode était appliquée dans toutes les plaines irriguées d’Asie, elle permettrait d’économiser 200 km3 d’eau. A titre de comparaison, 1 km3 – 1 trillion de litres – équivaut à la consommation annuelle de Paris. En d’autres termes, l'AWD procure d’énormes avantages à l’environnement et à une culture de riz durable.

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L’ENSEMENCEMENT DIRECT, SOURCE D’ÉCONOMIES D’EAU ET DE MAIN D’ŒUVRE La plaine du Gange est une vaste terre fertile qui couvre le nord et l’est de l’Inde, les zones les plus peuplées du Pakistan et presque tout le Bangladesh. Qualifiée de «grenier» de l’Inde, elle produit la moitié du riz et du blé national. Dans cette région, les paysans font face à une augmentation des prix, une détérioration de la santé des sols, une baisse de la productivité et une pénurie de main d’œuvre en raison de l’exode rural, le tout aggravé par la dépendance à l’égard de la mousson. Le programme de partenariat tente de remédier à ces problèmes en encourageant un autre type de culture. Au lieu de repiquer les plants obtenus en pépinière puis d'inonder les champs, les grains de riz sont semés directement dans un champ mouillé mais non inondé. Cette approche, connue sous le terme d’ensemencement direct, procure davantage de flexibilité vis-à-vis de la mousson. Elle requiert moins de préparation du champ, moins d’eau et moins de travail. Elle supprime la dépendance à l’égard des pépinières et l'éventuel recours à d'anciennes semences lorsque les pluies tardent. En revanche, elle nécessite une bonne gestion des mauvaises herbes. Le riz semé directement arrive à maturité 10-15 jours avant le riz repiqué, ce qui permet aux paysans de recultiver plus rapidement leurs champs. Il s’agit d’un avantage majeur: le retard accumulé lors du repiquage du riz se reporte ensuite sur une autre culture, ce qui se traduit à son tour par des pertes au plan de la récolte et du revenu.

Le semoir à tambour sert à ensemencer directement le riz prégermé dans des terres mouillées, non inondées (Philippines) La méthode de l’ensemencement direct arrive à point nommé au Bengale (Inde) en 2007, après les pertes causées par de fortes inondations. Grâce aux 2'000 semoirs à tambour (voir encadré ci-après) distribués par des ONG, les paysans sont à même de semer directement de nouvelles cultures.

TAMBOUR BATTANT Un semoir à tambour est un outil cylindrique fabriqué à partir de plastique haute densité et destiné à faciliter l'ensemencement direct. Lorsqu’il est tiré à travers le champ mouillé, le semoir libère les semences prégermées en rangées bien parallèles. Conçu par l’IRRI, il a ensuite été rendu plus léger, meilleur marché et plus facile à utiliser grâce aux contributions de chercheurs et de fabricants vietnamiens. Source d’économie de semences mais avant tout de gain de travail, cet instrument remporte un succès croissant. Alors que 50 personnes sont nécessaires pour repiquer 1 ha de riz, seules 2 personnes sont requises par jour pour ensemencer un champ mouillé à l’aide du semoir à tambour. Comparé à un ensemencement manuel, cet outil nécessite 50–60% de semences en moins, épargne des frais de main d’œuvre et simplifie le désherbage manuel grâce à l’ensemencement en rangées. Les régions qui appliquent l'ensemencement direct et la gestion intégrée des mauvaises herbes enregistrent une augmentation des récoltes de 6% pendant la saison humide et de 16% pendant la saison sèche. APAISER LE FAIM AU NORD DU BANGLADESH Le semis direct, allié à des variétés précoces et à une gestion adéquate des mauvaises herbes, facilite les dures tâches des paysans du nord du Bangladesh. Chaque année, les paysans doivent faire face au monga – les mois de la faim – qui s’installe de fin septembre à mi-novembre, lorsque les ultra-pauvres dépourvus de terre et d’autres familles rurales attendent la moisson du riz repiqué sans aucune autre source de revenu. L’ensemencement direct permet aux paysans d'avancer leur récolte de 35 à 40 jours, de la vendre à un prix supérieur et, enfin, de cultiver d’autres denrées telles que pommes de terre, maïs ou pois chiches.

En 2006, une ONG partenaire a formé 10'000 paysans de 29 sous-districts à ces technologies, générant du travail pour 27'377 ouvriers.

Pendant la saison humide 2008, le Département de vulgarisation agricole du Bangladesh prévoit de mettre en œuvre le semis direct sur 40'000 ha pour changer l’assolement et bénéficier des autres avantages de cette méthode.

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UNE BONNE GESTION DES ÉLÉMENTS NUTRITIFS POUR DES CULTURES DE QUALITÉLa majorité des éléments nutritifs nécessaires à la croissance du riz proviennent du sol. Néanmoins, pour obtenir un rendement élevé, ces derniers ne s'y trouvent pas en suffisance. Il s’agit dès lors de compléter les besoins des plants de riz en ajoutant des éléments nutritifs sous forme de fertilisants. Souvent, par manque de connaissance, les paysans recourent aux fertilisants de manière inappropriée. Il en résulte des maladies du riz, des dommages à l’environnement et une baisse des bénéfices. La recherche liée à la gestion des éléments nutritifs a permis de développer et de propager des technologies simples pour permettre aux riziculteurs asiatiques les plus pauvres d’augmenter leur production et, donc leurs bénéfices par une meilleure utilisation des engrais.

La gestion localisée des éléments nutritifs (site-specific nutrient management SSNM) a été mise en œuvre dans divers pays d'Asie. En Chine, Inde, Indonésie, Philippines et Vietnam, l’adoption du SSNM a permis d’augmenter les revenus annuels nets de 100$ à 300$ par ha et de réduire l’utilisation des pesticides.

En 2008, les principes du SSNM ont été introduits dans un système informatique destiné à l’Indonésie, les Philippines, la Chine et le Bengale occidental (Inde). Cet outil interactif contient 10 questions à choix multiples auxquelles le conseiller agricole ou le paysan peut facilement répondre en considérant une rizière en particulier. En 2008, il a été distribué en Indonésie par l’intermédiaire de 60'000 champs-écoles paysans. Aux Philippines, il est l’un des piliers du nouveau pogramme national.

Un paysan évalue le besoin en engrais azoté à l’aide de la palette des couleurs. Cette recherche a induit d’importants changements politiques à l’échelon national en Chine et en Indonésie, affectant des millions de paysans. Au Guangdong, une province chinoise de 94 millions d’habitants et la principale province productrice de riz du pays, les autorités ont appuyé en 2007 l’adoption d’une gestion innovante des éléments nutritifs.

UN OUTIL SIMPLE ET PROPRE La palette des couleurs est un outil qui a été développé dans le but de déterminer les besoins en azote des cultures. Elle consiste en une languette en plastique recouverte de quatre couleurs au minimum, allant du vert jaunâtre au vert foncé. Il suffit aux paysans de comparer la couleur des feuilles aux couleurs de la palette. Les feuilles vert foncé ont une teneur en azote suffisante tandis que les feuilles vertes jaunâtres nécessitent rapidement un apport d’engrais azoté. En juin 2008, plus de 519'000 palettes ont été distribuées au Bangladesh, Vietnam, Myanmar, Chine, Indonésie, Inde, Thaïlande, Malaisie et Philippines.

TOUT VERT, TOUT PROPRE Un apport adéquat d’engrais azoté prévient une croissance végétative trop précoce. Il génère des cultures saines moins sujettes aux maladies et aux attaques des ravageurs. Les paysans sont dès lors en mesure de réduire leur usage de pesticides, d’accroître leurs bénéfices et de diminuer les risques liés à leur santé et à l’environnement. Par ailleurs, le fait d’optimiser l’utilisation des fertilisants amoindrit le risque de fuites d’azote, une source de pollution non sans effet sur le réchauffement climatique. Sur la base des mesures effectuées dans les champs et d’un modèle de simulation, des scientifiques ont montré qu’une meilleure utilisation des engrais azotés pouvait réduire la quantité de protoxyde d’azote libérée – un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le gaz carbonique qui contribue au réchauffement de la planète.

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RÉDUIRE LES PERTES POST-RÉCOLTES Les riziculteurs d’Asie subissent des pertes post-récoltes en raison de la détérioration du riz, des retards qui interviennent dans le processus de séchage, d'un mauvais stockage, de moulins à riz mal entretenus ou archaïques et des ravageurs. Il en résulte une baisse de la qualité du riz à la consommation, une diminution des revenus pour les paysans, une augmentation des prix pour les consommateurs et une pression accrue sur l'environnement lorsque les paysans tentent de compenser ces pertes en cultivant davantage de riz ou en utilisant des produits chimiques. Depuis la récolte jusqu’à la vente au marché, les paysans perdent 30-50% de leur production. Le programme de partenariat tente de remédier à deux de ces problèmes majeurs: le séchage et le stockage. La principale cause de détérioration des semences est liée au séchage, lequel peut être incomplet, inefficace ou avoir lieu trop tard. Le séchage est l’opération la plus délicate après la récolte. Il a lieu traditionnellement en étalant les grains au soleil sur les routes, dans les cours ou d’autres espaces ouverts. Des chercheurs ont désormais développé des séchoirs mécaniques à des prix accessibles pour préserver la qualité des grains. Le séchage mécanique ou à air chaud présente l’avantage de pouvoir être réalisé en tout temps. Il permet en outre de garder facilement le contrôle sur le taux d’humidité. La main d’œuvre s’en trouve réduite et, de manière générale, la qualité du riz est meilleure en raison d’un séchage plus uniforme. Le séchage mécanique engendre par ailleurs un rendement à l’usinage plus élevé.

Un séchoir à plat d’une capacité de 4 tonnes (Myanmar) Le séchoir à plat est le séchoir mécanique le plus répandu pour sécher les petites quantités de riz (voir photo ci-dessus). Au Myanmar et au Laos, la construction de séchoirs à plat et la formation de groupes de paysans a permis à plus de 5’000 d’entre eux d’améliorer la qualité de leur riz et ainsi de le vendre aux meuniers à des prix plus élevés. En Indonésie, les recherches ont débouché sur l’élaboration de ventilateurs plus performants pour les

séchoirs à grains. En 2007, cette innovation a permis d’obtenir une valeur meunière 12-40% plus élevée que celle du riz séché au soleil.

DES SÉCHOIRS RESPECTUEX DE L’ENVIRONNEMENT Les séchoirs mécaniques traditionnels consomment quelque 10-15 litres de kérosène pour sécher 1 tonne de riz paddy. Au vu du coût du carburant et de la pollution engendrée, la DDC et ses partenaires vietnamiens et philippins ont développé des séchoirs qui fonctionnent non pas au kérosène mais à la balle de riz. La balle de riz (séparée du riz lors du processus d’usinage) est abondante, son prix est peu élevé et son utilisation plus écologique. En 2006, un séchoir à grains doté d’une chaudière à balle de riz a été installé aux Philippines. Trois chaudières à usage commercial ont été installées au Vietnam. Ces appareils ne dégagent presque aucune fumée et ne produisent que peu de cendre et de gaz carbonique. En réponse à la forte demande de divers groupements paysans, des séchoirs sont désormais introduits au Cambodge, Myanmar, Laos et en Indonésie.

Il importe que les paysans disposent d’un système de stockage efficace à même de protéger les semences jusqu’à la saison suivante. Lorsque le climat est humide et tropical, la qualité du grain se détériore en 3-4 mois en raison de l’absorption de l’humidité ambiante. Les ravageurs, principalement des insectes, constituent également un facteur de détérioration important. Pour y faire face, de simples récipients ou systèmes de stockage hermétiques ont été développés, dont le sac hermétique. Ce dernier revient à moins de 1.50$ pièce et peut contenir jusqu’à 50 kg de grains.Lorsque le sac est bien fermé, le taux d'oxygène qu’il contient descend de 21% à 5% alors que le taux de gaz carbonique augmente. Une dizaine de jours plus tard, le nombre d’insectes s’en trouve réduit à moins de 1 par kg de grains sans recourir à aucun insecticide. Le sac ainsi que les systèmes plus grands de stockage hermétique (capacité de 5 à 200 tonnes) ont été largement testés et contrôlés au Vietnam, Cambodge, Laos, Myanmar et en Indonésie. Les résultats obtenus ont confirmé les avantages suivants: abandon des insecticides, protection contre les rongeurs, maintien d'un taux de germination élevé et moindres dégâts au grain pendant le processus d’usinage. Aujourd’hui, plus de 4000 paysans du Cambodge et du Vietnam utilisent des sacs hermétiques dans lesquels ils stockent leurs semences pendant 6-9 mois en toute sécurité. Le taux de germination est maintenu au-dessus de 90%, ce qui leur permet désormais de vendre le surplus de riz qu'ils utilisaient auparavant pour l’ensemencement.

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LA LUTTE ÉCOLOGIQUE CONTRE LES RONGEURS

Un paysan du Laos présente un sac hermétique dans le silo où sont également stockés les grains destinés à la consommation LA LUTTE ÉCOLOGIQUE CONTRE LES RONGEURS En Asie, les rats ou autres rongeurs peuvent causer des pertes prérécoltes allant de 5% en Malaisie à 17% en Indonésie. A titre de comparaison, une perte de 6% en Asie équivaut à la consommation annuelle de riz de 225 millions de personnes, soit approximativement la population de l'Indonésie. Les dégâts causés par des rats sont souvent localisés: les parcelles de riz familiales étant petites, il n’est pas rare que des paysans perdent la moitié de leur récolte. Quant aux pertes post-récoltes, env. 5% sont dues aux rats et aux souris. Grâce à quelques connaissances écologiques et comportementales sur les rats, les paysans peuvent mettre en œuvre une méthode communautaire respectueuse de l’environnement. Des essais impliquant 400 paysans ont été menés durant 5 saisons en Indonésie et au Vietnam. Il en a résulté une diminution de 50% de l’utilisation des insecticides chimiques et une augmentation des récoltes de près de 0.5 tonne par ha.

Cette approche écologique a été adoptée par la politique nationale du Vietnam en 1999, de l’Indonésie en 2001 et du Myanmar en 2006. Désormais, elle est systématiquement mise en œuvre dans 5 provinces du Vietnam et 4 provinces d’Indonésie où elle est venue remplacer les insecticides, les cocktails de produits chimiques illégaux et l’électrocution, tous de sérieux dangers pour la santé humaine.

La lutte écologique contre les rongeurs nécessite la planification d’actions communautaires telles qu'une chasse aux rats (photo du haut, Vietnam) ou la mise en place de pièges à barrière. Inspection d’un piège à rats (photo du bas, Indonésie)

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Cours sur l’utilisation du ‘gestionnaire des éléments nutritifs’: devenir rapidement apte à formuler des directives propres à certaines zones de riziculture (Indonésie)

RENFORCER LA CAPACITÉ DES PARTENAIRES DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Le programme de partenariat vise à renforcer la capacité des pays partenaires en améliorant les compétences des chercheurs, des vulgarisateurs et des paysans. Ces 3,5 dernières années, plus de 100 ateliers (dont 12 à l'échelon national) portant sur l’ensemble des technologies ont été mis sur pied. 75 partenaires de 10 pays en développement ont reçu un soutien financier leur permettant de participer à des ateliers internationaux ou à des cours de formation.Ce programme de partenariat a répondu à la forte demande d’un échange international des connaissances sur la production du riz irrigué et sur la transmission des informations aux spécialistes de la vulgarisation et aux paysans. Sa portée est d’autant plus large que les résultats de ces échanges ont été communiqués aux responsables politiques, ce qui a engendré des changements cruciaux dans les politiques agricoles nationales: un facteur incontournable pour une évolution durable dans la production du riz en Asie.

Explications en plein air pour promouvoir l'ensemencement direct, les variétés précoces et la gestion des mauvaises herbes

QUE RÉSERVE L’AVENIR?

Le programme de partenariat s’est avéré être une excellente plate-forme de distribution de technologies aux petits riziculteurs d’Asie. Il joue un rôle d'autant plus important en raison de la crise actuelle du prix du riz. L’IRRC transmet son savoir-faire international à des scientifiques nationaux et des vulgarisateurs de 11 pays asiatiques. Ces partenariats ont contribué de manière significative à la sécurité alimentaire des Asiatiques tout en préservant l’environnement. La phase 2009-2012 du programme de partenariat se concentrera sur la transmission des connaissances pour l’amélioration des conditions de vie des petits paysans d'Asie du Sud-Est. Il visera à augmenter la production du riz en mettant en œuvre les technologies issues de la recherche sur la gestion des ressources naturelles. L’approche sera double: la première consistera à encourager la recherche innovante alors que la deuxième s’appliquera à promouvoir les meilleurs moyens pour transférer rapidement les nouvelles technologies à un grand nombre de paysans. Le programme continuera à servir de plateforme pour le renforcement des capacités et l’échange de savoir-faire international. Grâce à l'appui continu de la Direction du développement et de la coopération, ce consortium régional pourra continuer à contribuer à la lutte contre la «crise du riz» en Asie. DDC, Direction du développement et de la coopération – Section Asie orientale, Freiburgstrasse 130, CH-3003 Berne Photos: Grant Singleton, Bas Bouman, Martin

Gummert, David Johnson, Trina Mendoza, Philip Sinohin, photobanque de l’IRRI.

Cette brochure peut être commandée à [email protected] ou téléchargée du site www.deza.admin.ch Autres lectures: www.irri.org/irrc www.knowledgebank.irri.org http://solutions.irri.org Références: RIPPLE newsletter volumes 1 à 3, Rice Today magazine volume 5, no 2, and volume 7, no. 2, http://solutions.irri.org, Rapport annuel 2007 de l’IRRC pour la DDC.