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Otites moyennes aiguës de l’enfant Acute otitis media in children R. Nicollas (Praticien hospitalier) *, I. Sudre-Levillain (Assistant des Hôpitaux, chef de clinique à la Faculté), J.-M. Triglia (Professeur des Universités, praticien hospitalier) Service d’ORL et chirurgie cervicofaciale pédiatrique, CHU Timone Enfants, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5, France MOTS CLÉS Otite aiguë ; Oreille moyenne ; Pneumocoque ; Antibiothérapie KEYWORDS Acute otitis; Middle ear; Pneumococcus; Antibiotics Résumé L’otite moyenne aiguë (OMA) représente la première cause de prescription d’antibiotiques chez l’enfant. Les OMA correspondent le plus souvent à la surinfection de l’oreille moyenne par une bactérie avec présence d’un épanchement purulent ou muco- purulent dans la caisse du tympan. De nombreux facteurs tant endogènes qu’extérieurs peuvent favoriser sa survenue. Les complications de l’OMA sont heureusement rares mais potentiellement graves justifiant le recours à une antibiothérapie en cas de forme collectée ou purulente. Au plan bactériologique, on note l’augmentation de fréquence des pneumocoques à sensibilité diminuée à la pénicilline qui constitue un problème thérapeutique croissant. Face à ce phénomène, le recours à un examen bactériologique après paracentèse est justifié en cas d’échec à 48 heures d’une antibiothérapie adaptée bien conduite. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Acute otitis media (AOM) is the most common indication for the prescription of antibiotics in children. AOMs are the expression of a bacterial median ear infection, with purulent or mucopurulent effusion. Several intrinsic as well as external elements favour this infection. Complications are fortunately uncommon but potentially severe necessi- tating therefore, in case of acute median ear effusion, a management by antibiotherapy. The emergence of multiresistant strains of Streptococcus pneumoniae increases the risk of therapeutic failure. In case of failure of a well-adapted treatment after 48 hours, myringotomy with bacteriologic examination may be necessary. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction L’otite moyenne aiguë est, avec la rhinopharyngite, la première cause de prescription d’antibiotiques chez l’enfant. Les otites moyennes aiguës (OMA) correspondent le plus souvent à la surinfection de l’oreille moyenne par une bactérie avec présence d’un épanchement purulent ou mucopurulent dans la caisse du tympan. Elles surviennent au décours d’une agression virale ou microbienne dont le pre- mier site est le plus souvent rhinopharyngé. Le taux croissant des résistances bactériennes aux antibio- tiques utilisés doit conduire à une adaptation per- manente du choix de l’antibiothérapie employée. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Nicollas). EMC-Médecine 1 (2004) 433–439 www.elsevier.com/locate/emcmed © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcmed.2004.05.003

Otites moyennes aiguës de l'enfant

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Otites moyennes aiguës de l’enfant

Acute otitis media in children

R. Nicollas (Praticien hospitalier) *, I. Sudre-Levillain(Assistant des Hôpitaux, chef de clinique à la Faculté),J.-M. Triglia (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Service d’ORL et chirurgie cervicofaciale pédiatrique, CHU Timone Enfants, 264, rue Saint-Pierre,13385 Marseille cedex 5, France

MOTS CLÉSOtite aiguë ;Oreille moyenne ;Pneumocoque ;Antibiothérapie

KEYWORDSAcute otitis;Middle ear;Pneumococcus;Antibiotics

Résumé L’otite moyenne aiguë (OMA) représente la première cause de prescriptiond’antibiotiques chez l’enfant. Les OMA correspondent le plus souvent à la surinfection del’oreille moyenne par une bactérie avec présence d’un épanchement purulent ou muco-purulent dans la caisse du tympan. De nombreux facteurs tant endogènes qu’extérieurspeuvent favoriser sa survenue. Les complications de l’OMA sont heureusement rares maispotentiellement graves justifiant le recours à une antibiothérapie en cas de formecollectée ou purulente. Au plan bactériologique, on note l’augmentation de fréquencedes pneumocoques à sensibilité diminuée à la pénicilline qui constitue un problèmethérapeutique croissant. Face à ce phénomène, le recours à un examen bactériologiqueaprès paracentèse est justifié en cas d’échec à 48 heures d’une antibiothérapie adaptéebien conduite.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Acute otitis media (AOM) is the most common indication for the prescription ofantibiotics in children. AOMs are the expression of a bacterial median ear infection, withpurulent or mucopurulent effusion. Several intrinsic as well as external elements favourthis infection. Complications are fortunately uncommon but potentially severe necessi-tating therefore, in case of acute median ear effusion, a management by antibiotherapy.The emergence of multiresistant strains of Streptococcus pneumoniae increases the riskof therapeutic failure. In case of failure of a well-adapted treatment after 48 hours,myringotomy with bacteriologic examination may be necessary.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

L’otite moyenne aiguë est, avec la rhinopharyngite,la première cause de prescription d’antibiotiqueschez l’enfant. Les otites moyennes aiguës (OMA)

correspondent le plus souvent à la surinfection del’oreille moyenne par une bactérie avec présenced’un épanchement purulent ou mucopurulent dansla caisse du tympan. Elles surviennent au décoursd’une agression virale ou microbienne dont le pre-mier site est le plus souvent rhinopharyngé. Le tauxcroissant des résistances bactériennes aux antibio-tiques utilisés doit conduire à une adaptation per-manente du choix de l’antibiothérapie employée.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (R. Nicollas).

EMC-Médecine 1 (2004) 433–439

www.elsevier.com/locate/emcmed

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcmed.2004.05.003

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Épidémiologie

Age

L’OMA est une pathologie touchant surtout l’en-fant. Elle représente avec les rhinopharyngites lapremière cause de prescription d’antibiotiques etle deuxième motif de consultation en pédiatrie.Depuis quelques années, une augmentation paral-lèle du nombre d’otites diagnostiquées et la pres-cription d’anti-infectieux dans cette affection sontobservées bien que contestées par certainsauteurs.1

En 1989, Teele et al.2 rapportent que 80 % desenfants de 3 ans ont présenté au moins un épisoded’OMA avec au moins trois épisodes pour 50 %d’entre eux. La fréquence des OMA décroît ensuiteprogressivement jusqu’à l’âge de 6 à 7 ans. Entre1 et 6 mois, cette infection est rare du fait de laprotection par les anticorps maternels. Avant l’âgede 3 mois, elles surviennent sur des terrains prédis-posés, l’épidémiologie bactérienne est particulièreet leur gravité potentielle.

Facteurs favorisants

Facteurs anatomophysiologiquesLe rhinopharynx et l’oreille moyenne sont tapisséspar la même muqueuse de type respiratoire ciliée.La caisse du tympan est ouverte sur le pharynx parla trompe d’Eustache permettant le drainage phy-siologique du mucus sécrété dans l’oreillemoyenne. Chez le nourrisson, elle est courte etbéante et sa muqueuse épaisse. Les rhinopharyngi-tes virales, très fréquentes à cet âge entraînent uneagression de l’épithélium respiratoire qui tapisseles fosses nasales, le pharynx et la caisse du tym-pan. Elles induisent une modification des rapportsentre les bactéries résidentes (pneumocoque, Hae-mophilus influenzae, Branhamella catarrhalis) etla muqueuse. Par ailleurs, une étude récente3 adémontré le rôle favorisant de la mononucléoseinfectieuse dans la colonisation bactérienne mas-sive du rhinopharynx. La disparition du mouvementmucociliaire contribue à favoriser l’adhésion desbactéries et leur multiplication. Leur drainage estcompromis par l’œdème de la trompe d’Eustache.Les bactéries prolifèrent dans l’oreille moyenne,réalisant une OMA purulente.L’évolution spontanée, sans antibiotique, se fait

le plus souvent vers la guérison, en particulier pourles otites à H. influenzae et chez les grands en-fants.1 En effet, la guérison spontanée en quelquesjours de l’infection virale initiale s’accompagned’une récupération des facultés de drainage del’oreille moyenne permettant la guérison de lasurinfection bactérienne.

Facteurs endogènes

L’hypertrophie des végétations adénoïdiennes fa-vorise également l’infection de l’oreille moyennepar voie ascendante naso-tubo-tympanique et peutaussi constituer un réservoir de germes pathogè-nes.4

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) peut provo-quer une remontée de liquide acide au niveau durhinopharynx et entraîner une altération de la mu-queuse, favorisant les épisodes d’OMA. Tasker5 aobjectivé le rôle du RGO dans les otites séromu-queuses dont on sait qu’elles sont à la fois cause etconséquence des OMA.La carence martiale a été incriminée dans la

répétition des épisodes infectieux ORL, en particu-lier rhinopharyngés, et peut constituer de ce fait unélément favorisant la survenue d’OMA.6

L’allergie : le rôle de l’atopie dans le développe-ment des OMA n’est pas formellement établi, bienque l’enfant allergique soit plus exposé aux proces-sus inflammatoires de la muqueuse des voies respi-ratoires. Ce pourrait être un facteur prédisposant àl’otite séromuqueuse chronique.Les terrains particuliers : la trisomie 21, les

fentes vélopalatines, les anomalies de la fonctionmucociliaire et les déficits immunitaires sont desfacteurs prédisposant aux otites.L’hérédité : il semble exister d’après des études

généalogiques un facteur héréditaire net favorisantla survenue d’OMA à répétition.7

Mode de vie

Le séjour en crèche est un facteur favorisant, la vieen collectivité exposant les enfants à une incidenceparticulièrement accrue d’OMA. De très nombreu-ses études, tant en France que dans d’autres pays,retrouvent cette association entre séjours en col-lectivités et infections ORL. L’allaitement aurait,quant à lui, un effet protecteur chez les enfants demoins de 3 ans.8

Le décubitus dorsal serait un élément favorisantpour certains.

Le tabagisme passif est clairement reconnucomme facteur favorisant toutes les infections desvoies aériennes de l’enfant.

Les facteurs socio-économiques : les populationsà bas niveau socio-économique sont plus exposéesen raison de divers facteurs (hygiène défectueuse,malnutrition, promiscuité).

Les facteurs saisonniers : les épisodes d’OMAsont plus fréquents pendant la période hivernale,ce qui coïncide avec l’incidence des viroses desvoies respiratoires supérieures.

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Diagnostic d’otite moyenne aiguëpurulente

L’OMA est définie comme une inflammation aiguëde l’oreille moyenne. L’OMA purulente est définiepar l’existence d’un épanchement purulent ou mu-copurulent dans la caisse du tympan.Le diagnostic d’OMA purulente est clinique et

repose sur l’association de signes fonctionnels etgénéraux d’installation récente à des signes otosco-piques.Les signes fonctionnels sont l’otalgie et ses équi-

valents (irritabilité, pleurs, insomnie...) et l’hypoa-cousie.Les signes généraux sont avant tout la fièvre mais

aussi l’asthénie et l’anorexie.L’otalgie et la fièvre, les deux signes les plus

classiques de l’OMA purulente, ne sont pas cons-tants. D’autres symptômes peuvent s’associer, soitdu fait de l’infection virale déclenchante (rhinor-rhée, toux, vomissement ou diarrhée), soit du faitd’une autre localisation infectieuse (conjonctivitepurulente).L’examen otoscopique est la clef de voûte du

diagnostic, les signes fonctionnels et généraux,bien qu’indispensables, n’ayant aucune spécificité.Il peut être réalisé à l’otoscope, au microscope deconsultation (Fig. 1) ou à l’optique (Fig. 2).Les signes otoscopiques retrouvés dans l’OMA

sont :• l’inflammation : congestion ou hypervasculari-sation ;

• associée à un épanchement rétrotympanique,extériorisé ou non (opacité, effacement desreliefs normaux ou bombement) (Fig. 3 et 4) ;

• avec parfois un aspect jaunâtre : tympantendu, prêt à se rompre.Un aspect tympanique évocateur d’OMA, en l’ab-

sence de signes fonctionnels ou généraux ne doit

pas faire porter le diagnostic d’OMA purulente maisd’otite séromuqueuse.Une congestion ou une hypervascularisation iso-

lée peut être observée dans les rhinopharyngites oulorsque l’enfant crie en cours d’examen. En l’ab-

Figure 1 Réalisation d’un examen sous microscope chez unnourrisson. Cette technique permet l’ablation, sous contrôlevisuel, des différents débris qui encombrent parfois le conduit.

Figure 2 Réalisation d’un examen sous optique. L’image estretransmise par une chaîne vidéo jusqu’à un moniteur. La qua-lité des images obtenues, dont la précision du diagnostic, esttrès grande.

Figure 3 Otite moyenne aiguë collectée à droite. On note l’im-portant bombement du quadrant postérosupérieur fréquentchez l’enfant réalisant l’aspect en « pis de vache » classique-ment décrit.

Figure 4 Otite moyenne aiguë suppurée gauche. L’issue de pusen provenance du quadrant antérosupérieur est bien visible ainsique le bombement de l’ensemble du tympan.

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sence de signes d’épanchement rétrotympanique,le diagnostic d’OMA est peu probable.

Bactériologie de l’OMA

Épidémiologie bactérienne des otites

Elle est connue depuis de nombreuses années. Lesprincipales bactéries responsables dans l’OMA del’enfant de plus de 3 mois sont Streptococcus pneu-moniae (25 à 40 %), Haemophilus influenzae (30 à40 %) et Branhamella catarrhalis. Streptococcuspyogenes (streptocoques du groupe A) et Staphylo-coccus aureus jouent un rôle mineur (< 5 %).L’association de plusieurs bactéries est rare mais

possible, de même que la surinfection par deuxbactéries différentes dans chaque oreille.Les virus respiratoires sont parfois trouvés isolé-

ment ou en association avec des bactéries dans leliquide auriculaire.

Résistance aux antibiotiques

La résistance aux antibiotiques des bactéries impli-quées dans l’OMA purulente est en croissance dansle monde entier.9-17

De plus, des études s’appuyant sur des prélève-ments rhinopharyngés permettent d’apporter desdonnées supplémentaires sur l’évolution des résis-tances car, à l’échelle collective, il existe unebonne corrélation entre la microbiologie des prélè-vements rhinopharyngés et celle du liquide obtenupar paracentèse.18 En revanche, la réalisation d’unprélèvement rhinopharyngé à l’échelle individuellen’a qu’une valeur prédictive négative, c’est-à-direqu’un germe absent du cavum ne sera pas respon-sable de l’OMA.19

Streptococcus pneumoniaeLa résistance aux antibiotiques des souches depneumocoque isolées d’OMA est en augmentation.Selon les données du centre de référence, en 1997,70 % des souches isolées d’OMA (en situationd’échec) avaient une sensibilité diminuée aux bêta-lactamines (par modification des protéines deliaison aux pénicillines) et plus de la moitié d’entreelles étaient résistantes (CMI pour la pénicil-line > 1 mg/l). Plusieurs facteurs augmentent laprobabilité d’être en présence d’une souche résis-tante : antibiothérapie dans les 3 derniers mois,fréquentation des crèches, échec d’un premiertraitement.20 En France, la résistance aux macroli-des des S. pneumoniae a précédé d’une quinzained’années celle aux pénicillines et actuellement, ce

sont généralement les mêmes souches qui sontrésistantes aux deux familles d’antibiotiques.

Haemophilus influenzaeLe mécanisme essentiel de résistance de H. in-fluenzae aux antibiotiques est une sécrétion debêtalactamases. De 30 à 40 % des souches isoléesd’OMA présentent ce mécanisme de résistance,rendant l’amoxicilline et, à un moindre degré, lescéphalosporines de première génération inactives.Ces souches sont plus fréquemment observées chezles enfants de plus de 18 mois, ceux vivant encrèche et en cas d’OMA purulentes récidivantes.Les macrolides sont naturellement pas ou peu

actifs sur cette espèce bactérienne.

Branhamella catarrhalisPlus de 90 % des souches sont résistantes à l’amoxi-cilline par sécrétion de bêtalactamases. L’associa-tion amoxicilline-acide clavulanique, les céphalos-porines de deuxième et troisième générations sontactives sur ces souches. Cette espèce reste sensibleaux macrolides et aux sulfamides.

Complications

Seules les complications spécifiques aux OMA sontévoquées.

Mastoïdites

Moins fréquentes depuis le traitement antibiotiquesystématique des OMA, elles n’en demeurent pasmoins redoutables.21

Cliniquement, l’enfant présente une persis-tance, voire une augmentation de la fièvre malgréle traitement. Les douleurs sont également plusvives. On note un aspect inflammatoire de la mas-toïde (rétro-auriculaire) avec, classiquement, undécollement du pavillon de l’oreille qui est rejetévers l’avant. Le sillon rétro-auriculaire est comblépar une collection purulente sous-périostée, fluc-tuante.Dans d’autres formes, l’extériorisation se pro-

duit au niveau de l’apex mastoïdien, et peut êtreresponsable d’un torticolis.

Une paralysie faciale est toujours possible,quelle que soit la topographie apparente des signesextérieurs de mastoïdite. En cas de doute, un scan-

Quoi qu’il en soit, le tympan est toujoursremanié : il n’existe pas de mastoïdite aiguë àtympan normal.

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ner sera réalisé en urgence, qui montrera une opa-cité mastoïdienne.Le traitement est basé sur une bi-antibiothérapie

intraveineuse (céphalosporine de 3e génération etantistaphylococcique) menée en milieu hospitalierspécialisé et sur un drainage de l’oreille moyenne.Dans les formes débutantes, une large paracentèseau bloc peut suffire ; en cas de forme constituée,une mastoïdectomie avec drainage et lavage mas-toïdiens est pratiquée. L’évolution est d’autantplus favorable que le diagnostic aura été fait tôt etle traitement précoce.Les mastoïdites subaiguës sont plus trompeuses.

Elles se traduisent souvent par la répétition d’épi-sodes otitiques aigus pouvant conduire à la posed’aérateurs transtympaniques. Ces derniers sontalors le siège d’une otorrhée incontrôlable ou dés-espérément récidivante. La réalisation d’une tomo-densitométrie permet de retrouver un comblementdes cavités de l’oreille moyenne concernée. Untraitement chirurgical reposant sur une mastoïdec-tomie est indiqué.

Labyrinthites

La triade classique, vertige-hypoacousie-acou-phènes est difficile à faire préciser par un enfant.Le pronostic fonctionnel dépend de la nature infec-tieuse ou inflammatoire de l’atteinte. En cas d’at-teinte infectieuse, une cophose séquellaire est àcraindre.

Paralysie faciale

Elle peut survenir au cours d’une otite banale ; ellea alors bon pronostic. Elle est typiquement d’instal-lation précoce et rarement totale et massive. Cer-tains patients peuvent présenter une paralysie fa-ciale lors de chaque épisode otitique. Il faut alorssuspecter une dénudation du nerf facial dans sadeuxième portion. Quoi qu’il en soit, la survenued’une paralysie faciale fait poser l’indication d’uneparacentèse, voire d’un aérateur transtympanique.

Complications endocrâniennes

À l’instar des mastoïdites, elles sont devenuesbeaucoup plus rares depuis le traitement antibioti-que des otites. On les rencontre toujours, sous laforme de méningite et méningoencéphalite, em-pyème sous-dural, abcès cérébral (en particulierdans la fosse postérieure). Un drainage chirurgicalde l’oreille est indiqué en complément au traite-ment antibiotique et à la prise en charge spécifiquede la complication.

Récidive

C’est la complication la plus fréquente. On ne parled’OMA à répétition qu’à partir d’au moins trois OMAen moins de 6 mois séparées chacune par un inter-valle libre d’au moins 3 semaines. La récidive est engrande partie liée à l’immaturité immunitaire dujeune enfant et se trouve largement favorisée parles facteurs divers précédemment évoqués.

Passage à la chronicité

La filiation exacte « répétition d’épisodes aigus -chronicité » ou « chronicité - répétition d’épisodesaigus » reste controversée. Il est toutefois reconnuque les otites chroniques sont en règle bien plusfréquentes chez les sujets ayant de forts antécé-dents d’OMA. En particulier, les otites purulentesitératives sont pourvoyeuses de perforations tym-paniques séquellaires.

Hypoacousie

Outre les lésions directes des différentes structuresde l’oreille moyenne ou de l’oreille interne par unprocessus infectieux, il est reconnu que la persis-tance de phénomènes inflammatoires dans uneoreille peut entraîner à long terme une hypoacousiede perception.22

Traitement (Fig. 5)

Traitement de première intention

Il est mené par voie générale et basé sur uneantibiothérapie probabiliste chez l’enfant de plusde 3 mois. Chez le nourrisson de moins de 3 mois,une paracentèse première doit être réalisée quipermet d’identifier le germe en cause et de propo-ser une antibiothérapie adaptée.

Figure 5 Organigramme du traitement antibiotique d’une otitemoyenne aiguë.

437Otites moyennes aiguës de l’enfant

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Traitements adjuvantsUn traitement antipyrétique est adjoint en cas defièvre élevée.Les corticoïdes, s’ils ne sont pas l’objet d’un

consensus, peuvent être prescrits pendant 4 jours.Hormis les cas d’otorrhée, les gouttes auriculai-

res n’ont pas un grand intérêt.Une désinfection rhinopharyngée est associée

afin de traiter la rhinopharyngite fréquemment àl’origine de l’otite.

En cas d’échec

Après 48 heures de traitement bien suivi, si l’on nenote pas d’amélioration de l’état clinique de l’en-fant (local et/ou général), une paracentèse à viséebactériologique idéalement précédée d’une fenê-tre thérapeutique de 48 heures est réalisée. Il esttotalement illogique d’entreprendre une antibio-thérapie probabiliste devant l’échec d’une pre-mière antibiothérapie probabiliste ; le risque denouvel échec est important et le risque de sélec-tionner un germe résistant l’est encore davantage.La paracentèse est pratiquée de préférence sous

anesthésie générale, ce qui permet la réalisationd’un prélèvement protégé après décontaminationdu conduit auditif externe. Le prélèvement estsuivi d’un lavage de la caisse du tympan. On réaliseainsi le drainage de « l’abcès ».En cas de PSDP, le traitement de référence est

l’amoxicilline à la dose de 150 à 200 mg/kg/j pen-dant 10 jours. Un traitement alternatif par cef-triaxone 50 mg/kg/j par voie intramusculaire ou encourte perfusion intraveineuse pour une durée de

3 à 5 jours peut également être proposé. Tout celadoit être adapté aux données de l’antibiogramme.

Conclusion

L’OMA est une affection très fréquente en pratiquepédiatrique et de médecine générale. La recherchede facteurs favorisants est un élément importantde la prise en charge de ces affections. Des traite-ments efficaces existent mais leur prescription ré-pond à des règles très précises. Le problème actuelest l’émergence de souches bactériennes résistan-tes, en particulier les PSDP. Seul un meilleur com-portement vis-à-vis de la prescription d’antibioti-ques pourra aider à contenir ce phénomène.

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Antibiothérapie

L’antibiotique prescrit doit être actif sur les trois germes les plus fréquemment rencontrés :Haemophilus influenzae, pneumocoque et Branhamella catarrhalis.Une conférence de consensus (Lyon 1996)20 a établi les protocoles suivants.Sont recommandés :• amoxicilline-acide clavulanique : 80 mg/kg/j en 3 prises ;• ou céfuroxime axétil : 30 mg/kg/j en 2 prises ;• ou cefpodoxime proxétil : 8 mg/kg/j en 2 prises.La durée du traitement est de 8 à 10 jours selon le terrain et l’évolution.Actuellement, et du fait de la tendance à l’émergence de souches de pneumocoques à sensibilité

diminuée à la pénicilline (PSDP), on propose :• en l’absence de facteur de risque de PSDP :

C amoxicilline-acide clavulanique : 100 mg/kg/j en 3 prises ;C ou céfuroxime axétil : 30 mg/kg/j en 2 prises ;C ou cefpodoxime proxétil : 8 mg/kg/j en 2 prises ;

• en cas de facteur de risque de PSDP (OMA d’évolution prolongée, OMA récidivante, antécédentsrécents d’antibiothérapie, collectivités) :C amoxicilline-acide clavulanique : 100 mg/kg/j + amoxicilline : 100 mg/kg/jsoit un total de 200 mg/kg/j d’amoxicilline.

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