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ou du rêve que tout soit défini par des entiers

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ou du rêve que tout soit défini par des entiers

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– Joseph, tu aimerais savoir laquelle des deux religionsest la vraie. Mais aucune des deux ! Une religion n’est

ni vraie ni fausse, elle propose une façon de vivre.– Comment voulez-vous que je respecte les religions si

elles ne sont pas vraies ?– Si tu ne respectes que la vérité, alors tu ne

respecteras pas grand chose. 2 + 2 = 4, voilà ce quisera l’unique objet de ton respect. À part ça, tu vas

affronter des éléments incertains : les sentiments, lesnormes, les valeurs, les choix, autant de constructions

fragiles et fluctuantes.L’enfant de Noé, Eric-Emmanuel Schmitt

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Approximation rationnelle de sous-espacesvectoriels

Mémoire de Master 2

Elio Joseph

RésuméLe problème est d’approcher Ad, un sous-espace de Rn de dimension d parBe, un sous-espace rationnel de Rn de dimension e "pas trop compliqué".Le problème est totalement résolu dans le cas min(d,e) = 1, et des résultatspartiels sont obtenus dans le cas général.

Université Paris-Saclay – Département de Mathématiques d’Orsay

Sous la direction de Stéphane Fischler

Janvier 2018 - Juin 2018

Composition du jury :

Arnaud DurandStéphane FischlerOlivier Fouquet

Contact :[email protected]

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Mes premiers remerciements vont bien entendu à Stéphane Fischler. Un merci sin-cère pour m’avoir guidé depuis le mois de janvier, pour avoir relu avec patience etattention mes nombreuses bêtises, pour avoir accepté de diriger une thèse à venir etpour sa très généreuse disponibilité.

Je tiens à remercier tous les professeurs qui m’ont, d’une façon ou d’une autre,encouragé à approfondir toujours davantage la théorie des nombres. Pour n’en citerque quelques-uns, je nomme dans le désordre François Bertholon, Bruno Arsac, Ni-colas Ratazzi, Patrick Gérard, Anne Vaugon, Etienne Fouvry, Florent Jouve, OlivierFouquet et François Charles.

Pour leur soutien quotidien et leur présence attentive, j’adresse par ordre alphabé-tique un merci reconnaissant à Cyril Falcon, Gédéon Chevallier, Lucie Flammarionet Marguerite Matheron.

Je remercie aussi tous ceux avec qui je partage un bout, petit ou grand, de vie. C’estgrâce à eux que mon année fut si heureuse. Je ne les nomme pas tous de peur d’enoublier certains, mais ils sauront se reconnaître.

J’adresse ma reconnaissance à Sandrine Gauthier et Marguerite Matheron, mes bi-nômes des années précédentes, qui m’ont aidé à grandir avant de pouvoir écrireaujourd’hui mon premier projet seul.

Je sais gré à Clément Jean et Gauthier Giffard de m’avoir supporté en partageantun logement avec ma personne pendant l’écriture de ce mémoire.

Je remercie chaleureusement Arnaud Durand, Olivier Fouquet et Stéphane Fischlerd’avoir accepté de faire partie du jury de ma soutenance.

De façon similaire, j’adresse un merci tout particulier à mes camarades qui assiste-ront à ma soutenance.

Merci à mes parents, pour leur soutien et leur persévérance à essayer de comprendremes élucubrations mathématiques.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

IntroductionLe domaine de l’approximation diophantienne a pour but d’approcher les réels pardes rationnels. Autrement dit, pour tout réel ξ, on cherche un rationnel p/q tel quela quantité ∣∣∣∣ξ − p

q

∣∣∣∣soit la plus petite possible. Par densité de Q dans R, ce problème n’a pas d’intérêten soi. C’est pourquoi on précise le problème en demandant à ce que le rationnelp/q approchant ξ soit le moins compliqué possible. Plus précisément, nous allons lierla qualité de l’approximation à la complexité du rationnel, pour que le choix d’unrationnel compliqué impose une précision plus grande.Reformulons le problème en ces termes. Nous définissons la complexité d’un rationnelcomme la taille de son dénominateur. Soit ξ ∈ R, on s’intéresse aux réels µ > 0 telsqu’il existe une infinité de rationnels p/q vérifiant∣∣∣∣ξ − p

q

∣∣∣∣ < 1

qµ. (1)

On note µ(ξ) la borne supérieure de l’ensemble des réels µ vérifiant l’inégalité (1)pour une infinité de rationnels p/q ; on appelle cette quantité lamesure d’irrationalitéde ξ.Nous avons déjà de quoi énoncer ici des problèmes difficiles. Par exemple, le faitque µ(x) = 2 pour tout nombre algébrique x irrationel est un théorème profond, quifut démontré par Roth en 1955. Calculer la mesure d’irrationalité d’un réel est engénéral une question compliquée : à titre d’exemple, on ne connaît pas la valeur deµ(π).

Dans ce mémoire, nous suivons l’idée que W. M. Schmidt a livrée en 1967 dans [19],un article fondateur, consistant à généraliser ce problème d’approximation diophan-tienne à des espaces vectoriels. Les résultats que nous exposons dans cet article sontceux qu’a obtenu Schmidt dans son article.Énonçons donc ce nouveau problème par analogie au problème "classique" d’ap-proximation diophantienne, de façon informelle dans un premier temps. Soit Ad unsous-espace vectoriel 1 de Rn de dimension d, soit e ∈ {1, . . . ,n}. On cherche à appro-cher Ad par un sous-espace vectoriel rationnel (i.e. admettant une base de vecteursà coefficients rationnels) Be pas trop compliqué.Nous venons de nous donner deux premiers objectifs. Avant de prouver les premiersrésultats, il faut arriver à formaliser ce problème. Autrement dit, nous devons définirrigoureusement la proximité entre deux sous-espaces, qui ne sont pas forcément demême dimension, ainsi que la complexité d’un sous-espace vectoriel rationnel.

Nous avons fait le choix ici de suivre de près l’article de Schmidt. Mis à part le théo-rème 160 dont la démonstration plonge dans la géométrie algébrique et s’éloigne des

1. Comme le fait Schmidt, nous indiquerons la plupart du temps en exposant d’un sous-espacevectoriel sa dimension.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

thématiques de ce mémoire, nous proposons les démonstrations de tous les résul-tats qu’énonce Schmidt, notamment ceux qu’il laisse au lecteur. Nous prenons aussile parti pris de proposer tous les calculs dans le détail, convaincus que ceci peutpermettre de gagner en clarté.

Nous commençons ce mémoire par des préliminaires, qui s’avèreront utiles lors del’étude de l’article [19] de Schmidt. Tout d’abord nous définissons les coordonnéesde Grassmann, qui permettent moralement d’associer de façon injective à tout sous-espace vectoriel de Rn une droite d’un espace-vectoriel euclidien plus gros. Ensuitenous développons brièvement quelques notions de géométrie des nombres et nous ex-posons la base de la théorie des fractions continues. La théorie des fractions continuessera d’ailleurs utile pour traiter un cas particulier de l’article de Schmidt. Enfin nousdonnons un bref aperçu de la théorie de l’approximation diophantienne "classique",avec notamment le très important théorème qu’a démontré Hurwitz en 1891 :

Théorème 70 Pour tout irrationnel ξ, il existe une infinité de rationnels p/q telsque ∣∣∣∣pq − ξ

∣∣∣∣ < 1

q2√

5.

De plus,√

5 est la meilleure constante possible.

Ainsi équipés, nous pouvons commencer à formaliser notre problème, en définissantde façon précise la complexité d’un sous-espace vectoriel rationnel de Rn, notion queSchmidt nomme la hauteur d’un sous-espace vectoriel.

Définition Soit S un sous-espace vectoriel rationnel de Rn et S∗ la droite associéegrâce aux coordonnées de Grassmann dans RN (où N > n est imposé par n et ladimension de S). Soit (ξ1, . . . ,ξN) ∈ ZN ∩ S∗ tel que ξ1, . . . ,ξN soient premiers entreeux dans leur ensemble. Alors la hauteur de S est définie comme

H(S) :=

√ξ1

2 + · · ·+ ξN2.

Il sera très pratique d’avoir un point de vue plus géométrique sur la hauteur. Pourcela, si S est un sous-espace vectoriel rationnel de Rn, nous lui associons I(S) leréseau formé des points à coordonnées entières de S. On montre alors que

H(S) = covol(I(S)).

Reste encore à définir la proximité entre deux sous-espaces vectoriels de Rn. SoientAd et Be deux sous-espaces vectoriels de Rn de dimensions respectives d et e. Posonsf := min(d,e). Nous définissons dans la définition 133 f angles canoniques entre Adet Be qui permettent de mesurer la proximité entre ces deux sous-espaces. Nous uti-liserons ces angles à travers différentes applications : λi,ωi,ψi,µ (pour i ∈ {1, . . . ,f}).Les définitions précises de ces applications se trouvent dans la section 6. Toutes cesapplications sont des invariants mesurant la proximité.

Avec tout ceci, nous pouvons commencer à répondre à la question posée en donnantdes premiers résultats. Notamment un théorème qui s’avèrera fort utile :

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Théorème 141 Soient d ∈ {1, . . . ,n − 1}, c := n − d et u := min(c,d). Soient Adun sous-espace de Rn de dimension d et H > 1. Il existe des sous-espaces rationnels

B1 ⊂ · · · ⊂ Bu ⊂ Rn,

de dimensions respectives 1, . . . ,u, tels que

∀i ∈ {1, . . . ,u}, H(Bi) 6 H i,

et

∀i ∈ {1, . . . ,u}, H(B1)ψi(Ad,Bi) 6 C1H

−d/c 6 C1H(Bi)−d/(ic).

Nous en venons aux deux théorèmes cruciaux, qui sont ceux du Going-up et duGoing-down (voir les théorèmes 143 et 145, respectivement pages 127 et 128 pourdes énoncés précis). Ceux-ci permettent étant donné Be un sous-espace vectorielrationnel de Rn de dimension e, approchant Ad de dimension d, de trouver

Be−1 ⊂ Be ⊂ Be+1

des sous-espaces vectoriels rationnels de dimensions respectives e− 1 et e+ 1 appro-chant Ad, et dont on contrôle la hauteur en fonction de celle de Be.

Grâce à ce bagage, nous pouvons répondre partiellement au problème initial. Soientj et e deux entiers. Nous déterminons des constantes α,β > 0 telles que pour toutsous-espace vectoriel Ad de Rn ne contenant pas de sous-espace rationnel, il existeune infinité de sous-espaces vectoriels rationnels Be de dimensions e tels que

ψj(Ad,Be) 6 α

1

H(Be)β.

Nous posons µ(e,j,d) la borne supérieure des exposants β vérifiant cette propriété,par analogie à la mesure d’irrationalité sur les nombres réels.Dans le corollaire 148, nous montrons par exemple que

µ(e,j,d) >d(n− j)

j(n− d)(n− e).

Nous améliorons cette minoration dans le cas où

j + n− t > j(j + n− d− e)

avec t := min(d,e). Ainsi, dans le corollaire 151, nous montrons que

µ(e,j,d) >j + n− t

j(j + n− d− e)(2)

dans ce cas.

Vient alors naturellement la question suivante : les résultats que nous avons obte-nus sont-ils optimaux ? Nous répondons à cette question dans le corollaire 158, enmontrant que sous certaines hypothèses, notamment si

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Mémoire de M2 Elio Joseph

n > t(t+ n− d− e) (3)

avec t := min(d,e), alors on peut explicitement calculer µ(e,t,d) dans le cas j = t.Grâce à la minoration (2) déjà trouvée, on montre que

µ(e,t,d) =n

t(t+ n− d− e).

La condition (3) étant toujours vérifiée si Ad ou Be est une droite, autrement dit sit = min(d,e) = 1.Ensuite, sans aller jusqu’à montrer l’optimalité des résultats, nous donnons tout demême des bornes supérieures dans la partie 7.5. Il existe en effet une constante α etsous-espace vectoriel Ad tel que pour tout sous-espace Be rationnel,

∀j ∈ {1, . . . ,t}, ψj(Ad,Be) > αH(Be)−

1j d e(n−e)+1

n+1−d−ee,

ainsi

∀j ∈ {1, . . . ,t}, µ(e,j,d) 61

j

⌈e(n− e) + 1

n+ 1− d− e

⌉.

Finalement, bien que nous résolvions complètement certaines questions ici (commepar exemple le cas où min(d,e) = 1), d’autres restent ouvertes. La plus simple estcelle de l’approximation d’un plan ne contenant pas de droite rationnelle, par un planrationnel dans R4, i.e. (n,d,e) = (4,2,2). Le travail de ce mémoire permet seulementde montrer que

3 6 µ(2,1,2) 6 5,

mais sa valeur exacte demeure encore inconnue.

Plus généralement, la question ouverte est de trouver la valeur exacte de µ(e,j,d) enfonction de n, e, j et d. C’est ce problème que je compte travailler dans ma thèse.Une piste proposée pour répondre à cette question serait d’utiliser la géométrieparamétrique des nombres, domaine introduit par Schmidt et Summerer en 2009 etdéveloppé par Roy. La géométrie paramétrique des nombres permet de traduire desproblèmes d’approximation diophantienne en problèmes combinatoires, dans le butde les rendre plus faciles à appréhender.Répondre à ce problème permettrait alors peut être de généraliser le critère d’indé-pendance linéaire de Nesterenko. Celui-ci donne sous certaines hypothèses une mi-noration de la dimension du Q-espace vectoriel engendré par une famille de nombresréels.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Table des matières

Table des matières 10

I Préliminaires et approximation diophantienne classique 13

1 Plongement de Plücker et coordonnées de Grassmann 131.1 Propriétés du déterminant et définition de la puissance extérieure . . 131.2 Le plongement de Plücker . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171.3 Point de vue en coordonnées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

2 Géométrie des nombres 24

3 Fractions continues 273.1 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273.2 Développement en fraction continue d’un nombre irrationnel . . . . . 30

4 Approximation diophantienne 424.1 Premiers résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 424.2 Autour du théorème de Hurwitz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464.3 Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

4.3.1 Grands théorèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 494.3.2 Mesure d’irrationnalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504.3.3 Spectre de Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

II Approximation diophantienne d’espaces vectoriels – étudede l’article de W. Schmidt 52

5 Hauteur d’un sous-espace vectoriel rationnel 565.1 Hauteur d’un sous-espace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565.2 Déterminants généralisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 645.3 Un point de vue géométrique sur la hauteur . . . . . . . . . . . . . . 695.4 Existence de certains sous-espaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 745.5 Le nombre de sous-espaces de hauteur plus petite que H . . . . . . . 78

6 Proximité entre deux sous-espaces vectoriels 876.1 Produits scalaires successifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 876.2 Les quantités ν1, . . . ,νt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 966.3 Angles d’inclinaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1036.4 Quelques inégalités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

7 Résultats d’approximation diophantienne 1167.1 Un théorème technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1167.2 Théorèmes de transfert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1277.3 Bornes supérieures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141

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Mémoire de M2 Elio Joseph

7.4 Optimalité des estimations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1537.5 Bornes inférieures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1617.6 Un cas particulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1677.7 Commentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

Références 179

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Ah non, pas l’autoroute, Momo, pas l’autoroute. Lesautoroutes, ça dit : passez, y a rien à voir. C’est pourles imbéciles qui veulent aller le plus vite d’un point à

un autre. Nous, on fait pas de la géométrie, on voyage.Trouve-moi de jolis petits chemins qui montrent bien

tout ce qu’il y a à voir.Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran,

Eric-Emmanuel Schmitt

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Première partie

Préliminaires et approximationdiophantienne classique1 Plongement de Plücker et coordonnées de Grass-

mannNous nous appuyons sur [12], ainsi que sur [18]. Le but de cette partie est de dé-crire le plongement de Plücker, pour en arriver à une définition des coordonnéesde Grassmann, pour finalement définir la hauteur d’un sous-espace de dimensionquelconque.

1.1 Propriétés du déterminant et définition de la puissanceextérieure

On se donne k un corps quelconque, car ce qui suit est purement algébrique. On notedans toute la suite Λ(r,n) l’ensemble des parties à r éléments de {1, . . . ,n}. PourI ∈ Λ(r,m), J ∈ Λ(r,n) et A une matrice de taille m×n, on note ∆I,J(A) le mineurcorrespondant aux lignes de A indexées par I, et aux colonnes de A indexées par J .On a la classique formule suivante

Proposition 2 (formule de Binet-Cauchy) SoientA ∈ Mk,`(k) etB ∈ M`,m(k).Alors pour tous I ∈ Λ(r,k) et J ∈ Λ(m,r), on a

∆I,J(AB) =∑

K∈Λ(r,`)

∆I,K(A)∆K,J(B).

Preuve.Quitte à restreindre A en ne gardant que les lignes indexées par I et à restreindreB en ne gardant que les colonnes indexées par J , il suffit montrer que si A est detaille r × ` et B de taille `× r, alors

det(AB) =∑

K∈Λ(r,`)

det(AK) det(BK)

où AK (respectivement BK) est la sous-matrice de A dont les colonnes (respective-ment les lignes) sont indexées par K.En notant Ai pour i ∈ {1, . . . ,`} les colonnes de A, alors la j-ème colonne de ABest

∑i=1

bi,jAi, j ∈ {1, . . . ,r}.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

On développe alors le déterminant det(AB) en utilisant la multilinéarité :

det(AB) = det

(∑i=1

bi,1A1, . . . ,∑i=1

bi,rAr

)

=∑

i1,...,ir=1

r∏k=1

bik,r det(A{i1,...,ir}).

Or det(A{i1,...,ir}) = 0 si iu = iv pour u 6= v, donc seuls les ensembles de r indicesdifférents apparaissent dans la somme.Soit K ′ = (i′1, . . . ,i

′r) avec

1 6 i′1 < · · · < i′r 6 `

et soit K = (i1, . . . ,ir).On se donne une permutation σ ∈ S` telle que

∀j ∈ {1, . . . ,r},i′j = iσ(j).

Alors

det(A{i1,...,ir}) = ε(σ) det(A{i′1,...,i′r})

par antisymétrie du déterminant.Supposons maintenant qu’un r-uplet d’indices K ′ tel que décrit ci-dessus soit fixé.On considère tous les r-uplets d’indices K qui sont des permutations de K ′. On noteτ := σ−1.Alors

ij = iστ(i) = i′τ(i).

On considère dans le développement de det(AB) que nous avons écrit, tous les termesayant det(AK′) pour facteur. Ceux-ci sont :

∑σ

ε(σ)r∏

k=1

bjτ(k),k =∑τ

ε(τ)r∏

k=1

bjτ(k),k

= det(BK′).

Donc

det(AB) =∑K′

det(AK′) det(BK′).�

Si I et J sont deux parties ordonnées de {1, . . . ,n}, on note ι(I,J) le nombre detranspositions nécessaires pour ordonner IJ , la concaténation de I et de J , autre-ment dit

ι(I,J) = |{(i,j) ∈ I × J, i > j}| .

On note I le complémentaire de I dans {1, . . . ,n}, et `(I) = ι(I,I).

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Lemme 3 Si I et J sont disjointes, alors ι(I,J) + ι(J,I) = |I| · |J |.

Preuve.On remarque simplement que I × J est la réunion des deux ensembles qui appa-raissent dans la définition de ι(I,J) (car I et J sont disjointes). �

Proposition 4 (développement de Laplace) Soient A ∈ Mn(k) et I ∈ Λ(r,n).Alors

det(A) =∑

J∈Λ(r,n)

(−1)`(I)+`(J)∆I,J(A)∆I,J(A).

Preuve.Soient I,J ∈ Λ(r,n). On ordonne I, I, J et J en écrivant

I = {i1 < · · · < ir}, I = {ir+1 < · · · < in}, J = {j1 < · · · < jr}, J = {jr+1 < · · · < jn}.

On note wI ∈ Sn l’unique permutation qui envoie k sur ik pour i ∈ {1, . . . ,r} et quiest strictement croissante sur {r + 1, . . . n}.On peut alors simplement calculer la signature de wI : ε(wI) = (−1)`(I). En effet,signature d’une permutation est égale à (−1)N si elle s’écrit comme produit de Ntranspositions (cela ne dépend pas de la décomposition en produit de transpositionschoisies). Or par définition `(I) = ι(I,I) est le nombre de transpositions nécessairepour ordonner II = {i1 < · · · < ir,ir+1 < · · · in}, et wI−1 est justement une permu-tation qui ordonne II. Donc ε(wI) = ε(wI

−1) = (−1)`(I).Le membre de droite du développement de Laplace se factorise donc par ε(wI).Ainsi, quitte à considérer wI−1 (ce qui n’affecte que sa signature), on peut supposerI = {1, . . . ,r}. On a donc `(I) = 0. On note ai,j les coefficients de A. On sait que

det(A) =∑σ∈Sn

ε(σ)n∏i=1

ai,σ(i).

De plus,

∆I,J =∑σ∈Sr

ε(σ)r∏i=1

ai,wJ◦σ(i)

et

∆I,J =∑

σ∈Sn−r

ε(σ)n∏

i=r+1

ai,wJ◦σ(i).

Ceci étant fait, on considère l’application

Φ: Sn −! Λ(r,n)×Sr ×Sn−r

σ 7−! (Iσ,σr,σn−r) = (σ(I),wIσ−1σ|I ,wIσ−1σ|I),

où Sn−r := S({r + 1, . . . ,n}).

15

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Mémoire de M2 Elio Joseph

On pose alors

σn := (σr,σn−r) ∈ Sr ×Sn−r ↪! Sn.

On a ε(σn) = ε(σr)ε(σn−r). On remarque alors que la donnée de σ ∈ Sn est équi-valente à la donnée de (Iσ,σr,σn−r) car σ = wiσσn. Ainsi, Φ est une bijection. Deplus,

ε(σ) = ε(wIσ)ε(σn) = (−1)`(Iσ)ε(σr)ε(σn−r).

Il suffit alors de partir du membre de droite du développement de Laplace, de multi-plier les mineurs entre eux grâce aux formules établies, d’utiliser toutes les définitionsdonnées, de calculer en menant bataille contre les milliers d’indices, pour finalementtrouver det(A). �

Remarque 5 La proposition 4 contient le développement du déterminant par rap-port à une ligne ou une colonne.

Pour tout couple (r,n), on se donne un ordre total (par exemple l’ordre lexicogra-phique, mais cela n’a aucune importance) sur Λ(r,n).Définition 6 Soient A ∈ Mn,m(k) et r 6 min(n,m). On définit la r-ième puissanceextérieure de A, comme la matrice

Λr(A) = (∆I,J(A))I∈Λ(r,n),J∈Λ(r,m).

Autrement dit, Λr(A) est la matrice de tous les mineurs extraits de taille r × r.Donnons une remarque fondamentale, car c’est ce cas particulier qui nous permettrapar la suite de définir la hauteur d’un sous-espace de dimension quelconque.Remarque 7 Si A est une matrice n × r (par exemple une matrice formée d’unebase de vecteurs d’un sous-espace de dimension r de kn), alors Λr(A) est de taille

N × 1 avec N :=

(n

r

), i.e. un vecteur de kN .

On remarque aussi que si A ∈ Mn,n(k), alors Λn(A) = det(A).

Proposition 8 Sous réserve que le produit de deux matrices A et B soit bien défini,on a multiplicativité de la puissance extérieure :

Λr(AB) = Λr(A)Λr(B).

Preuve.Il suffit d’appliquer la formule 2 de Binet-Cauchy. �

Remarque 9 On tire de la proposition 8 les propriétés suivantes du produit exté-rieur :(i) ∀P ∈ GLn(k), ∀A ∈Mn,r(k), Λr(PA) = Λr(P )Λr(A),(ii) ∀Q ∈ GLr(k), ∀A ∈Mn,r(k), Λr(AQ) = det(Q)Λr(A),(iii) ∀P ∈ GLr(k), Λr(P−1) = Λr(P )−1.Ainsi, pour tout r 6 n, on a (toujours avec la notation N :=

(nr

)) un morphisme de

groupes

Λr : GLn(k)! GL(kN).

On peut remarquer que Λn est un morphisme bien connu du nom de déterminant.

16

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1.2 Le plongement de Plücker

L’idée est de voir un sous-espace de kn de dimension d, comme un point d’un espaceprojectif, autrement dit comme une droite. Il sera de fait plus facile d’appréhenderun espace de dimension d, car, soyons francs, nous ne pouvons nous représentermentalement qu’un espace de dimension 2 d 6 2.Si E est un espace vectoriel de dimension n, on note P(E) l’ensemble des droites vec-torielles de E, appelé espace projectif, et Grd,n l’ensemble des sous-espaces vectorielsde E de dimension d.On a le théorème fondamental suivant :

Théorème 10 Soient n entier et r ∈ {1, . . . ,n − 1}. Soient F un sous-espace dedimension r de kn et AF ∈ Mn,r(k) la matrice d’une base de F dans la base canoniquede kn.Alors la droite engendrée par Λr(AF ) ne dépend que de F . On note [Λr(AF )] lepoint correspondant dans l’espace projectif, et N :=

(nr

). On peut donc définir une

application ψr,n par

ψr,n : Grr,n ↪−! P(kN)

F 7−! [Λr(AF )].

Cette application est injective.

Preuve.D’après la remarque 7 que nous avions annoncée importante, Λr(AF ) est identifié àun vecteur de kN \ {0} (non nul car AF est de rang r > 1). On peut donc prendresa classe dans l’espace projectif P(kN). Si A′F est la matrice d’une autre base deF , on note Q ∈ GLr(k) la matrice de passage de AF à A′F . On a A′F = AFQ,d’où Λr(A′F ) = det(Q)Λr(AF ) d’après la remarque 9. Ainsi, car det(Q) 6= 0, lesdroites engendrées par Λr(AF ) et Λr(A′F ) sont égales, d’où la bonne définition del’application ψr,n.Pour montrer l’injectivité, on va retrouver le sous-espace F à partir de son imageψr,n(F ). Soient AF comme précédemment et v ∈ kn. Alors v ∈ F si, et seulement si,la matrice Bv de taille n× (r + 1) formée par blocs de AF , puis du vecteur colonnev est de rang r. Ce qui est équivalent au fait que tout mineur de taille r + 1 de Bv

est nul. En développant ces mineurs par rapport à la dernière colonne de Bv (forméedu vecteur v), on obtient un système d’équations

∀J ∈ Λ(r + 1,n),∑j∈J

(−1)j∆J\{j},{1,...,r}(AF )vj = 0.

Chaque ligne du sytème étant homogène, celui-ci ne dépend que de F (et non duchoix de AF ). Ce système caractérise F à partir de son image dans l’espace projectif[(∆J,{1,...,r}(AF ))J∈Λ(r,n)] = [Λr(AF )] = ψ(F ). �

On en est arrivé à la définition qui nous intéressait.

2. Peut-être 6 3 pour les meilleurs.

17

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Définition 11 Les N coordonnées du vecteur Λr(AF ) sont appelées coordonnées deGrassmann de F .

Les coordonnées de Grassmann ont le bon goût de bien se comporter sous l’actionnaturelle de GLn(k).

Proposition 12 Si ω ∈ GLn(k), alors il existe ω(r) ∈ GLN(k) (appelée r-ièmepuissance composée de ω) telle que pour tout sous-espace F de dimension r de kn,

ψr,n(ω(F )) = ω(r)(ψr,n(F )).

Preuve.On pose ω(r) := Λr(P ), où P est la matrice de ω dans la base canonique. On appliquealors la proposition 8 �

On veut maintenant calculer les coordonnées de Grassmann de l’orthogonal d’unsous-espace. Pour cela, on munit kn ' Mn,1(k) de son produit scalaire canonique, àsavoir

〈u,v〉 = tuv.

On se donne un sous-espace F , et on va chercher à exprimer les coordonnées deGrassmann de F⊥ en fonction de celles de F . Comme précédemment, on fixe r ∈{1, . . . ,n−1} et on se donne6 un ordre total sur Λ(r,n). On note I le complémentairede I pour I ∈ Λ(r,n). On définit l’ordre transposé 6t, ordre total sur Λ(n− r,n) par

∀I,J ∈ Λ(r,n), I 6 J ⇐⇒ I 6t J .

On pose Dn−r la matrice diagonale

Dn−r := diag((−1)`(I))I∈Λ(n−r,n).

Peut-être plus concrètement, Dn−r est la matrice diagonale formée des εI , où εI estla signature de la permutation(

1 · · · n− r n− r + 1 · · · n

i1 · · · in−r i1 · · · ir

)

avec I =: {i1, . . . ,in−r} et I =: {i1, . . . ,ir}. Le fait que εI soit bien la signature decette permutation a été expliqué au début de la preuve de la proposition 4.

Remarque 13 On va faire agir Dn−r sur l’espace projectif P(kN), l’action ne seradonc définie qu’à homothétie près. Ainsi, on aurait pu tout aussi bien remplacer `(I)par `(I) dans la définition, car `(I) = r(n− r)− `(I) d’après le lemme 3.On peut aussi remarquer, toujours grâce au lemme 3, que Dn−r = (−1)r(n−r)Dr.

On peut alors répondre à notre question.

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Théorème 14 Si F est un sous-espace de dimension r de kn, alors

ψn−r,n(F⊥) = Dn−rψr,n(F ).

Preuve.On commence par traiter le cas très particulier où F0 est l’espace engendré par lesr premiers vecteurs de la base canonique.Dans ce cas, F0

⊥ est engendré par les n− r derniers. On note A0 la matrice forméedes r premiers vecteurs de la base canonique et B0 celle formée des n− r derniers.Ainsi, les colonnes de A0 engendrent F0 et celles de B0 engendrent F0

⊥. On remarqueque A0 est de rang r, B0 est de rang n− r et tB0A0 = 0.Par définition de la puissance extérieure et au regard de la taille des matrices enjeu, Λn−r(B0) et Λr(A0) ont chacun un unique coefficient non nul, correspondantrespectivement à I = {r + 1, . . . ,n} et J = {1, . . . ,r}. Par définition de l’ordretransposé et car (−1)`(J) = 1, on a

Λn−r(B0) = Dn−rΛr(A0),

soit

ψn−r,n(F0⊥) = Dn−rψr,n(F0).

Soit maintenant F un sous-espace de dimension r de kn. On va se ramener au casparticulier déjà traité. Soient A la matrice d’une base de F et P la matrice de passagede A0 à A : A = PA0. On pose B := tP−1B0. On a

tBA = t(tP−1B0)(PA0) = tB0A0 = 0

donc les colonnes de B engendrent F⊥. Il reste donc à montrer que Λn−r(B) est égalà Dn−rΛ

r(A) à un scalaire près.On pose pour tout Q ∈ Mn(k),

Λn−r(Q) := Dn−rΛn−r(Q)Dn−r = ((−1)`(I)+`(J)∆I,J(Q))I,J∈Λ(n−r,n).

On aura besoin du

Lemme 15 Pour tout P ∈ Mn(k), on a

Λr(P )Λn−r(tP ) = det(P )IN .

Preuve.Soit D := Λr(P )Λn−r(

tP ). On veut donc montrer que le coefficient (I,I ′) de D (notéDI,I′) vaut 0 si I 6= I ′ et det(P ) sinon, avec I,I ′ ∈ Λ(r,n).Si I = I ′, d’après les ordres qu’on a définis sur Λ(r,n) et Λ(n− r,n), on a

DI,I =∑

J∈Λ(r,n)

∆I,J(P )(−1)`(I)+`(J)∆J ,I(tP ) =

∑J∈Λ(r,n)

(−1)`(I)+`(J)∆I,J(P )∆I,J(P ).

Alors on obtient en utilisant la formule du développement de Laplace (proposition4) que DI,I = det(P ).

19

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Si I 6= I ′, on calcule comme on vient de le faire, pour trouver cette fois

DI,I′ = (−1)`(I′)∑

J∈Λ(r,n)

(−1)`(J)∆I,J(P )∆I,J(P ).

La fin de la preuve est élémentaire, mais quelque peu technique. Le lecteur pressépourra allègrement l’éviter. On définit une matrice P ∈ Mn(k) en définissant seslignes Li(P ) en fonction des lignes Li(P ) de P :{

Li(P ) := Li(P ) si i ∈ ILi(P ) := Lσ(i)(P ) si i /∈ I

où σ est l’unique permutation croissante sur I et croissante sur I, qui envoie I surI ′ et I sur I ′.Comme I et I ′ sont distincts et de même cardinal, on a nécessairement I∩I ′ 6= ∅. Pardéfinition de la matrice P , deux de ses lignes sont donc égales. Ainsi, det(P ) = 0. Onremarque que l’ensemble (ordonné) {Li(P ),i /∈ I} est égal à l’ensemble (ordonné){Li(P ),i ∈ I ′}. Ainsi, ∆I,J(P ) = ∆I′,J(P ).On a donc grâce au développement de Laplace

det(P ) =∑

J∈Λ(r,n)

∆I,J(P )∆I,J(P )(−1)`(J)+`(I)

et donc

DI,I′ = (−1)`(I′)∑

J∈Λ(r,n)

(−1)`(J)∆I,J(P )∆I,J(P )

= (−1)`(I)+`(I′)∑

J∈Λ(r,n)

(−1)`(J)+`(I)∆I,J(P )∆I,J(P )

= det(P )

= 0,

ce qui finit de prouver le lemme. �

On applique alors le lemme 15 que l’on vient de prouver, on utilise la multiplicativitédes puissances extérieures et le cas particulier, pour finalement trouver

Λn−r(B) = Λn−r(tP−1B0)

= Λn−r(tP )−1Λn−r(B0)

=1

det(P )Λr(P )Dn−rΛ

r(A0)

=1

det(P )Dn−rΛ

r(P )Λr(A0)

=1

det(P )Dn−rΛ

r(PA0)

=1

det(P )Dn−rΛ

r(A)

ce qui conclut la preuve du théorème. �

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1.3 Point de vue en coordonnées

On se donne m vecteurs X1, . . . ,Xm de kn, qu’on exprime en coordonnées dans labase canonique. On note M ∈ Mn,m(k) la matrice dont la i-ème colonne est Xi.

Définition 16 On note X1 ∧ · · · ∧ Xm le vecteur Λm(M) ∈ kN , et on l’appelleproduit extérieur de X1, . . . ,Xm.

La beauté de la notation commence déjà à transparaître avec la

Proposition 17 Si ω ∈ GLn(k), alors

ω(X1) ∧ · · · ∧ ω(Xm) = ω(m)(X1 ∧ · · · ∧Xm).

Preuve.En notant W la matrice de ω dans la base canonique, on a

ω(X1) ∧ · · · ∧ ω(Xm) = Λm(WM) = Λm(W )Λm(M)

par multiplicativité de la puissance extérieure, et on peut conclure par définition deω(m). �

On note (e1, . . . ,en) la base canonique de kn. On peut décrire explicitement une basede Λp(kN) ' kN .

Proposition 18 La famille (ei1 ∧ · · · ∧ eip)i1<···<ip est une base de Λp(kn).

Preuve.On ordonne (i1 < · · · < ip) par ordre lexicographique.En utilisant l’identification canonique Λp(kN) ' kN , et en notant Ei le i-ème vecteurde la base canonique de kN , on remarque que ei1∧· · ·∧eip s’identifie à Ej si (i1, . . . ,ip)est le j-ème uplet. �

Remarque 19 Si la famille (X1, . . . ,Xm) de vecteurs de kn est libre, alors les coor-données deX1∧· · ·∧Xm sont (à proportionnalité près) les coordonnées de Grassmannde Vect(X1, . . . ,Xm).

Faisons un peu plus de théorie en partant du point de vue en coordonnées dansle but de proposer des démonstrations fluides de résultats de l’article de Schmidt.Nous nous appuyons principalement ici sur [1], et nous identifierons dans la suiteallègrement kN et Λp(kn).

Définition 20 Soit F un sous-espace de kn de dimension au moins égale à p. Onappelle sous-espace composé p-ième de F , noté F (p) le sous-espace vectoriel de kNengendré par

x1 ∧ · · · ∧ xp, x1, . . . ,xp ∈ F.

On peut alors faire un parallèle avec la puissance composée d’une application linéaire,définie dans la proposition 12.

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Proposition 21 Soient F un sous-espace de kn de dimension ` et A ∈ Mn,`(k)dont les colonnes forment une base de F . Alors pour tout p 6 `, les colonnes de A(p)

forment une base de F (p).

Preuve.Soient (X1, . . . ,X`) et (X ′1 . . . ,X

′`) deux bases de F . On note A la matrice de colonnes

les Xi, et A′ la matrice de colonnes les X ′i.Comme A et A′ sont de rang `, il existe U ∈ GL`(k) telle que A′ = AU .Toujours par multiplicativité de la puissance extérieure, on a donc A′(p) = A(p)U (p)

avec U (p) inversible (d’après la remarque 9 car Λp est un morphisme de groupes).Ainsi, les colonnes de A(p) et A′(p) forment deux bases d’un même espace vectorielG.D’après la proposition 18, si j := (j1 < · · · < jp), alors Xj1 ∧ · · · ∧Xjp est la j-èmecolonne de A(p). De fait, G ⊂ F (p) par définition de l’espace composé p-ième.Réciproquement, si X1, . . . ,Xp ∈ F forment une famille libre, alors on peut lescompléter en X1, . . . ,X` base de F .On note B la matrice dont la j-ème colonne est Xj. La première colonne de B(p) estalors X1 ∧ · · · ∧Xp, donc pour 1 6 j 6 `, F (p) ⊂ G, ce qui conclut la preuve. �

Remarque 22 En particulier, dans la proposition 21, on a A(p) de taille(np

)×(`p

),

donc cette proposition nous donne dimk F(p) =

(`p

). De plus, le rang de A(p) est égal

à son nombre de colonnes.

On peut alors en déduire une proposition qui nous servira par la suite. On peutremarquer que celle-ci est très compatible avec nos notations.

Proposition 23 Soit u un endomorphisme de kn. Alors

Im(u(p)) = (Imu)(p).

Preuve.Supposons d’abord que u est de rang strictement inférieur à p.Alors la matrice représentant u dans la base canonique est de rang strictementinférieur à p, et tous ses mineurs d’ordre p sont donc nuls. Donc u(p) = 0.De plus, Imu est de dimension strictement inférieur à p, donc x1∧ · · · ∧xp = 0 pourtous x1, . . . ,xp ∈ F (pour la même raison que précédemment et par définition duproduit extérieur). Donc Im(u(p)) = 0 = (Imu)(p).Supposons maintenant que u est de rang au moins p, on note U la matrice de u dansla base canonique.L’espace Imu est engendré par les colonnes de U , et de même Im(u(p)) est engendrépar les colonnes de U (p).D’après la proposition 23, on a donc que (Imu)(p) est engendré par les colonnes deU (p), ce qui conclut. �

Proposition 24 Soient F,F ′ ⊂ E deux sous-espaces de dimension au moins égaleà p. Alors

F ⊂ F ′ ⇐⇒ F (p) ⊂ F ′(p).

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Preuve.Si F ⊂ F ′, on a évidemment F (p) ⊂ F ′(p) par définition des espace composés.Supposons F (p) ⊂ F ′(p). Comme F (p) est engendré par les x1 ∧ · · · ∧ xp avec lesxi ∈ F , on peut sans perte de généralité supposer dimF = p.Soit (x1, . . . ,xp) une base de F . On pose ` := dimF ′, et quitte à composer par unautomorphisme, on peut supposer F ′ = Vect(e1, . . . ,e`).Alors F ′(p) a pour base (ei1 ∧ . . . ∧ eip)16i1<...<ip6`.Soient maintenant j0 > ` et j := {j1 < · · · < jp−1,j0} avec jp−1 6 `.Alors le j-ème coefficient de x1 ∧ · · · ∧ xp est nul. En effet, si on note comme nousl’avons déjà fait (Ej)16j6N la base canonique de Λp(kn), on a Ej = ej1 ∧ · · · ∧ ejp−1 ∧ej0 /∈ F ′(p) car j0 > `.En notant A la matrice dont la i-ème colonne est xi, on en déduit alors que le mineur∆J,{1,...,p}(A) = 0, avec J = {j0, . . . ,jp−1}. Les lignes d’indices j0, . . . ,jp−1 de A sontdonc liées.Or F (p) ⊂ F ′(p), et F = Vect(x1, . . . ,xp), donc x1 ∧ · · · ∧ xp est non nul dans F ′(p).Il existe donc j′ := {j′1 < · · · < j′p} avec j′p 6 `, tel que ∆J ′,{1,...,p}(A) 6= 0, avec J ′ ={j′1, . . . ,j′p}, donc les lignes d’indices j′1, . . . ,j′p de A sont linéairement indépendantes.En combinant nos deux résultats, on trouve que la ligne d’indice j0 de A est com-binaison linéaire de p − 1 lignes choisies de façon quelconque parmi j′1, . . . ,j′p. Sicette ligne était non nulle, la famille (j′1, . . . ,j

′p) ne pourrait pas être libre, ce qui est

absurde.On a ainsi montré que pour tout j0 > `, la composante de xi selon ej0 est nulle pourtout i.Ainsi, x1, . . . ,xp ∈ Vect(e1, . . . ,ek) = F ′, ce qui conclut la preuve. �

On en déduit la remarque suivante qui nous servira.

Remarque 25 Si (x1, . . . ,xp) est une famille libre de E, alors

x1 ∧ · · · ∧ xp ∈ F (p) ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . ,p}, xi ∈ F.

En effet, il suffit de poser G := Vect(x1, . . . ,xp). Alors d’après la proposition 24, ona

∀i ∈ {1, . . . ,p}, xi ∈ F ⇐⇒ G ⊂ F

⇐⇒ G(p) ⊂ F (p)

⇐⇒ x1 ∧ · · · ∧ xp ∈ F (p)

car (x1, . . . ,xp) est une base de G.

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2 Géométrie des nombresOn s’aidera notamment de [10].La définition fondamentale de la géométrie des nombres est la suivante.

Définition 26 Soient x1, . . . ,xn des vecteurs linéairement indépendants de Rn, onappelle réseau le sous-ensemble de Rn

x1Z + · · ·+ xnZ,

et (x1, . . . ,xn) en est une base.

On note GLn(Z) l’ensemble des matrices à coefficients dans Z de déterminant égal à±1. C’est exactement l’ensemble des matrices de Mn(Z) admettant un inverse dansMn(Z), grâce à la formule

A−1 =1

detAt com(A).

Remarque 27 On identifie une base (x1, . . . ,xn) à la matrice X dont les colonnessont les xi dans la base canonique.Alors deux bases X et X ′ représentent un même réseau si, et seulement si, il existeM ∈ GLn(Z) une matrice telle que X ′ = XM .

Ainsi, les déterminants des matrices de deux bases d’un même réseau sont égaux ausigne près, ce qui nous permet de donner la définition importante suivante, qui nousdonne un invariant du réseau, ne dépendant pas de la base choisie pour celui-ci.

Définition 28 Soient Γ un réseau de Rn, et X = (x1| · · · |xn) une base de Γ. Onappelle covolume de Γ le nombre

covol(Γ) := |det(X)| .

Remarque 29 Géométriquement, cela correspond à la mesure d’un "parallélépi-pède minimal", i.e. un parallélépipède de volume minimal, du réseau.

Définition 30 Soit Γ un réseau de Rn et (x1, . . . ,xn) une base de Γ. On appelledomaine fondamental ou maille de Γ l’ensemble

D :=

{n∑i=1

λixi, 0 6 λ1, . . . ,λn < 1

},

qui dépend de la base choisie bien que notre notation n’insiste pas là-dessus.

Remarque 31 Pour tout domaine fondamental d’un réseau Γ, (D + γ)γ∈Γ est unepartition de Rn.

Remarque 32 Comme la famille (x1, . . . ,xn) est libre, on a toujours covol(Γ) > 0.

Exemple 33 L’exemple le plus simple de réseau est Zn. La matrice de la basecanonique dans elle-même est In la matrice identité. Ainsi, covol(Zn) = 1.

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Remarque 34 Si Γ est un réseau de Rn, alors (Γ,+) est un groupe.

Remarque 35 D’après la remarque 100 (et la proposition 102), comme la matriceX de la définition 28 est carrée, on a

covol(Γ) = D(x1, . . . ,xn) = ‖x1 ∧ · · · ∧ xn‖2 .

Définition 36 Soient Γ un réseau de base (b1, . . . ,bn) et a1, . . . ,an des vecteurs deΓ. On appelle indice de (a1, . . . ,an) dans Γ le nombre

|det(a1, . . . ,an)||det(b1, . . . ,bn)|

.

On peut aussi définir plus généralement un réseau comme un sous-Z-module libred’un espace euclidien. Ainsi, si (x1, . . . ,xd) est libre dans Rn,

Γ := x1Z + · · ·+ xdZ

est un réseau de Rn. On pose E := Vect(x1, . . . ,xd), qui est un espace euclidien.L’espace E hérite d’une métrique induite par celle de Rn, et E est isomorphe àl’espace euclidien Rd. On peut donc parler de volume dans E. Le covolume de Γest alors le volume dans E d’un domaine fondamental du réseau. Autrement dit, enutilisant le déterminant de Gram,

covol(Γ) = D(x1, . . . ,xd).

L’indice d’un réseau Γ dans un réseau Γ′ est alors le nombre

indΓ′(Γ) := covol(Γ)/ covol(Γ′).

Enonçons maintenant les deux théorèmes fondamentaux de géométrie des nombres.Leur démonstration sera inspirée de [6]. Nous nous placerons dans le cas de la défi-nition 26 où le réseau est "maximal".

Théorème 37 (Blichfeldt, 1914) Soit Γ un réseau de Rn. On note µ la mesurede Lebesgue sur Rn.Si X est une partie mesurable de Rn telle que

µ(X) > covol(Γ), (4)

alors il existe x et y deux points de X, tels que x− y ∈ Γ \ {0}.Si de plus X est compacte, l’inégalité (4) peut alors seulement être supposée large.

Preuve.Notons p la surjection canonique de Rn dans Rn/Γ. Il suffit de montrer que p|X n’estpas injective. En effet, il existera alors x,y ∈ X tels que x 6= y et p(x) = p(y), etainsi x− y ∈ Γ \ {0}.Soit D un domaine fondamental de Γ. On peut écrire X comme une réunion dis-jointe :

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X =∐λ∈Γ

X ∩ (λ+D).

Alors

µ(X) =∑λ∈Γ

µ(X ∩ (λ+D)).

On suppose par l’absurde que p|X est injective. Alors les p(X∩(λ+D)) sont disjointsdans Rn/Γ. De plus, pour tout λ ∈ Γ, µ(X ∩ (λ+D)) = µ(p(X ∩ (λ+D))).Donc

µ(X) = µ(p(X)) 6 covol(Rn/Γ)

ce qui est absurde, donc p|X n’est pas injective.

Supposons maintenant que µ(X) > covol(Γ), mais que X est compacte.Pour tout réel ε > 0, on considère l’ouvert

Xε := {x ∈ Rn, ∃y ∈ Xε, |x− y| < ε}.

Comme pour tout ε > 0, Xε est ouvert, on utilise le cas précédent déjà démontré(car µ(Xε) > µ(X) > covol(Γ)), qui nous donne que Xε ∩ (Γ \ {0}) 6= ∅.Or, Γ est discret et les Xε sont bornés (car X compacte donc bornée), donc pourtout ε,Xε(∩Γ \ {0}) est fini.Comme il décroît (pour l’inclusion) avec ε, il est donc constant pour ε suffisammentpetit, égal à X ∩ (Γ \ {0}) (car ∩εXε = X et X est fermé). �

Ceci étant dit, nous pouvons énoncer le théorème qui va véritablement nous servir,bien qu’il se déduise très aisément du théorème de Blichfeldt.

Théorème 38 (de Minkowski) On reprend les notations du théorème 37. Soit Xune partie mesurable de Rn, qu’on suppose convexe et symétrique (par rapport à 0).Si

µ(X) > 2n covol(Γ), (5)

alors X ∩ (Γ \ {0}) 6= ∅.Si de plusX est supposée compacte, alors l’inégalité (5) peut être seulement supposéelarge.

Preuve.Le point clef est de considérer la partie de Rn Y := 1

2X, pour se ramener au théorème

de Blichfeldt.On a µ(Y ) = 2−nµ(X) > covol(Γ) d’après la condition (5) (avec éventuellementégalité si X, donc Y , est compacte).Donc d’après le théorème 37 de Blichfeldt, il existe x,y ∈ Y tels que x− y ∈ Γ \{0}.On a donc 2x − 2y ∈ Γ \ {0}. Par symétrie de X, on a −2y ∈ X, et par convexitéde X, on a alors z := (2x− 2y)/2 = x− y ∈ X. Donc x− y ∈ X ∩ (Γ \ {0}) 6= ∅.�

26

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Mémoire de M2 Elio Joseph

3 Fractions continues

3.1 Préliminaires

Nous exposons ici brièvement la théorie des fractions continues, en s’appuyant prin-cipalement sur [8].Nous noterons [a0, . . . ,aN ] la fraction continue

a0 +1

a1 +1

. . . +1

aN.

Nous appelons pour n ∈ {0, . . . ,N}, [a0, . . . ,an] la n-ième réduite de [a0, . . . ,aN ].Deux suites (pn) et (qn) définies par

p0 = a0, p1 = a1a0 + 1, q0 = 1, q1 = a1

pn = anpn−1 + pn−2

qn = anqn−1 + qn−2

permettent de calculer les réduites grâce à la

Proposition 39 On a [a0, . . . ,an] = pn/qn.

Preuve.Ceci est facile pour n = 0 et n = 1. On procède par récurrence forte en supposantle résultat vrai pour n 6 m < N . On a

[a0, . . . ,am] =pmqm

=ampm−1 + pm−2

amqm−1 + qm−2

avec les quantités pm−1, pm−2, qm−1 et qm−2 qui ne dépendent pas de am.Ainsi,

[a0 . . . ,am+1] =

[a0, . . . ,am−1,am +

1

am+1

]

=

(am + 1

am+1

)pm−1 + pm−2(

am + 1am+1

)qm−1 + qm−2

=am+1(ampm−1 + pm−2) + pm−1

am+1(amqm−1 + qm−2) + qm−1

=am+1pm + pm−1

am+1qm + qm−1

=pm+1

qm+1

. �

Nous aurons aussi besoin d’un autre résultat du même type lors de l’étude de l’articlede Schmidt à venir, nous en profitons pour le donner ici.

27

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Lemme 40 On aqnqn+1

= [0,an+1, . . . ,a0].

Preuve.On raisonne à nouveau par récurrence, le cas n = 0 étant immédiat.En utilisant l’hypothèse de récurrence, on trouve alors

[0,an+2, . . . ,a0] =1

[an+2, . . . ,a0]

=1

an+2 +1

[an+1, . . . ,a0]

=1

an+2 +qnqn+1

=qn+1

an+2qn+1 + qn

=qn+1

qn+2

,

ce qui conclut. �

De plus on a les relations suivantes :

Proposition 41 On a {pnqn−1 − pn−1qn = (−1)n−1,

pnqn−2 − pn−2qn = (−1)nan.

Preuve.Pour la première égalité, on écrit

pnqn−1 − pn−1qn = (anpn−1 + pn−2)qn−1 − pn−1(anqn−1 + qn−2)

= −(pn−1qn−2 − pn−2qn−1)

= · · ·= −(−1)n−1(p1q0 − p0q1)

= (−1)n−1.

La seconde égalité s’en déduit alors :

pnqn−2 − pn−2qn = (anpn−1 + pn−2)qn−2 − pn−2(anqn−1 + qn−2)

= an(pn−1qn−2 − pn−2qn−1)

= (−1)nan. �

De la proposition 41 découlent alors les relations :

28

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Proposition 42 On a

pnqn− pn−1

qn−1

=(−1)n−1

qn−1qnet

pnqn− pn−2

qn−2

=(−1)nanqn−2qn

.

Soit (an) est une suite d’entiers strictement positifs, sauf peut-être a0 qui peut êtrenégatif (on dit alors que la fraction continue associée est simple). On notera par lasuite xn = [a0, . . . ,an], et x = xN .On remarque que pour n ∈ {2, . . . ,N},

x = [a0, . . . ,aN ]

= [a0, . . . ,an−1,[an, . . . ,aN ]]

=[an, . . . ,aN ]pn−1 + pn−2

[an, . . . ,aN ]qn−1 + qn−2

.

Proposition 43 Les réduites d’ordre paire croissent strictement, tandis que les ré-duites d’ordre impair décroissent strictement.

Preuve.Les qn sont tous strictement positifs car les an le sont. Ainsi d’après la proposition42, la quantité xn − xn−2 est du signe de (−1)n−1. �

Proposition 44 Les réduites d’ordre impair sont strictement plus grandes que lesréduites d’ordre pair.

Preuve.D’après la proposition 42 et car les qn sont tous strictement positifs, xn − xn−1 estdu signe de (−1)n−1. Donc pour tout m ∈ N, x2m+1 > x2m.Maintenant, on fixe deux entiers m,k ∈ N et on suppose par l’absurde que x2m+1 6x2k. Si k < m, la proposition 43 donne alors que x2m+1 6 x2m, ce qui est absurde,et si k > m, on conclut de même car x2k+1 < x2k. �

Remarque 45 On fait remarquer ici que les pn et les qn sont tous entiers, que lesqn sont strictement positifs, que q1 > q0 et qn > qn−1 pour n > 2.

Proposition 46 On a pour tout n ∈ N, qn > n, l’inégalité étant stricte si n > 4.

Preuve.Le résultat est évident si n = 0 ou n = 1. Si n > 2, on a qn = anqn−1 + qn−2 >qn−1 + 1 > qn−1.Donc par récurrence, qn > n.Si maintenant n > 4, alors qn > qn−1 + qn−2 > qn−1 + 1 > n. �

Finissons ces préliminaires par une propriété importante des réduites :

Proposition 47 Les réduites d’une fraction continue simple sont des fractions ir-réductibles.

Preuve.D’après la première relation de la proposition 41, si on trouve un diviseur communà pn et qn, alors il divise (−1)n−1. C’est donc 1 ou −1. �

29

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Mémoire de M2 Elio Joseph

3.2 Développement en fraction continue d’un nombre irra-tionnel

Le point de départ est le théorème :

Théorème 48 La suite (xn) converge vers une limite x. Autrement dit, toutes lesfractions continues infinies simples sont convergentes.

Preuve.D’après la proposition 39, on a xn = pn/qn la n-ième réduite. On remarque quesi N > n, alors xn est aussi une réduite de [a0, . . . ,aN ]. Ainsi, on peut appliquerla proposition 43, et la suite (x2n) est croissante, tandis que la suite (x2n+1) estdécroissante.D’après la proposition 46, pour tout n ∈ N, on a x2n 6 x1 et x2n+1 > x0. On a donc(x2n) croissante majorée et (x2n+1) décroissante minorée. Ces deux suites convergentdonc vers deux limites, qu’on note respectivement `pair et `impair, avec bien entendu`pair 6 `impair.En utilisant la première relation de la proposition 42, ainsi que la minoration de laproposition 46, on a alors

|x2n − x2n−1| =∣∣∣∣p2n

q2n

− p2n−1

q2n−1

∣∣∣∣ =1

q2nq2n−1

61

2n(2n− 1)−−−!n!∞

0.

Les suites (x2n) et (x2n+1) sont donc adjacentes, et convergent donc vers une limitecommune ` = `pair = `impair.Nous avons montré que

[a0, . . . ,an] −−−−!n! ∞

`. �

Nous utiliserons par la suite l’expression fraction continue pour désigner la va-leur de celle-ci. Nous noterons souvent cette valeur x. Nous noterons aussi a′n :=[an,an+1, . . .] le n-ième quotient complet de la fraction continue.Le but va être maintenant de démontrer une majoration de la vitesse de convergencedes réduites vers la valeur de la fraction continue.On peut commencer par remarquer que

a′n = limN!∞

[an, . . . ,aN ]

= an + limN!∞

1

[an+1, . . . ,aN]

= an +1

a′n+1

.

Ainsi, x = a′0 = a0 + 1/a′1. De plus, a′n > an, a′n+1 > an+1 > 0 et 0 < 1/a′n+1 < 1.Donc an = ba′nc. En particulier, a0 = bxc.Ceci nous permet d’en déduire le

Théorème 49 Deux fractions continues infinies simples de même valeur sont iden-tiques.

30

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Preuve.On procède par récurrence. On considère deux fractions continues [a0, . . .] et [b0, . . .].Pour N = 0, a0 = bxc = b0 d’après la discussion précédant ce théorème.On suppose désormais que N entier fixé et que an = bn pour tout n < N . On a

[a0, . . . ,aN−1,a′N ] = x = [b0, . . . ,bN−1,b

′N ].

Si N = 1, l’égalité a0 + 1/a′1 = a0 + 1/b′1 nous donne a′1 = b′1, et donc a1 = b1.Si N > 2, on a d’après une remarque précédente

a′NpN−1 + pN−2

a′NqN−1 + qN−2

= x =b′NpN−1 + pN−2

b′NqN−1 + qN−2

,

en développant puis factorisant, on trouve alors que

(a′N − b′N)(pN−1qN−2 − pN−2qN−1) = 0,

soit (a′N − b′N)(−1)NaN = 0 d’après la seconde égalité de la proposition 41. Ainsi,a′N = b′N , puis aN = bN d’après la discussion précédant ce théorème. �

Nous avons donc montré que l’écriture d’un nombre irrationnel en fraction continuesimple est unique.Il reste à montrer que réciproquement, tout nombre réel peut s’écrire sous formed’une fraction continue simple. Pour cela, nous utiliserons un algorithme dû à Eu-clide.On fixe x ∈ R, et on pose a0 := bxc. Alors x = a0 + ξ0 avec 0 6 ξ0 < 1.Si ξ0 6= 0, on pose alors a′1 := 1

ξ0, puis a1 := ba′1c. On a alors a′1 = a1 + ξ1 avec

0 6 ξ1 < 1.On continue par récurrence (tant que ξn 6= 0).On peut remarquer que la fraction continue formée par les an est bien simple, car sin > 1, a′n = 1/ξn−1 > 1, donc an > 1.On a que pour tout n, x = [a0, . . . ,an,a

′n+1]. Ainsi, si l’algorithme s’arrête car un

ξn = 0, alors x = [a0, . . . ,an].

Théorème 50 Tout nombre réel x peut être représenté par une fraction continuesimple.

Preuve.Si x ∈ Z, alors ξ0 = 0 et x = a0.Si x ∈ Q \ Z, alors x = h/k avec h et k > 1 entiers. On a h/k = a0 + ξ0, donch = a0k + ξ0k. On remarque que a0 est le quotient de la division euclidienne de hpar k, et k1 := ξ0k le reste de cette même division euclidienne.On a ainsi une suite finie d’équations

h = a0k + k1, k = a1k1 + k2, k1 = a2k2 + k3, . . .

qui s’arrête dès lors que ξn = 0, autrement dit kn+1 = 0. Or la suite des (kn)décroit strictement, donc l’algorithme de développement en fraction continue s’arrêtenécessairement.

31

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Si x ∈ R\Q, alors l’algorithme ne s’arrête pas car tous les ξn sont irrationnels, donca fortiori non nuls. On considère encore la suite (infinie cette fois-ci) (an). On atoujours que pour tout n :

x =a′n+1pn + pn−1

a′n+1qn + qn−1

,

donc

x− pnqn

=a′n+1pnqn + pn−1qn − a′n+1pnqn − pnqn−1

qn(a′n+1qn + qn−1)

=pn−1qn − pnqn−1

qn(a′n+1qn + qn−1)

=(−1)n

qn(a′n+1qn + qn−1)

d’après la première égalité de la proposition 41.Ainsi, ∣∣∣∣x− pn

qn

∣∣∣∣ < 1

qn(an+1qn + qn−1)

=1

qnqn+1

61

n(n+ 1)

d’après la majoration de la proposition 46.On a donc obtenu que |x− xn| tend vers 0, d’où

x = limn!∞

pnqn

= [a0,a1, . . .]. �

Nous en arrivons au résultat souhaité :

Théorème 51 On a ∣∣∣∣x− pnqn

∣∣∣∣ < 1

qn2.

Preuve.Pour prouver ce théorème, nous supposons x irrationnel 3, i.e. (an) infinie. La preuvedans le cas x rationnel est similaire, il faut juste faire attention aux problèmes "aubord".Nous avons déjà vu au cours de la preuve du théorème 50 que pour tout n,

x− pnqn

=(−1)n

qnq′n+1

(6)

3. En plus, c’est le cas qui nous intéressera par la suite.

32

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Mémoire de M2 Elio Joseph

où q′n+1 := a′n+1qn + qn−1. On a déjà vu que an+1 < a′n+1 < an+1 + 1, ainsi q1 = a1 <a1 + 1 6 q2, d’où

q′n+1 = a′n+1qn + qn−1

> an+1qn + qn−1

= qn+1,

ainsi que

q′n+1 < (an+1 + 1)qn + qn−1

= (an+1qn + qn−1) + qn

= qn+1 + qn

6 an+2qn+1 + qn

= qn+2.

Donc

|pn − qnx| <1

qn+1

.

Ainsi, ∣∣∣∣x− pnqn

∣∣∣∣ 6 1

qnqn+1

<1

qn2. (7)

Ainsi, la fraction pn/qn fournit une bonne approximation du réel x. Le point clef vaêtre maintenant de voir que pn/qn est la fraction qui donne la meilleure approxima-tion de x, parmi toutes celles de dénominateur plus petit que qn.

Théorème 52 Soient n > 1, 0 < q 6 qn et p/q 6= pn/qn. Alors∣∣∣∣pnqn − x∣∣∣∣ < ∣∣∣∣pq − x

∣∣∣∣ .Preuve.On peut supposer que p et q sont premiers entre eux. D’après le théorème 51, on a|pn − qnx| < |pn−1 − qn−1x|. Il suffit donc de démontrer le théorème dans le cas oùqn−1 < q 6 qn. On commence par traiter le cas q = qn. Alors on a p 6= pn, donc∣∣∣∣pnqn − p

qn

∣∣∣∣ > 1

qn.

De plus, l’inégalité (7) couplée à la remarque 45 nous donne∣∣∣∣x− pnqn

∣∣∣∣ 6 1

qnqn+1

<1

2qn.

33

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Mémoire de M2 Elio Joseph

En utilisant ces deux inégalités, on obtient alors∣∣∣∣pnqn − x∣∣∣∣ < 1

2qn

61

2

∣∣∣∣pnqn − p

qn

∣∣∣∣6

1

2

∣∣∣∣pnqn − x∣∣∣∣+

1

2

∣∣∣∣ pqn − x∣∣∣∣ ,

soit ∣∣∣∣pnqn − x∣∣∣∣ < ∣∣∣∣ pqn − x

∣∣∣∣ ,ce qui montre bien le résultat souhaité.Il reste à traiter le cas qn−1 < q < qn. On a pnqn−1−qnpn−1 = ±1 d’après la premièrerelation de la proposition 41, ainsi en posant

A :=

(pn qn−1

qn qn−1

)

on a detA = ±1 ∈ Z×, donc le système linéaire

A

ν

)=

(p

q

)

admet une unique solution dans Z2, que l’on note (µ,ν). On peut la calculer expli-citement :(

µ

ν

)= A−1

(p

q

)=

1

detAt com(A)

(p

q

)= ±

(qn−1 −pn−1

−qn pn

)(p

q

),

ainsi {µ = ±(pqn−1 − qpn−1)

ν = ∓(pqn − qpn)

et µ et ν sont deux entiers non nuls car p/q n’est égale ni à pn−1/qn−1 (car p et qsont premiers entre eux), ni à pn/qn.On a q = µqn + νqn−1 < qn, donc µ et ν doivent être de signes opposés. D’après laproposition 44, pn−qnx et pn−1−qn−1x sont aussi de signes opposés. Donc µ(pn−qnx)et ν(pn−1 − qn−1x) sont de même signe.Or

p− qx = µpn + νpn−1 − x(µqn + νqn−1)

= µ(pn − xqn) + ν(pn−1 − xqn−1),

34

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Mémoire de M2 Elio Joseph

donc

|p− qx| = |µ| · |pn − xqn|+ |ν| · |pn−1 − xqn−1|> |pn−1 − xqn−1|> |pn − xqn|

ce qui démontre le théorème. �

Remarque 53 Ce théorème signifie que l’approximation donnée par les réduitesest la meilleure possible en un certain sens.

Exemple 54 Par exemple, les meilleures approximations de π sont

3

1,

22

7,

333

106,

355

113,

103993

33102.

Donnons maintenant un théorème, spécifique au cas des irrationnels quadratiques(i.e. racines d’un polynôme de degré 2 à coefficients entiers) qui nous resservira parla suite.

Théorème 55 Le développement en fraction continue d’un irrationnel quadratiqueest périodique à partir d’un certain rang.

Preuve.On note x notre irrationnel quadratique, qui satisfait donc une équation de la formeax2 + bx + c = 0, avec a,b,c entiers et b2 − 4ac 6= 0 car x /∈ Q. On écrit [a0,a1, . . .]le développement en fraction continue de x, alors en reprenant les notations précé-dentes,

x =pn−1a

′n + pn−2

qn−1a′n + qn−2

,

en remplaçant dans l’équation quadratique satisfaite par x et en chassant les déno-minateurs, on obtient

a(pn−1a′n + pn−2)2 + b(pn−1a

′n + pn−2)(qn−1a

′n + qn−2) + c(qn−1a

′n + qn−2)2 = 0

puis

Ana′2n +Bna

′n + Cn = 0

avec An := apn−1

2 + bpn−1qn−1 + cqn−12,

Bn := 2apn−1pn−2 + b(pn−1qn−2 + pn−2qn−1) + 2cqn−1qn−2,

Cn := apn−22 + bpn−2qn−2 + cqn−2

2.

SiAn = 0, alors en divisant par qn−12, on voit que pn−1/qn−1 est une racine rationnelle

de aX2 +bX+c, ce qui est absurde car x est irrationnel. Ainsi, An 6= 0, et a′n est uneracine de AnX2 +BnX + Cn = 0. On calcule alors le discriminant de ce polynôme

35

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Bn2 − 4AnCn = (b2 − 4ac)(pn−1qn−2 − pn−2qn−1)2 = b2 − 4ac

en utilisant la première relation de la proposition 41. On utilise alors la majorationdu théorème 51, qui nous donne l’existence d’un δn−1 vérifiant |δn−1| < 1 et

pn−1 = xqn−1 +δn−1

qn−1

. (8)

En remplaçant dans l’expression de An, on trouve alors

An = a

(xqn−1 +

δn−1

qn−1

)2

+ b

(xqn−1 +

δn−1

qn−1

)qn−1 + cqn−1

2

= (ax2 + bx+ c)︸ ︷︷ ︸=0

qn−12 + 2axδn−1 + a

δn−12

qn−12

+ bδn−1

donc |An| < 2 |ax| + |a| + |b|. De plus, on peut remarquer que Cn = An−1, doncimmédiatement |Cn| vérifie la même minoration.Enfin, en utilisant le précédent calcul de discriminant, on peut exprimer Bn

2 enfonction de An,Cn,a,b,c. On trouve Bn

2 < 4(2 |ax|+ |a|+ |b|)2 + |b2 − 4ac|.Nous avons majoré An, Bn et Cn indépendamment de n, ce qui implique qu’il n’y aqu’un nombre fini de triplets (An,Bn,Cn) distincts. On peut donc trouver un triplet(A,B,C) qui apparaît pour au moins trois indices distincts n1, n2 et n3.D’après ce que nous avons déjà montré, a′n1

, a′n2et a′n3

sont alors trois racines deAX2 +BX + C, deux d’entre elles sont donc égales.Si par exemple a′n1

= a′n2, on a an1 = an2 , an1+1 = an2+1, . . .et la fraction continue

est périodique à partir du rang min(n1,n2). �

Parlons maintenant d’une certaine relation d’équivalence sur les nombres réels, quinous resservira lors de notre étude de l’article de Schmidt.

Définition 56 Soient ξ,η deux réels, on dit que ξ est équivalent à η s’il existea,b,c,d ∈ Z tels que

ξ =aη + b

cη + d

avec ad− bc = ±1.

Vérifions sans plus attendre que cette définition porte bien son nom.

Proposition 57 La relation "être équivalent" est une relation d’équivalence sur lesnombres réels.

Preuve.• Réflexivité. Un nombre réel ξ est équivalent à lui-même : il suffit de prendrea = d = 1 et b = c = 0.

36

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Mémoire de M2 Elio Joseph

• Symétrie. Supposons que ξ,η ∈ R soient tels que ξ est équivalent à η. Alors on a

η =−dξ + b

cξ − a,

avec (−d)(−a)− bc = ad− bc = ±1, donc η est équivalent à ξ.• Transitivité. Supposons que ξ, η et ζ soient trois nombres réels tels que ξ et η

soient équivalents, et que η et ζ soient équivalents, i.e.

ξ =aη + b

cη + d, ad− bc = ±1,

et

η =a′ζ + b′

c′ζ + d′, a′d′ − b′c′ = ±1,

avec bien entendu a,b,c,d,a′,b′,c′,d′ entiers.Posons

A := aa′ + bc′

B := ab′ + bd′

C := ca′ + dc′

D := cb′ + dd′.

Alors on remarque que

Aζ +B

Cζ +D=a(a′ζ + b′) + b(c′ζ + d′)

c(a′ζ + b′) + d(c′ζ + d′)

=aη(c′ζ + d′) + b(c′ζ + d′)

cη(c′ζ + d′) + d(c′ζ + d′)

=aη + b

cη + d

= ξ.

De plus,

AD −BC = (aa′ + bc′)(cb′ + dd′)− (ab′ + bd′)(ca′ + dc′)

= aca′b′ + ada′d′ + bcb′c′ + bdc′d′ − aca′b′ − adb′c′ − bca′d′ − bdc′d′

= ada′d′ + bcb′c′ − adb′c′ − bca′d′

et donc

(ad− bc)(a′d′ − b′c′) = ada′d′ − adc′b′ − bca′d′ + bcb′c′

= AD −BC,

donc

AD −BC = ±1×±1 = ±1,

ce qui montre bien que ξ et ζ sont équivalents. �

37

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Nous pouvons donc classer les réels selon les classes d’équivalence de cette relation.On peut aussi remarquer que si p/q est un rationnel écrit sous forme irréductible,alors d’après le théorème de Bézout, il existe a,b ∈ Z tels que

aq − bp = 1,

ce qui nous donne que p/q est équivalent à 0 :

p

q=a0 + p

b0 + q.

Par transitivité, la classe d’équivalence des rationnels est la classe de 0, et c’est cequi nous motive à nous intéresser maintenant aux irrationnels.Nous faisons ici le lien entre cette relation d’équivalence et la théorie des fractionscontinues. Avant le théorème qui nous intéresse, nous aurons besoin du

Lemme 58 Supposons que

x =Pζ +R

Qζ + S,

avec ζ > 1, P,Q,R,S ∈ Z tels que Q > S > 0 et PS −QR = ±1.Alors R/S et P/Q sont deux réduites consécutives de la fraction continue simple devaleur x. De plus, si R/S est la (n − 1)-ième réduite et P/Q la n-ième, alors ζ estle (n+ 1)-ième quotient complet.

Preuve.On commence par décomposer P/Q en fraction continue simple :

P

Q= [a0, . . . ,an] =

pnqn.

Par hypothèse ile existe n entier tel que

PS −QR = ±1 = (−1)n−1.

D’après le théorème de Bézout, pgcd(P,Q) = 1, et de plus Q > 0. On remarque quepn et qn satisfont ces deux mêmes conditions, ainsi P = pn et Q = qn et

pnS − qnR = PS −QR = (−1)n−1 = pnqn−1 − pn−1qn

d’après la proposition 41, ce qui donne

pn(S − qn−1) = qn(R− pn−1). (9)

D’après la proposition 47, les réduites sont irréductibles, donc pgcd(pn,qn) = 1, doncd’après le lemme de Gauss et avec l’équation (9), on a que

qn | S − qn−1. (10)

Mais alors comme qn = Q > S > et que qn > qn−1 > 0, on a

38

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Mémoire de M2 Elio Joseph

S − qn−1 < qn.

Ainsi, avec (10), on obtient S − qn−1 = 0, soit S = qn−1, puis R = pn−1.On a donc

x =pnζ + pn−1

qnζ + qn−1

,

et donc

x = [a0, . . . ,an,ζ].

Par unicité du développement en fraction continue, on a

ζ = [an+1,an+2, . . .]

où an+1 = bζc > 1.Ainsi pn−1/qn−1 et pn/qn (qui valent respectivement R/S et P/Q) sont des réduitesconsécutives de la fraction continue simple

x = [a0, . . . ,an,an+1,an+2, . . .]

et ζ est son (n+ 1)-ième quotient complet. �

Théorème 59 Deux irrationnels sont équivalents si, et seulement si, leurs dévelop-pements en fraction continue sont égaux à partir d’un certain rang.

Preuve.Soient ξ et η deux réels.Commençons par supposer que{

ξ = [a0, . . . ,am,c0,c1, . . .]

η = [b0, . . . ,bn,c0,c1, . . .].

Notons

ω := [c0,c1, . . .].

Comme nous l’avons déjà observé, on a

ξ =pmω + pm−1

qmω + qm−1

,

et d’après la première égalité de la proposition 41, on a

pmqm−1 − pm−1qm = ±1,

donc ξ et ω sont équivalents. De même, η et ω sont équivalents.D’après la proposition 57, ξ et η sont donc équivalents.

39

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Réciproquement, supposons que ξ et η soient équivalents. Il existe donc quatre entiersa, b, c et d tels que

η =aξ + b

cξ + d, ad− bc = ±1.

Quitte à prendre les opposés de c et d, on peut supposer cξ + d > 0.D’après l’algorithme de développement en fraction continue que nous avons explicité,on a

ξ = [a0,a1, . . .]

= [a0, . . . ,ak−1,a′k]

=pk−1a

′k + pk−2

qk−1a′k + qk−2

.

Posons P := apk−1 + bqk−1

Q := cpk−1 + dqk−1

R := apk−2 + bqk−2

S := cpk−2 + dqk−2,

alors

Pa′k +R

Qa′k + S=apk−1a

′k + bqk−1a

′k + apk−2 + bqk−2

cpk−1a′k + dqk−1a′k + cpk−2 + dqk−2

=a(pk−1a

′k + pk−2) + b(qk−2a

′k + qk−2)

c(pk−1a′k + pk−2) + d(qk−2a′k + qk−2)

=aξ(qk−2a

′k + qk−2) + b(qk−2a

′k + qk−2)

cξ(qk−2a′k + qk−2) + d(qk−2a′k + qk−2)

=aξ + b

cξ + d

= η,

et

PS −QR = (apk−1 + bqk−1)(cpk−2 + dqk−2)− (cpk−1 + dqk−1)(apk−2 + bqk−2)

= acpk−2pk−1 + adpk−1qk−2 + bcpk−2qk−1 + bdqk−2qk−1

− acpk−2pk−1 − bcpk−1qk−2 − adpk−2qk−1 − bdqk−2qk−1

= adpk−1qk−2 + bcpk−2qk−1 − bcpk−1qk−2 − adpk−2qk−1,

tandis que

(ad− bc)(pk−1qk−2−pk−2qk−1) = adpk−1qk−2 + bcpk−2qk−1− bcpk−1qk−2−adpk−2qk−1,

donc

PS −QR = (ad− bc)(pk−1qk−2 − pk−2qk−1) = ±1

40

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Mémoire de M2 Elio Joseph

d’après le proposition 41.On utilise alors la relation (8) que nous avions établie au cours de la preuve duthéorème 55. Celle-ci nous donne l’existence d’un réel δ tel que

pk−1 = ξqk−1 +δ

qk−1

, |δ| < 1,

ainsi que d’un réel δ′ tel que

pk−2 = ξqk−2 +δ′

qk−2

, |δ′| < 1.

Ainsi,

Q = cqk−1 +cδ

qk−1

+ dqk−1

= (cξ + d)qk−1 +cδ

qk−1

et

S = cqk−2 +cδ′

qk−2

+ dqk−2

= (cξ + d)qk−2 +cδ′

qk−2

.

On a cξ + d > 0, qk−1 > qk−2 > 0 d’après la remarque 45, et la suite (qk) tend versl’infini, donc pour k suffisamment grand,

Q > S > 0.

Pour un tel k, on a donc

η =Pζ +R

Qζ + S,

avec ζ := a′k > 1, PS −QR = ±1 et Q > S > 0.On peut donc appliquer le lemme 58 qui nous donne l’existence de b0, . . . ,b` tels que

η = [b0, . . . ,b`,ζ] = [b0, . . . ,b`,ak,ak+1, . . .],

ce qui termine cette preuve. �

41

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4 Approximation diophantienne

4.1 Premiers résultats

Cette partie s’appuie principalement sur [8] et [7].Dans toute cette partie, nous étudions l’approximation d’un réel ξ avec 0 < ξ < 1,par un rationnel p/q écrit sous forme irréductible.Par densité de Q dans R, on peut toujours approcher un réel par un rationnel, et ceavec une précision arbitraire. Ce qui va nous intéresser ici va être la complexité qu’ilest nécessaire de donner au rationnel p/q pour approcher ξ avec une précision ε.Le premier résultat que nous pouvons donner est le suivant :

Proposition 60 Si nous imposons au dénominateur q d’être inférieur à un entiern donné, alors il existe un entier p tel que∣∣∣∣pq − ξ

∣∣∣∣ 6 1

q(n+ 1)<

1

q2. (11)

Preuve.La seconde inégalité serait immédiate d’après le théorème 51 en considérant la n-ième réduite, mais alors le dénominateur q ne vérifie pas q 6 n. Donnons donc uneautre preuve utilisant le principe de Dirichlet, inspirée de [3].

Pour tout réel ξ, nous notons {ξ} := ξ−bξc la partie fractionnaire de ξ. Considéronsles n+ 2 réels

0,1,{ξ},{2ξ}, . . . ,{nξ}

qui sont tous dans l’intervalle [0,1].On écrit alors une partition de l’intervalle [0,1] :

[0,1] =n∐i=0

[ i

n+ 1,i+ 1

n+ 1

⟩où 〉 signifie ] si i = n et [ sinon.Comme notre partition contient n+ 1 intervalles, et que nous avons considéré n+ 2réels dans [0,1], le principe de Dirichlet nous dit que deux réels sont dans le mêmeintervalle. Autrement dit, il existe deux entiers r1 < r2 entre 0 et n tels que {r1ξ}et {r2ξ} soient dans le même intervalle, ou alors il existe un entier r2 ∈ {0, . . . ,n}tel que 1 et {r2ξ} soient dans le même intervalle.Dans le premier cas on a donc

|{r1ξ} − {r2ξ}| 61

n+ 1

soit

|(r1ξ − s1)− (r2ξ − s2)| 6 1

n+ 1

en posant pour i ∈ {1,2}, si := briξc ∈ Z.

42

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Dans le second cas, on peut établir la même inégalité en posant r1 := 0 et s1 := −1.On pose finalement {

q := r2 − r1

p := s2 − s1,,

alors en divisant par q qui est non nul,∣∣∣∣pq − ξ∣∣∣∣ 6 1

q(n+ 1)<

1

q2

car q = r2 − r1 < n+ 1. �

La première question intéressante est de se demander quel est le nombre de rationnelsp/q approchant notre réel ξ et vérifiant l’inégalité de la proposition 60∣∣∣∣pq − ξ

∣∣∣∣ < 1

q2. (12)

Pour cela nous distinguons deux cas.

• Si ξ ∈ Q. Alors ξ s’écrit a/b avec a,b entiers. On a si p/q 6= a/b∣∣∣∣pq − a

b

∣∣∣∣ =|pb− aq|

bq>

1

bq.

Donc pour que p/q vérifie l’inégalité (12) il faut que q < b, ce qui ne nous donnequ’un nombre fini de rationnels possibles.• Si ξ /∈ Q. Le théorème 51 nous donne immédiatement une infinité de solutions à

(12) : {pn/qn}n∈N.

Dans toute la suite, nous supposerons désormais sauf mention expresse du contraireque ξ est irrationnel. Ainsi, on a montré le

Théorème 61 Il existe un rationnels p/q vérifiant (11), et il en existe même uneinfinité si ξ est irrationnel.

Preuve.Nous avons déjà prouvé ce résultat par la théorie des fractions continues et par leprincipe de Dirichlet. Une autre preuve se basant sur les mêmes idées et qui a lemérite de se généraliser en plusieurs dimensions peut être lue dans [8]. Le lecteurpourra aussi aller consulter [13]. Pour une preuve utilisant la géométrie des nombres(théorème de Minkowski et suites de Farey), le lecteur peut aller lire [7].

Pour la partie de la preuve où on suppose ξ irrationnel, il suffit de remarquer que∣∣∣∣pq − ξ∣∣∣∣ > 0

pour tout rationnel p/q.

43

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Or on a montré que pour n donné, on pouvait trouver q ∈ {0, . . . ,n} et p entier telque ∣∣∣∣pq − ξ

∣∣∣∣ 6 1

q(n+ 1)−−−!n!∞

0.

Comme pour n fixé il n’existe qu’un nombre fini de tels q, l’infinité de rationnelspromise en découle. �

Donnons maintenant une définition importante :

Définition 62 Soit σ un réel au moins égal à 1. Nous dirons que ξ admet uneapproximation à l’ordre σ s’il existe une constante K (dépendant de ξ) telle que∣∣∣∣pq − ξ

∣∣∣∣ < K

admette une infinité de solutions.

On peut traiter tout de suite le cas ξ rationnel, peu profond.

Proposition 63 Tout nombre rationnel admet une approximation à l’ordre 1, maisn’en admet à aucun ordre supérieur.Preuve.On procède comme précédemment : |p/q − a/b| = |pb−aq|

bq. Il suffit alors de remarquer

que pb− aq = 1 admet une infinité de solutions.On a déjà montré qu’un rationnel n’admettait pas d’approximation à un ordre plusgrand que 1 + ε pour tout ε > 0. �

On a aussi déjà montré la

Proposition 64 Tout irrationnel admet une approximation à l’ordre 2.

Avec la théorie des fractions continues déjà développée, nous pouvons déjà donnerun résultat plus précis.

Proposition 65 Un irrationnel quadratique admet une approximation à l’ordre 2,mais n’en admet à aucun ordre supérieur.Preuve.D’après le théorème 55, le développement en fraction continue de ξ est périodiqueà partir d’un certain rang. En particulier, les coefficients an de son développementen fraction continue sont bornés par une constante M . On a alors en utilisant lesnotations des fractions continues

q′n+1 = qna′n+1 + qn−1 < qn(an+1 + 1) + qn−1 6 (M + 2)qn,

donc a fortiori qn+1 < (M + 2)qn.Maintenant si q est tel que qn−1 < q 6 qn, on a qn < (M + 2)qn−1 < (M + 2)q.Donc en utilisant le théorème 52 et une égalité déjà vue, on a∣∣∣∣pq − ξ

∣∣∣∣ > ∣∣∣∣pnqn − ξ∣∣∣∣ =

1

qnq′n>

1

(M + 2)qn2>

1

(M + 2)3qn−12>K

q2

avec K := (M + 2)−3. Il ne peut donc pas y avoir d’approximation de ξ à l’ordre2 + ε pour tout ε > 0. �

44

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Nous pouvons généraliser ce résultat négatif, ce que nous faisons dans le théorèmesuivant.

Théorème 66 (Liouville) Un nombre algébrique d’ordre n n’admet d’approxima-tion à aucun ordre strictement supérieur à n.

Preuve.Par définition, un nombre algébrique ξ de degré n satisfait une équation

P (ξ) =n∑i=0

aiξi = 0

avec les ai ∈ Z et an 6= 0.L’application P est polynomiale, donc de classe C1 sur [ξ − 1,ξ + 1]. Ainsi, il existeune constante M(ξ) telle que

∀x ∈ [ξ − 1,ξ + 1], |P ′(ξ)| < M(ξ).

Soit p/q 6= ξ une approximation rationnelle de ξ. On peut supposer que l’approxi-mation est suffisamment bonne pour que p/q ∈]ξ − 1,ξ + 1[ et est plus proche de ξque toute autre racine de P , d’où P (p/q) 6= 0. Alors,

|P (p/q)| = |anpn + an−1p

n−1q + · · ·+ a0qn|

qn>

1

qn

car le numérateur est un entier strictement positif.De plus, d’après la formule de Taylor à l’ordre 1, il existe x compris entre p/q et ξtel que

P (p/q) = P (p/q)− P (ξ) =

(p

q− ξ)P ′(x).

Donc, car P ′(x) 6= 0 car P (p/q) 6= 0,∣∣∣∣pq − ξ∣∣∣∣ =|P (p/q)||P ′(x)|

>1

M(ξ)qn=K

qn

pour K = 1/M(ξ). Il n’existe donc pas d’approximation à un ordre strictementsupérieur à n. �

Nous pouvons appliquer ce résultat pour construire explicitement un nombre trans-cendant. Il est facile par un argument de cardinalité de se rendre compte de l’exis-tence des nombres transcendants, mais il est déjà plus difficile d’en exhiber explici-tement un. C’est ce que nous faisons ici.

Proposition 67 Le nombre

ξ =∞∑n=1

10−n!

est transcendant.

45

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Preuve.Soit N fixé et n > N . On note ξn la somme des n premiers termes de la sériedéfinissant ξ. Il existe deux entiers p,q tels que

ξn =p

10n!=p

q.

Alors comme N < n,

0 < ξ − p

q

= ξ − ξn=∑k>n+1

10−k!

< 2 · 10−(n+1)!

< 2q−N .

Donc ξ possède une approximation d’ordre N . Ainsi, d’après le théorème 66, ξ n’estpas un nombre algébrique de degré strictement inférieur à N .Comme N est arbitraire, ξ est transcendant. �

Remarque 68 La proposition 67 nous a permis d’expliciter assez simplement unnombre transcendant, chose remarquable quand on sait que le premier nombre trans-cendant explicite fut donné par Liouville en 1844. La théorie développée (notam-ment le théorème 66) permet aussi de se rendre compte qu’un nombre irrationnel quiadmet une suite suffisamment rapide d’approximations, sera nécessairement trans-cendant.

Remarque 69 Nous avons montré dans la proposition 67 que le nombre∑n>1

10−n!

est transcendant. Ce nombre appartient en fait à une classe plus large de nombres,appelés nombres de Liouville, introduits par Liouville en 1844. Tous les nombresde Liouville sont transcendants (pour une preuve, voir [14] ou les considérations demesure d’irrationalité du paragraphe 4.3.2), et ce furent historiquement les premiersnombres dont on a prouvé qu’ils sont transcendants. À titre de comparaison, lapreuve de la transcendance de e n’arriva qu’en 1873 grâce à Hermite, et celle de πen 1882 grâce à Lindemann.

4.2 Autour du théorème de Hurwitz

Un théorème de grande importance de la théorie de l’approximation diophantienneest le théorème de Hurwitz. Si important qu’il a sa propre sous-section. Nous nousservirons d’ailleurs de ce théorème dès le tout début de notre étude sur l’article deSchmidt [19].

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Théorème 70 (Hurwitz, 1891) Pour tout irrationnel ξ, il existe une infinité derationnels p/q tels que ∣∣∣∣pq − ξ

∣∣∣∣ < 1

q2√

5. (13)

De plus,√

5 est la meilleure constante possible.

Preuve.Commençons par le résultat d’optimalité.Soit A >

√5, nous allons montrer que si ξ est l’irrationnel (

√5− 1)/2, l’équation∣∣∣∣pq − ξ

∣∣∣∣ < 1

Aq2

n’admet qu’un nombre fini de solutions.On procède par l’absurde en supposant qu’il existe une infinité de solutions p/q. Ona donc

ξ =p

q+

δ

q2avec |δ| < 1

A<

1√5.

Donc

δ

q= qξ − p

soit car ξ = (√

5− 1)/2,

δ

q− 1

2q√

5 = −1

2q − p

ou encore en élevant au carré,

δ2

q2− δ√

5 =

(1

2q + p

)2

− 5

4q2 = p2 + pq − q2. (14)

On a ∣∣∣∣δ2

q2− δ√

5

∣∣∣∣ < 1

q2+ |δ|

√5︸ ︷︷ ︸

<1

< 1

pour q suffisamment grand. Or p2 +pq− q2 est entier, donc l’égalité (14) nous donne

p2 + pq − q2 = 0

soit

(p+ 2q)2 = 5q2.

Ceci est impossible, car cela impliquerait√

5 ∈ Q, ce qui n’est pas.Nous avons obtenu que

√5 est la meilleure constante possible.

47

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Soit ξ ∈ R \Q.Pour finir de prouver le théorème, nous allons montrer que parmi trois réduitesconsécutives de ξ, l’une au moins vérifie (13).On note comme à notre habitude pn/qn les réduites de ξ. Nous reprendrons d’ailleurstoutes les notations de la théorie des fractions continues que nous avons préalable-ment développée. On pose

bn+1 :=qn − 1

qn.

Alors d’après une égalité établie au cours de la preuve du théorème 50,∣∣∣∣pnqn − ξ∣∣∣∣ =

1

qnq′n+1

=1

qn2

1

a′n+1 + bn+1

.

Il nous suffit donc de montrer que a′k + bk 6√

5 n’est pas vérifiée pour au moins unk ∈ {n− 1,n,n+ 1}.On suppose que cette inégalité est vraie pour k ∈ {n− 1,n}. On a par définition dea′n−1,

a′n−1 = an−1 +1

a′n

et par définition de bn et qn−1 :

1

bn=qn−1

qn−2

=an−1qn−2 + qn−3

qn−2

= an−1 + bn−1.

Donc

1

a′n+

1

bn= a′n−1 + bn−1 6

√5

par hypothèse.De plus,

1 = a′n1

a′n

6 (√

5− bn)1

a′n

= (√

5− bn)

(a′n−1 + bn−1 −

1

bn

)6 (√

5− bn)

(√5− 1

bn

)soit

bn +1

bn<√

5

(l’inégalité est stricte car bn est rationnel). Ainsi,

48

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Mémoire de M2 Elio Joseph

bn2 − bn

√5 + 1 < 0

soit (1

2

√5− bn

)2

<1

4

ou encore

bn >1

2(√

5− 1).

Si l’inégalité que nous avons supposée vraie pour k ∈ {n− 1,n} l’était encore pourk = n+ 1, on aurait alors de façon identique

bn+1 >1

2(√

5− 1).

Alors de façon analogue au travail déjà effectué

an =1

bn+1

− bn <1

2(√

5 + 1)− 1

2(√

5− 1) = 1,

ce qui est absurde car an ∈ N>1.La preuve du théorème est alors achevée. �

Ce théorème peut être raffiné. Nous n’en proposons pas de preuve ici, mais unepreuve qui se déduit du théorème 59 que nous avons prouvé lors de notre dévelop-pement de la théorie des fractions continues est trouvable dans [9].

Théorème 71 Soit ξ un irrationnel qui ne soit pas équivalent au nombre d’or ϕ =(1 +

√5)/2.

Alors il existe une infinité de rationnels p/q tels que∣∣∣∣pq − ξ∣∣∣∣ < 1

q2√

8.

De plus,√

8 est la meilleure constante possible.

4.3 Pour aller plus loin

4.3.1 Grands théorèmes

Il y a déjà le théorème de Thue, qui en un certain sens prolonge le théorème 66 deLiouville. Nous nous basons ici sur [7].

Théorème 72 (Thue) Soit x un nombre algébrique de degré d > 3. Alors il existeune constante C > 0, telle que pour tout rationnel p/q avec q > 0, on ait∣∣∣∣x− p

q

∣∣∣∣ > C

q1+d/2.

49

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Enfin le meilleur résultat que nous ayons à ce jour dans ce sens, est celui de K. Roth,qui s’appuie sur les travaux de Carl Siegel et de Axel Thue, et lui a valu la médailleFields en 1958.

Théorème 73 (Roth, 1955) Soit x un nombre algébrique, et ε > 0. Alors il existeune constante C > 0 pour laquelle il n’existe qu’un nombre fini de rationnels p/q(avec p et q premiers entre eux), tels que∣∣∣∣x− p

q

∣∣∣∣ < C

q2+ε.

Ce théorème peut permettre de prouver par contraposition qu’un nombre est trans-cendant en montrant qu’il existe ε > 0, tel que pour tout C > 0, il existe une infinitéde rationnels p/q tels quz ∣∣∣∣x− p

q

∣∣∣∣ > C

q2+ε.

4.3.2 Mesure d’irrationnalité

Pour tout réel x, on définit la quantité

µ(x) := sup

{µ ∈ R+ il existe une infinité de rationnels p/q tels que

∣∣∣∣x− p

q

∣∣∣∣ < 1

qµ(x)

}.

On appelle µ(x) la mesure d’irrationalité de x. Listons quelques résultats à son sujet.Le théorème de Roth affirme que µ(x) = 2 si x est algébrique de degré au moins 2.Le théorème 66 de Liouville montre que µ(x) > 2 si x est transcendant.Au sens de la mesure de Lebesgue, presque tout nombre réel est de mesure d’irra-tionalité égale à 2.Cependant, on connaît très peu de valeurs explicites pour des x fixés. On sait queµ(e) = 2 et que le nombre ξ de la proposition 67 vérifie µ(ξ) = ∞. Les réels `vérifiant µ(`) =∞ sont appelés nombres de Liouville.La mesure d’irrationalité de π est encore une conjecture. On sait que µ(π) 6 8.0160(M. Hata, 1992), et même que µ(π) 6 7.6063 (Salikhov 2008). La communautémathématique tend à penser que µ(π) = 2, mais aucune démonstration à ce jour.

4.3.3 Spectre de Lagrange

On dit que deux nombres réels x et y sont équivalents s’il existe des entiers a,b,c,dtels que ad− bc = ±1

y =ax+ b

cx+ d,

autrement dit s’ils sont dans la même orbite sous l’action de PGL(2,Z).Le mathématicien français Joseph-Alfred Serret a montré que x et y sont équivalentssi, et seulement si, leurs développements en fractions continues sont égaux à partird’un certain rang (nous en proposons d’ailleurs une preuve dans le théorème 59).

50

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Si dans le théorème de Hurwitz on interdit à ξ d’être égal au nombre d’or ϕ, ainsi qu’àtous les nombres qui lui sont équivalents (ils sont dits nobles), alors la constante

√5

peut être remplacée par√

8, qui est nettement meilleure. En enlevant alors de plus√2 et les nombres qui lui sont équivalents, on peut encore améliorer la constante,

et on obtient ainsi une suite (voir [16])

√5,√

8,

√221

5,

√1517

13,

√7565

29,

√2600

17,

√71 285

89, . . .

de nombres Ln, appelés nombres de Lagrange, qui converge vers 3.Plus généralement, on pose si ξ ∈ R, L(ξ) la meilleure constante pour ξ dans lethéorème de Hurwitz. Ainsi, L(ϕ) =

√5, L(

√2) =

√8, . . .

L’ensemble

{L(ξ), ξ ∈ R}

est appelé spectre de Lagrange.Appelons nombres de Markov les entiersmn appartenant à une solution de l’équationdiophantienne

x2 + y2 + z2 = 3xyz.

Les premiers nombres de Markov sont

1, 2, 5, 13, 34, 89.

Alors on peut montrer (voir [9]) que

Ln =

√9− 4

mn2.

Le spectre de Lagrange est continu à partir de sa dernière discontinuité (Freiman,1975), la constante de Freiman, égale à

2 221 564 096 + 283 748√

462

491 993 569≈ 4.5278.

Il est discret entre√

5 et 3, et la transition entre la partie discrète et la partiecontinue a une structure fractale.

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Deuxième partie

Approximation diophantienned’espaces vectoriels – étude del’article de W. SchmidtNous nous baserons ici principalement sur [19], article fondateur de Wolfgang M.Schmidt. Nous utiliserons aussi [17] et [5].La première question d’approximation diophantienne que nous nous posons est lasuivante. On considère une droite vectorielle L dans un espace euclidien R2 munid’un système de coordonnées cartésiennes. On cherche alors une droite L′, définiepar une équation à coefficients rationnels, qui approche L aussi bien que possible.Le premier problème qui émerge alors est de définir ce que veut dire aussi bien quepossible. Pour cela, on définit une application ψ(L,L′) := sinϕ, où ϕ est l’anglegéométrique entre L et L′.Par densité de Q dans R, on remarque que pour tout ε > 0, il existe une infinité detelles droites L′ telles que ψ(L,L′) < ε. De façon similaire à la théorie de l’approxi-mation diophantienne sur les nombres réels, il sera toujours possible d’approcher Lpar une droite L′ si L′ est suffisamment compliquée.Nous voilà donc obligés de définir ce que signifie suffisamment compliquée, et pourcela nous définissons la hauteur de L′, que nous noterons H(L′). Si L′ est une droitevectorielle rationnelle, alors il existe une unique paire de points (±p,± q) ∈ L′ telsque p et q soient premiers entre eux. On définit alors H(L′) comme la norme duvecteur (p,q), autrement dit

H(L′) =√p2 + q2.

On peut alors déduire du célèbre théorème de Hurwitz la

Proposition 74 Pour tout ε > 0, et toute droite vectorielle L irrationnelle, il existeune infinité de droites vectorielles rationnelles L′ vérifiant

ψ(L,L′) <

(1√5

+ ε

)1

H(L′)2.

Preuve.La situation qui nous intéresse est celle illustrée par la figure 1.

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Figure 1 – Deux droites vectorielles dans un plan

Soit ε > 0. On considère une équation de L sous la forme ax + by = 0. Quitte àéchanger les rôles de x et y, on peut supposer b 6= 0. Comme L est irrationnelle parhypothèse, on a a/b /∈ Q.D’après le théorème 70 de Hurwitz, il existe une infinité de rationnels p/q tels que∣∣∣∣ab − p

q

∣∣∣∣ < 1√5q2

car a/b est irrationnel. Chaque tel rationnel p/q définit alors une droite vectoriellerationnelle L′ par l’équation px+ qy = 0. Les vecteurs

~u :=

(b

−a

)et ~v :=

(q

−p

)

sont des vecteurs directeurs de L et L′ respectivement. En notant ∧ le produitvectoriel et en désignant par ϕ l’angle géométrique entre L et L′, on a alors

sinϕ =‖~u ∧ ~v‖‖~u‖ · ‖~v‖

.

53

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Donc

ψ(L,L′) =|aq − bp|2√a2 + b2H(L′)

=

qb

∣∣∣∣ab − b

q

∣∣∣∣√a2 + b2H(L′)

<b√

5q√a2 + b2H(L′)

=1√

5q√

(a/b)2 + 1H(L′)

=1√5

√√√√ p2 + q2(qa

b

)2

+ q2

1

H(L′)2

=1√5

√(p/q)2 + 1

(a/b)2 + 1

1

H(L′)2.

On fixe ε > 0. Comme √x2 + 1

(a/b)2 + 1−−−−!x!a/b

1,

il existe une infinité de rationnels p/q tels que√(p/q)2 + 1

(a/b)2 + 16 1 + ε.

Quitte à considérer ε′ := ε√

5, on a donc montré qu’il existe une infinité de rationnelsp/q tels que

ψ(L,L′) <

(1√5

+ ε′)

1

H(L′)2,

ce qui conclut la preuve de ce théorème. �

Remarque 75 Dans le théorème 70, 1/√

5 est la meilleure constante possible, ce quiimplique ici aussi que 1/

√5 est la meilleure constante possible (il suffit de prendre

la limite inférieure).

Voici donc un premier problème d’approximation (diophantienne) d’espace vectorielrésolu. Le problème des approximations simultanées est à mettre en parallèle aveccelui de l’approximation d’une droite par une autre (rationnelle) dans l’espace eu-clidien Rn, et celui de l’approximation d’une forme linéaire revient à approcher unedroite de Rn par un hyperplan rationnel.Nous pouvons donc énoncer notre problème général ainsi :

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Problème 76 Soient n > 2, d,e ∈ {1, . . . n− 1} et A un sous-espace de dimensiond de Rn. Trouver un sous-espace de dimension e de Rn, défini sur Q et proche de A.

Comme nous l’avons déjà fait au début de cette introduction, nous aurons besoinde définir une application ψ qui mesurera la proximité de A et B, et nous définironsaussi la hauteur d’un sous-espace qui mesurera sa complexité.

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5 Hauteur d’un sous-espace vectoriel rationnel

5.1 Hauteur d’un sous-espace

Définition 77 Une application F : Rn ! R est appelée fonction distance si ellevérifie les trois conditions suivantes :

(i) F est définie positive (i.e. pour tout x ∈ Rn \ {0}, F (x) > 0 et F (0) = 0),(ii) F est (absolument) homogène de degré 1 (i.e. pour tout (λ,x) ∈ R × Rn,

F (λx) = |λ|F (x)),(iii) F est continue.

Le premier résultat nous dit que deux fonctions distance sont toujours équivalentes :

Proposition 78 Soient F1 et F2 deux fonctions distance. Il existe une constantec > 0 telle que F1 6 cF2.

Preuve.En effet, F1 et F2 sont non nulles sur la sphère unité Sn−1 de Rn, et F1/F2 est uneapplication continue par (iii) sur le compact Sn−1. Elle admet donc un maximumc > 0 sur ce compact. Alors pour tout x ∈ Rn, on a en utilisant la propriété (ii)d’homogénéité : F1(x) 6 cF2(x). �

Exemple 79 On définit les trois fonctions distance classiques :

• FS(x) = max(|x1| , . . . , |xn|),• FE(x) = (x1

2 + · · ·+ xn2)1/2,

• FN(x) = |x1|+ · · ·+ |xn|.On a alors

FS 6 FE 6 FN 6√nFE 6 nFS.

En effet, la première, la deuxième et la quatrième inégalité sont évidentes. Pour latroisième, on applique l’inégalité de Cauchy-Schwarz à

∑1 · |xi|.

Définition 80 Soient L un sous-espace vectoriel de Qn de dimension 1, et X =(ξ1, . . . ,ξn) ∈ L \ {0}. On note a = a(X) l’idéal fractionnaire de Q engendré par lesξi (a = ξ1Z+ · · ·+ξnZ). Alors si F est une fonction distance, on définit la F -hauteurde L comme

HF (L) :=F (|ξ1| , . . . , |ξn|)

N(a).

La F -hauteur d’un sous-espace L est bien définie, car indépendante du choix deX. En effet, les autres choix possibles pour X sont les rX avec r ∈ Q \ {0}. Parhomogénéité de F et de la norme d’un idéal, la valeur HF (L) reste inchangée.

Remarque 81 Un cas particulier important qui nous servira par la suite est lesuivant. Si ξ1, . . . ,ξn ∈ Z sont premiers entre eux dans leur ensemble, alors a = Z etN(a) = 1.

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Montrons un lemme permettant de calculer la norme de a dans la définition 80, quinous resservira très prochainement.

Lemme 82 En écrivant pour chaque i ∈ {1, . . . ,n}, ξi sous la forme pi/qi avec piet qi entiers premiers entre eux, on a

N(a) = N

(p1

q1

Z + · · ·+ pnqn

Z)

=pgcd(p1, . . . ,pn)

ppcm(q1, . . . ,qn).

Preuve.On a

p1

q1

Z + · · ·+ pnqn

Z =1

ppcm(q1, . . . ,qn)(p1Q1Z + · · ·+ pnQnZ)

en notant Qi := ppcm(q1, . . . ,qn)/qi.Or on sait que α1Z + · · · + αnZ = pgcd(α1, . . . ,αn)Z pour α1, . . . ,αn ∈ Z. Il suffitdonc de calculer pgcd(p1Q1, . . . ,pnQn).Soit p un diviseur premier de tous les piQi. Soit i tel que

vp(qi) = max16j6n

vp(qj).

Alors

vp(ppcm(q1, . . . ,qn)) = vp(qi),

donc par définition de Qi, vp(Qi) = 0 et p - Qi.Or p | piQi, donc car p est premier, p | pi. Comme pgcd(pi,qi) = 1, on a donc p - qi,soit vp(qi) = 0.Ainsi, par définition de i,

∀j ∈ {1, . . . ,n}, p - qj,

donc

∀j ∈ {1, . . . ,n}, p - Qj.

Finalement,

∀j ∈ {1, . . . ,n}, p | pj,

et donc

pgcd(p1Q1, . . . ,pnQn) = pgcd(p1, . . . ,pn).

Ceci nous donne

p1

q1

Z + · · ·+ pnqn

Z =1

ppcm(q1, . . . ,qn)(pgcd(p1, . . . ,pn)Z)

ce qui conclut. �

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Remarque 83 D’après la proposition 78, si F1 et F2 sont deux fonctions distances,il existe une constante multiplicative c = c(F1,F2) telle que F1 6 cF2. Ainsi, ona aussi HF1(L) 6 c(F1,F2)HF2(L). Ceci nous rassure, car cela signifie que toutesles F -hauteurs sont les mêmes à une constante multiplicative près. C’est ainsi quehistoriquement, des hauteurs ont été introduites pour différentes fonctions distance.

On peut aussi utiliser une autre formule pour calculer la fonction hauteur FS. Pourcela, commençons par parler un peu de valeurs absolues.

Définition 84 Une valeur absolue sur un corps k est une application |·| : k ! R+

qui vérifie trois conditions :

(i) |x| = 0 ⇐⇒ x = 0,(ii) |xy| = |x| · |y|,(iii) |x+ y| 6 |x|+ |y| (inégalité triangulaire).

La valeur absolue égale à 1 pour tout x 6= 0 est appelée triviale.Si |·| vérifie de plus

|x+ y| 6 max(|x| , |y|)

elle est dite non-archimédienne. A l’inverse, si elle ne vérifie pas cette condition, elleest dite archimédienne.

Proposition 85 Deux valeurs absolues |·|1 et |·|2 sont dites équivalentes si elledéfinissent la même topologie. Cela est équivalent à l’existence un s ∈ R∗+ tel que

∀x ∈ k, |x|1 = |x|2s.

Ceci définit une relation d’équivalence sur l’ensemble des valeurs absolues de k.

Définition 86 On appelle place une classe d’équivalence de valeurs absolues non-triviales. Une place est dite archimédienne si les valeurs absolues qui la composent lesont, et non-archimédienne sinon. Nous noterons |·|v une valeur absolue appartenantà une place v. On note Mk un ensemble de représentants des places du corps k. Ondit que Mk est normalisé s’il satisfait la formule du produit

∀x ∈ k \ {0},∏v∈Mk

v(x) = 1.

Exemple 87 (fondamental) D’après le théorème d’Ostrowski, l’ensemble des placesde Q est formé : d’une place archimédienne correspondant à |·|∞ la valeur absolueusuelle, et de places non-archimédiennes deux à deux disjointes correspondant auxvaleurs absolues p-adiques |·|p.On rappelle que si a/b ∈ Q, on peut écrire a/b = pn(c/d) avec c et d entiers premiersà p. Alors |a/b|p = p−n.L’ensemble de représentants des places de Q

MQ := {|·|p , avec p premier ou p =∞}

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est normalisé. En effet, il suffit par multiplicativité de prouver le résultat pour x = qun nombre premier. Alors ∏

p∈MQ

|q|p = |q|q · |q|∞ =1

qq = 1.

On supposera dans toute la suite que MQ est normalisé ainsi.

Remarque 88 On a vu une normalisation de MQ dans l’exemple 87, il s’avère quec’est en fait la seule normalisation possible pour les places de Q.

On peut alors enfin énoncer la proposition attendue.

Proposition 89 Soit L un sous-espace vectoriel deQn de dimension 1, soit (ξ1, . . . ,ξn) ∈L \ {0}. On a

HFS(L) =∏v∈MQ

FS(v(ξ1), . . . ,v(ξn)).

Preuve.On écrit chaque ξi sous la forme d’une fraction irréductible pi/qi. On a∏

v∈MQ

FS(v(ξ1), . . . ,v(ξn)) = FS(|ξ1|∞ , . . . , |ξn|∞)∏

p premier

FS(|ξ1|p , . . . , |ξn|p)

= FS(|ξ1| , . . . , |ξn|)∏

p premier

max16i6n

(∣∣∣∣piqi∣∣∣∣p

),

or

∏p premier

max16i6n

(∣∣∣∣piqi∣∣∣∣p

)=

∏p premier

max16i6n

(pvp(qi)−vp(pi)

)(15)

et comme pour tout i, pi et qi sont premiers entre eux :

max16i6n

(pvp(qi)−vp(pi)

)= pmax16i6n vp(qi)−min16i6n vp(pi). (16)

En effet, pour tout i ∈ {1, . . . ,n}, pgcd(pi,qi) = 1 implique que vp(qi) = 0 ouvp(pi) = 0. Supposons qu’il existe j ∈ {1, . . . ,n} tel que vp(qj) > 0. Alors vp(pj) = 0et min16i6n vp(pi) = 0. On a bien la formule (16) voulue dans ce cas. Si au contrairepour tout j ∈ {1, . . . ,n} vp(qj) = 0, on a aussi immédiatement la formule.Donc avec (15) et (16), on trouve

∏p premier

max16i6n

(∣∣∣∣piqi∣∣∣∣p

)=

∏p premier

pmax16i6n vp(qi)−min16i6n vp(pi)

=

∏p premier

pmax16i6n vp(qi)

∏p premier

pmin16i6n vp(pi).

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Ainsi, ∏v∈MQ

FS(v(ξ1), . . . ,v(ξn)) =ppcm(q1, . . . ,qn)

pgcd(p1, . . . ,pn)FS(|ξ1| , . . . , |ξn|)

=FS(|ξ1| , . . . , |ξn|)

N(a)

= HFS(L)

d’après la formule du lemme 82, ce qui conclut. �

Donnons deux exemples illustrant des calculs pratiques de hauteur. Nous utilisonstoujours les notations de la définition 80.

Exemple 90 Si X = (ξ1, . . . ,ξn) ∈ Qn \ {0} et L = VectQ(X), alors on peuttrouver un rationnel non nul α tel que Y := αX = (x1, . . . ,xn) avec les xi ∈ Z etpgcd(x1, . . . ,xn) = 1.Donc d’après la proposition 89,

HFS(L) =∏v∈MQ

max16i6n

(v(xi)) = max16i6n

(|xi|)∏

p premier

max(|xi|p)︸ ︷︷ ︸=1

= FS(x1, . . . ,xn)

car les xi sont premiers entre eux dans leur ensemble.

Exemple 91 Si p/q est un rationnel écrit sous forme irréductible, on s’intéresse àX = (1,p/q). Alors Y = qX = (q,p) appartient aussi à L. Comme pgcd(p,q) = 1, onapplique l’exemple 90, ce qui donne

HFS(L) = max(|p| , |q|).

Ceci étant fait, attaquons-nous à plus de généralité, i.e. plus de dimensions, endéfinissant la hauteur pour un sous-espace Sd de Qn de dimension d ∈ {0, . . . ,n}.On commence par écarter deux cas triviaux en définissant HF (Sd) = 1 si d ∈ {0,n}.Supposons maintenant d ∈ {1, . . . ,n− 1}. On procède comme précédemment, en sedonnant d points Xt = (ξt,1, . . . ,ξt,n) ∈ Sd linéairement indépendants. Nous auronsbesoin de la définition des coordonnées de Grassmann, qui permettent d’associer à

un sous-espace de Qn de dimension d, une droite de QN avec N :=

(n

d

). Ainsi, on

se ramène en quelque sorte au cas de la dimension 1.

Définition 92 Posons N :=

(n

d

). On note τ1, . . . ,τN tous les d-uplets d’entiers

(i1, . . . ,id) tels que 1 6 i1 < · · · < id 6 n rangés par ordre lexicographique. Siτj = {ij,1, . . . ,ij,d}, on note ηj le déterminant de la matrice d × d,

(ξt,ij,r

)t,r. Alors

(η1, . . . ,ηN) sont appelées les coordonnées de Grassmann de Sd. Elles correspondentaux coordonnées de Grassmann telles que définies dans la définition 11 grâce auproduit extérieur : Λd((X1| · · · |Xd)).

On redonne le théorème 10, qui est le thoérème clef qui nous sert ici, il a déjà étéprouvé page 17.

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Théorème 10 Soient n entier et r ∈ {1, . . . ,n − 1}. Soient F un sous-espace dedimension r de kn et AF ∈ Mn,r(k) la matrice d’une base de F dans la base canoniquede kn.Alors la droite engendrée par Λr(AF ) ne dépend que de F . On note [Λr(AF )] lepoint correspondant dans l’espace projectif, et N :=

(nr

). On peut donc définir une

application ψr,n par

ψr,n : Grr,n ↪−! P(kN)

F 7−! [Λr(AF )].

Cette application est injective.

Ainsi définies, les coordonnées de Grassmann dépendent a priori du choix des Xt.Ce n’est heureusement pas le cas d’après le théorème 10 définissant le plongementde Plücker. Concrètement, deux coordonnées de Grassmann Y = (η1, . . . ,ηN) etY ′ = (η′1, . . . ,η

′N) de Sd vérifient Y ′ = αY pour un certain α 6= 0 (i.e. Y et Y ′ dé-

finissent la même droite de l’espace projectif P(QN)). Ainsi, modulo une constantemultiplicative, toutes les coordonnées de Grassmann de Sd sont égales. Réciproque-ment, deux sous-espaces Sd et T d deQn différents ont des coordonnées de Grassmannnon proportionnelles, toujours d’après le théorème 10.Pour tout sous-espace T , on note T ∗ ses coordonnées de Grassmann. Ainsi, on noterapar exemple S∗ les coordonnées de Grassmann de S := Sd.

Parlons maintenant des coordonnées de Grassmann de l’orthogonal de S. CommeS⊥ est de dimension n− d, S∗ et S⊥∗ vivent tous deux dans QN .On utilise ici le théorème 14 que nous redonnons, prouvé page 19. Ce théorèmeutilise l’application définie dans le théorème 10, ainsi que la matrice Dn−r, qui estla matrice diagonale formée des εI , où εI est la signature de la permutation(

1 · · · n− r n− r + 1 · · · n

i1 · · · in−r i1 · · · ir

)

avec I := {i1, . . . ,in−r} et I := {i1, . . . ,ir}.

Théorème 14 Si F est un sous-espace de dimension r de kn, alors

ψn−r,n(F⊥) = Dn−rψr,n(F ).

D’après le théorème 14, on a donc

S⊥∗ = Dn−d(S∗).

Nous sommes enfin arrivés à la définition tant attendue.

Définition 93 Soit F une fonction distance sur RN satisfaisant 4

4. Ce n’est pas très restrictif : les trois fonctions distances usuelle FS , FE et FN vérifient cettecondition.

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∀(x1, . . . ,xN) ∈ RN , F (x1, . . . ,xN) = F ◦Dn−d(x1, . . . ,xN). (17)

Pour tout sous-espace Sd de dimension d de Qn, on définit la F -hauteur de S comme

HF (S) := HF (S∗).

Remarque 94 Comme annoncé, on s’est ramené au cas de la dimension 1 pourlequel nous avions déjà défini la hauteur.

La hauteur ne change pas fondamentalement en fonction de la fonction distancechoisie. En effet, on a la

Proposition 95 Si F1 et F2 sont deux fonctions distances, on aHF1(S) 6 c(F1,F2)HF2(S).

Preuve.En effet, si on note comme précédemment (η1, . . . ,ηN) les coordonnées de Grassmannde S, on a en utilisant les définitions et les notations déjà utilisées

HF1(S) = HF1(S∗)

= N(a)−1F1(|η1| , . . . , |ηN |)6 N(a)−1c(F1,F2)F2(|η1| , . . . , |ηN |)= c(F1,F2)HF2(S

∗)

= c(F1,F2)HF2(S). �

Le calcul que nous avions effectué sur les coordonnées de Grassmann nous donneimmédiatement un résultat d’invariance de la hauteur par passage à l’orthogonal.

Proposition 96 Pour toute fonction hauteur F , et tout sous-espace S de dimensiond ∈ {0, . . . ,n}, on a

HF (S⊥) = HF (S).

Preuve.Ceci résulte simplement de la propriété (17) imposée aux fonctions hauteurs et ducalcul des coordonnées de Grassmann de l’orthogonal (théorème 14). �

Donnons aussi des informations sur la hauteur de l’image d’un sous-espace par unetransformation linéaire inversible.

Lemme 97 Soient w ∈ GLn(Q) et L1 un sous-espace de dimension 1 de Qn. Alorsil existe une constante cF (w) telle que

HF (w(L1)) 6 cF (w)HF (L1).

Preuve.Toujours avec les mêmes notations, soit X = (ξ1, . . . ,ξn) un vecteur de Qn en-gendrant L1. Quitte à multiplier par une constante non nulle, on peut supposer

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ξ1, . . . ,ξn ∈ Z, et quitte à diviser par une constante non nulle, on peut même sup-poser pgcd(ξ1, . . . ,ξn) = 1.On remarque que w(X) engendre w(L1). On pose

m(F,w) := supF (Y )=1

F (w(Y )) ∈ R

qui ne dépend pas de X, et qui est bien définie car F étant une fonction distance,elle est continue sur la F -sphère unité SF de Rn, qui est compacte.Comme X 6= 0, on peut poser Y := (1/F (X))X ∈ SF , qui est bien défini carF (X) 6= 0 car F est une fonction distance et X 6= 0. Alors par homogénéité de F ,qui est une fonction distance,

F (w(X)) = F (w(F (X)Y ))

= F (X)F (w(Y ))

6 m(F,w)F (X).

On appelle (ξ′1, . . . ,ξ′n) ∈ Qn les coordonnées de w(X).

Comme w ∈ GLn(Q), il existe d ∈ Z tel que dw ∈ Mn(Z). Alors dw(X) ∈ Zn, donc

∀i ∈ {1, . . . ,n}, dξ′i ∈ Z.

En notant a′ l’idéal engendré par les ξ′i, on a alors

da′ = d(ξ′1Z + · · ·+ ξ′nZ) ⊂ Z.

Donc N(da′) > 1, et donc

N(a′) >1

dN(a).

On pose cF (W ) := dm(F,w), ce qui nous donne en combinant toutes nos inégalités

HF (w(L1)) = N(a′)−1F (w(X))

6 dN(a)−1m(F,w)F (X)

= cF (w)F (x). �

Plus généralement, ce résultat est vrai pour un sous-espace Sd de dimension d, eton peut déduire le résultat en dimension d du résultat que nous venons de montreren dimension 1 dans le lemme 97.

Proposition 98 Si ω ∈ GLn(Q) et Sd un sous-espace de dimension d de Qn, alorsil existe une constante cF (ω) telle que

HF (ω(Sd)) 6 cF (ω)HF (Sd).

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Preuve.Par définition de la hauteur d’un espace de dimension d, on a

HF (ω(Sd)) = HF ((ω(Sd))∗).

D’après la proposition 12, on a alors

HF ((ω(Sd))∗) = HF (ω(d)(Sd∗)).

On est ramené au cas de la dimension 1 dans QN , on peut alors appliquer le lemme97 pour conclure.On remarque que la constante cF (w) ne dépend pas de d quitte à considérer

cF (w) = max16i6d

cF(d)(w).

Dans toute la suite, H(S) signifiera HFE(S), la hauteur associée à la norme eucli-dienne.

5.2 Déterminants généralisés

Si X1, . . . ,Xm sont des vecteurs de Rn, on notera M la matrice (X1| · · · |Xm). Onfait la remarque importante suivante :

tMM = (tXiXj)i,j = (〈Xi,Xj〉)i,j ∈ Mm(R).

La matrice tMM est généralement appelée matrice de Gram des Xi.

Définition 99 On appelle déterminant généralisé le nombreD := D(X1, . . . ,Xm) =√det(〈Xi,Xj〉)i,j.

On a alors d’après la remarque que

D =√

det(tMM),

ainsi, le déterminant généralisé est la racine carrée du déterminant de Gram.

Remarque 100 Ce déterminant est appelé généralisé, car il l’étend le déterminantà des matrices non carrées. Il étend dans le sens suivant : si m = n, i.e.M est carrée,alors D =

√det(M)2 = |detM |.

On a immédiatement les nombreuses propriétés élémentaires suivantes.

Proposition 101 On a(i) D est bien défini ;(ii) D(X1, . . . ,Xm) = D(Xσ(1), . . . ,Xσ(m)) pour toute permutation σ ∈ Sm ;(iii) D(X1, . . . ,tXk . . . ,Xm) = |t|D(X1, . . . ,Xm) pour tout t ∈ R ;(iv) D(X1, . . . ,Xm) = D(X1, . . . ,Xk + cX`, . . . ,Xm) pour tous c ∈ R et k 6= ` ;(v) D = 0 si, et seulement si, X1, . . . ,Xm sont linéairement dépendants ;

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(vi) D(τ(X1), . . . ,τ(Xm)) = D(X1, . . . ,Xm) si τ est une transformation orthogo-nale.

Preuve.On prouve chaque propriété dans l’ordre.(i) Comme tMM est symétrique positive, on peut la diagonaliser en une base

orthonormale : tMM = PDtP avec tP = P−1, D = diag(λ1, . . . ,λm) et lesλi > 0. Alors

n∏i=1

λi > 0

et D, la racine carrée de ce produit, est bien défini.(ii) Immédiatement car un déterminant est invariant au signe près par permutation

sur les lignes et les colonnes de la matrice.(iii) Soit k ∈ {1, . . . ,m}, t ∈ R. Si on remplace Xk par tXk dans M , alors la k-

ième ligne de tMM est multipliée par t, ainsi que sa k-ième colonne. Doncdet(tMM) est multiplié par t2, et D est multiplié par

√t2 = |t|.

(iv) Quitte à appliquer deux fois la propriété (iii), on peut supposer c = 1. Si onchange Xk par Xk + X` avec k 6= `, alors la matrice (〈Xi,Xj〉) ne change pasde déterminant (propriétés du déterminant usuel).

(v) Si la famille (X1, . . . ,Xm) est liée, alors il existe un indice k tel que Xk soitcombinaison linéaire des autres Xi. Donc d’après la propriété (iv),

D(X1, . . . ,Xm) = D(X1, . . . ,Xk−1,0,Xk+1, . . . ,Xm) = 0.

Réciproquement, si la famille (X1, . . . ,Xm) est libre, alors c’est une base surVect(X1, . . . ,Xm), et donc M est une matrice de passages entre deux basesde même dimension, donc est inversible. Ainsi, tMM est aussi inversible, etdet(tMM) 6= 0.

(vi) Comme une transformation orthogonale préserve le produit scalaire, on a τ(tXiXj) =tXiXj, ce qui prouve la propriété. �

Nous allons reprendre ici les notations touchant aux coordonnées de Plücker, eténoncer trois propositions sur le déterminant généralisé pour essayer... de généraliserles propriétés du déterminant justement.Soit A ∈ Mm,n(R). On rappelle que dans la définition 6, on a défini la m-ièmepuissance extérieure de A Λm(A) comme la matrice formée des mineurs de taille mde A.

Proposition 102 Soient X1, . . . ,Xm des vecteurs unitaires de Rn, avec les Xi decoordonnées (Xi,1, . . . ,Xi,n) dans la base canonique de Rn. On pose A := (Xi,j)i,j ∈Mm,n(R). Alors

D(X1, . . . ,Xm)2 =N∑i=1

Λm(A)1,i2.

En utilisant les notations de la définition 16, la formule devient simplement

D(X1, . . . ,Xm) = ‖X1 ∧ · · · ∧Xm‖2 .

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Preuve.SiN ∈ Ma,b(R), I un sous-ensemble de {1, . . . ,a} et J un sous-ensemble de {1, . . . ,b},on note comme précédemment ∆I,J(N) la mineur correspondant aux lignes de Aindexées par I, et aux colonnes de A indexées par J .Ceci étant dit, on a en utilisant la formule 2 de Binet-Cauchy

D(X1, . . . ,Xm)2 = det(tMM)

= det

∑J∈Λ(m,n)

∆{1,...,m},J(tM)∆J,{1,...,m}(M)

=

N∑i=1

|Λm(A)1,i|2

par définition de la puissance extérieure. �

Remarque 103 La proposition 102 couplée au théorème 10 nous donne donc quele déterminant généralisé des Xi ne dépend pas de la base orthonormale choisie pourexprimer les Xi.

Proposition 104 (inégalité d’Hadamard généralisée) 5

On a

D(X1, . . . ,Xm,Y1, . . . ,Yk) 6 D(X1, . . . ,Xm)D(Y1, . . . ,Yk),

avec égalité si, et seulement si,D(X1, . . . ,Xm) = 0,D(Y1, . . . ,Yk) = 0 ou Vect(X1, . . . ,Xm)est orthogonal à Vect(Y1, . . . ,Yk).

Preuve.Si l’un des déterminants généralisés est nul, l’égalité est immédiate. On peut doncse placer dans le cas où ces déterminants généralisés sont non nuls, i.e. les familles(X1, . . . ,Xm) et (Y1, . . . ,Yk) sont libres d’après la proposition 101.On note π la projection orthogonale sur Vect(X1, . . . ,Xm)⊥. On a encore d’après laproposition 101 (car la projection orthogonale π(Yi) s’exprime comme une combi-naison linéaire de Yi et des Xj)

D(X1, . . . ,Xm,Y1, . . . ,Yk) = D(X1, . . . ,Xm,π(Y1), . . . ,π(Yk)).

Posons Zi := Xi pour i ∈ {1, . . . ,m} et Zi := π(Yi−m) pour i ∈ {m + 1, . . . ,m +k}. Alors la matrice des (〈Zi,Zj〉)i,j est diagonale par blocs (avec deux blocs), pardéfinition de la projection orthogonale π. Ainsi,

D(X1, . . . ,Xm,π(Y1), . . . ,π(Yk)) = D(X1, . . . ,Xm)D(π(Y1), . . . ,π(Yk)).

On remarque alors que Λk(π) = π(k) est encore une projection orthogonale. Eneffet, dans la base canonique, π est une projection orthogonale si, et seulement si,sa matrice (encore notée π) vérifie tπ = π = π2. Par définition et multiplicativité

5. Notons que dans son article, Schimdt écrit n au lieu de m dans l’énoncé de cette proposition.

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de la puissance extérieur (proposition 8), l’application π(k) est bien une projectionorthogonale.On utilise alors la notation avec le produit extérieure de la définition 16 et lespropositions 102 et 17 pour obtenir

D(π(Y1), . . . ,π(Yk)) = ‖π(Y1) ∧ · · · ∧ π(Yk)‖2 =∥∥π(k)(Y1 ∧ · · · ∧ Yk)

∥∥2.

Alors car π(k) est une projection orthogonale, elle diminue la norme euclidienne.Ainsi, ∥∥π(k)(Y1 ∧ · · · ∧ Yk)

∥∥26 ‖Y1 ∧ · · · ∧ Yk‖2

ce qui conclut la preuve de l’inégalité d’Hadamard généralisée.Pour le cas d’égalité, il reste à remarquer que le cas d’égalité dans notre inégalitéarrive si, et seulement si, Y1 ∧ · · · ∧ Yk ∈ Im(π(k)). Or Im(π(k)) = (Imπ)(k) d’aprèsla proposition 23. Et d’après la remarque 25, on a Y1 ∧ · · · ∧ Yk ∈ (Im π)(k) si, etseulement si, Yi ∈ Im π pour tout i ∈ {1, . . . ,k} ; ce qui signifie exactement queVect(X1, . . . ,Xm) est orthogonal à Vect(Y1, . . . ,Yk). �

Proposition 105 On a

D(X + Y,X2, . . . ,Xm) 6 D(X,X2, . . . ,Xm) +D(Y,X2, . . . ,Xm),

avec égalité si, et seulement si, (X,Y,X2, . . . ,Xm) est liée.

Preuve.D’après la proposition 102, on a en utilisant l’inégalité triangulaire

D(X + Y,X2, . . . ,Xm) = ‖(X + Y ) ∧X2 ∧ . . . ∧Xm‖2

= ‖X ∧X2 ∧ . . . ∧Xm + Y ∧X2 ∧ . . . ∧Xm‖2

6 ‖X ∧X2 ∧ . . . ∧Xm‖2 + ‖Y ∧X2 ∧ . . . ∧Xm‖2

= D(X,X2, . . . ,Xm) +D(Y,X2, . . . ,Xm).

Si maintenant (X,X2, . . . ,Xm) ou (Y,X2, . . . ,Xm) sont liées, alors X∧X2∧. . .∧Xm =0 ou Y ∧X2 ∧ . . . ∧Xm = 0 et l’égalité est manifeste.Si les deux familles sont libres, il y a égalité si, et seulement si, les vecteurs de RN

X ∧X2 ∧ . . . ∧Xm et Y ∧X2 ∧ . . . ∧Xm sont proportionnels (avec un coefficient deproportionnalité non nul). Alors par définition des coordonnées de Grassmann quine sont définies qu’à une constante multiplicative (non nulle) près, cela signifiqueque Vect(X,X2, . . . ,Xm) = Vect(Y,X2, . . . ,Xm), i.e. (X,Y,X2, . . . ,Xm) est liée. �

Finissons par une propriété de nature géométrique qui nous resservira très prochai-nement.

Proposition 106 Soit P le parallélotope de dimension d formé par les vecteursX1, . . . ,Xd dans Rn. Vu dans l’espace euclidien Vect(X1, . . . ,Xd) qui est de dimensioninférieure ou égale à d, P a un volume :

vol(P ) = D(X1, . . . ,Xd).

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Preuve.La preuve s’inspire de [20].On procède par récurrence sur d, ce qui est motivé par la définition intuitive duvolume (voir figure 2)

vol(P ) = vol(P ′)× h.

Le cas d = 1 est évident, on suppose le résultat vrai pour toute famille de d − 1vecteurs.La situation est résumée sur la figure 2.

Figure 2 – Le parallélotope vue de côté

On note π la projection orthogonale sur Vect(X1, . . . ,Xd−1). On pose H := Xd −π(Xd) et h := ‖H‖.On remarque que pour tout vecteur Z ∈ Vect(X1, . . . ,Xd−1), on a

〈Z,Xd〉 = 〈Z,π(Xd)〉

et que d’après le théorème de Pythagore,

‖Xd‖2 = ‖π(Xd)‖2 + h2.

Donc par définition du déterminant généralisé, ces deux égalités nous donnent en

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développant par rapport à la dernière colonne :

D(X1, . . . ,Xd)2 = det

〈X1,X1〉 · · · 〈X1,Xd〉

......

〈Xd,X1〉 · · · 〈Xd,Xd〉

= det

〈X1,X1〉 · · · 〈X1,Xd−1〉 〈X1,π(Xd)〉

......

...〈Xd−1,X1〉 · · · 〈Xd−1,Xd−1〉 〈Xd−1,π(Xd)〉〈π(Xd),X1,〉 · · · 〈π(Xd),Xd−1〉 ‖π(Xd)‖2 + h2

= D(X1, . . . ,Xd−1,π(Xd))

2 + h2D(X1, . . . ,Xd−1)2.

Or π(Xd) ∈ Vect(X1, . . . ,Xd−1), donc d’après le point (v) de la proposition 101, ona D(X1, . . . ,Xd−1,π(Xd)) = 0.On a donc

h =D(X1, . . . ,Xd)

D(X1, . . . ,Xd−1).

En appliquant l’hypothèse de récurrence, on trouve

vol(P ) = vol(P ′)× h

= D(X1, . . . ,Xd−1)D(X1, . . . ,Xd)

D(X1, . . . ,Xd−1)

= D(X1, . . . ,Xd)

ce qui termine notre récurrence et notre démonstration �

5.3 Un point de vue géométrique sur la hauteur

On reprend nos notations précédentes. On travaille dans Qn et on se donne unvecteur X = (ξ1, . . . ,ξn) ∈ Qn. On se donne aussi Sd un sous-espace de Qn dedimension d, et X1, . . . ,Xd des vecteurs linéairement indépendants de Sd. On notecomme avant Y := (η1, . . . ,ηN) un ensemble de coordonnées de Grassmann de Sd liéaux Xi.On rappelle que d’après la proposition 102, on a

F (η1, . . . ,ηN) = ‖X1 ∧ · · · ∧Xd‖2 = D(X1, . . . ,Xn).

De fait, on a en notant a l’idéal η1Z + · · ·+ ηNZ :

H(Sd) = N(a)−1D(X1, . . . ,Xd). (18)

Pour tout sous-ensemble Σ ⊂ Rn, on pose

I(Σ) := {(ξ1, . . . ,ξn) ∈ Σ, ∀i ∈ {1, . . . ,n}, ξi ∈ Z} = Σ ∩ Zn.

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On en arrive à un autre point du vue sur la hauteur, plus géométrique, qui vaexprimer la hauteur en fonction du covolume d’un certain réseau. On utilise pourcela la géométrie des nombres, développée par exemple dans [10]. On utilise ici ladéfinition 28, en remarquant que I(Sd) est un réseau de Rd.

Théorème 107 Pour tout sous-espace Sd de Qn, on a

H(Sd) = covol(I(Sd)).

Preuve.Commençons par traiter les cas particuliers extrêmes.Si S = {0}, on a I(S) = {0}, et ainsi H ′(S) = covol({0}) = 1 = H(S).Si S = Qn, alors I(S) = Zn, et donc H ′(S) = covol(Zn) = 1 = H(S).On peut donc supposer 0 < d < n.Soient X1, . . . ,Xd des vecteurs linéairement indépendants de I(Sd). Les coordonnées(X1, . . . ,Xd) déterminent un ensemble (η1, . . . ,ηN) de coordonnées de Grassmann deSd. On note

I(X1, . . . ,Xd) := ZX1 + · · ·+ ZXd ⊂ I(Sd).

Lemme 108 On a

covol(I(X1, . . . ,Xd)) = D(X1, . . . ,Xd).

Preuve.Il suffit d’aller lire la remarque 35. �

Notons a l’idéal engendré par η1, . . . ,ηN .Comme les Xi sont dans I(Sd), les coordonnées de Grassmann η1, . . . ,ηN sont dansZ. Ainsi,

a = η1Z + · · ·+ ηNZ = pgcd(η1, . . . ,ηN)Z,

donc

N(a) = pgcd(η1, . . . ,ηN)︸ ︷︷ ︸=:a

.

Lemme 109 L’indice de I(X1, . . . ,Xd) dans I(Sd) est a := N(a), où a est l’idéalde Z engendré par η1, . . . ,ηN .

Preuve.On va chercher à "redresser" le problème. Pour cela, notons ϕ l’isomorphisme suivantenvoyant Sd sur Qd :

ϕ : Sd −! Qd

d∑i=1

αiXi 7−!

α1

...αd

.

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Soit

X :=d∑i=1

αiXi ∈ I(Sd).

On note M matrice définie par colonnes(X1 · · · Xd

). Pour i ∈ {1, . . . ,d}, on

note Mi la matrice où on a remplacé la i-ème colonne de M par X. On considère ηun mineur de taille d× d quelconque de Mi.Ajouter αkXk, pour k 6= i, à la i-ème colonne de M ne change pas ses mineurs detaille d × d, et multiplier par αi cette i-ème colonne multiplie les mineurs de tailled× d par αi.Ainsi,

η = αiηj,

où ηj est un mineur de taille d×d deM , autrement dit une cordonnée de Grassmannde (X1, . . . ,Xd).Or Mi ∈ Mn,d(Z) car X ∈ I(Sd), donc

∀(i,j) ∈ {1, . . . ,d} × {1, . . . ,N}, αiηj ∈ Z. (19)

Soit ρ un multiple commun aux ηj. Alors d’après (19),

∀i ∈ {1, . . . ,d}, βi := αiρ ∈ Z.

Ainsi, il nous suffit de calculer l’indice de ρI(X1, . . . ,Xd) dans ρI(Sd) et de montrerqu’il vaut 6 N(a).Si x ∈ ρI(X1, . . . ,Xd), chaque coordonnée de x/ρ dans la base (X1, . . . ,Xd) estentière, donc chaque coordonnée de ϕ(x) est divisible par ρ, et on a donc montré queβi = αiρ ∈ ρZ pour tout i ∈ {1, . . . ,d}. Réciproquement, si pour tout i ∈ {1, . . . ,d},αi ∈ Z, alors α1X1 + · · ·+ αdXd ∈ I(Sd). Ainsi, ϕ(ρI(X1, . . . ,Xd)) = ρZd.Si x ∈ ρI(Sd), alors ϕ(x) ∈ Zd d’après le travail déjà effectué, donc ϕ(ρI(Sd)) ⊂ Zd.Ainsi, en "redressant" le problème par l’isomorphisme ϕ, on obtient

indI(Sd)(I(X1, . . . ,Xd)) =∣∣ρI(X1, . . . ,Xd)/ρI(Sd)

∣∣=∣∣ϕ(ρI(X1, . . . ,Xd))/ϕ(ρI(Sd))

∣∣=∣∣ρZd/ϕ(ρI(Sd))

∣∣ .Autrement dit, il nous faut compter le nombre de classes (β1, . . . ,βd) + ρZd avec(β1, . . . ,βd) ∈ ϕ(ρI(Sd)), ce qui revient à dénombrer le nombre de d-uplets (β1, . . . ,βd) ∈ρZd tel que

d∑i=1

βiXi ∈ ρZd,

ou encore en écrivant pour i ∈ {1, . . . ,d}, Xi = (ξi,1, . . . ,ξi,n)

6. Dans son article, Schmidt écrit ici α au lieu de a.

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∀k ∈ {1, . . . ,n},d∑i=1

βiξi,k ≡ 0 (mod ρ). (20)

On rappelle qu’on a noté a := N(a).On décompose a et ρ en produits de facteurs premiers :

a =s∏i=1

piei et ρ =

s∏i=1

pifi ,

avec les ei,fi > 0 et les pi deux à deux premiers entre eux.Comme a = pgcd(η1, . . . ,ηN) | ρ qui est multiple commun aux ηi, on a que pourtout i ∈ {1, . . . ,s}, ei 6 fi.D’après le théorème chinois,

Z/ρZ 's∏i=1

Z/pifiZ,

il nous suffit donc pour montrer que le nombre de solutions de (20) est N(a), demontrer que le nombre de (β1, . . . ,βd) ∈ (Z/pifiZ)d vérifiant

∀k ∈ {1, . . . ,n},d∑i=1

βiξi,k ≡ 0 (mod pifi)

est égal à piei pour tout i ∈ {1, . . . ,s}.Fixons i ∈ {1, . . . ,s}, et notons p,e,f pour pi,ei,fi respectivement. On pose B :=(β1, . . . ,βd) et Rk := (ξ1,k, . . . ,ξd,k). Le système se réécrit alors en terme de produitscalaire :

∀k ∈ {1, . . . ,n}, B ·Rk ≡ 0 (mod pf ). (21)

Soit {i1, . . . ,id} ⊂ {1, . . . ,n} de cardinal d. Le déterminant de la matrice par blocs(Ri1 · · · Rid

)est l’un des ηj. Or a = pgcd(η1, . . . ,ηN), donc il existe j ∈ {1, . . . ,N}

tel que vp(ηj) = vp(a) = e. Ainsi, on peut supposer que ce déterminant est dans (pe),mais pas dans (pe+1).Comme la famille (X1, . . . ,Xd) est libre, la matrice (ξj,i)i,j est de rang d. Donc toutmineur de taille d×d extrait de cette matrice est non nul, donc la famille R1, . . . ,Rd

forme une base de Qd. Ainsi, chaque Rk peut s’écrire

Rk = c1R1 + · · ·+ cdRd.

Comme chaque déterminant

|R1 · · · Rj−1 Rk Rj+1 · · · Rd |

est dans (pe) (car a = pgcd(η1, . . . ,ηN), donc pour tout j ∈ {1, . . . ,N}, vp(ηj) > e),chaque cj vérifie vp(cj) > 0. Ainsi, le système de congruences (21) sera satisfait si,et seulement si, il est satisfait pour k ∈ {1, . . . ,d}.On va alors montrer un lemme dont découlera le lemme 109.

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Lemme 110 Soient e,f,g1, . . . ,gd ∈ Z, avec 0 6 e 6 gk 6 f , k ∈ {1, . . . ,d}. SoientRk := (ξ1,k, . . . ,ξd,k) ∈ Zd pour k ∈ {1, . . . ,d}. On suppose que le déterminant dela matrice dont les colonnes sont les Rk est dans (pe), mais pas dans (pe+1), avec ppremier. Alors le nombre de solutions entières B = (β1, . . . ,βd) ∈ Zd modulo pf de

∀k ∈ {1, . . . ,d}, B ·Rk ≡ 0 (mod pgk) (22)

est égal à pdf+e−g1− ··· −gd .

Preuve.On raisonne par récurrence sur e.Si e = 0, alors le nombre de d-uplets (γ1, . . . ,γd) modulo pf satisfaisant

∀k ∈ {1, . . . ,d}, γk ≡ 0 (mod pgk)

est égal à pdf−g1− ··· −gd .On appelle R la matrice de taille d× d dont les lignes sont les Rk. Comme e = 0, ona par hypothèse que det(R) /∈ (p), donc R ∈ GLd(Z/pZ), et donc R ∈ GLd(Z/pfZ)pour tout f > 0.Ainsi, l’application

ψ : (Z/pfZ)d −! (Z/pfZ)d

B = (β1, . . . ,βd) 7−! RB

est bijective (d’inverse B 7! R−1B).On a donc initialisé notre récurrence.Supposons maintenant e > 0. Quitte à réordonner, on peut supposer e 6 g1 6 · · · 6gd 6 f . D’après l’hypothèse, la famille (R1, . . . ,Rd) est liée modulo p car e > 0. Ilexiste donc t ∈ {1, . . . ,d} tel que

Rt ≡ µt+1Rt+1 + · · ·+ µdRd (mod p).

On pose alors

S := Rt − µt+1Rt+1 − · · · − µdRd ≡ 0 (mod p).

Dans le système (22), on peut remplacer Rt par S (car gt 6 · · · 6 gd (donc de plusen plus de précision), et que le système est linéaire).Posons T := p−1S. Alors on a

BS ≡ 0 (mod pgt) ⇐⇒ BT ≡ 0 (mod pgt−1).

On s’est ainsi ramené du cas

e,f,g1, . . . ,gd,R1, . . . ,Rd,

au cas

e− 1,f,g1, . . . ,gt − 1, . . . ,gd,R1, . . . ,T, . . . ,Rd,

et le déterminant a bien été divisé par p car on a divisé une colonne de la matriceR par p.On conclut alors la preuve avec hypothèse de récurrence. �

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Le lemme 109 découle alors du lemme 110 appliqué avec

g1 = · · · = gd = f. �

D’après le lemme 109, on a

covol(I(Sd)) = N(a)−1 covol(I(X1, . . . ,Xd)).

Ainsi, d’après le lemme 108, on a

H ′(Sd) = N(a)−1D(X1, . . . ,Xd) = H(Sd). �

5.4 Existence de certains sous-espaces

Nous prouvons ici notre premier résultat d’approximation d’un sous-espace parautre, qui découle de l’interprétation géométrique de la hauteur que nous avonsdonnée dans le théorème 107.

Théorème 111 Il existe une constante c1 > 0 ne dépendant que de n, telle quepour tous 0 6 f < d < e 6 n et pour tout sous-espace Sd de Qn de dimension d, ilexiste deux sous-espaces

Sf ⊂ Sd ⊂ Se

tels que {H(Sf ) 6 c1H(Sd)f/d

H(Se) 6 c1H(Sd)(n−e)/(n−d).

Remarque 112 Quitte à changer la constante c1, le théorème 111 nous dit qu’ilexiste Sf ⊂ Sd tel que

H(Sf )1/f 6 c1H(Sd)1/d.

Preuve.Commençons par construire Se. On peut supposer e = d+ 1, en effet, si on a prouvéle résultat dans ce cas-là, il est facile de l’étendre à tout e′ > e par récurrence, enutilisant la remarque 112.On remarque que I(Sd) est un réseau de Rn de dimension d. Notons (X1, . . . ,Xd)une famille engendrant le parallélotope minimal de I(Sd), alors d’après le lemme108 le covolume de I(Sd) est

covol(I(Sd)) = D(X1, . . . ,Xd) = H(Sd)

d’après une remarque déjà faite.On note En−d l’orthogonal de l’espace Sd. On note aussi Γ la projection orthogonalede Zn sur En−d. Alors Γ est un réseau de En−d, calculons son covolume. Pour cela,nous aurons besoin d’un lemme d’intérêt indépendant.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Lemme 113 Soit Γ réseau de dimension n, et v1, . . . ,vk des vecteurs de Γ pouvantêtre complétés en une base de Γ. On note ΓV la projection de Γ sur Vect(v1, . . . ,vk)

⊥,et Γk le sous-réseau de Γ engendré par v1, . . . ,vk. Alors

covol(ΓV ) =covol(Γ)

covol(Γk).

Preuve.La preuve est inspirée de l’article [2].On note V la matrice dont les lignes sont les vi.Le projecteur orthogonal sur Vect(v1, . . . ,vk)

⊥ est donné par

P = In − tV (V tV )−1V.

Notons G une matrice dont les colonnes forment une base de Γ. On sait d’après lathéorie des réseaux que si les colonnes de deux matrices W,W ′ engendrent le mêmeréseau, il existe une matrice orthogonale Y telle que W = YW ′. Ici, comme lescolonnes de G forment une base de Γ, il existe une matrice A ∈ Mk,n(Z) telle queV = AG.Comme (v1, . . . ,vk) peut être complétée en une base de Γ, il existe une matriceU ∈ Mn−k,n(Z) telle que Γ soit engendré par

V :=

(A

U

)G =

(V

UG

).

On cherche une matrice GV dont les colonnes engendrent ΓV , la projection orthogo-nale de Γ sur Vect(v1, . . . ,vk)

⊥. D’après la construction que nous venons de faire, ilsuffit de faire le produit des n−k dernières lignes de V avec la matrice de projectionorthogonale P :

GV := UGP.

Alors 7 d’après le lemme 108

covol(Γ)2 = det(V tV ) = det

(V tV V tGtU

UGtV UGtGtU

). (23)

Grâce à l’inspiration fournie par l’article [11], on peut écrire la décomposition (ennotant I` la matrice identité de taille ` × ` et 0 la matrice nulle en omettant sataille) :(V tV V tGtU

UGtV UGtGtU

)(Ik −(V tV )−1V tGtU

0 Ik

)=

(V tV 0

UGtV UGtGtU − UGtV (V tV )−1V tGtU

)

car (v1, . . . ,vk) est libre donc V tV est inversible.

7. Attention, il y a une erreur dans l’article [2], qui écrit U tU au lieu de UGtGtU .

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Par multiplicativité du déterminant, on est ramené à calculer deux déterminants dematrices triangulaires par blocs, avec l’égalité (23) on obtient donc

covol(Γ)2 = det(V tV )︸ ︷︷ ︸=covol(Γk)2

× det(UGtGtU − UGtV (V tV )−1V tGtU)

= covol(Γk)2 det(UG(In − tV (V tV )−1V )tGtU)

= covol(Γk)2 det(UGP tGtU).

Comme P est une matrice orthogonale, on a |det(P )| = 1, donc∣∣det(UGP tGtU)∣∣ =

∣∣det(UGP tGtU) det(P )∣∣

=∣∣det(UGP t(UGP ))

∣∣=∣∣det(GV

tGV )∣∣

= covol(ΓV )2.

Finalement,

covol(Γ)2 = covol(Γk)2 covol(ΓV )2. �

Revenons à la preuve du théorème. D’après le lemme 113, on a donc

covol(Γ) =covol(Zn)

covol(I(Sd))=

1

covol(I(Sd)),

donc covol(Γ) = H(Sd)−1 d’après le théorème 107 donnant le point de vue géomé-trique de la hauteur.On note Vm le volume de la boule unité Bm(0,1) de Rm. Alors la boule de centre 0et de rayon ρ de Rn−d, notée Bn−d(0,ρ), a un volume égal à Vn−dρn−d.Ainsi, car la boule unité fermée est compacte, dès que

Vn−dρn−d > 2n−dH(Sd)−1 = 2n−d covol(Γ) (24)

le premier théorème de Minkowski (théorème 38 dans ce texte) nous dit qu’il existeun point

G′ ∈ Bn−d(0,ρ) ∩ (Γ \ {0}).

On choisit alors

ρ :=2

Vn−d1/(n−d)

H(Sd)−1/(n−d)

qui vérifie la condition (24) voulue.On a donc trouvé G′ un point du réseau tel que

‖G′‖2 6 ρ 6 c1H(Sd)−1/(n−d) (25)

où c1 := 2Vn−d−1/(n−d) > 0.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Par définition de Γ, projection orthogonale de Zn sur En−d, il existe donc G ∈ Zntel que G′ soit le projeté orthogonal de G sur En−d. On a G ∈ Sd si, et seulementsi, G′ = 0, ce qui n’est pas le cas, donc G /∈ Sd.On pose Sd+1 := Vect(G)⊕ Sd, de dimension d+ 1 car G /∈ Sd. On va montrer quel’espace Se = Sd+1 convient. Pour cela, on considère X ∈ Sd, le projeté orthogonalde G sur Sd. On a alors un rectangle, et la situation est résumée sur la figure 3.

Figure 3 – Le rectangle 0XGG′

Notons I∗ le sous-réseau de I(Sd+1) engendré par I(Sd) et G.Ainsi d’après le théorème 107,

H(Sd+1) = covol(I(Sd+1)) 6 covol(I∗). (26)

Soit (H1, . . . ,Hd) une base de I(Sd). Alors (H1, . . . ,Hd,G) est une base de I∗, etd’après le lemme 108, on a

covol(I∗) = D(H1, . . . ,Hd,G).

Notons p la projection orthogonale sur Sd, et p′ la projection orthogonale sur Sd,⊥(voir figure 3 qui illustre la situation). Comme Sd ⊕ Sd,⊥ = Rn, on a p + p′ = id.Ainsi,

p′(G) = G− p(G)

donc

G′ = G−X.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Donc G′ est combinaison linéaire de G et d’éléments de I(Sd). Donc d’après le point(iv) de la proposition 101, on a

covol(I∗) = D(H1, . . . ,Hd,G′).

Alors d’après l’inégalité 104 généralisée d’Hadamard,

covol(I∗) 6 D(H1, . . . ,Hd)D(G′) = D(H1, . . . ,Hd) ‖G′‖2 ,

donc

covol(I∗) 6 H(Sd) ‖G′‖2

d’après le lemme 108.Donc d’après l’inégalité (25),

covol(I∗) 6 c1H(Sd)H(Sd)−1/(n−d) = c1H(Sd)(n−(d+1))/(n−d).

Le résultat découle alors de l’inégalité (26).La construction de Sf vient alors par dualité. En effet, Sd,⊥ est de dimension n− d.D’après ce que nous avons déjà prouvé, il existe T ⊃ Sd,⊥, avec dim(T ) = e =n− f > n− d, avec

H(T ) 6 c1H(Sd,⊥)(n−e)/(n−dim(Sd,⊥)) = c1H(Sd,⊥)f/d.

Or d’après la proposition 96 et le théorème 107, on a

H(Sd,⊥) = H(Sd),

donc

H(T ) 6 c1H(Sd)f/d. (27)

On pose alors Sf := T⊥, de dimension f . Comme T contient Sd,⊥, Sf = T⊥ estcontenu dans Sd, et d’après la proposition 96 et l’inégalité (27)

H(Sf ) = H(T⊥) = H(T ) 6 c1H(Sd)f/d

ce qui conclut la preuve de ce théorème. �

5.5 Le nombre de sous-espaces de hauteur plus petite que H

On commence par un lemme dans le cas H 6 1. La preuve est inspirée de [1].

Lemme 114 Soient d ∈ {0, . . . ,n} et Sd un sous-espace de Qn de dimension d.Alors H(Sd) > 1 et il y a exactement

(nd

)sous-espaces Sd de Qn de hauteur H(Sd) =

1 : ce sont les sous-espaces engendrés par d vecteurs distincts de la base canoniquede Qn.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Preuve.On note (X1, . . . ,Xd) une base de Sd. On note encore a l’idéal de Q engendré parη1, . . . ,ηN les coordonnées de Grassmann de Sd, avec N =

(nd

).

Alors d’après la formule (18), on a

N(a)2H(Sd)2 = D(X1, . . . ,Xd)2,

puis en utilisant la proposition 102,

N(a)2H(Sd)2 =N∑i=1

ηi2.

On a pour tout i ∈ {1, . . . ,N} tel que ηi 6= 0,

N(a) = N(η1, . . . ,ηN) 6 |ηi| .

Ainsi,

H(Sd) > 1,

avec égalité si, et seulement si, ηi = 0 pour tout i ∈ {1, . . . ,} \ {i0} avec |ηi0| =1 (on peut supposer ceci quitte à multiplier les coordonnées de Grassmann par1/ |ηi0|). Dans ce cas, car (X1, . . . ,Xd) est libre, on a d’après les remarques 25 et 19,équivalence avec le fait que

Sd = Vect(ei)i∈I

où (ei)i∈{1,...,n} est la base canonique et I = (i1 < · · · < id) est le d-uplet correspon-dant à i0 pour les coordonnées de Grassmann. �

Dans toute la suite, on notera N(n,d,H) le nombre de sous-espaces de dimension dde Qn, de hauteur au plus H.On peut donner un encadrement de N(n,d,H), et on se rend compte que N(n,d,H)est de l’ordre de Hn. Avant de prouver ce résultat, nous montrons quelques lemmes.Soit Γm un réseau de dimension m de Rm. Soit Er un sous-espace de dimension rtel que Er ∩ Γm =: Γr soit un réseau de dimension r de Rm.Posons Em−r := Er,⊥ l’orthogonal de Er, et Γm−r l’image de Γm par la projectionorthogonale sur Em−r.D’après le lemme 113, on a

covol(Γm−r) =covol(Γm)

covol(Γr).

On rappelle notre notation pour le volume de la boule unité dans Rk : Vk.

Lemme 115 Notons n(B) le nombre de pointsG du réseau Γm−r vérifiant ‖G‖ 6 B.Alors

n(B) covol(Γm−r) 6 Vm−r(B +B0)m−r,

où B0 est une constante qui dépend seulement de Γm.

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Preuve.Soit B0 > 0 suffisamment grand pour que chaque point X ∈ Rm soit égal moduloΓm à un point Y tel que ‖Y ‖ 6 B0.Alors tout point X ′ ∈ Em−r est égal modulo Γm−r à un point Y ′ vérifiant ‖Y ′‖ 6 B0,car le réseau Γm−r est le projeté orthogonal de Γm sur Em−r.Ainsi, Γm−r admet un domaine fondamental F, inclus dans l’ensemble des points Y ′tels que ‖Y ′‖ 6 B0.On peut alors construire une application (en notant Bk(0,ρ) la boule de centre 0 etde rayon ρ dans un espace de dimension k) :

ϕ : Γm−r ∩B(0,B) −! P(Bm−r(0,B +B0))

G 7−! {G+ Y, Y ∈ F}.

Cette application est bien définie, car si G ∈ Γm−r vérifie ‖G‖ 6 B, alors les pointsde ϕ(G) sont bien de norme inférieure à B +B0 par définition de F.De plus, les différents ensembles ϕ(G) ne s’intersectent pas. En notant µ(F ) lamesure de Lebesgue sur Em−r, on a donc

n(B) 6µ(Bm−r(0,B +B0))

µ({G+ Y, Y ∈ F})=Vm−r(B +B0)m−r

µ(F)=Vm−r(B +B0)m−r

covol(Γm−r)

car F est un domaine fondamental pour Γm−r. �

Lemme 116 Soient n,d > 0 et S1 un sous-espace de Qn de dimension d − 1 et dehauteur H1. Soit H > H1. Notons N(S1,H) le nombre de sous-espaces S ⊃ S1 dedimension d et de hauteur H(S) 6 H. On a

N(S1,H) 6 c3Hn+1−dH1

d−n,

avec c3 > 0.

Preuve.Posons Γn := Zn et Γr := I(S1), de dimension r := d− 1.D’après le théorème 107, on a

covol(Γr) = H1.

Notons Er := S1 = Vect(Γr). On a Γn ∩ Er = Γr.Posons En−r := Er,⊥ et Γn−r le projeté orthogonal de Γn sur En−r.D’après le lemme 113, on a

covol(Γn−r) =covol(Γn)

covol(Γr)=

1

H1

.

Soit S ⊃ S1 un sous-espace de Qn de dimension d et de hauteur plus petite que H.Toujours d’après le théorème 107, le réseau I(S), de dimension d, a un covolumeplus petit que H.De plus, I(S1) ⊂ I(S) ⊂ Zn = Γn.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Soit Γ′ le projeté orthogonal de I(S) sur En−r. Alors Γ′ est un sous-réseau de Γn−r,de dimension 1, et de covolume (d’après le lemme 113)

covol(Γ′) =covol(I(S))

covol(Γr)6

H

H1

.

Il existe donc G′ ∈ Γ′ \ {0} tel que

‖G′‖ 6 H

H1

. (28)

Donc à tout sous-espace S ayant ces propriétés, on peut associer un point G′ ∈Γn−r \ {0} satisfaisant (28).Réciproquement, un tel G′ détermine S. En effet, G′ est le projeté orthogonal surEn−r d’un point G ∈ I(S) \ I(S1) (G /∈ I(S1), car sinon le projeté de G sur En−r.vaudrait 0, ce qui n’est pas), et S = Vect(G,S1) (pour une raison de dimension etcar S ⊃ S1).Donc avec les notations du lemme 115,

N(S1,H) = n(HH1−1).

D’après le lemme 115, on a alors une constante B0 > 0 telle que

N(S1,H) 61

covol(Γn−r)Vn−r(HH1

−1 +B0)n−r

= H1Vn−r(HH1−1 +B0)n−r

6 c3Hn−d+1H1

d−n

où c3 > 0, par définition de r = d− 1. �

Enfin, montrons un dernier lemme technique avant d’arriver au théorème qui nousintéresse. Nous aurons alors toutes les clefs en main pour le prouver simplement.

Lemme 117 Supposons 1 < d < n et que

N(n,d− 1,H) 6 c10Hn,

où c10 > 0, est vérifié pour tout H > 1. Supposons aussi que H ′ > H ′′ > 1 et

H ′′ = c1H′(d−1)/d

,

où c1 > 0 est la constante du théorème 111. Supposons finalement que

N(n,d− 1,H ′′) 6 εc11H′′n

avec 0 < ε 6 1 et c11 > 0. Alors

N(n,d,H ′) 6 c12εd/nH ′

n,

où c12 > 0 dépend de n, d et c11.

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Preuve.D’après le théorème 111 et comme d > 1, tout sous-espace S de dimension d contientun sous-espace S1 de dimension d− 1 tel que

H(S1) 6 c1H(S)(d−1)/d,

avec c1 > 0.Donc si H(S) 6 H ′, alors H(S1) 6 c1H

′(d−1)/d =: H ′′.Avec les notations du lemme 116, on a alors

N(n,d,H ′) 6∑S1

H(S1)6H′′

N(S1,H′).

Or d’après le lemme 116, il existe c3 > 0 telle que

N(S1,H′) 6 c3H

′n+1−dH(S1)d−n,

donc

N(n,d,H ′) 6 c3H′n+1−d

H′′∑h=1

∑S1

H(S1)=h

hd−n

= c3H′n+1−d

H′′∑h=1

hd−n∑S1

H(S1)=h

1

︸ ︷︷ ︸(?)

.

Posons

N := H ′′, ah := hd−n, bh :=∑S1

H(S1)=h

1, Bh :=h∑k=1

bk,

ainsi,

(?) =N∑h=1

ahbh.

Remarquons que

Bh =h∑k=1

bk

=h∑k=1

∑S1

H(S1)=h

1

=∑S1

H(S1)6h

1.

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On applique alors la formule de sommation d’Abel :

(?) = aN+1BN+1 −N∑h=0

(ah+1 − ah)Bh

= (H ′′ + 1)d−n∑S1

H(S1)6H′′

1 +H′′∑h=1

(hd−n − (h+ 1)d−n︸ ︷︷ ︸(♠)

)∑S1

H(S1)6h

1

Posons a := n− d > 0 car d < n.On a

1

ha− 1

(h+ 1)a=

(h+ 1)a − ha

ha(h+ 1)a.

Posons alors P (h) := (h + 1)a − ha, qui est un polynôme en h de degré au plusn− d− 1. Il existe donc une constante c(d,n) dépendant de d et de n telle que

∀h > 1, |P (h)| 6 c(d,n)ha−1.

Ainsi, ∣∣∣∣ P (h)

ha(h+ 1)d

∣∣∣∣ 6 c(d,n)ha−1

ha(h+ 1)a

= c(d,n)(h+ 1)d−nh−1

6 c(d,n)hd−n−1.

On peut donc revenir au calcul initial, car

(♠) 6 c(d,n)hd−n−1,

on a

(?) 6 c4

(H ′′ + 1)d−n∑S1

H(S1)6H′′

1 +H′′∑h=1

hd−n−1∑S1

H(S1)6h

1

,

où c4 > 0, et finalement

N(n,d,H ′) 6 c5H′n+1−d

(H ′′ + 1)d−n∑S1

H(S1)6H′′

1 +H′′∑h=1

hd−n−1∑S1

H(S1)6h

1

,

où c5 > 0. On a donc d’après les hypothèses du lemme (toutes les ci seront desconstantes strictement positives)

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Mémoire de M2 Elio Joseph

N(n,d,H ′) 6 c6H′n+1−d

(H ′′

d−nN(n,d− 1,H ′′) +

H′′∑h=1

hd−n−1N(n,d− 1,h)

)

6 c6H′n+1−d

(H ′′

d−nεc11H

′′n +H′′∑h=1

hd−n−1 min(c10hn,εc11H

′′n)

).

Notons les deux termes (♥) et (♦) respectivement.On a par définition de H ′′

(♥) = c6H′n+1−d

H ′′d−n

εc11H′′n

= c6H′n+1−d

H ′′dεc11

= εc6c11H′n+1−d

c1H′d−1

= εc1c6c11H′n

= εc7H′n.

en posant c7 := c1c6c11.Avant de traiter le cas de (♦), remarquons que

hn 6 εH ′′n ⇐⇒ h 6 ε1/nH ′′,

ce qui va nous permettre de couper la somme en deux en fonction de ce que vaudrale minimum.Ainsi, en notant b·c la partie entière et c12 := c6 max(c10,c11),

(♦) = c6H′n+1−d

H′′∑h=1

hd−n−1 min(c10hn,εc11H

′′n)

= c6H′n+1−d

bε1/nH′′c∑h=1

hd−n−1c10hn +

H′′∑h=bε1/nH′′c

hd−n−1εc11H′′n

6 c12H

′n+1−d

bε1/nH′′c∑h=1

hd−1 + εH ′′n

H′′∑h=bε1/nH′′c

hd−n−1

.

Comme dans la première somme l’exposant de h est positif, et qu’il est négatif dansla seconde, on peut faire la majoration suivante (à chaque fois on prend le terme leplus grand qu’on multiplie par le nombre de termes sommés (plus 1 dans le secondcas)) :

(♦) 6 c12H′n+1−d

(ε1/nH ′′ε(d−1)/nH ′′

d−1+ εH ′′

nε(d−n−1)/nH ′′

d−n−1)

= c12H′n+1−d

(εd/nH ′′

d+ ε(d−1)/nH ′′

d−1)

6 c12H′n+1−d

(c1dεd/nH ′

d−1+ c1

dεd/nH ′d−1)

= c8εd/nH ′

n

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en posant c8 := c12c1d.

On peut revenir au calcul initial,

N(n,d,H ′) 6 (♥) + (♦)

6 εc7H′n + εd/nc8H

′n

= c12εd/nH ′

n

car 0 < ε 6 1.Ce qui conclut la longue et technique preuve de ce lemme. �

Nous en sommes enfin arrivés au théorème souhaité.

Théorème 118 Pour H > 1, on a

c1Hn 6 N(n,d,H) 6 c2H

n

où c1,c2 > 0 sont des constantes dépendant seulement de n et d.

Preuve.On procède par récurrence sur d > 1 pour prouver la borne supérieure.Si d = 1, le lemme 116 appliqué à S1 := {0} nous donne qu’il existe une constantec2 > 0 telle que

N(n,1,H) 6 c2Hn,

car on a définiH({0}) = 1, et compter les sous-espaces de dimension 1 qui contiennentS1 = {0} revient à compter tous les sous-espaces de dimension 1.Supposons N(d − 1,H) 6 c2H

n pour tout H > 1, avec c2 = c2(d − 1) > 0. Cettehypothèse de récurrence nous permet d’appliquer le lemme 117, et on obtient uneconstante c12 > 0 telle que

∀H ′ > 1, N(n,d,H ′) 6 c12H′n,

où c12 > 0 dépend de d, ce qui prouve la borne supérieure.Pour prouver la borne inférieure, on procède par récurrence descendante.Pour le cas d = n−1, on procède par dualité par rapport au cas d = 1 déjà prouvé. 8

On suppose donc que N(n,d,H) > c1(d)Hn pour tout H > 1.D’après ce que nous avons déjà montré, on a aussi N(n,d−1,H) 6 c2(d−1)Hn pourtout H > 1.Soit H ′ quelconque, posons

H ′′ := εc1H′(d−1)/d

,

où c1 est la constante mentionnée dans le lemme 117.Soit ε > 0 tel que

8. On peut aussi, comme le fait Schmidt, renvoyer à l’article [15] de Stephen Hoel Schanuel, quiprouve un résultat beaucoup plus fort, applicable dans le cas d = n− 1.

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N(n,d− 1,H ′′) 6 εc11(d− 1)H ′′n. (29)

Alors d’après le lemme 117, on a

N(n,d,H ′) 6 c12(n,d,c11(d− 1))εd/nH ′n.

Alors en divisant par H ′n et en utilisant l’hypothèse de récurrence,

c12(n,d,c11(d− 1))εd/n >N(n,d,H ′)

H ′n> c1(d),

on a donc

ε >

(c1(d)

c12(n,d,c11(d− 1))

)n/dqui nous donne une borne inférieure pour les valeurs possibles que peut prendre ε.Donc pour H ′′ suffisamment grand, la relation (29) devient

N(n,d− 1,H ′′) > εc13(d− 1)H ′′n

avec

c13 := c11(d− 1)

(c1(d)

c12(n,d,c11(d− 1))

)n/d.

Or d’après le lemme 114, il n’existe qu’un nombre fini de sous-espaces de dimensiond− 1 et de hauteur, donc quitte à remplacer c13(d− 1) par c1(d− 1) une constanteplus petite, on a

∀H ′′ > 1, N(d− 1,H ′′) > c1(d− 1)H ′′n,

ce qui conclut la preuve de ce théorème. �

Remarque 119 Nous nous sommes placés dans le cas particulier de la fonctiondistance F = FE. Cependant, d’après la proposition 95, les hauteurs associées àdeux fonctions distances sont les mêmes à un facteur borné près. Ainsi, le théorème118 est encore valable pour une autre fonction distance (avec bien entendu desconstantes différentes).

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6 Proximité entre deux sous-espaces vectoriels

6.1 Produits scalaires successifs

Comme précédemment, on notera ‖·‖ la norme euclidienne sur Rn. Jusqu’ici, nousavions noté le produit scalaire 〈·,·〉 ; nous le noterons désormais tout simplementavec un point pour plus de lisibilité.Etant donnés deux vecteurs non nuls X et Y de Rn, on note

λ(X,Y ) :=|X · Y |‖X‖ ‖Y ‖

.

Soient Ad et Be des sous-espaces de Rn tels que f := min(d,e) > 0. Posons

λ1 := maxX∈Ad\{0},Y ∈Be\{0}

λ(X,Y ).

La quantité λ1 est bien un maximum, i.e. est atteinte. En effet, par définition de λ,on a

supX∈Ad\{0},Y ∈Be\{0}

λ(X,Y ) = sup(X,Y )∈(Ad×Be)∩Sn−1

|X · Y |

où Sn−1 désigne la sphère unité de Rn.L’ensemble (Ad × Be) ∩ Sn−1 étant compact et (X,Y ) 7! |X · Y | étant bilinéaire endimension finie, donc continue, le supremum est atteint, et λ1 est bien un maximum.

Remarque 120 Géométriquement, λ(X,Y ) représente le cosinus de l’angle géomé-trique entre les vecteurs X et Y , tandis que λ1 représente le cosinus de l’angle entreles sous-espaces Ad et Be.

Par homogénéité de la valeur absolue et par linéarité du produit scalaire, il existeX1 ∈ Ad \ {0} et Y1 ∈ Be \ {0} deux vecteurs tels que{

‖X1‖ = ‖Y1‖ = 1

X1 · Y1 = λ1.

Supposons que f > 1, notons Ad−1 le supplémentaire orthogonal de Vect(X1) dansAd et Be−1 celui de Vect(Y1) dans Be.On a un premier résultat :

Lemme 121 L’espace Ad−1 est orthogonal à Y1 et l’espace Be−1 est orthogonal àX1.

Preuve.Soit X ∈ Ad−1 tel que ‖X‖ = 1, soit ε ∈ R. Posons

Xε := X1 + εX.

La situation est résumée dans la figure 4 suivante.

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Figure 4 – Définition du vecteur Xε

D’après le théorème de Pythagore appliqué dans le plan Vect(X1,X) auquel Xε

appartient, on a

‖Xε‖ = ‖X1 + εX‖ =√

1 + ε2.

Ainsi,

λ(Xε,Y1) =|Xε · Y1|‖Xε‖ ‖Y1‖

=|X1 · Y1 + εX · Y1|‖X1 + εX‖

=1√

1 + ε2|λ1 + εX · Y1|

=(

1 + Oε!0

(ε2))|λ1 + εX · Y1|

= |λ1 + εX · Y1|+ Oε!0

(ε2).

Ainsi, si X · Y1 6= 0, il existe ε 6= 0 tel que

λ(Xε,Y1) > λ1,

88

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ce qui est absurde par définition de λ1.Donc X · Y1 = 0, et Ad−1 ⊥ Vect(Y1).Un raisonnement similaire montre que Be−1 est orthogonal à X1. �

Maintenant, définissons de façon similaire

λ2 := maxX∈Ad−1\{0},Y ∈Be−1\{0}

λ(X,Y ).

Soient X2 et Y2, dans Ad−1 et Be−1 respectivement tels que ‖X2‖ = ‖Y2‖ = 1 etλ2 = X2 · Y2.Ce λ2 de Ad et Be étant le λ1 de Ad−1 et Be−1, on a d’après le lemme 121 que

X1 · Y2 = X2 · Y1 = 0.

En continuant par récurrence, on peut alors définir

λ1, . . . ,λf , X1, . . . ,Xf , Y1, . . . ,Yf ,

avec {Xi ·Xj = Yi · Yj = δi,j

Xi · Yj = λiδi,j,

où δ désigne le symbole de Kronecker.Si, par exemple, d = f et e > f , X1, . . . ,Xd est alors une base orthonormale de Ad.On peut aussi trouver une base orthonormale de Be de la forme Y1, . . . ,Yf , . . . ,Ye,en complétant Y1, . . . ,Yf .Nous avons donc déjà prouvé la première partie du

Théorème 122 Soient Ad et Be des sous-espaces de Rn tels que f := min(d,e) > 0.Il existe des bases orthonormales X = (X1, . . . ,Xd) et Y = (Y1, . . . ,Ye) de Ad et Be

respectivement, et des réels

1 > λ1 > · · · > λf > 0

tels que

∀(i,j) ∈ {1, . . . ,d} × {1, . . . ,e}, Xi · Yj = λiδi,j.

Les réels λ1, . . . ,λf sont indépendants du choix des Xi,Yj, et sont invariants si onapplique une isométrie à Ad et Be simultanément.

Preuve.On remarque deux choses : l’inégalité de Cauchy-Schwarz nous donne que les λi déjàdéfinis sont bien dans [0,1], et que la première partie du théorème a déjà été prouvée.Montrons l’indépendance des λi. Soient X1, . . . ,Xd et Y1, . . . ,Ye des bases arbitrairesde Ad et Be respectivement.Si U = (U1, . . . ,U`) et V = (V1, . . . ,V

′` ) sont deux familles de vecteurs de Rn, on

définit la matrice

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M(U,V ) := (Ui · Vj)i,j ∈ M`,`′(R).

Par convention, on notera M(U) pour M(U,U).Remarquons qu’on a alors

M(U,V ) = tMUMV . (30)

En effet, en notant ?|i,j le (i,j)-ième coefficient d’une matrice ?, on a

tMUMV |i,j =n∑k=1

MU |k,iMV |k,j

=n∑k=1

Ui,kVj,k

= Ui · Vj= M(U,V )|i,j.

On définit alors le polynôme

P (λ) := D(X1, . . . ,Xd)−2D(Y1, . . . ,Ye)

−2 det

(λM(X) M(X,Y )

M(Y,X) λM(Y )

).

Montrons que ce polynôme est indépendant des bases X et Y choisies pour Ad etBe.Si Z = (Z1, . . . ,Zi) est une famille de vecteurs de Rn, notons MZ la matrice dont lak-ème colonne est Zk.Soient X ′ et Y ′ deux autres bases de Ad et Be respectivement. Il existe doncP ∈ GLd(R) et Q ∈ GLe(R) telles que

MX′ = MXP et MY ′ = MYQ. (31)

Donc d’après et (30) et (31), on a

M(X ′) = M(X ′,X ′)

= tMX′MX′

= t(MXP )MXP

= tP tMXMXP

= tPM(X)P,

et de même M(Y ′) = tQM(Y )Q,

M(X ′,Y ′) = tPM(X,Y )Q,

M(Y ′,X ′) = tQM(Y,X)P.

On a la décomposition suivante

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(λM(X ′) M(X ′,Y ′)

M(Y ′,X ′) λM(Y ′)

)=

(tP 0

0 tQ

)(λM(X) M(X,Y )

M(Y,X) λM(Y )

)(P 0

0 Q

),

ainsi en calculant les déterminants, on obtient

det

(λM(X ′) M(X ′,Y ′)

M(Y ′,X ′) λM(Y ′)

)= det(P )2 det(Q)2 det

(λM(X) M(X,Y )

M(Y,X) λM(Y )

).

De plus, par définition du déterminant généralisé,

D(X ′1, . . . ,X′d)

2 = det(M(X ′))

= det(tP tMXMXP )

= det(P )2 det(MX)2

= det(P )2D(X1, . . . ,Xd)2,

et de même

D(Y ′1 , . . . ,Y′d)

2 = det(Q)2D(Y1, . . . ,Yd)2,

ce qui montre bien que P (λ) est indépendant des bases choisies pour Ad et Be.On a donc que P (λ) dépend seulement de Ad et Be :

P (λ) = P (Ad,Be,λ).

Enfin, notons τ une isométrie de Rn. Soit T ∈ Sn(R) la matrice de τ dans la basecanonique. On a

M(τX,τY ) = t(TX)(TY )

= tX(tTT )Y

= tXY

= M(X,Y ).

De plus, d’après le point (vi) de la proposition 101, on a

D(τ(X1), . . . ,τ(Xd)) = D(X1, . . . ,Xd).

On a donc immédiatement que

P (τ(Ad),τ(Be),λ) = P (Ad,Be,λ).

Pour conclure, montrons que les racines de P sont 0, et ±λi pour i ∈ {1, . . . ,f}.Posons h := max(d,e). On utilise à nouveau les bases particulières (X1, . . . ,Xd) et(Y1, . . . ,Ye) construites précédemment.D’après les propriétés déjà prouvées de ces bases, on a

M(X) = Id et M(Y ) = Ie,

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donc

D(X1, . . . ,Xd) = 1 et D(Y1, . . . ,Ye) = 1,

de plus on a

M(X,Y ) = (λiδi,j)i∈{1,...,d}j∈{1,...,e}

et M(Y,X) = (λiδi,j)i∈{1,...,e}j∈{1,...,d}

.

Dans la suite, on supposera d = f , i.e. d 6 e, pour simplifier les idées. Le cas e = fse traitant de façon similaire, en raisonnant sur les colonnes plutôt que sur les lignes.On remarque qu’on a alors une situation qui ressemble à celle-ci (les blancs étantdes 0, et les matrices étant respectivement (de gauche à droite puis de haut en bas)de tailles d× d, d× e, e× d et e× e) :

(λM(X) M(X,Y )

M(Y,X) λM(Y )

)=

λ. . .

λ

λ1 0 · · · 0. . . ...

...λf 0 · · · 0

λ1

. . .

λf

0 · · · 0...

...0 · · · 0

λ. . .

. . .. . .

. . .

λ

(32)

Pour calculer le déterminant de cette matrice (qui est égal à P (λ)), on cherche à seramener à une matrice triangulaire par blocs (et même triangulaire tout court). Oneffectue alors les opérations élémentaires suivantes :

λ2 − λ12

. . .

λ2 − λf 2

λλ1 − λ1λ 0 · · · 0. . . ...

...λλf − λfλ 0 · · · 0

λ1

. . .

λf

0 · · · 0...

...0 · · · 0

λ. . .

. . .. . .

. . .

λ

L1 λL1 − λ1Ld+1

...Lf λLf − λfLd+f ,

ainsi on s’est ramené à une matrice triangulaire. En prenant le déterminant dumembre de gauche et du membre de droite dans l’égalité (32), on trouve donc

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P (λ) = λ−f det

λ2 − λ12

. . .

λ2 − λf 2

0 0 · · · 0. . . ...

...0 0 · · · 0

λ1

. . .

λf

0 · · · 0...

...0 · · · 0

λ. . .

. . .. . .

. . .

λ

.

Finalement,

P (λ) = λ−ff∏i=1

(λ2 − λi2)λd−fλe =

f∏i=1

(λ2 − λi2)λd+e−2f .

Or par définition de f = min(d,e), on a

P (λ) = λe−df∏i=1

(λ2 − λi2),

et ainsi les racines de P sont les ±λi et e − d zéros, ce qui conclut la preuve de cethéorème. �

Définition 123 Nous nommons produits scalaires successifs les λ1, . . . ,λf .

Si X est un vecteur non nul de Rn et S un sous-espace de dimension au moins 1,alors on posera aussi

λ(X,S) = λ1(Vect(X),S),

qui représente géométriquement le cosinus de l’angle géométrique entre X et le sous-espace S.Une autre caractérisation des λi est donnée par le

Lemme 124 Soient Ad et Be deux sous-espaces de Rn, f = f(Ad,Be) := min(d,e)et i ∈ {1, . . . ,f}.Alors λi = λi(A

d,Be) est le plus grand réel λ tel qu’il y ait un sous-espace Ai ⊂ Ad

tel que pour tout X ∈ Ai \ {0}, il existe Y ∈ Be \ {0} tel que λ(X,Y ) > λ.

Preuve.On procède par double inégalité. Notons λ le "plus grand réel" cherché dans lelemme.

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On commence par se donner (X1, . . . ,Xd) et (Y1, . . . ,Ye) les bases respectives de Adet Be construites précédemment et vérifiant les propriétés du théorème 122.Posons Ai := Vect(X1, . . . ,Xi) et soit

X =i∑

k=1

αkXk ∈ Ai

un vecteur tel que ‖X‖ = 1, i.e.∑αk

2 = 1 car (X1, . . . ,Xd) est une base orthonor-mée. Posons aussi

Y :=i∑

k=1

αkYk ∈ Be;

on a encore ‖Y ‖ = 1 car (Y1, . . . ,Ye) est orthonormée.On a d’après les propriétés des bases (X1, . . . ,Xd) et (Y1, . . . ,Ye), car les λk sontpositifs, et car λk+1 6 λk pour tout k,

λ(X,Y ) =|X · Y |‖X‖ · ‖Y ‖

=

∣∣∣∣∣i∑

k=1

i∑`=1

αkα`Xk ·X`

∣∣∣∣∣=

i∑k=1

i∑`=1

αkα`λkδk,`

=i∑

k=1

αk2λk

> λi

i∑k=1

αk2

︸ ︷︷ ︸=1

= λi.

On a donc montré que

∃Ai ⊂ Ad, ∀X ∈ Ai \ {0}, ∃Y ∈ Be \ {0}, λ(X,Y ) > λi,

donc λ > λi.Réciproquement, on se donne encore (X1, . . . ,Xd) et (Y1, . . . ,Ye) comme dans lethéorème 122. Soit Ai un sous-espace vectoriel de Ad de dimension i.On a dim(Ai) = i et dim(Vect(Xi, . . . ,Xd)) = d − i + 1. Or Ad et Vect(Xi, . . . ,Xd)vivent dans Ad de dimension d, et on remarque que i+ (d− i+ 1) = d+ 1, donc

dim(Ai ∩ Vect(Xi, . . . ,Xd)) > 1.

Ainsi, il existe X ∈ Ai ∩ Vect(Xi, . . . ,Xd) un vecteur de norme 1.On écrit

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X =d∑k=i

αkXk =d∑

k=1

αkXk,

avec αk = 0 si k < i.Soit

Y =e∑`=1

β`Y` ∈ Be \ {0}.

Alors, de façon similaire au calcul précédent,

λ(X,Y ) =|X · Y |‖X‖ · ‖Y ‖

=1

‖Y ‖

∣∣∣∣∣f∑k=i

αkβkλk

∣∣∣∣∣6

1

‖Y ‖λi

f∑k=i

|αk| |βk| .

Or d’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz,

f∑k=i

|αk| |βk| 6

√√√√ f∑k=i

αk2

√√√√ f∑k=i

βk2 6 ‖X‖ ‖Y ‖ .

Donc

λ(X,Y ) 6 λi,

et on a montré que

∀Ai ⊂ Ad, ∃X ∈ Ai \ {0}, ∀Y ∈ Be \ {0}, λ(X,Y ) 6 λi,

soit λ 6 λi.Finalement, λ = λi et le lemme est prouvé. �

On en déduit immédiatement le corollaire suivant.

Corollaire 125 Soient A′ ⊂ A et B′ ⊂ B des sous-espaces. Alors

f ′ = min(dimA′, dimB′) 6 f = min(dimA, dimB)

et

∀i ∈ {1, . . . ,f ′}, λi(A′,B′) 6 λi(A,B).

Preuve.Ceci découle directement du lemme 124, car les conditions sont plus restrictives carprises sur des sous-espaces plus petits. �

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6.2 Les quantités ν1, . . . ,νtLes produits scalaires λ1, . . . ,λf ne sont pas arbitraires. Si d+e > n, alors Ad∩Be ⊂Rn a une dimension au moins égale à d + e − n. De fait, on peut remarquer que siX = Y , alors λ(X,Y ) = 1, d’où

λ1 = · · · = λd+e−n = 1.

Pour pallier à ce problème de "non-information", on va introduire les quantitésν1, . . . ,νt.Posons g := d+ e− n et

t := min(d,e,n− d,n− e) = min(d,e,e− g,d− g). (33)

Nous définissons ν1, . . . ,νt comme suit.Si d+ e 6 n, alors t = f et on pose

∀i ∈ {1, . . . ,t}, νi := λi(Ad,Be).

Si maintenant d+ e > n, alors

t = min(d,e,e− g,d− g)

= min(e− g,d− g)

= min(e,d)− g= f − g,

et on pose

∀i ∈ {1, . . . ,t}, νi = λi+g(Ad,Be).

De façon similaire aux λi, on a toujours

1 > ν1 > · · · > νt > 0.

Intéressons-nous maintenant aux propriétés des νi.

Définition 126 Deux couples (Ad,Be) et (A′d,B′e) sont dits semblables s’il existeune transformation orthogonale τ telle que τ(Ad) = A′d et τ(Be) = B′e.

On a alors deux lemmes rapides.

Lemme 127 La relation "être semblable" est une relation d’équivalence sur l’en-semble des couples de sous-espaces. On l’appelle relation de similarité.

Preuve.La démonstration est directe. Avec τ = id, on voit que la relation est réflexive. Avecτ ′ = τ−1, on voit que la relation est symétrique. Avec τ = τ1 ◦ τ2, on voit que larelation est transitive. �

Lemme 128 Des couples semblables de sous-espaces ont des ν1, . . . ,νt égaux.

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Preuve.D’après le théorème 122, les λi restent inchangés si on applique une transformationorthogonale aux sous-espaces, donc par extension les νi aussi. �

On arrive alors à un résultat d’existence et d’unicité, qui dit que les νi caractérisentles couples de sous-espaces de dimensions données à similarité près.

Théorème 129 Soient 0 < d < n, 0 < e < n et 1 > ν1 > · · · > νt > 0 où t a étédéfini par (33). Alors il existe, à similarité près, une unique paire de sous-espaces(Ad,Be) vérifiant

∀i ∈ {1, . . . ,t}, νi = νi(Ad,Be).

Preuve.Commençons par l’existence.On peut supposer que d 6 e. On note (e1, . . . ,en) la base canonique Rn. On distinguealors deux cas.

Premier cas : si d+ e 6 n. On a alors t = f = min(d,e) = d. Posons

∀i ∈ {1, . . . ,d}, ωi :=√

1− νi2.

On définit aussi

Xi := ei pour i ∈ {1, . . . ,d} et Yi :=

{νiei + ωied+i pour i ∈ {1, . . . ,d}ed+i pour i ∈ {d+ 1, . . . ,e},

définition qui est possible grâce à l’hypothèse d+ e 6 n, et enfin

Ad := Vect(X1, . . . ,Xd) et Be := Vect(Y1, . . . ,Ye).

Les familles (X1, . . . ,Xd) et (Y1, . . . ,Ye) sont bien des bases, et sont orthogonales parorthogonalité de la base canonique. La base (X1, . . . ,Xd) est même orthonormale,et si i ∈ {1, . . . ,d} (car d > 0)

Yi · Yi = (νiei + ωied+i) · (νiei + ωied+i)

= νi2 + ωi

2

= νi2 + 1− νi2

= 1.

Le cas i ∈ {d+1, . . . ,e} étant évident, la base (Y1, . . . ,Ye) est elle aussi orthonormale.Enfin, on remarque que

Xi · Yj = νiδi,j.

Alors d’après le théorème 122, on a

∀i ∈ {1, . . . ,f}, νi = λi(Ad,Be).

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Comme d + e 6 n, on a t = f et νi(Ad,Be) = λi(Ad,Be), ce qui conclut l’existence

dans ce cas.

Second cas : si d+ e > n. On a alors t = min(n−d,n− e) = n− e car d 6 e. Posons(avec toujours g := d+ e− n),

∀i ∈ {1, . . . ,g}, λi := 1 et ∀i ∈ {g + 1, . . . ,e}, λi := νi−g.

Posons aussi

∀i ∈ {1, . . . ,d}, ωi :=√

1− λi2.

On pose enfin

Xi := ei pour i ∈ {1, . . . ,d} et Yi :=

ei pour i ∈ {1, . . . ,g}λiei + ωien−e+i pour i ∈ {g + 1, . . . ,d}en−e+i pour i ∈ {d+ 1, . . . ,e},

et

Ad := Vect(X1, . . . ,Xd) et Be := Vect(Y1, . . . ,Ye).

Encore une fois (X1, . . . ,Xd) et (Y1, . . . ,Ye) sont des bases orthogonales, et (X1, . . . ,Xd)est clairement orthonormale. De plus, si i ∈ {g + 1, . . . ,d},

Yi · Yi = (λiei + ωien−e+i) · (λiei + ωien−e+i)

= λi2 + ωi

2

= λi2 + 1− λi2

= 1,

donc (Y1, . . . ,Ye) est aussi orthonormale (les cas i /∈ {g+ 1, . . . ,d} étant immédiats).Comme précédemment, on remarque que pour i ∈ {1, . . . ,d},

Xi · Yi =

{1 = λi si i ∈ {1, . . . ,g}λi = νi−g si i ∈ {g + 1, . . . ,d}.

et donc

Xi · Yj = λiδi,j.

Alors d’après le théorème 122, on a

∀i ∈ {1, . . . ,t}, νi = λi+g(Ad,Be),

ce qui conclut comme précédemment l’existence dans ce second cas.Montrons désormais l’unicité, à similarité près.On peut supposer d 6 e. On va montrer que s’il existe des sous-espaces Ad, Be, A′d

et B′e tels que

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Mémoire de M2 Elio Joseph

∀i ∈ {1, . . . ,f}, λi(Ad,Be) = λi(A

′d,B′e),

alors les couples (Ad,Be) et (A′d,B′e) sont semblables.Soient (X1, . . . ,Xd) et (Y1, . . . ,Ye) des bases orthonormales respectives de Ad et Be,comme décrites dans le théorème 122. De même, on se donne (toujours d’après lethéorème 122) (X ′1, . . . ,X

′d) et (Y ′1 , . . . ,Y

′e ) des bases orthonormales respectives de

A′d et B′e.Donnons-nous un vecteur

Z :=d∑i=1

αiXi +e∑i=1

βiYi ∈ Ad +Be.

La famille (X1, . . . ,Xd,Y1, . . . ,Ye) engendrant Ad +Be, on a

Z = 0 ⇐⇒ ∀(i,j) ∈ {1, . . . ,d} × {1, . . . ,e}, Z ·Xi = Z · Yj = 0.

Posons 9

Z ′ :=d∑i=1

αiX′i +

e∑i=1

βiY′i ∈ A′

d+B′

e.

On a pour i ∈ {1, . . . ,d},

Z ′ ·X ′i = αi + βiλi(A′d,B′

e)

d’après les propriétés inhérentes (voir théorème 122) aux bases que nous considérons.Ainsi, en utilisant notre hypothèse, on a

Z ′ ·X ′i = αi + βiλi(A′d,B′

e) = αi + βiλi(A

d,Be) = Z ·Xi,

et de façon similaire

Z ′ · Y ′, = Z·Yj

pour j ∈ {1, . . . ,e}. On a donc obtenu

Z = 0 ⇐⇒ ∀(i,j) ∈ {1, . . . ,d} × {1, . . . ,e}, Z ′ ·X ′i = Z ′ · Y ′j = 0

⇐⇒ Z ′ = 0.

Ainsi, si on se donne un Z représenté par des αi et des βi comme nous venons de lefaire, alors le vecteur Z ′ associé ne dépend pas des choix des αi et des βi, seulementdu vecteur Z.L’application

τ : Ad +Be −! A′d +B′e

Z 7−! Z ′.

9. On remarque que Schmidt oublie ici un indice dans sa somme.

99

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est donc bien définie. De plus, d’après le travail déjà effectué, nous avons doncconstruit une application linéaire injective de Ad + Be vers A′d + B′e. Enfin, on aτ(A) = A′ et τ(B) = B′.Enfin, comme τ préserve les produits scalaires, on peut l’étendre en une transfor-mation orthogonale de Rn et le résultat est prouvé. �

Nous avons donc montré que les ν1, . . . ,νt fournissent un invariant pour la relationde similarité. Le principe de dualité que nous allons voir donne que cet invariantn’est pas assez fin pour distinguer des espaces de leur orthogonaux.

Théorème 130 (principe de dualité) Soient A et B deux sous-espaces de Rn.Alors

t(A⊥,B⊥) = t(A,B)

et

∀i ∈ {1, . . . ,t}, νi(A⊥,B⊥) = νi(A,B).

Preuve.On a

t(A⊥,B⊥) = min(dim(A⊥), dim(B⊥),n− dim(A⊥),n− dim(B⊥))

= min(dim(A), dim(B),n− dim(A),n− dim(B))

= t(A,B).

On remarque que

dim(A) + dim(B) + dim(A⊥) + dim(B⊥) = 2n.

Quitte à considérer (A,B) := (A⊥,B⊥), on peut donc supposer d + e = dim(A) +dim(B) 6 n. Quitte à échanger A et B, on peut supposer comme nous l’avons faitdans la preuve du théorème 129 que d 6 n. Ainsi, nous avons t = d.Nous faisons alors une observation clef. Supposons que A soit la somme directeorthogonale de V et A1, et que B soit la somme directe orthogonale de V et B1.Alors les produits scalaires successifs de A et B sont ceux de A1 et B1, ainsi quer := dim(V ) fois le nombre 1. Cela découle simplement de la remarque faite au débutde cette partie : comme A∩B = V , les r premiers produits scalaires successifs valent1.Ensuite, par construction des produits scalaires successifs, il ne reste que l’orthogonalde V dans A qui est A1 et l’orthogonal de V dans B qui est B1, ce qui prouve cetteobservation.On pose alors V := A ∩ B, mais aussi A1 le complémentaire orthogonal de V dansA et B1 le complémentaire orthogonal de V dans B. L’observation clef ci-dessuss’applique alors. Comme A1 ∩B1 = 0, 1 n’apparaît pas parmi les produits scalairessuccessifs de A1 et B1, qu’on note λ1, . . . ,λd−r.Les produits scalaires successifs de A et B sont donc

100

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1, . . . ,1︸ ︷︷ ︸r fois

,λ1, . . . ,λd−r.

D’après le théorème 122, il existe des bases orthonormales (X1, . . . ,Xd−r) et (Y1, . . . ,Ye−r)de A1 et B1 respectivement, telles que

∀(i,j) ∈ {1, . . . ,d− r} × {1, . . . ,e− r}, Xi · Yj = λiδi,j.

On pose alors

∀i ∈ {1, . . . ,e−r}, X ′i :=

{(1− λi2)−1/2(λiXi − Yi) si i ∈ {1, . . . ,d− r}Yi si i ∈ {d− r + 1, . . . ,e− r},

et

∀i ∈ {1, . . . ,d− r}, Y ′i := −(1− λi2)−1/2(λiYi −Xi).

On se sert allègrement dans ce qui suit du fait que (X1, . . . ,Xd−r) et (Y1, . . . ,Ye−r)sont orthonormales, ainsi que de leurs propriétés expliquées dans le théorème 122.On a clairement si i 6= j, X ′i ·X ′j = Y ′i · Y ′j = 0. De plus, si i ∈ {1, . . . ,d− r},

X ′i ·X ′i = (1− λi2)−1/2(λiXi − Yi) · (1− λi2)−1/2(λiXi − Yi)= (1− λi2)−1(λi

2Xi ·Xi − 2λiXi · Yi + Yi · Yi)= (1− λi2)−1(λi

2 − 2λi2 + 1)

= 1,

et de façon similaire

Y ′i · Y ′i = (−(1− λi2)−1/2(λiYi −Xi)) · (−(1− λi2)−1/2(λiYi −Xi))

= 1.

Le cas X ′i · X ′i quand i ∈ {d − r + 1, . . . ,e − r} étant évident, on a montré que(X ′1, . . . ,X

′e−r) et (Y ′1 , . . . ,Y

′d−r) sont deux familles orthonormales.

Si i ∈ {1, . . . ,d− r}, on a

X ′i · Y ′i = −(1− λi2)−1/2(λiXi − Yi) · (1− λi2)−1/2(λiYi −Xi)

= −(1− λi2)−1(λi3 − λi − λi + λi)

= λi,

et si i 6= j, on a X ′i · Y ′j = 0. Ainsi,

∀(i,j) ∈ {1, . . . ,e− r} × {1, . . . ,d− r}, X ′i · Y ′i = λiδi,j.

Posons

A′1 := Vect(X ′1, . . . ,X′e−r) et B′1 := Vect(Y ′1 , . . . ,Y

′d−r),

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on a alors toutes les clefs en main pour appliquer le théorème 122, et on apprendpar ce biais que λ1, . . . ,λd−r sont les produits scalaires successifs de A′1 et B′1.Posons alors W := (A + B)⊥, A′ := W + A′1 et B′ := W + B′1, les deux dernièressommes étant orthogonales.D’après la formule de Grassmann 10 on a

dim(W ) = n− (dim(A) + dim(B)− dim(A ∩B)) = r + n− d− e,

ainsi d’après l’observation clef, les produits scalaires successifs de A′ et B′ sont

1, . . . ,1︸ ︷︷ ︸r+n−d−e fois

,λ1, . . . ,λd−r.

On observe que pour i ∈ {1, . . . ,d− r} et j ∈ {1, . . . ,d− r}, on a

Xi ·X ′j = (1− λj)−1/2(λjXi ·Xj −Xi · Yj)= (1− λj)−1/2(λj − λj)δi,j= 0,

et si j ∈ {d− r + 1, . . . ,e− r}, on a

Xi ·X ′j = Xi · Yj = λiδi,j = 0

car i < j.On a montré que A′ ⊂ A⊥.De plus,

dim(A′) = dim(W ) + dim(A′1)

= r + n− d− e+ e− r= n− d= dim(A⊥),

et car A′ ⊂ A⊥, on a donc montré que A′ = A⊥.De façon extrêmement similaire, on peut montrer de même que B′ = B⊥.Finalement,

(ν1(A,B), . . . ,νt(A,B)) = (1, . . . ,1︸ ︷︷ ︸r fois

,λ1, . . . ,λd−r)

= (ν1(A′,B′), . . . ,νt(A′,B′))

= (ν1(A⊥,B⊥), . . . ,νt(A⊥,B⊥)),

ce qui conclut la preuve de ce théorème. �

10. Encore lui !

102

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6.3 Angles d’inclinaison

Si X,Y ∈ Rn \ {0}, on pose

ω(X,Y ) =√

1− λ2(X,Y ).

Remarque 131 Nous avions déjà fait remarquer que λ(X,Y ) représentait le cosinusde l’angle entre X et Y , ainsi ω(X,Y ) représente lui la valeur absolue du sinus del’angle entre X et Y .

On commence par donner une propriété du type inégalité triangulaire sur ω.

Lemme 132 Soient X,Y,Z ∈ Rn \ {0}. Alors

ω(X,Z) 6 ω(X,Y ) + ω(Y,Z).

Preuve.On cherche à se ramener à un problème planaire. Notons π la projection orthogonalesur Vect(X,Z). D’après les propriétés du produit scalaire, on a

λ(X,π(Y )) =|X · π(Y )|‖X‖ · ‖π(Y )‖

=|X · Y |

‖X‖ · ‖π(Y )‖

>|X · Y |‖X‖ · ‖Y ‖

= λ(X,Y )

car ‖π(Y )‖ 6 ‖Y ‖.On a donc montré que ω(X,Y ) > ω(X,π(Y )), et de même ω(Y,Z) > ω(π(Y ),Z).On peut donc supposer Y = π(Y ) ∈ Vect(X,Z), le résultat général en découleraimmédiatement. On peut aussi supposer que (X,Z) n’est pas liée, sinon ω(X,Z) = 0et le résultat est évident.On se donne (e1,e2) une base orthonormée de Vect(X,Z), et si U est un vecteur nonnul du plan Vect(X,Z), on notera θU l’angle orienté (−!e1 ,

−!U ).

Si U et V sont deux vecteurs non nuls de Vect(X,Z), on a

λ(U,V ) =|U · V |‖U‖ · ‖V ‖

=‖U‖ · ‖V ‖ cos(θV − θU)

‖U‖ · ‖V ‖= cos(θV − θU),

donc

ω(U,V ) =√

1− λ2(U,V ) =√

1− cos2(θV − θU) = |sin(θV − θU)| .

Enfin on observe que pour tous x,y ∈ R,

|sin(x+ y)| = |sin(x) cos(y) + sin(y) cos(x)|6 |sin(x) cos(y)|+ |sin(y) cos(x)|6 |sin(x)|+ |sin(y)| .

103

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Finalement,

ω(X,Z) = |sin(θZ − θX)|= |sin(θZ − θY + θY − θX)|6 |sin(θZ − θY )|+ |sin(θY − θX)|= ω(Y,Z) + ω(X,Y ). �

Si maintenant Ad et Be sont deux sous-espaces de Rn, avec f := min(d,e) > 0, ondéfinit

∀i ∈ {1, . . . ,f}, ωi(Ad,Be) :=

√1− λi2(Ad,Be).

On en arrive à la définition fondamentale suivante :

Définition 133 Pour tout i ∈ {1, . . . ,f}, notons ϕi le réel tel que0 6 ϕi 6 π/2

cos(ϕi) = λi

sin(ϕi) = ωi.

Les ϕi sont appelés les angles d’inclinaison de Ad et Be.

Remarque 134 Géométriquement, les angles d’inclinaison représentent ce qu’onpeut s’imaginer de l’angle entre deux sous-espaces. L’idée est que deux sous-espacessont "proches" s’ils ont des angles d’inclinaison petits.

On pose aussi

∀i ∈ {1, . . . ,t}, ψi(Ad,Be) :=

√1− νi2(Ad,Be),

où comme précédemment t := min(d,e,n− d,n− e).D’après le travail déjà effectué, on a 11 ψi = ωi si d + e 6 n et ψi = ωi+g (avecg := d+ e− n) si d+ e > n.Par la suite, il nous arrivera de noter A au lieu de Ad, et B au lieu de Be, en neprécisant pas la dimension du sous-espace que nous considérons lorsque le contexteest suffisamment clair.Finalement, posons

µ(A,B) :=t∏i=1

ψi(A,B).

Faisons le lien entre µ(A,B) et les déterminants généralisés précédemment introduits.

Proposition 135 Soient (X1, . . . ,Xd) et (Y1, . . . ,Ye) des bases arbitraires de Ad etBe respectivement. Alors

µ(A,B) = D(X1, . . . ,Xd,Y1, . . . ,Ye)D(X1, . . . ,Xd)−1D(Y1, . . . ,Ye)

−1.

11. Il y a une typographie dans l’article de Schmidt, il faut remplacer w par ω.

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Preuve.On réutilise ici le polynôme P (λ) défini au cours de la preuve du théorème 122. Sion suppose d + e 6 n, on a t = f , et par définition λi(A,B) = νi(A,B) pour touti ∈ {1, . . . ,f}. Ainsi,

µ(A,B) =t∏i=1

ψi(A,B) =

f∏i=1

√1− νi2(A,B) =

√√√√ f∏i=1

(1− λi2(A,B)) =√P (1).

Donnons-nous (X1, . . . ,Xd) et (Y1, . . . ,Ye) des bases de Ad et Be respectivement.Comme on a déjà montré que le polynôme P (λ) ne dépend pas des bases choisiespour Ad et Be, on peut choisir nos deux bases arbitraires.Posons (Z1, . . . ,Zd+e) = (X1, . . . ,Xd,Y1, . . . ,Ye). Alors par définition du polynômeP (λ), on a

P (1) = D(X1, . . . ,Xd)−2D(Y1, . . . ,Yd)

−2 det((Zi · Zj)i,j∈{1,...,d+e})

= D(X1, . . . ,Xd)−2D(Y1, . . . ,Yd)

−2D(Z1, . . . ,Zd+e)2.

Finalement,

µ(A,B) =√P (1) = D(X1, . . . ,Xd)

−1D(Y1, . . . ,Yd)−1D(X1, . . . ,Xd,Y1, . . . ,Ye). �

Si X ∈ Rn \ {0} et B est un sous-espace de Rn, on pose

ω(X,B) := ω1(Vect(X),B).

On a alors le

Lemme 136 Soient X ∈ Rn \ {0} et B un sous-espace de Rn, on a

ω2(X,B) + ω2(X,B⊥) = 1.

Remarque 137 On peut réinterpréter cela en terme d’angles. Si ϕ1 est l’angle d’in-clinaison entre Vect(X) et B, alors π/2− ϕ1 est l’angle d’inclinaison entre Vect(X)et B⊥.

Preuve.On décompose X ∈ Rn \ {0} de la façon suivante :

X = Y∈B

+ Z∈B⊥

.

D’après le théorème de Pythagore, on a donc

‖X‖2 = ‖Y ‖2 + ‖Z‖2 .

105

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Il suffit alors de calculer

λ12(X,B) =

(maxU∈B

|X · U |‖X‖ · ‖U‖

)2

= maxU∈B

|(Y + Z) · U |2

‖X‖2 · ‖U‖2

= maxU∈B

|Y · U |2

‖X‖2 · ‖U‖2

=‖Y ‖2 · ‖Y ‖2

‖X‖2 · ‖Y ‖2

=‖Y ‖2

‖X‖2 ,

et de même

λ12(X,B⊥) =

‖Z‖2

‖X‖2 .

On a donc

ω2(X,B) + ω2(X,B⊥) = 1− λ12(X,B) + 1− λ1

2(X,B⊥)

= 2− ‖Y ‖2 + ‖Z‖2

‖X‖2

= 2− 1

= 1. �

Donnons une autre propriété des ωi :

Lemme 138 Soient d,e ∈ {1, . . . ,n−1} et f := min(d,e). Soit σ ∈ GL(Rn). Alors ilexiste c = c(σ) > 0 tel que pour tous sous-espaces Ad et Be de dimensions respectivesd et e, on ait

∀i ∈ {1, . . . ,f}, ωi(σ(Ad),σ(Be)) 6 c(σ)ωi(Ad,Be).

Preuve.On notera ‖·‖ la norme d’opérateur sur L (Rn) subornée à la norme euclidienne.Posons c1 := ‖σ−1‖−1

> 0 et c2 := ‖σ‖ > 0.On a pour tout X ∈ Rn, ‖σ(X)‖ 6 ‖σ‖ · ‖X‖ = c2 ‖X‖.Si on pose Y = σ(X) (Y parcourt Rn quand X parcourt Rn car σ est inversible),on a ‖σ−1(Y )‖ 6 ‖σ−1‖ · ‖Y ‖, donc ‖σ(X)‖ > ‖σ−1‖−1 · ‖X‖ = c1 ‖X‖.On a montré que

∀X ∈ Rn, c1 ‖X‖ 6 ‖σ(X)‖ 6 c2 ‖X‖ , (34)

avec c1,c2 > 0.On va montrer que pour tous X,Y ∈ Rn \ {0},

ω(σ(X),σ(Y )) 6√

2

(c1

c2

)ω(X,Y ).

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Comme λ(X/ ‖X‖ ,Y/ ‖Y ‖) = λ(X,Y ) et que σ est linéaire, on peut supposer que‖X‖ = ‖Y ‖ = 1. De plus, on peut supposer X · Y > 0.On a alors

ω2(X,Y ) = 1− λ2(X,Y )

= (1− λ(X,Y ))(1 + λ(X,Y ))

= (1−X · Y )(1 +X · Y )

> 1−X · Y.

Or

1

2‖X − Y ‖2 =

1

2(‖X‖2 + ‖Y ‖2 − 2X · Y ) = 1−X · Y,

donc

ω2(X,Y ) >1

2‖X − Y ‖2 . (35)

Et

ω2(σ(X),σ(Y )) = 1− λ2(σ(X),σ(Y ))

= 1− |σ(X) · σ(Y )|2

‖σ(X)‖2 · ‖σ(Y )‖2

=‖σ(X)‖2 · ‖σ(Y )‖2 − |σ(X) · σ(Y )|2

‖σ(X)‖2 · ‖σ(Y )‖2 .

Posons α := ‖σ(X)‖2 · ‖σ(Y )‖2, on remarque alors que

0 6 (|σ(X) · σ(Y )| −√α)2 ⇐⇒ 0 6 |σ(X) · σ(Y )|2 − 2

√α |σ(X) · σ(Y )|+ α

⇐⇒ α− |σ(X) · σ(Y )|2 6 2(α−√α |σ(X) · σ(Y )|).

Ainsi,

ω2(σ(X),σ(Y )) 6 2‖σ(X)‖2 · ‖σ(Y )‖2 − ‖σ(X)‖ · ‖σ(Y )‖ |σ(X) · σ(Y )|

‖σ(X)‖2 · ‖σ(Y )‖2

6 2‖σ(X)‖ · ‖σ(Y )‖ − |σ(X) · σ(Y )|

‖σ(X)‖ · ‖σ(Y )‖.

On utilise alors la première inégalité de (34), et

ω2(σ(X),σ(Y )) 62

c12(‖σ(X)‖ · ‖σ(Y )‖ − |σ(X) · σ(Y )|),

et car

1

2(‖σ(X)− σ(Y )‖2 − ‖σ(X)‖2 − ‖σ(Y )‖2) = − |σ(X) · σ(Y )| ,

107

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on a

ω2(σ(X),σ(Y )) 61

c12

(‖σ(X − Y )‖2 + 2 ‖σ(X)‖ · ‖σ(Y )‖ − ‖σ(X)‖2 − ‖σ(Y )‖2)

=1

c12‖σ(X − Y )‖2 − 1

c12(‖σ(X)‖+ ‖σ(Y )‖)2

61

c12‖σ(X − Y )‖2

6c2

2

c12‖X − Y ‖2 .

Finalement, en utilisant (35), on a

ω2(σ(X),σ(Y )) 6 2

(c2

2

c12

)ω2(X,Y ),

et on a l’inégalité cherchée.De plus, d’après le lemme 124, il existe un sous-espace Ai ⊂ Ad tel que pour toutX ∈ Ai \ {0}, il existe Y ∈ Be \ {0},

λ(X,Y ) > λi(Ad,Be).

Donc ω(X,Y ) 6 ωi(Ad,Be). Mieux, ωi(Ad,Be) est le plus petit réel avec cette pro-

priété.Ainsi, pour tout σ(X) ∈ σ(Ai) ⊂ σ(A), il y a un σ(Y ) ∈ σ(B) tel que

ω(σ(X),σ(Y )) 6√

2

(c2

c1

)ω2(X − Y ) 6

√2

(c2

c1

)ω2(Ad,Be).

Finalement,

ωi(σ(X),σ(Y )) 6√

2

(c2

c1

)ω2(Ad,Be).

6.4 Quelques inégalités

Le titre est assez explicite, rentrons directement dans le vif du sujet.

Théorème 139 Soient Ad et Be des sous-espaces de Rn de dimensions respectivesd et e et f := min(d,e). Soit i ∈ {2, . . . ,f}. Supposons qu’il existe i vecteursX1, . . . ,Xi ∈ Ad linéairement indépendants tels que Aj := Vect(X1, . . . ,Xj) satisfait

∀j ∈ {2, . . . ,i}, λ(Xj,Aj−1) 6 1− δ < 1

pour un δ ∈ [0,1].Supposons de plus qu’il existe i points Y1, . . . ,Yi ∈ Be \ {0} tels que

∀j ∈ {1, . . . ,i}, ω(Xj,Yj) 6 ω

pour un ω ∈ [0,1].Alors

ωi(Ad,Be) 6

(2

δ

)i/2ω.

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Preuve.Si (2/δ)i/2ω > 1, le résultat est évident car ωi(Ad,Be) a toujours une valeur pluspetite que 1. On peut donc supposer (2/δ)i/2ω < 1.Nous allons montrer par récurrence sur j que

∀j ∈ {1, . . . ,i}, ωj(Aj,Be) 6

(2

δ

)(j−1)/2

ω.

Supposons j = 1. D’après le lemme 125, on a

ω1(A1,Be) 6 ω1(A1,Vect(Y 1))

6 ω(X1,Y1)

6 ω

d’après l’hypothèse du théorème.

Supposons j = 2. Comme on a supposé (2/δ)i/2ω < 1, on a

1 > (2/δ)i/2ω > (2/δ)j/2ω,

donc

ω <δ

2. (36)

D’après l’hypothèse du théorème, on a

λ(X1,X2) = λ(X2,Aj−1) 6 1− δ,

donc

ω2(X1,X2) = 1− λ2(X1,X2)

> 1− (1− δ)2

= δ(2− δ)> δ.

Supposons par l’absurde que (Y1,Y2) soit liée. On a que λ(Y1,Y2) = 1, et doncω(Y1,Y2) = 0. Ainsi, d’après le lemme 132, l’hypothèse du théorème et l’inégalité(36), on a

ω(X1,X2) 6 ω(X1,Y1) + ω(Y1,Y2)︸ ︷︷ ︸=0

+ω(Y2,X2)

6 2ω

< δ.

On a montré que ω2(X1,X2) < δ2 6 δ car δ 6 1, ce qui entre en contradiction avecce que nous avons déjà établi précédemment.La famille (Y1,Y2) est donc libre.

109

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Posons B2 := Vect(Y1,Y2), et montrons que

ω2(A2,B2) 6

√2

δω. (37)

On peut supposer ‖X1‖ = ‖X2‖ = 1. On notera ωj := ωj(X1,X2) et λj := λj(X1,X2)pour j ∈ {1,2}.D’après le théorème 122, on peut se donner (Z1,Z2) une base orthonormale de A2

et (W1,W2) une base orthonormale de B2 telles que

∀k,` ∈ {1,2}, Zk ·W` = λkδk,`.

Posons X := c1Z1 + c2Z2 avec c12 + c2

2 = 1. On veut calculer λ2(X,B2). Pour cela,on se donne U = αW1 +βW2 ∈ B2 \{0}. Quitte à diviser par ‖U‖, on peut supposerque ‖U‖ = 1. Ainsi,

β =√

1− α2.

On a

λ(X,B2) = maxU∈B2

|X · U |‖U‖

= maxα∈[0,1]

∣∣∣(c1Z1 + c2Z2) · (αW1 +√

1− α2W2)∣∣∣

= maxα∈[0,1]

(α |c1|λ1 +

√1− α2 |c2|λ2

).

Posons, pour simplifier les calculs,

u := |c1|λ1 > 0 et v := |c2|λ2 > 0

(si u = 0 ou v = 0, le résultat est évident).On dérive l’expression qu’on cherche à maximiser :

∂α

(αu+

√1− α2v

)= u− vα√

1− α2.

On a pour α ∈]0,1[, car u,v > 0,

u− vα√1− α2

> 0 ⇐⇒ u >vα√

1− α2

⇐⇒ u2(1− α2) > v2α2

⇐⇒ α2(v2 + u2) 6 u2

⇐⇒ α 6

√u2

u2 + v2.

On remarque donc que notre maximum sur [0,1] est unique, et est atteint pour

α :=

√u2

u2 + v2.

110

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Ainsi,

λ2(X,B2) =(αu+

√1− α2v

)2

= α2u2 + (1− α2)v2 + 2uvα√

1− α2

=u4

u2 + v2+ v2 − u2v2

u2 + v2+ 2uv

√u2

u2 + v2

(1− u2

u2 + v2

)

=u4 + u2v2 + v4 − u2v2

u2 + v2+ 2uv

√u2(u2 + v2)− u4

(u2 + v2)2

=u4 + v4

u2 + v2+ 2uv

uv

u2 + v2

=u4 + v4 + 2u2v2

u2 + v2

=(u2 + v2)2

u2 + v2

= u2 + v2.

En se rappelant la définition de u et v, on a donc montré que

λ2(X,B2) = c12λ1

2 + c22λ2

2.

Posons ε := |c2|. Comme ‖X‖ = 1, on a |c1| =√

1− ε2. Ainsi,

λ2(X,B2) = (1− ε2)λ12 + ε2λ2

2.

Donc

ω2(X,B2) = 1− λ2(X,B2)

= 1− (1− ε2)(1− ω12)− ε2(1− ω2

2)

= (1− ε2)ω12 + ε2ω2

2

> ε2ω22.

Nous allons désormais appliquer le calcul général que nous venons de faire pour unX ∈ A2 quelconque à X1 et X2.On écrit les vecteurs X1,X2 ∈ A2 dans la base (Z1,Z2) :

X1 = c11Z1 + c12Z2 et X2 = c21Z1 + c22Z2.

Quitte à échanger X1 et X2, on peut supposer |c12| > |c22|. On pose ε := |c12|.On a supposé ‖X1‖ = ‖X2‖, donc pour j ∈ {1,2}, on a cj12 + ε2 > 1, soit

cj12 > 1− ε2.

111

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Mémoire de M2 Elio Joseph

De plus, par hypothèse

1− δ > λ(X2,A1)

= λ(X1,X2)

= |X1 ·X2|= |c11c21 + c12c22|> min(|c11| , |c21|)2 −max(|c12| , |c22|)2

> 1− ε2 − ε2

= 1− 2ε2,

d’où

ε2 >δ

2.

Et finalement par hypothèse,

ω2 > ω2(X1,B2)

> ε2ω22

> δω22/2,

ce qui montre bien l’inégalité (37) voulue, qui conclut le cas j = 2.

Continuons notre récurrence, en supposant que ωj(Aj,Be) 6 (2/δ)(j−2)/2ω est vraipour un j ∈ {1, . . . ,i}, et nous devons montrer que ω(X,Be) 6 (2/δ)(j−1)/2ω pourtout X ∈ Aj.Par hypothèse du théorème, ceci est vrai pour X = Xj. Nous pouvons donc supposerque X et Xj sont linéairement indépendants.Posons A2

j(X) := Vect(X,Xj), et soitX ′j un vecteur non nul de l’espace de dimension1 A2

j(X) ∩ Aj−1.Alors d’après les hypothèses du théorème, λ(Xj,X

′j) 6 1−δ et ω(Xj,B) 6 ω(Xj,Yj) 6

ω, et d’après l’hypothèse de récurrence ω(X ′j,B) 6 (2/δ)(j−2)/2ω.Comme de plus

(2/δ)(2/δ)(j−2)/2ω = (2/δ)j/2ω 6 (2/δ)i/2 < 1,

nous pouvons appliquer le cas j = 2 à A2j(X) et on obtient

ω2(A2j(X),B) 6

(2

δ

)(j−1)/2

ω.

Finalement,

ω(X,B) 6 ω2(A2j(X),B) 6

(2

δ

)(j−1)/2

ω,

ce qui conclut la preuve de ce théorème. �

112

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Nous en déduisons un corollaire.

Corollaire 140 SoientAd,Be, f et i comme dans le théorème 139. SoientX1, . . . ,Xi ∈Ad \ {0} et Y1, . . . ,Yi ∈ Be \ {0}. On suppose que

∀1 6 j < k 6 i, λ(Xj,Xk) 6 4−i,

et qu’il existe ω tel que

∀j ∈ {1, . . . ,i}, ω(Xj,Yj) 6 ω.

Alors

ωi(A,B) 6 2iω.

Preuve.Pour appliquer le théorème 139, nous devons montrer que pour tout j ∈ {2, . . . ,i},X1, . . . ,Xj sont linéairement indépendants, et que les Aj := Vect(X1, . . . ,Xj) satis-font λ(Xj,A

j−1) 6 1/2.On peut supposer ‖X1‖ = · · · = ‖Xi‖ = 1.Soient c1, . . . ,ci tels que c1X1 + · · · + ciXi = 0. Notons k l’indice tel que |ck| =max(|c1| , . . . , |ci|).En effectuant le produit scalaire avec Xk, on trouve en utilisant les hypothèses∣∣∣∣∣∑

6=k

c`X` ·Xk

∣∣∣∣∣ 6∑`6=k

|c`|λ(X`,Xk) 6 4−i∑`6=k

|c`| .

De plus, ∣∣∣∣∣∑` 6=k

c`X` ·Xk

∣∣∣∣∣ =

∣∣∣∣∣∑`6=k

(c`X` +Xk −Xk) ·Xk

∣∣∣∣∣6

∣∣∣∣Xk ·i∑

`=1

c`X`︸ ︷︷ ︸=0

∣∣∣∣+ |−Xk ·Xk|

= |ck| ,

donc

|ck| 6 4−i∑`6=k

|c`| ,

et par définition de ck,

|ck| 6 |ck| (i− 1)4i 6|ck|2,

donc |ck| = 0, donc tous les cj sont nuls. De fait, les X1, . . . ,Xi sont linéairementindépendants.

113

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On note Aj := Vect(X1, . . . ,Xj), pour j ∈ {1, . . . ,i}. Le procédé d’orthonor-malisation de Gram-Schmidt 12 nous donne l’existence d’une famille orthonormale(X ′1, . . . ,X

′i) telle que Aj = Vect(X ′1, . . . ,X

′j), et pour tout j ∈ {1, . . . ,i}, Xj ·X ′j > 0.

On décompose les Xj dans la nouvelle base :

∀j ∈ {1, . . . ,i}, Xj =i∑

`=1

cj`X′`.

D’après les propriétés de notre base, les cjj sont strictement positifs. Nous allonsprouver par récurrence sur j que∥∥Xj −X ′j

∥∥ 6 4j−i

et quej−1∑`=1

|cj`| <4j−1

2.

Comme on a supposé X1 de norme 1, et que Vect(X1) = A1 = Vect(X ′1), on a‖X1 −X ′1‖ = 0 6 41−i. La seconde inégalité est évidente quand j = 1, car alors lasomme est vide et vaut donc 0.On suppose que les deux inégalités sont prouvées pour j − 1 ∈ {1, . . . ,i− 1}.Par orthonormalité de la famille (X ′1, . . . ,X

′i), on a pour j ∈ {2, . . . ,i} et k < j

Xj ·X ′k =

j∑`=1

cj`X′` ·X ′k = cjk,

mais aussi

Xj ·X ′k = Xj · (Xk +X ′k −Xk) = Xj ·Xk +Xj · (X ′k −Xk).

Donc d’après les hypothèses du corollaire et par hypothèse de récurrence,

|ck| 6 λ(Xj,Xk) + ‖Xj‖ · ‖Xk −X ′k‖6 4−i + 4k−i,

ce qui nous donnej−1∑`=1

|cj`| 6j−1∑`=1

(4−i + 4`−i)

< j4−i + 4−ij−1∑`=1

4`

= j4−i +4j − 4

34−i

<j + 4j

34−i.

12. Pas le même Schmidt que celui de l’article néanmoins, celui-là a été un des fondateurs del’analyse fonctionnelle telle que nous la connaissons aujourd’hui.

114

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Or j < 4j/2 pour j > 1, donc

j−1∑`=1

|cj`| <j + 4j

34−i <

(3/2)4j

34−i =

4j−i

2,

et on a

1 = ‖Xj‖2 =

j∑`=1

cj`2

donc

(1− cjj)(1 + cjj) =

j−1∑`=1

cj`2.

En prenant les valeurs absolues et car cjj > 0 et les cj` ∈]0,1[, on a

|1− cjj| 6j−1∑`=1

|cj`| <4j−i

2.

De plus par orthonormalité de la famille (X ′1, . . . ,X′i),∥∥Xj −X ′j

∥∥ =∥∥cj1X ′1 + · · ·+ cj(j−1)X

′j−1 + (cjj − 1)X ′j

∥∥6 |cj1|+ · · ·+

∣∣cj(j−1)

∣∣+ |cjj − 1|

<4j−i

2+

4j−i

2= 4j−i.

Finalement, pour tout j ∈ {1, . . . ,i} on a

λ(Xj,Aj−1) 6 |cj1|+ · · ·+

∣∣cj(j−1)

∣∣<

4j−i

2

61

2.

On peut alors appliquer le théorème 139 avec δ := 1/2, ce qui nous donne bien

ωi(A,B) 6 4i/2ω = 2iω. �

115

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7 Résultats d’approximation diophantienne

7.1 Un théorème technique

Commençons par un théorème d’approximation diophantienne, assez technique.Nous continuons de nous placer dans le cadre de l’espace euclidien Rn. Dans toutela suite, C1,C2, . . . désigneront des constantes strictement positives.

Théorème 141 Soient d ∈ {1, . . . ,n − 1}, c := n − d et u := min(c,d). Soient Adun sous-espace de Rn de dimension d et H > 1. Il existe des sous-espaces

B1 ⊂ · · · ⊂ Bu ⊂ Rn,

de dimensions respectives 1, . . . ,u, définis sur Q, tels que

∀i ∈ {1, . . . ,u}, H(Bi) 6 H i, (38)

et

∀i ∈ {1, . . . ,u}, H(B1)ψi(Ad,Bi) 6 C1H

−d/c 6 C1H(Bi)−d/(ic). (39)

Remarque 142 Fixons i ∈ {1, . . . ,u}, et supposons que ψi(Ad,Bi) > 0 (i.e. Ad necontient pas de sous-espace Bi rationnel). Alors en manipulant la conclusion (39)du théorème 141, on trouve 13 qu’il n’existe qu’un nombre fini de sous-espaces Bi

de hauteur H 6 H0(Bi), où H0(Bi) est une constante dépendant de Bi. Ainsi, enfaisant tendre H !∞, on obtient une infinité de sous-espaces Bi différents vérifiantles deux résultats de ce théorème.Preuve.On suppose pour i ∈ {1, . . . ,u} que Bi := Vect(X1, . . . ,Xi) où Xi := (ξi1, . . . ,ξin) ∈Zn. Alors l’idéal ai engendré par les mineurs de taille i× i de la matrice

(ξ`j)16`6i16j6n

est entier (et non nul car Bi est de dimension i). De fait, N(ai) > 1. Ainsi avec lalointaine formule (18), on a

H(Bi) 6 D(X1, . . . ,Xi).

Pour montrer la condition (38) du théorème, il suffit donc de montrer que

∀i ∈ {1, . . . ,u}, D(X1, . . . ,Xi) 6 H i.

L’espace Rn s’écrit comme une directe orthogonale A⊕A⊥. Etant donné un vecteurX ∈ Rn, on le décompose selon cette somme directe orthogonale :

X = XA +X∗,

avec XA ∈ A et X∗ ∈ A⊥.Nous allons construire des points X1, . . . ,Xu du réseau Zn, non nuls, qui satisferontles propriétés suivantes :

13. Schmidt écrit Bi au lieu de Bi, le H0 qu’il n’introduit pas signifie "une constante qui dépendde Bi".

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Mémoire de M2 Elio Joseph

(i) ∀j ∈ {1, . . . ,u},∥∥X∗j ∥∥ 6 C2H

−n/c+1,

(ii) ∀1 6 i < j 6 u,∣∣XA

i ·XAj

∣∣ 6 ∥∥XAi

∥∥2

8uu!,

(iii) ∀j ∈ {1, . . . ,u}, D(XA1 , . . . ,X

Aj ) 6 Hj4−j.

En supposant X1, . . . ,Xj−1 construits avec ces propriétés, on construira Xj avectoutes les propriétés désirées, ainsi que la plus petite valeur de D(XA

1 , . . . ,XAj ) pos-

sible.Dans toute la suite, nous noterons V (`) le volume de la boule unité dans R`.

Commençons par le début : commençons par construire X1. L’inégalité (ii) n’a pasà être satisfaite pour j = 1, les inégalités (i) et (iii) deviennent{

‖X∗1‖ 6 C2H−n/c+1∥∥XA

1

∥∥ 6 H4−1,

ce qui définit un ensemble convexe et symétrique de Rn. Nous appelons cet ensembleE1. Nous cherchons à appliquer le théorème de Minkowski, pour cela nous devonscalculer le volume de cet ensemble E1, qui est de

C2cH−n+cV (c)︸ ︷︷ ︸condition (i)

×Hd4−dV (d)︸ ︷︷ ︸condition (iii)

car X∗1 vit dans A⊥ de dimension n − d = c et XA1 vit dans A de dimension d, et

que ces deux sous-espaces sont orthogonaux.Donc

vol(E1) = C2cH−n+cV (c)Hd4−dV (d)

> 2n covol(Zn)

= 2n

pour C2 suffisamment grand. On peut donc appliquer le théorème 38 de Minkowski,qui nous donne l’existence de X1 ∈ Zn ∩ E1 \ {0}, autrement dit on a trouvé unpoint X1 à coordonnées entières, non nul, qui vérifie les trois propriétés voulues.Nous choisissons X1 (parmi tous les choix valides) de sorte à minimiser

∥∥XA1

∥∥ =D(XA

1 ).

On continue la construction par récurrence, en supposantX1, . . . ,Xj−1 déjà construits.On procède de façon similaire : les conditions (i), (ii) et (iii) que nous imposons dé-finissent un ensemble symétrique et convexe de Rn, ensemble que nous notons Ej.Nous cherchons à calculer son volume.Supposons la famille (XA

1 , . . . ,XAj−1) liée. Dans ce cas D(XA

1 , . . . ,XAj ) = 0 et la

condition (iii) est toujours vérifiée. Dans la condition (ii), on remarque alors queXA

1 peut être choisi de norme aussi grande que voulue, et les conditions (ii) et (iii)réunies (vues comme des inégalités portant sur Xj) définissent un convexe de Rn

de dimension strictement inférieur à n, et de volume infini. On peut donc supposerXA

1 , . . . ,XAj−1 linéairement indépendants.

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Le volume de Ej cherché est le produit des trois volumes des sous-ensembles convexesdéfinis par les trois conditions. On considère les conditions (i), (ii) et (iii) pour ce jfixé, et pour tous les i < j.La condition (i) définie un ensemble de dimension c = n− d et de volume

V(i) = C2cH−n+cV (c).

La condition (ii) demande un peu plus de travail. On cherche XAj sous la forme

v + w avec v ∈ Vect(XA1 , . . . ,X

Aj−1) et w appartenant à l’orthogonal dans A de

Vect(XA1 , . . . ,X

Aj−1).

Pour v, il n’y a aucune condition liée à la condition (ii). Nous pouvons donc noterV(ii) le volume du convexe de dimension j − 1 formé par les u.Notons Pj−1 le cube dont les côtés ont pour longueurs respectives

‖X1‖2

8uu!, . . . ,

‖Xj−1‖2

8uu!.

Nous ne traiterons que le cas Xj ·Xi > 0 pour tout i ∈ {1, . . . ,j − 1}, par symétriedu problème par rapport à l’origine. Comme le cas général comprend 2j−1 copiesde notre cube Pj−1 (ce qui est illustré dans la figure 5), il suffira de multiplier lerésultat obtenu par 2j−1.

Figure 5 – Les copies de Pj−1 constituant le parallélotope P

On décompose notre vecteur Xj ∈ Vect(X1, . . . ,Xj−1) selon cette famille :

Xj =

j−1∑k=1

ckXk,

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on a donc

∀i ∈ {1, . . . ,j − 1}Xj ·Xi =

j−1∑k=1

ckXk ·Xi = (MC)i-ème ligne,

M :=

tX1X1 · · · tX1Xj−1

......

tXj−1X1 · · · tXj−1Xj−1

et C :=

c1

...cj−1

.

Les points C appartenant à l’ensemble cherché vérifient donc

MC ∈ Pj−1 ⇐⇒ C ∈M−1Pj−1,

donc

V(ii) = 2j−1 vol(M−1Pj−1)

= 2j−1 det(M)−1(8uu!)−(j−1)

j−1∏i=1

∥∥XAi

∥∥2

> (8uu!)−(j−1)

(j−1∏i=1

∥∥XAi

∥∥2

)D(XA

1 , . . . ,XAj−1)−1.

Finalement,

V(ii) > (8uu!)−(j−1)D(XA1 , . . . ,X

Aj−1).

Pour vérifier la condition (iii), on se rappelle la décomposition XAj = v+w que vous

avons faite précédemment. On remarque que cette condition porte sur w et non surv, et que c’est une condition en dimension dimA− (j − 1). On peut donc supposerici XA

j = v dans l’orthogonal de Vect(XA1 , . . . ,X

Aj−1) dans A.

On choisit XAj de norme plus petite que Hj4−j.

La condition (iii) définit donc un ensemble de dimension d− (j − 1) et de volume 14

V(iii) = (Hj4−jD(XA1 , . . . ,X

Aj−1)−1)d−j+1V (d− j + 1)

= Hj4−jD(XA1 , . . . ,X

Aj−1)−1(Hj4−jD(XA

1 , . . . ,XAj−1)−1)d−jV (d− j + 1)

> Hj4−jD(XA1 , . . . ,X

Aj−1)−1(Hj4−j(Hj−14−(j−1))−1)d−jV (d− j + 1)

= Hj4−jD(XA1 , . . . ,X

Aj−1)−1(H4−1)d−jV (d− j + 1)

= Hd4−dD(XA1 , . . . ,X

Aj−1)−1V (d− j + 1),

en utilisant la majoration de la condition (iii).

14. Schmidt écrit ici Hj/q au lieu de Hj/p. Il minore aussi V (d− j + 1) par V (d)/2, ce qui n’estpas vrai quand d = j = 5. Heureusement, cette minoration ne nous sera pas utile.

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On peut donc, par orthogonalité des sous-espaces vectoriels où vivent les troisconvexes, calculer le volume recherché :

vol(Ej) = V(i)V(ii)V(iii)

> C2cH−n+cV (c)(8uu!)−j+1D(XA

1 , . . . ,XAj−1)Hd4−dD(XA

1 , . . . ,XAj−1)−1V (d− j + 1)

= C2c(8uu!)−j+14−dV (c)V (d− j + 1)

> C2cC ′

> 2n

où C ′ est une constante ne dépendant que de n, pour une constante C2 suffisammentgrande (C2 ne dépendant que de n).On peut donc de nouveau utiliser le théorème 38 de Minkowsi, ce qui nous permetde trouver Xj ∈ Zn ∩Ej \ {0} qui est le point que nous recherchions. De plus, nousle choisissons de sorte à minimiser D(XA

1 , . . . ,XAj ) parmi les points convenables.

Cela conclut la construction de X1, . . . ,Xu. Posons pour tout i ∈ {1, . . . ,u}

Bi := Vect(X1, . . . ,Xi)

et vérifions que ces espaces vérifient les propriétés voulues.Mais d’abord, nous allons montrer que∥∥XA

1

∥∥ > 2nC2H−n/c+1 (40)

pour H suffisamment grand. Procédons par l’absurde en supposant l’inégalité in-verse. Alors en regardant la condition (i) sur X∗1 on a

‖X∗1‖ 6 C2H−n/c+1,

et en regardant la négation de l’inégalité (40) que nous souhaitons montrer, on a∥∥XA1

∥∥ < 2nC2H−n/c+1.

Ainsi,

‖X1‖ 6 ‖X∗1‖+∥∥XA

1

∥∥6 (2n + 1)C2H

−n/c+1.

On note X1 = (ξ11, . . . ,ξ1n), on a donc établi que

∀k ∈ {1, . . . ,n}, |ξ1k| 6 (2n + 1)C2H−n/c+1 < 1

pour H suffisamment grand car c = n− d < n.Comme tous les ξ1k sont entiers, on a ξ1k = 0 pour tout k et donc X1 = 0 ce qui estabsurde.On a ainsi établi l’inégalité (40) sous réserve que H soit suffisamment grand, ce quenous supposerons pour l’instant.

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Soient 1 6 k < j 6 u. Le vecteur Xj satisfait les conditions (i), (ii) et (iii) satisfaitespar Xk (la première ne dépend pas de l’indice, la deuxième est plus restrictive pourXj que pour Xk et la troisième est vérifiée pour H suffisamment grand, ce que noussupposons). Donc, car Xk a été choisi de sorte à minimiser D(XA

1 , . . . ,XAk ) parmi

les vecteurs vérifiant (i), (ii) et (iii), on obtient

∀1 6 k < j 6 u, D(XA1 , . . . ,X

Ak−1,X

Ak ) 6 D(XA

1 , . . . ,XAk−1,X

Aj ). (41)

En particulier pour k = 1, on a∥∥XA

1

∥∥ 6 ∥∥XAj

∥∥. Donc d’après l’inégalité (40) quenous avons montrée, on a

∀j ∈ {2, . . . ,u}, 0 < 2nC2H−n/c+1 6

∥∥XA1

∥∥ 6 ∥∥XAj

∥∥ .Donc aucun des XA

j n’est nul.Nous allons maintenant montrer par récurrence sur j ∈ {1, . . . ,u} que

∀1 6 k < j 6 u,

∥∥XA

j

∥∥ > 1

2

∥∥XAj−1

∥∥ ,λ(XA

k ,XAj ) 6 (4uu!)−1.

(42)

Pour ce qui est de l’initialisation (pour j = 1) de notre récurrence, seule la secondeinégalité aurait besoin d’être initialisée, car ce n’est que celle-ci que nous utilise-rons comme hypothèse de récurrence. Par chance, l’initialisation est triviale pour laseconde inégalité.Commençons par normaliser en posant

∀j ∈ {1, . . . ,u}, Yj :=XAj∥∥XAj

∥∥ .On utilise alors l’inégalité (41), ainsi que la propriété d’homogénéité du déterminantgénéralisée, énoncée dans la proposition 101. En simplifiant par

∥∥XA1

∥∥ · · · ∥∥XAj−2

∥∥,on obtient∥∥XA

j−1

∥∥D(Y1, . . . ,Yj−2,Yj−1) 6∥∥XA

j

∥∥D(Y1, . . . ,Yj−2,Yj) 6∥∥XA

j

∥∥ (43)

car D(Y1, . . . ,Yj−2,Yj) 6 1 (car tous les Yk sont de norme 1, et le volume du paral-lélotope défini par des Yk est donc nécessairement plus petit que 1).Nous allons désormais faire une série de majorations grossières pour obtenirD(Y1, . . . ,Yj−1) >1/2. On commence par développer le déterminant qui définit D(Y1, . . . ,Yj−1) :

D(Y1, . . . ,Yj−1)2 = det((Yk · Y`)16k,`6j−1)

=∑

σ∈Sj−1

ε(σ)

j−1∏i=1

Yi · Yσ(i)

>j−1∏i=1

‖Yi‖2

︸ ︷︷ ︸=1

−∑

σ∈Sj−1\{id}

j−1∏i=1

∣∣Yi · Yσ(i)

∣∣ .

121

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Mémoire de M2 Elio Joseph

En se rappelant la lointaine définition de λ, on a

∣∣Yi · Yσ(i)

∣∣ =

∣∣Xi ·Xσ(i)

∣∣‖Xi‖ ·

∥∥Xσ(i)

∥∥6 λ(Xi,Xσ(i))

6 (4uu!)−1

par hypothèse de récurrence.On a donc (car 1 < j 6 u)

D(Y1, . . . ,Yj−1)2 > 1−∑

σ∈Sj−1\{id}

j−1∏i=1

(4uu!)−1

= 1− ((j − 1)!− 1)(4uu!)1−j

> 1− 1

4u(j − 1)!

u!

> 1− 1

4u

>1

4,

ce qui montre bien l’inégalité

D(Y1, . . . ,Yj−1) > 1/2 (44)

voulue. Alors en combinant (44) et (43), on trouve∥∥XAj

∥∥ > 1

2

∥∥XAj−1

∥∥ ,ce qui prouve la première inégalité de (42).On a alors pour k ∈ {2, . . . ,j},

λ(XAk ,X

Aj ) =

∣∣XAk ·XA

j

∣∣‖XA

k ‖ ·∥∥XA

j

∥∥6

(8uu!)−1∥∥XA

k

∥∥2

‖XAk ‖ ·

∥∥XAj

∥∥d’après la condition (ii) que vérifient tous les vecteurs X`. Donc

λ(XAk ,X

Aj ) 6 (8uu!)−1

∥∥XAk

∥∥∥∥XAj

∥∥6 (8uu!)−12j−k

car en appliquant j − k fois l’inégalité que l’on vient de montrer, on a∥∥XAj

∥∥ > · · · > 2k−j∥∥XA

k

∥∥ .122

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Finalement,

λ(XAk ,X

Aj ) 6 (4uu!)−12j−k−u

6 (4uu!)−1

car u > j − k.Ceci prouve la seconde inégalité de (42), notre récurrence est maintenant terminéeet (42) est complètement prouvée.

Montrons que (XA1 , . . . ,X

Au ) est libre. Pour cela supposons qu’on ait

u∑i=1

ciXAi = 0.

Notons k ∈ {1, . . . ,u} un indice tel que |ck| = max(|c1| , . . . , |cu|). Quitte à considérerles Yi qui sont colinéaires aux XA

i , on peut supposer que les XAi sont de norme 1.

En prenant le produit scalaire avec XAk , on trouve

u∑i=1

ciXAi ·XA

k = 0,

et en isolant ck puis en prenant les valeurs absolues on obtient

|ck| 6∑i 6=k

|ci|∣∣XA

i ·XAk

∣∣︸ ︷︷ ︸=λ(XA

i ,XAk )

.

D’après (42), on a alors

|ck| 6∑i 6=k

|ci| (4uu!)−1 6 |ck|u

4uu!6|ck|2

car |ck| est le maximum des |ci|.On a obtenu que |ck| = 0, et donc tous les ci sont nuls. La famille (XA

1 , . . . ,XAu ) est

donc libre, et a fortiori la famille (X1, . . . ,Xu) aussi.On a donc bien que pour tout i ∈ {1, . . . ,u}, dim(Bi) = i.Pour montrer l’inégalité (38) du théorème, nous avions déjà établi qu’il suffit demontrer

∀i ∈ {1, . . . ,u}, D(X1, . . . ,Xi) 6 H i,

ce à quoi nous nous attelons désormais.Soit i ∈ {1, . . . ,u} ; d’après la condition (i) déjà montrée sur les Xi, on a

‖X∗i ‖ 6 C2H−n/c+1.

De plus, d’après l’inégalité (40), on a

C2H−n/c+1 6 2−n

∥∥XA1

∥∥ ,123

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Mémoire de M2 Elio Joseph

donc

‖X∗i ‖ 6 2−n∥∥XA

1

∥∥ 6 2−n2i∥∥XA

i

∥∥d’après la première inégalité de (42).Donc

‖X∗i ‖ 6∥∥XA

i

∥∥car i 6 u 6 n. Ainsi,

‖Xi‖ 6∥∥XA

i

∥∥+ ‖X∗i ‖ 6 2∥∥XA

i

∥∥ . (45)

Maintenant en utilisant l’inégalité (44), on a

2D(XA1 , . . . ,X

Ai ) = 2

∥∥XA1

∥∥ · · · ∥∥XAi

∥∥D(Y1, . . . ,Yi)

>∥∥XA

1

∥∥ · · · ∥∥XAi

∥∥ ,et par ailleurs avec (45)

D(X1, . . . ,Xi) 6 ‖X1‖ · · · ‖Xi‖6 2i

∥∥XAi

∥∥ · · · ∥∥XAi

∥∥ .On a alors avec les deux inégalités que nous venons de montrer, ainsi que la condition(iii), que

D(X1, . . . ,Xi) 6 2i+1D(XA1 , . . . ,X

Ai )

6 2i+1H i4−i

= 2−i+1H i

6 H i

qui est exactement ce que nous voulions. Nous avons donc montré l’inégalité (38)du théorème.

Pour finir la preuve du théorème, on combine les inégalités (45) et (42), ce qui nousdonne

‖X1‖ 6 2∥∥XA

1

∥∥ 6 2i∥∥XA

i

∥∥ 6 2i ‖Xi‖ .

En revenant à la définition de λ, on a

λ(A,Xi) = maxY ∈A

λ(Y,Xi)

= maxY ∈A

∣∣Y · (XAi +X∗i )

∣∣‖Y ‖ · ‖Xi‖

= maxY ∈A

∣∣Y ·XAi

∣∣‖Y ‖ · ‖Xi‖

=

∥∥XAi

∥∥‖Xi‖

124

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car XAi ∈ A.

Donc en revenant à la définition de ω, on a

ω(A,Xi) =√

1− λ2(A,Xi)

=

√1− ‖X

Ai ‖

2

‖Xi‖2

=

√‖Xi‖2 − ‖XA

i ‖2

‖Xi‖2

=‖X∗i ‖‖Xi‖

d’après le théorème de Pythagore.Donc

‖Xi‖ω(A,Xi) = ‖X∗i ‖ 6 C2H−n/c+1

d’après la condition (i). En utilisant encore une fois l’inégalité (42), on trouve alorsque

∀i ∈ {1, . . . ,u}, ‖X1‖ω(A,Xi) 6 2iC2H−n/c+1 6 2nC2H

−n/c+1. (46)

Or d’après (18), on a

H(B1) = N(a)−1D(X1),

avec X1 ∈ Z \ {0} d’où N(a) > 1, et donc

H(B1) 6 D(X1) = ‖X1‖ .

Ainsi d’après l’inégalité (46), pour tout i ∈ {1, . . . ,u} on a

H(B1)ω(A,Xi) 6 ‖X1‖ω(A,Xi)

6 2nC2H−n/c+1

= 2nC2H−d/c.

Pour conclure, nous allons appliquer le corollaire 140. Vérifions ses hypothèses. Grâceà la seconde inégalité de (42), la première hypothèse :

∀1 6 k < j 6 i, λ(XAk ,X

Aj ) 6 4−u 6 4−i

est vérifiée. Comme A est de dimension d > u, l’inégalité (46) nous donne l’existencede Y1, . . . ,Yi ∈ Bi tels que

∀j ∈ {1, . . . ,i}, ω(Xi,Yj) 6 H(B1)−12nC2H−d/c =: ω.

D’après le corollaire 140, on a donc

125

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Mémoire de M2 Elio Joseph

ωi(Ad,Bi) 6 2iω = 2n+iH(B1)−1C2H

−d/c,

soit

H(B1)ωi(Ad,Bi) 6 2n+iC2H

−d/c.

On se rappelle alors la définition des ψi, et comme

dim(A) + dim(B) = d+ i

6 d+ u

6 d+ n− d= n,

on a ψi(Ad,Bi) = ωi(Ad,Bi).

En posant C1 := 4nC2, on a bien montré l’inégalité (39) du théorème, autrement dit

∀i ∈ {1, . . . ,u}, H(B1)ψi(Ad,Bi) 6 C1H

−d/c.

De la première inégalité du théorème, déjà prouvée, on déduit immédiatement que

H−d/c 6 H(Bi)−d/(ic).

La preuve du théorème est désormais "presque" finie. En effet (rappelons-nous),nous avons supposé que H était "grand". Pour l’instant, nous avons donc seulementprouvé le théorème pour H > H0(n), où H0(n) est une constante ne dépendant quede n.

Soit maintenant H ∈ {1, . . . ,H0(n) − 1}. D’après le lemme 114, on peut se donnerune suite

B1 ⊂ · · · ⊂ Bu

de sous-espaces rationnels de hauteur 1.L’inégalité (38) sera toujours satisfaite. Quand à la seconde, le membre de gaucheest plus petit que 1, il suffit donc de montrer que

1 6 C1H−d/c 6 C1,

ce qui sera le cas dès que C1 > Hd/c. Quitte à grandir notre constante C1, onpeut la choisir plus grande que H0(n)d/c, et le théorème est alors aussi prouvé pourH < H0(n), ce qui conclut définitivement la preuve. �

126

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7.2 Théorèmes de transfert

Théorème 143 (Going-up) Soient d+ e < n, posons t := min(d,e). Soient Ad etBe des sous-espaces de Rn. On suppose que Be est un sous-espace rationnel et onse donne H > 1 tel que H(Be) 6 H, et tel qu’il existe xi,yi > 0 tels que

∀i ∈ {1, . . . ,t}, H(Be)xiψi(Ad,Be) 6 cH−yi

où c est une constante strictement positive.Il existe alors une constante C3 (dépendant de n et e) ainsi qu’une constante C4

(dépendant de n, e, xi et yi) tels que en posant H ′ := C3H(n−e−1)/(n−e), il existe un

sous-espace rationnel Be+1 ⊃ Be de hauteur H(Be+1) 6 H ′, tel que 15

∀i ∈ {1, . . . ,t}, H(Be+1)xi(n−e)/(n−e−1)ψi(Ad,Be+1) 6 cC4H

′−yi(n−e)/(n−e−1).

Remarque 144 En fait, tout sous-espace Be+1 ⊃ Be convient pour le théorème duGoing-up. Ce ne sera pas le cas pour le théorème du Going-down à venir, qui est unthéorème plus profond.

Preuve.Notons C3 la constante c1 du théorème 111. D’après ce théorème, il existe Be+1 unsous-espace rationnel de dimension e+ 1, tel que Be+1 ⊃ Be et

H(Be+1) 6 C3H(Be)(n−e−1)/(n−e) (47)

6 C3H(n−e−1)/(n−e)

= H ′.

On a ainsi montré la première partie du théorème.Maintenant on applique le corollaire 125, comme Be+1 ⊃ Be, on a

∀i ∈ {1, . . . ,t}, λi(A,Be) 6 λi(A,B

e+1),

donc car d+ e 6 n par hypothèse,

∀i ∈ {1, . . . ,t}, νi(A,Be) 6 νi(A,B

e+1),

et car ψi = (1− νi2)1/2, on a finalement

∀i ∈ {1, . . . ,t}, ψi(A,Be+1) 6 ψi(A,B

e). (48)

En appliquant l’inégalité (47) établie en début de preuve, on trouve que pour touti ∈ {1, . . . ,t},

H(Be+1)xi(n−e)/(n−e−1)ψi(Ad,Be+1) 6 C3

xi(n−e)/(n−e−1)H(Be)xiψi(Ad,Be+1)

6 C3xi(n−e)/(n−e−1)H(Be)xiψi(A

d,Be)

d’après l’inégalité (48).

15. Schmidt écrit "+1" au lieu de "−1" dans l’exposant de H ′ ici.

127

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Donc

H(Be+1)xi(n−e)/(n−e−1)ψi(Ad,Be+1) 6 cC3

xi(n−e)/(n−e−1)H−yi

d’après l’hypothèse du théorème. Enfin par définition de H ′, on trouve

H(Be+1)xi(n−e)/(n−e−1)ψi(Ad,Be+1) 6 cC3

yi(n−e)/(n−e−1)H ′−yi(n−e)/(n−e−1)

6 cC4H′−yi(n−e)/(n−e−1)

en posant C4 := Cyi(n−e)/(n−e−1)3 > 0, ce qui conclut la preuve. �

Théorème 145 (Going-down) Soient Ad et Be des sous-espaces de Rn, soit H ∈R. On suppose que Be est rationnel et que sa hauteur vérifie H(Be) 6 H. Posonsf ′ := min(d,e− 1), soient h ∈ {1, . . . ,f ′}, c > 1 et

y1 > · · · > yh >1

h.

On suppose que

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be)ωi(Ad,Be) 6 cH−(yi−1). (49)

Posons y := y1 + · · ·+ yh, et supposons que

∀i ∈ {1, . . . ,h}, y′i :=yie

y + e− 1> 1.

Alors il y a un sous-espace rationnel Be−1 tel que Be−1 ⊂ Be et dont la hauteurvérifie

H(Be−1) 6 C5H(Be)H(y−1)/e 6 C5H(e+y−1)/e =: H ′,

et tel que

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be−1)ωi(Ad,Be−1) 6 cC6H

−(y′i−1)(y+e−1)/e = cC7H′−(y′i−1),

et donc

∀i ∈ {1, . . . ,h}, ωi(Ad,Be−1) 6 cC8H(Be−1)−y

′i .

Si au lieu de (49), on a

∀i ∈ {1, . . . ,h}, ωi(Ad,Be) = 0,

alors on pose y′0 := e/h et pour tout H ′ > C9H, il existe un sous-espace rationnelBe−1 tel que Be−1 ⊂ Be, dont la hauteur vérifie

H(Be−1) 6 H ′,

et tel que

128

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Mémoire de M2 Elio Joseph

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be−1)ωi(Ad,Be−1) 6 C10H

y′0H ′−(y′0−1),

et donc 16

∀i ∈ {1, . . . ,h}, ωi(Ad,Be−1) 6 C11H

y′0H(Be−1)−y′0 .

Dans ce théorème, les constantes C5, . . . ,C11 dépendent de n,d,e,y1, . . . ,yn, mais pasde Ad, Be ou H.

Preuve.Commençons par le cas où la condition (49) est vérifiée (d’ailleurs, si pour touti ∈ {1, . . . ,h}, ωi(Ad,Be) = 0, elle est vérifiée aussi).Posons m := n−e et donnons-nous (Z1, . . . ,Zm) une base rationnelle de l’orthogonalBe,⊥ de Be, i.e. pour tout i ∈ {1, . . . ,m}, Zi ∈ Qn.Nous allons construire un vecteur X ∈ Qn \Be,⊥ tel que

Be−1 := Vect(X,Z1, . . . ,Zm)⊥

ait les propriétés désirées.Pour cela, notons f := min(d,e) et pour i ∈ {1, . . . ,f}, λi := λi(A

d,Be). D’après lethéorème 122, il existe (X1, . . . ,Xd) une base orthonormée de Ad et (Y1, . . . ,Ye) unebase orthonormée de Be telles que

∀(i,j) ∈ {1, . . . ,d} × {1, . . . ,e}, Xi · Yj = λiδi,j.

On a

∀i ∈ {1, . . . ,f}, ωi(Ad,Be) =

√1− λi2 =

√1− (Xi · Yi)2,

et

∀i ∈ {1, . . . ,f}, ω(Xi,Yi) =√

1− λ2(Xi,Yi) =

√1− |Xi · Yi|2,

donc

∀i ∈ {1, . . . ,f}, ω(Xi,Yi) = ωi(Ad,Be).

On remarque aussi que

∀(i,j) ∈ {1, . . . ,e} × {1, . . . ,m}, Yi · Zj = 0.

On rappelle que si S est un sous-ensemble de Rn, on note I(S) l’ensemble des pointsde S à coordonnées entières. L’ensemble I(Be,⊥) est un réseau de dimension m del’espace euclidien Rn.D’après le théorème 107 et la proposition 96, on a

16. Schmidt oublie ici le signe moins dans l’exposant de H(Be−1).

129

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covol(I(Be,⊥)) = H(Be,⊥) = H(Be). (50)

On se donne (T1, . . . ,Tm) une base de I(Be,⊥), et on pose

Π :=

{m∑i=1

ciTi, |ci| 61

2

}.

L’ensemble Π a un volume (m-dimensionnel) qui vaut

vol(Π) = D(T1, . . . ,Tm) = H(Be) (51)

d’après la proposition 106, la remarque 35 et l’égalité (50).Comme h 6 f ′ < e = dim(Be), on peut écrire tout X ∈ Rn de façon unique sous laforme

X = X∗ + X1 + · · ·+ Xh + X0

avec X∗ ∈ Be,⊥,

∀i ∈ {1, . . . ,h}, Xi ∈ Vect(Yi)

X0 ∈ Vect(Be,⊥,Y1, . . . ,Yh)⊥ = Vect(Yk+1, . . . ,Ye).

On considère l’ensemble E des X ∈ Rn vérifiant les trois conditions suivantes :

(i) X∗ ∈ Π ;(ii) ∀j ∈ {1, . . . ,h}, ‖Xj‖ 6 H−(yj−(y−1)/e)(H/H(Be))1/h ;(iii) ‖X0‖ 6 C12H

(y−1)/e.

L’ensemble E est convexe et symétrique, et il se décompose comme le produit detrois ensembles convexes et symétriques appartenant à des sous-espaces orthogonauxentre eux. On peut donc calculer le volume de E comme un produit de trois volumes.D’après (51), le volume de l’ensemble défini par la condition (i) vaut H(Be).Comme la base (Y1, . . . ,Yh) est orthonormale, l’ensemble défini par la condition (ii)est un parallélotope de volume

h∏j=1

(2H−(yj−(y−1)/e)

(H

H(Be)

)1/h)

=H

H(Be)2h

h∏j=1

H−(yj−(y−1)/e).

Enfin l’ensemble défini par la condition (iii) est une boule, en dimension e− h, quia donc pour volume

V (e− h)(C12H(y−1)/e)e−h.

130

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Finalement, en se rappelant que y = y1 + · · ·+ yh on a

vol(E) = H(Be)× H

H(Be)2h

h∏j=1

H−(yj−(y−1)/e) × V (e− h)(C12H(y−1)/e)e−h

= H ·Hh(y−1)/e ·H−y1−···−yh ·Hy−1 ·H−h(y−1)/e × 2hV (e− h)C12e−h

= 2hV (e− h)C12e−h

> 2n

= 2n covol(Zn)

pour C12 suffisamment grand.Donc d’après le premier théorème de Minkowski (théorème 38), il existe X ∈ E ∩Zn \ {0}.On a ainsi X∗ ∈ Π, et donc X /∈ I(Be,⊥) (car X 6= 0), et donc on a trouvé

X ∈ Zn \Be,⊥.

Enfin, comme X ∈ E et Yj est unitaire, on a pour tout j ∈ {1, . . . ,k} :

|X · Yj| = ‖Xj‖ 6 H−(yj−(y−1)/e)(H/H(Be))1/h. (52)

Comme on a X ∈ E, en utilisant les conditions (ii) et (iii) sur E, et car y1, . . . ,yh >1/h, on trouve que

‖X− X∗‖ = ‖X1 + · · ·+ Xh + X0‖6 ‖X1‖+ · · ·+ ‖Xh‖+ ‖X0‖

6h∑j=1

(H

H(Be)

)1/h

H−(yj−(y−1)/e) + C12H(y−1)/e

6h∑j=1

(H

H(Be)

)1/h1

H1/hH(y−1)/e + C12H

(y−1)/e

=

(h

H(Be)1/h+ C12

)H(y−1)/e.

De plus on sait d’après le théorème 107 que H(Be) = covol(I(Be)) > 1 car I(Be)est un réseau admettant une base à coordonnées entières.Donc

‖X− X∗‖ 6 (h21/h + C12)H(y−1)/e 6 C14H(y−1)/e (53)

en posant C14 := 2n+ C12.On décompose

X = X∗ + V

avec X∗ ∈ Be,⊥ et V = X1 + · · · + Xh + X0 ∈ Be. La majoration (53) nous donnedonc

131

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Mémoire de M2 Elio Joseph

‖V ‖ 6 C14H(y−1)/e. (54)

Notons a l’idéal engendré par tous les mineurs de taille m×m de la matrice de taillem× n dont la j-ème ligne est Zj pour j ∈ {1, . . . ,m}. Notons b l’idéal engendré partous les mineurs de taille (m+1)×(m+1) de la matrice de taille (m+1)×n dont leslignes sont X,Z1, . . . ,Zm. Autrement dit, a est l’idéal engendré par les coordonnéesde Grassmann de la famille (Z1, . . . ,Zm) et b est l’idéal engendré par les coordonnéesde Grassmann de la famille (X,Z1, . . . ,Zm).Par construction de notre vecteur X, ses coordonnées sont entières. Ainsi, si ondéveloppe un mineur d’ordre (m + 1) × (m + 1) de la matrice dont les lignes sontX,Z1, . . . ,Zm, on obtient une combinaison Z-linéaire de mineurs de taille m×m dela matrice dont la j-ème ligne est Zj pour j ∈ {1, . . . ,m}. Ainsi, b ⊂ a, et doncN(b) > N(a).D’après la proposition 96 et l’égalité (18) (car a est l’idéal engendré par les coor-données de Grassmann de Be), on a

H(Be) = H(Be,⊥) = N(a)−1D(Z1, . . . ,Zm). (55)

Comme nous l’avions annoncé, on pose

Be−1 := Vect(X,Z1, . . . ,Zm)⊥.

Toujours d’après la proposition 96, et avec l’égalité (18) (car b est l’idéal engendrépar les coordonnées de Grassmann de Be−1,⊥), on a

H(Be−1) = H(Be−1,⊥)

= N(b)−1D(X,Z1, . . . ,Zm)

= N(b)−1D(X∗ + V,Z1, . . . ,Zm)

= N(b)−1D(V,Z1, . . . ,Zm)

= N(b)−1 ‖V ‖D(Z1, . . . ,Zm)

en appliquant la proposition 105 et car X∗ ∈ Vect(Z1, . . . ,Zm) et V ∈ Vect(Z1, . . . ,Zm)⊥.Donc en se rappelant que N(b) > N(a) et avec l’égalité (55), on a

H(Be−1) 6 N(a)−1 ‖V ‖D(Z1, . . . ,Zm)

= H(Be) ‖V ‖6 C14H(Be)H(y−1)/e (56)

d’après l’inégalité (54).Finalement, comme H(Be) 6 H, et par définition de H ′, on a

H(Be−1) 6 C14H(e+y−1)/e = H ′.

Soit i ∈ {1, . . . ,e}. En se rappelant les définitions de ω et de µ, on a

ω2(Be−1,⊥,Yi) = ω12(Be−1,⊥,Vect(Yi))

= 1− λ12(Be−1,⊥,Vect(Yi))

= µ2(Be−1,⊥,Vect(Yi)).

132

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Donc en remarquant que (X,Z1, . . . ,Zm) est une base de Be−1,⊥ et en utilisant laproposition 135, on trouve

ω2(Be−1,⊥,Yi) = D2(Yi,X,Z1, . . . ,Zm)D(Yi)−2D(X,Z1, . . . ,Zm)−2

= D2(Yi,X,Z1, . . . ,Zm) ‖Yi‖−2D(X,Z1, . . . ,Zm)−2.

On se rappelle que pour tout (i,j) ∈ {1, . . . ,e} × {1, . . . ,m} on a Yi · Zj = 0. Pardéfinition du déterminant généralisé, on a

D2(Yi,X,Z1, . . . ,Zm) = det

‖Yi‖2 X · Yi 0 · · · 0

Yi · X ‖X‖2 Z1 · X · · · Zm · X0 X · Z1 ‖Z1‖2 · · · Zm · Z1

... X · Z2 Z1 · Z2 · · · Zm · Z2

......

... . . . ...0 X · Zm Z1 · Zm · · · ‖Zm‖2

.

En développant par rapport à la première colonne on trouve queD2(Yi,X,Z1, . . . ,Zm)est égal à

‖Yi‖2 det

‖X‖2 Z1 · X · · · Zm · XX · Z1 ‖Z1‖2 · · · Zm · Z1

X · Z2 Z1 · Z2 · · · Zm · Z2

...... . . . ...

X · Zm Z1 · Zm · · · ‖Zm‖2

−(Yi·X) det

X · Yi 0 · · · 0

X · Z1 ‖Z1‖2 · · · Zm · Z1

X · Z2 Z1 · Z2 · · · Zm · Z2

...... . . . ...

X · Zm Z1 · Zm · · · ‖Zm‖2

.

On développe alors le second déterminant par rapport à sa première ligne, ce quidonne

D2(Yi,X,Z1, . . . ,Zm) = ‖Yi‖2D2(X,Z1, . . . ,Zm)− (Yi · X)2D2(Z1, . . . ,Zm).

Comme ‖Yi‖ = 1, on a finalement en combinant nos égalités

ω2(Be−1,⊥,Yi) = 1− (Yi · X)2D2(Z1, . . . ,Zm)D(X,Z1, . . . ,Zm)−2.

D’après le lemme 136, on a

ω2(Be−1,⊥,Yi) + ω2(Be−1,Yi) = 1,

donc

ω(Be−1,Yi) = |Yi · X|D(Z1, . . . ,Zm)/D(X,Z1, . . . ,Zm)

ou encore

D(X,Z1, . . . ,Zm)ω(Be−1,Yi) = |Yi · X|D(Z1, . . . ,Zm).

133

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Mémoire de M2 Elio Joseph

D’après la relation trouvée pour la hauteur de Be−1, on a donc pour i ∈ {1, . . . ,h}

H(Be−1)ω(Be−1,Yi) = N(b)−1D(X,Z1, . . . ,Zm)ω(Be−1,Yi)

= N(b)−1D(Z1, . . . ,Zm) |Yi · X|6 N(a)−1D(Z1, . . . ,Zm)H−(yi−(y−1)/e)(H/H(Be))1/h

car N(b) > N(a) et en utilisant l’inégalité (52).En utilisant l’égalité (55), on trouve alors (car H/H(Be) > 1 et h > 1)

H(Be−1)ω(Be−1,Yi) 6 H(Be)H−(yi−(y−1)/e)(H/H(Be))1/h (57)

6 H(Be)H−(yi−(y−1)/e)H/H(Be)

= H(e+y−1)/e−yi .

Il existe donc un vecteur Ui ∈ Be−1 \ {0} tel que

H(Be−1)ω(Ui,Yi) 6 H(e+y−1)/e−yi

= H−(y′i−1)(y+e−1)/e

par définition de y′i.D’après l’hypothèse du théorème, on a aussi pour tout i ∈ {1, . . . ,h},

H(Be)ωi(Ad,Be) 6 cH−yi+1,

donc en particulier

H(Be)ωi(Xi,Yi) 6 cH−yi+1. (58)

En se rappelant l’inégalité (56) montrée entre H(Be−1) et H(Be), on a

H(Be−1)ω(Xi,Yi) 6 C5H(y−1)/eH(Be)ω(Xi,Yi)

6 C5H(y−1)/ecH−yi+1

= cC5H−(y′i−1)(y+e−1)/e

avec (58) et par définition de y′i.D’après le lemme 132 et avec les deux inégalités que nous venons d’établir, on adonc pour tout i ∈ {1, . . . ,h},

H(Be−1)ω(Xi,Ui) 6 H(Be−1)ω(Xi,Yi) +H(Be−1)ω(Yi,Ui)

6 cC5H−(y′i−1)(y+e−1)/e +H−(y′i−1)(y+e−1)/e

6 cC17H−(y′i−1)(y+e−1)/e (59)

en posant C17 := C5 + 1, car c > 1 par hypothèse.On est maintenant en mesure d’appliquer le théorème 139. Pour cela on remarqueque X1, . . . ,Xh sont h vecteurs linéairement indépendants de Ad, et on pose pour j ∈{1, . . . ,h},Aj := Vect(X1, . . . ,Xj), δ := 1 et ω := min(1,cC17H

−(y′i−1)(y+e−1)/e/H(Be−1)).Comme la famille (X1, . . . ,Xh) est orthonormée, on a

134

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∀j ∈ {2, . . . ,h}, λ(Xj,Aj−1) = 0 6 1− δ < 1.

De plus U1, . . . ,Uh sont h points de Be−1 \{0}, et ils vérifient d’après l’inégalité (59)montrée ci-dessus,

∀j ∈ {2, . . . ,h}, ω(Xj,Uj) 6 min(1,cC17H−(y′i−1)(y+e−1)/e/H(Be−1)) = ω ∈ [0,1].

Donc d’après le théorème 139, on a pour tout i ∈ {1, . . . ,h},

ωi(Ad,Be−1) 6 2h/2cC17H

−(y′i−1)(y+e−1)/e/H(Be−1)

6 cC6H−(y′i−1)(y+e−1)/e/H(Be−1)

en posant C6 := 2n/2C17, et donc

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be−1)ωi(Ad,Be−1) 6 cC6H

−(y′i−1)(y+e−1)/e.

On a alors

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be−1)ωi(Ad,Be−1) 6 cC7H

′−(y′i−1)

par définition de H ′ en posant C7 = C6C5y′i−1.

Enfin, on a car H(Be−1) 6 H ′,

∀i ∈ {1, . . . ,h}, ωi(Ad,Be−1) 6 cC7H(Be−1)−y

′i

ce qui conclut la preuve de la première partie du théorème.

Passons à la seconde partie. On commence par poser (on définira la constante C9

plus tard)

H1 :=

(1

C9

H ′

H

)e/h.

Le début de la preuve est identique (la définition de l’ensemble Π s’y trouve), maiscette fois ci nous définissons E comme l’ensemble des X ∈ Rn vérifiant les troisconditions suivantes :

(i’) X∗ ∈ Π ;

(ii’) ∀j ∈ {1, . . . ,h},∥∥∥Xj

∥∥∥ 6 H1−(1−h/e) ;

(iii’)∥∥∥X0

∥∥∥ 6 C18H1h/e,

où on a encore décomposé

X = X∗ + X1 + · · ·+ Xh + X0

avec

135

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X∗ ∈ Be,⊥,

∀i ∈ {1, . . . ,h}, Xi ∈ Vect(Yi)

X0 ∈ Vect(Be,⊥,Y1, . . . ,Yh)⊥.

L’ensemble E est encore convexe et symétrique, et se décompose comme le produit detrois ensembles convexes et symétriques appartenant à des sous-espaces orthogonauxentre eux.Le volume de l’ensemble défini par la condition (i’) vaut encore H(Be).Comme la base (Y1, . . . ,Yh) est orthonormale, l’ensemble défini par la condition (ii’)est un parallélotope de volume

h∏j=1

(2H1−(1−h/e)) = 2hH1

−h(1−h/e).

L’ensemble défini par la condition (iii’) est une boule, en dimension e−h, qui a doncpour volume

V (e− h)(C18H1h/e)e−h.

Finalement, on a

vol(E) = H(Be)2hH1−h(1−h/e)V (e− h)(C18H1

h/e)e−h

= H(Be)2hV (e− h)C18e−h

> 2n

= 2n covol(Zn)

pour C18 assez grand, car e > h et H(Be) > 1.Donc d’après le théorème de Minkowski, il existe X ∈ E ∩ Zn \ {0}.Cette fois-ci, on a pour tout j ∈ {1, . . . ,h}, comme Yj est unitaire et X ∈ E,∣∣∣X · Yj∣∣∣ =

∥∥∥Xj

∥∥∥ 6 H1−(1−h/e).

Comme X ∈ E, les conditions (ii’) et (iii’) nous donne∥∥∥X− X∗∥∥∥ =

∥∥∥X1 + · · ·+ Xh + X0

∥∥∥6∥∥∥X1

∥∥∥+ · · ·+∥∥∥Xh

∥∥∥+∥∥∥X0

∥∥∥6

h∑j=1

H1−(1−h/e) + C18H1

h/e

=

(hC9

e/h

(H

H ′

)e/h+ C18

)H1

h/e

6 C19H1h/e

136

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par définition de H1.On décompose alors X = X∗+ V avec X ∈ Be,⊥ et V ∈ Be. La majoration que nousvenons de montrer nous donne

‖V ‖ 6 C19H1h/e. (60)

On définit Be−1 de la même façon, et le même calcul nous donne que

H(Be−1) = H(Be) ‖V ‖6 C19H(Be)H1

h/e

6 C19HH1h/e

d’après l’inégalité (60) et car H(Be) 6 H par hypothèse.En posant C9 := C19, on a donc construit Be−1 tel que H(Be−1) 6 H ′.Les calculs sont alors similaires à ceux déjà effectués, seules les estimations changent(la première ligne s’obtient de façon semblable à l’inégalité (57)).En particulier on trouve 17 pour i ∈ {1, . . . ,h} (en posant C10 := C9

e/h) :

H(Be−1)ω(Be−1,Yi) 6 H(Be)H1−(1−h/e)

= H(Be)C9e/hH ′−(e/h)(1−h/e)H(e/h)(1−h/e)

6 HC10H′1−e/hHe/h−1

= C10H′1−e/hHe/h

= C10Hy′0H ′−(y′0−1)

car y′0 = e/h.Le reste de la preuve est alors en tout point similaire, les calculs étant à peinemodifiés. La preuve du théorème du Going-down est donc achevée. �

Nous donnons finalement le dernier théorème de cette partie.

Théorème 146 Soient d > 0 et e > 0 tels que d + e < n. Soient Ad et Be dessous-espaces de Rn. On suppose Be rationnel, vérifiant H(Be) 6 H et

H(Be)µ(Ad,Be) 6 cH−x

pour une certaine constante x.Alors il existe un sous-espace rationnel Be+1 ⊃ Be, dont la hauteur vérifie

H(Be+1) 6 H(e+1)/e =: H ′

et

H(Be+1)µ(Ad,Be+1) 6 cC22H−x−(d+e)/(e(n−d−e))

= cC22H′−(ex+(d+e)/(n−d−e))/(e+1).

17. Ici, Schmidt écrit H(Be−1) au lieu de H(Be)

137

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Preuve.L’ensemble I(Be) des points à coordonnées entières de Be est un réseau de Rn dedimension e. D’après le théorème 107, on a

covol(I(Be)) = H(Be).

Soit (T1, . . . ,Te) une base de I(Be), et Π le parallélotope

Π :=

{e∑i=1

ciTi, ∀i ∈ {1, . . . ,e}, |ci| 61

2

}.

On sait que

vol(Π) = D(T1, . . . ,Te) = H(Be). (61)

Tout vecteur X ∈ Rn peut se décomposer sous la forme

X = X∗ + X⊥

avec X∗ ∈ Be et X⊥ ∈ Be,⊥.Notons C le complémentaire orthogonal de Be dans Ad+Be. Si jamais Ad∩Be 6= {0},alors par définition de µ on a pour tout sous-espace Be+1 ⊃ Be,

µ(Ad,Be) = µ(Ad,Be+1) = 0

et le théorème est trivialement vrai. On peut donc supposer sans perte de généralitéque Ad ∩Be = {0}. Ainsi, dim(C) = d+ e− e = d. On notera donc par la suite Cd

l’espace C.Par définition, X⊥ ∈ Be,⊥, et comme

Cd ⊕ (Ad +Be)⊥ = Be,⊥,

on peut écrire une unique décomposition

X⊥ = Z1 + Z2

avec Z1 ∈ Cd et Z2 ∈ (Ad +Be)⊥.On considère maintenant E l’ensemble des points X ∈ Rn tels que

(i) X∗ ∈ Π,(ii) ‖Z1‖ 6 1

2H1/e(H/H(Be))1/d,

(iii) ‖Z2‖ 6 C22H−(d+e)/(e(n−d−e)).

Cet ensemble E est convexe et symétrique. Calculons son volume pour appliquerle premier théorème de Minkowski. Pour cela on utilise (61) et le fait que E est lasomme directe orthogonale de trois ensembles convexes. On pose

C23 :=V (d)V (n− e− d)

2n,

138

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Mémoire de M2 Elio Joseph

où V (k) est le volume de la boule unité de Rk, et on trouve alors

vol(E) = H(Be)

(V (d)

1

2dHd/e H

H(Be)

)(V (n− e− d)C22

n−e−dH−(d+e)/e)

>V (d)V (n− e− d)

2nC22

n−e−d ×H(d+e)/e ×H−(d+e)/e

= C23C22n−e−d

> 2n

pour C22 suffisamment grand, car d+ e < n par hypothèse.Donc d’après le théorème de Minkowski, il existe X ∈ E ∩ (Zn \ {0}).On remarque que X /∈ Be car X∗ ∈ Π et X 6= 0.Posons alors

Be+1 = Vect(Be,X)

et vérifions que cet espace convient.Donnons-nous (X1, . . . ,Xe) une base de Be, alors d’après l’égalité (18), on a

H(Be) = N(a)−1D(X1, . . . ,Xe),

où a est l’idéal fractionnaire de Q engendré par les coordonnées de Grassmann deBe.On note b l’idéal fractionnaire de Q engendré par les coordonnées de Grassmann deBe+1 = Vect(X1, . . . ,Xe,X). Toujours avec l’égalité (18), ainsi qu’avec la proposition104 (inégalité de Hadamard généralisée), on trouve car X = X∗+X⊥ avec X∗ ∈ Be :

H(Be+1) = N(b)−1D(X1, . . . ,Xe,X)

= N(b)−1D(X1, . . . ,Xe,X∗ + X⊥)

= N(b)−1D(X1, . . . ,Xe,X⊥)

6 N(b)−1D(X1, . . . ,Xe)∥∥X⊥∥∥ .

Comme dans la preuve du théorème du Going-down (théorème 145), on a N(b) >N(a) car X ∈ Zn, donc

H(Be+1) 6 N(a)−1D(X1, . . . ,Xe)∥∥X⊥∥∥

= H(Be) ‖Z1 + Z2‖6 H(Be)(‖Z1‖+ ‖Z2‖).

Or X ∈ E, donc d’après la condition (iii),

‖Z2‖ 6 C22H−(d+e)(e(n−d−e)) −−−!

H!∞0

car d+ e < n par hypothèse.En outre d’après la condition (ii),

‖Z1‖ 61

2H1/e(H/H(Be))1/d,

139

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donc

‖Z1‖+ ‖Z2‖ 6 H1/e(H/H(Be))1/d

pour H suffisamment grand.Donc

H(Be+1) 6 H(Be)H1/e(H/H(Be))1/d

pour H suffisamment grand. Jusqu’à mention du contraire, nous supposons H suf-fisamment grand de sorte que cette inégalité soit vérifiée.Or H(Be) 6 H par hypothèse, donc

H(Be+1) 6 H1−1/dH1/e+1/d

= H(e+1)/e

= H ′.

D’après le procédé d’orthonormalisation de Gram-Schmidt, on sait qu’il existe unebase orthonormale (Y1, . . . ,Yd) de Ad. On a donc D(Y1, . . . ,Yd) = 1.Donc d’après la proposition 135, on trouve

H(Be+1)µ(Be+1,Ad) = N(b)−1D(X1, . . . ,Xe,X)D(Y1, . . . ,Yd,X1, . . . ,Xe,X)

D(Y1, . . . ,Yd)D(X1, . . . ,Xe,X)

= N(b)−1D(Y1, . . . ,Yd,X1, . . . ,Xe,X).

On utilise alors la décomposition

X = X∗︸︷︷︸∈Be

+ Z1︸︷︷︸∈Cd⊂Ad+Be

+Z2,

qui donne, combinée à l’inégalité de Hadamard généralisée (proposition 104) et aufait que N(b) > N(a),

H(Be+1)µ(Be+1,Ad) 6 N(a)−1D(Y1, . . . ,Yd,X1, . . . ,Xe,X∗ + Z1 + Z2)

= N(a)−1D(Y1, . . . ,Yd,X1, . . . ,Xe,Z2)

6 N(a)−1D(Y1, . . . ,Yd,X1, . . . ,Xe) ‖Z2‖ .

Alors en utilisant la condition (iii) pour majorer ‖Z2‖ et la proposition 135, on afinalement (car D(Y1, . . . ,Yd) = 1 et H(Be)µ(Ad,Be) 6 cH−x) :

H(Be+1)µ(Be+1,Ad) 6 N(a)−1D(X1, . . . Xe)D(X1, . . . ,Xe,Y1, . . . ,Yd)

D(X1, . . . ,Xe)D(Y1, . . . ,Yd)C22H

−(d+e)/(e(n−d−e))

= H(Be)µ(Be,Ad)C22H−(d+e)/(e(n−d−e))

6 cC22H−x−(d+e)/(e(n−d−e))

= cC22H′−(ex−(d+e)/(n−d−e))/(e+1)

par définition de H ′.

140

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Nous avons donc prouvé le théorème pour H suffisamment grand, i.e. H > H0(n)une constante dépendant seulement de n.Pour le cas H 6 H0(n), on raisonne comme à la fin de la preuve du théorème 18 141.On se donne B1 ⊂ · · · ⊂ Bu de sous-espaces rationnels de hauteur 1. Ainsi le côtégauche l’inégalité que nous souhaitons prouver sera toujours plus petit que 1.Quitte à choisir

C22 >1

cH0(n)−x−(d+e)/(e(n−d−e)),

le théorème est alors aussi établi dans ce cas-là, ce qui conclut définitivement lapreuve. �

7.3 Bornes supérieures

En utilisant notre premier véritable théorème d’approximation diophantienne (lethéorème 141) ainsi que les théorèmes de transfert, nous allons ici prouver des ré-sultats de ce style :

Soient 0 < d,e < n ; posons t = min(d,e,n−d,n−e) et soit j ∈ {1, . . . ,t}.Soit Ad un sous-espace de Rn tel qu’il n’existe pas de sous-espace ration-nel Be tel que ψj(Ad,Be) = 0 (ce qui est équivalent si 19 d + e 6 n àdim(Ad ∩Be) > j).Alors il existe une infinité de sous-espaces rationnels Be tels que

ψj(Ad,Be) 6 C24H(Be)−C25

avec C24,C25 > 0 des constantes dépendant de n, d, e et j.

Ce genre de résultat est exactement ce qui se rapproche des questions de mesured’irrationalité que nous nous étions initialement posées. Le but est de prouver detels résultats avec une constante C25 aussi grande que possible.Donnons donc un premier théorème de ce type.

Théorème 147 Soient 0 < d,e tels que d + e 6 n. Soit 1 6 j 6 t := min(d,e). Onfixe Ad un sous-espace vectoriel de Rn, ainsi que H > 1.Alors il existe un sous-espace rationnel Be tel que H(Be) 6 H et

ψj(Ad,Be) 6 C24H

−d(n−j)/(j(n−d)(n−e)). (62)

De plus, si j = 1, l’inégalité (62) peut être améliorée en

H(Be)(n−1)/(n−e)ψ1(Ad,Be) 6 C24H−d(n−1)/((n−d)(n−e)).

Preuve.On fixe j ∈ {1, . . . ,t}, avec t := min(d,e). On raisonne par récurrence sur e, l’initia-lisation se faisant pour e = j.

18. Ici, Schmidt écrit "théorème 9" au lieu de "théorème 8".19. Schmidt oublie de préciser cette condition

141

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Soit H > 1, on a donc H1/j > 1. D’après le théorème 141 (appliqué avec "H =H1/j"), on sait qu’il existe deux sous-espace rationnels B1 et Bj tels que B1 ⊂ Bj,avec Bj vérifiant H(Bj) 6 (H1/j)j = H, ainsi que

ψj(Ad,Bj) 6 H(B1)−1C1H

−d/(j(n−d)) 6 C1H−d/(j(n−d)).

La récurrence est donc initialisée pour e = j. On suppose désormais e ∈ {j, . . . ,n}tel que d+ e 6 n.Pour H > 1, on pose

H1 :=

(H

C3

)(n−e)/(n−e−1)

où C3 est la constante du théorème du Going-up (théorème 143).Pour H suffisamment grand, on a H1 > 1. Par hypothèse de récurrence, il existe unsous-espace rationnel Be tel que H(Be) 6 H et

ψj(Ad,Be) 6 C24H1

−d(n−j)/(j(n−d)(n−e)).

D’après le théorème du Going-up appliqué avec{xj := 0

yj := d(n− j)/(j(n− d)(n− e)),

il existe donc une constante C4 et un sous-espace rationnelBe+1 de hauteurH(Be+1) 6H tel que

ψj(Ad,Be+1) 6 C24C4H

−d(n−j)/(j(n−d)(n−e))×(n−e)/(n−e−1)

6 C24H−d(n−j)/(j(n−d)(n−(e+1)))

avec C24 := C24C4.Nous avons donc prouvé le théorème si H > H0(n) une constante dépendant de n.Maintenant 20, traitons le cas H 6 H0(n). Comme ψj(Ad,Be) < 1, quitte à augmen-ter la constante C24, on peut supposer

C24H−d(n−j)/(j(n−d)(n−e)) > 1

ce qui termine complètement la preuve de la première partie du théorème.

Traitons le raffinement du théorème dans le cas j = 1, la preuve étant fort similaire àla première partie. On raisonne à nouveau par récurrence finie sur e ∈ {1, . . . ,n−d}.On initialise pour e = 1. Le théorème 141 nous donne un sous-espace rationnel B1

de hauteur H(B1) 6 H tel que

H(B1)ψ1(Ad,B1) 6 C1H−d/(n−d) = C1H

−d(n−1)/((n−d)(n−1)).

20. Schmidt omet ce cas-là.

142

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Mémoire de M2 Elio Joseph

La récurrence est donc initialisée pour e = 1. On suppose désormais e ∈ {1, . . . ,n}tel que d+ e 6 n.Pour H > 1, on pose

H1 :=

(H

C3

)(n−e)/(n−e−1)

où C3 est la constante du théorème du Going-up, de sorte que

H = C3H1(n−e−1)/(n−e).

Pour H suffisamment grand, on a H1 > 1. Par hypothèse de récurrence, il existe unsous-espace rationnel Be tel que H(Be) 6 1 et

H(Be)(n−1)/(n−e)ψ1(Ad,Be) 6 C24H1−d(n−1)/((n−d)(n−e)).

D’après le théorème du Going-up appliqué avec{xj := (n− 1)/(n− e)yj := d(n− 1)/((n− d)(n− e)),

il existe donc une constante C4 et un sous-espace rationnelBe+1 de hauteurH(Be+1) 6H tel que

H(Be+1)(n−1)/(n−e)×(n−e)/(n−e−1)ψ1(Ad,Be+1) 6 C24H−d(n−1)/((n−d)(n−e))×(n−e)/(n−e−1)

avec C24 := C24C4, soit

H(Be+1)(n−1)/(n−(e+1))ψ1(Ad,Be+1) 6 C24H−d(n−1)/((n−d)(n−(e+1))).

Nous avons donc prouvé le théorème si H > H0(n) une constante dépendant de n.Maintenant, supposons H 6 H0(n).D’après le théorème 141, on peut se donner B un sous-espace de hauteur H(Be) 6 1.Alors le membre de gauche de notre inégalité est plus petit que 1, donc quitte àaugmenter la constante C24, on peut supposer

C24H−d(n−j)/(j(n−d)(n−e)) > 1

ce qui termine complètement la preuve de la première partie du théorème. �

On peut donner comme corollaire du théorème 147 le résultat suivant.

Corollaire 148 Supposons que pour tout sous-espace rationnel Be, dim(Ad∩Be) 6j − 1.Alors il existe une infinité de sous-espace rationnels Be tels que

ψj(Ad,Be) 6 C24H(Be)−d(n−j)/(j(n−d)(n−e)). (63)

De plus, si j = 1, l’inégalité (63) peut être améliorée en

ψ1(Ad,Be) 6 C24H(Be)−n(n−1)/((n−d)(n−e)).

143

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Preuve.Comme d + e 6 n, la remarque faite en début de section montre que l’hypothèsequ’aucun sous-espace rationnel Be ne vérifie dim(Ad ∩ Be) > j est équivalente aufait qu’aucun sous-espace rationnel Be ne vérifie

ψj(Ad,Be) = 0.

D’après le théorème 147, pour tout H > 1, il existe un sous-espace rationnel Be1 tel

que H(Be1) 6 H et

ψj(Ad,Be

1) 6 C24H−d(n−j)/(j(n−d)(n−e)). (64)

En faisant tendre H vers +∞, le membre de droite tend vers 0.Or

ψj(Ad,Be

1) > 0

d’après notre hypothèse, donc pour H suffisamment grand, l’inégalité (64) n’est plusvérifiée. Or il existe un sous-espace rationnel Be

2 vérifiant H(Be2) 6 H ainsi que la

même inégalité : donc Be2 6= Be

1.Par récurrence immédiate, il en existe donc une infinité quand H varie.Enfin, on a pour tout i, H(Be

i ) 6 H, donc on peut remplacer H par H(Be) dans lamajoration (64), ce qui conclut la preuve.Le cas j = 1 se traite de la même manière. �

Remarque 149 L’hypothèse du corollaire 148 est à mettre en parallèle avec l’hy-pothèse ξ irrationnel en approximation diophantienne "classique", qui donne uneinfinité de rationnels p/q tels que ∣∣∣∣ξ − p

q

∣∣∣∣ < 1

q2√

5

d’après le théorème de Hurwitz.

Donnons maintenant une spécialisation du théorème 147, qui n’est valable que dansdes cas particuliers de n, d, j et e, mais qui améliore l’exposant.

Théorème 150 Soient 0 < d,e tels que d + e 6 n. Soient t := min(d,e) et j ∈{1, . . . ,t} tels que

j + n− t > j(j + n− d− e). (65)

Alors pour tout H > 1 et tout sous-espace Ad de Rn, il existe un sous-espacerationnel Be de hauteur H(Be) 6 H qui vérifie

H(Be)ψj(Ad,Be) 6 C26H

1−(j+n−t)/(j(j+n−d−e)).

144

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Preuve.Commençons par supposer que e 6 d ; on a alors t = min(d,e) = e.En considérant les supplémentaires orthogonaux (on rappelle que pour tout sous-espace S, H(S⊥) = H(S) d’après la proposition 96, et que d’après le théorème 130(principe de dualité), on a ψj(Ad,Be) = ψj(A

d,⊥,Be,⊥)), il suffit de montrer que pourd+ e > n et e > d, il existe un sous-espace rationnel Be tel que H(Be) 6 H et

H(Be)ψj(Ad,Be) 6 C26H

1−(j+e)/(j(j+n−d−e)), (66)

sachant que

j + e > j(j + d+ e− n).

On procède par récurrence sur j.Comme d+ e > n, on a

ψ1(Ad,Be) = ωd+e−n+1(Ad,Be). (67)

Soit Be+1 un sous-espace rationnel de hauteur 1 (il en existe d’après le théorème141). D’après la remarque faite en début de section 6.2, on a

∀i ∈ {1, . . . ,h}, ωi(Ad,Be+1) = 0,

où h := d+ e− n+ 1.Nous allons maintenant appliquer le théorème du Going-down (théorème 145).Pour H suffisamment grand, on a H > C9 = C9H(Be+1) (car H(Be+1) = 1), où C9

est la constante du théorème du Going-down.D’après ce théorème (appliqué au cas ωi(Ad,Be+1) = 0, avec y′0 = (e+1)/h), il existeun sous-espace rationnel Be tel que H(Be) 6 H et

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be)ωi(Ad,Be) 6 C10H

−((e+1)/h−1)

= C10H1−(e+1)/(d+e−n+1).

par définition de h = d+ e− n+ 1.Ceci, combiné avec (67), montre (66) pour j = 1 et initialise donc la récurrence (lecas H 6 H0(n) se traitant de façon similaire aux preuves précédentes : on se donneBe un sous-espace de hauteur 1, le membre de gauche est alors plus petit que 1,quitte à choisir la constante grande, et le membre de droite est plus grand que 1pour H 6 H0(n)).Pour continuer la récurrence, supposons le résultat vrai pour j−1 fixé, et montrons-lepour j.Comme d+ e > n, on a

ψj(Ad,Be) = ωd+e−n+j(A

d,Be).

Posons donc h := d+ e− n+ j et

H1 :=

(H

C5

)(e+1)/(e+y)

,

145

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Mémoire de M2 Elio Joseph

où 21 y := (j + e)/(j − 1) et C5 est la constante du théorème du Going-down, desorte que

H = C5H1(e+y)/(e+1).

Si H est suffisamment grand, alors H1 > 1, donc par hypothèse de récurrence ilexiste un sous-espace rationnel Be+1 tel que H(Be+1) 6 H1 et

H(Be+1)ψj−1(Ad,Be+1) 6 C26H11−(j−1+e+1)/((j−1)(j−1+d+e+1−n))

= C26H11−(j+e)/((j−1)(j+d+e−n)).

On peut remarquer que ωi(Ad,Be+1) satisfait la même inégalité que ψj−1(Ad,Be+1)pour tout i ∈ {1, . . . ,h}.On applique alors le théorème du Going-down avec

∀i ∈ {1, . . . ,h}, yi :=j + e

(j − 1)h>

1

h.

L’hypothèse

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be+1)ωi(Ad,Be+1) 6 C26H1

−(yi−1)

est alors bien vérifiée ; de plus en posant

y := y1 + · · ·+ yhj + e

j − 1

on a pour tout i ∈ {1, . . . ,h},

y′i :=yi(e+ 1)

y + e

=(e+ 1)(j + e)

h(j − 1)((j + e)/(j − 1) + e)

=(e+ 1)(j + e)

h(j + e+ e(j − 1))

=j + e

jh

> 1

car j + e > j(j + d+ e− n) = jh par hypothèse et par définition de h.Donc d’après le théorème du Going-down, il existe un sous-espace rationnel Be telque

H(Be) 6 C5H1(e+y)/(e+1) = H

par définition de H1, et tel que

21. Dans son article, Schmidt pose y := (j + 1)/(j − 1).

146

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Mémoire de M2 Elio Joseph

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be)ωi(Ad,Be) 6 C26C7H

1−(j+e)/(jh) = C26H1−(j+e)/(j(j+d+e−n)),

en posant C26 := C26C7, ce qui conclut la preuve du cas e 6 d. Le cas H petit setraite avec des arguments déjà énoncés au moment de l’initialisation de la récurrence.

Supposons désormais que e > d ; ainsi t := min(d,e) = d. On a d + e 6 n, doncd 6 n− e 6 n− d.Nous allons procéder par récurrence descendante sur e ∈ {d, . . . ,n− d}.Pour e = n − d, on a d + e = n et ce cas a déjà été traité. La récurrence est doncinitialisée.Posons

H1 :=

(H

C5

)(e+1)/(e+y)

de sorte que

H = C5H1(e+y)/(e+1),

où C5 est la constante du théorème du Going-down, et

y :=j + n− t

j + n− d− e− 1.

Pour H grand, on a H1 > 1. Par hypothèse de récurrence il existe donc Be+1 tel queH(Be+1) 6 H1 et

∀i ∈ {1, . . . ,h}, H(Be+1)ωi(Ad,Be+1) 6 C26H1

1−(j+n−t)/(j(j+n−d−e−1)),

où h := j.On applique encore une fois le théorème du Going-down avec

∀i ∈ {1, . . . ,h}, yi :=j + n− t

j(j + n− d− e− 1)>

1

h,

mais aussi

y := y1 + · · ·+ yh =j + n− t

j + n− d− e− 1,

147

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et pour tout i ∈ {1, . . . ,h},

y′i :=yie

y + e− 1

=

j + n− tj(j + n− d− e− 1)

e

j + n− tj + n− d− e− 1

+ e− 1

=(j + n− t)e

j(j + n− t) + j(j + n− d− e− 1)(e− 1)

=(j + n− t)e

j2 + nj − jt+ j2e+ jne− jed− je2 − je− j2 − jn+ jde+ je+ j

=(j + n− t)ej(n− t+ 1)

> 1

par hypothèse.Alors d’après le théorème du Going-down, il existe un sous-espace rationnel Be telque

H(Be) 6 C5H1(e+y)/(e+1) = H

et

∀i ∈ {1, . . . ,j}, H(Be)ωi(Ad,Be) 6 C26H

1−(j+n−t)/(j(j+n−d−e))

où C26 = C26C7 avec C7 définie dans le théorème du Going-down.Le résultat est finalement prouvé pour H > H0(n), une constante dépendant de n.Si H 6 H0(n), on se donne Be un sous-espace rationnel de hauteur 1 ; le membre degauche est alors plus petit que 1. Quitte à augmenter C26 de sorte à ce que

C26 > H0(n)(j+n−t)/(j(j+n−d−e))−1,

le théorème est aussi prouvé pour H 6 H0(n).La preuve du théorème est alors entièrement terminée. �

Corollaire 151 On se place sous les conditions du théorème 150, et on suppose deplus qu’il n’existe pas de sous-espace rationnel Be tel que dim(Ad ∩Be) > j.Alors il existe une infinité de sous-espaces rationnels Be tels que

ψj(Ad,Be) 6 C26H(Be)−(j+n−t)/(j(j+n−d−e)).

Preuve.On est dans le cadre de la condition (65) du théorème 150.Supposons pour commencer que cette condition soit stricte, i.e.

j + n− t > j(j + n− d− e).

148

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Dans ce cas on peut raisonner comme dans la preuve du corollaire 148. On a d+e 6 n,donc notre condition implique

ψj(Ad,Be) > 0

pour tout sous-espace rationnel Be.D’après le théorème 150, pour tout H > 1 il existe Be un sous-espace rationnel telque H(Be) 6 H et

H(Be)ψj(Ad,Be) 6 C26H

1−(j+n−t)/(j(j+n−d−e)).

Le membre de gauche étant strictement positif, et l’exposant du membre de droiteétant strictement négatif, on peut faire tendre H vers +∞ pour que le membre dedroite tende vers 0 et l’infinité de sous-espaces rationnels en découle.De plus H(Be) 6 H, donc on divisant par H(Be) :

ψj(Ad,Be) 6 C26H(Be)−(j+n−t)/(j(j+n−d−e))

pour une infinité de sous-espaces rationnels Be.

Il nous reste à traiter le cas d’égalité dans la condition (65) du théorème 150, i.e.

j + n− t = j(j + n− d− e).

Remarquons que

j =j + n−min(d,e)

j + n− d− e> 1

car d,e > 0.Si par exemple e 6 d, alors l’inégalité (66) que nous avons prouvée dans ce cas nousdonne Be+1 ⊃ Be tel que

ψj−1(Ad,Be+1) < H−c

pour une certaine constante c > 0, et donc

ψj−1(Ad,Be) < H−c. (68)

Si Be est fixé, l’inégalité (68) ne peut être vraie pour tout H que si

ψj−1(Ad,Be) = 0,

ce qui n’est pas par hypothèse car d+ e 6 n et dim(Ad,Be) > j − 1.Ainsi, l’inégalité souhaitée sera satisfaite pour une infinité de sous-espaces rationnelsBe.Le cas e > d se traite de façon identique. �

Donnons un autre théorème, similaire au précédent, qui fait cette fois intervenirl’application µ.

149

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Théorème 152 Soit d ∈ {1, . . . ,n−1}, posons u := min(d,n−d). Soient Ad un sous-espace vectoriel de Rn et H > 1. Il existe des sous-espaces rationnels B1 ⊂ · · · ⊂ Bu

de hauteurs

∀i ∈ {1, . . . ,u}, H(Bi) 6 H i,

et vérifiant

∀i ∈ {1, . . . ,u}, H(Bi)µ(Ad,Bi) 6 C27H−d/(n−d)−(d+1)/(n−d−1)−···−(d+i−1)/(n−d−i+1),

d’où

∀i ∈ {1, . . . ,u}, µ(Ad,Bi) 6 C27H(Bi)−(n/i)(1/(n−d)+1/(n−d−1)+···+1/(n−d−i+1)).

Preuve.On procède par récurrence finie sur i ∈ {1, . . . ,u}.D’après le théorème 141, il existe B1 un sous-espace rationnel tel que H(B1) 6 Het

H(B1)ψ1(Ad,B1) 6 C27H−d/(n−d).

Or comme dim(B1) = 1, µ(Ad,B1) = ψ1(Ad,B1) d’après la définition de l’applicationµ. La récurrence est donc initialisée.Supposons désormais que pour i ∈ {1, . . . ,u − 1} fixé, B1 ⊂ · · · ⊂ Bi ont étéconstruits avec les propriétés désirées.On applique alors le théorème 146 avec "H = H i" et

x :=1

i

(d

n− d+ · · ·+ d+ i− 1

n− d− i+ 1

),

sachant que les hypothèses H(Be) 6 H i et

H(Bi)µ(Ad,Bi) 6 C27(H i)−x

sont bien vérifiées par hypothèse de récurrence.Le théorème 146 donne alors l’existence d’un sous-espace rationnel Bi+1 ⊃ Bi telque

H(Bi+1) 6 (H i)(i+1)/i

= H i+1

et tel que (quitte à remplacer C27 par C27C22 où C22 est la constante du théorème146)

H(Bi+1)µ(Ad,Bi+1) 6 C27(H i)−x−(d+i)/(i(n−d−i))

= C27H−ix−(d+i)/(n−d−i)

= C27H−d/(n−d)−···−(d+i)/(n−d−i),

ce qui prouve la première inégalité du théorème par récurrence.

150

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Mémoire de M2 Elio Joseph

La seconde s’en déduit en divisant par H(Bi). Pour tout i ∈ {1, . . . ,u}, on a H−1 6H(Bi)−1/i, donc

µ(Ad,Bi) 6 C27H(Bi)−(1/i)(d/(n−d)+···+(d+i−1)/(n−d−i+1))−1

= C27H(Bi)−(1/i)(d/(n−d)+···+(d+i−1)/(n−d−i+1)+i)

= C27H(Bi)−(1/i)((d/(n−d)+1)···+((d+i−1)/(n−d−i+1)+1))

= C27H(Bi)−(1/i)((d+n−d)/(n−d)···+(d+i−1+n−d−i+1)/(n−d−i+1))

= C27H(Bi)−(1/i)(n/(n−d)···+n/(n−d−i+1))

= C27H(Bi)−(n/i)(1/(n−d)···+1/(n−d−i+1))

ce qui conclut la preuve. �

Donnons finalement un corollaire à ce dernier théorème, ce qui terminera ces pre-miers résultats d’approximation diophantienne.

Corollaire 153 Soient 0 < d,e tels que d+ e 6 n ; posons t := min(d,e). Soient Adun sous-espace de Rn et H > 1. Alors il existe un sous-espace rationnel Be tel queH(Be) 6 H et

H(Be)(n−t)/(n−e)µ(Ad,Be) 6 C28H−(n−t)/(t(n−e))(d/(n−d)+···+(d+t−1)/(n−d−t+1)),

et donc

µ(Ad,Be) 6 C28H(Be)−n(n−t)/(t(n−e))/(1/(n−d)+···+1/(n−d−t+1)).

Preuve.Supposons pour commencer que e 6 d. Dans ce cas t = min(d,e) = e.Alors d’après le théorème 152 (appliqué avec "H = H1/e", "i = e 6 u = min(d,n−d)" car e 6 d et d+ e 6 n), il existe un sous-espace rationnel Be tel que

H(Be) 6 (H1/e)e = H

et

H(Be)µ(Ad,Be) 6 C27(H1/e)−d/(n−d)−···−(d+e−1)/(n−d−e+1)

= C27H−(n−t)/(t(n−e))(d/(n−d)+···+(d+t−1)/(n−d−t+1))

ce qui prouve l’inégalité voulue dans ce cas en remarquant que (n− t)/(n− e) = 1.Supposons maintenant que e > d, on a donc t = min(d,e) = d.Nous raisonnons par récurrence sur e > d.Le cas e = d ayant déjà été traité précédemment, la récurrence est déjà initialisée.On peut donc supposer qu’il existe un sous-espace rationnel Be−1 déjà construitvérifiant H(Be−1) 6 H1 et l’inégalité voulue, où

H1 :=

(H

C3

)(n−e+1)/(n−e)

151

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de sorte que

H = C3H1(n−e)/(n−e+1)

où C3 est la constante du théorème du Going-up (théorème 143).Pour H suffisamment grand, on a H1 > 1. On cherche à appliquer le théorème duGoing-up. D’après l’inégalité vérifiée par Be−1 par hypothèse de récurrence, il existepour tout i ∈ {1, . . . ,t}, xi,yi > 0 tels que

t∑i=1

xi =n− t

n− e+ 1(69)

et

t∑i=1

yi =n− t

t(n− e+ 1)

(d

n− d+ · · ·+ d+ t− 1

n− d− t+ 1

)(70)

et

∀i ∈ {1, . . . ,t}, H(Be)xiψi(Ad,Be) 6 C28H1

−yi .

Par souci de lisibilité, nous noterons dans la suite de cette preuve C28 toutes nosconstantes (même si elles varient d’une ligne à l’autre).D’après le théorème du Going-up, il existe un sous-espace rationnel Be tel que

H(Be) 6 C3H1(n−e)/(n−e+1) = H

et tel que

∀i ∈ {1, . . . ,t}, H(Be)xi(n−e+1)/(n−e)ψi(Ad,Be) 6 C28H

−yi .

En multipliant alors ces t inégalités entre elles, et en se rappelant la définition deµ :

µ =t∏i=1

ψi,

on obtient

H(Be)(x1+···+xt)(n−e+1)/(n−e)µ(Ad,Be) 6 C28H−(y1+···+yt)

soit avec (69) et (70) :

H(Be)(n−t)/(n−e)µ(Ad,Be) 6 C28H−(n−t)/(t(n−e))(d/(n−d)+···+(d+t−1)/(n−d−t+1)),

qui est l’inégalité souhaitée.Le résultat est donc prouvé pour H > H0(n) une constante dépendant de n. SiH 6 H0(n), on se donne Be un sous-espace rationnel de hauteur 1. Le membre degauche est alors plus petit que 1. Comme H 6 H0(n) est borné, quitte à augmenter

152

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Mémoire de M2 Elio Joseph

la constante C28, on peut rendre le membre de droite plus grand que 1, ce qui prouveaussi le résultat dans ce cas-là.La seconde inégalité se déduit de la première : on divise par H(Be)(n−t)/(n−e) et onse rappelle que H(Be) 6 H, ce qui nous donne

µ(Ad,Be) 6 C28H(Be)−(n−t)/(t(n−e))(d/(n−d)+···+(d+t−1)/(n−d−t+1))−(n−t)/(n−e)

= C28H(Be)−(n−t)/(t(n−e))(d/(n−d)+···+(d+t−1)/(n−d−t+1)+t)

= C28H(Be)−(n−t)/(t(n−e))((d/(n−d)+1)+···+((d+t−1)/(n−d−t+1)+1))

= C28H(Be)−(n−t)/(t(n−e))(n/(n−d)+···+n/(n−d−t+1))

= C28H(Be)−n(n−t)/(t(n−e))(1/(n−d)+···+1/(n−d−t+1)),

ce qui termine la preuve. �

7.4 Optimalité des estimations

Nous montrons ici que dans certains cas, les majorations établies à la section précé-dente sont optimales. Pour cela, nous allons définir notre sous-espace Ad de Rn surun corps de nombres. Nous avons donc besoin des trois définitions suivantes.

Définition 154 On appelle corps de nombres toute extension finie de Q.

Définition 155 Un corps de nombres L est dit totalement réel si pour tout plon-gement σ : L ↪! C, on a σ(L) ⊂ R.

Définition 156 Si L/K est une extension algébrique de corps, on appelle clôturenormale de L sur K, notée N (L/K), la plus petite extension algébrique de Lnormale sur K.

Théorème 157 Soient 0 < d,e tels que d + e 6 n, posons t := min(d,e). Soit Lun corps de nombres totalement réel de degré [L : Q] = n. Alors il existe un sous-espace Ad de Rn, défini sur N (L/Q), et il existe une constante C29 telle que pourtout sous-espace rationnel Be de Rn,

ψt(Ad,Be) > C29H(Be)−n/(t(n+t−d−e)).

Preuve.Posons c := n− d, et donnons-nous une base

(α1, . . . ,αc,β1, . . . ,βd)

de L/Q.Notons τ1, . . . ,τn les n plongements de L dans C. La matrice

(τi(αj))16i6n16j6c

est de rang c. Quitte à réordonner les τi, on peut supposer que

153

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Mémoire de M2 Elio Joseph

MA := (τi(αj))16i,j6c

est de rang c, donc est inversible. On pose aussi

MB := (τi(βj))16i6c16j6d

.

Comme MA est inversible, on peut poser

Γ := MA−1MB =: (γji)16i6c

16j6d∈ Mc,d(N (L/Q)).

On a donc MAΓ = MB, ainsi

∀i ∈ {1, . . . ,c}, ∀j ∈ {1, . . . ,d}, τi(βj) =c∑`=1

γj`τi(α`).

On définit alors d vecteurs

Y1 := (1,0, . . . ,0,γ11, . . . ,γ1c)...

Yd := (0, . . . ,0,1,γd1, . . . ,γdc),

et on pose

Ad := Vect(Y1, . . . ,Yd)

qui est défini sur N (L/Q).Soit B1 un sous-espace rationnel de Rn de dimension 1, et X ∈ B1 \ {0} ; on a doncB1 = Vect(X).Quitte à multiplier X par une constante, on peut supposer X = (ξ1, . . . ,ξn) avec lesξi entiers.On note

a := ξ1Z + · · ·+ ξnZ

l’idéal fractionnaire de Q engendré par les ξi.Quitte à diviser multiplier X par pgcd(ξ1, . . . ,ξn)−1, on peut supposer que les ξi sontpremiers entre eux dans leur ensemble. On a donc N(a) = 1.Posons

c0 := ψ1(Ad,B1)H(B1)n/c

de sorte que

ψ1(Ad,B1) = c0H(B1)−n/c.

D’après la proposition 135, comme (Y1, . . . ,Yd) est une base de Ad, on a

154

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Mémoire de M2 Elio Joseph

µ(Ad,B1) =D(X,Y1, . . . ,Yd)

D(X)D(Y1, . . . ,Yd)=

D(X,Y1, . . . ,Yd)

‖X‖D(Y1, . . . ,Yd),

donc (car dim(B1) = 1 donc µ(Ad,B1) = ψ1(Ad,B1))

D(X,Y1, . . . ,Yd) = µ(Ad,B1) ‖X‖D(Y1, . . . ,Yd)

= ψ1(Ad,B1) ‖X‖D(Y1, . . . ,Yd)

= c0 ‖X‖D(Y1, . . . ,Yd)H(B1)−n/c.

D’après la proposition 102, on a

D(X,Y1, . . . ,Yd) = ‖X ∧ Y1 ∧ · · · ∧ Yd‖2 ,

donc tout mineur de taille (d + 1) × (d + 1) de la matrice dont les lignes sontX,Y1, . . . ,Yd est de valeur absolue inférieure ou égale à

D(X,Y1, . . . ,Yd) = c0 ‖X‖D(Y1, . . . ,Yd)H(B1)−n/c.

En particulier, ce résultat nous donne que pour k ∈ {1, . . . ,c}, le déterminant Dk

où on a gardé les d+ 1 colonnes de numéros 1,2, . . . ,d,d+ k vérifie

|Dk| 6 c0 ‖X‖D(Y1, . . . ,Yd)H(B1)−n/c.

On calcule Dk en développant le déterminant par rapport à la première ligne. On a

Dk =

ξ1 · · · · · · ξd ξd+k

1 0 · · · 0

0. . . . . . ...

... . . . . . . 0

0 · · · 0 1

γ1k

...

...γdk

,

donc 22

|Dk| =∣∣ξ1γ1k + (−1)1ξ2(−1)1γ2k + · · ·+ (−1)d−1ξd(−1)d−1γdk + (−1)dξd+k

∣∣>∣∣ξ1γ1k + · · ·+ ξdγdk + (−1)dξd+k

∣∣ ,ainsi ∣∣ξ1γ1k + · · ·+ ξdγdk + (−1)dξd+k

∣∣ 6 c0 ‖X‖D(Y1, . . . ,Yd)H(B1)−n/c.

En multipliant par τi(αk), on trouve∣∣ξ1γ1kτi(αk) + · · ·+ ξdγdkτi(αk) + (−1)dξd+kτi(αk)∣∣ 6 c0 ‖X‖D(Y1, . . . ,Yd) |τi(αk)|H(B1)−n/c.

22. Schmidt omet le signe (−1)d et considère que (−1)d = −1.

155

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Mémoire de M2 Elio Joseph

On somme alors les égalités obtenues entre elles pour k allant de 1 à c, on obtientavec l’inégalité triangulaire∣∣∣∣∣d∑j=1

ξj

c∑k=1

γjkτi(αk) + (−1)dc∑

k=1

ξd+kτi(αk)

∣∣∣∣∣ 6 c0 ‖X‖H(B1)−n/cD(Y1, . . . ,Yd)c∑

k=1

|τi(αk)| ,

soit en posant C31 := D(Y1, . . . ,Yd)(|τi(α1)|+ · · ·+ |τi(αc))| (qui dépend de Ad), ona obtenu par définition des γik que pour tout i ∈ {1, . . . ,c},∣∣∣∣∣

d∑j=1

ξjτi(βj) + (−1)dc∑

k=1

ξd+kτi(αk)

∣∣∣∣∣ 6 c0C31 ‖X‖H(B1)−n/c.

Finalement, en notant 23 L la forme linéaire

L(X) = ξ1β1 + · · ·+ ξdβd + (−1)dξd+1α1 + · · ·+ (−1)dξnαc,

on a obtenu que

∀i ∈ {1, . . . ,c}, |Lτi(X)| 6 c0C31 ‖X‖H(B1)−n/c,

où Lτi s’obtient en faisant agir τi sur les coordonnées de L.Comme pour tout i ∈ {1, . . . ,n}, Lτi est une forme linéaire, elle est bornée sur laboule unité. Il existe donc une constante C32 (qui dépend du corps L mais pas duvecteur X) telle que

∀i ∈ {c+ 1, . . . ,n}, |Lτi(X)| 6 C32 ‖X‖ .

Ainsi, comme X ∈ Zn,n∏i=1

|τi(L(X))| =n∏i=1

|Lτi(X)|

6c∏i=1

c0C31 ‖X‖H(B1)−n/cn∏

i=c+1

C32 ‖X‖

= c0cC33 ‖X‖nH(B1)−n

en posant C33 := C31cC32

n.Or d’après l’égalité (18), on a

H(B1) = N(a)−1D(X) = ‖X‖ ,

donc ∣∣∣∣∣n∏i=1

τi(L(X))

∣∣∣∣∣ 6 c0cC33.

23. Il y a ici un petit abus de notation, attention à ne pas confondre la forme linéaire L et lecorps L.

156

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Mémoire de M2 Elio Joseph

On note NL/Q la norme relative à l’extension de corps L/Q, autrement dit

∀α ∈ L, NL/Q(α) = det(x 7! αx).

On sait d’après la théorie des corps que

∀α ∈ L, NL/Q(α) =n∏i=1

τi(α)

car τ1, . . . ,τn sont les n Q-plongements de L dans C, donc

∣∣NL/Q(L(X))∣∣ =

∣∣∣∣∣n∏i=1

τi(L(X))

∣∣∣∣∣ .On rappelle que (α1, . . . ,αc,β1, . . . ,βd) est une base de L/Q, on aurait pu dès le débutimposer aux αi,βj d’être des entiers algébriques, ce que nous faisons désormais.Alors L(X) est un entier algébrique non nul qui appartient à L (car X ∈ Zn), donc

NL/Q(L(X)) ∈ Z \ {0},

d’où ∣∣NL/Q(L(X))∣∣ > 1.

On a donc

c0 > (C33−1)1/c =: C29.

Finalement par définition de c0, cela donne

ψ1(Ad,B1) > C29H(B1)−n/c = C29H(B1)−n/(t(n+t−d−e))

avec t = e = 1, et prouve donc le théorème dans ce cas particulier.

Traitons maintenant le cas e 6 d. Dans ce cas on a t = min(d,e) = e, et doncn+ t− d− e = n− d.L’espace Ad construit précédemment va encore convenir ; nous raisonnons par récur-rence finie sur e ∈ {1, . . . ,d}.Le début de la preuve prend en charge l’initialisation de la récurrence.Supposons que le résultat soit vrai pour e ∈ {1, . . . ,d− 1} fixé.Soit Be un sous-espace rationnel de dimension e, posons

c0 := ψt(Ad,Be)H(Be)n/(tc)

de sorte que

ψt(Ad,Be) = c0H(Be)−n/(tc). (71)

D’après le lointain théorème 111, il existe un sous-espace rationnel Be−1 ⊂ Be etune constante c1 > 0 (ne dépendant que de n) tels que

157

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Mémoire de M2 Elio Joseph

H(Be−1) 6 c1H(Be)(e−1)/e. (72)

De plus, comme Be−1 ⊂ Be, on déduit du lemme 124 que

λt−1(Ad,Be−1) 6 λt−1(Ad,Be) 6 λt(Ad,Be),

et donc

ψt−1(Ad,Be−1) 6 ψt(Ad,Be).

Avec (71) et (72), ceci nous donne

ψt−1(Ad,Be−1) 6 c0H(Be)−n/(tc)

6 c0

((1

c1

H(Be−1)

)−e/(e−1))n/(tc)

= c0C38H(Be−1)−n/((e−1)c)

car t = e, en posant C38 := c1(en)/(tc(e−1)).

Ainsi, par hypothèse de récurrence on a

c0 > C38−1ψt−1(Ad,Be−1)H(Be−1)n/((e−1)c)

> C38−1C29H(Be−1)−n/((e−1)(n−d))H(Be−1)n/((e−1)c)

= C38−1C29

car c = n− d.La constante c0 est donc minorée, et d’après sa définition, on a en posant C29 :=C38

−1C29 :

ψt(Ad,Be) > C29H(Be)−n/(tc),

ce qui termine la récurrence.

Il reste à traiter le cas e > d. Dans ce cas, t = min(d,e) = d, et donc n+ t− d− e =n− e.Comme d+ e 6 n par hypothèse, on a d 6 n− d. Nous allons prouver ce dernier caspar récurrence descendante sur e ∈ {d, . . . ,n− d}.L’initialisation demande de prouver le cas e = n − d, qui correspond à la situationd+e = n. On procède par dualité en considérant les orthogonaux Ad,⊥ de dimensiond′ := n− d et Be,⊥ de dimension e′ := n− e. On a d′ + e′ 6 n, e′ 6 d′. On est doncramené au cas précédent déjà prouvé.Comme on a

H(Be,⊥) = H(Be)

d’après la proposition 96, et

ψt(Ad,⊥,Be,⊥) = ψt(A

d,Be)

158

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d’après le théorème 130 (principe de dualité), l’initialisation s’en déduit donc.Supposons le résultat vrai pour e ∈ {d+ 1, . . . ,n− d} fixé.Soit Be−1 un sous-espace rationnel de dimension e− 1, posons

c0 := ψt(Ad,Be−1)H(Be−1)n/(t(n−e+1))

de sorte que

ψt(Ad,Be−1) = c0H(Be−1)−n/(t(n−e+1)).

On applique le théorème du Going-up (théorème 143) avecH = 1

xt = n/(t+ n− e+ 1) > 0

yt := 0 > 0,

l’hypothèse

H(Be−1)ψt(Ad,Be−1) 6 c0H

−yt

étant vérifiée par définition de c0.D’après ce théorème, il existe un sous-espace rationnel Be ⊃ Be−1 et une constanteC4 > 0 tels que

ψt(Ad,Be) 6 c0C4H(Be)−n/(t(n−e+1))(n−e+1)/(n−e)

= c0C4H(Be)−n/(t(n−e)),

soit en utilisant l’hypothèse de récurrence

c0 > C4−1ψt(A

d,Be)H(Be)n/(t(n−e))

> C4−1C29H(Be)−n/(t(n−e))H(Be)n/(t(n−e))

= C4−1C29.

Ainsi, en posant C29 := C4−1C29, on a par définition de c0

ψt(Ad,Be−1) > C29H(Be−1)−n/(t(n−e+1)),

ce qui termine la récurrence, ainsi que le dernier cas qu’il restait à prouver, et doncla preuve de ce théorème. �

On en déduit le

Corollaire 158 Soient 0 < d,e tels que d+e 6 n, posons t := min(d,e). On supposeque

n > t(t+ n− d− e). (73)

Soit Ad un sous-espace de Rn tel que dim(Ad ∩Be) < t (et dim(Ad ∩Be) < t− 1 si(73) est une égalité) pour tout sous-espace rationnel Be.Alors il existe une infinité de sous-espace rationnels Be tels que

ψt(Ad,Be) 6 C29H(Be)−n/(t(t+n−d−e)).

De plus, l’exposant −n/(t(t+ n− d− e)) est le meilleur possible.

159

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Remarque 159 Lorsque t = 1, i.e. au moins l’un des sous-espaces est de dimension1, alors la condition (73) est toujours vérifiée car d+ e 6 n.Ainsi dans ce cas, excepté pour une détermination explicite de la constante C29,le corollaire 158 répond complètement au problème d’approximation diophantienneque nous nous étions posé.

Preuve.On applique le corollaire 151 avec j = t (ceci est possible car par hypothèse dim(Ad∩Be) < t pour tout sous-espace rationnel Be). Ce corollaire nous donne l’existenced’une infinité de sous-espaces rationnels Be tels que

ψt(Ad,Be) 6 C26H(Be)−(j+n−t)/(j(j+n−d−e)) = C26H(Be)−n/(t(t+n−d−e))

qui est ce nous souhaitions montrer.

Pour montrer la seconde assertion du corollaire, nous allons chercher à appliquer lethéorème 157. Pour cela il faut commencer par construire un corps totalement réelde degré n.D’après le théorème de Dirichlet sur les progressions arithmétiques de nombres pre-miers, il existe p premier tel que

p ≡ 1 (mod 2n).

Soit ζp une racine primitive p-ième de l’unité.On s’intéresse au corps

K := Q(ζp + ζp) ⊂ R.

Posons

P (X) := X2 − (ζp + ζp)X + 1 ∈ K[X].

On a

P (ζp) = ζp2 − ζp2 − |ζp|2 + 1 = 0,

or ζp /∈ K, donc [Q(ζp) : K] = 2.Par multiplicativité du degré, on a

[Q(ζp) : Q] = [Q(ζp) : K][K : Q] = 2[K : Q].

Or c’est un fait connu (qui se déduit de l’irréductibilité des polynômes cyclotomiques,qui est facile dans ce cas là car il suffit d’appliquer le critère d’Eisenstein) quel’extension cyclotomique Q(ζp)/Q est de degré ϕ(p) = p − 1, car p est premier (oùϕ est la fonction d’Euler).Ainsi,

[K : Q] =p− 1

2.

160

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L’extension Q(ζp)/Q est abélienne (car de groupe de Galois Gal(K/Q) = (Z/pZ)×

abélien), donc K qui est un sous-corps de Q(ζp) est une extension galoisienne de Q.En outre Gal(K/Q) est de cardinal [K : Q] = (p− 1)/2. Or p est congru à 1 modulon, donc

n | Card(Gal(K/Q)).

De plus, l’extension Q(ζp)/Q est cyclique (car de groupe de Galois Gal(K/Q) =(Z/pZ)× cyclique), donc K/Q est cyclique : Gal(K/Q) est un groupe cyclique.Il existe donc H un sous-groupe de Gal(K/Q) d’indice n.Posons finalement L := KH , l’ensemble des éléments de K fixes sous l’action dugroupe H.Le corps L, étant inclus dans K, est totalement réel (car tout plongement σ : L! Cpeut être étendu à K d’après le théorème fondamental de la théorie de Galois).Enfin, d’après le théorème de correspondance de Galois, on a

[L : Q] = [Gal(Q(ζp)/Q) : H] = n.

Le corps L construit est donc bien un corps de nombres de degré n totalement réel :il convient aux critères que nous avions fixés.On peut donc appliquer le théorème 157 avec ce corps L. D’après ce théorème, ilexiste Ad un sous-espace de Rn tel que pour tout sous-espace rationnel Be,

ψt(Ad,Be) > C29H(Be)−n/(t(n+t−d−e)),

et l’exposant trouvé est donc atteint. C’est ainsi le meilleur possible. �

7.5 Bornes inférieures

Étant donné un réel α, nous noterons

dαe :=

{α si α ∈ Zbαc+ 1 sinon

la partie entière supérieure de α, autrement dit l’entier dαe tel que

α 6 dαe < α + 1.

Notre but est d’énoncer le théorème 160 qui est un théorème similaire au théorème157. Celui-ci va cette fois permettre de minorer µ. Pour cela, nous aurons besoin dequelques lemmes et d’un autre théorème, avant de pouvoir énoncer celui-ci.Pour motiver ce qui va suivre, nous énonçons tout de même le théorème 160 quinous intéresse dès maintenant, nous le "prouverons" (en admettant de nombreuxlemmes cruciaux à sa preuve, la preuve de ces lemmes se trouvant dans l’article [19]de Schmidt) plus tard après le travail préliminaire annoncé.

161

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Théorème 160 Soient 0 < d,e tels que d+ e 6 n. Posons

m :=

⌈e(n− e) + 1

n+ 1− d− e

⌉.

Soit L un corps de nombres de degré ` > m. On suppose que L est réel.Alors il existe un sous-espace Ad de Rn, défini sur L, tel que pour tout sous-espacerationnel Be,

µ(Ad,Be) > C40H(Be)−`,

où C40 > 0 est une constante dépendant de n, d, e, L et Ad.

Lemme 161 Soient 0 < d,e tels que d+ e 6 n. Soient L ⊂ R un corps de nombresde degré ` et Ad un sous-espace de Rn défini sur L. On suppose que pour toutsous-espace rationnel Be, alors Ad ∩Be = {0}.Alors pour tout sous-espace rationnel Be, on a

µ(Ad,Be) > C40H(Be)−`.

Preuve.On a [L : Q] = `, notons τ1, . . . ,τ` les ` plongements de L dans C.Soit Ad un sous-espace de Rn défini sur L tel que Ad∩Be = {0} pour tout sous-espacerationnel Be. Donnons-nous Be un sous-espace rationnel de Rn.Posons

c0 := µ(Ad,Be)H(Be)`

de sorte que

µ(Ad,Be) = c0H(Be)−`. (74)

Notons (X1, . . . ,Xd) une base de Ad et (Y1, . . . ,Ye) une base de Be.Comme Be est un sous-espace rationnel, les Yi sont rationnels. Quitte à multiplier lesYi par une constante (par exemple le plus petit multiple commun des dénominateursdes coefficients des Yi), on peut supposer que les Yi sont à coordonnées entières.Quitte à diviser les coordonnées de Grassmann de Be par une constante, on peutsupposer qu’elles sont globalement premières entre elles. On notant b l’idéal associéaux Yi, engendré par les coordonnées de Grassmann de Be, on a

N(b) = 1.

D’après la proposition 135 et avec (74), on a

D(X1, . . . ,Xd,Y1, . . . ,Ye) = µ(Ad,Be)D(X1, . . . ,Xd)D(Y1, . . . ,Ye)

= c0H(Be)−`D(X1, . . . ,Xd)D(Y1, . . . ,Ye)

= c0H(Be)−`C44D(Y1, . . . ,Ye)

en posant C44 := D(X1, . . . ,Xd) une constante dépendant de Ad.

162

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Alors avec la proposition 102 et en se rappelant la définition du produit extérieur,on en déduit que tout mineur de taille (d+ e)× (d+ e) de la matrice dont les lignessont X1, . . . ,Xd,Y1, . . . ,Ye (appelons-la M) est de valeur absolue au plus égale à

c0H(Be)−`C44D(Y1, . . . ,Ye).

Comme 24 Ad ∩Be = {0} par hypothèse, Vect(Ad,Be) est de dimension d+ e et l’unau moins des mineurs de taille (d+ e)× (d+ e) de M est non nul. Notons ce mineurD0.Notons M0 la matrice (d+ e)× (d+ e) extraite de M en ne gardant que les colonnescorrespondant à D0. Notons comme nous l’avons déjà fait Λ(a,b) l’ensemble desparties à a éléments de {1, . . . ,b}, et ∆I,J(A) le mineur extrait d’une matrice A enne gardant que les lignes indexées par I et les colonnes indexées par J .Posons I := {1, . . . ,d}. Alors d’après la formule du développement de Laplace (pro-position 4), on a

D0 = det(M0) =∑

J∈Λ(d,d+e)

±∆I,J(M0)∆I,J(M0)

où K désigne le complémentaire de K dans {1, . . . ,d+ e}.Ainsi

D0 =∑J

±xJyJ (75)

avec xJ des mineurs de taille d × d de la matrice dont les lignes sont X1, . . . ,Xd etyJ des mineurs de taille e× e de la matrice dont les lignes sont Y1, . . . ,Ye.On note D0

τi le résultat de l’action de τi sur les coefficients de D0.On a avec la majoration (89) et la relation (18)

∏i=1

|D0τi | 6 c0C44H(Be)−`D(Y1, . . . ,Ye)

`

6 c0C44H(Be)−`N(b)`H(Be)`

= c0C44.

Il existe une constante t ∈ N\{0} telle que tous les xJt soient des entiers de L, doncavec la relation (75), on a tD0 entier algébrique (car les yJ sont entiers).Or

∏i=1

|D0τi | =

∣∣∣∣∣∏i=1

D0τi

∣∣∣∣∣ = NL/Q(D0),

24. Schmidt écrit ici Ad ∩Be 6= 0 au lieu de Ad ∩Be = {0}.

163

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Mémoire de M2 Elio Joseph

donc 25

∏i=1

|D0τi | = NL/Q(t−1tD0)

= NL/Q(t)−1NL/Q(tD0)

> NL/Q(t)−1

= t−`

car tD0 ∈ Z et t ∈ N \ {0}.Finalement,

c0 > t−`C44−1 =: C40,

et avec (74),

µ(Ad,Be) > C40H(Be)−`. �

Remarque 162 La fin de cette section dans l’article de Schmidt se situe plus dans ledomaine de la géométrie algébrique que dans celui de l’approximation diophantienne,et s’éloigne un peu des méthodes et thématiques de ce mémoire. Dans la suite decette partie, nous donnerons donc seulement les énoncés de lemmes et propositions,et nous renvoyons à [19] pour les preuves. Le point clef de cette section étant lethéorème 160 déjà énoncé, la fin de cette section (qui est surtout là pour donner unaperçu de la preuve de Schmidt) pourra être ignorée.

Donnons sans plus attendre un autre lemme.

Lemme 163 Soient L un corps de nombres de degré `, notons σ1, . . . ,σ` les ` plon-gements de L dans C. Soit

h(X(1), . . . ,X(`)) = (x(1)1 , . . . ,x(1)

s , . . . ,x(`)1 , . . . ,x(`)

s )

un polynôme à coefficients rationnels en s` variables, non identiquement nul.Alors il existe X ∈ Ls tel que

h(Xσ1 , . . . ,Xσ`) 6= 0

où Xσi représente l’action de σi sur les coefficients de X.

Comme annoncé, nous avons aussi besoin pour prouver le théorème 160 du

Théorème 164 Soient n, d, e et m comme dans le théorème 160. Soit L un corpsde nombres de degré ` > m.Alors il existe un sous-espace Ad de Ln tel que pour tout sous-espace rationnel Be

de Ln, Ad ∩Be = 0.

25. Ce qu’écrit Schmidt ici n’est pas rigoureusement exact.

164

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Remarque 165 Nous ne savons pas si la valeur dem du théorème 164 est optimale,ceci est (selon Schmidt dans [19]) un problème ouvert.

Nous ne donnerons pas la preuve du théorème 164, néanmoins nous développonstrès brièvement quelques notions de géométrie algébrique, notions qu’utilise Schmidtdans la preuve de ce théorème. Nous nous appuyons pour cela sur [4].

Définition 166 Soit L/K une extension de corps. Une famille B d’éléments de Lest une base de transcendance surK si la famille B est algébriquement indépendantesurK (i.e. pour tout entier n, pour tout polynôme f ∈ K[X1, . . . ,Xn] non nul et pourtous éléments b1, . . . ,bn distincts de B, f(b1, . . . ,bn) 6= 0) et qu’elle n’est contenuedans aucune autre famille de L d’éléments algébriquement indépendants sur K.

Proposition 167 Soit L/K une extension de corps. Toutes les bases de transcen-dance de L sur K ont même cardinal.

Définition 168 Soit L/K une extension de corps. On appelle degré de transcen-dance le cardinal des bases de transcendance de L sur K ; on le note degtr(L/K).

Parlons aussi un peu de variétés.

Définition 169 Si S ⊂ Cn est une variété algébrique, on note dimS le maximumdes dimensions de ses différentes composantes.

Pour tout sous-espace Ad de Cn, on notera γ(Ad) := Vect(Y ) le sous-espace dedimension 1 de CN associé (N =

(nd

)), où Y := (η1, . . . ,ηN) est le vecteur dont les

coordonnées sont les coordonnées de Grassmann de Ad.

Définition 170 On appelle variété de Grassmann, ou Grassmannienne, et note Gnd

l’ensemble

Gnd :=

⋃Ad⊂Cn

γ(Ad).

de CN , où N :=(nd

).

Proposition 171 L’ensemble Gnd est une variété de CN , définie sur Q, homogène

et de dimension d(n− d) + 1.

Définition 172 Soit Y ∈ Gnd ⊂ CN . On dit que Y est un point générique de Gn

d

sur Q si

degtr(Q(Y )/Q) = d(n− d) + 1.

Définition 173 Un sous-espace Ad de Cn est dit générique sur Q s’il existe dansγ(Ad) un point générique de Gn

d sur Q.

Définition 174 Une famille de ` sous-espaces Ad1, . . . ,Ad` est appelée `-uplet géné-rique s’il existe des points Yi ∈ γ(Adi ) pour tout i ∈ {1, . . . ,`} tels que

degtr(Q(Y1, . . . ,Y`)/Q) = `(d(n− d) + 1).

Cela signifie que (Y1, . . . ,Y`) est un point générique de (Gnd)`.

165

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Enfin, nous donnons un dernier lemme que nous admettons aussi, et qui sert dansla preuve que propose Schmidt du théorème 164.

Lemme 175 Soient n, d, e et m comme dans le théorème 164. Soient Ad1, . . . ,Admun m-uplet générique.Alors pour tout sous-espace Be de Cn, il existe i ∈ {1, . . . ,m} tel que

Be ∩ Adi = {0}.

Finalement, nous sommes équipés pour donner la preuve du théorème que nousavions énoncé en anticipation.

Preuve. (du théorème 160)D’après le théorème 164, il existe un sous-espace Ad défini sur L tel que pour toutsous-espace rationnel Be, Ad ∩Be = {0}.Alors d’après le lemme 161 (dont l’hypothèse est vérifiée d’après notre constructionde Ad), tout sous-espace rationnel Be vérifie

µ(Ad,Be) > C40H(Be)−`,

ce qui est exactement le résultat souhaité. �

On déduit alors immédiatement du théorème 160 le

Corollaire 176 Soient n, d, e et m comme dans le théorème 160. Il existe un sous-espace Ad de Rn tel que

µ(Ad,Be) > C41H(Be)−m

pour tout sous-espace rationnel Be.

Preuve.On considère le corps

L := Q(m√

2),

qui est un corps de nombres réel de degré m.D’après le théorème 160, on a exactement l’inégalité voulue pour tout sous-espacerationnel Be. �

On obtient aussi assez rapidement le

Corollaire 177 Soient n, d, e et m comme dans le théorème 160. Posons t :=min(d,e) et soit i ∈ {1, . . . ,t}.Alors il existe un sous-espace Ad de Rn tel que pour tout sous-espace rationnel Be,on a

ψi(Ad,Be) > C42H(Be)−m/i.

166

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Preuve.Par définition de µ, on a

µ =t∏

j=1

ψj 6i∏

j=1

ψj

car les ψj sont à valeurs dans [0,1].Or d’après le lemme 124, on a pour tout j,

λj > λj+1,

donc

ψj 6 ψj+1,

et donc

µ 6 ψii.

D’après le corollaire 176, il existe un sous-espace Ad de Rn tel que pour tout sous-espace rationnel Be, on ait

µ(Ad,Be) > C41H(Be)−m,

ainsi en posant C42 := C41−i, on a pour tout sous-espace rationnel Be,

ψi(Ad,Be) > C42H(Be)−m/i. �

7.6 Un cas particulier

D’après le cas d = e = t = 1 du corollaire 158, il existe A1 un sous-espace de R2 quin’est pas défini sur Q tel qu’il existe une infinité de sous-espaces rationnels vérifiant

ψ1(A1,B1) 6 C29H(B1)−2,

et d’après ce même corollaire, l’exposant −2 est le meilleur possible.Nous allons ici donner une variante du théorème 70 de Hurwitz, qui précisera no-tamment la valeur de la constante C29 dans notre cas.

Théorème 178 Soit α := (√

5− 1)/2 et soient A11, . . . ,A

14 (voir figure 6) les droites

d’équations respectives x1 − αx2 = 0

αx1 − x2 = 0

x1 + αx2 = 0

αx1 + x2 = 0.

167

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Etant donné A1 ⊂ R2 où A1 est une droite vectorielle qui n’est ni rationnelle, niparmi A1

1, . . . ,A14, il existe une infinité de droites vectorielles rationnelles B1 telles

que

ψ1(A1,B1) <1√

5H(B1)2, (76)

et 5−1/2 est la plus petite constante possible.Si A1 est au contraire parmi A1

1, . . . ,A14, alors pour tout ε > 0, il existe une infinité

de droites vectorielles rationnels B1 tels que

ψ1(A1,B1) 61√

5H(B1)2+

(1√500

+ ε

)1

H(B1)6, (77)

et les constantes 5−1/2 et 500−1/2 sont les plus petites possibles.

Figure 6 – Les quatre droites A11, . . . ,A

14 dans le plan

Preuve.Comme A1 est une droite vectorielle non rationnelle, A1 n’est pas parallèle à l’axedes abscisses. Notons (β,1) le point d’intersection de A1 et de la droite x2 = 1. Parsymétrie du problème, on peut supposer β > 0.

168

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Soit B1 une droite rationnelle, il existe deux entiers p et q premiers entre eux telsque (p,q) ∈ B1. Quitte à inverser les axes, on peut supposer que q 6= 0.Posons

s(p/q,β) =

√1 + (p/q)2

1 + β2.

Comme nous l’avons déjà fait au début de l’étude de cet article, notons ϕ l’anglegéométrique entre A1 et B1. On a par définition de ψ,

ψ1(A1,B1) = sin(ϕ)

=‖~a ∧~b‖‖~a‖ · ‖~b‖

où ~a et ~b sont des vecteurs directeurs de A1 et B1 respectivement.Ainsi,

ψ1(A1,B1) =|βq − p|√

1 + β2√p2 + q2

=q |β − p/q|

1/q√

1 + β2√

1 + (p/q)2

=q2 |β − p/q|p2 + q2

s(p/q,β).

On distingue alors trois cas.

Premier cas. On suppose que β n’est pas équivalent à α (dans le sens que nous avonsexplicité lors de notre développement de la théorie des fractions continues).Alors d’après le théorème 71, il existe une suite (pn/qn) de rationnels (qui sont enfait les réduites de β) telle que

∀n > 0,

∣∣∣∣β − pnqn

∣∣∣∣ < 1

qn2√

8.

On a doncpnqn−−−!n!∞

β,

d’où

s(pn/qn,β) −−−!n!∞

1.

Ainsi, pour n suffisamment grand on a

ψ1(A1,B1) <1√

8(p2 + q2)

61√

5H(B1)2

169

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Mémoire de M2 Elio Joseph

car H(B1)2 = p2 + q2 d’après la remarque 5.1.Le théorème est alors prouvé dans ce cas, car l’infinité de droites vectorielles ration-nelles B1

n := Vect((pn,qn)) convient en prenant (pn,qn) comme définit précédemment.

Deuxième cas. On suppose que β est équivalent à α et que β /∈ {α,α−1} (ce quicorrespond à A1 /∈ {A1

1,A12}).

D’après le théorème 59, il existe r > 0 et b0, . . . ,br tels que br > 1 et tels que ledéveloppement en fraction continue de β soit

β = [b0, . . . ,br,1,1, . . .].

Quitte à échanger les deux axes de notre repère, on peut remplacer au besoin β parβ−1, et ainsi supposer que r est impair.Notons pour n > 0, pn/qn la n-ième réduite de β. Alors d’après le lemme 40 écritspécialement pour l’occasion, on a 26

qrqr+1

= [0,1,br, . . . ,b0]

> [0,1,1, . . . ,1]

> α

car br > 1 et en calculant le développement en fraction continue de α : α = [0,1,1, . . .].Si n > r et que qn/qn+1 > α, alors (la première ligne provenant du lemme 40)

qn+1

qn+2

=1

1 +qnqn+1

<1

1 + α

= α.

De même, si qn/qn+1 < α, alors qn+1/qn+2 > α.Ainsi, une récurrence immédiate montre (car r est impair) que si n > r est pair,alors qn−1/qn > α.D’après la proposition 43, on a aussi que si n > r est pair, alors pn/qn < β, et donc

s(pn/qn,β) < 1.

On réutilise ici les notations que nous avions utilisées dans la partie sur les fractionscontinues. En particulier, on note an := pn/qn la n-ième réduite de β, ainsi quea′n := [an,an+1, . . .] le n-ième quotient complet de la fraction continue. On pose aussiq′n+1 = a′n+1 + qn + qn−1.

26. Schmidt omet le "b0" ici, et il écrit ’[0,1,1, . . .]" au lieu de "[0,1, . . . ,1]"

170

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Alors d’après l’égalité (6), on a∣∣∣∣β − pnqn

∣∣∣∣ qn2 =qn

2

qnq′n+1

<qn

(1 + α)qn + qn−1

=1

1 + α + qn−1/qn

=1√

5 + qn−1/qn − α

<1√5

car n est pair donc qn−1/qn > α.Comme dans le premier cas, le résultat du théorème est toujours vrai ici carH(B1)2 =p2 + q2 et tous les B1

n := Vect((pn,qn)) conviennent.La différence par rapport au premier cas, c’est qu’ici la contante 1/

√5 est optimale

carqn−1

qn−−−!n!∞

α.

Troisième cas. Le dernier cas qu’il reste à traiter est β ∈ {α,α−1}.Même remarque que dans le deuxième cas, on peut sans perte de généralité supposerβ = α.Supposons qu’une des deux inégalités (76) ou (77) soit vraie pour un sous-espacevectoriel rationnel B1 = Vect((p,q)) tel que q est suffisamment grand (q > q0(δ), uneconstante dépendant d’un paramètre δ), alors s(p/q,α) peut être choisi aussi prochede 1 que l’on veut :

1

s(p/q,β)< 1 + δ

√5

avec δ > 0. Ainsi, ∣∣∣∣α− p

q

∣∣∣∣ =ψ1(A1,B1)(p2 + q2)

q2s(p/q,α)

<1√5q2

(1 + δ√

5)

=

(1√5

+ δ

)1

q2.

Donc d’après le théorème 52 qui dit que les réduites fournissent les meilleures ap-proximations rationnelles, nous pouvons considérer ici uniquement les sous-espacesrationnels B1

n := Vect((pn,qn)) où pour n > 1, pn/qn est la n-ième réduite de α.C’est cette remarque qui donne que les constantes de l’égalité (77) sont les meilleurespossibles, car la construction que nous faisons est la plus optimale possible.

171

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Mémoire de M2 Elio Joseph

Posons δn := pn/qn − α et εn := sgn(δn).On a (la première ligne du calcul s’obtient de façon identique à ce que nous avonsdéjà fait dans le deuxième cas) car qn−1 = pn, pn/qn étant les réduites de α :

δn =εn

qn2(√

5 + qn−1/qn − α)

=εn

qn2(√

5 + pn/qn − α)

=εn

qn2(√

5 + δn).

Or

δn =εn

qn2(√

5 + δn)⇐⇒ δnqn

2(√

5 + δn) = εn

⇐⇒ qn2δn

2 +√

5qn2δn − εn = 0,

ce qui nous ramène à résoudre une équation du second degré en δn. Son discriminantest

5qn4 + 4qn

2εn = qn2(5qn

2 + 4εn),

ainsi en ne considérant que la solution positive :

δn =−√

5qn2 +

√qn2(5qn2 + 4εn)

2qn2

= −√

5

2+

√5qn2 + 4εn

2qn

= −√

5

2+

√5

2

√1 +

4εn5qn2

.

Comme pn/qn sont les réduites de α, on a d’après la proposition 46 que

qn −−−!n!∞

+∞,

donc en utilisant le développement limité

√1 + x = 1 +

x

2− x2

8+x3

16+ O

x!0(x4),

on obtient

δn = −√

5

2+

√5

2

(1 +

4εn2 · 5qn2

− 16εn2

8 · 25qn4+

64εn3

16 · 125qn6+ O

n!∞

(1

qn8

))=√

5

(εn

5qn2− 1

25qn4+

2εn125qn6

)+ O

n!∞

(1

qn8

)=

εn√5qn2

(1− εn

5qn2+

2

25qn4

)+ O

n!∞

(1

qn8

).

172

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Mémoire de M2 Elio Joseph

D’autre part on a

s(pn/qn,α) =

√1 + (pn/qn)2

1 + α2

=

√1 + (δn + α)2

1 + α2

=

√1 + δn

2 + 2δnα + α2

1 + α2

=

√1 +

δn(δn + 2α)

1 + α2.

Par définition de δn et avec le théorème 51, on a

δn −−−!n!∞

0,

ainsi on peut encore une fois utiliser le développement limité de√

1 + x pour x auvoisinage de 0, pour trouver

s(pn/qn,α) = 1 +δn(δn + 2α)

2(1 + α2)− δn

2(δn + 2α)2

8(1 + α2)2+ O

n!∞(δn

3).

Il est alors utile pour continuer le calcul de connaître les trois valeurs suivantes :

α =

√5− 1

2,

α2 =5 + 1− 2

√5

4=

3

2−√

5

2,

et

α4 =9

4+

5

2− 2 · 3

√5

4=

7

2− 3√

5

2.

Nous reprenons le calcul où nous l’avons laissé :

s(pn/qn,α) = 1 +δn(δn +

√5− 1)

2(1 + 32−√

52

)− δn

2(δn2 + 4α2 + 4αδn)

8(1 + α4 + 2α2)+ O

n!∞(δn

3)

= 1 +

√5− 1

5−√

5δn +

1

5−√

5δn

2 − 6− 2√

5

8(1 + 72− 3

2

√5 + 3−

√5)δn

2 + On!∞

(δn3)

= 1 +(√

5− 1)(√

5 + 1)

(5−√

5)(√

5 + 1)δn +

(1

5−√

5− 3−

√5

4(152− 5

2

√5)

)δn

2 + On!∞

(δn3)

= 1 +5− 1

5√

5 + 5− 5−√

5δn +

(1

5−√

5− 3−

√5

30− 10√

5

)δn

2 + On!∞

(δn3)

= 1 +1√5δn + (?)δn

2 + On!∞

(δn3)

173

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Mémoire de M2 Elio Joseph

avec

(?) :=1

5−√

5− 3−

√5

30− 10√

5

=30− 10

√5− (5−

√5)(3−

√5)

(5−√

5)(30− 10√

5)

=30− 10

√5− 15 + 5

√5 + 3

√5− 5

150− 50√

5− 30√

5 + 50

=10− 2

√5

200− 80√

5

=(5−

√5)(100 + 40

√5)

(100− 40√

5)(100 + 40√

5)

=500 + 200

√5− 100

√5− 200

10000− 8000

=300 + 100

√5

2000

=3 +√

5

20.

Ce qui donne finalement

s(pn/qn,α) = 1 +1√5δn +

3 +√

5

20δn

2 + On!∞

(δn3).

Nous pouvons alors revenir au calcul initial en nous servant des deux développementslimités que nous venons d’établir.On a en remarquant que |δn| = εnδn :

H(B1n)2ψ1(A1,B1

n) = |δn| qn2s(pn/qn,α)

= εnδnqn2

(1 +

1√5δn +

3 +√

5

20δn

2 + On!∞

(δn3)

)

= qn2

(εnδn +

εnδn2

√5

+ εnδn3 3 +

√5

20+ O

n!∞(δn

4)

)en utilisant le développement limité de s(pn/qn,α).Maintenant en utilisant celui de δn, on trouve

εnδn =1√5qn2

(1− εn

5qn2+

2

25qn4

)+ O

n!∞

(1

qn8

),

εnδn2 =

εn5qn4

(1− 2εn

5qn4

)+ O

n!∞

(1

qn8

),

εnδn3 =

1

5√

5qn6+ O

n!∞

(1

qn8

)174

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Mémoire de M2 Elio Joseph

et

On!∞

(δn4) = O

n!∞

(1

qn8

).

Finalement,

H(B1n)2ψ1(A1,B1

n) = qn2

(1√5qn2

(1− εn

5qn2+

2

25qn4

)+

εn

5√

5qn4

(1− 2εn

5qn2

)

+3 +√

5

20

1

5√

5

1

qn6+ O

n!∞

(1

qn8

))

=1√5

(1− εn

5qn2+

2

25qn4+

εn5qn2

(1− 2εn

5qn2

)+

3 +√

5

100

1

qn4

)+ O

n!∞

(1

qn6

)

=1√5

(1 +

3 +√

5

100qn4

)+ O

n!∞

(1

qn8

).

De plus, on a

qn2

pn2 + qn2=

1

1 + (pn/qn)2−−−!n!∞

1

1 + α2

donc

qn2 ∼n!∞

(pn2 + qn

2)1

1 + α2= H(B1

n)2 1

1 + α2,

et

1

qn4∼

n!∞

1

H(B1n)4

(1 + α2)2

ainsi que

On!∞

(1

qn6

)= O

n!∞

(1

H(B1n)6

).

Ceci nous donne en reprenant le calcul principal

H(B1n)2ψ1(A1,B1

n) =1√5

(1 +

3 +√

5

100qn4

)+ O

n!∞

(1

qn8

)

=1√5

(1 +

3 +√

5

100

(1

H(B1n)4

(1 + α2)2 + On!∞

(1

H(B1n)4

)))

+ On!∞

(1

H(B1n)6

),

175

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Mémoire de M2 Elio Joseph

or

3 +√

5

100(1 + α2)2 =

3 +√

5

100

(1 +

3

2−√

5

2

)2

=3 +√

5

100

(25

4+

5

4− 5√

5

2

)

=3 +√

5

100

(15

2− 5√

5

2

)

=(3 +

√5)(3−

√5)

20 · 2=

9− 5

40

=1

10.

Donc finalement

H(B1n)2ψ1(A1,B1

n) =1√5

+1√500

1

H(B1n)4

+ On!∞

(1

H(B1n)6

)ce qui conclut la preuve de ce théorème. �

7.7 Commentaires

Soient d,e > 0 tels que d+ e 6= n. Posons t := min(d,e) ; soit i 6 t.Soit Ad un sous-espace de Rn tel que Ad∩Be = {0} pour tout sous-espace rationnelBe.D’après le théorème 147 (en faisant tendre H ! ∞), il existe une infinité de sous-espaces rationnels Be tels que

ψi(Ad,Be) 6 C24H(Be)−C25 .

Notons C49 = C49(n,d,e,i) la valeur (dépendant de n, d, e et i) de la plus grandepuissance C25 telle que ce résultat soit vrai. La détermination de C49 est un problèmeouvert à ce jour.Ce problème est résolu dans le cas i = t par le corollaire 158 sous l’hypothèse

n > t(t+ n− d− e), (78)

qui est toujours vérifiée lorsque t = 1.

Nous nous sommes ici placés dans le cas d’un sous-espace Be rationnel, mais il seraitpossible de généraliser cela (et c’est ce que fait d’ailleurs Schmidt dans son article) àdes sous-espaces Be définis sur K un corps de nombres. Cependant, si la conjecturesuivante de Schmidt est vraie, la détermination de C49 dans le cas particulier K = Qrépondrait totalement au problème.

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Conjecture 179 (W. M. Schmidt) La constante C49 est indépendante du corpsK sur lequel est défini Be.

Schmidt prédit aussi que C49(n,d,e,i) est une fonction symétrique en d et e.

Remarque 180 Nous discutons ici de l’invariant ψ, mais des problèmes et desconjectures similaires existent si on s’intéresse à l’invariant µ.

Le cas encore ouvert le plus simple est celui de l’approximation d’un plan par unautre dans R4 (n = 4, d = e = t = 2). La condition (78) est alors vérifiée, doncd’après le corollaire 158, on a

C49(4,2,2,2) = 1,

cependant C49(4,2,2,1) est inconnue.D’après les corollaires 151 et 27 177, on sait seulement que

3 6 C49(4,2,2,1) 6 5.

Nous pouvons aussi classifier les sous-espaces Ad de Rn. Etant donnés d,e > 0 fixéstels que d+ e 6 n, i ∈ {1, . . . ,t} avec t := min(d,e) et C > 0, on définit C(n,d,e,i,C)l’ensemble des sous-espaces Ad ⊂ Rn tels qu’il existe C∗ (dépendant de Ad) et uneinfinité de sous-espaces rationnels Be tels que

ψi(Ad,Be) 6 C∗H(Be)−C .

D’après la proposition 98 et le lemme 138, la classe C(n,d,e,i,C) est invariante sousl’action des transformations linéaires rationnelles.Cette classification permet de généraliser la classification des nombres réels irration-nels.

Donnons une autre classification des sous-espaces de Rn. Notons cette fois-ci D(d)l’ensemble des sous-espaces Ad ⊂ Rn tels que pour tout ε > 0 et tout C > 0, iln’existe qu’un nombre fini de sous-espaces rationnels B1 tels que

ψ1(Ad,B1) 6 CH(B1)−n/(n−d)−ε. (79)

Moralement, cela signifie que le sous-espace Ad est mal approché par les droitesrationnelles. Nous allons voir que ceci conduit Ad à être au contraire bien approchépar des espaces de plus grande dimension.On remarque que, comme dans le paragraphe précédent, la classe D(d) est invariantesous l’action des transformations linéaires rationnelles.D’après le théorème 141 (et surtout la remarque qui en découle), si Ad ne contientpas de sous-espace rationnel Be, alors il existe une infinité de sous-espaces rationnelsB1 ⊂ Be tels que

ψe(Ad,Be) 6 C1H(B1)−1H(Be)−d/(e(n−d)). (80)

27. Et non celui d’avant comme le dit Schmidt.

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En renversant l’inégalité (79) de notre hypothèse, pour tout C > 0 et tout ε > 0, ilexiste une infinité de sous-espaces rationnels B1 tels que

H(B1)−1 6

(1

Cψ1(Ad,B1)

)(n−d)/(n+ε(n−d))

.

Comme ψ1(Ad,B1) 6 ψe(Ad,Be), on trouve en manipulant l’égalité (80) :

ψe(Ad,Be)1−(n−d)/(n+ε(n−d)) 6 CH(Be)−d/(e(n−d))

où C est une constante dépendant de C1 et C. Quitte à bien choisir C, on peutimposer C = 1, ce qui nous donne finalement

ψe(Ad,Be) 6 H(Be)−(d/(e(n−d)))(1−(n−d)/(n+ε(n−d)))−1

= H(Be)−(d/(e(n−d)))((n−n+d)/(n+ε(n−d)))−1

= H(Be)−(d/(e(n−d)))((n+ε(n−d))/d)

= H(Be)−n/(e(n−d))+ε

pour une infinité de sous-espaces rationnels Be.On peut alors remarquer que l’exposant est nettement amélioré (d’un facteur n/d)par rapport au corollaire 148 pour les sous-espaces Ad ∈ D(d) qui ne contiennentpas de sous-espace rationnel.

Donnons une dernière une généralisation proposée par Schmidt. Nous pourrions danscette étude changer le corps Q sur lequel est défini Be par un corps qui ne seraitpas forcément un corps de nombres (le cas des corps de nombres étant traité parSchmidt), par exemple un corps de fonctions, et se placer dans un espace qui neserait pas forcément euclidien (ni hermitien comme le fait Schmidt).

Pour terminer, résumons en un petit paragraphe le résultat que nous avons ob-tenu. Soient e,d ∈ {1, . . . ,n − 1} tels que d + e 6 n. Posons t := min(d,e) et soiti ∈ {1, . . . ,t}. On note comme dans l’introduction µ(e,i,d) la borne supérieure desexposants β tels qu’il existe une constante α > 0 telle que pour tout sous-espace Adne contenant pas de sous-espace rationnel, on ait

ψi(Ad,Be) 6 α

1

H(Be)β

pour une infinité de sous-espaces rationnels Be.Alors on a montré que

d(n− i)i(n− d)(n− e)

6 µ(e,i,d) 61

i

⌈e(n− e) + 1

n+ 1− d− e

⌉,

les deux bornes pouvant être améliorées dans certains cas particuliers.

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