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162 Outils et repères Bac 2 e /1 re – Livre du professeur XIX e siècle Le réalisme et le naturalisme OBJECTIFS ET ENJEUX • Comprendre les origines et l’essor de ces mouvements littéraires. • Identifier leurs caractéristiques dominantes. • Apprécier la spécificité de chacun de ces deux mouvements. LECTURE D’IMAGE p. 178 www.reperes.francaislycee.magnard.fr Ressource numérique Image en gros plan Le manuel numérique enrichi complète l’étude d’œuvre proposée ci-dessous en vous offrant la possibilité de zoomer sur ce tableau d’Edgar Degas afin d’en observer les détails. L’œuvre d’Edgard Degas (1834-1917) se développe en marge du mouvement impressionniste, avec lequel il est souvent associé et qui a contribué à le faire connaître. D’un milieu bourgeois et cultivé, Degas a rencontré Dominique Ingres, dans le cadre de ses études : il voue une grande admiration à ce peintre classique, même s’il admire aussi l’œuvre romantique d’Eugène Delacroix. C’est après 1870 qu’il fréquente Manet et ses amis : les univers de la musique et de la danse l’inspirent surtout, mais il développe aussi un goût de la scène de genre, comme le montre le tableau ici présenté, qui témoigne de l’influence naturaliste. Il s’associe aux expositions des peintres impressionnistes entre 1874 et 1886. À partir de 1893, ses problèmes de vue, qui devaient le conduire à la cécité, l’amènent à renoncer à la peinture à l’huile, pour privilégier d’autres techniques, surtout pastels et fusains. Edgar Degas a consacré toute une série de tableaux à l’univers modeste des repasseuses : seul Daumier, avant lui, s’y était intéressé. L’artiste fait ainsi écho aux préoccupations des écrivains naturalistes : on pense surtout à L’Assommoir de Zola, qui, en 1877, décrit la déchéance progressive d’une modeste ouvrière devenue patronne d’une blanchisserie, Gervaise. Le tableau qui nous intéresse ici fait partie d’une série de quatre variations présentant une composition toujours quasiment identique : une figure baillant, et une autre travaillant avec force. Une de ces variations est présentée au Musée d’Or- say. un document sur le dur labeur des ouvrières C’est une scène de la vie quotidienne que l’artiste a ici saisi, les gestes de deux ouvrières au travail. Au premier plan, la table de travail des ouvrières qui délimite tout l’espace de leur vie : le linge éblouis- sant de blancheur y est disposé tout comme les récipients qui contiennent sans doute de l’eau ; Au deuxième plan, les deux ouvrières, cadrées en trois quart. Tout dans leur posture suggère la diffi- culté de leur travail. L’une, à droite, les bras tendus, le dos voûté, la tête basse, appuie fortement sur le fer qui lisse le linge blanc. L’autre, épuisée, s’est arrêtée momentanément, et ouvre la bouche, tout en renversant la tête, dans un large bâillement : elle se tient la tête de son bras gauche, avec un geste qui évoque une immense lassitude, celle d’un corps qui se détend, après un effort soutenu. Les ouvrières sont comme attachées à leur table de travail : on ne devine rien de la pièce qui les entoure et le mur, au dernier plan, qui forme leur unique hori- zon, est peint avec un dégradé de tons ocres, dans une texture épaisse et comme granuleuse, laissant apercevoir par moments la toile même, Un témoignage empreint de compassion et de tendresse Dans cette scène saisie sur le vif, le regard de l’artiste se pose sur les deux ouvrières sans la moindre ironie. On devine même une certaine empathie dans ce regard appuyé sur deux corps épuisés, mais qui ne sont pas déformés encore par le travail ou par l’âge. Le débraillé de la tenue des blanchisseuses (col ouvert, manches courtes, en chemises) contribue à faire ressortir la difficulté de la tâche, causée par la chaleur écrasante des fers – comme celle du poêle à bois, dont on devine la haute silhouette coupé par le bord droit de la toile. L’artiste donne à voir la contrepartie fatal d’un tel épuisement : une repasseuse tient à la main une bou- teille de vin, à demi masquée par la table. On devine ici tout l’univers de Gervaise : la boisson comme exu- toire, pour oublier un labeur insupportable. PROLONGEMENTS Consulter le site du Musée d’Orsay pour lire la notice complète de la variante des Repasseuses qui y est présentée. Le chapitre 5 de L’Assommoir de Zola, qui ouvre des aperçus sur la boutique de Gervaise et le dur travail des ouvrières blanchisseuses.

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Outils et repères Bac 2e/1re – Livre du professeur

xixe siècle Le réalisme et le naturalisme

OBJECTIFS ET ENJEUX• Comprendre les origines et l’essor de ces mouvements littéraires.• Identifier leurs caractéristiques dominantes.• Apprécier la spécificité de chacun de ces deux mouvements.

Lecture D’image p. 178

www.reperes.francaislycee.magnard.fr

Ressource numérique

image en gros planLe manuel numérique enrichi complète l’étude d’œuvre proposée ci-dessous en vous offrant la possibilité de zoomer sur ce tableau d’Edgar Degas afin d’en observer les détails.

L’œuvre d’Edgard Degas (1834-1917) se développe en marge du mouvement impressionniste, avec lequel il est souvent associé et qui a contribué à le faire connaître. D’un milieu bourgeois et cultivé, Degas a rencontré Dominique Ingres, dans le cadre de ses études : il voue une grande admiration à ce peintre classique, même s’il admire aussi l’œuvre romantique d’Eugène Delacroix. C’est après 1870 qu’il fréquente Manet et ses amis : les univers de la musique et de la danse l’inspirent surtout, mais il développe aussi un goût de la scène de genre, comme le montre le tableau ici présenté, qui témoigne de l’influence naturaliste. Il s’associe aux expositions des peintres impressionnistes entre 1874 et 1886. À partir de 1893, ses problèmes de vue, qui devaient le conduire à la cécité, l’amènent à renoncer à la peinture à l’huile, pour privilégier d’autres techniques, surtout pastels et fusains.Edgar Degas a consacré toute une série de tableaux à l’univers modeste des repasseuses : seul Daumier, avant lui, s’y était intéressé. L’artiste fait ainsi écho aux préoccupations des écrivains naturalistes : on pense surtout à L’Assommoir de Zola, qui, en 1877, décrit la déchéance progressive d’une modeste ouvrière devenue patronne d’une blanchisserie, Gervaise. Le tableau qui nous intéresse ici fait partie d’une série de quatre variations présentant une composition toujours quasiment identique : une figure baillant, et une autre travaillant avec force. Une de ces variations est présentée au Musée d’Or-say.

un document sur le dur labeur des ouvrières

C’est une scène de la vie quotidienne que l’artiste a ici saisi, les gestes de deux ouvrières au travail.

Au premier plan, la table de travail des ouvrières qui délimite tout l’espace de leur vie : le linge éblouis-sant de blancheur y est disposé  tout comme les récipients qui contiennent sans doute de l’eau ;Au deuxième plan, les deux ouvrières, cadrées en trois quart. Tout dans leur posture suggère la diffi-culté de leur travail. L’une, à droite, les bras tendus, le dos voûté, la tête basse, appuie fortement sur le fer qui lisse le linge blanc. L’autre, épuisée, s’est arrêtée momentanément, et ouvre la bouche, tout en renversant la tête, dans un large bâillement : elle se tient la tête de son bras gauche, avec un geste qui évoque une immense lassitude, celle d’un corps qui se détend, après un effort soutenu.Les ouvrières sont comme attachées à leur table de travail : on ne devine rien de la pièce qui les entoure et le mur, au dernier plan, qui forme leur unique hori-zon, est peint avec un dégradé de tons ocres, dans une texture épaisse et comme granuleuse, laissant apercevoir par moments la toile même,

Un témoignage empreint de compassion et de tendresse

Dans cette scène saisie sur le vif, le regard de l’artiste se pose sur les deux ouvrières sans la moindre ironie. On devine même une certaine empathie dans ce regard appuyé sur deux corps épuisés, mais qui ne sont pas déformés encore par le travail ou par l’âge.Le débraillé de la tenue des blanchisseuses (col ouvert, manches courtes, en chemises) contribue à faire ressortir la difficulté de la tâche, causée par la chaleur écrasante des fers – comme celle du poêle à bois, dont on devine la haute silhouette coupé par le bord droit de la toile.L’artiste donne à voir la contrepartie fatal d’un tel épuisement : une repasseuse tient à la main une bou-teille de vin, à demi masquée par la table. On devine ici tout l’univers de Gervaise : la boisson comme exu-toire, pour oublier un labeur insupportable.

PRoLongements

• Consulter le site du Musée d’Orsay pour lire la notice complète de la variante des Repasseuses qui y est présentée.• Le chapitre 5 de L’Assommoir de Zola, qui ouvre des aperçus sur la boutique de Gervaise et le dur travail des ouvrières blanchisseuses.

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Le réalisme et le naturalisme

Qu’est-ce Que Le rÉaLisme et Le naturaLisme ? p. 179

PISTeS D’exPLoITATIon

Le questionnaire suivant permettra de s’assurer que les pré-requis nécessaires pour comprendre la page sont maîtrisés par les élèves, d’insister sur les informations clefs, et d’approfondir.

1 Contre quel mouvement littéraire réagissent les écrivains réalistes et naturalistes ? Quelles en sont les caractéristiques principales ?

2 Sur le plan historique et politique, quel régime coïncide en France avec l’apogée du réalisme ? Du naturalisme ?

3 Ces mouvements littéraires coïncident avec un bouleversement des structures sociales et économiques : comment appelle-t-on cette métamorphose ?

4 Citez les domaines scientifiques dans lesquels sont réalisés des progrès significatifs au xixe siècle, qui influencent les écrivains réalistes et naturalistes.

5 Aquel milieu social s’intéressent surtout les écrivains réalistes ? Quelle classe sociale entre en littérature avec les écrivains naturalistes ?

6 Comment expliquer l’expression « roman-laboratoire », employée pour caractériser le roman naturaliste ?

7 Quels écrivains du début du xixe siècle sont considérés plutôt comme des précurseurs du réalisme ?

8 Quelle est l’ambition romanesque de Zola avec le cycle des Rougon-Macquart ?

9 Quelle célèbre nouvelle de Maupassant s’inscrit dans le contexte historique de la guerre avec la Prusse et qui en est le personnage principal ?

10 Qui est le théoricien et le porte-parole du mouvement naturaliste ?

artistes et Œuvres cLeFs pp. 180-181

PISTeS D’exPLoITATIon

Le questionnaire suivant permettra de souligner les particularités et la cohérence du mouvement littéraire concerné, et de mettre les auteurs (ou les œuvres) en rapport.

1 Quel artiste peintre a fécondé toute l’école réaliste et fait révolution avec un tableau majeur, qui marque un virage esthétique ?

2 Parmi les écrivains cités, lesquels se définissent comme des naturalistes ? Lesquels sont des réalistes ?

3 Qu’ont de comparable dans leur ambition les œuvres de Balzac et de Zola ? 

4 Quels écrivains se sont intéressés à une étude quasi médicale des personnages (névrose, hystérie, hérédité ?

5 Quel écrivain a progressivement pris ses distances par rapport à l’esthétique naturaliste ?

6 Lesquels, parmi ces artistes ont eu une action et une œuvre proprement politiques ?

7 Relevez des titres d’œuvres caractéristiques, qui témoignent du projet réaliste ou naturaliste.

8 Comparez les dates de la biographie de Stendhal et celles de Huysmans : que remarquez-vous  et qu’en déduisez-vous ?

genres et registres pp. 182-185

oBjet d’Étude 2e – Le roman et la nouvelle

1. L’INCIPIT D’une nouVeLLe nATurALISTe

La présentation d’un milieu

Cet incipit de nouvelle naturaliste est fortement architecturé. On y trouve d’abord la présentation du lieu principal de l’action, puis celle des personnages.Dans une démarche documentaire, le narrateur s’at-tache à donner de nombreuses informations sur le milieu social qui l’intéresse ici, des paysans enrichis. La maison est donc présentée avec précision, et plusieurs indices lexicaux permettent de faire res-sortir l’ambivalence sociale du lieu : « demi-ferme, demi manoir » ou « une de ces habitations rurales mixtes ». Cette maison devient donc significative d’une classe sociale en pleine ascension et de ses ambitions. Mais le narrateur s’attache aussi à faire ressortir une ambiance particulière, celle d’un jour de chasse, grâce à de petites indications de mouve-ment et de bruit : « les chiens… aboyaient et hur-laient à la vue des carnassières ». Cette scène de chasse rassemble, chez les Hautot, qui donnent leur nom à la nouvelle, toute une petite bourgeoisie locale, identifiée par ses métiers : « M. Bermont, le percepteur, et M. Mondaru, le notaire… ».

La découverte d’un personnage typé

Mais l’intérêt principal de cet incipit consiste dans la présentation d’un des personnages clefs de la nou-velle, le propriétaire des lieux, M. Hautot. Le portrait, à la fois physique et moral, dessine en quelques mots une silhouette imposante. La périphrase « un grand Normand », qui le caractérise par son appar-tenance à un terroir, lance la description physique : il

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Outils et repères Bac 2e/1re – Livre du professeur

est ainsi montré comme une force de la nature grâce au jeu des adjectifs (« puissants, sanguins, osseux ») et à l’anecdote : « … un de ces hommes […] qui lèvent sur leurs épaules des voitures de pommes ». À ce réalisme géographique, il faut ajouter ensuite le réalisme social, avec l’expression « demi-paysan, demi-monsieur » qui éclaire bien tout l’itinéraire social du personnage, en parfaite harmonie avec sa maison. L’éducation donnée par ce paysan enrichi à son fils est d’ailleurs révélatrice de ce qu’il est lui-même et le narrateur utilise une construction à la fois symétrique et opposée (l’expression « afin qu’il eût de l’instruction » est reprise et complétée par « de peur qu’il devint un monsieur indifférente à la terre ») pour montrer combien le père cherche à faire de son fils un autre lui-même. Enfin, quelques adjectifs choisis esquissent un portrait psychologique et moral : « riche, respecté, influent, autoritaire ». L’as-cendant qu’il exerce sur toux ceux qui l’entourent est un élément caractéristique de la nouvelle.

2. L’ExCIPIT D’une nouVeLLe nATurALISTe

un dénouement en forme de chute

Cet excipit, particulièrement bref, clôture, en trois courts paragraphes, une nouvelle qui montre la lente souffrance d’un fonctionnaire, renvoyé prématuré-ment de son bureau par des rivalités internes.Le premier paragraphe annonce la mort brutale du personnage, auquel le lecteur n’a finalement guère été préparé par la nouvelle. Le deuxième paragraphe évoque son dernier geste : l’ultime note écrite, qui est ensuite rapportée dans le troisième paragraphe. Le sentiment d’accélération dramatique est bien marqué par le narrateur  avec l’expression « très vite » qui insiste sur l’urgence dans laquelle M. Bou-gran rédige cette note. La nouvelle se termine donc sur la voix même de M. Bougran et sur ses obscures élucubrations de fonctionnaire brisé.On peut donc parler ici de chute dans la mesure où ce dénouement met fin à l’action, de manière brutale mais très cohérente : cet excipit de nouvelle natura-liste nous montre un personnage déterminé jusqu’au bout par le milieu étroit dans lequel il a évolué. Privé de ce milieu, il est condamné à mourir.

L’ironie du narrateur

L’ironie du narrateur est surtout sensible dans la pre-mière phrase du texte : elle repose en effet sur un fort contraste entre l’annonce de la mort du person-nage et l’ambiance sordide qui l’entoure : « le gar-çon et la bonne s’insultaient ». La solitude de M. Bougran ressort presque douloureusement, par contraste avec les rivalités et les querelles mes-quines, qu’il a involontairement suscitées chez son personnel de maison, complètement indifférent à sa maladie et sa souffrance.Mais l’ironie du narrateur apparaît encore plus dans le dernier paragraphe du texte au travers de l’ultime

lettre du personnage. On attendrait un texte testa-mentaire ; on trouve ici quelques lignes qui montrent l’enfermement du personnage dans sa folie judi-ciaire : M. Bougran, jusque dans ses derniers ins-tants, ne vit plus que dans l’obsession des causes et des combats judiciaires qu’il anime à lui tout seul. L’expression « M. un tel » désigne évidemment un personnage fabriqué par l’imagination du fonction-naire, qui a inventé la cause, et toute sa succession juridique- d’où l’expression « son pourvoi », ici employée : toute l’existence du personnage s’est confondue avec la cause qu’il instruit.

3. Une descRiPtion RéAListe

Une description caricaturale

La caricature consiste dans la simplification et le grossissement des traits. Le narrateur s’emploie ici à forcer deux traits du personnage qu’il décrit : son embonpoint et sa vieillesse. L’embonpoint du person-nage est largement signalé  avec les termes « gras-souillette » (accentué par le suffixe péjoratif), « pote-lées » et « trop plein ». La comparaison « dodue comme un rat d’église » n’est pas non plus flatteuse et signale une corpulence peu flatteuse. On pourrait rapprocher cette comparaison d’une autre métaphore figée : « un nez en bec de perroquet ». Mais l’insis-tance sur le surpoids du personnage est surtout à relier aux indices de l’âge (« sa face vieillotte », « ses yeux ridés ») qui terminent le portrait jusqu’à la charge.

L’ironie du narrateur

Le portrait physique du personnage se double ici d’une ébauche de portrait moral : le narrateur multi-plie les images ironiques. La comparaison « fraîche comme une première gelée d’automne » repose sur une antiphrase et suggère déjà une mine particuliè-rement austère. Mais on remarque surtout une double métaphore (« du sourire prescrit aux dan-seuses à l’amer renfrognement de l’escompteur ») qui souligne une amabilité hypocrite cachant une maussaderie bien réelle. Le lexique de l’argent est d’ailleurs bien présent dans le texte avec les termes « spéculation » et « escompteur » qui rappellent l’avarice sordide de la propriétaire de la pensionLe narrateur se plaît surtout à souligner le lien étroit qui existe entre la personne de Mme Vauquer et son lieu de vie. Il y a comme une interaction entre eux, bien marquée par le chiasme final : « toute sa per-sonne explique la pension, comme la pension implique la personne ». On reconnaît là les éléments de la théorie des milieux, chère à Balzac. Cette chute finale était préparée bien avant, par l’idée d’une « harmonie » entre personnage et milieu, comme par cette affirmation : « Madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en être écœu-rée ». Seule Madame Vauquer peut survivre dans le milieu malsain qu’elle a contribué à créer.

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Le réalisme et le naturalisme

4. Le RéALisme histoRiQUe

Le peuple en marche

La description de la foule insiste à la fois sur sa force puissante, et sur sa désorganisation anarchique.La puissance de la foule est manifestée dans une phrase aux allures de période oratoire avec l’enchaî-nement de deux subordonnées : « … si impétueuse-ment que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours…  ». Les images empruntées aux éléments déchaînés se multiplient avec les expressions « à flots vertigi-neux », « comme un fleuve refoulé », « par une marée d’équinoxe », « le clapotement des voix ». Le mouvement de la foule dans les Tuileries évoque donc celui de l’eau, sous des formes différentes. Certaines expressions prennent une nuance hyper-bolique grâce au choix des adjectifs : « flots vertigi-neux », « impulsion irrésistible »Cette puissance va aussi avec une certaine confu-sion. L’énumération « des têtes nues, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules » évoque une série d’images saisies sur le vif : les personnes se réduisent ici à certains attributs, dans le mouve-ment qui les emporte. C’est ce climat de violence et de confusion qui annonce les scènes de pillage qui vont suivre. Les verbes d’action nombreux, comme « enfonçait » « déroulait « « craquaient » évoquent une violence contenue encore, et surtout involon-taire, mais qui peut basculer à tout moment. Les symptômes physiques manifestent d’ailleurs de manière quasi tangible cette tension montante : « tous les visages étaient rouges, la sueur en coulait à larges gouttes ».Ce texte a donc bien une valeur documentaire puisqu’il nous montre la force puissante des révolu-tionnaires, sans du tout contribuer à leur idéalisa-tion. La foule, destructrice et confuse, va piller le palais des Tuileries, sans l’avoir vraiment voulu, sans l’avoir prévu, dans un mouvement comme spon-tané.

Des héros passifs

Frédéric et son amis Hussonnet sont ici réduits au rôle de simples spectateurs du déferlement de la foule dans le palais des Tuileries. Toute la descrip-tion semble être menée de leur point de vue. C’est d’abord un chant qui attire leur attention : « Tout à coup, la Marseillaise retentit ». Le mouvement des deux personnages vers l’escalier les met ensuite en position privilégiée pour observer l’arrivée progres-sive des émeutiers. L’expression « on n’entendait plus que… » fait donc référence aussi aux percep-tions des deux personnages.Simples spectateurs passifs, les deux personnages incarnent ici toute la médiocrité de héros incapables de devenir acteurs de leur destin – et donc caracté-ristiques de l’esthétique réaliste. Ils n’en manifestent

pas moins une désapprobation hautaine à l’égard de la foule en marche : la réplique ironique « Les héros ne sentent pas bons !  » prononcée par Hussonnet montre le mépris du petit bourgeois pour le petit peuple parisien.

5. Le RéALisme sUbjectiF

dans la conscience du personnage principal

Le narrateur privilégie ici le point de vue interne : placé dans la conscience du personnage principal, le lecteur partage ses perceptions et ses sentiments. La réalité historique est filtrée au travers de la conscience du personnage. Fabrice a rejoint par hasard cette escorte militaire : on découvre donc avec lui qui il a rejoint : « Fabrice comprit qu’un de ces généraux étaient le célèbre maréchal Ney ». On partage ensuite ses sentiments : « son bonheur fut au comble », « distrait par sa joie ».Le narrateur suggère ici le portrait d’un jeune homme naïf et enthousiaste, tout préoccupée par la gloire militaire. Sa naïveté et son ignorance sont signalées avec insistance : « il ne put deviner lequel des quatre généraux était le maréchal Ney ». Mais l’âme géné-reuse de Fabrice est emportée par l’enthousiasme et la joie  comme le montre l’expression hyperbo-lique « il eût donné tout au monde pour le savoir ». Cet enthousiasme le conduit même à un peu d’im-prudence pratique comme le montre la comparaison suivante : « … [il] songeait plus au maréchal Ney et à la gloire qu’à son cheval… ». Cette négligence pra-tique entraîne le petit incident final dans un rebon-dissement assez humoristique, puisque Fabrice inonde, sans l’avoir voulu, un des généraux de l’es-corte.

Une déconstruction du récit épique

On peut parler de déconstruction du récit épique. Le narrateur évoque ici des mouvements de troupe mais tels que les perçoit Fabrice, sans cohérence ni plan d’ensemble. C’est par hasard qu’il a rejoint cette escorte de l’état-major militaire et il n’en comprend pas les mouvements. Le paysage du champ de bataille n’est donc décrit que par réfé-rence aux expériences de Fabrice : « la pluie de la veille », « la prairie à l’entrée de laquelle Fabrice avait acheté le cheval ». Fabrice est l’exemple d’un contre-héros, qui avance au hasard des mouve-ments de son cheval : « le cheval, laissé à lui-même, partit ventre à terre », « … son cheval, lequel, étant fort animé… ». Le narrateur nous donne plaisamment à voir un jeune homme trop occupé par les mouvements de sa pensée pour veiller à ceux de sa monture !Enfin, le passage se termine par un rebondissement comique, qui fait retomber au niveau de la réalité la plus triviale : le juron du général contraste avec les rêves de gloire de Fabrice.

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Outils et repères Bac 2e/1re – Livre du professeur

6. Les enjeUX dU nAtURALisme

un modèle scientifique

L’écrivain cherche ici à établir un parallèle entre sa démarche d’écrivain et celle d’un scientifique. C’est l’objectif des deux premières phrases du texte. La première définit la démarche du scientifique natura-liste, la deuxième désigne l’écrivain naturaliste. Le parallèle est bien marqué par l’emploi de l’adverbe « également ». Il s’agit de montrer dans les deux démarches l’importance de « l’expérience » et de « l’observation ». Le parallèle est ensuite prolongé par l’expression « l’un et l’autre ». D’après Zola, l’écrivain naturaliste a pour ambition « l’acceptation et la pein-ture de ce qui est » - donc une grande fidélité au réel – c’est en cela qu’il se rapproche du scientifique qui vise lui aussi à rendre compte de tout le réel. Par ses ambitions, l’écrivain naturaliste s’oppose donc totale-ment à une certaine idée de la littérature de fiction. Les refus de Zola sont indiqués avec fermeté : « … plus de personnages abstraits dans les œuvres, plus d’inven-tions mensongères, plus d’absolu… ». Il s’agit d’en finir avec une certaine idéalisation romanesque qui produit des personnages « abstraits » en cela qu’ils n’ont pas de prises du tout par rapport à la réalité.

7. dU nAtURALisme AU FAntAstiQUe

Un document

Le roman de Zola est consacré à l’expansion formi-dable d’un grand magasin, qui donne son titre au roman. Cette expansion s’inscrit dans le contexte historique du Second Empire et des grands travaux haussmanniens, qui contribuent à transformer de manière durable la physionomie de Paris. Quelques indices font ici référence à cette réalité. Le narrateur évoque ainsi le « nouveau Paris » : le grand magasin ouvre ses nouvelles façades sur « la voie tapageuse et ensoleillé » et laisse derrière lui les « rues étroites » du vieux Paris : l’antithèse, riche de sens, met bien en valeur la métamorphose urbaine. L’expression « le quartier noir où il était né » désigne de manière fort péjorative le Paris historique bouleversé par les grands travaux. Quant aux noms de rue, « la rue du Dix-Décembre, les rues de la Michodière et Monsi-gny », ils délimitent un secteur géographique bien précis, qui correspond aux nouveaux quartiers du luxe parisien, dans le deuxième arrondissement.

La poésie fantastique

Mais cet aspect documentaire est largement dépassé par la poésie fantastique ici présente. Sous la plume du narrateur, le grand magasin prend vie : il est « un colosse…pris de honte et de répugnance pour le quartier noir où il est né… ». La métaphore est développée sur toute la phrase, grâce à des verbes d’action comme « venant de lui tourner le dos » ou « présentant sa face de parvenu » ; et l’ex-pansion du grand magasin au détriment du petit

commerce est ici montrée comme une forme de vio-lence : « qu’il avait plus tard égorgé ».Créature surnaturelle, le Bonheur des dames est aussi comparé à « l’ogre des contes » qui défie les lois de la nature : « dont les épaules menacent de faire craquer les nuages ». Le narrateur multiplie les hyperboles pour magnifier l’importance du lieu : « les bâtiments eux-mêmes, d’une immensité exa-gérée », « tout l’infini de ce lac de verre et de zinc ». Cette dernière métaphore valorise aussi un temple de la modernité grâce aux références aux matériaux et aux structures, tout comme « les galeries cou-vertes » et « leurs cours vitrées ». Le narrateur greffe donc, sur la description de cette entreprise moderne, tout un imaginaire des contes qui contribue à don-ner au texte son caractère fantastique.

oBjet d’Étude 1re – Le personnage de roman

1. LA FoRce de LA PAssion

La déchéance physique et morale du personnage

Le narrateur omniscient souligne d’abord la déchéance physique. M. Grandet n’est plus que l’ombre de lui-même : « la forte charpente du bon-homme fut aux prises avec la destruction ». Cet affai-blissement physique conduit à une forme de prostra-tion ici bien marquée : « il voulut rester assis au coin du feu ». L’expression « un sourire pénible » signale bien le délitement du corps et introduit un contraste marqué avec l’expression « forte charpente ». Mais la déchéance du personnage est surtout morale. Le narrateur nous montre ici un vieillard stupide, qui vit dans l’obsession de l’or, très loin de l’homme d’af-faires de génie qu’il a été. L’avarice a dégénéré en folie, et le vieillard vit dans la hantise du vol : cette hantise maladive s’étend maintenant jusqu’aux objets les plus banals – jusqu’aux couvertures ! Ses propos rapportés au discours direct (« Serre ça pour qu’on ne me vole pas ») marquent toute la faillite de sa raison. Mais ses richesses sont source de jouis-sances autant que d’inquiétudes. : « […] et il demeu-rait des heures entières les yeux attachés sur les louis […]  ». Cette jouissance pathologique paraît d’autant plus grave que le narrateur emploie l’impar-fait itératif, pour une scène manifestement quoti-dienne. La comparaison finale du vieillard avec un enfant « au moment où il commence à voir » montre avec cruauté cet effet extrême du très grand âge qui semble converger avec la toute petite enfance.

L’inversion des rapports entre père et fille

Dans ces circonstances, les relations entre père et fille semblent s’être considérablement transformées. Face au petit enfant qu’est redevenu son père, Eugénie se comporte comme une mère protectrice. Elle est d’ailleurs le recours principal du vieillard : c’est vers elle qu’il se tourne pour être rassurée sur

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Le réalisme et le naturalisme

son trésor – et le court fragment de dialogue ici pré-sent nous montre ses paroles réconfortantes : « Oui, mon père ». L’expression, extrêmement sobre, semble restituer au vieillard toute l’autorité qu’il a de fait perdue. Sans juger son père, Eugénie veille à lui assurer ses derniers moments de bonheur : « Eugé-nie lui étendait des louis sur une table […]». Par ses propos, comme par ses attentions, par sa présence attentive à son chevet, elle incarne donc une force bienveillante et tutélaire.

2. L’InFLuenCe DeS SenSATIonS

une jeune fille troublée

Henriette, fille de boutiquiers parisiens, a obtenu de ses parents le droit de cette promenade sur l’eau. Cette liberté inattendue suscite chez elle des sensa-tions multiples, mises en valeur par le narrateur.Le point de vue privilégié ici est interne : on partage les sentiments et les sensations d’Henriette, sans autre aperçu sur les désirs du jeune homme que ce que peut en percevoir Henriette elle-même : « … ce jeune homme qui la trouvait belle, dont l’œil lui bai-sait la peau […] ».Le narrateur privilégie une étude physiologique des sensations d’Henriette. Il montre ainsi tout d’abord l’effet troublant, voire lénifiant, produit par le berce-ment de l’eau : une sorte de langueur, d’endormis-sement progressif de la vigilance du corps et du cœur, bien marquée par le groupe ternaire : « elle se sentait pris d’un renoncement de pensée, d’une quiétude de ses membres, d’un abandonnement d’elle-même ». Ce trouble vient renforcer l’effet pro-duit par les excès du jour : la chaleur estivale et le repas bien arrosé. Le narrateur souligne le vertige que suscitent chez Henriette tous ces facteurs en nous plongeant dans sa conscience troublée : « Les étourdissements du vin […] faisaient saluer sur son passage tous les arbres de la berge ». Henriette croit donc voir le paysage prendre vie.

La montée du désir

Tout un champ lexical de la chaleur et du feu est utilisé pour montrer commet le désir s’éveille pro-gressivement chez Henriette. La chaleur de ce jour d’été est d’abord mise en valeur par l’hyperbole : « … la chaleur torrentielle qui ruisselait autour d’elle ». Cette métaphore hyperbolique établit d’ail-leurs un lien entre l’eau et le feu. Un peu plus loin, l’expression « l’incendie du ciel » développe le thème de la chaleur accablante. Cette chaleur sus-cite l’émoi sensuel d’Henriette, que le narrateur sou-ligne grâce à l’emploi d’un lexique assez cru : « sa chair excitée par les ardeurs du jour ». De manière générale, le lexique employé (« jouissance », « sang », « chair ») montre l’approche scientifique ici privilégiée, presque médicale. Et le désir d’Henriette est aussi provoqué par celui du jeune homme : « …

dont le désir était pénétrant comme le soleil ». Une sorte de triangle s’établit ainsi entre la chaleur du jour et l’ardeur des deux jeunes gens, qui doit inévi-tablement conduire Henriette à la faute.

3. Le PoIDS De L’HéréDITé

Une plongée dans la conscience malade du personnage

Le narrateur nous fait entrer dans la conscience du personnage qui réfléchit sur lui-même. L’emploi de l’imparfait itératif montre que ce bilan de conscience n’est pas le premier : « Lui, à certaines heures, la sentait bien cette fêlure héréditaire… ». On remarque de nombreux verbes de perception et de pensée comme « sentait » « remarqué » et « penser » qui nous plongent dans l’intériorité du personnage.Jacques Lantier est issu d’une famille d’alcooliques et de déséquilibrés. Pour montrer le poids qui pèse sur lui, le narrateur a recours à de nombreuses métaphores. L’expression « cette fêlure héréditaire » est la plus frappante, parce qu’elle suggère une tare qui se transmet de génération en génération. Mais les troubles de la conscience dont Jacques Lantier est victime sont aussi illustrés par des comparai-sons : « c’étaient, dans son être, […] comme des cassures, des trous  par lesquels son moi lui échap-pait […]. ». Il s’agit de montrer ainsi à la fois la bruta-lité et la gravité des crises de folie qui sont les siennes.

La bête humaine

Le narrateur propose ici un véritable cas médical. Jacques Lantier est victime d’une forme d’aliéna-tion, terme d’une longue hérédité familiale. L’expres-sion « la bête enragée » qui fait écho au titre du roman rappelle bien la folie qui est la sienne : l’hu-manité vacille dans ses moments de crise pour le ramener à une violence primitive et animale : « il ne s’appartenait plus. »Ce poids de l’hérédité est surtout souligné dans la dernière phrase du texte avec l’évocation de la lignée familiale malade : « les pères, les grands-pères qui avaient bu, les générations d’ivrognes ». Jacques est le terme de cette lignée et en paie les conséquences : les images du « sang gâté » ou du « lent empoisonnement » illustrent cette hérédité néfaste.Mais le narrateur s’emploie aussi à montrer, au-delà de l’héritage Macquart, la violence ancestrale qui s’anime en Jacques : « …une sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes ». Au-delà des théories scientifiques sur l’hérédité, c’est une approche quasi psychanalytique du personnage que propose ici le narrateur, montrant comment l’humanité conquise s’effondre brutalement devant la violence primitive. En ce sens, Jaques Lantier devient véritablement un cas scientifique exemplaire

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puisqu’on devine, au travers de son exemple, la minceur des acquis de l’humanité et de la civilisa-tion, toujours susceptible de d’effriter sous la force des pulsions et des passions.

4. métieRs et ReLAtions sociALes

Une plongée dans la conscience de mademoiselle de Varendeuil

Le narrateur nous fait entrer dans la conscience de ce personnage pour mieux faire ressortir toute l’opa-cité du personnage de Germinie Lacerteux. Germi-nie cache en effet à sa maîtresse un secret honteux, une liaison déshonorante avec un jeune homme beaucoup plus jeune qu’elle, qui abuse de son argent.On épouse les pensées et les doutes de la patronne  qui pressent un problème : « il était bien arrivé quelquefois à Mademoiselle de Varendeuil de sentir à côté d’elle vaguement un secret … ». L’em-ploi des indices de temps comme « quelquefois », « des instants », « par moments », permet de faire ressortir la fugacité de ces intuitions. La maîtresse de Germinie devine sa double vie, sans pouvoir en être sûre, comme le montre aussi l’emploi des modalisa-teurs : « elle avait cru », « il lui avait semblé ».La vie de Germinie est évoquée par le champ lexical du mystère et l’obscurité : « cachait » « une obscu-rité dans sa vie », « dans du sombre », « un mys-tère » et « de l’ombre ». Et le motif de l’enquête apparaît ici en filigrane, en particulier au travers de la métaphore filée de la chasse : « … le flair d’une trace qui va en s’enfonçant et se perd dans du sombre… ».

des relations ambivalentes

En nous faisant entrer dans la conscience de Made-moiselle de Varendeuil, le narrateur donne à voir toute l’ambivalence d’une relation à la fois intime et curieusement distante. On devine ici l’intimité d’une vie partagée : maîtresse et servante sont continuel-lement ensemble – c’est bien ce que montrent par exemple les références aux « gages » ou aux « petits cadeaux journaliers » de la maîtresse à sa servante. La pensée de sa servante ne quitte pas mademoi-selle de Varendeuil qui connaît même par cœur les phrases familières de Germinie : « elle avait retenu une phrase que Germinie répétait souvent ».Mais cette intimité partagée n’empêche pas qu’elles ne se connaissent pas vraiment. Le narrateur nous montre la complexité de ces rapports sociaux, dans lequel la réalité d’autrui nous échappe toujours. Des indices sont bien présents révélateurs d’un secret honteux, comme les propos de Germinie : la parodie du vieux diction, lourde de sens : « péché caché, péché à moitié pardonné »- là où la sagesse popu-laire dit que faute avouée est à moitié pardonnée. Cette parodie, qui fait du secret et du mensonge une garantie de sécurité, en dit long sur la double vie de

la servante. De même, la disparition de l’argent de Germinie est un indice significatif : « … Germinie n’achetait plus rien pour sa toilette, n’avait plus de robes, n’avait plus de linge ». Cependant, même si tous ces indices sont bien présents, Mademoiselle de Varendeuil échoue à pénétrer le secret de la double vie de sa servante et le texte se termine donc sur cette question, rapportée au discours indirect libre, qui témoigne bien de la perplexité durable de la maîtresse : « Où son argent passait-il ? ».

5. DeSTInS D’HéroïneS

texte a

Une harmonie retrouvée

Le narrateur évoque ici le retour en calèche de Jeanne, qui ramène avec elle sa petite-fille. Les élé-ments de description du paysage créent un cadre harmonieux, grâce aux nombreuses notations de couleur : « les plaines verdoyantes » et la double métaphore de « l’or du colza » et du « sang des coquelicots ». Le moment choisi est celui du cou-cher de soleil, symboliquement bien lié à l’âge de Jeanne, qui est au soir de sa vie. Le personnage paraît ici avoir trouvé une forme d’apaisement, comme le montre son attitude pensive : « Et Jeanne regardait droit devant elle en l’air… ». Cette harmo-nie avec la Nature qui l’entoure est suggérée par ce regard pensif sur « le vol cintré des hirondelles ».

La promesse d’une nouvelle vie

Cette dernière page semble s’ouvrir sur de nouvelles perspectives pour le personnage de Jeanne. Le nar-rateur s’emploie ici à nous montrer la relation qui s’établit entre elle et le nourrisson. Il s’agit d’un lien instinctif, presque viscéral. Pour Jeanne, la décou-verte de sa petite-fille passe d’abord par une sensa-tion tactile : « une tiédeur douce, une chaleur de vie traversant ses jupes… ». Le narrateur insiste sur la force du ressenti de Jeanne grâce au jeu des verbes : « traversant », « gagnant » et « pénétra ». Puis c’est une sensation visuelle : le premier regard posé sur le bébé suscite comme un coup de foudre. La violence des réactions de Jeanne est soulignée par le jeu des adverbes  comme « brusquement » et « furieuse-ment ». C’est tout son être qui est ébranlé, dans un choc émotionnel qui aboutit en une pluie de baisers.La dernière réplique de Rosale, qui incarne ici une forme de sagesse populaire, dégage une leçon de vie empreinte de prudence et d’optimisme à la fois. Le narrateur choisit de clore le roman sur cette sagesse populaire, exprimé dans une langue parlée : « …ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit ».

texte B

L’enfer d’une déchéance physique

Le narrateur décrit ici avec une précision documen-taire la déchéance physique de Nana.

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Le réalisme et le naturalisme

La beauté radieuse de la jeune femme n’est plus, ce que le narrateur résume dans une formule terrible : « Vénus se décomposait ». On se rappelle que c’est ce rôle de Vénus qui avait consacré la gloire pari-sienne de Nana au théâtre des Variétés, au début du roman. De la beauté de la jeune femme, il ne reste plus que sa chevelure, magnifiée ici par les méta-phores : « flambée de soleil », « ruissellement d’or ». Elle forme un contraste terrible avec le visage décrit comme « un masque horrible et grotesque ».La description se concentre en effet ici longuement sur les traits du visage de la jeune femme, défigurée par la maladie. Le lexique, d’une précision médicale, évoque tous les symptômes de la maladie : « les pus-tules », « la purulence », « suppurait », « une croûte ». Mais la description va bien au-delà du document médical, et le narrateur mobilise tous les procédés pour susciter chez le lecteur un sentiment d’horreur : procédés lexicaux avec de nombreux termes péjora-tifs, comme « corrompue », « flétries, affaissées », « informe », « grisâtre » et « rougeâtre ». Nana n’a d’ailleurs plus un visage mais une « face », une « bouillie informe », un « masque horrible et gro-tesque » - dans une progression lexicale impitoyable. Des métaphores soulignent également la putréfaction des traits : « c’était un charnier (….) une pelletée de chair corrompue ». Dans cette horrible déformation, c’est déjà le cadavre qui s’annonce et le narrateur le souligne d’ailleurs bien avec cette comparaison : « elles semblaient déjà une moisissure de la terre ».La description dépasse donc les ambitions scienti-fiques du naturalisme pour susciter un sentiment tragique.

éléments de confrontation

• dans la situation des personnages : Nana meurt seule ou quasi seule dans une chambre d’hô-tel alors que Jeanne rentre chez elle avec sa petite-fille et sa fidèle servante.• dans leur ressenti : Jeanne éprouve un sen-timent d’harmonie et de bonheur en lien avec la Nature alors que Nana est réduite à elle-même et à peine consciente.• dans leur avenir : Nana n’a plus que la mort devant elle, elle qui a connu la richesse et la gloire, alors que Jeanne, qui a été tant malmenée par la vie, peut espérer toucher enfin à la paix.• dans les sentiments inspirés au lecteur : émotion douce pour Jeanne et sentiment d’horreur pour Nana : d’un pathétique atténué au tragique.

PRoLongement

La conclusion tragique du roman de Zola gagne à être mise en relation avec une des premières des-criptions du personnage.Chanteuse médiocre, Nana fait sensation au théâtre des Variétés en se produisant nue sur scène, dans le rôle de Vénus.

Nana était nue. Elle était nue avec une tranquille audace, certaine de la toute-puissance de sa chair. Une simple gaze l’enveloppait ; ses épaules rondes et rigides comme des lances, ses larges hanches qui rou-laient dans un balancement voluptueux, ses cuisses de blonde grasse, tout son corps se devinait, se voyait sous le tissu léger d’une blancheur d’écume. C’était Vénus naissante des flots, n’ayant pour voile que ses cheveux. Et, lorsque Nana levait les bras, on aperce-vait, aux feux de la rampe, les poils d’or de ses ais-selles. Il n’y eut plus d’applaudissement Personne ne riait plus, les faces des hommes, sérieuses, se ten-daient, avec le nez aminci, la bouche irritée et sans salive. 

Émile Zola, Nana (1880)

DOssier cuLtureL (i) p. 186

La révolution industrielle et le développement de la classe ouvrière

éclairage et problématique

On appelle révolution industrielle le processus historique qui, au xixe siècle, fait basculer les sociétés à dominante agraire et artisanale vers un modèle industriel et commercial. Ce phénomène, plus ou moins rapide suivant les pays, entraîne une modification considérable du tissu social.

Révolution industrielle et mutations sociales

La révolution industrielle a pour conséquence une nouvelle répartition des secteurs d’activité. C’est ce que le diagramme donne à voir : on observe, en cin-quante ans, un lent repli du secteur primaire, corres-pondant aux métiers agricoles traditionnels, au profit des secteurs secondaire et surtout tertiaire, qui, en 1906, concerne plus de 20 % de la population active. Cette diversification des métiers est aussi montrée par la littérature : Zola, dans La Bête humaine, dresse le portrait d’un mécanicien, Jacques Lantier, qui se consacre avec passion à son métier d’employé des chemins de fer. Pour écrire ce roman, Zola s’est appuyé sur des enquêtes minutieuses auprès des compagnies de chemin de fer d’époque, en plein essor, et notamment de la ligne qu’il décrit dans le roman, reliant la gare Saint Lazare au Havre. Cet aspect documentaire ressort du texte grâce à l’abon-dance du lexique technique qui marque une connais-sance fine du mécanisme de la locomotive à vapeur : « vaporisait » « cylindre » graissage ».Cette révolution des métiers s’accompagne d’une modification profonde des modes de vie, dont l’his-torien Georges Duby témoigne. Il en montre les diffi-cultés. L’exode rural est massif : « l’entrée de mil-lions de travailleurs dans les usines ». Il s’accom-pagne d’une spécialisation des tâches et surtout d’une nouvelle mesure du temps sur laquelle l’histo-

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rien insiste ici. Le temps devient « la valeur pre-mière » qui rythme des tâches parcellaires – très loin de la gestion traditionnelle du temps dans les socié-tés agraires, commandées par les rythmes naturels. Le temps de l’ouvrier d’usine n’a plus rien à voir avec celui du paysan et de l’artisan, et l’historien souligne les incidences jusque dans la vie quoti-dienne et « les modes d’alimentation ».À sa manière, Zola témoigne aussi des révolutions des modes de vie et des mentalités. Pour Jacques Lantier, sa machine est comme vivante, comme le montre déjà le surnom qu’il lui a choisi : la Lison. La locomotive est d’abord comparée à « une cavale vigoureuse et docile » – mais le champ lexical ensuite employé, qui insiste sur son appétit de graisse, contribue à la personnifier : « une faim continue », « une vraie débauche », « cette passion gloutonne ». La relation de Jacques avec sa machine est assez ambiguë et le narrateur s’emploie à le sou-ligner : « il l’aimait donc en mâle reconnaissant ». C’est ce que montre aussi la fin de ce court extrait qui rapporte les blagues grivoises du mécanicien et du chauffeur : « elle avait […] le besoin d’être grais-sée trop souvent ». On devine donc, au travers de ce texte, non pas un asservissement de l’homme à la machine, mais bien une forme d’aliénation, qui finira d’ailleurs par conduire Jacques à sa perte.Le regard porté par le réalisateur Jean Renoir sur le couple formé par l’homme et la machine est assez différent. Le plan choisi, en contre-plongée, nous montre le mécanicien grandi et magnifié, dominant complètement la locomotive qu’il conduit : les yeux fixés vers l’avant, il semble donner le mouvement et l’impulsion à la machine. Cette vision est plus romantique que réaliste.

DOssier cuLtureL (ii) p. 187

des courtisanes aux maisons de tolérance

éclairage et problématique

Le xixe siècle est une période de réflexion et de questionnement sur le sort et la place des prostituées. La littérature en témoigne à sa manière avec l’abondance des figures de prostituées de Balzac à Zola. Sur le plan politique et social, l’illusoire objectif est d’endiguer le phénomène en le contenant à l’intérieur des maisons closes.

des réalités sociales contrastées

Le tableau de Manet est un hommage manifeste au roman de Zola. Nana, la fille de Gervaise Lantier, obtient une revanche sociale grâce à son charme et à sa sensualité qui mettent à ses pieds les plus grandes fortunes du Second Empire. Dans la repré-sentation qu’en fait ici Manet, aucun doute n’est possible sur son statut social. La jeune femme est

représentée au premier plan, centrée, vêtue seule-ment de sous-vêtements, les bras et le cou ronds et nus : elle se tient de profil, le visage tourné vers le spectateur de la toile à qui elle semble adresser une œillade coquine. La houppette à la main, face à un grand miroir sur pied, elle achève sa toilette, tandis qu’au second plan, assis sur un canapé marron, un élégant en costume noir et haut de forme, à moitié hors champ, surveille ses derniers préparatifs, les jambes croisés, et le pied gauche comme sur le point de soulever le jupon mousseux de Nana. Le contraste entre cette nudité assumée et la tranquille assurance de l’homme élégant qui patiente ne laisse aucun doute sur la nature de leurs relations. Autour du couple, on devine un intérieur cossu de meubles bourgeois et, sur les murs, une fresque d’inspiration japonisante, conforme aux goûts d’époque. Ce tableau de Manet illustre bien l’analyse sociologique menée par l’historien Alain Corbin, qui évoque le luxe ostentatoire des grandes courtisanes du début de siècle, recevant chez elles leur clientèle galante.Le texte de Huysmans offre un tout autre aperçu sur la prostitution. C’est en effet la vie misérable des prostituées les plus modestes qui est évoquée dans ce passage de l’histoire de Marthe. L’établissement dans lequel elle travaille propose à une clientèle populaire les services des prostituées, en marge d’une activité de débit de boissons. Les filles employées sont asservies, et le narrateur s’emploie à dénoncer leur sort. On devine sa compassion à l’emploi d’un vocabulaire affectif : « abominable vie », « odieux métier », « terrible vie », « misérable », « ces malheureuses ». Les antithèses telles que « gaie ou triste, malade ou non », et l’énumération de verbes d’actions (« qui vous force à sourire […] qui vous force à vous étendre ») évoquent toutes les contraintes de la vie de prostituée. Le narrateur cherche même à susciter un sentiment d’horreur en jouant des comparaisons dépréciatives : « vie plus effroyable que toutes les géhennes […] que toutes les galères, que tous les pontons ».L’ensemble de ces documents témoigne donc de réalités sociales bien différentes. Pour quelques très rares femmes, qui échappent à la misère en jouant de leurs charmes, et font une brillante carrière de demi-mondaine, l’immense majorité des prostituées est réduite à une misère sordide et condamnée par les jugements sociaux.

Pistes comPLémentAiRes

Figures de prostituées dans la littératureHonoré de bALZAc : Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes.Gustave FLAubert : L’Éducation sentimentale (le per-sonnage de Rosannette).Guy de mAupAssAnt : plusieurs nouvelles dont La maison Tellier, Les tombales, Boule de suif.

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Le réalisme et le naturalisme

bibLiogRAPhie

• Alain cOrbin, Les filles de noce, misère sexuelle et prostitution au xixe siècle, Éditions Flammarion, 1982.• Alexandre pArent-duchâteLet, La prostitution à Paris au xixe siècle, Éditions du Seuil, 1981.

vOcabuLaire p. 188

1 déRiVAtions

a. naturalisme : école artistique qui veut appliquer des méthodes scientifiques pour reproduire la réalité avec la plus grande objectivité. – naturaliste : amateur des sciences naturelles ; taxidermiste. – naturisme : propension à prendre la nature comme seul guide ; souvent synonyme de nudisme. – natu-ralisé : qui a obtenu la nationalité de son pays d’adoption. – naturel : qui appartient à la nature ; qui agit selon sa nature profonde, sans affectation.b. Zola est le porte-parole et le théoricien du natura-lisme. – Dans son roman Le Docteur Pascal, il com-pare le personnage éponyme à un naturaliste, fas-ciné par les ressemblances entre hommes et ani-maux. – La famille de Zola, d’origine italienne, a été naturalisée. – Il faut savoir rester naturel dans les circonstances les plus importantes de la vie. – Le naturisme est un mode de vie actuellement un déclin.

2 étymoLogie

Le mot race, tel que l’emploie Zola, désigne l’en-semble des membres d’une même famille : la lignée, prise dans sa continuité. C’est le sens ancien du terme, tel qu’il est attesté dans la Bible. L’étymolo-gie du terme viendrait de l’italien razza, du latin ratio, espèce.

3 métALAngAge

référentiel : qui fait office de référence. – réfé-rence : propriété d’un signe linguistique à renvoyer à une entité de la réalité. Le vocabulaire des écri-vains réalistes et naturalistes est référentiel en ce qu’il prétend désigner et caractériser une réalité extérieure.

4 chAmP LeXicAL

La description de la casquette de Charles Bovary est révélatrice de l’esthétique réaliste. On remarque un champ lexical emprunté à la géométrie : « ovoïde », « circulaires », « losanges », « polygone », « croi-sillon ». L’abondance de ces termes témoigne de la volonté d’observer au plus près une réalité extérieure.

5 métAPhoRes

Deux champs lexicaux sont ici associés par méta-phore pour décrire cette grande vente du magasin.

On remarque un champ lexical technique du tissu : « tulles », « guipures », « malines », « valenciennes », « blondes », « points d’Alençon », « points de Venise », « dentelles ». Il est associé à tout un champ lexical de la religion avec les mots « chapelle », « colonnes », « religieuse », « dieu », « tabernacle ». L’association par métaphore est particulièrement frappante dans une expression comme « le dieu du chiffon ». Il s’agit de montrer que, pour les clientes, le grand magasin fait office de temple et leur tient lieu de sacré.

6 niVeAUX de LAngUe

a. Parmi les éléments de dialecte régional, on remarque les déformations de pronoms (« mé » pour moi, « li » pour lui, « i » pour ils) et l’élision très fré-quente des voyelles intermédiaires des mots : « je r’venais », « v’la », « p’t-être ». On remarque aussi la déformation de nombreux mots : « pu » pour plus, « vaque » pour vache, « chinquante » pour cin-quante, « pi » pour puis, « su » pour sur.Cela s’accompagne de nombreuses incorrections syntaxiques, notamment dans l’emploi des proposi-tions subordonnées : « … qu’il n’a pas seulement dit “ouf” ».b. C’est moi. Je revenais un soir, vers dix heures peut-être, le lendemain de votre arrivée. Vos soldats et vous m’aviez pris pour plus de cinquante écus de fourrage ainsi qu’une vache et deux moutons. Je me suis dit que je vous ferais payer tous les écus que vous m’aviez pris. J’avais encore d’autres choses sur le cœur qu’il faudra que je vous dise. J’aperçois à ce moment un de vos cavaliers qui fumait sa pipe près de mon fossé, derrière ma grange. Je suis allé décrocher ma faux et je suis revenu à petits pas, par derrière, de manière à ne faire aucun bruit. Et je lui ai coupé la tête d’un seul coup, comme un épi, si bien qu’il n’a même pas eu le temps de faire un bruit. 

7 sUbstAntiFs

expertiser : expertise – expérimenter : expérimen-tation – essayer : essayage – tenter : tentative ou tentation – entreprendre : entreprise – caractéri-ser : caractérisation – expliciter : explicitation.

8 nUAnces

a. Faits divers : événements sans portée général, qui relève de la vie quotidienne. – Anecdote : bref récit pittoresque, susceptible de divertir. – Acci-dent : événement inattendu, avec des effets plus ou moins dommageables. – Phénomène : fait observé, susceptible d’être étudié dans son déroulement et ses manifestations. – incident : événement secondaire. – Réalité : vie réelle, par opposition à ce qui est imaginé ou rêvé.b. Ce journal consacre plus d’importance aux faits divers qu’à l’actualité politique. – Ce beau parleur a toujours une anecdote nouvelle. – Cet échec aux élections est un accident dans son brillant parcours

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Outils et repères Bac 2e/1re – Livre du professeur

politique. – Il faut étudier le phénomène de la déna-talité. – Il n’y a pas d’importance à accorder à ce petit incident technique. – La réalité est plus belle que le rêve.

vers Le bac p. 189

S’enTrAîner Au CoMMenTAIre

Vers le plan de commentaire

En quoi cet incipit témoigne-t-il du réalisme de Flaubert ?

I. une entrée en matière minutieuse et précise

A. Une composition minutieuse

• Une sorte de travelling avant : vision d’ensemble d’abord avec le quai de Seine et le bateau qui se prépare à partir.• Puis l’intérêt se concentre sur un jeune homme embarqué dans le bateau §4• Le narrateur nous fait embrasser son point de vue, avant d’en mener une présentation complète : en point de vue omniscient §5.• Composition du texte mise en valeur par la dispo-sition typographique.

b. La marque du romancier réaliste

• Abondance des notations sur le lieu, le temps : « Le 15  septembre 1840, vers six heures du matin… ».• Abondance aussi des indications sur le jeune héros : son apparence physique, et ses études (« nouvellement reçu bachelier… faire son droit »).• Ancrage social et géographique fort, marque de l’intérêt des romanciers réalistes pour les milieux.

ii. Un portrait réaliste

La description repose sur une forte opposition entre le personnage principal et le cadre qui l’entoure.

A. un lieu vibrant de vie et d’animation §2

• Abondance des indications concernant les objets et les personnes qui marquent un espace saturé.• Procédés syntaxiques : énumération et succes-sion de phrases juxtaposées.• Procédé lexical : champ lexical du bruit (« tapage », « bruissement », « cloche », « tintait »).• Indications de bruit, de lumière, de mouvement : à la manière du mouvement impressionniste.

b. Qui met en évidence une personnalité apathique

• Tout un champ lexical nous montre un personnage sans grande énergie et volonté. Le mot « immobile » placé en fin de phrase, comme une chute ou un signe de ponctuation. Refus donc de l’idéalisation.

c. Une personnalité narcissique

• Une pose d’artiste : le carton à dessin (Frédéric se prépare à des études de droit), l’allure contem-plative.• Une mélancolie affichée : « … il poussa un grand soupir… ».

S’enTrAîner À LA DISSerTATIon

Analyse de sujet

a. Dans un roman, la description des lieux et des milieux ne sert-elle qu’à apporter des informations sur le monde où vivent les personnages ? [question] Pour répondre à cette question, vous vous appuie-rez sur les textes du corpus et les romans que vous avez lus ou étudiés cette année. [consignes]b. reformulation de la thèse : la description des lieux et des milieux a une valeur informative dans le roman ; elle nous donne à mieux connaître le cadre dans lequel évoluent les personnages.c. Le sujet invite à débat puisque l’emploi de la locu-tion restrictive de négation donne à entendre qu’on ne peut se borner à cette seule fonction informative. Il s’agit donc de monter que la description a bien d’autres fonctions : lieux et milieux peuvent être révélateurs de la psychologie du personnage, ses qualités et ses défauts mais ils peuvent aussi avoir une valeur symbolique par exemple.

S’enTrAîner À L’éCrITure D’InVenTIon

Critères d’Évaluation et proposition de BarèMe • Le portrait est complet, incluant des indications sur le mode de vie du personnage. (5 points)• Respect des deux principales consignes d’actua-lisation et opposition. (5 points)• Utilisation de procédés caractéristiques de l’écri-ture réaliste : des indices précis sur les vêtements, l’apparence physique du personnage ; des indica-tions chiffrées sur sa fortune ; de petits faits vrais. (5 points)• Maîtrise de l’expression écrite (orthographe, grammaire, syntaxe…). (5 points)

biLan pp. 190-191

• Lire un texte réaliste

www.reperes.francaislycee.magnard.fr

Ressource numérique

Lecture audioLe manuel numérique enrichi vous propose l’extrait du Père Goriot de Balzac interprété par un comédien.

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Le réalisme et le naturalisme

LectURe AnALytiQUe

Le récit d’une déchéance

Ce portrait est ancré dans une réalité sociale très forte : il s’agit de monter la déchéance du person-nage. Les expressions employées pour le qualifier sont déjà à elles seules significatives : « le père Goriot » expression familière et péjorative a rem-placé les périphrases plus élogieuses comme « le bon vermicellier » ou « le bourgeois gros et gras », indicateurs d’une certaine aisance sociale. La déchéance du personnage est surtout montrée en action, au travers de sa place dans la pension : la migration progressive vers les étages, et donc vers une chambre plus modeste, montre l’effondrement progressif de ses revenus : « le père Goriot réduisit encore ses dépenses en montant au troisième étage ». On remarque l’emploi de l’adverbe « encore » qui insiste sur un mouvement progressif. Le narrateur, pour montrer la ruine du personnage, multiplie les petits faits vrais, qui sont autant d’indi-cateurs sociaux : ce sont tous les multiples renonce-ments auxquels le personnage est réduit pour allé-ger son train de vie : changement d’habitudes avec « il se passa de tabac, congédia son perruquier » ; mais changements de tenue aussi. Le narrateur joue sur les détails concrets et l’antithèse entre « l’habit bleu-barbeau » et la « redingote de drap marron grossier » pour faire ressortir les strictes économies auxquelles l’indigence conduit Goriot. Enfin, l’abon-dance des indications chiffrées ( «  quarante-cinq francs de pension par mois » « du calicot à quatorze sous l’aune ») nous introduit bien dans une réalité surdéterminée par la question financière.

Un portrait signalétique

Cependant, ce portrait d’une déchéance en marche s’accompagne aussi d’un portrait physique et moral du personnage, tel qu’il est perçu par les membres de la pension. Le narrateur fait état d’une métamor-phose du bon homme sans l’expliquer, plaçant toute la description du personnage sous le regard des pensionnaires : « quand le père Goriot parut pour la première fois […], son hôtesse laissa échapper une exclamation de surprise ». Ou, un peu plus loin : « il n’y eut plus alors aucun doute ». La métamorphose du personnage suscite dans la pension les hypo-thèses les plus folles, accusations de libertinage, que le narrateur récuse en même temps qu’il les évoque, en employant le terme péjoratif de « radotages ».Cette métamorphose physique est bien marquée par l’emploi d’une expression brève et synthétique : « il ne se ressemblait plus ». Toute la physionomie du personnage est redessinée, comme le montre l’em-ploi dans une même phrase d’une série de verbes d’action au passé simple : « […] ses mollets tom-bèrent ; […] sa figure se rida démesurément ; son

front se plissa, sa mâchoire se dessina ». L’énuméra-tion des adjectifs dans un groupe ternaire « hébété, vacillant, blafard » forme une antithèse riche de sens avec les termes employés pour qualifier le passé du personnage « gros et gras, frais de bêtise ».Cette métamorphose physique n’est cependant que l’effet d’un profond malheur moral, qui est suggéré ici, sans être expliqué. C’est une immense douleur qui mine le personnage et que la dernière phrase du texte met particulièrement en valeur : « ses yeux bleus si vivaces […] ne larmoyaient plus, et leur bor-dure rouge semblait pleurer du sang ». La comparai-son avec des larmes de sang semble donner au per-sonnage une aura presque religieuse On se rappelle que le narrateur finira par l’identifier dans le roman comme « le Christ de la paternité ». Comme le Christ, Goriot a tout donné, non pas pour l’humanité entière, mais pour ses filles, et ce sont elles qui l’ont réduit à cette extrême misère. À bien des égards, ce portrait réaliste est donc signalétique : des indices ici nom-breux sont donnés qui expliquent le grand mystère du personnage et annoncent son triste avenir.

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1 Germinal ➡ Émile ZolaLe Père Goriot ➡ Honoré de BalzacUne partie de campagne ➡ Guy de MaupassantL’Éducation sentimentale ➡ Gustave FlaubertLa Chartreuse de Parme ➡ Stendhal

2 a. Balzac – b. Frédéric Moreau de L’Éducation sentimentale de Flaubert – c. Émile Zola – d. Guy de Maupassant

3 a. Faux. Zola, dans son œuvre majeure, Les Rougon-Macquart, analyse les ravages de l’hérédité au sein d’une même famille. – b. Faux. Zola consacre un grand roman, Nana, à une figure de prostituée. – c. Faux. Les écrivains réalistes et naturalistes mettent l’étude de la diversité sociale au cœur de leurs œuvres. – d. Vrai.

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4 Les affirmations a et d s’appliquent au roman réaliste.

5 Les affirmations a, b et d s’appliquent au roman naturaliste.

6 Ce tableau de Gustave Caillebotte peut être mis en parallèle avec la nouvelle de Maupassant, « Une partie de campagne » (p. 184). Tous deux évoquent les plaisirs possibles pour les classes moyennes, qui cherchent à s’évader et oublier leur quotidien laborieux, le temps d’un dimanche sur les bords de Seine. Le peintre comme le romancier cherchent à capter l’ambiance fugace d’un moment : l’artiste peintre fait ressortir grâce au travail sur la couleur et la forme des sensations visuelles fugitives.

bibLiogRAPhie

• Honoré de bALZAc, avant-propos de La Comé-die humaine.• Guy de mAupAssAnt, préface de Pierre et Jean.• Émile ZOLA, Le Roman expérimental.• Émile ZOLA, préface de La Fortune des Rougon.

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