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N° 82 • Septembre 2010 • 12 e Réforme de l’ordonnance : interview de Joseph Zorgniotti p. 8 Avis du 24 juin 2010 h3c sur la sous-traitance p. 12 Gestion de patrimoine : la donation de revenus p. 48 Ouverture la revue Experts-comptables et commissaires aux comptes de France DOSSIER DU TRIMESTRE > Spécial Elections CRCC 2010 ENSEMBLE, FAISONS PROGRESSER LA PROFESSION !

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N° 82 • Septembre 2010 • 12 e

Réforme de l’ordonnance : interview de Joseph Zorgniotti p. 8

Avis du 24 juin 2010 h3c sur la sous-traitance p. 12

Gestion de patrimoine : la donation de revenus p. 48

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Exper ts-comptab les e t commissa i res aux comptes de F rance

DOSSIER Du tRImEStRE > Spécial Elections CRCC 2010

ENSEMBLE, FAISONS

PROGRESSER

LA PROFESSION !

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Sommaire

• Ouverture • N° 82 • Septembre 2010 • 3

Directeur De la Publication Philippe Arraou

réDacteur en chefGilles Dauriac

Secrétariat De réDactionet coorDinatrice Béatrice Fracasso

comité De réDaction

Serge AnouchianMohamed LaqhilaRoger LaurentJean-Luc MohrJean-Pierre Roger

ecf formationSSARL au capital de 50 000 €

51, rue d’AmsterdAm75008 PAris

tél.: 01 47 42 08 60FAx : 01 47 42 37 43mAil : [email protected] : www.e-c-f.fr

Mise en page /réalisation : Agence Spinnaker / photographie : Lyse Siebgravure / iMpression : imprimerie Lecaux OCEP

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Experts-comptables et commissaires aux comptes de France

Directeur De la Publication Philippe Arraou

réDacteur en chefGilles Dauriac

Secrétariat De réDactionet coorDinatrice Béatrice Fracasso

comité De réDaction

Serge AnouchianMohamed LaqhilaRoger LaurentJean-Luc MohrJean-Pierre Roger

ecf formationSSARL au capital de 50 000 €

51, rue d’AmsterdAm75008 PAris

tél.: 01 47 42 08 60FAx : 01 47 42 37 43mAil : [email protected] : www.e-c-f.fr

Mise en page /réalisation : Agence Spinnaker / photographie : Lyse Siebgravure / iMpression : imprimerie Lecaux OCEP

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Experts-comptables et commissaires aux comptes de France

Demandez le programme !!!

Tous les deux ans, notre profession est amenée à élire ses représentants dans les différentes CRCC, les élus régionaux choisissant dans un second temps les représentants de l’institution à l’échelon national.Un choix est donc à faire, et notre syndicat, car c’est l’une de ses vocations premières, proposera aux électeurs un programme d’action pour la prochaine mandature, ainsi que des candidats porteurs de nos engagements.Ce sujet essentiel est donc largement abordé dans ce numéro, et la présentation de notre programme constitue le thème de notre dossier spécial de ce trimestre.Ce numéro fait également le point sur la réforme de l’ordonnance de 1945, ainsi que sur un avis récent du H3C relatif à la sous-traitance.Enfin, le lecteur passionné de gestion de patrimoine pourra se frotter à la technique de la donation de revenus, parfois bien pratique pour financer les études de ses enfants à moindre coût fiscal, mais d’un maniement délicat dans certaines situations familiales complexes, comme le rappelait Sacha Guitry lorsqu’il disait : « C’était une famille qui s’entendait bien, ils n’avaient pas encore hérité… »

Bonne lecture à tous. Gilles Dauriac

Éditorial du président p. 5

❏ L’actualité syndicale p. 6

❏ En direct… de la profession p. 8

Expertise comptable Interview de Joseph Zorgniotti, Président du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-comptables p. 8

❏ Du côté de… H3C - Sous-traitance et/ou intervention d’un expert p. 12 Michel Ribollet

CJEC - Une nouvelle étape p. 15 Denis Barbarossa

❏ Rubriques techniques Management Le management un nouvel élan pour les cabinets p. 46 Philippe Arraou Patrimoine La donation de revenu p. 48 Marc Iwanesko Social Séminaire de Kusadasi - Turquie p. 53 Droit individuel à la formation : portabilité 2.0 p. 55 Eric Matton

❏ Et aussi… A ne manquer sous aucun prétexte… Séminaire gestion de patrimoine p. 58 Challenge voile : ECF sur le podium p. 59 Séminaire réflexion au sommet p. 60

J’ai lu pour vous… Essoufflement psychique ? … Mélancolie démocratique ? p. 63 Roger Laurent

Annonces CJEC p. 66

Dépôt légal n°3711- 2ème trimestre 2010 - ISSNCommission paritaire en cours • toutes reproductions des textes et documents sont interdites sauf accord de l’éditeur.

Ce numéro comporte un encart « bulletin d’adhésion » central de 2 pages placé entre les pages 34 et 35.

AnnonceursWELCOME > 2ème couv. • AGEFOS PME > p.4 • QuAdRA-tuS > p.16 • INtERFIMO > p.52 • FIdES > 3ème de couv. • GAN > 4ème de couv.

dossier du trimestre

Spécial élections CRCC 2O10

I/ Les enjeux de la prochaine élection

Quelle profession du commissariat aux comptes ? p. 18 ECF au pouvoir dans les compagnies :

une réalité qui fonctionne bien p. 20 Quelle pérennité du commissariat dans la PE ? p. 21 Pertes des mandats : ECF mène l’enquête p. 22 Relation Expert-comptable et Commissaire aux comptes p. 24 Pour un Département Petites Entités p.26 Faire évoluer la Norme PE p. 27 Evolution des NEP : business ou qualité ? p. 28 Pour un vrai co-CAC p. 30 Contrôle Qualité : l’adaptation est loin d’être achevée p. 33 Comment arrêter la dérive des réponses

aux appels d’offres ? p. 34 Du rapprochement des deux institutions nationales p.36 Plus d’équité dans le calcul des cotisations de la Compagnie p. 38

II/ Synthèse des ateliers du congrès : de la technique utile à tous

Mutualisation de l’exercice du commissariat aux comptes p. 40 De la complémentarité des missions

de présentation et de certification p. 43 Le mémorandum de synthèse

en commissariat aux comptes p. 45

Sommaire

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Editorial

• Ouverture • N° 82 • Septembre 2010 • 5

Les Experts-comptables et les Commissaires aux Comptes sont-ils encore des professionnels libéraux ? La question peut choquer, mais au vu de l’évolution de nos conditions d’exercice il est légitime de se la poser. Le développement de la taille des cabinets et les regroupements entre confrères, notamment dus aux besoins de spécialisation, l’organisation en réseaux plus ou moins formels, ont fait que l’exercice de notre profession en individuel n’est plus le modèle en vogue, loin de là. Est-ce dire pour autant que nous ne sommes plus une profession de libéraux ? Pour répondre à cette question il faut commencer par définir la profession libérale. Est-ce l’exercice d’un professionnel en individuel, seul dans sa bulle, face à son client et ses engagements professionnels, avec quelques collaborateurs ? Ou bien n’est-ce pas plutôt l’exercice d’une profession dans le cadre d’une réglementation faite d’éthique, et soumise à un code de déontologie ? C’est sur la base de cette dernière définition que notre profession est née. A l’époque, l’unique forme d’exercice était le cabinet individuel. Mais il ne faut pas confondre la forme et le fond. Si la forme a changé en 65 ans, le fond reste intact, et doit le rester. Plus que jamais notre exercice professionnel mérite d’être encadré dans une déontologie à respecter. Ce qui a fait la force et l’honneur de la profession sont ses valeurs morales et son indépendance. Sachons les préserver dans un monde contemporain qui a tendance à s’en éloigner. Notre société a besoin plus que jamais de professionnels libéraux. Mais que cela ne nous enferme pas dans des schémas d’exercice du passé. Les attentes du marché et les contraintes de nos missions nous poussent à nous regrouper et mettre des moyens en commun à plusieurs. Cela concerne les missions qui demandent une spécialisation : la mission sociale, le commissariat aux comptes, et bien d’autres encore. ECF présente dans le cadre de son congrès 2010 un modèle qui permettra à chacun de conserver son libre arbitre et son indépendance, tout en satisfaisant aux exigences du marché et de notre environnement. Cette démarche n’enlève rien à la dimension libérale de notre profession. A nous d’y voir une évolution nécessaire et utile à de meilleures conditions d’exercice.

Philippe Arraou

Professionnels libéraux

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L’actualité syndicale

6 • Ouverture • N° 82 • Septembre 2010

La Fédération ECF certifiée ISO 9001 : 2008 !

ECF, premier syndicat d’experts-comptables et commissaires aux comptes certifié

Nous vous l’annoncions il y a un an dans notre numéro 78 (septembre 2009), la Fédération ECF était engagée dans une démarche qualité visant à structurer et à améliorer, sous la houlette de son Secrétaire général, Jean-Pierre Roger, son organisation et la réalisation des missions de service auprès de ses membres. Les efforts effectués en ce sens par les permanents de la Fédération ont été officiellement récompensés le 30 juin 2010.Le certificat délivré par l’AFNOR, valable pour une durée de trois ans, a été remis officiellement au Congrès du Touquet, le 16 septembre 2010, par Monsieur Thierry Geoffroy, membre de la Direction générale d’AFNOR Certification, qui a rappelé les gages de professionnalisme et de confiance qu’apportait la certification ISO 9001 dans un monde en crise, et qu’ECF avait dans ce contexte là le mérite d’être un des rares syndicats professionnels (le seul de la profession) a être certifié.

La satisfaction des adhérents,une priorité !

L’expertise d’ECF reconnue par l’AFNOR s’articule autour de trois pôles d’activité « métier » : le social, la formation et la communication externe. Ces trois activités centrales reposent sur un processus initial d’adhésion faisant « preuve de créativité » selon les termes mêmes de l’auditeur en charge du suivi de la certification.Mais ce système performant de management de la qualité ne saurait être complet sans le soutien de trois processus transversaux : un logistique (gestion des documents et prestataires) et deux stratégiques (direction politique et amélioration continue) qui en font un corps vivant dont

l’évolution est guidée par trois principes fondamentaux :• satisfaire nos adhérents,• accroître leur nombre,• assurer un accompagnement efficace de nos élus.

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L’actualité syndicale

• Ouverture • N° 82 • Septembre 2010 • 7

Objectifs 2010

Les principaux objectifs fixés par la direction, et servis par le système de management de la qualité mis en place sont :• augmenter le nombre d’adhérents,• satisfaire les adhérents,• augmenter le nombre de formations,• satisfaire les clients de formations,• respecter le nombre de publications et communications

programmées,• respecter les délais des publications et communications

programmées,• être efficace dans l’accompagnement de nos élus.L’atteinte de ces objectifs par la Fédération est mesurée par une batterie d’indicateurs qui, s’ils ne nous permettent pas encore de verser dans l’autosatisfaction, nous permettent néanmoins d’être extrêmement optimistes.

Points forts de la démarche

L’audit de certification mené au mois de juin dernier a permis d’identifier un certain nombre de points forts, parmi lesquels nous souligneront particulièrement :• Un engagement très fort de la direction dans la démarche

qualité.• Une politique qualité déclinée par des objectifs

organisationnels clairement définis et quantifiés sur l’ensemble du dispositif, favorisant ainsi la prise de décision.

• Une écoute des adhérents qui est menée de façon maîtrisée ainsi qu’un bon retour des enquêtes de satisfaction.

• Une gestion maîtrisée des écarts constatés, avec des actions correctives dont l’efficacité est mesurée.

La qualité comme aboutissement logique de la progression d’ECF

La certification ISO 9001 de la Fédération n’intervient pas par hasard. Elle vient couronner vingt années d’évolution et de progression de notre Fédération, à la fois en termes de services, d’adhérents et de résultats électoraux.Si ECF est toujours resté fidèle à ses valeurs humanistes, qui font de la défense de l’exercice libéral, de l’indépendance du professionnel et de la confraternité les priorités de son action, notre Fédération a néanmoins su rassembler, s’ouvrir et accueillir en son sein des compétences venues d’horizons divers mais animées de la même volonté de préserver ce qui fait la force de notre profession. La progression électorale, très nette depuis la fin des années 90, s’est amplifiée, démontrant ainsi dans les régions gagnées qu’ECF était un syndicat crédible et responsable qui tenait toutes ses promesses. La victoire de 2008 et l’accession de Joseph Zorgniotti à la présidence du Conseil supérieur de l’Ordre sont venues parachever cette évolution électorale.Il restait néanmoins à transcrire cette réalité dans le fonctionnement d’une Fédération au service de ses adhérents, et dans le projet d’un syndicat au service de la profession. C’est désormais chose faite avec cette certification ISO 9001, souhaitée par Philippe Arraou, qui a parallèlement engagé le syndicat, en 2009, dans une profonde démarche d’innovation. Celle-ci se retrouve dans toutes les dimensions de l’action d’ECF, au-delà de son fonctionnement interne, à commencer par le Congrès et le renouvellement de son offre de séminaires et de formations, qui doivent servir l’élaboration d’un ambitieux projet pour la Profession : visionnaire, ouvert et humaniste.

Adhésions

Direction politique

Gestion des documents et prestataires

Amélioration continue

Communication externe

Formation

Social

Attentes des parties intéressées

Attentes des clients

Satisfaction des parties intéressées

Analyse de la satisfaction des clients

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de la professionExpertise comptable

8 • Ouverture • N° 82 • Septembre 2010

Joseph Zorgniotti, le premier semestre a été d’une rare intensité pour notre profession… ?

En effet. En quelques mois nous sommes parvenus à un accord avec la profession d’avocat tandis que le Parlement transposait la directive services pour notre profession… Il s’agit là d’étapes majeures pour l’avenir de notre exercice professionnel.

Pour beaucoup, directive services était synonyme d’une déréglementation profonde de la profession. Cette crainte était-elle fondée ?

Notre réglementation était visée par la directive services qui, je le rappelle, a pour objet de favoriser la libre circulation des services, qu’il s’agisse des prestations transfrontalières ou d’établissement sur un territoire. Ceci afin de renforcer

la concurrence et faire de l’espace économique européen, le plus compétitif au monde.Moyennant quoi, toutes les règles professionnelles non justifiées par un objectif d’intérêt général, ou jugées disproportionnées pour atteindre cet objectif devaient être éliminées ou réduites au juste nécessaire. Pourquoi me direz-vous ? Tout simplement parce qu’imposer une règle spécifique pour pouvoir exercer une activité dans un pays donné, c’est créer un obstacle supplémentaire pour des professionnels venant d’autres pays où les exigences peuvent être plus souples. Seules les normes véritablement nécessaires pouvaient donc demeurer.Pour cela, il nous appartenait de justifier du bien-fondé de notre réglementation et donc de démontrer son caractère d’intérêt général. Depuis 18 mois, nous avons dépensé toute notre énergie à cela.Nous l’avons fait avec d’autant plus de persuasion, qu’effectivement, nous ne doutons pas de ce caractère d’intérêt général qui consiste à d’une part protéger le consommateur et d’autre part à assurer la fiabilité et la transparence de l’information financière.

Interview de Joseph ZorgniottiPrésident du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-comptables

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de la professionExpertise comptable

• Ouverture • N° 82 • Septembre 2010 • 9

Dans un contexte de crise de confiance des acteurs économiques, nous avons pu mettre en avant des arguments solides qui ont emporté la conviction de nos interlocuteurs.

Certes, mais l’ordonnance a tout de même fait l’objet d’un toilettage… ?

C’est tout à fait exact. Nous avons même été à l’initiative de plusieurs mesures.L’immobilisme n’a jamais été notre credo. L’équipe que j’anime n’a jamais caché vouloir faire évoluer la réglementation pour mieux répondre aux attentes de nos clients. Vous le savez bien, les besoins des entreprises évoluent. Il faut que nous puissions nous adapter au marché. Or, certains aspects de notre réglementation étaient devenus totalement bloquant, inutiles et désuets. Ils ne correspondaient plus à la défense de l’intérêt général, au contraire.A titre d’illustration, prenons le cas du maniement de fonds jusqu’ici totalement prohibé. Dans un contexte de dématérialisation croissante et de télérèglement, l’interdiction de manier des fonds ne pouvait que freiner ce mouvement. Qui plus est, nous étions les seuls en Europe à ne pouvoir jouer le rôle de tiers payant pour le compte des députés européens. C’est pourquoi, cette interdiction a fait l’objet d’importantes dérogations afin de permettre le maniement des fonds sous conditions pour assurer la sécurité des professionnels et de leurs clients.Voyez également l’interdiction de réaliser des actes de commerce. Pourquoi la conserver de manière pleine et entière ? Nous savons très bien que pour proposer un service complet à nos clients, nous devons pouvoir accomplir certains actes de commerce. Je pense par exemple à la domiciliation d’entreprise… Mais là encore, tout n’est pas autorisé. Ces actes ne doivent pas mettre en péril l’indépendance du professionnel. Des normes professionnelles viendront apporter les précisions nécessaires pour nous guider dans l’appropriation de ces nouvelles opportunités.

Finalement, quelle est votre appréciation globale de cette transposition ?

Nous avons su la positiver. Nous sommes parvenus à surmonter cette contrainte pour la transformer en opportunité en faisant en sorte que les évolutions de notre réglementation correspondent aux besoins de nos clients. Quoi de plus naturel puisqu’elle vise à protéger leurs intérêts ?Désormais nous devons nous concentrer sur l’étape suivante, c’est-à-dire l’appropriation concrète de ces évolutions par les

cabinets. Je compte sur chacune et chacun, et donc sur ECF bien évidemment, pour relayer cette réforme et la décliner de manière pratique.Le congrès d’ECF comme le congrès de l’Ordre seront des temps forts qui permettront aux professionnels pour saisir les nouvelles opportunités qui se présentent à nous.Je tiens à apporter un complément d’information. Une autre déréglementation menace. Elle concerne la suppression des obligations comptables qui s’imposent aujourd’hui aux plus petites entreprises. C’est un débat qui a lieu à l’heure actuelle à Bruxelles. Certains voudraient laisser croire que le coût de ces obligations est trop important et stérile. C’est oublier un peu vite les avantages corrélatifs en terme de crédibilité et de pilotage pour ces entreprises. Pour autant, si nous voulons que nos arguments portent, nous ne devons pas paraître corporatistes. Ce qui signifie que nous devons rester mesurés et accepter d’envisager la réduction de certaines obligations qui n’emportent pas de véritables gains pour ces entreprises. Nous devons être cohérents et ouverts dans notre argumentation. C’est la seule manière d’être entendus.

Revenons sur l’accord conclu le 26 juin avec la profession d’avocat. Quel est l’impact pour les cabinets dans leur exercice quotidien ?

Je veux d’abord vous en rappeler la genèse… Cela fait bien des années que nos deux professions se disputent sur le thème du périmètre. Cet antagonisme avait quelque chose d’irrationnel car nous savons très bien que, sur le terrain, les choses fonctionnent plutôt bien entre nous : en effet, très souvent, nous nous positionnons de manière complémentaire au service de mêmes clients.C’est le projet de contreseing réservé aux seuls avocats, tel qu’il a été présenté dans le rapport DARROIS qui a créé des tensions entre la profession d’avocat et les autres professions réglementées. Mais également avec les représentants des entreprises.Cependant, nous n’avons jamais cessé de nous parler pour parvenir à nous comprendre. Une fois connu précisément le projet de contreseing, nous avons saisi l’autorité de la concurrence. C’est ce qui a permis de définir les conditions dans lesquelles le contreseing réservé aux avocats ne serait pas contraire au droit de la concurrence. De la sorte, le contreseing doit être cantonné à son rôle et ne doit pas être utilisé comme un argument de « vente ».Concomitamment, cela nous a permis de conclure un accord, aux termes duquel nous nous engagions à ne plus bloquer ce projet. En contrepartie, les avocats reconnaissaient

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notre légitimité à intervenir dans le domaine du droit et s’engageaient à reconnaître l’usage consistant à assister les personnes physiques dans leurs démarches déclaratives tant en matière administrative, que fiscale et sociale. L’article 2 de l’ordonnance a été modifié en conséquence, mais de manière encore imparfaite. Nous sommes convenus de demander aux parlementaires d’apporter les ajustements nécessaires.

On a également beaucoup entendu parler d’interprofessionnalité ?

L’interprofessionnalité est la pierre angulaire de notre accord avec les avocats, mais également des groupes de travail que nous avons installés avec les notaires et les huissiers de justice.Cette volonté s’appuie sur un constat très simple : nous sommes des professions du conseil et nous sommes complémentaires. Nos clients expriment un besoin : pouvoir trouver réuni un panel de compétences qui couvre l’ensemble de leurs demandes.Comme dans d’autres pays européens, nous devons nous adapter à cette demande du marché si nous voulons pouvoir affronter la concurrence à armes égales.C’est pour cette raison que nous avons décidé de travailler pour parvenir à un texte sur l’interprofessionnalité capitalistique. Le projet de loi sur la modernisation des professions judiciaires et juridiques qui sera examiné au Sénat en décembre devrait intégrer cette évolution majeure.

Quel bilan tirez-vous de ces dix-huit mois à la tête du Conseil supérieur ?

Il est un peu tôt pour tirer un bilan définitif. Néanmoins, je crois pouvoir dire que nous avons fait du bon travail jusqu’à maintenant.Du bon travail concernant la directive services. Et nous sommes en passe de pacifier nos relations avec les avocats…Du point de vue de la lutte contre le blanchiment d’argent, une de mes premières décisions avait été de déférer l’ordonnance du 30 janvier 2009 transposant la directive européenne devant le Conseil d’Etat. Elle omettait de manière inacceptable de nous exempter de déclaration de soupçon dans le cadre de nos consultations juridiques. Nous venons d’obtenir gain de

cause puisque la loi du 23 juillet 2010 a rétabli cette exemption.Sur le dossier des contributions des AGC à l’Ordre, nous avons obtenu, en décembre dernier, les modifications législatives nécessaires à un traitement équitable.Sur le plan des téléprocédures, nous mettons en œuvre un des points forts de notre programme en instituant par étape, la gratuité de jedeclare. com. Car il est essentiel que la profession s’investisse à 100 % pour renforcer sa place centrale dans le traitement et la diffusion de l’information comptable et financière. Nous multiplions les accords avec les banques - dont la Banque de France. J’ai le bonheur de constater que le portail connaît une très nette progression cette année.Je compte sur chacune et chacun pour jouer le jeu de la profession. Il faut absolument apporter, si ce n’est pas encore le cas, vos flux au portail.Nous sommes enfin parvenus à pacifier les relations avec les OGA qui étaient tendues depuis le vote de la loi de finances rectificative pour 2008 attribuant le visa fiscal aux professionnels de la comptabilité sans qu’ils ne bénéficient de la totalité des avantages.Enfin, nous avons dû redresser les comptes du Conseil supérieur en procédant à une réorganisation… Des décisions ont été difficiles à prendre. C’était notre devoir. Nous l’avons fait et la situation est désormais totalement rétablie.Je veux préciser enfin qu’il s’agit du travail de toute une équipe. J’ai le bonheur de ressentir, de la part de tous, une véritable envie de travailler ensemble.

Vous reste-t-il encore des projets qui ne soient encore accomplis ?

Avec Agnès Bricard et Philippe Arraou, nous avions un programme ambitieux… Pas à pas, nous sommes en passe d’en respecter les termes. Il nous reste la réforme des cotisations ordinales sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs mois.Nous avançons également sur le mandat implicite, ainsi que le statut de tiers de confiance qui nous permettra de conserver les pièces justificatives pour le compte de nos clients, tout ceci dans le cadre de leurs déclarations. Nous échangeons avec le Gouvernement afin de trouver les modalités adéquates à mettre en œuvre. Vous voyez, nous n’avons pas l’intention de renoncer et continuons d’aller sans cesse de l’avant.

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Part de capital réservée à un membre de l’Ordre dans une société d’ex-pertise comptable

Plus de 2/3 ou 3/4(SARL) Plus de la moitié

Droits de vote réservés à un membre de l’Ordre dans une société d’ex-pertise comptable

Plus de 2/3 ou 3/4(SARL) Plus de 2/3

Qualité d’expert-comptable membre de la société requise pour les fonctions de direction des sociétés d’expertise comptable

Gérants

Président du conseil d’adminis-tration ou de surveillance

Directeurs généraux

Les membres du directoire

+ ½ des administrateurs ou des membres du conseil de sur-veillance

Gérants

Président du conseil d’administration

Les membres du directoire

Prise de participation dans des sociétés non inscrites au tableau de l’Ordre Interdite Autorisées

Activités commerciales Incompatibles

Autorisées à titre accessoire à condition que cela ne soit pas de nature à compromettre l’indépendance ou l’exercice de la profession et le respect de la déontologie. Les conditions en seront fixées par des normes élaborées par le Conseil Supérieur

Exercice de mandats sociaux

Limité aux mandatsgratuits d’administrateur dans des associations ou des sociétés à but non lucratif

Autorisation d’accepter sous contrôle du CROEC et dans les conditions fixées par le règlement intérieur tout mandat social dans toute société, groupement ou association dès lors qu’il n’est pas de nature à porter atteinte à l’indépendance.

maniement des fonds Interdit

Autorisation de délivrer directement des fonds pour le paiement de dettes fiscales ou sociales pour lequel un mandat a été confié au professionnel ou indirectement dans les autres cas dans les conditions fixées par des textes réglementaires à venir

Personnes faisant l’objet par extension des incompatibilités opposées à l’expert-comptable

- conjoint des membres de l’Ordre- employés salariés- toute personne agissant pour leur compte ou ayant avec eux des liens ou intérêts communs

- employés salariés- toute personne agissant pour leur compte ou ayant avec eux des liens ou intérêts com-muns(suppression du conjoint de la liste)

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Du côté du… H3C

12 • Ouverture • N° 82 • Septembre 2010

A la lumière de l’avis du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes rendu le 24 juin 2010 en application de l’article R. 821-6 du code de commerce sur

une auto-saisine, les commissaires aux comptes, et par la même occasion les experts-comptables, bénéficient d’une argumentation juridiquement fort bien étayée qui conforte les pratiques existantes en matière de recours à la sous-traitance et/ou à l’intervention d’un expert.

En substance, cet avis rappelle que pour l’accomplissement de leurs missions les commissaires aux comptes ont souvent recours à des professionnels qui n’appartiennent pas à la structure d’exercice professionnel détentrice de la mission, ce recours est qualifié par la pratique de « sous-traitance », ce qualificatif de sous-traitance ne répondant pas cependant aux prescriptions et contraintes de la loi de 75 :« La sous-traitance est définie à l’article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 comme l’« opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise

ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ». C’est une opération tripartite, qui se caractérise notamment par l’existence d’une action directe en paiement du sous-traitant contre le maître de l’ouvrage dans le cas où l’entrepreneur principal ne paie pas1.Les caractéristiques du contrat de sous-traitance ne reflètent pas l’opération existant entre professionnels de l’expertise comptable et/ou du commissariat aux comptes. Le recours à un professionnel externe ne crée pas de chaîne de contrats entre les participants à l’opération. En effet, aucun lien contractuel n’existe entre l’entité cliente et le professionnel externe qui ne dispose par ailleurs d’aucun recours direct contre l’entité cliente.Les prestations effectuées par un professionnel externe échappent en conséquence à la notion de sous-traitance telle que définie par la loi de 1975.2 »

A l’occasion du recours aux missions de « sous-traitance », il convient de formaliser nos relations avec les confrères auxquels nous pouvons avoir recours pour l’exécution de nos missions.

1. Article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 : « le sous-traitant a une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ».2. Cf avis du h3c

Michel Ribollet, commissaire aux comptes

Sous traitance et/ou Intervention d’un expert

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Du côté du… H3C

• Ouverture • N° 82 • Septembre 2010 • 13

Ce contrat doit comporter un objet, une durée, fixer les obligations de chacune de parties, bien préciser les règles de confidentialité et de secret professionnel applicables, ainsi que les conditions et modalités de résiliation.Dans l’attente d’un éventuel contrat-type que nous proposerait la Compagnie Nationale ou le Conseil Supérieur, le modèle suivant pourrait servir d’exemple :

Pour les commissaires aux comptes

Suivant l’Avis du Haut Conseil

« Sur le recours à un professionnel n’appartenant pas à la structure d’exercice professionnel qui détient le mandat de commissaire aux comptes

Le Haut Conseil relève qu’avant d’accepter une mission de certification, le commissaire aux comptes doit respecter des prescriptions, notamment celles définies à l’article 15 du code de déontologie qui prévoit qu’il doit disposer des moyens lui permettant « d’assumer ses responsabilités, en matière d’adéquation à l’ampleur de la mission à accomplir, des ressources humaines ».

Il rappelle également que l’article L. 823-13 du code de commerce prévoit que « les commissaires aux comptes peuvent, sous leur responsabilité, se faire assister ou représenter par tels experts ou collaborateurs de leur choix ». Dans ce cas, conformément aux dispositions de l’article 16 du code de déontologie, ils « s’assure [nt] que les collaborateurs ou experts à qui il [s] confie [nt] des travaux respectent les règles applicables à la profession et sont indépendants de la personne ou entité qui fait l’objet d’une certification des comptes à laquelle ils participent ».Le recours à des experts ou des collaborateurs peut ainsi constituer un moyen de satisfaire à la condition posée à l’article 15 du code de déontologie.

Concernant l’« expert », les conditions et limites de son intervention sont prévues par l’article 7 du code de déontologie et par la norme d’exercice professionnel relative à l’intervention d’un expert qui le définit comme la « personne physique ou morale possédant une qualification et une expérience dans un domaine particulier autre que la comptabilité et l’audit ».

S’agissant du « collaborateur », le Haut Conseil estime que le commissaire aux comptes peut recourir à un professionnel qui possède une qualification dans le domaine de la comptabilité et l’audit et

qui peut réaliser des travaux d’audit pour le compte du commissaire aux comptes. Il rappelle à ce titre que l’article 7 du code de déontologie prévoit que le commissaire aux comptes doit s’assurer que « [les collaborateurs] disposent des compétences appropriées à la bonne exécution des tâches [que le commissaire aux comptes] leur confie et à ce qu’ils reçoivent et maintiennent un niveau de formation approprié ».

Entre les soussignés :

1) X Expert-comptable - Commissaire aux comptes, Demeurant à

Ci- après dénommé «le titulaire de la mission»

2) Y Expert-comptable - Commissaire aux comptes inscrit, (ou autre)Demeurant à

Ci-après dénommé « le sous-traitant » ou « l’expert »

Fait à le

En deux exemplaires

Signataire du titulaire de mission Signataire du « sous-traitant » ou « expert »

Article 1 - ObjetX sollicite les services de Y en qualité de sous-traitant aux fi ns de lui confi er tout ou partie des travaux délégables, dans le cadre de sa/ ou ses mission(s) d’expert-comptable, de commissaire aux comptes de ….(à compléter)/ ou des sociétés ci-après désignées : (à compléter)Le cas échéant décrire plus précisément la nature des tra-vaux sous-traités, la consultation demandée éventuellement à l’expert.

Article 2 - Rémunération des prestations du sous-trai-tantLes prestations défi nies à l’article 1er ci-dessus seront fac-turées par le sous-traitant au titulaire du ou des missions suivant un taux horaire H.T de (à compléter, ou au prix for-faitaire de ….).Les frais de déplacement ou d’hébergement, de repas et frais annexes (à défi nir, le cas échéant) engagés par le sous-traitant et nécessaires à l’exécution de ses presta-tions, seront facturés en sus au titulaire de la mission.Les factures émises par le sous-traitant seront payées dans un délai de (à compléter)

Article 3 - Durée Le présent contrat est conclu pour une durée de la /ou des missions telle(s) que défi nie(s) à l’article 1er.

Article 4 - Obligations du titulaire de la mission ou du /des mandatsLe titulaire de la mission s’oblige à mettre à disposition du sous-traitant tous les éléments d’informations nécessaires à l’exercice de la/ des mission(s), notamment ses propres travaux.Le titulaire de la mission s’oblige à permettre au sous-trai-tant l’utilisation des moyens et procédures de son Cabinet.

Article 5 - Obligations du sous-traitantPour l’accomplissement des diligences et prestations pré-vues à l’article 1er ci-dessus, le sous-traitant s’engage à effectuer ses travaux conformément aux règles légales, ré-glementaires et déontologiques du titulaire de la mission en vigueur, à la date d’exécution de la mission.Le sous-traitant réalisera ses prestations en respectant les procédures mises en oeuvre au Cabinet du/ des titulaire(s) de la mission conformément aux dispositions du Code de Déontologie de celui-ci.Le sous-traitant» s’engage à effectuer les travaux dans les délais nécessaires pour permettre au titulaire de la/des mission(s) d’effectuer ses propres travaux en vue de fi nali-ser sa mission.

Article 6 - Confi dentialitéLe sous-traitant est tenu de ne pas divulguer d’informations auxquelles il aurait pu avoir accès dans le cadre de l’exécu-tion de sa/ses mission(s), étant en tant que de besoin rap-pelé qu’il est soumis au secret professionnel.

Article 7 - Résiliation - sanctionEn cas de manquement de l’une des parties à ses obliga-tions, l’autre partie pourra résilier immédiatement le présent contrat. Sa décision devra être notifi ée à l’autre partie par voie électronique ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

Article 8 - ConciliationLes litiges qui pourraient éventuellement survenir entre les parties devront être portés avant toute action judicaire, de-vant le président du Conseil Régional de « l’Ordre des Ex-perts-Comptables » de « la compagnie régionale des com-missaires aux comptes » de XXXXX aux fi ns de conciliation

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Du côté du… H3C

14 • Ouverture • N° 82 • Septembre 2010

Le Haut Conseil estime que ces collaborateurs peuvent appartenir à la structure d’exercice professionnel détentrice du mandat ou être des personnes « externes » à cette structure, qui peuvent être :

• des commissaires aux comptes personnes physiques ou des salariés ou associés non salariés de sociétés de commissaires aux comptes,

• des experts-comptables personnes physiques ou des salariés ou associés non salariés de sociétés d’expertise-comptable,

• des salariés d’entités constituées entre des commissaires aux comptes et/ou des experts-comptables et dont l’objet est la mise en commun de moyens (« groupements »).

En cas de recours à des experts-comptables, des salariés ou des associés non salariés d’une société d’expertise-comptable ou des salariés d’un « groupement », il appartiendra au commissaire aux comptes détenteur du mandat de veiller à ce que ces collaborateurs « externes » accomplissent leurs travaux dans le respect des règles applicables à la profession de commissaire aux comptes, notamment du code de déontologie.

Par ailleurs, le Haut Conseil rappelle que conformément à l’article 16 du code de déontologie, le commissaire aux comptes qui recourt à des collaborateurs « conserve toujours l’entière responsabilité de sa mission » et « ne peut [leur] déléguer ses pouvoirs ». A ce titre, il estime qu’un tel recours doit respecter un certain nombre de conditions.

Le Haut Conseil précise que le recours à des collaborateurs « externes » ne doit pas être un moyen de pallier une insuffisance de ressources internes conduisant le commissaire aux comptes à en faire systématiquement usage sur tout ou partie des mandats qu’il détient. Ainsi, le Haut Conseil est d’avis que le recours à des collaborateurs « externes » doit être limité et qu’il ne peut être envisagé que pour répondre à un besoin de

ressources, lié à des situations particulières. Toutefois, Il estime que cette condition n’est pas applicable lorsque la structure d’exercice professionnel détentrice du mandat prévoit le recours à des collaborateurs des membres de son réseau ou à ceux de structures qui lui sont associées.

Le Haut Conseil est également d’avis lorsque le commissaire aux comptes recourt à un collaborateur « externe » quel qu’il soit, que la relation contractuelle soit formalisée entre les parties. Si ce professionnel est une personne morale ou une entité, la relation contractuelle est formalisée entre le commissaire aux comptes détenteur du mandat et la personne ou entité et non avec le ou les salarié(s) de ladite personne ou entité. »

Pour les experts-comptables

Un expert-comptable peut faire appel, à condition d’en informer son client, à l’un de ses confrères spécialiste dans tel ou tel domaine (ex. : informatique). Dans ce cas le membre de l’Ordre conserve, vis-à-vis de son client, la responsabilité de la mission que celui-ci lui a confiée.

L’article 22 du code de déontologie en a fixé la portée et précisé les limites : « La collaboration rémunérée entre personnes mentionnées à l’article 1er ou entre elles et d’autres professionnels pour des affaires déterminées est admise dans le respect de l’ensemble des règles professionnelles et déontologiques.La rémunération versée ou reçue doit correspondre à une prestation effective. La seule indication à un client ou adhérent du nom d’un confrère ou d’un autre professionnel ne peut être considérée comme telle. »

Les experts-comptables peuvent avoir recours à une forme particulière de sous traitance : le contrat de collaborateur libéral. Il convient de noter que ce contrat est interdit dans le cadre du commissariat aux comptes.

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Du côté du… CJEC

une nouvelle étape !

Après 8 années passées avec plaisir au service de la Profession ! D’abord à l’ANECS, ensuite au CJEC, je quitte une instance en pleine forme, dont les différents séminaires, outils et réductions visent à faciliter l’installation sous toutes ses formes. Mais le CJEC est également un lieu de réflexion : exercice de demain, échanges, bonnes idées, le partage des valeurs aident à nous faire grandir. Aujourd’hui, une nouvelle équipe se met en place et toutes les bonnes volontés sont appréciées.

Représentativité

Fort de ces constats et de notre présence permanente, tant au Conseil Supérieur au sein des diverses commissions intéressant la vie de nos adhérents, qu’auprès des syndicats avec lesquels nous échangeons régulièrement, la voix des jeunes professionnels n’aura jamais eu autant d’écho, et la progression de nos adhérents en est le témoin. A ce jour, ce sont plus de 1.100 jeunes (- 5 ans) diplômés ou installés qui participent à la vie de l’instance, soit un doublement des effectifs en 5 ans. Mais nos adhérents s’engagent plus largement, à l’image de leur implication lors des principaux évènements de la profession. Certes au Congrès de l’Ordre où adhérents et élus du CJEC ont largement participé dans sa préparation et son animation, mais également lors du Challenge Voile où les équipages jeunes rivalisent d’ingéniosité pour démontrer dynamisme et innovation : exclusivement féminin, malchanceux déguisés, interprofessionnel, nous sommes présents et remarqués !

de nouveaux services

Sous ma mandature, nous avons souhaité développer encore plus les services apportés aux adhérents ; une commission entreprenariat a été créée pour mettre en avant le rôle de la profession dans la création d’entreprise au sein des diverses structures et salons l’accompagnant. Avec nos partenaires, Gan Assurances en tête, nous avons offert de réelles opportunités d’affaires à nos adhérents (consultations gratuites sur des salons, etc.). Avec CEGID, nous travaillons à la segmentation de votre clientèle pour favoriser la détection de missions à plus forte valeur ajoutée dans le cadre d’une offre ouverte à tous. Plus que jamais, nous restons à l’écoute et force de propositions.Avec LCL, le Tour de France des « séminaires installation » (en partenariat avec ECF et IFEC) a connu un franc succès. Au cours des soirées dédiées au développement et au financement des entreprises, LCL a dévoilé le point de vue du banquier afin que les adhérents puissent positionner leur cabinet sur de nouvelles missions.

une équipe

Enfin, rien n’aurait été possible sans le soutien des élus qui m’ont accompagné durant toutes ces années et que je remercie pour leur implication bénévole. L’équipe permanente a été renforcée pour tenir compte des nouveaux besoins des associations, notamment en matière de communication. Son dévouement est total et je lui suis très reconnaissant pour l’écoute et les observations toujours judicieuses dans une structure en pleine mutation.Mais une fin de mandature est une page qui se tourne, je souhaite le meilleur à mes successeurs pour pérenniser cette belle aventure du Club.

Vous aussi, accompagnez les jeunes de votre cabinet vers l’exercice libéral et montrez leur la route pour l’entreprenariat !

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Denis Barbarossa, Président National

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dossier du trimestre

Les prochaines semaines vont être marquées par la campagne pour les élections dans les différentes compagnies régionales des commissaires aux comptes, prélude à l’élection du prochain bureau de la CNCC.Ce dossier spécial est l’occasion de réaffirmer les positions de notre syndicat sur des sujets essentiels pour un exercice quotidien apaisé du commissariat aux comptes.Dans le prolongement de notre congrès annuel du Touquet, une synthèse des principaux ateliers orientés sur notre exercice professionnel permettra au lecteur de prendre un peu de recul sur des sujets essentiels.

Spécial élections CRCC 2O10

SommaireSommaire

I/ Les enjeux de la prochaine élection

18 > Quelle profession du commissariat aux comptes ?

20 > ECF au pouvoir dans les compagnies : une réalité qui fonctionne bien

21 > Quelle pérennité du commissariat dans la PE ?

22 > Pertes des mandats : ECF mène l’enquête

24 > Relation Expert-comptable et Commissaire aux comptes

26 > Pour un Département Petites Entités

27 > Faire évoluer la Norme PE

28 > Evolution des NEP : business ou qualité ?

30 > Pour un vrai co-CAC

33 > Contrôle Qualité : l’adaptation est loin d’être achevée

34 > Comment arrêter la dérive des réponses aux appels d’offres ?

36 > Du rapprochement des deux institutions nationales

38 > Plus d’équité dans le calcul des cotisations de la Compagnie

II/ Synthèse des ateliers du congrès :de la technique utile à tous

40 > Mutualisation de l’exercice du commissariat aux comptes

43 > De la complémentarité des missions de présentation et de certification

45 > Le mémorandum de synthèse en commissariat aux comptes

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18 • Ouverture • N° 82 • Septembre 2010

Quelle profession du commissariat aux comptes ?

La question peut surprendre ou paraître saugrenue : quelle profession du commissariat aux comptes ? « Comme s’il pouvait y avoir plusieurs réponses » ne manqueront pas

de rétorquer les innocents. Et bien oui, il y a plusieurs réponses possibles à cette question. C’est tout l’intérêt d’une élection politique, avec un choix à faire entre deux propositions. Nous ne devons pas nous leurrer : derrière une élection, il y a un vrai enjeu politique, qui pour certains se traduit en enjeu économique et financier. Alors que l’objet concerne apparemment la profession toute entière, ce sont aussi des intérêts privés ou sectoriels qui peuvent être en question. Sans aucune forme apparente, bien évidemment. Il convient par conséquent de mettre en lumière les véritables enjeux des élections, et, pour ce faire, les différences qui opposent les formations en lice. La principale de ces différences est la réponse à la question titre de cet article, loin d’être anodine.

Voulons-nous d’une profession spécialisée, réduite à un petit nombre de spécialistes du commissariat aux comptes, ou pensons-nous que chaque professionnel doit continuer à exercer la mission légale, quel que soit le nombre de ses mandats ? De la simple réponse à la question découle le choix du vote aux élections. La vision minimaliste et, disons-le, élitiste de la profession est celle de la majorité en place à la tête de la Compagnie nationale. La vision généraliste et pluraliste est celle d’ECF. Au moment du vote, l’électeur est-il bien conscient que le choix qu’il fait, généralement sur des confrères et consoeurs de sa connaissance, a pour conséquence le choix d’une politique menée au niveau national, avec in fine des répercussions sur son propre cabinet, et sur son portefeuille de mandats ?

Autre conséquence bien plus sournoise, le choix des élus à la Compagnie touche indirectement au métier de l’expertise comptable. Peut-être pas dans l’instant, mais à terme, fruit d’une politique qui aura ouvert une voie de laquelle il ne sera plus possible de revenir. La vision élitiste du commissariat aux comptes revient à diviser les professionnels. Une fois que le marché du commissariat aux comptes sera dans les mains de quelques-uns, il n’y aura plus qu’un pas à franchir pour obtenir la levée de la réglementation du marché de l’expertise comptable. La libre concurrence étant devenu la règle du modèle économique mondial, l’avenir des professions libérales est menacé, ou en tout cas leurs prérogatives d’exercice.

Comme bon nombre de pays voisins et membres de l’Union européenne, les services comptables pourraient être libéralisés, et l’expertise comptable française pourrait ne plus être insérée dans le cadre draconien qui la caractérise. D’un autre côté, le commissariat aux comptes conserverait évidemment toute la force de sa réglementation, devenant la noblesse de la profession. Deux marchés qui conduiraient évidemment à deux corps professionnels distincts. Cela n’est pas sans rappeler la distinction entre les Experts-comptables et les Comptables agréés d’autrefois. Le siècle dernier pour les plus jeunes, mais seulement 27 ans derrière pour la plupart des professionnels en activité aujourd’hui, qui ont connu la dichotomie. ECF a tout fait pour combattre cette division, et l’harmonisation a été le résultat d’un travail syndical acharné, dans lequel Jean-Paul Mohr s’est particulièrement distingué. La culture d’ECF reste la même et notre vision politique ne change pas. Nous appelons de nos vœux une profession forte et unifiée avec le plus grand nombre possible de professionnels en exercice, y compris en matière de commissariat aux comptes, car nous pensons que de la pluralité naît la richesse. Plus diverse sera la profession, plus forte elle sera. Nous ne comprenons pas la politique menée par la Compagnie nationale depuis la LSF en 2003, et nous sommes fortement opposés aux orientations politiques qui sont données, encore aujourd’hui.

Vouloir « relever le niveau » de la profession est un vœu louable que l’on peut comprendre si on limite la portée de cette politique à la technique professionnelle. Mais quand on mesure les effets dévastateurs de ce plan à l’aune de la démotivation qu’il entraîne dans les rangs des professionnels et du découragement général de la part des petits cabinets qui n’ont que quelques mandats, on peut légitimement se poser des questions sur la véritable portée de la motivation initiale : le but était-il de relever le niveau ou de décourager une bonne partie des professionnels ? D’autant que ce projet a pris toute sa dimension avec la mise en place d’un contrôle qualité d’un type nouveau. Finie la dimension confraternelle et pédagogique qui faisait voir l’arrivée du confrère contrôleur avec plaisir, sachant que, quelle que soit l’issue du contrôle, il en sortait toujours un bénéfice pour le cabinet. Nous sommes passés à une approche administrative, basée sur la recherche des erreurs et omissions, et débouchant inévitablement sur une sanction. Les dossiers à remplir ont été conçus de telle façon que le contrôleur n’a pas de temps à consacrer à l’échange,

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obnubilé par ses cases à cocher. A tel point que, l’écoeurement chez les contrôleurs ayant gagné, une véritable crise du recrutement s’en est suivie, et que les quotas de contrôles à effectuer par les CRCC ne sont pas toujours respectés. Cette conception totalement policière du contrôle qualité relève d’une culture d’un agent de l’état soucieux de la portée universelle de sa fonction, mais certainement pas de celle d’un professionnel voulant apporter une aide à ses confrères. Et pourtant ces documents sont issus de la Compagnie nationale, fruits du travail de certains salariés et de confrères élus, dont nous tairons les noms par charité chrétienne. Devant la réaction d’ECF et les revendications portées notamment dans le cadre de notre Forum annuel du Commissariat aux Comptes, et après la réaction du H3C, la Compagnie a fini par enfin concevoir une version allégée du contrôle pour les petits mandats et les cabinets ayant peu de mandats. Mais cela est encore totalement insuffisant, et les évolutions attendues ne pourront pas se faire sans un changement politique. La Compagnie nationale doit être dirigée par des élus guidés par un projet politique d’un type nouveau.

ECF reconnaît le besoin de professionnaliser l’exercice du commissariat aux comptes pour répondre aux exigences du marché et de l’environnement des entreprises. Mais cela ne doit pas se faire en laissant des victimes sur le bord du chemin. Personne n’a démérité dans la pratique de la mission légale à ce jour. Chaque professionnel a fait ses preuves quant à sa capacité à devenir Commissaire aux comptes et a fait des efforts pour se maintenir en activité, n’hésitant pas à investir et à se former. Ces efforts demandent à être poursuivis et accompagnés. Là est le rôle de l’institution afin de faire en sorte que chacun reste en activité. C’est en tout cas la proposition d’ECF dans le cadre de ces élections. Elle nous distingue de la politique menée actuellement par la Compagnie nationale.

Le projet politique d’ECF repose une vision globale de l’ensemble de la profession. Nous avons la particularité d’exercer deux types de missions répondant à des exigences totalement différentes. L’une, l’expertise comptable, est directement au service des entreprises. L’autre, le commissariat aux comptes, ne l’est qu’indirectement, répondant avant tout à un impératif d’intérêt général. Pour qui sait le voir, les deux sont complémentaires pour le service rendu à l’entreprise. Mais les deux sont aussi complémentaires pour l’intérêt de la profession. Nous n’avons aucun intérêt à opposer les deux missions, ni les deux institutions qui les encadrent. Le chiffre d’affaires de la profession est le total des deux. Cette vision là doit nous guider. Dans les entreprises où il y les deux professionnels, le montant des honoraires est bien supérieur à celui que peut réaliser un seul des deux. La diversité des missions que peuvent proposer les deux professionnels réunis est incomparablement plus riche que celle d’un seul, même avec l’aide des normes DDL. Voilà pourquoi ECF propose de rapprocher les deux institutions, de travailler de concert, de construire des projets qui doivent servir les intérêts de tous les cabinets dans leur globalité, et de faire en sorte que la composition de la profession du commissariat aux comptes soit, peu ou prou, la même que celle de l’expertise comptable.

Proposition d’ECF

ECF refuse la vision élitiste qui consiste à réduire le nombre de commissaires aux comptes en activité et propose un projet pour que chacun conserve ses quelques mandats, et continue à s’investir dans la mission légale, avec l’aide de la Compagnie.

Le projet du commissariat aux comptes d’ECF s’insère dans un projet global pour l’ensemble de la profession.

Comité de préparation de la campagne CAC 2010

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CRCC d’AIX-EN-PROVENCE - BAStIA CRCC de LYON CRCC de PARIS

Président depuis 2007Co-président de la commission associations, secteur public et

parapublic de la CNCC depuis 2009

11 286 mandatsNombre d’inscrits :

1 109 personnes physiques309 personnes morales

Vice-président chargé de la formation en 2007 et 2008

Président depuis 2009Président de la commission PE

de la CNCC depuis 2009

18 536 mandatsNombre d’inscrits :

914 personnes physiques406 personnes morales

Président depuis 2009

50 174 mandatsNombres d’inscrits :

3 205 personnes physiques 1 385 personnes morales

Alexandre BIzAILLON72 ans,

marié et père de 3 enfants

Jean-François mALLEN45 ans

marié et père de 3 enfants

Didier-Yves RACAPé52 ans

marié et père de 3 enfants

Nombre de mandats administrés par ces 3 CRCC = 80.000, soit 36 % du nombre total de mandats dans la profession.

Nombre de professionnels inscrits dans ces 3 CRCC = 5.228, soit 35 % des professionnels.

ECF et ses alliés au pouvoir dans les CRCC, c’est déjà une réalité qui fonctionne parfaitement au quotidien, pour la plus grande satisfaction des confrères, quel que soit leur taille ou leur mode d’exercice professionnel.

ECF au pouvoir dans les CRCC : une réalité qui fonctionne bien

au quotidien

Comité de préparation de la campagne CAC 2010

Comité de préparation de la campagne CAC 2010

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Quelle pérennité du commissariat dans la Petite Entité ?

Il peut sembler évident de dire que nous revendiquons le maintien du commissariat aux comptes dans la petite entreprise, et tout programme électoral bien pensé

comportera un chapitre sur le sujet. Mais entre les déclarations d’intention et les actes il y a une grande différence. On ne peut pas dire que les réalisations de la Compagnie nationale de ces dernières années aient sécurisé cette partie importante du marché : 97,5 % des mandats ne sont ni APE, ni EIP. Alors que nos élus ont toujours été réconfortés par les déclarations des pouvoirs publics sur l’intérêt de notre mission, la LME de 2008 a montré la limite de cette certitude, et la profession a payé très cher le manque d’anticipation. Ce fût une véritable erreur politique de la part de la majorité en place à la Compagnie nationale. Et les conséquences ne sont probablement pas terminées : en effet, les risques sont grands pour que cette mesure de restriction du périmètre d’intervention ne soit qu’un premier pas. Le lobby des entreprises, sur fond de tendance internationale d’allègement des obligations et contraintes des PME, ne joue pas en faveur de la pérennité du commissariat aux comptes dans les petites entités.

Il faut être bien conscient que l’application du commissariat aux comptes aux petites structures est une spécificité française. Pour cela, il suffit d’avoir présent à l’esprit les seuils pour l’obligation de nomination d’un commissaire aux comptes de la 4ème Directive européenne sur les comptes des sociétés : • Total du bilan : 4 400 000 € • Chiffre d’affaires HT : 8 800 000 € • Effectif : 50 salariés.Soit des seuils près de trois fois supérieurs à ceux actuellement en vigueur en France, qui n’ont pas bougé depuis 1983. Qu’est-ce qui justifie l’intervention d’un Commissaire aux comptes en France plus que dans les autres Etats membres de l’Union européenne ? Cette question ne manque pas de nous inquiéter. Combien de temps les pouvoirs publics français continueront-ils de voir dans notre intervention un apport à la sécurité financière de l’économie ? Le message de la LME en 2008 a été très clair : faute d’avoir adapté la mission légale à la petite entité, celle-ci en est exemptée. Pour en être convaincu, il faut aussi prendre la mesure du lobbying des entreprises, qui ne va pas forcément dans la même direction que le nôtre. Un exemple illustre parfaitement cette réalité : lors de la

consultation lancée en ce début d’année par la Commission européenne sur les normes comptables IFRS pour PME, les réponses exprimées par la profession comptable n’ont représenté que le tiers des réponses reçues !

Nous devons être conscients que les chefs d’entreprise ne sont pas demandeurs d’un contrôle légal des comptes. Ils le vivent plutôt mal. D’un côté ils ne mesurent pas la valeur ajoutée de notre intervention. Mais d’un autre côté, ils voient dans la procédure d’alerte et surtout dans la révélation des faits délictueux une menace à leur liberté d’entreprendre. Il faut dire ce qui est : les dirigeants d’entreprise ne seraient pas malheureux de se débarrasser de l’obligation de commissariat aux comptes.

Comment les convaincre de l’intérêt de la mission, si ce n’est par la recherche d’une vraie valeur ajoutée ? Afin de leur sortir de l’idée que le rôle du commissaire aux comptes est de vérifier les travaux de l’expert-comptable, nous devons orienter résolument la mission légale vers les autres aspects que ceux portant sur les comptes, et en particulier vers le contrôle interne. Il faut bien faire passer le message que certains domaines d’intervention sont de la seule compétence du commissaire aux comptes. Et dans le but de réduire le contrôle des comptes au strict minimum, un exercice de pédagogie avec nos autorités est indispensable pour bien expliquer la mission de l’expert-comptable. Celle-ci est totalement sous-estimée. Or la complémentarité des deux missions est la clé de voûte de l’adaptation de la mission légale à la petite entité. Dans la mesure où l’expert-comptable a exercé sa mission dans le strict respect des normes en vigueur, le commissaire aux comptes peut totalement s’appuyer sur ses travaux. Quitte à rappeler de façon plus formelle la notion de responsabilité de l’expert-comptable dans les dossiers où intervient un commissaire aux comptes. Et quitte aussi à revoir la formulation du rapport sur les comptes annuels. Ainsi nous arriverons à réduire la durée de la mission légale sur les comptes et nous pourrons consacrer davantage de temps aux autres spécificités du commissariat aux comptes. Ce ne sera qu’à ce prix que la profession arrivera à convaincre de l’intérêt de la mission légale auprès des petites entités.

Comité de préparation de la campagne CAC 2010

Proposition d’ECF

ECF s’inquiète quant à la pérennité du commissariat aux comptes dans la petite entité, et propose de consacrer immédiatement davantage de ressources pour :• créer un véritable « Département PE »,• préparer un projet de développement de la Norme PE,• communiquer de façon intensive et ciblée.

Comité de préparation de la campagne CAC 2010

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22 • Ouverture • N° 82 • Septembre 2010

ECF est surpris que le Président de la Compagnie nationale des Commissaires aux comptes s’évertue à relativiser la perte des mandats de CAC suite à la

LME. Il l’évalue globalement lui-même à 30 000 mandats dans une interview intitulée « Les nouveaux mandats sont tournés vers les plus petits cabinets ». Notre impression de terrain est toute autre, ce que nous avons voulu vérifier en lançant le 30 juin dernier une grande enquête nationale sur l’évolution des mandats depuis 2009. Signe que nos confrères, jamais consultés sur le sujet, ressentaient le besoin de s’exprimer, près d’un millier d’entre eux ont pris la peine de répondre dans la première quinzaine de juillet.

78 % des réponses obtenues proviennent de cabinets de moins de 10 collaborateurs, dont un peu plus de la moitié déclaraient détenir moins de 10 mandats avant la LME ; ceux-là même, à en juger par les déclarations de Claude Cazes et les publications de l’IFEC, vers qui sont tournés les nouveaux mandats…

Notre enquête révèle que les cabinets sans collaborateur, dont 74 % déclaraient détenir en 2009 moins de 10 mandats, ont perdu 2 mandats en moyenne suite à la LME. Les cabinets de 1 à 10 collaborateurs qui se répartissent, quant à eux, quasi également entre détenteurs de moins de 10 mandats et de plus de 10 mandats ont également perdu 2 mandats, en moyenne, suite à la LME.

Si ces chiffres sont suffisamment éloquents pour se rendre compte de la typologie des cabinets ayant le plus souffert des pertes de mandats, il est également frappant de noter que l’optimisme n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Tous les cabinets, sans exception, sont convaincus de continuer à perdre des mandats dans les prochains mois : au moins 1 pour les cabinets sans collaborateur, 2 en moyenne pour les cabinets de 1 à 50 collaborateurs, et 3 en moyenne pour les cabinets de plus de 50 collaborateurs.

Nous sommes stupéfaits de lire dans le cahier publié par l’IFEC en juillet de cette année, intitulé Le Commissariat aux comptes en 2010 « Comprendre pour décider, décider pour mieux progresser » (page 9) : « Il serait faux de croire que les nouveaux mandats ainsi promis [sic] à la profession ne sont pas ouverts à l’ensemble des professionnels, quel que soit leur mode d’exercice », avant de reconnaître tout de même que « les mandats dans les universités et sans doute dans le secteur hospitalier ont fait,

ou feront, l’objet d’appels d’offres parfois restreints ». De qui se moque-t-on ?La véritable question est la suivante : les nouveaux mandats dus à l’élargissement du périmètre du commissariat aux comptes compensent-ils les mandats perdus ?Nous ne pouvons qu’être frappés par le fossé qui sépare les « estimations » avancées officiellement et la réalité du terrain. Alors que l’on nous annonce que les 4 000 organisations syndicales concernées par le commissariat aux comptes sont « d’évidents mandats de proximité », l’enquête est éloquente : seuls 9 nouveaux mandats ont été gagnés auprès d’organisations syndicales par des cabinets de 1 à 10 collaborateurs ayant répondu à notre enquête.

Si c’est donc dans ces « évidents mandats de proximité » qu’est à trouver la compensation des mandats perdus suite à la LME, il y a de quoi nous inquiéter ! Mais les affirmations et promesses ne s’arrêtent pas là puisque l’on nous promet « de nouveaux territoires d’une importance considérable ». Suivons donc le raisonnement : ajoutons aux « 5 000 fonds de dotations potentiels [sic] » prévus par la loi de modernisation de l’économie (qui nous en a fait perdre 30 000), les 4 000 organisations syndicales estimées (dont nous avons vu combien elles avaient échu aux cabinets de « proximité »), les 2 500 mandats qui « devraient être créés » dans les comités d’entreprise, les 98 universités qui, un jour, seront autonomes et feront l’objet d’un commissaire aux comptes et les 70 hôpitaux qui « devraient être concernés par le commissariat aux comptes » (sur les 1 000 que compte la France) : nous n’arrivons pas même à 12 000 mandats… et beaucoup de conditionnel.

Quoi de moins étonnant dans ces conditions qu’aucun cabinet ayant répondu à notre enquête n’ait gagné de mandats d’université, particulièrement lorsque l’on sait que seules 18 universités se sont dotées d’un commissaire aux comptes en 2009, et qu’elles seront 33 à s’ajouter à la liste en 2010. Nul doute que cela s’explique par la pratique des appels d’offres restreints, totalement choquante pour une profession comme la nôtre. Ainsi, l’Agence de Mutualisation des Universités et Etablissements d’enseignement supérieur ou de recherche, Groupement d’Intérêt Public regroupant 157 membres adhérents (Universités, Ecoles d’ingénieurs, INP, INSA, IUFM, IEP,…), a mis en place un cahier des charges permettant aux adhérents de mettre en place un appel d’offre pour la mission de CAC définie par la loi du 10 août 2007. Elle a également

Perte des mandats de CAC, ECF mène l’enquête !

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établi une liste de 6 cabinets présélectionnés selon les critères requis pour répondre aux appels d’offres. Comment imaginer dans ces cas-là qu’un seul cabinet libéral puisse envisager gagner un mandat d’université ? Que fait la CNCC à ce sujet ? Elle n’a surtout rien fait pour empêcher cette dérive honteuse !

L’exemple est à rechercher du côté du Conseil Supérieur de l’Ordre : alors que son Président, Joseph Zorgniotti, a été personnellement contacté pour une mission d’audit de gestion d’une entité publique, celui-ci a considéré que cette proposition concernait la totalité de la profession, et dans un courrier électronique envoyé le 13 juillet 2010, il a présenté le cahier des charges à tous les membres de l’Ordre pour lancer un appel à candidature. Un tout autre style de gouvernance !

Le résultat de l’enquête lancée par ECF sur l’évolution des portefeuilles de commissariat aux comptes est éloquent : les professionnels voient cette partie de leur activité diminuer, et plus grave encore, pensent que cela ne s’arrêtera pas là avec de nouvelles pertes dans les années à venir, ne serait-ce que par les effets de la LME, pas encore totalement aboutis. Face à ce constat, il convient de s’organiser en conséquence. La politique menée par la Compagnie nationale voudrait que les cabinets de proximité abandonnent les quelques mandats qu’il leur reste. Cette issue fatale conduirait à une division de la profession : les experts-comptables d’un côté et les commissaires aux comptes de l’autre, un peu comme autrefois avec les comptables agréés. Il est impératif que les petits cabinets restent en activité sur l’audit, même avec peu de mandats. A la fois pour leur propre niveau de compétence, car la mission légale et la mission contractuelle se complètent l’une l’autre, ce qui constitue un enrichissement personnel ; mais aussi pour l’avenir de la profession car il serait totalement dramatique

de diminuer le nombre de professionnels en exercice, et de constituer un noyau restreint de professionnels spécialisés en commissariat aux comptes. Enfin, pour le renouvellement de la profession : sans l’exercice du commissariat aux comptes, plus de possibilité d’accueillir de stagiaires, qui n’auront d’autre issue que d’aller grossir les rangs des cabinets dits « spécialisés ».

Cette vision est contraire à l’esprit de la profession libérale, et opposée au projet d’ECF pour la profession.

Pour répondre à ce défi, ECF a lancé une réflexion pour un regroupement des compétences et des moyens qui permette surtout à chacun de conserver la taille de cabinet de son choix. Ce travail a fait l’objet d’une présentation lors de notre Congrès du Touquet les 16 et 17 septembre. Fidèle à sa tradition d’apporter un soutien aux cabinets, et de construire l’avenir de la profession libérale, ECF conseille à tous les Commissaires aux comptes de s’interroger sur la façon de poursuivre leurs mandats et sera à leurs côtés pour les aider à mettre en place des solutions porteuses de pérennité et de sécurité.

Les questions posées dans l’enquête nationale étaient :

• Quelle est la taille de votre cabinet en nombre de collaborateurs ?

• Combien déteniez-vous de mandats au 1er janvier 2009 ?• Combien de mandats avez-vous perdu en 2009 ? dont SAS

suite à la LME ?• Combien de mandats estimez-vous perdre dans les années

à venir ? dont SAS suite à la LME ?• Combien de mandats avez-vous obtenu en 2009 ? dont

hôpitaux, universités, syndicats ?

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On ne dira jamais assez combien les missions de l’Expert-comptable et du Commissaire aux Comptes sont complémentaires. Ce qui semble une évidence

pour les professionnels qui sont sur le terrain, ne l’est pas du tout pour deux types de personnages qui pèsent lourd dans les choix politiques et réglementaires du commissariat aux comptes.

Tout d’abord pour les autorités de la profession : Chancellerie et Haut Conseil. Les élus d’ECF ont eu maintes fois l’occasion de rencontrer leurs responsables pour constater combien la mission contractuelle de l’Expert-comptable est dévalorisée. Le simple fait que ce soit contractuel semble vouloir dire que le professionnel est au service de l’entreprise, faisant fi des règles d’indépendance et des normes qui encadrent notre exercice. Pour des personnes qui ne connaissent pas vraiment le domaine de l’expertise comptable, le cadre conceptuel du commissariat aux comptes commence à l’entreprise, sans aucune considération des éventuelles interventions de professionnels indépendants. Cette approche est d’autant plus compréhensible, qu’elle correspond à celle des normes internationales. Pour une raison très simple : c’est que l’expertise comptable à la mode française est un cas pratiquement unique au monde. Une profession aussi réglementée et un encadrement des missions aussi précis ne se rencontrent dans pratiquement aucun autre pays. D’ailleurs, bon nombre n’ont pas réglementé du tout l’exercice de la mission contractuelle, à commencer par certains de nos proches voisins, membres de l’Union européenne. Il est donc normal, dans ces pays-là, que le Commissaire aux Comptes n’ait aucune considération pour l’intervention d’un professionnel externe à l’entreprise. Mais pas en France ! Notre héritage culturel et patrimonial veut que l’Expert-comptable soit d’un niveau d’intervention équivalent à celui du Commissaire aux Comptes. Ce n’est pas par hasard que les deux institutions, l’Ordre et la Compagnie, sont toutes deux membres de l’IFAC. Et qu’elles aient mis en place, chacune pour leurs propres besoins, les normes internationales. La difficulté majeure pour expliquer à un étranger le paysage de l’exercice professionnel français est de lui faire comprendre qu’un Expert-comptable est d’un niveau de compétence égal au Commissaire aux Comptes, et que le diplôme est le même.Il est ainsi légitime que nous attendions de la part des autorités françaises une reconnaissance des spécificités françaises. Ce n’est pas vraiment le cas. Peut-être est-ce le fruit d’une répartition des tutelles ? En dépendant pour les uns du Ministère de l’Economie, et pour les autres du Ministère de

la Justice, ne faisons-nous pas de temps en temps les frais de divergences entre ces deux maisons ? Il est très révélateur de constater que les deux dernières évolutions réglementaires importantes ayant touché au commissariat aux comptes (la LSF en 2003 et la LME en 2008) ont toutes deux été instruites par Bercy, même si les services de la Chancellerie ont été mis à contribution. Nous devrons nous poser la question un jour de savoir s’il est dans l’intérêt de la profession de dépendre de deux Ministères différents. En attendant, notre devoir est de communiquer vers les autorités du commissariat aux comptes pour leur expliquer ce qu’est l’expertise comptable. Rien de plus qu’un exercice de pédagogie. Mais nos élus en sont-ils convaincus, et en ont-ils vraiment envie ? Au vu de l’expérience des dernières années, on ne peut que douter de leur motivation à s’engager dans cette démarche.

On en arrive ainsi au deuxième public concerné par le rapprochement avec l’expertise comptable : les élus de la Compagnie nationale. Depuis toujours, la Compagnie a été gouvernée par des confrères qui ont fait le choix du commissariat aux comptes dans leur exercice quotidien, de façon sinon exclusive en tout cas principale. Leur grand intérêt pour la matière les pousse à exercer des responsabilités au sein de l’institution, ce qui les honore, et sert la profession par le niveau de professionnalisme qu’ils mettent au service de tous. Mais ce faisant, ils imposent également leur vision de l’exercice professionnel : les orientations données par la Compagnie vont dans le sens de leur propre exercice du commissariat aux comptes. Or la plupart de ces professionnels interviennent dans de grandes entreprises, cotées ou pas, mais disposant de moyens internes tels que l’intervention d’un Expert-comptable indépendant n’est pas nécessaire. Très souvent leurs interlocuteurs internes, DAF ou même chefs comptables, sont eux-mêmes diplômés d’expertise comptable. Si bien que le Commissaire aux comptes est le seul intervenant externe, le seul professionnel indépendant, le seul qui intervienne dans le cadre d’un code d’éthique et de règles déontologiques. Ce professionnel n’a pas l’expérience de la collaboration avec un Expert-comptable. Il lui est donc difficile de concevoir qu’une partie de sa mission puisse être simplifiée, ou même éludée, au motif qu’elle aurait déjà été effectuée par un autre professionnel qui serait intervenu dans le cadre d’une mission et d’une profession, toutes deux aussi réglementées que les siennes. Mais au-delà de son manque d’expérience, il y a fort à parier que cette perspective ne l’intéresse pas du tout. En effet, une partie des professionnels français, bien imprégnés de culture étrangère ou internationale, considèrent

Relation Expert-comptable et Commissaire aux comptes

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que la seule profession qui mérite d’être réglementée est celle du commissariat aux comptes, ne croyant pas à l’avenir de la prérogative d’exercice sur le marché des missions contractuelles, ou même mieux, étant favorables à un libéralisme en la matière. Cette vision est clairement celle de la Compagnie nationale. Ce qui explique certainement le peu d’entrain à développer le cadre réglementaire pour une meilleure utilisation des travaux de l’Expert-comptable.

Pourtant, de cette complémentarité dépendra l’avenir de la mission légale auprès des petites entités. A l’heure d’une recherche de simplification des obligations administratives des PME, et d’une harmonisation internationale, pour ne pas utiliser le gros mot de mondialisation, le maintien de cette exception culturelle française ne pourra s’envisager qu’en faisant des efforts. Nous disposons déjà d’une norme pour l’utilisation des travaux de l’Expert-comptable : elle est insuffisante, et les dispositions de la LME l’ont démontré. La norme PE va dans le sens de la simplification attendue : elle est également insuffisante (voir article infra). Il convient d’aller encore plus loin dans la complémentarité des missions de deux professionnels, afin de garantir de ne pas faire deux fois le même travail, et de rechercher un apport de valeur ajoutée à l’entreprise par chacun d’eux. Cela suppose une volonté de collaboration de la part des protagonistes, ce qui est généralement le cas sur le terrain, mais également de la part des élus de la profession, responsables de nos deux institutions, ce qui n’a pas nécessairement été le cas jusque là. Nous savons bien que le poids de nos autorités de contrôle et de tutelle est très fort. Mais nous savons aussi que rien n’est immuable, et que rien n’est impossible. Un projet bien préparé, porté par des hommes et des femmes convaincus, dotés de charisme et

de force de persuasion, finit toujours par aboutir. Pour preuve, le résultat obtenu cette année par le Conseil supérieur de l’Ordre et son Président Joseph Zorgniotti, dans la réforme de l’Ordonnance de 1945.

La Compagnie a besoin aujourd’hui d’élus qui portent la culture de l’expertise comptable, qui respectent totalement l’institution qu’est l’Ordre, et qui construisent un projet de rapprochement entre les deux professions, à commencer par la mission auprès des petites entités. Cette mission est véritablement menacée. Nous ne pouvons pas nous contenter des positions officielles de nos autorités. Viendra le jour où une position contraire sera prise sans que nous l’ayons vue venir. Souvenons-nous de la leçon de la LME ! Le travail d’adaptation de l’intervention auprès de la petite entité doit être engagé par la profession elle-même, afin de construire un projet à présenter à nos autorités. Le meilleur argument à notre disposition est l’appui que nous pouvons obtenir de la part de l’Expert-comptable de l’entreprise. C’est donc dans le sens d’une complémentarité des missions qu’il faut construire l’avenir du commissariat aux comptes. Cela sauvera la mission auprès des petites entités, mais cela sera également utile aux autres entités. Car l’intervention d’un Expert-comptable, membre de l’Ordre, dans les grandes entreprises serait incontestablement un bienfait pour la profession. A vouloir cumuler tous les services sur un seul professionnel, le Commissaire aux Comptes, on prend des risques importants par rapport à notre réglementation et bien inutiles vis-à-vis de notre responsabilité professionnelle. ECF ne partage pas cette vision de l’exercice professionnel. Une vision d’ensemble de la profession fait cumuler le chiffre d’affaires des deux missions, au lieu de les opposer.

Proposition d’ECF

ECF propose de construire un projet de révision des conditions d’exercice du commissariat aux comptes qui repose sur une parfaite complémentarité avec la mission de l’Expert-comptable, notamment pour les petites entités. Ce projet devra être présenté et défendu avec conviction devant les autorités de la profession.

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Proposition d’ECF

La réalité du commissariat aux comptes est la diversité de son champ d’application. Les entités soumises à la révision légale sont très différentes. Tout d’abord par leur

forme juridique, puisque tout type de société est concerné. Puis par leur activité avec les associations, les fondations et récemment les syndicats, sans parler des coopératives agricoles, des compagnies d’assurances, des SEM, des OPCVM, des hôpitaux et des universités. Enfin, et surtout par leur taille, puisque la France a la particularité d’appliquer le commissariat aux comptes aux petites structures, ce qui constitue un spectre très large d’entités contrôlées.

Si la technique d’audit est unique, par contre son application est différenciée, le commissaire aux comptes devant décider de l’ampleur de ses diligences en fonction des caractéristiques de l’entité auditée. Cela conduit inévitablement à des spécificités de notre exercice professionnel par catégorie d’entités qu’il convient d’explorer. C’est ainsi que les Commissaires aux comptes intervenant sur les dossiers des sociétés faisant appel public à l’épargne (APE) ont ressenti le besoin d’instaurer au sein de la Compagnie un espace qui leur permettrait d’échanger sur les particularités de ces mandats, et d’approfondir leur technique. Ce fut la création du Département APE en 2001.

A l’époque, ECF et ses élus se sont opposés à cette nouvelle structure au sein de l’institution. Non pas en raison de l’intérêt technique décrit précédemment, mais en raison des pouvoirs politiques qui ont été conférés à ce Département APE et notamment à son Président. Nous y avions vu la création d’un Etat dans l’Etat, ce que l’histoire de la Compagnie des années ultérieures a confirmé. Ce qui n’était qu’une décision interne à la profession a par la suite été confirmé par le législateur, la Loi de Sécurité Financière du 1er août 2003 ayant officialisé le Département APE. Dont acte.

Mais une autre revendication avait été présentée par ECF lors de la création du Département APE : la création d’un Département PME, au nom de l’équilibre des forces. Il nous

paraissait alors logique qu’un Président de Département PME disposât des mêmes pouvoirs que celui du Département APE, puisqu’une dimension politique était consentie à cette notion nouvelle de « Département ». Là n’était pas le seul motif de cette sollicitation d’un Département PME : des raisons techniques justifiaient la démarche. Nous avons toujours pensé que le dogme « un audit est un audit » ne correspondait pas au paysage français du commissariat aux comptes. La particularité du champ d’application aux petites structures imposait de mettre en œuvre une adaptation des diligences. Ce travail n’a jamais été entrepris par la Compagnie nationale, ce qui a conduit au désastre de la LME. Il a fallu attendre que le législateur exprime clairement la demande avec cette loi en 2008 pour que la Compagnie se décide enfin en 2009 à créer une « Commission P.E. ». Nous avons salué cette initiative, y voyant l’aboutissement de notre revendication historique.

Les travaux de la Commission P.E. sont utiles à la profession, et ECF y participe très activement, un de nos élus en assumant la co-présidence : Jean-François Mallen, par ailleurs Président de la Compagnie régionale de Lyon. Mais cela n’est pas suffisant. Il convient d’allouer au commissariat aux comptes de la Petite Entité de véritables moyens (ressources humaines et financières) et à ses responsables de véritables pouvoirs, ce qui ne peut se concevoir que dans le cadre d’un Département au sein de la CNCC. Son objet sera d’engager une action d’envergure. Le périmètre de la norme PE est trop restreint (cf. article infra). La pérennité du commissariat aux comptes dans les petites entités, et pourquoi pas son extension, passeront par un effort supplémentaire d’adaptation des diligences et par un travail très important de communication et d’argumentation auprès de notre environnement, pouvoirs publics et autorités inclus. Si nous voulons maintenir le plus grand nombre de professionnels en activité, alors il faut engager des moyens importants sur le commissariat aux comptes de la petite entité. Sinon, le champ d’application continuera à se réduire, et conséquence inévitable, la population professionnelle également.

Pour un Département Petites Entités

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ECF propose de créer au sein de la Compagnie nationale un Département Petite Entité dont la fonction sera de traiter les questions ne relevant pas du Département des Marchés Financiers et notamment de faire évoluer la technique du commissariat aux comptes auprès des petites entités, et faire des propositions aux pouvoirs publics et autorités de la profession pour de nouvelles dispositions réglementaires.

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Proposition d’ECF

La NEP 910 « Certification des comptes annuels des entités mentionnées à l’article L.823-12-1 du Code de Commerce », dite Norme Petite Entité ou encore Norme

P.E., a été introduite dans le corpus réglementaire du commissariat aux comptes par un arrêté du Garde des Sceaux publié au J.O. le 16 mars 2009. Avec un peu plus d’un an d’expérience nous avons aujourd’hui le recul nécessaire pour mesurer ses effets et ses avantages.

L’objectif de cette norme est d’adapter à la taille de l’entité les diligences du commissaire aux comptes, et de laisser ce dernier décider selon son propre jugement si certaines procédures de contrôle peuvent être allégées ou tout simplement supprimées quand il obtient une assurance raisonnable que les procédures en place, internes ou externes, ont déjà permis d’identifier ou d’éliminer les risques encourus. Autrement dit ne pas faire une deuxième fois ce qui a déjà été fait, et s’appuyer sur les travaux de l’entreprise ou de l’Expert-comptable pour former son jugement. Cette nouveauté répond au reproche majeur formulé par les entreprises à l’égard de notre mission, ne comprenant pas que nous refaisions ce qui avait déjà été fait, et ayant l’impression que notre rôle était principalement de contrôler les travaux de l’Expert-comptable. Car généralement il y a toujours l’intervention d’un Expert-comptable dans les Petites Entités, et la Norme PE a bien retenu sa présence comme l’un des critères d’application. Il ne s’agit donc nullement d’une dégradation de la mission, mais tout simplement d’une adaptation des conditions d’intervention.

ECF demandait cette adaptation depuis de très nombreuses années, depuis 1998 quand nous avions rédigé notre livre blanc pour la profession. Nous l’avions rappelé en 2001 lors de la création du Département APE, avec une revendication de Département PME, pour lancer ce travail d’adaptation que nous jugions indispensable. Il a fallu attendre 2 009 pour que la Compagnie nationale se décide enfin à créer une « Commission PE ». Et ce, en réponse à la LME de 2008 qui a demandé très précisément une adaptation à la petite entité, après avoir éliminé du paysage du commissariat bon nombre de SAS en dessous de nouveaux seuils. La menace était grande pour les autres SAS et pour les autres formes de société, et il a fallu faire vite pour éviter le drame d’une généralisation de la suppression de la mission légale sur l’ensemble des petites entités, comme le prévoit la Directive Audit, dans des proportions bien plus larges.

Nous ne pouvons alors nous empêcher de nous poser la question de la justification de l’introduction de seuils pour l’application de la norme PE. En effet, cette norme s’applique aux seules SNC, SCA, SARL et SAS qui ne dépassent pas au moins deux des trois seuils suivants : • Total du bilan : 1 550 000 € • Chiffre d’affaires HT : 3 100 000 € • Effectif : 50 salariés.

Première question : pourquoi avoir exclu les Sociétés Anonymes du périmètre ? Ce qui est vrai pour une SAS ou une SARL l’est aussi pour une SA. Il n’est pas cohérent de définir des seuils et ensuite de limiter le champ d’application selon la forme juridique.

Deuxième question : pourquoi avoir fixé des seuils aussi bas ? Ces seuils sont ceux qui obligent à la nomination d’un commissaire aux comptes pour les SNC, SCA et SARL. L’application de la norme PE à ce public là est donc quasi nulle car très rares sont les structures qui font le choix d’un contrôleur légal des comptes en dehors de l’obligation légale. Reste donc le public des SAS. Mais seulement pour une faible partie d’entre elles depuis l’introduction de seuils avec la LME de 2008. On peut donc conclure que le champ d’application de la norme PE concerne essentiellement les SAS qui réalisent entre 2 et 3,1 millions de chiffre d’affaires, ce qui est particulièrement réduit.

Troisième question : pourquoi avoir introduit des seuils quantitatifs et non qualitatifs ? Il est certain que les seuils actuels sont faciles à comprendre. Mais sont-ils vraiment objectifs ? La SAS qui dépasserait le seuil de quelques centaines d’Euros ou même de quelques milliers, est-elle vraiment différente ? Ne vaudrait-il pas mieux analyser son mode de gouvernance ? La Norme définit elle-même une PE par les caractéristiques suivantes : • Nombre peu élevé d’opérations traitées • Simplicité des opérations traitées • Présence d’un Expert-comptable • Implication directe du Dirigeant dans le contrôle interne • Nombre restreint d’associés.Ces critères ne devraient-ils pas remplacer les seuils ? Cela impliquerait le Commissaire aux comptes en personne : à lui de décider si les caractéristiques de l’entité lui permettent d’appliquer la norme. Et d’en faire référence dans son rapport. Si tel était le cas, alors nous pourrions rajouter un sixième critère : le Dirigeant, actionnaire majoritaire, car nous savons bien que cela est le cas de la plupart des SAS, et que l’application de la Norme PE est particulièrement adaptée à ce type de sociétés.

Faire évoluer la norme P.E.

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ECF pense que la Norme PE est un avantage pour la profession et qu’elle permettra de maintenir l’intérêt de la mission légale auprès des petites entités. Mais nous regrettons que son champ d’application soit aussi restreint, et demandons un élargissement par :• Une extension de la Norme PE aux Sociétés Anonymes.• Une révision des critères d’application de la Norme PE, sinon pour un relèvement des seuils, en tout cas pour une approche qualitative et non quantitative, qui laisserait plus de place au jugement professionnel.• L’introduction d’un nouveau critère d’application : le Dirigeant, actionnaire majoritaire.

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Evolution des NEP : Business ou Qualité ? La CNCC a-t-elle fait les bons choix … ?

Le dernier Conseil national de la Compagnie du mois de juillet a traité du contrôle qualité, ce qui est une bonne chose, mais la façon dont le sujet a été traité laisse à

désirer, à notre goût.

Dans le cadre de l’élaboration des normes, la CNCC a transposé l’essentiel des normes internationales, mais deux normes importantes manquent à l’appel :• La norme de maîtrise de la qualité du cabinet : l’ISQC1

« International standards on Quality Control 1 » traduite dans la version officielle proposée par l’IFAC « Contrôle qualité des cabinets réalisant des missions d’audit ou d’examen d’états financiers et d’autres missions d’assurance et de services connexes ».

• La norme de maîtrise de la qualité des missions : l’ISA 220 « Contrôle qualité des missions d’audit d’informations financières historiques »

Pourquoi la CNCC n’a-t-elle donc pas transposé ces normes ?Parce que la priorité est donnée depuis des années par la majorité des élus de la CNCC aux normes DDL, et notamment à l’arlésienne des DDL : celle sur le contrôle interne ! En effet pour ceux qui ont le pouvoir décisionnel à la CNCC de fixer les priorités, le développement du chiffre d’affaires du cabinet passe avant la maîtrise de la qualité. La norme DDL sur le contrôle interne devrait permettre à certains de vendre des missions supplémentaires sur ce sujet, en repoussant comme à chaque fois le curseur de la séparation de l’audit et du conseil. Qui peut nous faire croire que les normes DDL existantes ne permettent pas déjà de faire ce qui n’est pas inclus dans la mission légale, alors même que les NEP 9040 et 9050 sur les constats et sur les consultations donnent les réponses adéquates en la matière ?

Quelles sont les conséquences de ce choix ?Nous manquons cruellement d’un référentiel et de guides en matière tant d’organisation de nos cabinets que d’organisation des dossiers de travail, nous permettant de maîtriser la qualité tant de nos organisations que de nos dossiers. Les contrôles qualité sont ainsi biaisés et la Compagnie nationale liste chaque année les points qui ne vont pas, sans donner le mode opératoire pour que l’ensemble du corps professionnel sache vraiment quelles sont les configurations idoines ! Listons ainsi les points relevés cette dernière année.

Concernant la maîtrise de l’organisation du cabinet la CNCC a relevé entre autres :• Organisation du commissariat aux comptes au sein du

cabinet : le manuel des procédures n’est pas formalisé ou n’est pas complet.

• Les ressources humaines affectées au commissariat aux comptes ne sont pas adéquates.

• Maintien des connaissances : le nombre d’heures de formation n’est pas géré convenablement, les collaborateurs n’ont pas suivi de formations spécifiques, le plan de formation n’est pas formalisé.

• Il n’y a pas de dispositions destinées à évaluer les risques sur la mission.

• La revue des procédures liées au contrôle de l’indépendance et des incompatibilités n’est pas systématiquement formalisée.

• Les collaborateurs n’ont pas signé la déclaration d’indépendance.

• Les intervenants externes (article 16 du code de déontologie) non plus.

• Le commissaire aux comptes lui-même !• La décision de maintien de la mission n’est pas formalisée.• Le suivi des temps n’est pas formalisé.• Il n’y a pas un outil permettant la réalisation homogène des

diligences sur les mandats.• Les déclarations d’activité (article R. 823-10 du code de

commerce) n’ont pas toutes été faites en temps et en heures.

• Les déclarations de mandats non plus.• Les demandes de dérogation n’ont pas été faites (article R.

823-14 du code de commerce).

Concernant la maîtrise de la gestion des dossiers entre autres :• Les procédures décrites ne sont pas diffusées à tous les

intervenants.• Tous les outils présents dans les manuels de procédures ne

sont pas utilisés.• L’exécution de la mission de certification est incorrecte sur

l’application des normes d’exercice professionnel…

Arrêtons là cet inventaire à la Prévert. Depuis la loi de sécurité financière force est de constater que les aspects confraternels et pédagogiques du contrôle d’activité ont laissé la place à des relevés factuels : n’est-il pas criminel de sanctionner les confrères en l’absence de règles claires, concrètes, précises et commentées ?

Quelques outils existent et sont à la disposition de tous les professionnels, hélas ils sont enfouis dans les limbes du portail ! Ainsi quand on arrive à la page « https :/www.cncc.fr/sections/documentation_profes/cncc/bibliotheque_d_outil » on trouve une rubrique « contrôle qualité » qui ne mène nulle part ! Eh oui, car pour pallier les insuffisances du moteur de recherche documentaire de la CNCC, il faut utiliser le bel ouvrage THESAURUS de février 2010 (720 pages) qui nous dit de chercher (page 578… si vous avez la patience de

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Proposition d’ECF

feuilleter cette encyclopédie du trouvez moi) à « SYSTEME D’ASSURANCE QUALITE » pour trouver les outils dans le moteur de recherche avancée de la CNCC dans toute la documentation !

La CNCC gère depuis 2003 la seule économie générale du contrôle des cabinets : nous entendons bien faire savoir que la gestion des budgets du contrôle qualité, si elle est importante, ne doit pas faire perdre de vue la gestion des relations confraternelles, les échanges entre professionnels et la pédagogie.

Quelle serait l’utilité des ces normes ?Ces normes ISQC1 et ISA 220 auraient leur utilité pour nous donner la maîtrise des politiques et des procédures nécessaires à adopter les cabinets pour gérer notre processus qualité dans le respect des normes professionnelles et des textes législatifs et réglementaires et s’appliquant à l’ensemble des missions.

L’objectif de la mise en place de ces normes dans le cabinet est en effet de mettre en place et de maintenir en son sein, un système de maîtrise de la qualité afin d’obtenir l’assurance raisonnable :• que le cabinet et ses membres se conforment aux normes

professionnelles et aux exigences des textes légaux et réglementaires applicables ;

• que les rapports délivrés par le cabinet ou les associés responsables de missions sont appropriés aux circonstances.

Pour ce faire, le cabinet disposerait d’un canevas précieux pour établir des politiques et procédures destinées à promouvoir une culture interne qui reconnaît la qualité en tant qu’élément essentiel de la réalisation des missions.Nous avons besoin d’un système de gestion de la qualité comportant des politiques et procédures couvrant les responsabilités de l’encadrement pour la qualité au sein du cabinet, les règles de déontologie pertinentes, l’acceptation et le maintien de relations clients et de missions spécifiques, les ressources humaines, la réalisation des missions et leur suivi.Le cabinet disposerait aussi d’une référence pour consigner par écrit ses politiques et procédures d’assurance qualité et les communiquer à ses membres :Concernant la déontologieEtablissement des politiques et procédures destinées à lui fournir l’assurance raisonnable que le cabinet lui-même et ses membres se conforment aux règles de déontologie pertinentes.Concernant l’indépendanceEtablissement des politiques et procédures destinées à lui

fournir l’assurance raisonnable que le cabinet lui-même, ses membres et, le cas échéant, les autres personnes soumises aux règles d’indépendance.Concernant les relations clientsEtablissement, pour l’acceptation et le maintien de relations clients et de missions spécifiques, des politiques et procédures destinées à lui fournir l’assurance raisonnable qu’il n’acceptera ou ne maintiendra de relations clients et de missions que s’il est compétent pour réaliser la mission et en a les capacités, y compris le temps et les ressources, s’il peut se conformer aux règles de déontologie pertinentes ; s’il a pris en considération l’intégrité du client, et s’il n’a pas eu connaissance d’informations qui le conduiraient à conclure à un manque d’intégrité du client.Concernant les ressources humainesEtablissement des politiques et procédures destinées à lui fournir l’assurance raisonnable qu’il dispose d’un nombre suffisant de membres ayant la compétence, les capacités et le souci du respect des principes de déontologie qui sont nécessaires pour que les missions soient réalisées conformément aux normes professionnelles et aux exigences des textes légaux et réglementaires applicables, et pour que le cabinet ou les associés responsables de missions puissent délivrer des rapports appropriés aux circonstances.Concernant la réalisation des missionsEtablissement des politiques et procédures destinées à lui fournir l’assurance raisonnable que les missions sont réalisées conformément aux normes professionnelles et aux exigences des textes légaux et réglementaires applicables, et que le cabinet ou l’associé responsable de la mission délivre des rapports appropriés aux circonstances.Considérations propres aux petits cabinetsLa norme internationale ISQC1 n’imposant pas le respect des exigences qui ne sont pas pertinentes, par exemple dans le cas d’un professionnel exerçant à titre individuel qui n’emploie pas de personnel professionnel : le référentiel français devrait bien sûr être adapté de la même manière… En espérant que la CNCC ne renouvellerait pas son autisme sur les petits cabinets comme elle l’a fait dans les années passées pour les PME, en dépit de nos demandes répétées, en attendant que le législateur impose un changement de cap radical.De même la documentation et la communication des politiques et procédures des petits cabinets doivent pouvoir être moins formalisées et détaillées que dans les grands cabinets, donc adaptées à leur taille et à leur organisation. La commission des normes devrait ainsi proposer un guide adapté aux petits et moyens cabinets. La CNCC n’a même pas sorti un petit gris tout neuf. C’est le noir le plus complet sur ce sujet : il est temps de mettre les choses au clair.

ECF souhaite sécuriser l’exercice du commissariat aux comptes en mettant à disposition des professionnels des référentiels clairs et utiles. Les articles 14 et 15 du code de déontologie demandent à être complétés par la transposition dans notre corpus des normes internationales ISQC1 et ISA 220. De même la profession a besoin d’un Guide adapté aux petits et moyens cabinets.ECF propose d’asseoir la profession sur ses fondamentaux et non sur ses accessoires.

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Pour un vrai co-CAC

De notoriété publique, le commissariat aux comptes à la française comporte plusieurs spécificités :1- l’alerte ou le devoir de prévenir,

2- la révélation ou l’obligation de tenter de faire guérir,3- le co-commissariat aux comptes, pour une sécurisation accrue.

Intéressons-nous à ce dernier point.

C’est en effet pour une sécurisation accrue que cette spécificité est présentée dans le fascicule édité par la Compagnie Nationale des commissaires aux comptes et intitulé : « le commissaire aux comptes, l’essentiel ».

Certaines entités sont tenues à la nomination d’au moins deux commissaires aux comptes, issus de cabinet d’audit différent. Ils effectuent ensemble un examen contradictoire des conditions et modalités d’établissement des comptes. Cette disposition renforce l’indépendance des commissaires aux comptes et permet à l’entreprise de bénéficier de l’expérience et des compétences d’un collège de deux commissaires aux comptes pour la certification de ses états financiers. Cette disposition qui constitue une originalité française semble susciter l’intérêt dans d’autres pays.

En vérité nous pensons que le co-commissariat aux comptes présente bien d’autres vertus qu’une sécurisation accrue pour les utilisateurs et les lecteurs des comptes financiers.En tout cas cette sécurisation est valable également pour le corps professionnel dans son ensemble afin de permettre une plus grande diversité et une pluralité de modes d’exercice, gage d’une saine concurrence, donc d’une plus grande indépendance et par conséquent d’une plus grande sécurité.

On ne peut nier que notre profession a vécu un véritable tsunami législatif, conséquence directe et indirecte de la mondialisation, de la modernisation des techniques financières et hélas, il faut bien le rappeler, de quelques histoires ayant défrayé la chronique.

Comme toute modification législative, les changements de comportements qu’elles engendrent sont diversement appréciés et commentés.

Il n’est pas rare à cet égard que la profession, ou du moins certains professionnels, deviennent le « meilleur ennemi » du corps professionnel dans son ensemble !

Lors de la lecture récente d’un mémoire consacré au

commissariat aux comptes, on a pu lire à plusieurs reprises sous la plume de son auteur interrogeant des dignitaires de la profession et a priori membres du comité d’éthique professionnelle, que certaines dispositions heurtaient leur bon sens !Ainsi, si le principe de la rotation des auditeurs, concernant pour l’instant les mandats dits EIP recueillent leur assentiment, ils estiment d’autres mesures complètement inutiles au rang desquelles ils rangent le co-commissariat aux comptes à la française !

C’est une bien curieuse conception de notre profession, qui consiste à accepter le principe d’une rotation qui permet en vérité de pérenniser les mandats des 4 plus gros cabinets au sein des sociétés du Département des Marchés Financiers, alors même que ce principe fragilise au contraire le maintien dans ce marché particulier des cabinets individuels et/ou à taille humaine.

À l’inverse, une pratique intelligente du co-commissariat aux comptes permettrait l’accès à ce marché d’un plus grand nombre de cabinets permettant d’ailleurs, il faut le remarquer, le maintien d’un corps professionnel plus important, et offrant un plus large choix aux sociétés concernées.

Ce point de vue semble d’ailleurs partagé par l’un de nos confrères les plus illustres, qui au cours d’une interview consacrée au commissariat aux comptes dans les PME s’interrogeait sur les mérites comparés de la rotation et du co-commissariat à la française. Je ne résiste pas au plaisir de le citer littéralement1 :« Question : est-ce que des mesures telles que la rotation des dossiers ou le fait que les associés fassent une revue, ne condamne pas nos cabinets personnels à terme ?Réponse : je ne le crois pas. D’abord je ne crois pas au système de rotation, je tiens à le dire. C’est un faux sujet, un faux débat. Je crois à la nécessité du co-commissariat aux comptes. C’est une innovation française très intéressante. Je ne suis au contraire pas du tout convaincu par la rotation des professionnels. C’est pourquoi, je me battrai toujours contre ce projet, même si je ne suis pas certain que nous puissions l’éviter. Ensuite, la revue concurrente peut être faite soit au sein du même cabinet par un autre partenaire, soit par un autre collègue dans le cas d’un tout petit cabinet. Je vais vous dire que je pense sincèrement qu’il restera toujours un marché pour les grandes structures, fondé sur la marque, et un marché pour les petites structures, fondé sur la notoriété. Ces structures pourront travailler en parallèle. Simplement, il est vrai qu’elles ne traiteront pas forcément le même type de dossiers. Il ne serait pas

1. René RICOL : Février 2003 –Le commissariat aux comptes dans les PME, Pratiques et perspectives - Forum CRCC de Versailles

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raisonnable d’affirmer que demain un confrère, qui travaille seul avec quelques collaborateurs, pourra être auditeur d’une société transnationale. Est-ce que pour autant cela signifie que ce même confrère n’est pas capable, avec son équipe, d’intervenir dans une société nationale ? Il est certainement capable de le faire et il faut qu’il continue à le faire. »

Quelques mots pour rappeler le contexte de cette mission.

L’article L 823-15 du code de commerce, stipule que les commissaires aux comptes « se livrent ensemble à l’examen contradictoire des conditions et les modalités d’établissement des comptes selon les prescriptions énoncées par une norme d’exercice professionnel. Une norme d’exercice professionnel détermine les principes de répartition des diligences à mettre en œuvre par chacun des commissaires aux comptes pour l’accomplissement de leur mission. »

En l’occurrence la norme d’exercice professionnel (NEP 100) a été homologuée par arrêté du 10 avril 2007, elle a remplacé la norme 1-201 de l’ancien référentiel.

Sans reprendre ici de façon exhaustive le contenu de la norme, il paraît néanmoins utile d’en rappeler les principes fondamentaux :

04- chaque commissaire met en œuvre les travaux qui lui permettent d’être en mesure de formuler son opinion.05- chaque commissaire prend connaissance de l’entité et de son environnement, évalue le risque d’anomalies significatives et détermine les seuils de signification aux fins de définir et de formaliser, avec les autres commissaires, de manière concertée, leur approche d’audit ainsi que le plan de mission et le programme de travail nécessaire à sa mise en œuvre.07- la répartition des travaux est équilibrée entre les commissaires, est effectuée sur la base de critères qualitatifs et quantitatifs.19- les rapports sont communs y compris lorsqu’il y a des opinions divergentes qui doivent être mentionnées dans le rapport.

À la lecture de l’article du Code ainsi que des dispositions de la NEP l’on comprend nettement l’intention du législateur.

L’on pourrait même trouver quelque cohérence entre le principe fondateur de la LSF qui est venu renforcer la stricte séparation de l’audit et du conseil, la rotation des auditeurs, le principe du délai de viduité, et l’adoption du corps de normes de diligences directement liées (DDL).

Pourtant, ces principes, non exempts de reproches, ont pour certains d’entre eux été battus en brèche ; que ce soit par exemple par l’abrogation du délai de viduité, que l’on peut comprendre, ou par la possibilité que certaines des missions dites DDL ne soient effectuées que par un seul des co-commissaires !

Certes le sujet est délicat et difficile. Il n’est pour s’en convaincre que de lire la récente étude relative aux honoraires versés aux commissaires aux comptes parue le 8 juillet 2010 et disponible sur le site de l’AMF.

« En pratique et malgré une légère amélioration, on constate parfois des situations faisant ressortir globalement un poids relatif très différent entre certains co-commissaires : »

Honoraires mondiaux

Honoraires Société mère

% BIG % Autres % BIG % Autres

Entités CAC 40

Michelin 91 9 50 50

AXA 83 17 86 14

Peugeot 75 25 71 29

Suez 73 27 55 45

Danone 66 34 57 43

Compartiment B , C

BEL 90 10 idem idem

SOMFY 94 6 idem idem

HI MEDIA 94 6 idem idem

Vilmorin 94 6 idem idem

Il est facile de remarquer que certaines discordances au niveau des honoraires mondiaux se trouvent rectifiées s’agissant de l’audit de la société mère, même si l’inverse est encore souvent présent.

Si l’on examine maintenant la répartition des mandats concernant le CAC 40, seul un cabinet (non BIG) intervient sur ce segment, ce nombre étant porté à six pour les mandats d’EUROSTOXX 50.

CAC 40 mandats 2009 mandats 2008

E & Y 22 21

DELOITTE 20 21

PWC 13 12

KPMG 11 12

MAZARS 12 12

Autres 1 1

total 79 79

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EuROStOXX mandats 2009 mandats 2008

E & Y 20 18

DELOITTE 13 13

PWC 16 17

KPMG 16 17

MAZARS 6 6

Autres _ _

total 71 71

Compartiment B & C

mandats 2009 mandats 2008

E & Y 10 NC

DELOITTE 8 NC

PWC 7 NC

KPMG 14 NC

MAZARS 7 NC

Autres 26 NC

total 72 NC

On constate également que toutes les entités du CAC 40 ont au moins un de leurs commissaires aux comptes issu de l’un des 4 grands réseaux, ce que l’on peut facilement admettre et comprendre. La situation est identique sur les mandats EUROSTOXX 50.

Si l’on passe à l’examen des mandats des sociétés du compartiment B et C qui représentent 72 mandats, 26 sont audités par un cabinet autre que l’un des quatre grands réseaux auxquels il convient d’ajouter le cabinet MAZARS.

Peut-on à ce stade en tirer des conclusions ou plutôt des prévisions !

Il est vraisemblable, qu’après une période de stabilisation, la part des missions DDL par rapport aux honoraires globaux va augmenter, ceci vraisemblablement en faveur des cabinets détenant le plus grand nombre de mandats.Compte tenu de la pratique actuelle du co-commissariat aux

comptes et de l’absence de délai de viduité, une concurrence féroce risque de s’engager sur un certain nombre d’entités, cette concurrence ne pouvant s’exercer que sur la baisse des honoraires2 et sans doute petit à petit sur la qualité de l’audit.

En l’absence de définition précise de toutes les situations d’auto-révision, les mesures de sauvegarde édictées à la suite de la modification du code de déontologie risquent d’être difficiles à mettre en place.

Par conséquent il faut absolument favoriser l’émergence du plus grand nombre possible de cabinets susceptibles d’intervenir efficacement sur ce marché même et surtout sur la part de ce marché circonscrit au territoire national.

Plutôt que jeter le doute et l’anathème sur le co-commissariat aux comptes, tous les acteurs en présence seraient inspirés de le promouvoir tant au niveau national qu’au niveau des instances internationales.

Le co-commissariat aux comptes sera toujours éminemment plus efficace que tous les systèmes de rotation des auditeurs notamment à l’intérieur des mêmes cabinets.

Bien sûr il faudra que la profession travaille encore et toujours à mieux définir le champ d’application du co-commissariat aux comptes.

Nous demandons qu’un large débat soit ouvert sur ce sujet crucial pour le développement du commissariat aux comptes à la française afin de le faire encore évoluer, notamment vers plus d’équité.

Bien sûr ces propositions sont plus faciles à énoncer qu’à réaliser, mais nous avons trop connu par le passé les positions à caractère dogmatique de la Compagnie Nationale, position défensive qui ont toujours desservi la profession (confère la LME et l’adoption, sous contrainte, de la norme PE qu’ECF réclamait à corps et à cri).

Il ne faut jamais avoir peur d’être ambitieux, ni d’avoir des « rêves trop grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu’on les poursuit » !3

2. Voir à ce sujet la détestable habitude des appels d’offres et ses conséquences3. D’après FAULKNER

Proposition d’ECF

ECF voit dans le co-commissariat un surplus de sécurité apporté à la révision légale mais pense que le partage de la mission exige plus d’équité au sein de la profession, ce qui pourrait s’obtenir :1- En veillant à la stricte application et au respect des dispositions de la NEP 100 ;2- En mettant en place des critères qualitatifs et quantitatifs pour le champ d’application du co-commissariat aux comptes ;3- En promouvant une répartition plus intelligente des mandats de ce type entre les grands cabinets internationaux et ceux des cabinets français qui accepteraient d’en subir les contraintes tant au niveau du contrôle qualité que des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.

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La répétition est à la base de la pédagogie, dit-on… Alors faisons encore une fois un peu de pédagogie !Le contrôle qualité a été et demeure l’un des points

névralgiques de l’évolution de notre profession depuis la loi LSF. Névralgique car malgré les investissements réalisés, les professionnels sont paradoxalement plus craintifs de l’avenir.Nul ne peut contester l’apport extrêmement positif pour toute entité d’une démarche qualité. Nous l’avons maintes fois constaté, tant pour nos clients que pour nos propres organisations. Mais nous savons surtout que l’une des clés de la réussite d’une telle entreprise repose sur son adaptation à l’entité concernée.

Au niveau du corps professionnel, personne ne contestera non plus la nécessité d’un contrôle de cette démarche qualité au sein d’une profession qui doit-être en mesure de rendre des comptes sur le respect de l’application de son cadre normatif.Or ce que de nombreux professionnels ressentent encore aujourd’hui, c’est le décalage qui s’est creusé entre le souhait d’un contrôle adapté à leur activité propre et l’extrême rigidité du cadre qui s’est mis en place. Et ce sentiment n’est pas seulement celui des entités d’audit les plus petites, il est partagé par des confrères et des consœurs appartenant à des cabinets ou départements d’audit de tailles très différentes.Les Commissaires aux comptes ont réalisé des efforts importants depuis plusieurs années pour adapter l’organisation de l’audit dans leur cabinet. Malgré cette évolution, chacun redoute le contrôle qualité aujourd’hui : la démarche mise en œuvre depuis 2008 à l’initiative du H3C est conçue de manière plus étroite et les aspects conviviaux et pédagogiques du contrôle se sont perdus dans les méandres de cette évolution.

Au-delà des professionnels en exercice, ce sont aussi les contrôleurs qui se lassent de passer trop de temps à l’administration du contrôle et trop peu dans la relation avec les acteurs du cabinet.Or la « vraie vie » est celle du terrain et du quotidien, relayés par celles et ceux qui le pratiquent. Il convient donc encore une fois de les écouter ; sans pour autant tout remettre en question, mais simplement en essayant de déceler ce qui heurte encore les professionnels.

Cela tient en quelques points :1/ la lourdeur des questionnaires et leur rigidité liée ;2/ leur inadaptation à la plupart des structures centrées sur

des mandats PE/PME ;3/ l’esprit dans lequel est appliqué le contrôle ;4/ l’analyse qui est faite des conclusions des contrôles.Nous avons mené une analyse objective de la situation, car, encore une fois, il n’est pas question de « jeter aux orties » l’ensemble du système.En ce qui concerne la structure du dossier de contrôle, nous avons constaté que si les professionnels l’abordaient positivement, le temps ainsi consacré en respectant les thèmes proposés permettait de véritablement engager une démarche de progrès pour l’activité d’audit. Ceci est d’autant plus réel que nous avons à disposition les outils nécessaires sur le site de certaines CRCC, comme celle de Paris.En fait ce qui gène énormément dans la structure de ces outils, c’est la philosophie d’instruction du dossier, synthétisée la plupart du temps de manière binaire avec peu de marge de manœuvre pour une appréciation plus nuancée. Entre des mains très strictes, ces outils peuvent devenir des documents policiers et finalement peu pertinents.Le H3C a souvent communiqué en rappelant que les questionnaires étaient un cadre indicatif au service de l’appréciation du contrôleur, celui-ci gardant une certaine latitude pour adapter le contrôle. Belles intentions… douces illusions ?… Nous restons persuadés que le cadre guide et guidera toujours le comportement des contrôleurs. Il faut donc le faire évoluer.Au-delà de la perception du corps professionnel, il y a celle issue de l’exploitation des données issues des conclusions des contrôles qui, pour le coup, concerne aussi le monde socio-économique.Nous avons pu constater récemment que certains comptes rendus ne mentionnaient que la liste des points en insuffisance. Ceci n’est pas tolérable car ils font la part belle à la conception « administrative » des contrôles sans jamais faire état de ce qui fonctionne bien et du chemin parcouru par la plupart des cabinets.Dans ce contexte nous prenons le risque que les partenaires de la profession, finissent, dans l’appréciation du verre à moitié vide ou à moitié plein, de ne voir que le verre à moitié vide.

Contrôle Qualité de la Compagnie :l’adaptation est loin d’être achevée

Proposition d’ECF

ECF considère le Contrôle Qualité de l’exercice du commissariat aux comptes comme un élément indispensable de la crédibilité de la profession, mais pense qu’un vrai effort d’adaptation doit être réalisé afin de continuer à le faire évoluer et lui redonner la dimension pédagogique et confraternelle qu’il a perdue :• laissant plus de place à l’expérience des contrôleurs, et en donnant plus d’espace à l’appréciation de la situation « réelle » du cabinet, • communiquant sur les investissements importants réalisés depuis de nombreuses années, sur l’exemplarité de notre profession extrêmement encadrée et contrôlée et sur son apport en termes de sécurité financière.

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Comment arrêter la dérive des réponses aux appels d’offres ?

La pratique des appels d’offres se généralise, et notre profession n’échappe pas à la règle. Que ce soit pour des missions d’expertise comptable ou pour des

missions de commissariat aux comptes, nous sommes de plus en plus souvent confrontés à une mise en concurrence ouverte, dans le cadre de procédures d’appels d’offres. Qu’il y ait une comparaison des tarifs, cela est normal, et même sain. Au-delà des règles relatives aux marchés publics, les cahiers des charges des entreprises certifiées ISO imposent cette règle pour les fournisseurs des entreprises, souvent avec une échéance annuelle, et que cela nous plaise ou pas, nous sommes considérés comme de simples fournisseurs de prestations de services. C’est une nouvelle culture qui s’impose et qui vient bouleverser les us et coutumes du monde des affaires. Alors que ce qui a toujours caractérisé le type de relations avec nos clients a été jusque là la pérennité et la fidélité, aujourd’hui il est impossible d’envisager une relation sur une durée très longue. Tout est contractualisé, et rien ne permet de penser que la relation durera au-delà de la période convenue. Le renouvellement par tacite reconduction existe encore, mais il n’est plus la règle unique. Nous sommes confrontés aux mêmes règles que nos clients, avec des logiques de court terme, ce qui impacte fortement la stratégie de nos cabinets. Nous voilà ainsi en situation de concurrence permanente avec les autres prestataires du marché, c’est-à-dire en ce qui concerne nos missions réglementées, entre confrères.

Exerçant tous dans les mêmes conditions, les charges d’un cabinet à l’autre sont pratiquement identiques. Nous gérons les mêmes contraintes et avons les mêmes coûts. De plus, le marché du travail est le même pour tous avec des montants de rémunérations à peu près équivalents. Par conséquent nos taux horaires ne devraient pas varier dans des proportions susceptibles de créer une concurrence entre nous.

La deuxième composante du prix de vente est le nombre d’heures à accomplir sur les missions. Là également, nous sommes supposés respecter tous les mêmes normes, accomplir les mêmes diligences, et par conséquent passer le même temps sur les dossiers. Surtout en matière de commissariat aux comptes, matière totalement réglementée qui va jusqu’à définir le temps à consacrer aux missions, ce qui s’impose unilatéralement à tous les professionnels.

Ayant des taux horaires à peu près équivalents et passant un même nombre d’heures sur les dossiers, les règles de concurrence ne devraient donc pas nous déranger : les réponses des membres de la Compagnie aux appels d’offres

devraient se situer dans une fourchette de prix relativement étroite. Mais la réalité est toute autre ! Il est fréquent de constater des montants d’honoraires extrêmement bas, devant lesquels les dirigeants d’entreprises ou d’associations ne peuvent pas rester indifférents. Nous pouvons les comprendre, car après tout, le montant d’engagement et de responsabilité de la mission légale est le même pour tous, avec l’émission du rapport. La sécurité apportée à l’entité, et les possibilités de recours contre le professionnel seront exactement les mêmes, quels que soient les honoraires pratiqués. Plus fort encore : si le Commissaire aux comptes doit passer moins de temps sur sa mission pour rentabiliser ses honoraires, l’entité contrôlée pourrait s’en satisfaire. Il ne faut donc pas jeter la pierre aux entreprises qui acceptent des honoraires trop bas.

C’est du côté des professionnels qu’il faut se tourner pour exiger un comportement digne de notre profession, et mettre un terme aux pratiques honteuses de dumping. Qui d’entre nous n’a pas perdu une mission pour un prix proposé par un confrère inférieur de 30 ou 40 ou même 50 % ? Ces tarifs sont impossibles à pratiquer pour qui accomplit ses diligences dans le respect des NEP. Mais la plupart du temps, le nombre d’heures prévu correspond au barème de la profession. Reste le taux horaire. Si le nombre d’heures est normal, le montant des honoraires sera faible si ces heures sont valorisées à un taux très faible, et même, disons-le, anormalement bas. Une mission auprès d’une collectivité publique d’une grande ville française vient d’être récemment conclue à un taux de 29 euros de l’heure : indécent et inacceptable !

Comment expliquer ces pratiques ? Certains cabinets ont toujours considéré la mission légale comme une porte d’entrée dans les entreprises. En attirant par le prix, et en étant certain d’être dans les murs pendant six exercices, la technique consiste ensuite à identifier des missions complémentaires, à forte valeur ajoutée. Notamment à travers la délivrance de prestations de conseil et la mise en place de méthodes ou d’organisations. Des missions à faire par le Commissaire aux comptes lui-même si la réglementation le lui permet, d’où l’appétit de certains pour les normes DDL, ou bien à faire réaliser par des structures parallèles, spécialisées, entrant dans un même réseau, et, on peut l’imaginer, avec un système d’intéressement entre elles pour équilibrer les comptes. Tout cela a parfaitement fonctionné jusqu’à la LSF. En effet, tant que les incompatibilités relevaient de recommandations ou règles internes à la profession, et n’entraient pas dans un cadre réglementaire dissuasif, autrement dit une loi, pas de risque à les enfreindre, surtout quand on assume soi-même une fonction

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de responsabilité au sein de l’institution-. « Faites ce que je vous dis, et pas ce que je fais » : les règles étaient pour les autres, et les sanctions inexistantes entre « amis ». Tout ce joli monde a été bouleversé par la secousse de la LSF et l’arrivée du H3C. Il a fallu revoir les plans, modifier les comportements, adapter les stratégies en s’échangeant les missions et surtout engager de forts moyens de lobbying pour convaincre les autorités que ces règles d’incompatibilités étaient certes louables et nécessaires, mais pas forcément avec autant de rigueur. Et le travail a porté puisque nous avons vu arriver en 2009 un revirement du Code de Déontologie avec des normes DDL particulièrement permissives, autorisant le Commissaire aux Comptes à faire bien autre chose que la simple mission légale. Ce nouvel élan fait revenir aux comportements antérieurs, ce qui explique certainement des réponses étonnantes aux appels d’offres, souvent coutumières pour certains réseaux.

Allons-nous assister, impuissants, à cette dérive, et laisser faire cette pratique qui conduit inexorablement à une concentration des mandats, et de facto à une réduction de la population des Commissaires aux Comptes ? Ce sont des méthodes scandaleuses, pour ne pas dire irrégulières, qui méritent d’être sanctionnées. Qui d’autre que la Compagnie peut intervenir ? Si ce n’est pas le fait des élus, un jour le H3C s’en emparera, et l’institution perdra un nouveau pan de ses prérogatives. ECF affirme qu’aujourd’hui ce rôle de surveillance du marché du commissariat aux comptes relève entièrement de la compétence des élus de la Compagnie. Fermer les yeux équivaut à valider la méthode. « Qui ne dit mot consent ». Ce qui s’est passé en 2009 avec les nouveaux marchés des universités et des hôpitaux est scandaleux : appels d’offres

restreints au sein de listes très courtes de cabinets sélectionnés officiellement (short lists), sans la moindre réaction de la part de l’Institution.

Il faut concevoir un rôle de gendarme à la Compagnie dans la pratique des appels d’offres en matière de commissariat aux comptes. Nous ne pourrons pas empêcher la méthode de la part des entreprises et des entités soumises à la révision légale, surtout quand il s’agit de collectivités publiques. Mais il est indispensable que l’institution s’assure du bon comportement de ses membres, pour une parfaite dignité et un respect absolu des conditions d’intervention. Le nombre d’heures et le taux horaire devraient pour le moins faire l’objet d’un contrôle, assorti de sanctions en cas de manquement aux règles de fonctionnement de notre profession. Et les anomalies constatées devraient entraîner une réaction disciplinaire auprès du cabinet, et une prise de position auprès de l’entité et pourquoi pas auprès du Ministère public. Nous ne pouvons plus accepter que le choix du Commissaire aux Comptes se fasse sur le seul critère du montant des honoraires. Mais encore faut-il que nos élus le voient ainsi. N’a-t-on pas vu très récemment la Compagnie proposer d’établir elle-même une liste de cabinets soi-disant compétents pour les entités gérant le 1 % logement ? Cela prouve bien que nous n’avons pas encore tout vu, et que nous n’avons pas encore subi tous les effets de cette conception du rôle de l’élu. Le simple fait de penser que l’institution puisse participer à cette approche sélective est un affront pour la profession tout entière. Face à ces constats, conserver la majorité actuellement en place revient à pérenniser un système et à valider implicitement une conception élitiste du commissariat aux comptes.

Proposition d’ECF

ECF s’inquiète du comportement de certains cabinets dans les réponses aux appels d’offres, et propose pour cela de doter la Compagnie d’un pouvoir de contrôle et d’intervention.

Par ailleurs ECF rejette catégoriquement la pratique de listes de cabinets spécialisés, exigeant de laisser le libre accès au marché à tout professionnel.

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Du rapprochement des deux institutions nationales

Ce n’est pas pour le plaisir de s’opposer qu’ECF propose de rapprocher les deux institutions nationales et de faire partager des mêmes locaux au Conseil Supérieur de

l’Ordre des Experts-comptables et à la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes. C’est que nous sommes convaincus que ce projet est essentiel pour l’avenir de la profession.

Il n’est pas inutile de rappeler que la Compagnie nationale a toujours refusé les projets de locaux communs, préparés par le CSOEC, pourtant d’une même majorité politique. Il n’est pas inutile non plus de rappeler que la mandature précédente du Conseil de l’Ordre a pris la décision d’un achat de locaux, contre l’assentiment des élus ECF, et malgré les inconvénients majeurs de ce projet : mauvais emplacement, manque de fonctionnalité, et surtout coût exorbitant de l’opération. C’est pourquoi nous avons été extrêmement surpris de trouver en 2008 dans le projet de campagne électorale de notre compétiteur notre proposition de rapprochement des institutions. Mais notre surprise ne fut que de courte durée, nous n’avons pas été étonnés d’entendre, après les élections, le nouveau Président de la Compagnie nationale déclarer que le sujet n’était pas d’actualité, afin « d’éviter toute confusion d’image ». Ce manquement à la parole donnée mérite d’être sanctionné, car l’électeur a été trompé. La seule arme dont il dispose étant son bulletin de vote, il lui appartient maintenant de s’en servir, ne serait ce que pour infirmer la théorie utilisée par certains candidats qui pensent que « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ».

Pourquoi y aurait-il confusion d’image au niveau national et pas au niveau régional ? Comment expliquer que ce qui fonctionne parfaitement bien dans les régions ne le pourrait pas à l’échelle nationale ? La plupart des Compagnies régionales partagent un même immeuble avec le Conseil régional de l’Ordre. Les synergies sont en place, jusqu’à la région PACAC qui fait partager le même Bureau aux deux présidents des institutions régionales. Et il ne faut pas dire que Paris n’est pas comparable aux autres régions. Preuve en est la réalisation cette année 2010 du rapprochement de la CRCC de Paris avec le CRO Paris Ile-de-France par l’achat d’un immeuble commun, alors que l’une était propriétaire de locaux somptueux dans un immeuble classé, et l’autre locataire, certes, mais dans des locaux qui lui convenaient parfaitement. Ni l’une ni l’autre n’avaient un vrai besoin de changer et tout pouvait continuer sur la lancée. La seule raison était le projet politique de regrouper les institutions, et la promesse de campagne électorale. Cela n’a pas été simple, et les élus de chaque maison ont dû faire face

à de nombreux problèmes, et preuve d’abnégation parfois. Mais ils y sont arrivés, et dans un temps record, ce qui mérite d’être salué. Cet exemple démontre bien qu’il faut une parfaite harmonie entre les élus pour faire aboutir le sujet, ce qui laisse penser qu’il faut qu’ECF soit majoritaire à la CNCC pour que le projet de locaux communs avec le CSOEC voit le jour …

Pourquoi y aurait-il confusion d’image pour nos instances représentatives, quand nous-mêmes n’en avons aucune dans nos cabinets ? Nous avons l’habitude de gérer distinctement les deux missions au quotidien, sans que cela ne pose aucun problème. Et nos interlocuteurs savent parfaitement s’ils s’adressent à l’Expert-comptable ou au Commissaire aux Comptes. Non, en réalité, la raison est toute autre.

Nous avons compris à la lecture de l’article (infra) « Quelle profession du commissariat aux comptes ? » qu’il y a deux conceptions de l’exercice professionnel qui s’affrontent. D’un côté une vision « globaliste » qui voit dans chaque professionnel à la fois un Expert-comptable et un Commissaire aux Comptes et qui raisonne globalement pour la profession toute entière. Cette approche-là, qui est la nôtre, voit dans le rapprochement des institutions une avancée propice à la construction d’une grande profession du chiffre. Et le rapprochement passe par un partage de locaux communs. L’autre vision est « élitiste », et croit à la spécialisation du commissariat aux comptes, limitée à une population restreinte. Cette conception est celle de la Compagnie nationale, dont les élus voient dans le rapprochement avec le Conseil de l’Ordre un affaiblissement, et une perte de prérogative. D’où le besoin d’un espace protégé, et la volonté de défendre le pré carré de la Compagnie. Il est amusant de constater comment certains confrères, élus de l’Ordre avant de devenir élus de la Compagnie, changent de comportement. Alors qu’ils ont connu les blocages de la Compagnie, qu’ils en ont souffert, et que l’on pourrait penser que leur arrivée facilitera le rapprochement, en changeant de maison ils changent de mentalité, et deviennent alors les opposants aux projets communs. L’homme, cet animal complexe !

Cette brève explication permet de comprendre que le sujet des locaux communs entre le CSOEC et la CNCC est un sujet extrêmement politique, qu’il faut mesurer dans le contexte global de définition du projet pour la profession.

Regrouper les deux institutions dans un même immeuble aura avant tout la force du symbole d’une profession unifiée et forte. Nous parlons bien d’un simple partage de locaux, et

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non pas d’une fusion des institutions, idée avancée par certains qui mériterait un débat à l’échelle nationale. Sans en arriver à cette conception ultime du rapprochement, la mise en commun de moyens permettra des synergies, et engendrera des économies d’échelle.

Des services pourraient être communs aux deux institutions, comme la formation par exemple. Cela permettrait certainement de réduire le nombre total de permanents des deux maisons, mais surtout d’obtenir une meilleure efficience, en évitant au passage les querelles de chapelles. N’oublions que les clients (nous autres pauvres péquins) sont généralement les mêmes, et que ce sont eux qui financent le tout ! Et puis la proximité faciliterait l’échange et la communication. Aujourd’hui quand il faut répondre à un sujet national ou international qui intéresse toute la profession, il faut réunir permanents et élus des deux institutions, après que chacune ait déjà travaillé le sujet, et rechercher une position commune, ce qui n’est pas toujours facile.

De plus des commissions communes, composées d’élus de chacune des deux maisons pourraient être mises en place, supprimant ainsi toutes ces complications. Cela pourrait concerner toutes les matières techniques communes, mais aussi une veille stratégique réellement efficace qui pourrait jouer le rôle de laboratoire de recherche et de développement

pour la profession dans son ensemble. Ce qui semble évident à écrire sur le papier ne l’est pourtant pas pour être mis en œuvre. L’ingrédient qui manque est la volonté de la Compagnie nationale.

Evitons de parler du sujet qui fâche, l’informatique, tant son coût, multiplié par deux avec les besoins de chacune des institutions pèse lourd dans leur budget respectif.Sans parler de l’économie que représenterait le partage des salles de réunions. Que ce soit la Compagnie nationale ou le Conseil Supérieur, chacun dispose de salles de réunions pour son fonctionnement : élus, commissions, réunions diverses, formations, etc. Mais ces salles sont loin d’être occupées en permanence, et une gestion bien organisée pourrait permettre un partage entre les besoins des uns et des autres. Au prix du mètre carré parisien dans les quartiers de nos institutions, cela engendrerait des économies substantielles, pour le total des deux budgets, c’est-à-dire pour nos cotisations.

Car évidemment, tout cela a un coût. Ce sont nos cotisations qui assument les conséquences de ces divergences et de ces dysfonctionnements. Une vision globale des deux institutions faciliterait les échanges, simplifierait le fonctionnement, et réduirait le montant de la charge pour les cabinets. Il est étonnant que le bon sens ne se soit pas encore imposé. Faut-il en conclure que la volonté de séparation soit forte ! Mais celle d’ECF d’aboutir ne l’est pas moins.

Proposition d’ECF

ECF propose de regrouper en un même immeuble les services de la Compagnie nationale des Commissaires aux Comptes avec ceux du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-comptables, à la recherche de synergies, de mise en commun de moyens, d’efficience, et d’économies d’échelle.

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Plus d’équité dans le calcul des cotisations de la Compagnie

Comme tout budget, celui de la Compagnie Nationale intègre des dépenses et des recettes.

Côté dépenses, il y a pas mal à redire dans les choix qui sont faits par la majorité actuelle, ce qui explique le refus de voter les comptes de la part des élus ECF. Nous sommes surtout convaincus que l’institution pourrait fonctionner tout aussi efficacement avec un budget bien inférieur. Nous souhaitons par ailleurs consacrer plus de moyens au secteur des Petites Entités (cf. Article « Pour un Département PE).

Côté recettes, la règle est simple : on lève l’impôt. Entendez par là que le montant des recettes dépend entièrement des dépenses, et que l’on fait l’appel de cotisations de façon à équilibrer les comptes. Gestion particulièrement simple de toute collectivité, la seule contrepartie étant de devoir rendre des comptes à ses électeurs.

La façon de répartir le montant total des charges entre les membres de la profession, et donc de calculer les cotisations, peut différer. Cela repose sur un choix politique, et donne tout l’intérêt aux élections professionnelles, dans la mesure où les propositions entre les candidats diffèrent, ce qui est le cas.

La répartition peut se faire en divisant le budget par le nombre de membres, pour donner une cotisation fixe d’un même montant pour tous. C’est une mutualisation totale qui conduit à une parfaite inégalité car chacun n’a pas la même implication, et ne réalise pas le même niveau d’activité. Pour faire simple, les petits payent pour les gros.

L’autre méthode, opposée à la cotisation fixe, est la cotisation variable, dont le montant dépend du niveau d’activité, c’est-à-dire du chiffre d’affaires. Dans cette hypothèse celui qui réalise beaucoup de chiffre d’affaires paye plus que celui qui en fait peu, ce qui semble juste et normal. C’est une répartition individuelle, plus équitable dans son principe que la répartition mutualiste.

La situation actuelle des cotisations de la Compagnie est un mix des deux formules. Une cotisation fixe, majorée d’une cotisation variable calculée sur le chiffre d’affaires réalisé en commissariat aux comptes. Les éléments variables ont été introduits après que ECF se soit fortement opposé au principe de la cotisation fixe, et ait demandé une cotisation variable au nom de l’équité.

Le montant total des cotisations de la Compagnie nationale (sans inclure la partie relative aux CRCC) est la suivante : • partie fixe 7 320 548 euros • partie variable 6 157 069 euros.

Un esprit un peu malin peut donc ainsi prétendre que la partie de la cotisation fixe est à peu près égale à la moitié des cotisations, ce qui semble acceptable sur un plan purement intellectuel.Mais cette donnée macro économique est toute différente si on regarde ce que représentent les cotisations selon la taille des cabinets.

Le montant de la cotisation est le suivant : 390 euros + 0,24 % du chiffre d’affaires.

Faisons quelques hypothèses.

1) Cas d’un Commissaire aux Comptes exerçant seul, avec 50 000 € d’honoraires Fixe 390 euros Variable 120 euros

Total 510 euros

La part de la cotisation fixe est de 76 % du montant total de la cotisation

2) Cas de 2 Commissaires aux Comptes associés, avec 100 000 € d’honoraires Fixe 1 170 euros Variable 240 euros Total 1 410 euros

La part de la cotisation fixe est de 83 % du montant total de la cotisation

Ces hypothèses, qui décrivent la très grande majorité des cas des professionnels en exercice, démontrent que la part de la cotisation fixe pour les petits cabinets se situe entre 76 % et 83 % du montant total de la cotisation.

En réalité il faut arriver à un niveau de chiffre d’affaires très élevé pour que la part variable ne soit que de 50 %, et bien évidemment les très grosses structures de commissariat aux comptes arrivent à des taux extrêmement bas.Nous avons là la démonstration de ce que nous savons tous, à savoir que la mutualisation choisie par la profession avec une règle de cotisation fixe avantage une minorité de cabinets, au détriment de tous les autres.

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Proposition d’ECF

HypothèseDans le but de rechercher plus d’équité, imaginons d’augmenter le taux proportionnel de 0,10 point pour le faire passer de 0,24 % à 0,34 %.

Globalement, cela représenterait un supplément de 2 520 000 euros, soit le tiers de la cotisation fixe. Pour raisonner à budget constant, celle-ci pourrait donc être diminuée d’un tiers, soit ramenée à 260 euros au lieu de 390 euros.

Si l’on applique ce calcul aux deux cas évoqués précédemment cela donnerait les résultats suivants :• cas n° 1 = 430 euros, soit une baisse de 16 %,• cas n° 2 = 1 120 euros, soit une baisse de 20 %.

On comprend ainsi aisément où sont les intérêts des uns et des autres.

Il faut préciser que ces montants ne concernent que la part nationale de la cotisation à laquelle il faut rajouter la part régionale, qui dépend totalement des choix de gestion de chaque CRCC. Nous n’abordons pas ce calcul car chaque CRCC a ses propres règles, mais le même raisonnement peut être effectué, évidemment.

Cotisations d’AssuranceLe principe de répartition entre cotisation fixe et variable a également été le choix de la Compagnie nationale pour la prime d’assurances, mais dans des proportions différentes, en raison notamment de la demande des élus ECF au moment de la dernière révision : la part fixe n’est que de 212 euros et la partie variable est de 0,68 % du chiffre d’affaires. Les résultats sont par conséquent un peu moins inéquitables que ceux des cotisations de la Compagnie, mais on peut également appliquer le même raisonnement pour apporter une amélioration.

ConclusionIl faut aller plus loin dans la répartition entre la partie fixe et la partie variable. ECF accepte l’idée que chaque membre de l’institution paye un minimum de cotisations, mais pas au niveau actuel. Il ne faut pas oublier que dans les cotisants, beaucoup n’ont pas de mandats pour la bonne et simple raison que les mandats sont au nom de la société au sein de laquelle ils exercent, qui, elle, paye déjà sa cotisation. Il faut donc faire en sorte que le montant fixe soit minime, afin d’enrayer le phénomène en vigueur qui consiste à ne pas inscrire les professionnels diplômés quand ils ne signent pas de rapport. La liste des membres de la Compagnie devrait inclure tous les diplômés qui exercent en cabinet.

ECF propose de revoir le mode de calcul du budget de la Compagnie nationale afin de réduire le montant de la cotisation fixe, source d’inéquité dans la profession.

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Mutualisation de l’exerciceDu commissariat aux comptes

L’exercice du Commissariat aux comptes dans un cadre libéral est marqué par des règles éthiques et morales fortes et structurantes :

• Il s’agit d’une mission d’intérêt général faite de prestations de services à dominance intellectuelle rendue par des professionnels à la compétence reconnue et confirmée par une obligation de formation continue.

• Le respect d’une éthique, d’un code de déontologie, et de normes professionnelles, marqués par le respect du secret professionnel, l’absence de conflits d’intérêts, et le respect d’une discipline professionnelle.

• La priorité des intérêts du client sur ceux du professionnel.

• La liberté de choix du client dans le respect de ses obligations déontologiques.

• Un exercice de proximité et une disponibilité au service des actionnaires, entrepreneurs, collectivités et autres financeurs de l’économie.

Le rapport confié par Hervé Novelli à Madame Brigitte Longuet sur les professions libérales rappelait ainsi que «… les activités libérales sont exercées par des professionnels qualifiés qui pourront faire valoir des atouts indéniables. De plus la souplesse de l’exercice libéral, la sens du risque et l’innovation de ces professionnels constituent des atouts particulièrement adaptés à l’exigence de compétitivité internationale dans une Europe souvent trop rigide face aux pays émergent… ».

Il notait également : « L’activité libérale, […] dispose de nombreux atouts pour constituer l’une des formes les plus modernes de l’activité de la diversité économique de notre pays »

Toutefois malgré ces valeurs, les évolutions de l’environnement du marché de l’audit ont contribué à fragiliser l’exercice libéral du commissariat aux comptes par les structures les plus modestes et conduisent nombre d’entre elles à renoncer.

Plusieurs facteurs en sont à l’origine :

• Concentration accentuée du marché de l’audit1

• Augmentation des exigences induites par les NEP et le code de déontologie

• Nécessité d’apporter au client une mission avec davantage de valeur ajoutée.

Ces éléments s’ajoutent aux caractéristiques habituelles de ces structures : petite taille, concentration du savoir sur le seul diplômé, engorgement du professionnel « homme orchestre », et absence d’équipes pluridisciplinaires et spécialisées.

Ainsi la complexité de l’économie moderne, la spécialisation des compétences et l’évolution des règles professionnelles rendent difficile pour des professionnels isolés le maintien d’une activité libérale de commissariat aux comptes. Le professionnel indépendant a besoin de s’entourer d’une équipe capable de maîtriser des compétences ou expertises complémentaires répondant aux différentes spécialités requises par le traitement du dossier, voire à faire appel à des professionnels d’autres secteurs.

Il se doit parfois également d’apporter une réponse mieux adaptée à la demande de la clientèle internationale.

Ceci implique une réflexion en profondeur sur la façon de penser l’exercice du commissariat aux comptes par la majorité des professionnels du secteur.

Elle doit avoir pour but de favoriser l’accès et le maintien sur le marché de l’Audit de professionnels indépendants et permettre :• La recherche de la mutualisation des moyens.• La simplification des organisations de travail.• La recherche des outils propres à accroître la compétitivité

en favorisant leur convergence pour une utilisation pour le commissariat aux comptes comme pour l’expertise comptable.

• Apporter d’autres réponses que celles d’ordre capitalistique centrées sur l’augmentation des fonds propres qui sont aujourd’hui quasi-systématiquement retenues.

• Assurer la pérennité économique de cette activité lorsque l’on n’est titulaire que de quelques mandats.

Aujourd’hui les réflexions de la Compagnie des Commissaires aux comptes n’ont que très peu intégré cette problématique dans sa globalité.

Or penser différemment l’exercice du Commissariat aux comptes se révèle un enjeu majeur du cabinet libéral pour :

• Faire face à la complexité et technicité croissante des missions et maintenir un niveau de qualité face aux exigences actuelles imposées par les NEP en se dotant de moyens permettant de les respecter (gestion de la qualité, revue croisée).

Pierre-Luc Sœur

1. Broyé G. (2007), « Concentration du marché de l’audit en France : un état des lieux », Revue Française de Comptabilité, n°399, pp. 34-37

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• Répondre aux attentes des clients et usagers de la certification en favorisant l’intégration de spécialistes au sein d’un « groupement » de professionnels pour rester compétitifs et augmenter la valeur ajoutée de la mission du CAC.

- Répondre aux attentes des jeunes générations et celles liées à la féminisation de notre profession en maintenant une capacité à être attractif, offrir des possibilités d’exercice adaptées (temps partiel, multi-exercice), mettre en œuvre une réelle politique de management des compétences.

- S’adapter à l’économie moderne qui par la banalisation du multimédia et des ressources documentaires disponibles pour le client rend nécessaire une synthèse par un professionnel.

- Réfléchir à un marketing de l’offre de mission pour faciliter la réponse à des appels d’offres parfois trop importants pour les capacités de professionnels isolés et constituer un ensemble cohérent permettant une communication commune (restitution fin de mission, réunion d’information clients co-animées…).

- Jeter les bases d’un développement à l’international pour faire face à un risque de concurrence accru et conserver les clients qui font le choix d’un développement à l’étranger.

- Réduire les coûts du maintien des deux activités Expertise Comptable/CAC (formation, cotisation).

Au-delà du cabinet, un des enjeux est le maintien de l’attractivité du territoire et d’un service « de proximité ».

Les acteurs locaux indépendants de l’audit font partie de l’activité économique de leur territoire : ils sont pourvoyeurs d’emplois et apportent un service de proximité aux entreprises qui est un facteur essentiel dans leur choix d’un lieu d’implantation.Leur présence justifie le maintien d’une formation initiale aux métiers de l’audit en région et permet l’émergence d’une offre alternative à celle des grands réseaux à même d’offrir une connaissance de l’entité et de son environnement en application des dispositions de la NEP 315.

Dans ce nouveau contexte, la performance implique le plus souvent une taille minimum qui induit la nécessité pour les professionnels libéraux indépendants de se structurer. Mutualiser les activités de commissariat aux comptes avec d’autres est une réflexion qu’il faut désormais conduire.

La mutualisation des activités de CAC peut se concevoir par l’intermédiaire de structures de plein exercice ou par la constitution de structures de moyens.

Lorsque la mise en commun des activités de CAC est envisagée par la constitution de sociétés de commissaires aux comptes, les structures juridiques possibles sont relativement nombreuses.

L’article L823-9 du code de commerce ne prévoit pas en effet de structure spécifique pour l’exercice du commissariat aux comptes sous forme de sociétés. Toutes les formes sont donc envisageables selon la volonté de chacun des associés.

Plusieurs organisations peuvent alors être mises en place pour satisfaire aux objectifs de l’exercice mutualisé :

• intégration globale des moyens et des mandats au sein d’une seule structure détenue par des personnes physiques qui conservent en parallèle leur activité d’expertise comptable.

• création d’une filiale conjointe par deux ou plusieurs cabinets d’expertise comptable comprenant les mandats et les moyens.

- ce sont les règles de l’ordonnance de 1945 en matière de détention des participations par des sociétés d’expertise comptable qui vont trouver ici à s’appliquer.

• création d’une filiale conjointe de commissariat aux comptes par deux ou plusieurs cabinets d’expertise comptable ou des personnes physiques. Cette filiale serait dans ce cas de figure dédiée exclusivement au commissariat aux comptes mais ne comprendrait que les mandats. Les moyens d’exercice de l’activité seraient alors conservés sur les structures d’expertise comptable.

Il conviendra dans ce cas de faire application des dispositions relatives à la NEP 620 intervention d’un expert et à celles de l’article 7 du code de déontologie relatives à la sous-traitance.

Au niveau pratique la question de savoir si tous les mandats doivent être apportés à la structure créée risque de se poser.

Si la mise en commun des mandats et leur transfert à la structure commune pose des problèmes capitalistiques (valorisation, répartition du capital social…), ils peuvent en partie être résolus grâce aux dispositions particulières liées aux facturations des mandats détenus à titre individuel par les commissaires aux comptes associés/salariés de cabinet2

Par contre si une partie des mandats est conservée sur une structure juridique préexistante les professionnels désireux de mutualiser leur activité vont se heurter à des limites :

• La première résulte de l’application de l’article L823-9 du Code de commerce : « Par dérogation à ces dispositions, l’exercice de ces fonctions est possible simultanément au sein d’une société de commissaires aux comptes et d’une autre société de commissaires aux comptes dont la première détient plus de la moitié du capital social ou dans le cas où les associés

2. Bulletin CNCC numéro 114 p 272.

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des deux entités sont communs pour au moins la moitié d’entre eux. »

La rédaction actuelle du texte n’ouvre donc la faculté de création d’une filiale que par une seule société de commissariat aux comptes qui s’associerait avec des confrères indépendants.

La constitution d’une nouvelle société de CAC par des associés d’une autre société se trouve elle aussi restreinte.

• La seconde est la multiplication des coûts de structure et notamment des cotisations.

Lorsque l’exercice mutualisé s’effectue par des structures de regroupement de moyens et la formalisation contractuelle de relations avec les titulaires de mandats, ce sont les règles relatives à la détention de participations par des personnes physiques ou morales Experts-comptables et Commissaires aux comptes qui vont conduire la réflexion.

L’application de ces dispositions exclut quasiment la constitution de sociétés commerciales pour la mutualisation de ces moyens à l’exception de sociétés inscrites à l’Ordre ou à la Compagnie.

Les structures juridiques les plus appropriées sont alors les sociétés civiles, les associations ou les GIE, voire les GEIE…

Les règles déontologiques applicables sont là aussi celles de l’article 7 du code déontologie et de la NEP 620.

Les problématiques d’indépendance, de secret professionnel entre les membres de la structure et les problématiques de réseau doivent être appréhendées avec le plus grand soin.

Sur un plan pratique, l’organisation juridique de la structure (clauses statutaires… engagement des membres) et celle de la relation de sous-traitance avec les titulaires du mandat sont une étape obligatoire.

La formalisation du contrat de sous-traitance permet de définir un certain nombre d’éléments essentiels : objet, rémunération des prestations du sous-traitant, durée de la mission, obligations du donneur d’ordre et du sous-traitant et les clauses « classiques » relatives à la confidentialité, aux modalités de résiliation et au recours à la conciliation.

Reste la nécessité d’une rigoureuse planification des équipes et d’une harmonisation des méthodes. Le manuel des procédures

du cabinet deviendra l’outil indispensable pour régler ces questions cruciales pour un fonctionnement cohérent.Au final l’évolution vers ce type d’organisation peut être ralentie par un certain nombre de freins :

• d’ordre personnel : passer d’un travail seul à un travail à plusieurs en gardant son indépendance, accepter de dévoiler ses propres limites aux confrères membres du groupement…

• économiques : le risque « commercial » lié à la peur de perdre le mandat en faveur d’un membre du groupement,

• organisationnelles : existence de différences de culture et méthode de chacun des membres du groupement, gestion des plannings,

• déontologiques : l’évolution actuelle de la doctrine visant à limiter le recours à la sous-traitance (avis du 24 juin du H3C).

La mutualisation des moyens par des voies autres que capitalistiques repose sur le développement de relations contractuelles entre les auditeurs et des structures ne relevant pas forcément du périmètre de la Compagnie des commissaires aux comptes. Cette relation contractuelle repose sur la notion de recours à un expert prévue par la NEP 620 ou sur celle de la sous-traitance évoquée par le code déontologie.

Le H3C estime cependant que le recours à « des collaborateurs externes » doit être limité et ne s’envisager que pour « répondre à des besoins de ressources liés à des situations particulières. Il estime néanmoins que cette condition n’est pas applicable lorsqu’il s’agit de collaborateurs de membres du réseau auquel le titulaire du mandat appartient ou de ceux de structures qui lui sont associées !

Cette position restrictive ne facilite pas le recours à la mutualisation pour des professionnels indépendants.

Au-delà de ces considérations, la mutualisation des moyens dans les cabinets reste une voie très largement sous exploitée aujourd’hui. D’autres branches de l’économie y ont déjà fréquemment recours (informatique, téléphonie, automobile…) Ce type d’organisation peut ainsi être envisagé pour d’autres métiers du cabinet : paye, consulting, droit fiscal et des sociétés…

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La complémentarité entre la mission de présentation (Expert-Comptable) et la mission de certification (Commissaire aux Comptes) est souvent évoquée par

les professionnels, mais pas forcément bien identifiée et/ou comprise par les dirigeants d’entreprise.Qu’en est-il effectivement ?Les Normes d’Exercice Professionnel pour la mission de certification abordent ce point et y consacrent même une norme spécifique : NEP 630 « Utilisation des travaux d’un Expert-comptable intervenant dans l’entité ». Cette NEP explique sur une page, les principes que devra retenir un Commissaire aux Comptes s’il envisage d’utiliser les travaux de l’Expert-Comptable :• analyser l’étendue de la mission que l’entité a confiée à

l’Expert-Comptable,• apprécier si les travaux sont suffisants et appropriés pour

contribuer à l’expression de son opinion sur les comptes, prendre contact avec l’Expert-Comptable pour s’informer et le cas échéant se faire communiquer des travaux,

• évaluer les procédures complémentaires à mettre en œuvre.Or la mission de présentation est elle aussi normée et contrainte par des textes de loi.• D’abord, le référentiel approuvé par le Conseil Supérieur de

l’Ordre des Experts-Comptables distingue : - les normes de comportement (3 311 à 3 315), - les normes de travail (3 320 à 3 329), - la norme de rapport (3 330).• Ensuite, l’Ordonnance du 19 septembre 1945 qui définit la

profession et notamment les règles de secret professionnel pour les Experts-Comptables,

• Puis, le Code de Commerce précise dans l’article L 123-12 que tout commerçant doit établir une fois par an un bilan, un compte de résultat et une annexe formant un tout indissociable.

• Enfin, le Plan Comptable Général du Comité de la réglementation comptable décrit dans les paragraphes 410-1 à 420-6 les règles de tenue d’une comptabilité.

Il est clair que cette mission de présentation est parfaitement encadrée et connue. On peut alors imaginer qu’il est facile de définir si les travaux sont suffisants et appropriés pour contribuer à l’expression d’opinion du Commissaire aux Comptes. Et pourtant cela n’a pas été fait.Je vous propose de retenir les éléments essentiels de ces textes pour tenter d’aboutir à une conclusion sur la pertinence des travaux de l’Expert-Comptable dans une mission de présentation.Du Plan Comptable Général (CRC n° 99-03), je retiens les extraits suivants :• 410-2 « Une documentation décrivant les procédures et

l’organisation comptable est établie en vue de permettre la compréhension et le contrôle du système de traitement ; cette documentation est conservée aussi longtemps qu’est exigée la présentation des documents comptables auxquels elle se rapporte »

• 410-3 « L’organisation du système de traitement permet de reconstituer à partir des pièces justificatives appuyant les données entrées, les éléments des comptes, états et renseignements, soumis à la vérification, ou, à partir de ces comptes, états et renseignements, de retrouver ces données et les pièces justificatives. »

• 420-2 « Tout enregistrement comptable précise l’origine, le contenu et l’imputation de chaque donnée, ainsi que les références de la pièce justificative qui l’appuie. »

• 420-5 « Le caractère définitif des enregistrements du livre-journal et du livre d’inventaire est assuré :

1. pour les comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés, par une procédure de validation, qui interdit toute modification ou suppression de l’enregistrement.

2. pour les autres comptabilités, par l’absence de tout blanc ou altération. »

Du référentiel des normes du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables, je retiens les extraits suivants :• Le cadre conceptuel «… la mission de présentation,

spécifique à la France, est une mission aboutissant à une assurance modérée de cohérence et de vraisemblance. Le niveau d’assurance est inférieur à celui de la mission d’examen limité… »

• La norme 3324 « L’Expert-Comptable conçoit ou recommande des procédures d’organisation comptable conformes à la législation en vigueur et adaptées à la taille et aux besoins des entreprises concernées ».

• La norme 3329 « Des dossiers de travail sont tenus afin de documenter les contrôles effectués et d’étayer l’attestation de l’Expert-Comptable ».

Mais le référentiel ne prévoit ni le contrôle de la matérialité des opérations ou des actifs, ni l’appréciation de l’opportunité des décisions de gestion de l’entité.En mettant ces principes en face des assertions prévues par les NEP, on abouti à trois cas de figures :• Les travaux de la mission de présentation répondent

parfaitement aux exigences d’audit ;• Les travaux de la mission de présentation répondent

partiellement aux exigences d’audit ;• Les travaux de la mission de présentation ne satisfont pas

aux exigences d’audit.

De la complémentarité des missions de présentation et de certification

Jean-François Mallen

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Par ailleurs, la mission de présentation impose à l’Expert-Comptable de conseiller l’entité dans la mise en place de l’organisation comptable avec une obligation de documenter son dossier. Le Commissaire aux Comptes de son côté, doit évaluer la qualité de ce contrôle interne pour déterminer le risque d’avoir des erreurs dans les comptes et orienter ainsi ses contrôles. Là encore il y a une complémentarité évidente.Finalement, la mission de présentation apporte à l’entité une assistance technique dans la production des comptes annuels qui est prolongée par la mission de certification, laquelle apporte une sécurité sur la qualité du produit fini. A la charnière se trouvent quelques points communs qui peuvent être traités indifféremment par l’un ou l’autre des deux professionnels.La responsabilité n’est cependant pas tout à fait du même niveau. Si les deux professionnels ont une responsabilité civile face à leurs travaux, le Commissaire aux Comptes supporte en plus une responsabilité pénale. Mais surtout, l’utilisation des travaux de son confrère n’exonère pas le Commissaire aux Comptes de ses responsabilités. Il doit démontrer que l’utilisation des travaux d’un confrère justifie une simplification des travaux dans sa démarche.La question qui demeure alors est de savoir si le Commissaire aux Comptes dispose d’un libre accès au dossier de l’Expert-Comptable et réciproquement ? La réponse n’est pas si évidente.D’abord, l’Ordonnance du 19 septembre 1945 qui prévoit que « sous réserve de toute disposition législative contraire, les Experts-Comptables… sont tenus au secret professionnel ».Ensuite, l’Art 229 de la loi du 24 juillet 1966 précise que « les Experts-Comptables ne peuvent opposer leur secret professionnel aux Commissaires aux Comptes pour la communication des pièces ».Puis, la norme n° 125 « Documentation des travaux » du référentiel de l’Ordre des Experts-Comptables précise que «… L’Expert-Comptable conserve ses dossiers de travail durant la période de prescription légale et en préserve la confidentialité ». Les commentaires de la norme renforcent cette notion de préservation de la confidentialité. Mais cette norme ne peut s’opposer à la loi.Enfin, la NEP 630 (homologuée par arrêté du 10 avril 2007) précise au paragraphe 4 que le Commissaire aux Comptes peut se faire communiquer les travaux réalisés par l’Expert-Comptable.On peut conclure que l’Expert-Comptable est levé de son obligation de secret professionnel vis-à-vis du Commissaire aux Comptes pour le client commun.

Hélas, la réciproque n’est pas vraie et cela pose tout de même un problème de fond. Comment le Commissaire aux Comptes peut-il envisager un travail collaboratif avec l’Expert-Comptable dans ces conditions ?Sur cette base il me semble possible de faire une démonstration de la complémentarité des missions en démontrant que tout pousse à éviter les doublons : la mission de présentation inclut une partie accompagnement et conseils que n’autorise pas la mission de certification. Et la mission de certification prévoit une partie recherche de fraudes et d’erreurs que ne prévoit pas la mission de présentation.Toutefois les assertions d’audit ne représentent qu’une part (certes importante) de la mission de certification.

Pour arriver au bout de la démonstration, je propose quelques évolutions. Certaines sont du ressort des professionnels entre eux et peuvent être adoptées immédiatement.• La Lettre de mission de l’Expert-Comptable intègre la

nécessité de communiquer avec le Commissaire aux Comptes (réunions de synthèse, mise à disposition du dossier, partage des analyses du contrôle interne, etc.).

• La lettre de mission du Commissaire aux Comptes intègre la prise en compte des travaux de l’Expert-Comptable pour alléger le budget temps et obtenir une dérogation.

• L’Expert-Comptable invite le Commissaire aux Comptes à la réunion d’arrêté des comptes.

• Le Commissaire aux Comptes propose au Dirigeant d’inviter l’Expert-Comptable aux réunions de synthèse sur l’analyse du contrôle interne et sur les comptes annuels. Il pourra ainsi proposer au confrère d’accompagner le Dirigeant dans l’amélioration du système comptable,

• Le Commissaire aux Comptes prend le plus grand soin du dossier de travail confié par l’Expert-Comptable et le lui rend complet, en ordre et sans tarder.

D’autres nécessitent un travail de fond entre les deux institutions :• Engager une réflexion profonde pour aboutir à un projet

de loi sur le secret professionnel partagé entre les deux missions (NB : les deux professionnels sont assermentés).

• Revoir les normes de travail de la mission de Présentation pour être plus proche des besoins de la mission de certification tout en restant dans le niveau d’assurance raisonnable (cible : 50 % des travaux « OK Partiel »).

• Rédiger un texte commun qui décrit la complémentarité des missions et le comportement des professionnels.

20 % des assertions sont satisfaites par les travaux de l’Expert-Comptable et 50 % sont partiellement satisfaites. Cette présentation donne une bonne idée de la complémentarité des 2 missions puisque nous avons démontré que pour au moins 20 % des assertions d’audit, les travaux de l’Expert-Comptable étaient tout à fait exploitables par le Commissaire aux Comptes dans le cadre de sa mission et que pour 50 % d’assertions supplémentaires, il pouvait partiellement les exploiter.

CYCLES

ASSERTIONS SUR LES FLUX(Comptes de résultat)

ASSERTIONS SUR LES SOLdES(Comptes de bilan)

ASSERTIONS / PRESENTATION & ANNEXE

RéALITé EXHAUSTIVITE mESURESEPARAION dES

EXERCICESCLASSIFICATION EXISTENCE EXHAUSTIVITE

dROITS & ObLIgATIONS

EVALUATION & ImPUTATION

REALITE dROITS & obligations

EXHAUSTIVITEmESURE

EVALUATIONPRESENTATION & INTELLIgIbILITé

TRESORERIEFINANCEmENT

OK NONOK

PARTIELOK PARTIEL OK OK NON NON NON OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL

ACHATSFOURNISSEURS

OK NONOK

PARTIELOK PARTIEL OK OK NON NON NON OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL

VENTESCLIENTS

OK NONOK

PARTIELOK PARTIEL OK PARTIEL OK NON NON OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL

STOCKS OK NON NON OK PARTIEL OK NON NON NON NON NON NON NON NON

ImmObILISATION OK NONOK

PARTIELOK PARTIEL OK PARTIEL OK NON NON OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL

PERSONNEL OK NONOK

PARTIELOK PARTIEL OK OK OK NON OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL

ETAT OK NONOK

PARTIELOK PARTIEL OK OK OK NON NON OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL

CAPITAUX PROPRES & PROVISIONS POUR RISQUES ET CHARgES

OK NONOK

PARTIELOK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL NON NON OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL OK PARTIEL

dEbITEURS & CREdI-TEURS dIVERS

OK NONOK

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C’est une évidence, notre métier s’appuie quotidiennement sur un trépied, dont les extrémités sont faites de : technique, communication et management… et les « fondations »

d’un bon mémorandum de synthèse n’en dérogent pas…Il s’agit, en effet, de :• déployer de la technique (ie les NEP & DDL) pour atteindre les

objectifs de nos missions légales (voire contractuelles),• ne pas négliger la communication que le client est en droit

d’attendre de nos travaux (i.e. les honoraires nous rémunérant),• cimenter l’expérience humaine déployée en amont, en cours

et au final de la mission (i.e. le socle de nos prestations de services).

Dans cette lignée, la qualité du manuel de procédures internes du cabinet, c’est : « écrire et décrire ce que vous faites, faire ce que vous avez écrit et/ou décrit et le vérifier »…Avant tout chose, quelques précisions et définitions :• « mémorandum » : ce qui est à rappeler ou note des choses

dont on veut se souvenir ; « synthèse » : recomposition des éléments d’un tout ou la méthode de composition qui descend des principes aux conséquences, des causes aux effets ;

• aucun texte légal et règlementaire n’impose ce document, ce qui laisse une réelle liberté de rédaction, sans pour autant s’exonérer d’emprunter une méthodologie rigoureuse, structurée et pérenne ;

• aucune NEP (norme d’exercice professionnelle) ne traite spécifiquement de ce point, bien que la CNCC fasse référence dans ses supports opérationnels (i.e. version 14 du 30-06-2010) à deux documents : la note de synthèse et le compte-rendu de mission.

Le mémorandum de synthèse prend donc l’information dans plusieurs documents, la synthétise et la rapporte afin de donner plus d’informations au lecteur. Il décrit un aspect de la réalité et sa rédaction est un vrai travail de formalisation.Les objectifs qu’il poursuit sont généralement de trois ordres :1- synthétiser notre démarche, de la prise de connaissance de l’entité jusqu’à l’émission de notre opinion,2- résumer les informations échangées avec l’associé signataire,3- collecter des éléments probants en vue d’échanger au sein de l’équipe d’audit (le « Retex » (retour d’expériences)) ou plus simplement justifier la position adoptée dans le rapport (accessoirement avec le gouvernement d’entreprise).Certains repères méthodologiques doivent en guider la rédaction. Il faut tendre vers :• un ensemble organisé d’éléments jusque là séparés ou associés

différemment (i.e. la catégorie de transactions : chiffre d’affaires/créances clients et comptes rattachés),

• un ensemble cohérent et ordonné où sont confrontés les documents sur les points essentiels dégagés (i.e. l’ensemble des diligences relatives à la fraude (dont la reconnaissance des revenus)),

• une distinction de l’essentiel sur le superflu avec le choix et les explications de ces choix (i.e. un résumé ciblé sur les zones d’audit critique),

• un maximum de neutralité et d’objectivité, en se tenant aux faits et rien qu’à eux !

Généralement, le mémorandum de synthèse s’applique dans le cadre de la mission légale, au cours de ses deux étapes majeures : lors des travaux intérimaires puis au final. Selon le cas, et si l’entité établit des comptes intermédiaires, un mémorandum distinct est élaboré.En guise d’illustration, le sommaire de ceux-ci peut se présenter comme suit :a/ mémorandum d’intérim : appréciation qualitative et dérou-lement de la mission, faits marquants (avec ou sans impacts sur les comptes) de l’exercice en cours, mise à jour des données permanentes (DP), descriptifs de contrôle interne (sur les cycles et zones d’audit critique), tests d’existence et d’efficience de contrôle interne, risques majeurs identifiés, impacts potentiels sur les comptes et points de recommandation, points d’attention pour l’audit lors du final.b/ mémorandum final : appréciation qualitative et déroulement de la mission, faits marquants (avec ou sans impacts sur les comptes), revues analytiques (bilan, compte de résultat et annexe) et chiffres clés, synthèse sur le contrôle interne, la fraude et les intervenants extérieurs, conclusion sur les zones d’audit critique, ajustements relevés et points de recommandations, revue des évènements postérieurs à la clôture, vérifications spécifiques et questionnaires obligatoires, opinion de l’exercice N avec rappel de l’opinion émise en N-1.Evidemment, un mémorandum spécifique est établi dans le cadre de toute autre mission légale (voire contractuelle) ; par exemple : sur les comptes consolidés (conjointement avec le CoCAC), en commissariat aux apports, à la fusion, à la transformation, dans le cadre de diligences directement liées à la mission (DDL).A préciser que le mémorandum de reporting vers les CAC de la société mère (dans le cas de travaux sur les filiales d’un groupe consolidé) n’est pas à commenter. Il reste en effet très dépendant des orientations données par le collège de CAC en tête du groupe, et souvent avec l’impact des recommandations du comité d’audit.Sur un plan pratique, et compte tenu de la profusion d’outils bureautiques au sein de nos cabinets, les supports privilégiés sont le traitement de texte (i.e. Word sous environnement windows) ; et dans le cadre des restitutions avec le client, les transparents visuels (i.e. power-point sous environnement windows).Pour conclure, deux enseignements majeurs tirés de l’expérience permettent d’affirmer :• un mémorandum de synthèse n’est pas établi « pour se

faire plaisir » ou « embellir le dossier de travail »… c’est, au contraire, la « vitrine du cabinet » et la preuve tangible d’une intégration vivante du « trépied » cité en introduction (technique, communication et management),

• il ne requiert pas de se livrer à « une épreuve de titan » pour être de qualité… c’est alors un « chemin escarpé (certes) qui conduit sereinement en haut de la colline (i.e. l’émission de l’opinion) », surtout pour les jeunes recrues de nos cabinets, qui y puiseront la réflexion et l’expérience des plus « anciens ».

Mais au fait, n’y aurait-il pas la nécessité d’une normalisation de ce document (via les NEP) et/ou l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques ?

Le mémorandum de synthèse en Commissariat aux Comptes

Patrick MarissiauxOlivier deletoille

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Partant du vieil adage que « le cordonnier est le plus mal chaussé », nous pouvons faire le constat, dans un élan d’humilité et d’honnêteté, que la gestion de nos cabinets peut être améliorée. Si l’expert-comptable s’avère un bon conseiller d’entreprise, il n’est pas toujours un bon chef d’entreprise pour lui-même, au sens moderne du terme, c’est-à-dire un entrepreneur qui construit un projet, et qui cherche à développer son activité. La vérité est que nous avons été plutôt gâtés jusque là, avec un marché captif qui nous a beaucoup occupés : celui des obligations administratives des entreprises. Pas besoin d’investir au-delà d’une formation initiale et d’un maintien des connaissances, et d’un outil de production performant. Répondre aux besoins de nos clients remplit encore nos journées et celles de nos collaborateurs. Oui, mais peut-être plus pour longtemps, car les temps changent. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain, et il est à craindre que le schéma de fonctionnement des cabinets des trente dernières années soit périmé dans un avenir très proche. Voici les principales raisons qui nous poussent à nous remettre en cause.

La concurrenceSi la prérogative d’exercice nous est toujours réservée sur le marché de la comptabilité, et sans nous poser la question de savoir combien de temps cela durera, nous pouvons constater que la demande des entreprises en matière de services comptables est de moins en moins prégnante. Que ce soit en raison de la banalisation de la technique comptable, ou de l’évolution des outils disponibles sur le marché, les entreprises maîtrisent de

plus en plus leur comptabilité et n’accordent plus autant de valeur à une prestation externe. Si bien que celle-ci n’est plus autant source de valeur ajoutée pour les cabinets. Cette tendance, renforcée par une demande d’un autre type de la part des entreprises nous a poussés à développer nos services au-delà de la comptabilité : cela fait longtemps que l’expert-comptable se positionne sur le marché du conseil. Mais celui-ci n’est pas protégé. Et nous sommes en concurrence directe avec des prestataires de tout type, qui interviennent généralement en dehors de contraintes déontologiques, et parfois même sans beaucoup d’éthique. Le choc est brutal pour une profession tellement réglementée que la nôtre. Et pourtant nous devons nous faire à cette concurrence car l’évolution des cabinets passera forcément par des missions sur le secteur non réglementé. Notre force sera d’exercer ces missions dans le cadre de notre déontologie : loin d’y voir une contrainte, il faut savoir en faire un avantage concurrentiel. Autrement dit, il faut savoir vendre la qualité de nos prestations, ce que nous n’avons pas eu à faire sur le marché réglementé. Cela fait appel à des notions nouvelles pour nous, répondant à des mots aussi étranges que « marketing », « packaging », « communication », etc. Et si nous voulons nous donner la peine de nous engager sérieusement sur ces marchés nouveaux, cela impliquera une « stratégie », de la « formation », des « plans d’action », des « outils », etc. Autant de concepts qui se résument dans le mot de MANAGEMENT.

Le Management : un nouvel élan pour les cabinets

Le séminaire ECF de Bayonne les 29 et 30 juillet a lancé un nouvel axe dans les services d’accompagnement des cabinets par le syndicat. dans un premier temps il s’agit de prendre conscience de la nécessité d’intégrer des notions de management. Ensuite, il conviendra de se former et de mettre en pratique des techniques et des outils. des journées de formation sont programmées jusqu’à la fin de l’année 2010, et d’autres suivront dans les années à venir, tant le besoin est important. Mais pourquoi engager le syndicat sur cette voie ?

Philippe [email protected]

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La technologieL’évolution technologique de notre société est une autre source d’interpellation de nos cabinets : l’organisation in-terne, le mode de production, le type de relation avec les clients, la gestion des ressources humaines sont carré-ment révolutionnés par les outils mis à notre disposition par les fournisseurs de la profession. Ne pas intégrer cette modernité fait prendre le risque de l’obsoles-cence. Or le coût d’un outil de pro-duction obsolète entraîne des prix de vente trop élevés sur le marché et in fine une perte de clientèle. Qui ne ressent pas dans son cabi-net aujourd’hui une attaque sur le service de la paye ? Des offres de services circulent qui nous mettent en danger sur ce marché. Il convient d’être modernes, d’être compétitifs, ce qui passe indubitablement par la dématérialisation. Ce n’est pas par hasard qu’ECF avait in-tégré dans son dernier programme électoral le dévelop-pement de la dématérialisation et que le Conseil Supé-rieur de l’Ordre fait de gros efforts pour rendre le portail « Jedéclare. com » incontournable. Pour nous, il en va de la survie de la profession. Nous devons rester au milieu des échanges dématérialisés entre les entreprises et les différents services de l’administration. Cela demande une réflexion au sein de chaque cabinet, afin de s’approprier la technologie d’aujourd’hui et de bien se positionner sur le marché du service aux entreprises. C’est une véritable démarche de « stra-tégie » qu’il faut intégrer, fruit d’une observation, d’une analyse et cer-tainement d’une formation. Voilà encore du MANAGEMENT auquel nous ne sommes pas habitués.

La réglementationL’évolution réglementaire de l’envi-ronnement des entreprises entraîne une complexification évidente de notre exercice professionnel. La question qui se pose à tous les cabinets est de savoir comment répondre à l’exi-gence de qualité, inexorablement attachée à nos presta-tions. Notre positionnement de généraliste nous oblige à une compétence dans de très nombreux domaines, qu’il est difficile d’assumer à titre personnel, comme cela pou-vait encore se faire il y a quelques années. Nous n’avons donc pas d’autre choix que d’organiser une spécialisation des compétences. Dans le but de conserver l’identité de généralistes, qui est certainement un avantage pour nos

cabinets, nous sommes ainsi amenés à spécialiser des collaborateurs ou des associés. Cela conduit à des tailles de cabinets plus importantes. Et si nous voulons conser-ver une taille humaine, nous avons encore la possibilité de nous regrouper au sein de réseaux, plus ou moins structurés. Répondre à la question de la spécialisation

implique également une réflexion et une stratégie. Une nouvelle fois, c’est du MANAGEMENT.

devenir des « patrons »Ces quelques raisons nous poussent à conce-voir nos cabinets comme de véritables entreprises. Nous devons nous orga-niser. Nous devons nous positionner sur un mar-

ché concurrentiel. Dans une société de communication, nous devons également penser à notre image et avoir une politique d’attractivité. Tout cela ne se fera pas sans la mobilisation de nos collaborateurs, qu’il faut peut-être re-cruter sur de nouvelles bases, qu’il faut former différem-ment, et avec lesquels nous devons instaurer de nouvelles relations. Le défi auquel nous sommes confrontés au-jourd’hui est certainement de passer d’un statut de pro-fessionnel libéral, technicien et sachant, à un statut de chef d’entreprise, véritable manager d’entreprise. Pour ECF,

c’est un langage nouveau, que nous abordons avec beaucoup de sérieux. Nous nous engageons sur cette voie car nous nous faisons une respon-sabilité d’accompagner les cabinets dans leur évolu-tion, et souhaitons que le plus grand nombre de professionnels soient en activité. Les changements de notre société impli-

quent certainement que les cabinets changent aussi. Mais cela ne doit pas remettre en cause la dimension libérale de notre activité, concept reposant une réglementation à laquelle nous sommes particulièrement attachés. Le bon équilibre est de savoir nous engager dans la société de demain avec ce qui a fait la force de la profession jusqu’à ce jour : son indépendance et sa déontologie. ECF est porteur de cette évolution, faite à la fois de progressisme et de conservatisme.

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Les enfants, en vue de financer leurs études ou pour acquérir leur premier appartement ont besoin de revenus. Leurs parents sont prêts à les aider, mais en vue de leur retraite, ne souhaitent pas toujours aliéner définitivement des actifs frugifères.Selon que les parents sont propriétaires ou simplement usufruitiers, diverses modalités permettent d’aboutir au résultat souhaité.Toutefois, et à peine de semer la zizanie dans les familles, les conséquences de ces libéralités doivent être mesurées à l’aune du règlement de la succession future.En effet, pour une même valeur transmise, selon que la donation portera sur les fruits ou sur un usufruit, le résultat sera radicalement différent.Cela est dû au mécanisme du rapport successoral qui impose à l’héritier de rendre compte à la succession des libéralités qu’il a reçues du défunt. Le rapport successoral est une opération préalable au partage, qui a pour but de rétablir l’égalité entre les héritiers eu égard aux diverses libéralités consenties par le défunt. L’héritier doit rapporter les biens donnés à la masse, qui, ainsi reconstituée, se partagera entre tous les héritiers à proportion de la vocation héréditaire de chacun (M. Grimaldi : Successions, Litec 5 Ed, n° 662). Or, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation (C. civ. art. 860). Chemin faisant on s’apercevra que les modalités pratiques de la donation ont un impact sur le partage futur. Exception au principe, les donations consenties hors part successorale sont dispensées du rapport.La donation peut porter sur des revenus, sur un usufruit

ou sur un usufruit constitué sur un usufruit préexistant.

I. La donation de revenus

Elles se manifestent généralement de deux manières. Sous forme de numéraire mais également par la mise à disposition gratuite d’un logement.Ces donations sont le plus souvent occultes et opérées sans l’assistance d’aucun conseil. Aussi les conséquences successorales qui en découlent sont-elles totalement ignorées tant des donateurs que des donataires et tout particulièrement le résultat induit par l’hébergement gratuit des enfants, par les parents, dans un immeuble qu’ils possèdent.Confirmant la jurisprudence antérieure (Cass. 1e civ. 14-1-1 997 N° 94-16.813 : Bull. civ. I n° 22, Defrénois 1997 art. 36650 p. 1136 note Ph. MALAURIE, RTD civ. 1997 p. 480 obs. J. PATARIN ; Cass. 1e civ. 8-11-2005 n° 03-13.890 «…même en l’absence d’intention libérale établie, le bénéficiaire d’un avantage indirect en doit compte à ses cohéritiers » : Bull. civ. I n° 409, D. 2006 pan. p. 2072 obs. M. NICOD ; V. BARABE-BOUCHARD : occupation gratuite d’un logement par un héritier, de la dispense systématique de rapport au rapport systématique ? JCP N 2006 n° 24 p. 1220), la loi 2006-728 du 23 juin 2006 a consacré le rapport de la donation de fruits et revenus, dans le but de préserver l’égalité entre héritiers.A cet effet, l’article 851 al 2 du Code civil dispose que le rapport « est également dû en cas de donation de fruits ou de revenus, à moins que la libéralité n’ait été faite expressément hors part successorale »,

La donation de revenus (ou l’art de semer la zizanie dans une famille)

Par Marc IWANESKODocteur en DroitD.E.S de Gestion de Patrimoine de l’Université d’AuvergneD.E.S de Droit Fiscal de l’Université de Paris-DauphineNotaire à Toulouse

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En principe, les donations de fruits ou de revenus sont donc rapportables, qu’elles soient ostensibles ou non. La règle s’applique à toutes les libéralités (donations manuelles, déguisées ou indirectes qui procurent des revenus ou économies de revenus : B. VAREILLE, nouveau rapport, nouvelle réduction : D 2006 p. 2565 s., spéc. n° 19).Ce principe souffre deux exceptions :

● les sommes modiques (N. PETERKA, Donation de fruits et revenus : J.-Cl. Not. Form. fasc. 20 Successions – Rapport des libéralités – Généralités et domaine d’application, spéc. n° 51) ;

● les donations consenties hors part successorale (C. civ. art 851, al. 2).

Il faut par ailleurs préciser que le rapport suppose une libéralité, qui ne saurait exister lorsque les parents ne font qu’exécuter leur obligation alimentaire envers leurs enfants.Enfin, à l’attention des héritiers qui auraient une inclination naturelle à présenter des troubles de mémoire, on rappellera les termes de l’article 778 al 2 du Code civil : « Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part ».

II. La constitution d’usufruit à durée limitée

Alors que la donation de fruits ou de revenus est consentie en propriété, il s’agit ici de constituer un usufruit à durée limitée sur la tête du donataire. Mais, avant d’en apprécier les conséquences successorales, il faut en souligner les avantages économiques et fiscaux.

A. Les avantages économiques et fiscauxPour la détermination de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit, l’article 669 du CGI dispose que les usufruits à durée déterminée sont évalués à 23 % par période entière de 10 ans.Cette faible valorisation fiscale de l’usufruit permet de conférer des revenus aux enfants avec une fiscalité attrayante (le taux d’actualisation retenu par le législateur pour la détermination de la valeur d’un usufruit de 10 ans est de 2,26 % — cf. M. IWANESKO et P. JULIEN SAINT-AMAND : l’article 669 du CGI, un premier pas dans la bonne direction, BF 01/2005).

Lorsque l’objectif visé consiste à assurer une autonomie financière aux enfants au meilleur coût fiscal, la constitution d’un usufruit à durée déterminée est certainement un des moyens les plus pertinents pour y parvenir.

En outre, ce montage étant fondé sur des considérations économiques (financer les études des enfants) est à l’abri de toute remise en cause sur le fondement de l’article L 64 du LPF.

Serge NAICHOUNA a prêté un appartement à son fils Jean pendant 10 ans. La valeur locative est estimée à 1 000 €/mois. A son décès, sa succession est composée d’un portefeuille de valeur mobilière de 120.000 €.Il a deux enfants Jean et Pierre.

Variante 1Serge NAICHOUNA n’a rien prévu.La liquidation est la suivante :Masse à partager• portefeuille : 120 000 €• rapport dû par Jean : 120 000 € (1 000 x 12 x 10)• total : 240 000 €• Jean et Pierre ont chacun droit à la moitié de la masse

à partager (120 000 €).Partage• Jean est alloti de son rapport (en moins prenant) :

120 000 €• Pierre reçoit le portefeuille : 120 000 €.

Variante 2Par voie testamentaire, Serge NAICHOUNA a stipulé une dispense de rapport au profit de Jean.La quotité disponible est de 1/3 en présence de 2 enfants. Elle est donc de 80 000 €. La donation consentie à Jean la dépasse. Il doit donc verser une indemnité de réduction de 40 000 €.Masse à partager• portefeuille : 120 000 €• indemnité de réduction due par Jean : 40 000 €• total : 160 000 €• Jean et Pierre ont chacun droit à la moitié de la masse

à partager (80 000 €).Partage• Pierre reçoit le portefeuille : 120 000 € et verse une

soulte de 40 000 € à Jean.• Jean conserve l’indemnité de réduction par confusion

sur lui-même et reçoit la soulte de 40 000 € de son frère.

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En effet, plutôt que de financer les études des enfants après impôt (l’IR, cotisations sociales, ISF…), il est fis-calement préférable de leur trans-férer le droit aux revenus d’un actif frugifère.Le non-rattachement de l’enfant au foyer fiscal fera certes perdre une part ou une demi-part, mais le pla-fonnement des effets du quotient familial sera très largement com-pensé par les économies réalisées par ailleurs.

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b) Lorsque la succession s’ouvre en cours d’usufruit

L’usufruit, qui a été constitué sur la tête du donataire, n’est pas éteint. L’héritier usufruitier qui vient à la succession est donc tenu au rapport selon la valeur de son usufruit à l’époque du partage (M. Grimaldi, Droit Civil Successions : Litec 6e édition n° 694).

En principe, le rapport se fait en moins prenant et il ne peut être exigé en nature, sauf stipulation contraire de l’acte de donation (C. civ. art. 858).La valeur de l’usufruit ne pourra alors pas résulter du barème fiscal, mais devra être évaluée selon la méthode du cash flow actualisé.

B. Les conséquences successoralesAu regard du rapport, deux questions se posent :• les revenus perçus par l’usufruitier sont-ils rapportables ?• l’usufruit est-il lui-même rapportable ?

1. Les revenus perçus par l’usufruitier sont ils rapportables à la succession ?L’article 856 al 1er du Code civil dispose « Les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l’ouverture de la succession ».Aucun rapport n’est donc dû au titre des fruits que le bien donné a pu produire entre la donation et le décès : « L’article 856 dispense du rapport les fruits et revenus des choses sujettes à rapport. Il résulte de là que le donataire qui effectue le rapport se trouve dans la situation d’un usufruitier dont le droit vient à cesser. Il restitue le bien donné, en gardant les fruits perçus par lui. Le donataire d’un usufruit sera dans la situation de l’usufruitier d’un usufruit. Il gardera les fruits par lui perçus en restituant le droit d’usufruit s’il subsiste encore. Il n’aura à faire aucune restitution si le droit d’usufruit s’est éteint par le prédécès de la personne sur la tête de laquelle il était constitué » (Flurer, sous Civ. 27-10-1886 : S 1887.1.193). « Attendu qu’aux termes de l’article 856 du Code civil, les fruits des choses sujettes à rapport ne sont dus qu’à compter du jour de l’ouverture de la succession ; que cette disposition, dérogatoire à la règle générale formulée par l’article 843, est fondée sur la volonté présumée du donateur, dont la libéralité

tournerait évidemment au détriment du donataire si ce dernier était obligé de rapporter, non seulement, la chose donnée elle-même, mais encore tous les fruits qu’elle a produits ; …» Cass civ 21 nov. 1917 cité par M. Grimaldi, Droit Civil Successions, Litec 5e édition, page 632 n° 671, note 29).

2. L’usufruit constitué est-il lui-même rapportable ?Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation (C. civ. art. 860).Tout dépend alors de savoir si le décès survient avant ou après l’extinction de l’usufruit donné.

a) Lorsque la succession s’ouvre après l’extinction de l’usufruit donné, aucun rapport n’est dû.

La valeur de l’usufruit est nulle, puisque, par définition, ce dernier a disparu. « S’il n’existe plus (l’usufruit), la donation d’un bien en usufruit, dont la valeur est nulle, ne peut être indiscutablement soumise au rapport « (F. Julienne : l’usufruit à l’épreuve des règlements pécuniaires familiaux, Thèse Aix-Marseille III, PUAM 2009, spéc, n° 240). Le donataire n’aura donc pas à en tenir compte à ses cohéritiers. Un moyen efficace de semer la zizanie, donc. Si on veut l’éviter, on veillera à réaliser ces libéralités de manière équitable entre les enfants…

M NAICHOUNA a un fils, Serge, qui s’apprête à faire de brillantes études d’expertise comptable dont le coût est estimé à 1 500 € par mois, soit 18 000 € par an. Il est propriétaire d’immeubles valant 1 000 000 €, dont le taux de rendement est de 6 %.Il paye l’IR au taux marginal de 40 %, les prélèvements sociaux au taux de 12,1 %. Compte tenu de la déductibilité partielle de la CSG (à hauteur de 5,8 %), le taux d’imposition de 49,78 %. Il est en outre assujetti à l’ISF au taux marginal de 1,1 %.Pour obtenir 18 000 € après impôts, il doit sacrifier la quasi-totalité des 60 000 € perçus (IR et cotisations sociales : 29 868 €, ISF 11 000 €, frais d’études 18.000 € : total : 58.868 €)M NAICHOUNA donne à Serge 10 ans d’usufruit d’immeuble pour 400 000 € de valeur en pleine propriété. La valeur fiscale de l’usufruit donné est de 92 000 € (400 000 € x 23 %). Compte tenu de l’abattement applicable en ligne directe (156 974 € en 2010), la donation se fait en franchise de droits de mutation à titre gratuit.Serge a des revenus annuels de 24.000 € qui lui laissent après impôt 19.612 € / an.M NAICHOUNA perçoit 36 000 € de revenus fonciers sur lesquels il paye 17.921 € d’IR et de cotisations sociales et 6.000 € d’ISF. Après impôt, il lui restera 12.079 €. Son gain fiscal annuel sera donc de 12.079 €.

M. NAICHOUNA donne à son fils Serge, 10 ans d’usufruit d’un immeuble de rapport d’une valeur de 1 000 000 € en pleine propriété et dont le taux de rendement est de 10 %. Sur la période de dix ans, le loyer se revalorise de 2 % par an. En 10 ans Serge aura perçu 1 094 972 €.Le donateur décède le lendemain de l’extinction de l’usufruit. Son patrimoine est uniquement composé de l’immeuble qui s’est valorisé de 2 % par an depuis la donation et vaut donc 1 220 000 €. Il laisse deux enfants, Serge et Ardavast. Chacun a droit à 610 000 €. Au bout du compte, Serge aura eu 1 704 972 € et Ardavast 610 000 €.

Exemple

Exemple

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L’usufruitier pourra, s’il le souhaite, effectuer le rapport en nature. En pareille hypothèse, si l’état des biens donnés a été amélioré par lui, il devra lui en être tenu compte, eu égard à ce dont leur valeur se trouve augmentée. Il devra, en outre, lui être tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites pour la conservation du bien (C. civ. art. 861).Dans cette hypothèse, et afin de prévenir toute difficulté, on prendra donc le soin d’effectuer une expertise de l’immeuble au moment de la donation si l’acte prévoit un rapport en nature ou si le donataire en envisage l’éventualité.

III. La donation d’usufruit d’usufruit

Il s’agit ici de traiter de la situation des parents qui ont donné la nue-propriété à leurs enfants, tout en conservant l’usufruit. Dans cette hypothèse, ils ne peuvent consentir une donation à durée déterminée de l’usufruit. En effet, si l’usufruit est toujours temporaire, sa cession (pas plus que celle de la propriété) ne l’est jamais (R. Libchaber : Cession temporaire d’usufruit : Defrénois 2008 art. 38816).Les parents pourront alors arriver à l’objectif souhaité en consentant un usufruit à durée déterminée sur l’usufruit qu’ils se sont réservés. La doctrine est en effet unanime à en admettre la possibilité (A. Rieg, Encyclopédie Dalloz V° Usufruit n°s 102, 181 et 278 ; M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil par Ripert et Boulanger, Tome I n° 3513 ; Ch. Aubry et Ch. Rau, Tome II n° 416).Au terme de l’usufruit d’usufruit ainsi consenti, l’usufruitier constituant retrouvera les revenus ou l’usage du bien. La donation d’un usufruit d’usufruit aura donc permis à un simple usufruitier de conférer les revenus d’un bien à un enfant pendant une durée déterminée, sans se déposséder définitivement (sur l’ensemble de la question voir M. Iwanesko : Usufruit d’usufruit : droit et Patrimoine 4/2006).

A. La donation elle-même

L’usufruit consenti sur l’usufruit préexistant n’est rien d’autre que le droit d’usufruit du premier titulaire (F. Barbier, La nature juridique de l’usufruit : thèse Lyon 1987 p. 198).Toutefois, l’usufruitier d’usufruit n’est pas titulaire du droit incorporel objet de son droit. Il n’est pas usufruitier en titre. Il n’en a que l’exercice. L’usufruitier de la chose et l’usufruitier de l’usufruit se partagent donc l’usufruit, non pas par une répartition des attributs, mais par une ventilation des dimensions du droit : l’un a le titre, l’autre l’émolument (F. Zénati, Droits de l’usufruitier : RTD civ. 1998 p. 414). Par ailleurs, nul ne pouvant transmettre plus de droits qu’il n’en possède, l’usufruitier en titre ne peut transmettre à l’usufruitier de son usufruit que l’usage du bien et des fruits dont il bénéficie (F. Barbier, thèse précitée p. 199).Economiquement, l’usufruitier d’usufruit jouit de toutes les prérogatives conférées par l’usufruit, aussi la valeur de de l’usufruit d’usufruit est-elle nécessairement égale à la valeur de l’usufruit lui-même.L’usufruit d’usufruit cessera à la première des deux dates suivantes : au terme stipulé dans la donation ou au décès de l’usufruitier initial. En effet, l’usufruit ayant été constitué sur la tête de ce dernier, il cessera automatiquement à

son décès (Cass. ch. réunies 16-6-1933 : DH 1933, 393 ; S. Grimaldi, Le caractère viager de l’usufruit : thèse Paris II 2000 p. 103). Si l’usufruitier d’usufruit décède avant le terme stipulé et si l’usufruitier initial est toujours vivant, l’usufruit d’usufruit constitue un actif successoral qui sera transmis à ses héritiers. Il cessera alors au terme stipulé, sauf si l’usufruitier initial décède, ce qui entraînera son extinction automatique.

B. Les conséquences successorales

1. Le rapport des fruitsPas plus que ceux perçus par l’usufruitier, les fruits perçus par l’usufruitier d’usufruit ne sont rapportables.

2. Le rapport de l’usufruit d’usufruit Trois cas de figure peuvent se rencontrer. Mais le rapport ne sera dû dans aucun cas :- l’usufruit d’usufruit est éteint au jour du décès de l’usufruitier constituant par l’expiration du temps pour lequel il a été accordé. La solution est identique à celle de l’usufruit : aucun rapport n’est dû par l’usufruitier d’usufruit ;- l’usufruitier constituant prédécède. Ainsi que nous l’avons indiqué ci-dessus, l’usufruit d’usufruit s’éteint en même temps que l’usufruit lui même. Aucun rapport n’est donc dû par l’usufruitier d’usufruit ;- L’usufruitier d’usufruit décède avant l’usufruitier constituant. L’usufruit d’usufruit est recueilli par ses héritiers. Mais par définition aucun rapport n’est dû puisque la succession de l’usufruitier constituant n’est pas ouverte, sinon l’usufruit d’usufruit serait éteint.

Conclusion

Le traitement successoral des donations de revenus et des donations d’usufruit aboutit à des résultats radicalement différents. Cela peut paraître choquant sur le plan économique. Pour une même valeur transférée, les conséquences ne seront pas identiques.Mais cela résulte de l’application de la règle de droit : le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation (C. civ. art 860)• les revenus, donnés en propriété, doivent être rapportés pour cette valeur,• l’usufruit est également rapportable et selon la même règle pour sa valeur au jour du partage. S’il est éteint ce jour là, le rapport est égal à zéro.Les conséquences sont différentes, tout simplement parce que donner les revenus d’un bien ou l’usufruit d’un bien, ce n’est pas la même chose. En effet, l’usufruitier appréhende les revenus du bien en vertu de son droit réel et non pas par l’effet de la donation.Pour éviter tous problèmes familiaux, on conseillera donc de procéder de la même manière pour tous les enfants (soit les fruits, soit l’usufruit). A titre palliatif, on conseillera de stipuler que la donation de fruits est faite hors part successorale, ainsi que le permet l’article 851 du Code civil, sans toutefois perdre de vue les effets successoraux qui en découlent….

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Le séminaire social ECF a fêté ses quinze ans en Tur-quie. Cette troisième édition en dehors de France s’est tenue du 21 août au 28 août 2010 à proximité d’Izmir où plus d’une cinquante de participants ont fait le choix de profiter des derniers jours du mois d’août pour réviser leurs fondamentaux en droit so-cial.

Après la richesse historique et architecturale de Malte en 2009, les experts-comptables désireux de pré-parer en douceur la rentrée par des devoirs de va-cances ont accosté sur les plages aux eaux turquoises de Kusadasi. L’occasion était trop belle pour manquer de visiter les merveilles d’Aphrodisias, les splendeurs d’Ephèse et les impressionnantes falaises de calcaire de Pamukkale, oasis de blancheur au cœur du désert.

Si le soleil et le plaisir des échanges confraternels au-tour de la piscine étaient une nouvelle fois au ren-dez-vous, cette rude concurrence n’a pas empêché les participants de se retrouver pour des séances de travail plus que studieuses.

Comme chaque année, le séminaire social est l’occa-sion idéale de prendre du recul et de faire le point sur l’actualité en matière sociale de l’année écoulée. Les conférences ont visé à informer sur les conséquences de réformes qui auraient pu rester inaperçues. Les ateliers prospectifs et les échanges entre confrères ont eu également vocation à anticiper les futures mu-tations législatives et les évolutions probables de la mission sociale des cabinets.

Avec un programme dense de 20 heures de forma-tion, opportunément interrompu par des pauses sal-vatrices au bord de l’eau, les conférences ont abordé toutes les facettes de la matière sociale. Un approfon-dissement particulier a été apporté sur une modalité d’organisation du travail en cabinet appelée à se dé-velopper : le télétravail.

• Actualité conventionnelle : bilan d’un an de négociation collective.

Bruno Denkiewicz a eu la lourde charge d’ouvrir les débats par une présentation des différentes négocia-tions paritaires de branche de l’année écoulée. En sa

qualité de conseil de la délégation patro-nale lors des réunions de la Commission Mixte Paritaire (CMP) chargée de négocier la convention col-lective des cabinets, personne n’aurait su mieux retranscrire l’atmosphère deces rencontres avec les syndicats de salariés. Le bilan de l’année est à l’honneur des partenaires sociaux. Outre la désignation pour deux ans de l’AGEFOS comme OPCA de la branche, l’accord de salaires n° 34 conclu le 5 février 2010 permet à la profession de retrouver des minima conventionnels supérieurs au SMIC et d’éviter ainsi une minoration de la réduc-tion Fillon pour les collaborateurs de cabinets.

• Actualité législative/Actualité de la forma-tion professionnelle.

Une fois n’est pas coutume, aucune réforme législative d’ampleur n’a vu le jour en droit du travail entre sep-tembre 2009 et août 2010. Seule la loi du 24 no-vembre 2009 relative à l’orien-tation et la for-mationprofessionnelle a marqué l’année. Maître Denkiewicz a profité de cette relative accalmie pour faire un point sur le corpus législatif et conventionnel applicable aux cabinets. L’occasion fut saisie d’aborder la probléma-tique du financement de la formation professionnelle.

• Conférence : « télétravail : régime juridique et guide de mise en place ».

Par un atelier pratique, Bruno Denkiewicz a présenté les avantages, les contraintes juridiques et les piègesque pouvaient recéler le télétravail. Grâce à un mo-

Séminaire Social ECF

Kusadasi - Turquie 2010

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dèle d’avenant et à des conseils pratiques, les participants sont désormais dotés d’un Kit de mise en place du télétravail. Ce guide sera mis en ligne sur l’espace so-cial du site ECF.

• Actualité jurisprudentielle. Bernard Gauriau, pro-fesseur agrégé à l’uni-versité d’Angers et avocat associé du ca-binet IDAvocats, a of-fert avec son talent et sa verve habituelle un florilège des arrêts les plus importants rendus par la cour de cassation depuis le dernier séminaire. Eviter les procès pour harcèlement, pour discrimination et violation de l’égalité de traitement risque d’être LE défi à relever pour les employeurs dans les années à venir.

• Conférence « Le travail, c’est la santé ? » Universitaire et praticien, Bernard Gauriau a fait prendre de la hauteur au séminaire en offrant un bref aperçu des enjeux colossaux de la santé et de la sécurité au travail. Autre défi pour les employeurs, l’obligation de sécurité de résultat rend quasiment impossible l’exonération de responsabilité de l’em-ployeur en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. La conférence apporte néanmoins quelques raisons d’espérer.

• Actualité de la protection sociale. Stéphane Marie, res-ponsable régional des relations avec les ex-perts-comptables pour AG2R-LA MONDIALE a offert une présen-tation des grandes ré-formes de la protection sociale en 2010. Si l’ac-tualité législative a été maigre au 1er semestre 2010, nul ne doute que la rentrée sociale ne contrarie ce calme relatif. Le grand chantier sera certainement la

réforme des retraites, mais la volonté du gouverne-ment de raboter les niches fiscales et notamment celles abritant les assurances-vie préoccupent les professionnels. La vision de l’expert des assurances a profité à l’ensemble du groupe.

• Atelier prospectif « Comment améliorer l’exercice des missions sociales en cabi-net ? »

Trois élues parisiennes et non des moindres (Françoise Berthon, vice-présidente CRO Paris/Juliette Benoist d’Etiveaud, élue à la CRCC de Paris/Christine Lanty élue à la CRCC de Paris et présidente de la commission formation d’ECF) ont animé une table ronde en vue de faire émerger les bonnes pratiques des cabinets. Les échanges ont été riches tant sur les stratégies of-fertesaux petits cabinets que sur les outils ou encore sur les risques de mise en cause. L’atelier a éga-lement permis de s’in-terroger sur le sort de la mission sociale dans les prochaines années. Nos élues ont su communiquer à leur audi-toire leur optimisme contagieux !

Entre détente en fa-mille et travail appli-qué le séminaire turc est sans conteste un succès. Pour al-ler encore plus loin et attirer toujours plus de participants, le séminaire social connaîtra unerefondation qui pourrait le ramener en France… Rendez-vous en 2011 !

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1/ Rappel : obligation d’information pour l’employeur

Le DIF doit être mentionné dans la lettre de licenciement ou dans le protocole de rupture conventionnelle.Le certificat de travail est l’instrument indispensable à la mise en œuvre du DIF après la rupture du contrat. Il permet au salarié de faire valoir ses droits auprès d’un nouvel employeur ou de Pôle Emploi. Le nombre d’heures de DIF, ce nombre multiplié par 9,15 € et le nom de l’OPCA dont relève l’employeur doivent y figurer.A défaut, l’employeur s’expose à devoir verser de 500 à 900 € de dommages-intérêts.

2/ Le dIF pendant le préavis

« Nous mourons avec un préavis. Le préavis, c’est notre vie. »Charles de Leusse

2.1 démissionLe salarié démissionnaire peut demander à bénéficier de son DIF pendant le préavis à la double condition que la demande soit faite ET que l’action de formation soit engagée avant la fin de son préavis. L’employeur n’est cependant pas tenu d’accepter la demande. Il n’est même pas tenu de notifier au démissionnaire l’existence de son DIF.En l’absence de demande en temps utiles ou en cas de refus, le DIF est perdu.En cas d’acceptation de la demande, l’employeur verse l’indemnité forfaitaire (9,15 € x nombre d’heures de DIF acquises) et accorde au salarié le maintien de salaire (si l’action se déroule pendant le temps de travail) ou une allocation de formation (égale à 50 % de la rémunération nette de référence pour chaque heure en dehors du temps de travail).L’AGEFOS-PME ne finance pas cette dépense qui est cependant imputable sur le plan de formation.

La mise en œuvre du dIF durant l’exécution du contrat de travail a été évoquée dans le précé-dent numéro de cette revue (Ouverture n°81 - juin 2010). Le régime du dIF devient plus complexe lorsqu’il s’agit de l’exercer lors de la rupture du contrat de travail. Si le dIF pouvait depuis 2004 être utilisé pendant le préavis, la loi 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la forma-tion professionnelle tout au long de la vie consacre la portabilité du dIF même après la cessation de la relation contractuelle : soit pendant la période d’assurance chômage auprès de Pôle Emploi, soit auprès d’un nouvel employeur.

Les experts-comptables doivent alerter leurs clients sur ce dispositif. une attention toute particu-lière doit être portée au paramétrage des logiciels, aux lettres de licenciements et aux certificats de travail. des modèles sont disponibles sur le site ECF : http://www.e-c-f.fr/dif.html

Droit Individuel à la Formation (DIF) : Portabilité 2.0La portabilité du DIF lors de la rupture du contrat de travail

Eric [email protected]

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2.2 Rupture conventionnelleEn l’absence de préavis stricto sensu, la convention de rupture conventionnelle doit a minima fixer la date de cessation de la relation contractuelle et régler la question du DIF.La demande du salarié informé de ses droits par l’employeur s’exprime lors de la négociation du protocole. La loi n’impose aucune obligation à l’employeur et n’encadre pas le sort du DIF à l’issue d’une rupture conventionnelle.Conseil : s’il est indispensable de notifier au salarié l’existence du DIF, il n’est pas nécessaire d’en faire un élément de la négociation. La convention de rupture conventionnelle peut parfaitement prévoir que le salarié valablement informé ne fera pas valoir son droit à DIF auprès de son ancien employeur mais qu’il pourra bénéficier de la portabilité du DIF (cf. infra). La convention doit préciser si le DIF est inclus ou non dans l’indemnité forfaitaire de rupture conventionnelle.

2.3 départ à la retraite/Mise à la retraiteLe salarié perd tous ses droits à DIF en cas de départ à la retraite. Il en va vraisemblablement de même en cas de mise à la retraite. Toutefois, la loi ne règle ni ce cas, ni l’hypothèse du cumul-emploi retraite.

2.4 CRP/CtPEn cas d’acceptation d’une convention de reclassement personnalisée (ou d’un contrat de transition profes-sionnelle dans les bassins d’emploi concernés) le DIF du salarié est transféré à Pôle Emploi pour financer le dispositif d’accompagnement.L’employeur verse à Pôle Emploi une somme égale à l’allocation de formation correspondant au DIF acquis à la date de la rupture : 50 % de la rémunération horaire nette de référence x nombre d’heures acquis au titre du DIF. L’Etat prend en charge le doublement de ce montant.

2.5 Licenciement donnant lieu à préavisEn cas de licenciement, le salarié peut demander avant la fin de son préavis à faire valoir son DIF pour financer une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience, ou de formation.L’employeur ne peut refuser la demande du salarié. Si la formation a lieu pendant le préavis, elle se déroule obligatoirement pendant le temps de travail et entraîne un maintien de salaire.Le montant de la prise en charge est égal à 9,15 € multipliés par le nombre d’heures de DIF acquises et non utilisées, sans toutefois pouvoir dépasser le coût de la formation. L’entreprise peut choisir de verser la somme directement au salarié, mais il est préférable de payer à l’organisme de formation le coût pédagogique de la formation.L’OPCA ne pourra prendre en charge l’action que si la formation se déroule au moins en partie pendant le préavis. Pour les actions demandées pendant le préavis

mais réalisées après la fin du préavis, l’employeur doit prendre entièrement à sa charge le coût de la formation.

Exemple 1 :Au 5 mai 2010, un collaborateur a acquis 120 heures de DIF. Licencié en juillet 2010, il dispose d’un « crédit DIF » égal à 120 x 9,15 = 1 098 €. Informé par la lettre de licenciement, il demande à son employeur la prise en charge d’une formation de deux jours pour un coût de 900 €. L’employeur ne peut refuser et doit prendre à sa charge les 900 € de coût pédagogique.Si la formation se déroule pendant le préavis, elle doit avoir lieu pendant le temps de travail et l’employeur doit maintenir le salaire. L’entreprise peut demander la prise en charge partielle de la formation par l’AGEFOS-PME, l’OPCA désigné par la branche.Si la formation se déroule après la fin du préavis, l’employeur doit verser les 900 € mais ne peut prétendre à aucune prise en charge par l’AGEFOS-PME.Le reliquat de 198 € sera mentionné sur le certificat de travail et pourra être utilisé par le salarié dans le cadre de la portabilité.

Exemple 2 :Un collaborateur a acquis 60 heures de DIF. Licencié en juillet 2010, il dispose d’un « crédit DIF » égal à 60 x 9,15 = 549 €. Il demande la prise en charge de la même formation. L’employeur doit prendre en charge la formation à hauteur de 549 €. Le coût supplémentaire de 351 € (900 - 549) est financé par le salarié.Le certificat de travail de l’intéressé indiquera que son DIF a été entièrement épuisé.

Attention : la loi n’exclut que le licenciement pour faute lourde. Or, on voit mal en l’absence de préavis lors des licenciements pour inaptitude ou pour faute grave comment le salarié pourrait formuler une demande pendant le préavis. Aussi, nous préconisons dans ces deux cas de ne mentionner dans la lettre de licenciement que l’article L6323-18 du code du travail relatif à la portabilité après la rupture du contrat.

IMPORtANt : si aucune demande n’est formulée par le salarié avant la fin du préavis, l’employeur est libéré de toute obligation au titre du DIF. Dans certains cas, le mécanisme de portabilité prendra alors le relais.

3/ Portabilité : le dIF après la cessation de la relation contractuelle

« La vie ne cesse pas après les ruptures, le fil du temps ne casse pas »

Monique Larue.

La rupture du contrat entraîne une liquidation des droits à DIF par leur monétisation. L’ancien salarié est informé de l’« enveloppe » dont il dispose par la lettre de

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licenciement et par son certificat de travail. Le salarié dont le contrat est rompu peut alors faire valoir (« porter ») son DIF auprès de Pôle Emploi ou d’un nouvel employeur.

3.1 Cas de rupture ouvrant droit à la portabilité

La portabilité du DIF est ouverte « en cas de rupture non consécutive à une faute lourde ou d’échéance à terme du contrat de travail qui ouvre droit à une prise en charge par le régime d’assurance-chômage ». L’article L 6323-18 vise donc :• tous les licenciements (pour motif disciplinaire même

pour faute grave, pour motif économique, pour motif personnel lié à l’inaptitude), sauf ceux consécutifs à une faute lourde ;

• la rupture conventionnelle ;• la résiliation judiciaire ;• la fin d’un CDD ou d’une mission d’intérim (arrivée

du terme ou rupture anticipée) ;• les démissions légitimes au regard de la réglementation

de l’assurance chômage.

En revanche, la portabilité ne s’applique pas pour :• les licenciements pour faute lourde (rares) ;• les démissions non légitimes ;• les contrats d’apprentissage ou de professionnalisation.Attention : si les salariés en CDD acquièrent des droits à DIF et bénéficient de la portabilité, la mise en œuvre de ces droits relève d’un régime sensiblement différent.

3.2 dIF et Pôle Emploi

« Normal que le chômage qui est un cancer social soit aussi soigné par des radiations… »

Philippe Bouvard

Grâce à son seul certificat de travail, le salarié peut demander l’utilisation de son reliquat d’heures de DIF auprès de Pôle Emploi pour financer une formation. La somme mobilisable correspond à 9,15 € multipliés par le nombre d’heures de DIF acquises par le salarié, soit un maximum de 1 098 € pour 120 heures de DIF.

L’OPCA dont relève le dernier employeur du salarié assure le financement de cette somme sur les fonds « professionnalisation » de la branche.

Une note d’information Pôle Emploi du 17 mai (PE N° 2010-80) précise les conditions de mise en œuvre de la portabilité entre Pôle Emploi, l’OPCA et le demandeur d’emploi. Nul doute que les conseillers Pôle Emploi tenteront de faire utiliser leur « enveloppe » aux demandeurs d’emploi.

3.3 dIF et nouvel employeur

« La meilleure façon de lutter contre le chômage, c’est de travailler. »

Citations de Raymond Barre

Si le salarié n’a épuisé son DIF ni auprès de son ancien employeur lors de son préavis ni auprès de Pôle Emploi lors d’une éventuelle période de chômage, la portabilité du DIF lui permet désormais d’en faire usage auprès de son nouvel employeur pendant deux ans.

L’indemnité forfaitaire DIF mentionnée sur le certificat de travail (nombre d’heures acquises x 9,15 € = maximum 1 098 €) peut être utilisée par le salarié pour financer une action de son choix : bilan de compétences, VAE ou formation relevant des priorités de la branche. L’indemnité peut également financer une action en dehors des priorités de branche si l’employeur donne son accord. Dans tous ces cas, le coût pédagogique est financé par l’indemnité forfaitaire du salarié. L’action peut se dérouler hors temps de travail (versement de l’allocation formation) ou pendant le temps de travail (maintien de salaire). L’employeur ne peut s’y opposer.L’entreprise ne peut pas même contester le choix d’une formation hors priorité de branche par le salarié. La formation doit seulement alors se dérouler hors temps de travail et ne pas donner droit à l’allocation formation. Le coût est donc nul pour l’employeur.

Le financement du DIF portable est assuré par l’OPCA du nouvel employeur sur les fonds « professionnalisation de la branche ».

Conseils :Lors de l’embauche, il est interdit de discriminer positivement les salariés disposant d’un crédit DIF supérieur. En revanche, il est recommandé d’utiliser l’« enveloppe » en bonne intelligence et de profiter de la somme disponible pour financer une action permettant d’acquérir des compétences utiles à l’entreprise et au salarié.Les actions prioritaires de notre branche sont définies de manière très large. Les collaborateurs de cabinet porteurs de DIF peuvent donc choisir quasiment toute formation de leur choix pour la faire financer par l’OPCA pendant le temps de travail tout en bénéficiant d’un maintien de salaire. Voir un salarié quitter l’entreprise pour une formation juste après son embauche peut être difficile à admettre même si l’OPCA prend en charge le coût pédagogique.

Attention :Dès le jour de son embauche, le salarié porteur d’un crédit de DIF exprimé en euros recommence à acquérir des droits à DIF exprimés en heures. Un an après son embauche, le salarié pourra disposer de 20 heures de DIF et du reliquat non utilisé de DIF portable.

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Et aussi…

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La condition de l’homme démocratique est par nature, « déceptive » ; elle est soumise aujourd’hui aux effets anesthésiants d’une nouvelle « rationalité politique », cet art de gouverner qui a fait sienne l’omniprésente logique managériale. Aujourd’hui tout, y compris l’action politique, est soumis à l’implacable loi du calcul, de la rentabilité et de la logique de marché. Sur l’autel de la performance, il faut rendre des comptes et l’individu est sommé d’être entrepreneur de lui-même.

On ne compte plus les analyses diagnostiquant la « mélancolie démocratique » française. Les politologues parlent de désaveu du pouvoir en place, d’une défiance vis-à-vis de la classe politique, des effets de la crise. La philosophe myriam Revault d’Allonnes préfère prendre du champ et s’abstraire de l’instant pour élargir le regard aux mutations anthropologiques et aux modes de citoyenneté que le néo-libéralisme induit.

L’apparent consensus « nous sommes tous démocrates » repose sur une grande indétermination conceptuelle et sémantique : pour beaucoup, la démocratie n’est aujourd’hui que vacuité, insignifiance, inconsistance et discours creux. C’est oublier, plaide Myriam Revault d’Allonnes que la démocratie est plus qu’une forme juridico-politique, plus qu’un système d’agencement des pouvoirs : elle est un horizon de sens et une expérience.

La démocratie moderne aux prises avec l’incertitude

La démocratie moderne s’est inaugurée en faisant l’épreuve de la désincorporation : plus de pouvoir lié à un corps. Née comme l’écrit Claude Lefort, « du rejet de la domination monarchique, de la découverte, collectivement partagée que le pouvoir n’appartient à personne, que ceux qui l’exercent ne l’incarnent pas, qu’ils ne sont que dépositaires de l’autorité publique, temporairement, que ne s’investit pas en eux la Loi – celle de Dieu ou celle de la Nature –, qu’ils ne détiennent pas le savoir dernier de l’ordre du monde et de l’ordre social et ne

sont pas en droit de décider de ce que chacun est en droit de faire, de penser, de dire et d’entendre ».

Comment les individus, les groupes, les communautés peuvent-ils vivre leur rapport à une société où le Peuple dit « souverain », l’Etat, la Nation, l’Europe sont des entités flottantes qui ne s’expriment qu’à travers des conflits de sens et de valeurs. L’homme démocratique – privé de garanties et de critères ultimes – est ainsi renvoyé à la multiplicité des croyances, des opinions, des jugements. D’où la double tentation d’une désaffection ou de la recherche éperdue d’une société délivrée des affres de la division, comme le proposait en son temps la fantasmatique totalitaire.Au moment où l’on revisite les effets de la chute du mur de Berlin, il n’est pas vain de constater que la disparition du clivage démocratie/totalitarisme n’a pas œuvré en faveur d’une dynamique démocratique qui se construirait comme un processus inachevable. Bien au contraire, on cherche désespérément aujourd’hui les signes d’une invention ou d’une réinvention politique effective, tant s’impose l’incapacité de la démocratie contemporaine à répondre aux nouvelles donnes de la réalité : la mondialisation, les développements insaisissables du capitalisme financier, l’insécurité sociale croissante, l’épuisement des modalités traditionnelles de l’action politique, la dilution des idéaux, l’absence de tout réconfort existentiel, etc.

Le propos de Myriam Revault d’Allonnes n’est pas ici d’hypertrophier la dynamique démocratique au détriment de la réalité sociale et économique, des rapports entre les classes et les individus. Certes, les institutions démocratiques n’ont cessé d’être utilisées pour limiter à une minorité les voies d’accès au pouvoir, certes l’affirmation des libertés dites « formelles » ne résout pas les problèmes économiques et sociaux liés à la pauvreté, aux inégalités réelles mais la démocratie est historiquement liée au capitalisme et il est absurde de la concevoir comme une création de la bourgeoisie devenue classe dominante ou comme un dispositif de reproduction du système capitaliste. Il importe aussi de rappeler que c’est à l’intérieur même de la société démocratique qu’ont émergé les revendications sociales et économiques, que se sont frayés les voies, les moyens et les résultats de la protestation et que

Essoufflement psychique ? …Mélancolie démocratique ?

Roger [email protected]

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Et aussi…

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l’action des dominés pèse constamment sur les détenteurs de la puissance.

Or, selon la philosophe, nous sommes depuis peu confrontés à une situation inédite : la montée en puissance d’une pseudo-démocratie non plus libérale mais « néo-libérale ». C’est là, selon elle, une rupture et non l’accentuation ou l’exacerbation d’un processus.

Le néo-libéralisme ou « comment rendre les sujets gouvernables ? ».

La démocratie libérale ne sait pas et ne cherche pas à résoudre les multiples tensions de l’homme moderne confronté à des rationalités plurielles et qui doit choisir entre des options plus ou moins antagonistes. D’abord parce qu’elle-même est aux prises avec une dichotomie interne. D’un côté, la démocratie comme énoncé de la souveraineté du peuple, de l’autre le libéralisme qui, au nom des droits et des libertés des individus, entend lui opposer des limites et institue le principe représentatif.

Insister sur cet horizon anthropologique permet de ne pas réduire la démocratie libérale à n’être qu’un pur effet des déterminations économiques et des impératifs du marché. La promotion de l’individu et celle de l’économie vont de pair. Car il s’agit de faire tenir ensemble, sans l’intervention permanente d’un pouvoir coercitif, des individus que rien ne prédispose à coexister et qui sont donnés comme indépendants, égoïstes et séparés. La réponse va consister dans l’idée d’une dynamique propre à l’ordre social, d’un ordre spontané et autorégulé, celui du marché, qui fonctionne comme principe interne de cohésion et de régulation. L’institution du politique n’est plus la condition de l’existence de l’ordre social : c’est la régulation des passions et des intérêts à travers les mécanismes de marché qui devient centre de gravité.

La dimension économique du libéralisme (le « libéralisme économique ») implique la réorientation du rôle du pouvoir étatique : d’une part, l’Etat libéral est voué à des tâches de contrôle et de régulation, d’autre part, loin d’être inactif, il « doit au contraire, comme l’affirme Pierre Rosanvallon, être extrêmement actif pour construire le marché » ou, plus exactement pour construire une société civile qui soit une société de marché.

La démocratie libérale ne réduit pas les indi-vidus à n’être que des sujets d’intérêt, il laisse ouverte la possibilité d’une discordance entre le sujet d’intérêt et le sujet moral.

Dès son avènement, le sujet moderne n’a jamais été un sujet monolithique ou homogène. Adam Smith a démontré que ce n’est pas à son humanité que nous nous adressons, mais à son

égoïsme. Si la question reste aujourd’hui d’actualité – le premier opérateur du lien social est-il l’intérêt ou la sympathie ? – c’est bien que les choses ne sont pas simples et que le libéralisme (ou la démocratie libérale) ne réduit pas les individus à n’être que des sujets d’intérêt : il laisse ouverte la possibilité d’une discordance entre le sujet d’intérêt et le sujet moral.

Contrairement à une idée assez répandue, le néo-libéralisme n’est pas une accentuation (sur le mode « hyper » ou « ultra ») du libéralisme classique. Il ne se propose pas d’accroître encore plus la liberté du marché au détriment de la puissance publique et de ses interventions. Il ne se réduit pas à une politique économique (abandon de l’Etat-providence, dérégulation, accentuation du « laisser-faire », maximisation de la concurrence, etc.). Il désigne une nouvelle rationalité politique, un art de gouverner dans lequel toutes les dimensions de l’expérience contemporaine (y compris le politique) doivent être soumises à la rationalité économique. L’être humain est conçu comme homo oeconomicus et son existence est tout entière régie par la rationalité calculante et le souci de la rentabilité. D’où la possibilité de « façonner » des acteurs rationnels et d’entraîner des décisions relevant d’une logique univoque (la logique marchande). Il s’agit ainsi de réduire les tensions issues des rationalités plurielles, de leurs conflits et des dilemmes qu’elles entraînent.

Néo-libéralisme et démocratie.

L’économie de marché n’est donc plus un principe de limitation de l’Etat mais, comme le soutient Michel Foucault, « le principe de régulation interne de bout en bout de son existence et de son action » en sorte que l’Etat est sous surveillance du marché et non plus l’inverse. Il « faut gouverner pour le marché, plutôt que gouverner à cause du marché », ce qui inverse totalement la position du libéralisme classique et introduit un nouveau mode de légitimation fondé sur la notion de « gouvernance » qui assimile le fonctionnement de l’Etat (et du politique) à celui de l’entreprise.

L’échange met les sujets en relation alors que la concurrence les met en position d’individus séparés et atomisés.

Cet Etat managérial invoque constamment, pour justifier sa politique, les thèmes de la modernisation, de la rationalisation des choix budgétaires, de la réforme de l’Etat. La référence à un quelconque « bien commun » s’est effacée au profit du rapport entre les moyens et les résultats, mesuré de façon quantifiable. La concurrence – la seule norme de comportement qui vaille – se substitue à l’échange qui est la norme de la société libérale et dont il faut souligner qu’il n’est pas réductible à l’échange économique. On n’échange pas seulement des biens : on échange des mots, des opinions, et des savoirs, des biens culturels et symboliques. L’échange met

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les sujets en relation alors que la concurrence les met en position d’individus séparés et atomisés.

On vise ainsi à construire une nouvelle anthropologie où les notions d’intérêts et de concurrence règlent aussi bien l’action individuelle que l’action collective, restreignant de ce fait la pluralité des formes d’existence des individus. La perspective néo-libérale a beau, sous couvert de « modernisation », discréditer les résistances à cette mutation en les qualifiant de corporatistes, conservatrices, rétrogrades, sourdes aux transformations du monde ou passéistes : leur commun dénominateur n’est pas la défense des avantages acquis ou des « privilèges » (on se demande d’ailleurs lesquels) mais plutôt la résistance à l’idée selon laquelle toutes les sphères de la société peuvent être soumises aux critères du management.

L’extension de la rationalité économique aux autres sphères de l’existence (jusque là considérées comme lui échappant) conduit le néo-libéralisme à façonner normativement les individus comme des « acteurs entrepreneurs » et à s’adresser à eux sur ce mode dans tous les domaines de la vie. De là procède la privatisation des risques – concernant la retraite, le chômage, l’assurance maladie, la couverture sociale – au détriment des systèmes de « sécurité sociale ».

Résister à la mélancolie ?

S’interroger sur le rapport subjectif que nous entretenons avec la démocratie libérale c’est voir dans la démocratie autre chose qu’un objet de haine ou de dépit, autre chose qu’un ensemble de mécanismes de fonctionnement : qu’on en soit conscient ou non, elle est l’horizon de sens dont on ne peut être privé. Autrement dit, ce qu’on « ne peut pas ne pas vouloir ».

Il devient dès lors difficile de résister à deux tentations inverses :• La première consiste à réactiver sans cesse le fantasme de

l’achèvement non (encore) réalisé, à revenir sur les buts manqués, les aspirations trahies, sur ce qui est au regard de ce qui devrait et pourrait être. D’où la persistance d’une position hypercritique à l’encontre de la démocratie : véhicule de l’hypocrisie, justification des rapports de force sous couvert du droit, mensonges renvoyant le reflet de la toute-puissance du capital, …

• La seconde participe de la résignation qui conduit à « en rabattre » sur l’exigence démocratique en tant que telle. L’interprétation la plus commune de la formule de Churchill : « La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres qui ont été expérimentés dans l’histoire » la tire du côté du renoncement, du désinvestissement, de la désaffection.

Dans l’une ou l’autre de ces dispositions, comment pourrions-nous aimer la démocratie ? Comment pourrions-nous l’aimer comme la servitude volontaire pouvait faire « aimer » le despote, comme l’identification amoureuse a pu faire « aimer » le monarque, le « chef » totalitaire ? Non seulement

la société démocratique désubstantialise les figures du pouvoir mais, d’entrée de jeu, elle installe les sujets dans le régime de la déceptivité. La démocratie apparaît comme la forme politique des promesses non tenues ou intenables.

Alors qu’à l’opposé, la rationalité néo-libérale – qui fonctionne en termes de coûts et de bénéfices – ne se préoccupe nullement de promettre quoi que ce soit quant à l’éventualité d’un monde « meilleur » ou plus juste. En érodant ou en abandonnant les principes démocratiques, elle contribue effectivement à faire de la « démocratie » une coquille vide.

Ainsi, au moment où nous éprouvons concrètement, dans notre existence de tous les jours, la perte de cet objet (la démocratie libérale) que « nous n’avons jamais aimé », nous sommes simultanément amenés à reconnaître que nous ne pouvons pas ne pas le vouloir.

Si la démocratie est ce que nous n’aimons pas mais ne pouvons pas ne pas vouloir, cessons d’attendre qu’elle nous délivre du « trouble de penser et de la peine de vivre ». demandons-nous plutôt qu’elle est – dans l’expérience démocratique – la part de cet ir-réductible qui fait de nous des sujets éthiques et politiques, des sujets qui ne veulent pas être ainsi gouvernés.

Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie myriam Revault d’Allonnes Seuil

Myriam Revault d’Allonnes est philosophe, professeur des universités à l’Ecole pratique des hautes études. Elle est l’auteur de nombreux essais de philosophie éthique et politique.

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Les annonces publiées ci-après ont été collectées par le Club des Jeunes Experts-Comptables auprès de ses membres et leur

publication dans notre revue a vocation à permettre l'expression de jeunes confrères souhaitant déve-lopper leur activité libérale. Malgré le soin apporté à leur relecture par le CJEC, nous invitons nos lecteurs à s'entourer des précau-tions d'usage habituelles en cas de réponse à ces annonces.

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