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PÉDAGOGIE DE L’ÉLECTROACOUSTIQUE DU GESTE MUSICAL À LA COMPOSITION ASSISTÉE PAR ORDINATEUR György Kurtag, Jean-Louis Di Santo, Myriam Desainte-Catherine, Philippe Guillem SCRIME, LaBRI, Université Bordeaux 1, 351, cours de la Libération, 33405, Talence Cedex, France ´ Nous présentons dans cet article des travaux péda- gogiques se situant dans le domaine de l’interacti- vité expressive en maternelle et dans le domaine de la composition musicale assistée par ordinateur en primaire. L’objectif de la pédagogie de l’interactivité expressive est de préparer les enfants au jeu instru- mental, à l’improvisation, à la composition et au jeu de musique de chambre. Les objectifs de la pédago- gie de la composition assistée par ordinateur sont d’une part l’écoute et l’analyse musicale, et d’autre part l’utilisation de l’ordinateur comme outil de créa- tion. Enfin, en conjuguant nos propres expériences avec d’autres se déroulant en France et poursuivant d’autres objectifs, nous proposons l’idée de monter des parcours musicaux avec les instruments actuels et reposant sur un réseau de compétences. 1. INTRODUCTION Nous présentons dans cet article des travaux pé- dagogiques se situant dans le domaine de l’interacti- vité expressive en maternelle et dans le domaine de la composition musicale assistée par ordinateur en primaire. Les deux projets ont en commun une ré- flexion sur le geste musical et l’expressivité et sont complémentaires. L’étude du geste et de l’expressi- vité est une fin en soi chez les petits alors que chez les primaires, elle constitue un début pour parvenir à une construction. Aussi, l’informatique chez les pe- tits peut être utilisée pour simuler des instruments de musique, alors que chez les primaires elle peut être utilisée comme un outil de composition. L’objectif de la pédagogie de l’interactivité expres- sive est de préparer les enfants au jeu instrumental, à l’improvisation, à la composition et au jeu de mu- sique de chambre. Ce projet fait suite au projet Dola- bip [DKG + 02, DKM + 04] développé au SCRIME qui a permis la mise en place d’expérimentations pédago- giques à l’école maternelle. L’outil est destiné à l’ex- ploration sonore en solo en favorisant une motricité fine dirigée par l’écoute. L’attitude attendue du musi- cien est d’observer le son. Cette particuliarité de l’ou- til Dolabip le diérencie des systèmes concurrents qui utilisent les gestes stéreotypés de percussion que nous cherchons précisément à éviter car ceux-ci sont le plus souvent dirigés par la motricité qui peut in- terférer avec l’écoute. Grâce au modèle sonore SAS [DM99b, DM99a], on peut explorer l’intérieur des sons, en particulier leur partie tenue. Ces expéri- mentations se passent princapelement en moyenne section et utilisent pour accés un joystick. Le projet cartes succède au projet Dolabip. Son objectif est de permettre le jeu à plusieurs enfants simultanément, chacun pouvant se repérer sur une carte graphique représentant une cartographie des sons [DK03]. Nous entrons cettre année dans une nouvelle phase de recherche qui consiste à explorer les possibilités du toucher comme accés privilégié au son. Contrai- rement au contrôle par un joystick, le contrôle par le toucher est bimanuel. Il ore ainsi la possibilité de travailler l’indépendance des deux mains. Les pre- mières expérimentations que nous avons menées en moyenne section de maternelle dans une Zone Ur- baine Sensible montrent que grâce à l’utilisation de la motricité bimanuelle, la complexité du résultat mu- sical est nettement supérieure à ce que des enfants de cette classe d’âge peuvent produire. Cet entraine- ment des enfants les conduit à aner leur boucle sensorimotrice où l’écoute contrôle le geste. Avec l’expertise des enfants, l’interface gestuelle s’eace pour donner la sensation tactile au son. Les objectifs de la pédagogie de la composition as- sistée par ordinateur sont d’une part l’écoute et l’ana- lyse musicale. Elle s’adresse à des enfants enun pre- mier temps quelques œuvres de compositeurs élec- troacoustiques s’appuyant sur quelques paramètres fondamentaux de la musique en général : dynamique, timbre, hauteur, principe de percussion/résonnance. Les œuvres sont choisies de façon à ce que ces pa- ramètres soient bien mis en évidence, de sorte que les enfants puissent les découvrir. Dans un second temps, il s’agit de développer l’écoute critique, c’est à dire de pouvoir analyser ses propres productions et celles des autres. D’autre part, il s’agit de l’utilisation de l’ordinateur comme outil de création, avec pos- sibilité d’enregistrement, découverte d’un graticiel

P DAGOGIE DE LÕ LECTROACOUSTIQUE DU GESTE …jim.afim-asso.org/jim2007/download/10-Kurtag.pdf · Gy rgy Kurtag, Jean-Louis Di Santo, Myriam Desainte-Catherine, Philippe Guillem SCRIME,

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PÉDAGOGIE DE L’ÉLECTROACOUSTIQUEDU GESTEMUSICAL À LA COMPOSITIONASSISTÉE PAR

ORDINATEUR

György Kurtag, Jean-Louis Di Santo, Myriam Desainte-Catherine, Philippe GuillemSCRIME, LaBRI, Université Bordeaux 1,

351, cours de la Libération,33405, Talence Cedex, France

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Nous présentons dans cet article des travaux péda-gogiques se situant dans le domaine de l’interacti-vité expressive en maternelle et dans le domaine dela composition musicale assistée par ordinateur enprimaire. L’objectif de la pédagogie de l’interactivitéexpressive est de préparer les enfants au jeu instru-mental, à l’improvisation, à la composition et au jeude musique de chambre. Les objectifs de la pédago-gie de la composition assistée par ordinateur sontd’une part l’écoute et l’analyse musicale, et d’autrepart l’utilisation de l’ordinateur comme outil de créa-tion. Enfin, en conjuguant nos propres expériencesavec d’autres se déroulant en France et poursuivantd’autres objectifs, nous proposons l’idée de monterdes parcours musicaux avec les instruments actuelset reposant sur un réseau de compétences.

1. INTRODUCTION

Nous présentons dans cet article des travaux pé-dagogiques se situant dans le domaine de l’interacti-vité expressive en maternelle et dans le domaine dela composition musicale assistée par ordinateur enprimaire. Les deux projets ont en commun une ré-flexion sur le geste musical et l’expressivité et sontcomplémentaires. L’étude du geste et de l’expressi-vité est une fin en soi chez les petits alors que chezles primaires, elle constitue un début pour parvenir àune construction. Aussi, l’informatique chez les pe-tits peut être utilisée pour simuler des instrumentsde musique, alors que chez les primaires elle peutêtre utilisée comme un outil de composition.L’objectif de la pédagogie de l’interactivité expres-

sive est de préparer les enfants au jeu instrumental,à l’improvisation, à la composition et au jeu de mu-sique de chambre. Ce projet fait suite au projet Dola-bip [DKG+02, DKM+04] développé au SCRIME qui apermis la mise en place d’expérimentations pédago-giques à l’école maternelle. L’outil est destiné à l’ex-ploration sonore en solo en favorisant une motricitéfine dirigée par l’écoute. L’attitude attenduedumusi-cien est d’observer le son. Cette particuliarité de l’ou-

til Dolabip le di!érencie des systèmes concurrentsqui utilisent les gestes stéreotypés de percussion quenous cherchons précisément à éviter car ceux-ci sontle plus souvent dirigés par la motricité qui peut in-terférer avec l’écoute. Grâce au modèle sonore SAS[DM99b, DM99a], on peut explorer l’intérieur dessons, en particulier leur partie tenue. Ces expéri-mentations se passent princapelement en moyennesection et utilisent pour accés un joystick. Le projetcartes succède au projet Dolabip. Son objectif est depermettre le jeu à plusieurs enfants simultanément,chacun pouvant se repérer sur une carte graphiquereprésentant une cartographie des sons [DK03].Nousentrons cettre annéedansunenouvellephase

de recherche qui consiste à explorer les possibilitésdu toucher comme accés privilégié au son. Contrai-rement au contrôle par un joystick, le contrôle par letoucher est bimanuel. Il o!re ainsi la possibilité detravailler l’indépendance des deux mains. Les pre-mières expérimentations que nous avons menées enmoyenne section de maternelle dans une Zone Ur-baine Sensiblemontrent que grâce à l’utilisation de lamotricité bimanuelle, la complexité du résultat mu-sical est nettement supérieure à ce que des enfantsde cette classe d’âge peuvent produire. Cet entraine-ment des enfants les conduit à a"ner leur bouclesensorimotrice où l’écoute contrôle le geste. Avecl’expertise des enfants, l’interface gestuelle s’e!acepour donner la sensation tactile au son.Les objectifs de la pédagogie de la composition as-

sistée par ordinateur sont d’une part l’écoute et l’ana-lyse musicale. Elle s’adresse à des enfants enun pre-mier temps quelques œuvres de compositeurs élec-troacoustiques s’appuyant sur quelques paramètresfondamentauxde lamusiqueengénéral : dynamique,timbre, hauteur, principe de percussion/résonnance.Les œuvres sont choisies de façon à ce que ces pa-ramètres soient bien mis en évidence, de sorte queles enfants puissent les découvrir. Dans un secondtemps, il s’agit de développer l’écoute critique, c’està dire de pouvoir analyser ses propres productions etcelles des autres. D’autre part, il s’agit de l’utilisationde l’ordinateur comme outil de création, avec pos-sibilité d’enregistrement, découverte d’un graticiel

éditeur de son (goldwave), découverte d’un graticielde montage/mixage (audacity) et gravure de CD.Enfin, en conjuguant nos propres expériences avec

d’autres sedéroulant enFrance etpoursuivantd’autresobjectifs, nous proposons l’idée de monter des par-cours musicaux avec les instruments actuels et repo-sant sur un réseau de compétences.

2. PÉDAGOGIE DE L’INTERACTIVITÉEXPRESSIVE

Cette expérience est menée par le premier au-teur, compositeur, dans la classe du quatrième au-teur (moyenne section de maternelle), dans le cadredu SCRIME, avec le soutien de la DRAC et de l’Ins-pection Académique de la Gironde.

2.1. Contexte et travaux existants

Dans le domaine de la pédagogie de l’interacti-vité, beaucoup d’expériences sont menées actuelle-ment au moyen d’outils variés qui ont été dévelop-pés spécialement dans cet objectif, ou bien qui ont étédétournés.

Le Continuateur

L’outil qui a le plus inspiré cette partie de nos tra-vaux est le Continuateur de François Pachet [PA04].Cet outil est basé sur une méthode d’échanges musi-caux avec un ordinateur. C’est un instrument réflexifqui renvoie à l’utilisateur un degré de similarité plusou moins fort avec son jeu. Les travaux avec les en-fants donnent des résultats tout à fait étonnants. Lestravaux que nous présentons dans cet article sontbasés sur un mode dialogique, apparenté au moded’échange avec le continuateur mais assez di!érentdans son principe.

Le Métainstrument

Le métainstrument, développé par Serge Delau-bier, présente 54 contrôles continus simultanés quisont activés par pression. La complexité d’un tel ins-trument est évidemment hors de portée pour les en-fants que nous ciblons dans notre expérience, maisle lien majeur réside dans l’utilisation de la pression.Le toucher est l’accés privilégié dans notre projet.

Le Bao Pao

Le Bao Pao est un instrument de musique élec-tronique assité par ordinateur développé par JeanSchmutz, formé de 4 arcs métalliques, chacun pro-duisant un rayon laser que le musicien doit traversergrâce à une baguette ou son doigt afin de produireun son. Tous les paramètres de jeu d’un véritable ins-trument acoustique sont possibles, nuances, tempo,

mélodie ou accompagnement. Cet instrument per-met donc le jeu à plusieurs à partir d’une partitionpréprogrammée. Il s’agit d’un instrument d’interpré-tation.

Le Melisson

Le mélisson, développé par Roland Ossard est unorchestre de synthétiseurs analogique dirigés par unchef d’orchestre.

La Meta-malette

La Méta-Mallette, développée par Serge Delau-bier, est constituéed’une collectionde sept jeux-logicielsaudio-graphiques, actionnés par des joysticks, despalettes graphiques et des touches sensitives. Ils sontpratiqués par des groupes de 6 à 16 personnes. Cetorchestre permet le jeu à plusieurs joysticks associésà l’image.

Expériences en crèche

L’idée défendue par François Delalande est la sui-vante : « il paraît préférable d’éveiller avant d’ensei-gner ». Selon ce principe, François Delalande super-vise des expériences en crèches consistant à observerl’activité spontanée des enfants jouant avec des ins-trumentsdemusiquevariés, en l’absencedes adultes.L’analyse des gestes des enfants montre des progrèsmusicaux notables.Dans le travail que nous présentons dans cet ar-

ticle, nous nous intéressons à la phase ultèrieure del’éveil, qui implique un enseignement avec l’inter-vention d’un adulte. Nous explorons cette voie enexpérimentant des dialogues entre enfant et adulte.Nous avons e!ectivement constaté que l’interventiond’un adulte peut aider l’enfant à explorer des modesde jeux qu’il n’aurait pas trouvé par lui-même, oubien qu’il aurait pu trouver dans un temps beaucoupplus long.Nous présentons dans la suite les expériences me-

nées en maternelle au moyen de l’instrument Hand-sonic et basées sur un dialogue musical entre unadulte et un enfant.

2.2. Le mode dialogique

Lors de notre recherche préliminaire sur l’instru-ment Handsonic, nous avons constaté que l’explora-tion libre ne permet pas aux enfants de découvrirspontanément toute la richesse gestuelle nécessaireaux divers modes de déclenchement du son. Il nousest donc apparu que l’intervention d’un musiciens’avérait nécessaire pour faire découvrir à l’enfantles gestes inhabituels. En e!et, l’apprentissage parl’observation est le mode acquisition courant depuis

l’age de 18 mois (Andrew Melzho! [N.95]). Dès cetage les enfants sont capables non seulement d’imi-ter l’adulte, mais aussi de comprendre, d’anticiperson intention, de di!érencier l’exécution des mouve-ments du but implicite. Nous avons donc choisi lemode dialogique, car c’est le mode de transmissionle moins rigide d’un savoir-faire, sans consigne, sanscorrection, et privilégiant la continuité du dialogue[GOW02, GG05].Il est nécessaire de préciser que cet échange est

basé sur la continuation plutôt que l’imitation. En ef-fet, l’imitation suppose un modèle à reproduire quidoit être au préalable mémorisé. Sa réussite est me-surée par la perfection, le degré de ressemblance. Enrevanche, la continuation repose sur un autre type demode de dialogue dont le but principal est de main-tenir le mouvement. Dans ce mode d’échange, il n’ya pas demémorisation consciente, et la ressemblancen’est pas importante. La similarité est largement sa-tisfaisante et laisse la place à des erreurs créatives quipeuvent servir de pivot pour donner à l’enfant le rôlede leader.Le jeu conversationnel proposé permet l’accor-

dage (attunement 1 ), une synchronisation interper-sonnelle, la communicationdehautniveauentre l’adulteet l’enfant. Elle est fragile, le plus petit mouvement

1 "Attunement" accordage des percepts, synchronisation derythme (alternance des échanges, symmetrie temporelle), "flow"machine ([PA04])

peut perturber cet état. Les erreurs de synchronisa-tions sont à l’origine des hésitations et parfois leurse!ets interfèrent avec la fluidité du dialogue. Il n ya pas de correction proprement dite, mais les pro-positions de l’adulte sont orientées pour guider l’en-fant vers telle ou telle solution. Les diagnostiques seconfondent avec les propositions de l’adulte.

2.3. Description du dispositif pédagogique expéri-mental

Lesexpériences sontmenéesavec l’instrumentHand-sonic. Le HPD-15 Handsonic de Roland est un multipad électronique. Ce pad se joue à la main et est di-visé en 15 zones, ce qui permet de piloter 15 sonsde percussions di!érents. Le pad 10 pouces en ca-outchouc permet d’exploiter toutes les techniques dejeu, grâce à un capteur de pression capable de saisirfinement les nuances du jeu. Ainsi chacune des 15surfaces est programmable, et permet aussi bien desgestes percussifs, que des contacts plus fins, frotte-ments, pressions légères, pressions crescendo ... Aveccet instrument la pression permet de véritablementcontrôler finement certains paramètres du son. Aveccet instrument, nous avons constaté que les gestesd’origine motrice et les gestes naissant d’un désirmusical sont facilement di!érenciés. En e!et, les pre-miers sont stéreotypés à alternance de plus en plusrapide des deux mains. Les seconds produisent desrythmes plus variés.Dès le premier contact, les enfants sont entraînés

à l’improvisation grâce à une méthodologie d’in-vestigation sous forme dialogique, face à face avecl’adulte, sans consigne, sans correction et sans inter-ruption. Le but est de maintenir le flux sonore del’échange le plus longtemps possible.La durée des propositions, variant de 2 secondes

à 7 secondes, est choisie de telle sorte qu’elle soitobservable par les enfants. La rapidité de l’échangene permet pas d’analyser finement ce qui est joué,ce qui développe chez les enfants leur estimation del’équivalence temporelle. Cette équivalence tempo-relle représente la base de l’orientation temporellefort utile en improvisation dans toutes les formes demusique.Les séances se sont organisées comme suit. Une

séance préliminaire de 1h30 s’est déroulée en pré-sence de 25 enfants de 4 à 5 ans, suivie d’une ex-ploration collective par groupe de trois, elle-mêmesuivie d’une deuxième phase durant laquelle les en-fants sont passés individuellement pour de courtséchanges. Ensuite, nous avons organisé des séancesen présence de 4 enfants de 4 ans pouvant durer jus-qu’à 45 minutes. Nous avons constaté qu’après 10séances, les enfants sont capables d’interpréter unecomposition de 5 minutes d’un niveau expert.

2.4. Premiers résultatsLes séances sont filmées à des fins d’analyse. Les

analyses préliminaires ont déjà donné quelques ré-sultats surprenants sinon encourageants.– La qualité musicale est significativement supé-rieure à ce que produisent les mêmes enfantsavec les gestes de percussion. Contour mélo-dique, variété de contenu rythmique, rapiditéd’échanges ;– Le cadre de la proposition de l’intervenant in-duit une situationd’apprentissage rapide et pré-cis et les enfants ne se trompent presque jamaisdans leur réponse (cf apprentissage culturel) ;– La longueur des échanges est très souvent su-périeure à 2 minutes et peut aller jusqu’à 4.5minutes ;– Les propositions de l’adulte s’adaptant à l’en-fant, les rôles se trouvent parfois inversés enfontion des propositions des enfants ;– L’accés tactile réduit significativement l’inéga-lité des performances des enfants ;– Les enfants apprennent en observant : ils créentdes gestes qu’ils ont vusmais n’ont jamais faits ;– Les échanges entre enfants (sans l’adulte) onttendance à converger vers un accordage (atune-ment) où les jeux sont synchronisés ;

2.5. PerspectivesLes perspectives de ce travail consistent à ana-

lyser les séances afin de mesurer l’e"cacité de laméthode. D’une part, les résultats obtenus avec letoucher sont très encourageants et nous souhaitonsmettre en place des expérimentations pour mieuxévaluer ce type d’accès. D’autre part, nous voulonsaussimesurer la qualitéde l’échangemusical adulte/enfant.Nous travaillons à la conception d’un outil d’évalua-tion de l’improvisation, basé sur unemesure de simi-larité entre les propositions des enfants et de l’adulte.Cet outil serait utilisé pour évaluer les compétenceset les comportements musicaux des joueurs. Dansl’échange adulte/enfant, la qualité musicale est forte-ment liée à la qualité de la communication. Si la simi-larité des propositions est faible, le dialogue n’existepas. Si la similarité est trop forte, nous entrons dansl’imitation où la créativité des enfants est limitée. Ledegré de similarité entre ces deux extrêmes devraitnous permettre de mesurer la qualité de la commu-nication.

3. PÉDAGOGIE DE LA COMPOSITONMUSICALE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR

Cette expérience est menée par le deuxième au-teur, compositeur, responsable pédagogique de l’as-sociation "Recréation InformatiqueTechniquesetArtsAppliqués", en partenariat avec le SCRIME, la DRACet l’Inspection Académique de la Gironde.

3.1. Contexte

Cette action est née du constat que, si le domainede l’éveil musical pour les enfants a pris un essorimportant, notamment suite aux travaux de FrançoisDelalande et deClaireRenard, l’initiation à la compo-sition et à lamusique électroacoustique en particulierest encore à explorer : à notre connaissance, aucunetentative de ce genre n’a été réalisée à ce jour auprèsd’enfants de moins de 11 ans. Travaillant habituelle-ment en école élémentaire, nous avons pu constaterque lespratiquesd’exploration sonore étaient trèsdé-veloppées, mais sous la forme où un adulte deman-dait aux enfants de reproduire le modèle présenté,c’est à dire finalement de façon assez directive. La dé-marche expérimentale, issue de la musique concrète,consistant à explorer un objet quelconque de façonquasi systématique pour en tirer des sons présentantla plus grande variété possible semble peu répan-due. Nous avons aussi constaté que, si l’ordinateurfait l’objet d’un apprentissage inscrit dans les pro-grammes de l’Education Nationale, et que si la mu-sique électroacoustique est mentionnée par les ins-tructions o"cielles de 2002, dans les faits l’ordinateurne sert jamaispour lamusique et nousne connaissonspas d’exemple d’enseignant présentant la musiqueélectroacoustique dans sa classe, la grande majoritéd’entre eux ignorant son existence ou se sentant dé-munis face à elle. Il y a donc là une importante lacuneà combler, d’autant qu’il n’existait enGironde aucunestructure présentant ce genre de projet.

3.2. Présentation générale

Les objectifs de cette formation sont les suivants– Faire connaître une découverte musicale ma-jeure du XX! siècle, au niveau de son existence(ouverture culturelle), et de ses pratiques : lamusique électroacoustique (acousmatique) ;– Transmettre les enjeux et quelques codes d’ana-lyse pour comprendre le langage et les préoccu-pations des compositeurs de ce genre ;– Mettre en pratique ces éléments au cours deséances de production afin de mieux les inté-grer ;– Approcher quelques œuvres prévues aux pro-grammes de 2002.– Former les auditeurs de demain par la sensibi-lisation à une musique non commerciale ;Il s’agit, au cours de six interventions de février à

mai, de faire découvrir aux élèves les modalités decréation d’une œuvre acousmatique, et d’en expli-quer les di!érentes phases sous forme de « travauxpratiques » et de jeuxmusicaux dans les classes. L’in-tervenant anime di!érents ateliers qui prennent laforme d’un aller-retour entre l’analyse et la pratique,conformémentà l’espritde cettemusique. L’ensembledu cycle de séances est clôturé par un concert lectureoù sont mises en œuvre et expliquées les di!érentes

techniques d’interprétation sur un dispositif de 16voix indépendantes (dans une salle de concert, avecl’acousmonium du SCRIME) où les élèves partagentleurs productions.Ces cinq séances répondent à un certain nombre

d’objectifs, de façon à permettre aux enfants d’appré-hender les di!érents paramètresde cettemusique, aucours d’une séance de découverte, et ses di!érentesétapes. En d’autres termes, il est demandé aux en-fants de reprendre à leur compte tout le parcoursd’un compositeur, de la prise de son à la di!usion.De cette façon, ils arrivent en "experts" au concert, etsont donc en mesure d’apprécier la musique qu’ilsvont entendre.

3.3. Déroulement

Production sonore

Au cours de ces productions, c’est à dire la mani-pulation d’objets de façon à en tirer des sons, l’accentest mis sur un certain nombre de paramètres : gestesproducteurs de sons : taper, frotter, gri!er, sou#er,laisser tomber, déchirer.... gestes conduits par la vo-lonté, séquences soumises aux lois de la physique (re-bonds, roulements...) catégories de sons : sons brui-tés, sons harmoniques, sons liés à la matière : bois,verre, métal, plastique... Les sons provenant d’objetsne peuvent produire de mélodies. Comment doncobtenir des mélodies acousmatiques ? A cette fin, ilfaut explorer les objets manipuler afin de faire varierle son au maximum, en variant les gestes, mais aussiles endroits mis en jeu dans l’objet, ce qui entraînedes variations de timbre, de hauteur, de rythme etde nuances. L’accent est aussi mis sur l’expressivité.On tente d’exprimer, à l’aide d’objets de l’environne-ment immédiat, di!érents sentiments : joie, tristesse,peur, attente, colère.....

Enregistrement et transformation du son

Le son peut être capté et stocké dans un ordina-teur, mais cette captation n’est pas neutre : le microcolorie le son, et le colorie de façon di!érente suivantsa position. On obtient comme un e!et de loupe lors-qu’un son est capté de près. Il est aussi possible detransformer le son au point de le rendre méconnais-sable en utilisant divers e!ets. Ces e!ets conviennentplus ou moins bien suivant les sons. Les élèves sontainsi amenés à connaître quelques e!ets de base :réverbération, son renversé, écho, flanger, pitch...

La composition, une suite de choix

– Choix des sons eux mêmes : les élèves expéri-mentent par eux-mêmes que l’on ne peut su-perposer un nombre infini de sons, et qu’il fautdonc e!ectuer des choix. De la même façon, onne peutmettre n’importe quel son à la suite d’un

autre, et là aussi il faut choisir celui qui convientle mieux.– Choix dans le dosage (le mixage) d’un son parrapport à un autre.– Choix d’un motif, d’un ou plusieurs "person-nages" dont on peut suivre l’évolution, commedans un roman car une suite de sons que l’onaime ne donne qu’un catalogue de sons, et nonune pièce musicale.

La di!usion

Lors du concert lecture final, on teste les capaci-tés de l’oreille à discerner l’endroit d’où vient le son.On joue à discerner quelle enceinte est en action. Onexplique quelques règles de di!usion et on écoutedes oeuvres de "maîtres" adaptées aux enfants di!u-sées par l’intervenant. Enfin, on écoute des oeuvresd’enfants créées lors des ateliers et di!usées par lesenfants.

3.4. Bilan

La majorité des enfants de cet âge sont encore ou-verts aux expériencesmusicales et à la découverte demusiques qu’ils ne connaissent pas. C’est donc lemo-ment d’en profiter pour leur proposer une ouvertureculturelle et les amener à une musique en dehors desphénomènes de mode. La plupart se montrent extrê-mement sensibles à l’aspect ludique présent à chaquephase de la production. Toutefois, nous devons noterque la séance de transformation du son constitue unpic et provoque un sentiment proche de l’émerveille-ment. Les retours que nous avons pu avoir par lesenseignants des classes concernées témoignent de lagrande qualité d’écoute lors des concerts.

4. PERSPECTIVES

Les travaux sur la pédagogie musicale en Franceen direction des enfants ont abouti à plusieurs ou-tils opérationnels, chacun étant utilisé dans un ob-jectif pédagogique particulier avec une méthode pé-dagogique adaptée. Il nous semble interessant au-jourd’hui de travailler l’idée d’un « parcoursmusicalavec des instruments actuels ». Il faudrait probable-ment proposer des parcours di!érenciés par leurs ni-veaux (maternelle/élémentaire/ collège/ lycée) maisaussi par leurs contenus. Par exemple, on pourraitimagniner les parcours suivants.– Un parcours Musique multi-sensorielle basé surles travaux de F. Delalande dans l’objectif dedévelopper une sensibilité, avec la productionsonore comme base de l’écoute.– Un parcours Musique Ensemble avec une pro-gression partant du jeu en solo (avec Dolabip),passant par l’orchestre de chambre (avec le Bao

Pao), pour terminer sur l’orchestre Symphonique(avec la Métamalette).– Un parcours Composition musicale assistée par or-dinateur avec exploration, production, assem-blage et di!usion de sons.

– Unparcours Improvisation /Conversation basé surles travaux que nous poursuivons actuellement.Des ébauchesde cesdi!érents parcours ontpu être

expérimentées, au cours de ces dernières années dansdes classes élémentaires et maternelles. Elle ont per-mis de concevoir des stratégies pédagogiques adap-tées, permettant aux enfants d’utiliser di!érents ins-truments élctroacoustiques dans des démarches al-lant de l’exploration sonore à la composition et àl’improvisation.Ces parcours pourraient se présenter sous la forme

declasses expérimentales spécialement équipées (genreclassesdedécouverte) et s’appuieraient sur un réseaude compétences réparties.

5. REFERENCES

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[PA04] F. Pachet and Anna-Rita Addessi. Whenchildren reflect on their playing style :The continuator. ACM Computers in En-tertainment, 1(2), 2004.