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  DU TEMPLE DE THÉMIS À LA MAISON DES DROITS DE L'HOMME  Claude Loupiac Publications de la Sorbonne | Sociétés & Représentations 2001/2 - n°12 pages 286 à 305  ISSN 1262-2966 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2001-2-page-286.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Loupiac Claude , « Du temple de thémis à la maison des droits de l'homme » , Sociétés & Représentations , 2001/2 n°12, p. 286-305. DOI : 10.3917/sr.012.0286 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Publications de la Sorbonne.  © Publications de la Sorbonne. Tous d roits réservés pour tou s pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.    D   o   c   u   m   e   n    t    t    é    l    é   c    h   a   r   g    é    d   e   p   u    i   s   w   w   w  .   c   a    i   r   n  .    i   n    f   o   -        1    9    5  .    1    3    2  .    4    3  .    1    2    2      2    0    /    1    2    /    2    0    1    1    1    5    h    2    2  .    ©    P   u    b    l    i   c   a    t    i   o   n   s    d   e    l   a    S   o   r    b   o   n   n   e D m e é é g d s w c r n n o 1 1 4 1 2 1 2 1 © P c o d a S b

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DU TEMPLE DE THÉMIS À LA MAISON DES DROITS DE L'HOMME Claude Loupiac Publications de la Sorbonne | Sociétés & Représentations 

2001/2 - n°12

pages 286 à 305

 

ISSN 1262-2966

Article disponible en ligne à l'adresse:

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Pour citer cet article :

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Loupiac Claude , «Du temple de thémis à la maison des droits de l'homme» ,

Sociétés & Représentations , 2001/2 n°12, p. 286-305. DOI : 10.3917/sr.012.0286

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Du temple de thémis à la maison des droits de l’homme

par Claude LOUPIAC

| Nouveau Monde éditions | Sociétés & Représentations

2001/2 - n° 12

ISSN 1262-2966 | pages 286 à 305

Pour citer cet article :

— Loupiac C., Du temple de thémis à la maison des droits de l’homme, Sociétés & Représentations 2001/2, n° 12, p.286-305.

Distribution électronique Cairn pour Nouveau Monde éditions.

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Claude Loupiac, « Du temple de Thémis à la maison des droits de l’homme », S. & R., Oct. 2001, pp. 287-305.

DU TEMPLE DE THÉMIS À LA MAISON DES DROITSDE L’HOMME

  par Claude Loupiac 

Dans les dernières décennies le patrimoine immobilier de la Justice a connu desubstantielles transformations tant quantitatives que qualitatives. Ces dernièresrésultent d'une politique de modernisation des équipements judiciaires menée par laChancellerie afin de pallier les insuffisances devenues criantes d’un parc immobi-

lier vieillissant et dont la capacité était devenue largement déficitaire dans uncontexte d’explosion du contentieux judiciaire.Mais au-delà de préoccupations strictement matérielles, les programmes réalisés

ou en cours répondent également à un souci de modifier sensiblement l’image de laJustice à travers sa représentation architecturale. C’est à cette dernière que l’on s’atta-chera ici, non sans avoir préalablement évoqué les circonstances qui ont conduit à cesmutations et les contours de cette image traditionnelle qu’il s’agit de renouveler à tra-vers son expression urbaine et monumentale la plus « parlante », le Palais de Justice.

UN CONTEXTE DE CRISE DE CROISSANCE

Pendant près de cinquante ans depuis 1914, quasiment aucun Palais de justice

n’a été construit en dehors de ceux rebâtis dans le cadre de la Reconstruction, leplus souvent sans évolution typologique notable. Ce n’est qu’à partir des annéesSoixante que l’on constate un renouveau de la construction judiciaire, notammentavec la réalisation par Jean Willerval et Marcel Spender du Palais de Justice de Lille(1958-1967) qui marque un point de rupture1. Mais, comme on le verra ultérieure-

1. Cette rupture est d’autant plus marquante que le nouvel édifice entraîne la démolition de l’an-cien Palais de 1835, édifié par l’architecte Victor-Louis-Henri Lepus (1798-1851).

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ment, si ce dernier s’écarte des compositions traditionnelles par l’adoption desconceptions spatiales et formelles du mouvement moderne, il ne procède pas d’uneréelle réflexion sur la symbolique du bâtiment, sur l’image de la Justice que l’édi-fice doit donner aux citoyens. Il faut attendre l’étude de programmation du nouveauPalais de Justice de Nancy (1972-1980) pour que soit entamée une réflexion quiaboutit, dans un premier temps en 1974, au concept de cité judiciaire 2 puis, dans ladernière décennie, à celui d’une maison des droits de l’homme.

Reste qu’à partir des années Soixante on voit se multiplier les déclassementsde constructions anciennes et les constructions neuves. Mais c’est la loi de décen-

tralisation du 7 janvier 1983 qui donne une impulsion décisive à ce mouvement entransférant des collectivités territoriales à l’État la responsabilité du patrimoine des

 juridictions du premier degré, ce qui représente, avec celles dont il était déjà res-ponsable, 1240 juridictions3. La Chancellerie voit ainsi la surface des bâtimentsdont elle a la charge quintupler à partir de 1987, en même temps qu’explose lecontentieux judiciaire.

Ce nouveau contexte a sans nul doute facilité la perception par les autorités descapacités insuffisantes, de l’état alarmant et de l’inadaptation à l’évolution despratiques judiciaires du parc immobilier dont elles devenaient propriétaires et ges-tionnaires.

Le patrimoine dont l’État reçoit la charge à partir de 1983 est vieillissant, pour

ne pas dire vétuste dans un grand nombre de cas. Selon les estimations de laChancellerie pour 1980, 74,4 % des constructions sont antérieures à 1914 et seules18,1 % sont postérieures à 19604. Par ailleurs ce parc immobilier représente alorsune surface totale de 1 200 000 m2, notoirement insuffisante au regard de l’ac-croissement spectaculaire des procédures et de celui, plus modeste, des effectifs dupersonnel judiciaire5. Les diverses études statistiques menées par la Chancellerie

2. Gérard Monnier, L’Architecture moderne en France, t. 3 : De la croissance à la compétition1967-1999, Paris, Picard, 2000, p. 171.3. Association française pour l’histoire de la justice, La Justice en ses temples. Regards sur l’ar-chitecture judiciaire en France, coll. « Art et Patrimoine », Poitiers, Brissaud, 1992. Dans l’in-

troduction de cet ouvrage, Alain Girardet (pp. 15-16) donne la répartition suivante : 1 Cour decassation, 35 Cours d’appel, 181 Tribunaux de grande instance, 2 Tribunaux supérieurs d’appel,38 Tribunaux d’Alsace-Lorraine, 471 Tribunaux d’instance, 3 Tribunaux de police, 227Tribunaux de commerce, 282 Conseils de prud’homme.4. Dans le Courrier de la chancellerie, n° 39, 1984, pp. 4-5, la répartition suivante est donnée :avant 1789 : 17,9 % ; 1789-1841 : 27,6 % ; 1852-1914 : 28,9 % ; 1915-1967 : 7,5 % ; 1968-1980 : 18,1 %.5. Une des causes souvent dénoncée de l’asphyxie du système judiciaire est l’insuffisance descréations de postes ; alors qu’entre 1974 et 1994 le nombre des affaires civiles nouvelles apresque triplé, celui des magistrats n’a crû que de 20 %.

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ou, plus récemment, par le Sénat6 constatent toutes en effet l’asphyxie qui menacela machine judiciaire du fait d’un accroissement sans précédent des procédures etde la complexité accrue de ces dernières7. Pour expliquer ces mutations des pra-tiques judiciaires Robert Jacob et Nadine Marchal-Jacob8 mettent en avant diversphénomènes de société dont l’enquête sénatoriale dans les juridictions de l’hexa-gone9 confirme la réalité.

À partir des années Soixante, le recul des grands mouvements de protectioncollective, la montée de l’individualisme, l’aspiration à la protection individuelleainsi qu’une certaine perte du sens des responsabilités10 contribuent à l’augmenta-

tion du nombre de causes tandis que les contentieux tendent à se prolonger jusqu’àl’épuisement des voies de recours, comme en témoigne l’augmentation des appelset pourvois en cassation. Nombre de magistrats constatent que du fait de la carencedes médiations sociales traditionnelles (familiales, religieuses, syndicales ou poli-tiques) le juge apparaît :

De plus en plus souvent non plus comme l’ultime recours dans un contentieuxexigeant de trancher en droit, mais comme celui vers lequel le citoyen [...] setourne pour obtenir arbitrages ou délais, régler des différends familiaux ou devoisinage, faire reconnaître son identité, son territoire, son existence11,

Ceci induit, on le verra, une nouvelle idée de la Justice et implique la modifi-cation de son image.

Plus récemment, l’entrée en application, le 1 er janvier 1992, de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique a également contribué à gonfler le volume desaffaires civiles12.

6. Charles Jolibois et Pierre Fauchon, Mission d’information de la commission des Lois chargéed’évaluer les moyens de la justice, Rapport 49 - 1996 / 1997.7. Dans l’introduction de leur rapport Charles Jolibois et Pierre Fauchon constatent l’asphyxie des juridictions qui ne survivent qu’au prix de taux moyen de classement « sans suite » des affairesélucidées proches de 50 % (jusqu’à 80 % dans certains tribunaux visités) et de délais de jugementmoyens croissants au civil (jusqu’à 4 ans pour la Chambre sociale d’une Cour d’appel du Nord).8. Robert Jacob, Nadine Marchal-Jacob, « Jalons pour une histoire de l’architecture judiciaire »in La Justice en ses temples, op. cit., pp. 60-67.9. Le rapport rédigé par Charles Jolibois et Pierre Fauchon est le fruit de six mois d’auditions,

de déplacements dans les cours et tribunaux de l’hexagone, de dépouillement des observationsde 230 chefs de juridictions représentatifs de plus de 80 % des ressorts de Cour d’appel et de60 % des Tribunaux de grande instance.10. De nombreuses actions intentées récemment contre des maires par des particuliers victimesde leur imprudence ou celles engagées par des fumeurs contre des industriels du tabac sontrévélatrices de ce renouveau de la chicane qui avait fortement diminué à partir du milieu du XVIIe

siècle et de cette tendance fréquente, de nos jours, à rejeter sur un autre et, si possible, de fairepayer à cet autre la responsabilité de ses actes.11. Charles Jolibois et Pierre Fauchon, Mission d’information…, op. cit., p. 13.12. En trois ans, de 1992 à 1994, les admissions à l’aide juridique ont crû de 66 %.

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On assiste ainsi à un phénomène de judiciarisation de la société13 tandis que lacomplexité des contentieux ne cesse de s’accroître du fait de l’inflation des normes,des textes législatifs et réglementaires, de la technicité accrue des affaires relevantdu droit des sociétés, de la construction, de la copropriété, de la responsabilitémédicale, de l’internationalisation de l’économie, des exigences en matière de sécu-rité, des tensions générées par la crise immobilière et les difficultés des locatairesou de l’adaptation au droit européen.

Si dans le domaine pénal la croissance est contenue, notamment du fait del’évolution des procédures ou de la dépénalisation de certains délits, on constate les

mêmes phénomènes de complication accrue des contentieux, en raison notammentde l’évolution de la délinquance organisée, de la poursuite accrue des affaires finan-cières, de la spécialisation en matière de terrorisme ou des garanties renforcéesaccordées à la défense. En outre, la législation et la jurisprudence se sont conju-guées pour poursuivre davantage certaines infractions, notamment en matière éco-nomique ou de gestion des fonds publics.

Des mesures urgentes s’imposaient donc pour éviter une asphyxie de lamachine judiciaire. En dehors de créations d’emplois ou d’une nécessaire réformede la Justice14 qui ne concernent pas directement notre propos, il fallait rapidementengager une politique de modernisation et d’agrandissement du parc immobilier des

 juridictions. On a vu que certaines opérations importantes avaient été lancées avant

la loi de décentralisation de 198315, mais il est certain que cette dernière a contri-bué à dynamiser ce processus du fait de ses effets sur la maîtrise d’ouvrage.Le transfert de responsabilité de l’essentiel du patrimoine judiciaire à la

Chancellerie a eu plusieurs conséquences. Il a permis, dans un premier temps, demieux prendre la mesure des besoins et facilité l’étude des vingt-sept schémasdirecteurs départementaux de restructuration du patrimoine judiciaire, à partir des-quels a été élaborée une programmation pluriannuelle des investissements. Il aensuite amené la Chancellerie à procéder à une restructuration de la maîtrise d’ou-vrage avec l’institution, le 6 mai 1991, de la Délégation générale au programme

13. Elle se manifeste également par l’importance croissante de la régulation judiciaire et l’intro-

duction d’actions qui se réglaient en dehors de la justice auparavant.14. La mission sénatoriale de 1996 déplore que le nombre des emplois créés depuis 1974 n’aitpas permis de rattraper le décalage entre la croissance du contentieux et celle des effectifs des juridictions et souhaite qu’il y soit remédié. Elle préconise en outre de nombreuses mesures des-tinées à améliorer le fonctionnement de la Justice sur le territoire telles que la simplification decertaines procédures ou la refonte de la carte judiciaire, dont certaines ont été mise en œuvredepuis.15. Parmi les plus représentatives on peut citer, outre les Palais de Justice de Lille et Nancy déjàévoqués, les cités judiciaires de Senlis (1976-1980), Draguignan (1978-1983), Bobigny (1979-1987), Meaux (1980-1985), Dijon (1981-1989) et Lyon (1981-1995).

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pluriannuel d’équipement (DGPPE)16 ; il s’agit d’une structure légère et opération-nelle de maîtrise d’ouvrage17, chargée de la conduite des opérations immobilièresdans le domaine judiciaire et pénitentiaire et de la mise en œuvre du programmedéterminé par les directions gestionnaires (direction des services judiciaires, direc-tion de l’administration pénitentiaire) en fonction des besoins évalués dans le cadredu programme pluriannuel d’équipement18.

En matière de construction de Palais de Justice c’est la Direction des services judiciaires qui définit les besoins et le contour du programme à réaliser, à partird’un chiffrage des effectifs prévisibles sur la base des données de l’INSEE19. Les

chefs de Cour et de juridiction ainsi que le magistrat délégué à l’équipement sontconsultés, à charge pour eux d’organiser une concertation plus large avec l’ensembledes services. Le programme fonctionnel qui résulte de ce processus constitue undes éléments d’un cahier des charges de la consultation des concepteurs ; il est tra-duit en un programme définissant les surfaces, les flux et les liaisons entre servicesafin d’être compréhensible pour les concepteurs qui sont sélectionnés à la suite d’unconcours public d’architecture sur esquisse. Le jury de ce dernier est composé pourun tiers de maîtres d’œuvre professionnels, architectes et responsables de bureauxd’études techniques, et pour les deux tiers de représentants de la maîtrise d’ouvrage(DGPPE ou DAGE, et DSJ) et des utilisateurs (chefs de Cour d’appel).

C’est dans le cadre de cette maîtrise d’ouvrage centralisée, mais attentive aux

spécificités locales, qu’ont été poursuivis les efforts d’équipements immobiliers,initiés dans les années Soixante et amplifiés depuis la fin des années Quatre-vingt20,notamment avec la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice.

Le plus souvent, ces opérations sont l’occasion de regrouper dans un mêmeédifice plusieurs juridictions jusqu’alors éparpillées sur plusieurs sites ou abritéesdans des bâtiments vétustes et devenus dangereux. Ces regroupements ainsi que le

16. Elle succède à la délégation pour la réalisation des établissements pénitentiaires créée par ledécret du 22 juin 1987 pour assurer la maîtrise d’ouvrage du programme « 13 000 places de pri-sons » lancé par le Garde des Sceaux, Albin Chalandon.17. Dirigée par un directeur d’administration centrale, elle comprend majoritairement des ingé-nieurs. Composée de six équipes de projet couvrant chacune une zone géographique, elle s’ap-

puie sur les directions départementales de l’équipement (DDE), les magistrats délégués à l’équi-pement et les antennes régionales de l’équipement de la Direction générale de l’administrationgénérale et de l’équipement (DAGE). L’antenne mise en place récemment à Fort-de-Franceconstitue la septième équipe de projet de la DGPPE.18. Les informations sur la maîtrise d’ouvrage sont tirées du Courrier de la Chancellerie, n° 49,mai 2000.19. Ces données s’appuient sur des prévisions d’évolution du contentieux, corrélées à l’évolutiondémographique à l’horizon 2015.20. En matière de Palais de Justice, quinze opérations ont été réalisées depuis 1993, six sont enchantier, deux en appel d’offres et cinq à l’étude.

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caractère spacieux et fonctionneldes nouveaux locaux, leur équipe-ment moderne et rationnel, avec uneffort particulier porté sur l’infor-matisation, améliorent notablementle fonctionnement de la Justice.Mais au-delà ce cette nécessairemodernisation, il s’agit égalementd’offrir aux citoyens une nouvelle

image de la Justice, plus en phaseavec l’évolution des pratiques judi-ciaires et des mentalités.

Pour la Chancellerie, la moder-nisation de ses équipements offre l’opportunité de renouveler l’image de la Justicedont la fonction symbolique, à la fois éthique et politique, est jugée tout aussiimportante que les règles ou productions. Comme l’a souligné Robert Badinter21, lesvaleurs, le système de pouvoirs qui fondent l’idée de Justice d’une société donnéene s’expriment pas uniquement à travers des textes juridiques (codes, jugements,etc.), des mécanismes judiciaires et des institutions mais aussi à travers les repré-sentations physiques, matérielles de la Justice. À ce titre le Palais de Justice est un

monument urbain porteur d’une forte charge symbolique. Or le patrimoine judi-ciaire dont hérite la Chancellerie en 1983 est composé en majorité, on l’a vu, debâtiments antérieurs à la Première guerre mondiale et qui véhiculent une imagedans laquelle la Justice ne se reconnaît plus. Il convient donc de préciser les origineset la nature de cette représentation traditionnelle qui perdure bien souvent dans l’es-prit du public, avant d’examiner les mutations qu’elle a subies à travers les troisgrandes phases de réalisations qui se sont succédé dans les quarante dernièresannées.

UNE IMAGE HÉRITÉE DES LUMIÈRES

Plus de la moitié des Palais de Justice de l’hexagone ont été édifiés entre la

fin du XVIIIe siècle et 1914 et l’image de la Justice qu’ils offrent au regard du cita-din, celle d’un temple austère dédié à Thémis, s’est imposée avec une telle forceque c’est encore bien souvent cette représentation d’une justice en majesté, distante,enfermée dans ses temples et jalouse de ses secrets qui vient à l’esprit de nos conci-toyens pour évoquer ce monument urbain.

Par son décor et sa monumentalité imposante, le Parlement de Rennes (1615-

21. Robert Badinter, Préface, in La Justice en ses temples, op. cit., pp. 10-11.

L Palais de justice d’Orléans.

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1655) édifié selon les plans deSalomon de Brosse avait été l’undes premiers à ériger la Justice enpuissance redoutable, inspirant ets’inspirant de la peur de l’autre22, dela déviance par rapport à la normeédictée, et traduisant dans son abs-traction celle de l’État moderne quise constitue23. Mais c’est dans le

cadre du néoclassicisme et de « l’ar-chitecture parlante » de la fin duXVIIIe siècle que se constitue une nouvelle typologie. Celle-ci se constitue en 1776,avec la reconstruction du Palais de Justice de Paris24 et le débat qu’elle provoque,et se développe avec la vague de constructions initiée avec le présidial de Caen(1779-1784) et poursuivie jusqu’au début du XXe siècle.

En dehors de la séparation du judiciaire et du carcéral qui s’opère à la fin del’Ancien régime, avec l’essor d’une architecture pénitentiaire indépendante et spé-cifique, d’abord au voisinage du Palais de Justice25 puis de plus en plus éloignée,cette nouvelle typologie ne remet pas en cause fondamentalement l’organisationspatiale du Palais de Justice élaborée dans la période précédente. Mais elle mani-

feste une radicalisation de l’expression architecturale qui correspond aux goûts etaux préoccupations de la période pré-révolutionnaire ainsi qu’à une idée de laJustice qui a perduré plus d’un siècle. Plusieurs traits essentiels caractérisent lesPalais de Justice édifiés depuis lors.

Il s’agit d’un bâtiment totalement autonome, isolé d’autres édifices publics,afin d’affirmer dans l’espace urbain la séparation des pouvoirs judiciaire et poli-tique. Sa volumétrie générale tend à se rapprocher de la forme cubique car « laforme d’un cube est le symbole de l’immutabilité... »26, comme l’explique Claude-Nicolas Ledoux qui précise par ailleurs que « la forme d’un cube est le symbole dela justice, on la représente assise sur une pierre carrée » 27.

22. Robert Jacob, Nadine Marchal-Jacob, « Jalons pour une histoire de l’architecture judiciaire »,loc. cit., p. 58.23. Nous faisons référence ici à la modernité telle que l’a définie Jean Baudrillard.24. Il est édifié par Jacques-Denis Antoine, Guillaume-Martin Couture, Pierre Desmaisons,Pierre-Louis Moreau-Desproux et alii.25. Le projet de Palais de Justice et de prison pour Aix-en-Provence par Ledoux, en 1784, estcaractéristique de cette évolution.26. Claude-Nicolas Ledoux, L’Architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et dela législation, Paris, 1804, 185, note 1.27. Claude-Nicolas Ledoux, L’Architecture considérée…, p. 115, note 1.

L Palais de justice de Paris.      D .      R .

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Il doit avoir une position dominante afin d’exprimer qu’au-dessus de l’agita-tion de la rue, le Palais de Justice est le lieu où se maîtrisent les passions et s’arbi-trent les conflits ; cette situation privilégiée dans le paysage urbain donne ainsil’image d’une Justice souveraine, trônant sur la place de la Ville, comme dans leprojet d’Étienne-Louis Boullée :

Pour donner toute la majesté convenable à ce palais, je le fais dominer sur cequi l’environne. Je l’ai élevé de manière qu’il parût appartenir aux cieux etqu’environné par la plus grande lumière, il en fut resplendissant28.

Cette absence de contact direct avec la rue implique l’établissement d’em-marchements pour atteindre le portique d’accès, dont le gravissement renforce lasacralité de l’édifice et évoque à la fois la force et la protection de la Justice.

Pour exprimer le caractère auguste et sacré de ce lieu, c’est naturellementl’image du temple qui s’impose. Le temple antique tout en faisant référence à l’idéedu Beau offre un modèle idéal pour évoquer la Raison et la Sagesse de la Justice qui« ne peut se concevoir qu’abritée derrière un fronton soutenu par des colonnes... »29.Mais pour conférer toute la gravité et la solennité nécessaire à l’action judiciaire,pour évoquer ce délicat dosage entre les rigueurs de la Justice, symbolisées par leglaive, et la mesure de ses arrêts, illustrée par la balance, l’ornementation architec-turale comme le décor intérieur se doit d’être d’une grande sévérité comme le pré-

conisait Étienne-Louis Boullée :Comme il est de fait que la noblesse majestueuse de l’architecture provient de lasimplicité des masses, je ne me suis permis aucune division dans la façade dupalais. C’est par la grande ordonnance de sa décoration que j’ai cherché à don-ner à ce monument toute la dignité qui doit le caractériser30.

Cette conception d’un bâtiment imposant, à la fois majestueux et austère per-dure jusqu’à la fin du XIXe siècle, comme en témoignent les propos de JulienGuadet, éminent professeur de théorie architecturale à l’École Nationale Supérieuredes Beaux-Arts depuis 1894 :

l’autorité de la justice ne peut que gagner à ce que la solennité de ses arrêts fût

confirmée, rehaussée même par la solennité grave et imposante d’une édificeimposant le respect31.

28. Étienne-Louis Boullée, Architecture, essai sur l’art . Textes réunis et présentés par Jean-MariePérouse de Montclos, coll. « Miroirs de l’art », Paris, Hermann, 1968, p. 113.29. Robert Badinter, La Justice en ses temples, op. cit., p. 12.30. Étienne-Louis Boullée, Architecture, essai sur l’art, op. cit., p. 113.31. Julien Guadet, Éléments et théorie de l’architecture, Paris, Librairie de la Constructionmoderne, Aulanier et Cie, 1899, t. II, pp. 435-437.

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À l’intérieur, les espaces et le décor reprennent en contrepoint ce thème de lamajesté austère. Dans une composition géométrique et symétrique rigoureuse, dontle modèle de référence peut être trouvé dans le projet lauréat de Louis-JosephBernard au concours de l’Académie de 178232, les salles d’audience s’inspirant desbasiliques romaines s’articulent autour d’une vaste salle des pas perdus dont lamonumentalité fait écho à celle des façades. Dans les chambres, le tribunal dominela salle et son Président occupe une position centrale à partir de laquelle tout s’or-donne, instituant ainsi une relation de domination du juge sur le justiciable quidevient ainsi l’humble sujet de l’autorité judiciaire.

Si le décor intérieur est moins parcimonieux qu’en façade, il n’en poursuit pasmoins le même discours sur un mode plus allégorique, la sévérité du décor en boissombre des salles évoquant l’inaltérabilité du chêne tandis que se multiplient à l’en-vie les symboles de la Justice : glaive et balance tenus par une Minerve casquée,lions faisant allusion à la majesté de la Justice, allégories des vertus judiciairescardinales (sagesse, prudence, fermeté, expérience), bustes ou portraits des grandslégistes anciens qui inscrivent la Justice dans la durée de la tradition historique, allé-gories peintes évoquant la puissance de la Justice (Justice poursuivant le crime, glo-rification de la Loi, etc.).

La persistance de ces formules héritées du XVIIIe siècle, en dépit des évolu-tions stylistiques du XIXe siècle, ne peut s’expliquer que par l’enjeu idéologique

de cette architecture. Si la maîtrise d’ouvrage des Palais de Justice est alors décen-tralisée, le contrôle des projets par le Conseil général des bâtiments civils et leministère de l’Intérieur permet à ce dernier d’imposer un modèle n’offrant que peude marges de variations ; le Palais de Justice doit en imposer, voire intimider dansl’intérêt de la Nation et, dans la logique de convenance stylistique propre à l’éclec-tisme, seul le néoclassicisme peut être admis pour exprimer le prestige du pouvoir

 judiciaire et marquer dans la ville son caractère immuable.

UNE IMAGE DE MODERNITÉ

Les Palais de Justice édifiés à partir des années Soixante rompent délibérémentavec ce répertoire formel et témoignent de la volonté de substituer à la représenta-

tion traditionnelle d’une Justice immuable et drapée dans sa dignité celle d’une ins-titution inscrite dans la modernité, ouverte aux évolutions de la société. Mais, dansun premier temps, l’adoption du répertoire de l’architecture moderne qui triompheau lendemain de la seconde guerre mondiale ne va pas sans une forte atténuation,

32. En 1782, le sujet du concours annuel de l’académie royale d’architecture était un palais de justice dont le programme définissait les pièces et espaces nécessaires sans préjuger de la forme ;il fut remporté par Louis-Joseph Bernard.

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voire la disparition, de la dimension sym-bolique et du caractère monumental decette architecture judiciaire. Certainestendances peuvent en effet être déceléesdans les constructions de cette époque,qui contribuent à désacraliser le Palais deJustice.

L’autonomie du bâtiment n’est plusla règle générale ; il peut être associé à

d’autres équipements administratifs et nebénéficie plus ainsi du superbe isolementqui le distinguait dans le paysage urbain.C’est le cas du Palais de Justice deNanterre (1969-1974) qu’AndréWogenscky

accole à la préfecture (1965-1972) qu’il achève au même moment. C’est aussi celuides Tribunaux d’instance et de grande instance d’Évry, qui s’intègrent dans la citéadministrative (1966-1976) édifiée par Guy Lagneau, Michel Weill et JeanDimitrijevic, et, dans une moindre mesure, du Palais de Justice de Créteil (1964-1978), par Daniel Badani et Pierre Roux-Dorlut, qui conserve son autonomie maisdont l’image est un peu amoindrie par la masse des bâtiments de l’université de

Paris-XII et la concurrence architecturale de ceux de la cité administrative autourdu lac.Alors qu’au XIXe siècle, le Palais de Justice est un des monuments essentiels

du centre ville, il peut être désormais implanté en périphérie urbaine, comme àBeauvais, et cet éloignement du cœur de la cité est ressenti comme une perte deprestige, le Palais de Justice devenant un équipement administratif et fonctionnelcomme un autre, phénomène renforcé à Beauvais par la transformation de l’ancienpalais en musée.

La liberté de composition des architectes du mouvement moderne, autoriséepar l’emploi du béton armé ou du métal, a pour conséquence un grand éparpille-ment typologique ; le volume parallépipédique et la symétrie traditionnelles du

Palais de Justice sont abandonnés ou conservés sans règle dominante et les partisarchitecturaux adoptés entraînent parfois la confusion avec d’autres programmes.C’est le cas du Palais de Justice de Lille où Jean Willerval et Marcel Spender adop-tent le principe d’un bâtiment bas formant socle, pour la salle des pas perdus et lessalles d’audience, surmonté d’une tour pour les bureaux ; or il s’agit là d’un sys-tème fort en vogue dans les années Soixante et qui est utilisé indifféremment pourdes préfectures comme celle de Nanterre, des hôtels de ville, comme celui deGrenoble (1965-1967) par Novarina, des immeubles de bureaux, comme la tour des

L Palais de justice de Lille.      D .      R .

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coopérateurs de Jarville (1968-1970) par Louis Fleck, des musées,comme celui des arts et traditionspopulaires (1959-1969) par JeanDubuisson.

Par ailleurs, tout le discoursallégorique et symbolique qui sedéployait auparavant sur les façadesou sur les murs et plafonds inté-

rieurs, est réduit à néant ou à sa plussimple expression du fait du goût dumouvement moderne pour les paroisnues ou animées par des jeux abs-traits de texture, de lumière ou de couleur33. La fonction pédagogique et symboliquedes composants architectonique ou ornementaux et du décor des anciens palais nesubsiste plus que de manière accessoire ou elliptique, comme dans l’entrée monu-mentale du Palais de Justice de Reims (1983) par Roman et N. Thiénot, les tapis-series de celui de Lille, dont certaines renouent avec la symbolique du chêne deSaint-Louis auquel font allusion, selon Robert Jacob et Nadine Marchal-Jacob34, lespiliers et les dalles-champignons de la salle des pas perdus d’Évry. Mais cette sur-

vivance ou ce renouvellement du symbolisme judiciaire n’est pas forcément per-ceptible par le public dont l’attention est détournée par la nouveauté de la compo-sition et la modernité des matériaux.

Les constructions érigées dans les années Soixante et Soixante-dix ont ainsipuissamment contribué à désacraliser la Justice en rejetant l’image d’un monu-ment dominant la ville. Il s’agit au contraire d’édifices clairs et lumineux, qui ten-dent à s’ouvrir sur la ville et sont revenus au niveau de la rue à partir de laquelle ilssont directement accessibles35. Mais avec la disparition d’une typologie spécifique etla dilution de la fonction symbolique on assiste à une banalisation de cette architec-ture qui n’est pas sans inquiéter le corps judiciaire. Celui-ci craint en effet que l’af-faiblissement de l’image architecturale de la Justice n’entraîne l’effacement de

valeurs plus profondes et ne porte finalement atteinte au fonctionnement de la justice.

33. On peut noter également une tendance à la disparition de l’enceinte boisée de la salle d’au-dience.34. Robert Jacob, Nadine Marchal-Jacob, « Jalons pour une histoire de l’architecture judiciaire »,loc. cit. pp. 60-67.35. Même quand des emmarchements subsistent, ils n’ont plus le caractère monumental desdegrés des anciens palais.

L Palais de justice de Reims.

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UNE CITÉ JUDICIAIRE

Cette banalisation de l’image de la Justice, l’appréhension et les réticencesenvers une architecture contemporaine jugée inégale et peu « parlante », où lareprésentation tend trop à se réduire à la simple expression logique d’un programmefonctionnel, ont amené la Chancellerie à engager un processus de réflexion surl’image que la Justice devait donner d’elle même à travers ses bâtiments. Il s’agis-sait de définir une monumentalité propre à la fonction du pouvoir judiciaire et quitraduise en même temps l’évolution de ses missions, en amont comme en aval.

C’est à l’occasion de la programmation du Palais de Justice de Nancy qu’un groupede travail réuni au ministère de la Justice aboutit, en 1974, au concept de cité judi-ciaire dont la portée programmatique est double.

Sur le plan fonctionnel, il s’agit de regrouper dans de grandes opérations des juridictions et des services dispersés sur plusieurs sites et/ou dans des locauxvétustes (Cours d’assises et d’appel, Tribunaux de grande instance, prud’hommes,etc.)36, afin de rationaliser le fonctionnement des juridictions par la mise en com-mun de certains services et une meilleure coordination entre les différents acteursde la justice.

Mais, au-delà de ces aspects pratiques, ce concept renvoie à l’idée d’une inser-tion plus étroite du pouvoir judiciaire dans la cité et le quotidien, afin de donner

l’image d’une justice démocratique, proche du peuple, sans pour autant laisser decôté la nécessaire monumentalité et la fonction symbolique qui doivent conférerau bâtiment une relative autonomie dans le paysage urbain.

C’est donc à un périlleux exercice d’équilibre que sont conviés les concepteurschargés de mettre en œuvre un savant dosage entre le monumental et l’intégrationurbaine, entre la gravité, la solennité du rituel judiciaire et l’atténuation de l’affir-mation de l’autorité de la Loi, tout en évitant de sacrifier la logique fonctionnelle àcelle de l’image et en veillant à concevoir une construction économe en coûts defonctionnement. La cité judiciaire de Senlis (1976-1980) est une des premières appli-cations de ce concept, avec son plan polycentrique et ses bâtiments à deux niveaux37.

Mais c’est celle de Draguignan (1978-1983), réalisée par Yves Lion, qui est laplus représentative des ambiguïtés de ce concept, à une époque où les architectes seposent la question de la monumentalité, de l’affirmation du bâtiment public, tout enrecherchant les voies d’un retour à « l’urbanité » dont Yves Lion est un ardent

36. Cette volonté d’un regroupement fonctionnel se heurte parfois à des résistances locales,comme à Lyon où la Cour d’appel et la Cour d’assises qui devaient s’installer avec le Tribunal degrande instance et le Tribunal de commerce dans la nouvelle cité judiciaire (1981-1995) ont fina-lement décidé, en 1994, de rester dans l’ancien palais en raison du prestige du lieu.37. Gérard Monnier, L’architecture moderne en France…, t. 3, op. cit., p. 171.

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défenseur sans pour autant rejeter le mouvement moderne. Il réalise ici ce qu’ilappelle une architecture de circonstance, fondée sur le jeu de l’insertion et de l’op-position. L’inscription urbaine se fait par le biais de deux ensembles de bâtimentsorthogonaux qui se coupent à angle biais en ménageant entre eux un espace résiduelet recréent un morceau de ville en occupant la quasi totalité de la parcelle triangu-laire restée vide jusque là, tandis que le terrain inoccupé à l’est est aménagé en jar-din public ; la longue façade répondant aux alignements de maisons de la rue PierreClément, celle plus morcelée sur le jardin renvoyant au bâti plus irrégulier de cecôté, la silhouette générale de l’ensemble qui reste dans le gabarit des constructions

environnantes, les toitures de tuile ou les placages de pierre sont autant d’élémentsqui contribuent à fondre le Palais de Justice dans son environnement. L’affirmationd’une expression monumentale se fait par le jeu de la géométrie rigoureuse desordres qui rythment les façades ou la saillie du portique précédant la cour d’hon-neur, allusions savantes aux modes de composition des anciens palais. Mais cerépertoire reste néanmoins d’une grande discrétion et c’est à l’intérieur que se mani-feste avec le plus d’évidence la monumentalité dans le traitement expressif des cir-culations en béton brut, la forte affirmation des structures de la salle des pas per-dus ou l’éclairage des salles d’audience. La réception de l’œuvre n’est cependantpas à la hauteur des ambitions de l’architecte.

L’édifice réalisé, une fois confronté à l’usage de professionnels de la justicecomme à l’opinion des habitants du quartier, met en évidence l’important déficitde la signification dans l’espace urbain et une faible attention aux critères de lapratique quotidienne : le médiocre éclairage des bureaux est en particulier très cri-tiqué ; à l’extérieur, la fragilité du parement de pierre agrafé, exposé, au niveau dela voirie, à des chocs qui étaient prévisibles, provoque des béances évidemmentincompatibles avec la dignité d’un édifice public majeur et de ses espaces publics,dont on a sous-estimé les problèmes de maintenance et d’entretien38.

Ce déficit de visibilité explique en partie la tendance qui se manifeste dans lesréalisations ultérieures à mieux affirmer la présence de l’édifice dans le contexteurbain39. Au Palais de Justice de Lyon (1981-1995)40, Yves Lion s’intègre dans laville en faisant dialoguer la longue façade de la rue de Créqui avec la ville ancienne,

celles sur la rue Duguesclin avec les constructions du quartier de la Part-Dieu etcelle en retour sur la rue de Bonnel avec des barres de logements voisines des

38. Gérard Monnier, L’Architecture moderne en France…, t. 3, op. cit., p. 172.39. C’est notamment le cas des cités judiciaires de Bobigny (1979-1987), Meaux (1980-1985),Dijon (M. Regembal et Claude Costantini, 1981-1989), Le Mans (A. Coutine et E. Avellaneda,1985), Clermont-Ferrand (Bernard Kohn, 1986-1992).40. Le concours a été remporté par Yves Lion en 1981, mais le projet est alors arrêté et n’est réac-tivé qu’en 1989, la construction se déroulant en 1994-1995.

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années Soixante. Mais le bâtiment affirme à l’extérieur sa monumentalité par songabarit supérieur, résultant d’une dérogation aux limites de hauteur fixées par lePOS41, et sa composition en peigne associant une barre de 120 mètres de long à trois« bastions » de huit étages, tandis qu’à l’intérieur, comme à Draguignan, la francheaffirmation des stuctures et des circulations en béton brut ou les éclairages zéni-thaux des salles d’audience contribuent à la dramatisation des espaces.

LA MAISON DES DROITS DE L’HOMME

Dans la dernière décennie, la réflexion sur l’image du Palais de Justice a connu

de nouveaux développements. Ils témoignent des inquiétudes et des questionne-ments de professionnels qui expriment leur lassitude de décors surannés et delocaux inadaptés et leur aspiration à une cadre plus fonctionnel mais qui sont par-fois perplexes face aux propositions des architectes contemporains et troublés parles mutations de la pratique judiciaire, tout en montrant une sensibilité nouvelle àl’enjeu symbolique des transformations en cours. La commande de la Chancellerieà l’Association pour l’histoire de la Justice d’une réflexion historique sur la nature,l’histoire et le rôle d’une architecture judiciaire, à la fin des années Quatre-vingt, estrévélatrice de ces interrogations, tout comme, plus récemment, la table ronde« Justice et architecture » d’octobre 1999, dans le cadre de la Semaine de l’archi-tecture à la Défense, ou le colloque du 12 mai 2000 sur la nouvelle architecture

 judiciaire, organisé par la DGPPE au Tribunal de commerce de Nanterre. De cesréflexions et débats se dégagent certains points essentiels qui sont étroitement liésaux évolutions de la politique judiciaire menée depuis les années Quatre-vingt-dix.

Les réformes entreprises et notamment celle de la carte judiciaire amènent àreconsidérer les implantations en fonction des évolutions démographiques ou éco-nomiques. Si la construction ou la rénovation de Palais de Justice rassemblant sousun même toit diverses juridictions est encore à l’ordre du jour, la Chancellerietend, depuis 1990, à ne plus en faire sa seule priorité ; elle cherche aussi à favori-ser une justice de proximité, dont sont représentatives les maisons de la justice et dudroit42, et à créer des lieux de justice spécialisés, comme le pôle financier installé

41. Le projet initial qui devait regrouper le plus grand nombre possible de juridictions respectaitles plafonds de hauteur imposée mais au prix de surfaces de bureaux insuffisantes (7 m 2 pourdeux). Lors de la réactivation du projet en 1989, le vice-président du Tribunal de grande ins-tance a obtenu de haute lutte que cette surface soit doublée, ce qui a nécessité d’élever la hau-teur de la construction au-delà de celle fixée par le POS.42. Nées de l’initiative d’un procureur de la République, en 1990, ce sont des lieux de justice pla-cés sous l’autorité des chefs de juridictions qui accueillent, informent et aident le public, notam-ment les victimes. Elles concourent à la prévention de la délinquance et au développement durèglement amiable des litiges. Vingt-neuf ont été créées (dont onze ouvertes depuis juin 1997),

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dans les anciens locaux du Monde dans le XIVe arrondissement de Paris43.Un deuxième axe de la politique récente est le souci de dédramatiser l’espace

pour le justiciable qui doit être mis au centre des préoccupations. Le directeur duservice judiciaire de la Chancellerie, Bernard de Gouttes, rappelait ainsi, en octobre1999, la nécessité de disposer d’un cadre qui ne soit pas trop pesant et solennel pourles audiences du juge des enfants ou de créer une ambiance susceptible d’atténuerla détresse humaine dans les affaires familiales. Toutefois cette dédramatisation nedoit pas se faire au détriment de la visibilité de l’édifice qui doit rester un monu-ment doué d’une forte image au cœur de la cité tout en étant l’expression de notre

époque.Il y a donc de la part de la Chancellerie une large appel aux architectes qui sont

conviés à inventer une rhétorique architecturale adaptée à notre temps, à rechercherde nouveaux symboles aptes à exprimer une image contemporaine de la justiceconforme à l’évolution de l’idée de justice, à son identité sociale. Toutefois lesconcepteurs se voient fixer trois grandes orientations idéologiques qui doivent lesguider dans l’élaboration des partis spatiaux et de la dimension symbolique de leurprojet.

Le Palais de Justice doit entretenir un dialogue avec la ville, non plus dans lesens d’une fusion discrète dans le tissu urbain mais dans celui d’un bâtiment ouvertaux particularismes locaux mais affirmant nettement sa qualité de monument

public.Il doit aussi favoriser et exprimer le dialogue entre le citoyen et l’institution ;il faut donc accorder prioritairement l’attention à l’accueil du public et du justi-ciable, moduler la nature des espaces et des ambiances en fonction de la situation

 judiciaire de ce dernier et prévoir des espaces de rencontre, de contact entre lecitoyen et l’institution. Il ne s’agit pas que de surfaces à trouver ; le cadre, l’am-biance architecturale jouent un rôle essentiel ici pour rassurer l’usager, atténuer lesangoisses et les tensions inhérentes à toute action judiciaire.

Il doit enfin exprimer la lumière et la transparence de la justice. C’est là unedemande nouvelle qui traduit les évolutions des pratiques judiciaires et les orienta-tions politiques définies par le Garde des Sceaux44 dans le cadre d’une réforme qui

ambitionne une justice plus accessible, rapide et égale pour tous ; la simplificationde certaines procédures, la prise en compte des évolutions de la société, dans le

douze sont en cours d’ouverture, vingt-deux en projet dans les ressorts des Cours d’appels deParis, Aix-en-Provence, Orléans, Versailles, Montpellier, Douai et Reims.43. Ancien immeuble du journal Le Monde, rue Falguière, par P. du Besset et D. Lyon, 1988-1990.44. Cf. à ce sujet la communication de Madame la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, auConseil des ministres du mercredi 29 octobre 1997, sur le site internet de la Chancellerie.

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domaine du droit familial ou de celui des sociétés notamment, la suppression des ins-tructions du Garde des Sceaux au Parquet dans les affaires liées à des personnalitéspubliques, témoignent d’une volonté politique de répondre aux attentes des citoyensd’une justice plus compréhensible et, en un sens, plus limpide et transparente.

Transparent, ouvert sur la ville, accueillant au citoyen, le Palais de Justice nedoit plus être ce temple de Thémis, symbole d’une justice distante du citoyen quiavait prévalu pendant plus d’un siècle, mais, comme le suggérait Bernard deGouttes à l’issue de la Table ronde « Justice et architecture », une « maison desdroits de l’homme ».

Les Palais de Justice édifiés dans la dernière décennie ou en chantier actuelle-ment apportent des réponses variées à ces orientations. L’originalité des partisarchitecturaux tient autant à la personnalité des maîtres d’œuvre qu’à la volonté dedialoguer avec un environnement urbain chaque fois spécifique et au souci de lamaîtrise d’ouvrage de ne pas retomber dans une typologie figée en profitant de lapluralité des expressions architecturales de cette fin de siècle. Mais en dépit de ladiversité des solutions imaginées par les architectes, certaines caractéristiques com-munes peuvent être dégagées qui témoignent d’une traduction plus ou moins expli-cite des grandes lignes fixées par la Chancellerie.

Contrairement à certaines réalisations antérieures, les Palais de Justice de ladernière décennie affichent franchement leur monumentalité et leur modernité. S’ils

entretiennent un dialogue avec l’environnement urbain ce n’est pas par un mimé-tisme formel mais par le respect d’un gabarit, comme à Montpellier45, ou quelquesallusions pas toujours perceptibles pour un œil non averti ; citons par exemple lesdômes en bois du Tribunal de grande instance de Bordeaux46 qui donnent la répliqueà deux tours médiévales en pierre, les lisses du Palais de Justice de Caen dont lasous-face visible par le piéton évoque la pierre du pays47, le traitement en parterre

45. Le concours lancé en septembre 1992 a été remporté par Bernard Kohn en février 1993 et le bâti-ment livré en 1996. Dans ce cas précis, la proximité du tissu existant et d’un site classé ont amené lemaître d’œuvre à privilégier le dialogue avec l’environnement plutôt qu’à accentuer la monumenta-lité ; l’édifice est décaissé par rapport au terrain naturel afin de respecter le panorama de l’esplanadede la place Royale tandis que le respect des alignements des constructions avoisinantes, la succes-

sion de cours en hémicycles offrant une respiration aux rues étroites qui encerclent la constructionet les revêtements de pierre dédramatisent la confrontation avec le tissu existant.46. Un premier projet de cité judiciaire, remporté par Jacques Hondelatte en novembre 1990, aété repoussé et le concours annulé par le ministère. En 1992, un nouveau concours, remportépar Richard Rogers, est organisé pour un bâtiment destiné au Tribunal de grande instance et àl’extension de l’École nationale de la magistrature, qui est mis en service en 1998.47. Le concours lancé en octobre 1992 a été remporté en juin 1993 par l’agence ArchitectureStudio et la bâtiment a été mis en service en 1997. L’écartement plus important des lisses imposéaux architectes pour des raisons de sécurité a sensiblement amoindri l’effet d’intégration au bâtienvironnant prévu dans le projet initial.

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minéral du toit-terrasse du Palais de Justice de Montpellier qui dialogue avec la pro-menade du Peyrou ou, au Palais de Justice de Grasse48, le traitement du béton dusocle du bâtiment ovale qui retrouve la matière des murs de soutènement de laville et les enduits peints qui en reprennent les couleurs dominantes.

Divers partis sont adoptés pour affirmer le Palais de Justice comme un monu-ment singulier : l’opposition de style ou d’échelle avec l’environnement, comme àBordeaux, Caen, Melun49 ou Montereau50, une volumétrie complexe traduisant laprésence de juridictions différentes, comme à Évreux51 ou Grasse, la situation domi-nante, comme à Nantes où Jean Nouvel installe le palais au sommet d’une légère

pente pour accentuer son caractère de bâtiment public face à la ville et à la placede la Petite Hollande sur l’autre rive.

L’inscription dans la modernité du temps est réalisée non seulement par le jeudes volumes ou l’affirmation des structures constructives mais aussi par la mise enœuvre de matériaux sophistiqués (fibre de verre et de carbone des lisses de Caen,verre extérieur attaché de Bordeaux) ou pouvant donner un air futuriste au bâtiment,comme dans les façades inclinées recouvertes de tôles d’aluminium laqué et devitrages extérieurs collés sombres du Palais de Justice de Caen, par le jeu des éclai-rages et des verrières, des jardins suspendus, des techniques de climatisation ou degestion informatisée du bâtiment.

Pour affirmer symboliquement la fonction judiciaire du bâtiment, certains

principes de composition des anciens palais sont remis à l’honneur mais transpo-sés dans le langage moderne. On renoue ainsi avec la surélévation du bâtiment au-dessus du niveau de la voirie, qui peut être faible, comme à Montereau et Nantes,ou plus accentuée, comme à Bordeaux ou Caen, et entraîne la réapparition d’em-marchements. Le thème du portique est également réintroduit avec de mincespoteaux supportant des auvents, comme à Melun ou Montereau, la mise en évi-dence de l’ossature porteuse formant comme un péristyle à Nantes ou le porchecoupant l’angle de la façade et encadrant l’escalier de l’entrée principale à Caen.L’arbre de justice qui symbolise les temps anciens où la justice était rendue enpublic à l’ombre d’un chêne est parfois mis à contribution, de façon littérale,comme avec le chêne planté au sommet du parvis à Montereau, ou plus allusive,

comme dans les arborescences des colonnes supportant l’auvent à Melun. Ce retouraux sources médiévales de la justice se retrouve également dans la tendance à dis-poser les salles d’audience comme des boîtes indépendantes qui ne sont pas sans

48. Le concours lancé en mai 1993 est remporté par Christian de Portzamparc et le bâtiment estlivré en septembre 1999.49. Il a été réalisé de 1995 à 1998 par Françoise Jourda et Gilles Perraudin.50. Mis en service en 1996, il a été réalisé par les architectes Olivier Brénac et Xavier Gonzalez.51. Mis en service en 1996, il a été réalisé par les architectes Jean Dubus et Jean-Pierre Lott.

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évoquer les plaids où se rendait la justice avant la fin du XIIe siècle. Curieusement,il semble que l’image d’une justice plus proche du peuple passe par la référence àune période où elle n’avait rien de démocratique, comme si le mythe ruskinien d’unâge d’or médiéval était encore vivace dans les esprits. Les arts plastiques peuventégalement être mis à contribution pour conférer sa dimension symbolique au bâti-ment, comme à Nantes où les deux journaux lumineux défilants de Jenny Holzerse veulent l’équivalent des sentences qui ornent les anciens palais.

Le traitement des espaces répond au souci de dédramatisation et de dialogueentre le citoyen et l’institution, exprimé par la Chancellerie. Les salles d’audience

sont le plus souvent visibles de la salle des pas perdus, soit que l’on puisse tournerautour comme à Bordeaux, Montpellier, Nanterre ou Nantes, soit qu’elles se maté-rialisent par le jeu de matériaux spécifiques comme à Caen (PVC bleu pour lespetites salles d’audience civile, cuivre pour la salle d’audience correctionnelle, teckpour la salle d’assises, marbre blanc pour le Tribunal de commerce) ; leur volumé-trie vient d’ailleurs parfois commander la composition ou percer la façade, commeà Bordeaux ou à Caen, pour affirmer leur présence dans la cité. Dans les salles despas perdus l’affirmation des structures et du béton tend à s’écarter du « brutalisme »de certains projets antérieurs ; des matériaux de revêtement variés viennent adouciret réchauffer ces vastes espaces, comme ceux qui signalent la nature des salles d’au-dience à Caen ou le bois qui enrobe les salles d’audience de Bordeaux, Montpellier

ou Montereau. Un large usage de la lumière naturelle, des perspectives ménagéessur la ville (Caen, Montpellier par exemple) ou une large ouverture sur celle-ci(Melun, Montereau, Nanterre, Nantes), des échappées sur un jardin (Grasse) contri-buent à éviter la sensation d’enfermement et à transformer la salle des pas perdusen une agréable galerie ou atrium où l’usager se repère facilement et est facile-ment guidé vers le bureau d’accueil. Dans les salles d’audience les revêtement debois sont revenus d’actualité, non le chêne sombre et sévère des palais du XIXe

siècle mais des essences claires qui réchauffent et apaisent l’atmosphère.Le thème de la transparence enfin est traité par la majorité des architectes par

le biais d’un large recours au verre qui laisse voir de l’extérieur les dispositifsinternes et la vie de l’édifice et ouvre largement sur la ville, jusqu’à laisser celle-ci

entrer visuellement dans le bâtiment comme à Nantes. C’est là une réponse un peulittérale et qui relève d’un symbolisme au premier degré dans le discours des archi-tectes quand, par exemple, Jean Nouvel explique que la transparence de son par-vis/salle des pas perdus veut donner l’impression que l’on est jugé sur la placepublique ou quand Olivier Brénac et Xavier Gonzalez déclarent qu’à Montereauils ont voulu « faire la lumière en architecture comme en justice ». À Caen, toutefois,les façades sont un écran opaque de l’extérieur et la transparence se joue à l’inté-rieur, dans l’atrium central où le visiteur bénéficie d’une percée sur la ville et

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Claude Loupiac, « Du temple de Thémis à la maison des droits de l’homme », S. & R., Oct. 2001, pp. 287-305.

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devine l’activité du bâtiment grâce aux coursives munies de stores en verre sablédesservant les bureaux aux étages. Parfois ce jeu sur la transparence peut prendreun sens ambigu comme à Bordeaux où les passerelles menant aux salles d’audiencesont comme autant de « Pont des Soupirs » que doivent franchir les justiciables.

Les nouveaux Palais de Justice tentent donc, en apportant chacun une réponsespécifique aux souhaits exprimés par la Chancellerie, de donner une image de la

 justice plus humaine, plus sereine, plus citoyenne et ouverte sur la ville. Pourtantles réalisations récentes ont une telle individualité qu’aucune typologie ne sedégage véritablement de cette production. De ce fait un passant non averti a souvent

du mal à identifier la nature du bâtiment, d’autant que l’inscription « Palais deJustice » ou « Tribunal » qui ornait les frises des anciens palais est souvent peuvisible dans les nouveaux bâtiments. Le thème même de la transparence sensé sym-boliser les nouvelles valeurs de la justice n’a rien de propre à l’architecture judi-ciaire puisqu’il se retrouve indifféremment dans des aérogares (Roissy II parexemple), des immeubles de bureaux, des hôtels industriels, des logements, etc.Quant à la réactualisation des symboles de la justice imaginée par les architectes iln’est pas sûr qu’elle soit perçue des habitants. Si les Palais de Justice récents s’ins-crivent bien dans l’espace urbain comme des bâtiments publics, ils sont loin de don-ner une image de la justice aussi évidente que celle des anciens palais et apparais-sent plus comme une collection de signatures architecturales. Tout le problème est

de savoir si un supplément de réflexion peut aboutir à une meilleure lisibilité duPalais de Justice comme monument spécifique ou si cette dernière ne peut êtreatteinte qu’au prix de variations limitées à partir d’un modèle représentatif, aurisque de tomber dans l’académisme architectural, comme au XIX e siècle. Mais sepose aussi la question de la légitimité d’une telle image et de la pertinence, à l’oréed’un nouveau millénaire, de la conception d’une architecture parlante et symbo-lique héritée de la tradition des Beaux-Arts. I

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