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330 J Chir 2007,144, N°4 • © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Staff public Pancréatite grave post-sphinctérotomie L. Dugué Service de Chirurgie digestive, Hôpital de Sainte Camille – Bry sur Marne. Correspondance : L. Dugué, Service de Chirurgie digestive, Hôpital de Sainte Camille – Bry sur Marne. Présentation du cas clinique Cette observation a été présentée au 2 e Congrès Francophone de Chirurgie Di- gestive et Hépatobiliaire, à Marne la Vallée, le 8 Décembre 2006 lors de la séance de dossiers cliniques. Le présentateur (Docteur Laurent Dugué) fait des propositions, discutées par les ani- mateurs (Docteur Dousset et Sauvanet) qui encouragent la salle à prendre la parole. Mots-clés : Pancréas. Traitement. Pancréatite. Laurent Dugué : « Voici l’observation d’un homme âgé de 59 ans qui n’avait pas d’antécédent, qui présente un ictère et un prurit. Cet ictère est exploré par une cholangio-IRM qui met en éviden- ce un aspect de sténose néoplasique (figure 1a). Sur la reconstruction on voit un aspect de sténose néoplasique du cholédoque intra pancréatique. On dis- tingue un nodule de 2 cm diamètre qui semble résécable (figure 1b) et les méde- cins qui s’occupent de ce patient déci- dent de mettre en place une prothèse dans le cholédoque. Malheureusement la mise en place de cette prothèse se complique d’une pancréatite nécrosante sévère. Le patient reste 7 jours en réa- nimation (la prévalence de cet accident est de 0,3 à 1 % dans la littérature) (figure 2). La première fois que le mala- de voit un chirurgien, c’est un mois et demi plus tard à la consultation. Il a toujours de la nécrose sur le scanner (figure 3) et il vous pose la question : que fait-on maintenant : 1) on attend ; 2) on fait une duodénopancréatectomie céphalique (DPC) ; 3) on fait une biop- sie puis une chimiothérapie ? » Docteur Sauvanet : « C’est donc un malade qui vous est adressé à la consul- tation avec un très probable adénocar- cinome de la voie biliaire ou de la tête du pancréas ; malheureusement assor- ti de quelques lésions de pancréatite aiguë nécrosante secondairement à la pose d’une endoprothèse biliaire. Que décidez-vous de faire ? Le patient va bien, la prothèse fonctionne ; il est possible que la tumeur n’ait pas été détruite complètement par la nécrose pancréatique. Comment sont les voies biliaires ? » Laurent Dugué : « Elles sont bien drainées. » Docteur Dousset : « Je demande au docteur Elias de l’Institut Gustave Roussy s’il ferait une radiochimio- thérapie sans diagnostic ? » Docteur Elias : « J’attendrais au moins un peu que cela s’arrange localement… Je ne sais pas ce qu’il a ! Il n’y a pas d’his- tologie, et dans le doute au vu aussi la première complication… » Docteur Cherqui : « En effet on de- manderait volontiers au docteur Elias s’il ferait une radiochimiothérapie d’em- blée… » Figure 1 : Cholangio-IRM initiale : sténose néoplasique (flêches). a b

Pancréatite grave post-sphinctérotomie

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Staff public

Pancréatite grave post-sphinctérotomie

L. Dugué

Service de Chirurgie digestive, Hôpital de Sainte Camille – Bry sur Marne.

Correspondance :

L. Dugué, Service de Chirurgie digestive, Hôpital de Sainte Camille – Bry surMarne.

Présentation du cas clinique

Cette observation a été présentée au 2

e

Congrès Francophone de Chirurgie Di-gestive et Hépatobiliaire, à Marne la Vallée, le 8 Décembre 2006 lors de la séancede dossiers cliniques.Le présentateur (Docteur

Laurent Dugué

) fait des propositions, discutées par les ani-mateurs

(Docteur Dousset et Sauvanet)

qui encouragent la salle à prendre la parole.

Mots-clés :

Pancréas. Traitement. Pancréatite.

Laurent Dugué :

« Voici l’observationd’un homme âgé de 59 ans qui n’avaitpas d’antécédent, qui présente un ictèreet un prurit. Cet ictère est exploré parune cholangio-IRM qui met en éviden-ce

un aspect de sténose néoplasique

(

figure 1a

)

. Sur la reconstruction on voitun aspect de sténose néoplasique ducholédoque intra pancréatique. On dis-tingue un nodule de 2 cm diamètre quisemble résécable

(figure 1b)

et les méde-cins qui s’occupent de ce patient déci-dent de mettre en place une prothèsedans le cholédoque. Malheureusementla mise en place de cette prothèse secomplique d’une pancréatite nécrosantesévère. Le patient reste 7 jours en réa-

nimation (la prévalence de cet accidentest de 0,3 à 1 % dans la littérature)

(figure 2)

. La première fois que le mala-de voit un chirurgien, c’est un mois etdemi plus tard à la consultation.Il a toujours de la nécrose sur le scanner

(figure 3)

et il vous pose la question : quefait-on maintenant : 1) on attend ; 2) onfait une duodénopancréatectomiecéphalique (DPC) ; 3) on fait une biop-sie puis une chimiothérapie ? »

Docteur Sauvanet : « C’est donc unmalade qui vous est adressé à la

consul-tation avec un très probable adénocar-cinome de la voie biliaire ou de la têtedu pancréas ; malheureusement assor-

ti de quelques lésions de pancréatiteaiguë nécrosante secondairement à lapose d’une endoprothèse biliaire. Quedécidez-vous de faire ? Le patient vabien, la prothèse fonctionne ; il estpossible que la tumeur n’ait pas étédétruite complètement par la nécrosepancréatique. Comment sont les voiesbiliaires ? »

Laurent Dugué :

« Elles sont biendrainées. »

Docteur Dousset : « Je demande audocteur Elias de l’Institut GustaveRoussy s’il ferait une radiochimio-thérapie sans diagnostic ? »

Docteur Elias :

« J’attendrais au moinsun peu que cela s’arrange localement…Je ne sais pas ce qu’il a ! Il n’y a pas d’his-tologie, et dans le doute au vu aussi lapremière complication… »

Docteur Cherqui :

« En effet on de-manderait volontiers au docteur Eliass’il ferait une radiochimiothérapie d’em-blée… »

Figure 1 : Cholangio-IRM initiale : sténose néoplasique (flêches).

a b

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Figure 2 : Scanner : pancréatite aiguë après cholangiopancréa-tographie rétrograde endoscopique suivie de sphinctérotomie et mise en place d’une endoprothèse.

Figure 3 : Scanner : 1,5 mois après la cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique.

Docteur Elias :

« Je téléphonerai audocteur Cherqui pour savoir ce qu’ilferait ! »

Docteur Sauvanet : « Donc il y a dis-cussion dans le Val de Marne qui nerèglerait pas encore le problème ! »

Docteur Sauvanet : « Dans la salleon demande une écho-endoscopieavec biopsie, donc on recherche lapreuve du cancer. C’est la troisièmeproposition. »

Laurent Dugué :

« C’est ce que l’on aproposé au patient mais il a refusé l’écho-endoscopie avec biopsies parce que il aeu peur d’avoir une pancréatite… »

Docteur Husson :

« Une cytologiedans la prothèse, ça ne peut pas apporterdes éléments et le CA 19,9 ? »

Laurent Dugué :

« La cytologie a étéfaite, mais c’était négative. »

Laurent Dugué :

« Et le CA 19,9 étaitnormal. »

Docteur Pessaux :

« J’essaie de trouverune preuve histologique, donc je propo-se des biopsies et sinon j’attends. »

Docteur Sauvanet : « Combien l’at-tente ? Jusqu’à Noël… »

Docteur Pessaux :

« Il faut faire uneréévaluation scanographique. »

Docteur Dousset : « Quelqu’un a-t-ilune idée différente des 3 propositions.Est ce quelqu’un sans peur et sanshonte propose-t-il une exérèse ? »

Docteur Baulieux :

« Je pense que lasituation mérite une exploration. Il estsans doute possible de l’opérer. Il y asans doute une réaction inflammatoiremais après avoir pris des précautions sur

le moignon pancréatique, cela devraitbien se passer. »

Docteur Dousset : « Comme diraitle docteur Masson, il s’agirait plutôtun stade 2b pour l’anastomose »

Docteur Sauvanet : « Un 2c ou un2d, plutôt je pense »

Docteur Le Treut :

« Je pense qu’il yaurait intérêt à lui faire une radiochi-miothérapie

avant

. Je sais bien que le

Figure 4 : Scanner à 2,5 mois.

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Pancréatite grave post-sphinctérotomie

L. Dugué

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problème de la preuve est crucial, maiscela peut peut-être se négocier avec lesoncologues ? »

Docteur Cherqui :

« On a fait des né-gociations avec les oncologues, dans cetype de situation, et il est arrivé qu’il n’yait rien sur la pièce… (c’était peut être lachimiothérapie, mais peut-être pas…) »

Laurent Dugué :

« Là on ne pouvaitpas avoir de preuve histologique puis-que le patient refusait l’écho-endosco-pie. On a donc attendu un mois de plus,on a fait un scanner

(figure 4)

; et uneécho-endoscopie a finalement été réali-sée. Elle a montré que la lésion avaitgrossi d’environ 5 mm. Cette fois le pa-tient a accepté la biopsie, qui a été réa-lisée difficilement car la prothèse a gênéle repérage de la lésion. Finalement lediagnostic de cholangiocarcinome a étéporté et 4 cycles de gemcitabine ont étéréalisés. »

Docteur Husson :

« Au vu du Scan-ner, le patient n’était-il pas vraimentopérable ? »

Docteur Sauvanet : « Pouvez-vousnous faire quelques commentairessur cette imagerie scannographique. »

Laurent Dugué :

« On n’a pas toutesles coupes. Il y avait de la nécrose un peuplus haut mais effectivement c’était unepossibilité. On avait noté qu’entre les2 scanners il avait eu une histoire natu-relle favorable. On avait l’impressionque la nécrose régressait et on espérait,avec cette chimiothérapie, qu’elle ré-

gresse quasiment complètement pourpouvoir l’opérer dans de bonnes condi-tions. »

Docteur Sauvanet : « Mais peut êtreen reste-il un peu devant la veinemésentérique ? »

Docteur Hammoud :

« Moi je conti-nuerai la chimiothérapie et réévalueraiultérieurement. »

Docteur Cherqui :

« Vous nous avezdit cholangiocarcinome ; c’est un can-cer de la voie biliaire principale, ounon ? »

Laurent Dugué :

« C’est un cancerintrapancréatique. »

Docteur Cherqui :

« C’est donc uncancer du cholédoque. »

Docteur Le Treut :

« Si c’est un cho-langiocarcinome je crois qu’il fautl’opérer car ce n’est pas la radiochimio-thérapie qui va améliorer les choses… »

Docteur Dousset : « Cholangiocar-cinome, ASCO, radiochimiothéra-pie ; effet = 0 »

Docteur Sauvanet : « Il y a aussid’autres papiers qui suggèrent que lecomportement du cholangiocar-cinome et de l’adénocarcinome pan-créatique ne sont pas extrêmementdifférents. Ce que vous dites est dé-battu ; un traitement néoadjuvantpeut être utile… Certes, ce n’est pas

à proprement parler un vrai traitement

Figure 5 : Scanner à 5 mois (après 4 cures de de chimiothérapie).

néoadjuvant ; on essaie simplementd’attendre des jours meilleurs… Jecrois que c’est cela l’indication. »

Docteur Gainant :

« Il y a un nouveauscanner et il semble que le malade de-vienne opérable et qu’après la chimio-thérapie il faudra essayer de faire l’exé-rèse. »

Laurent Dugué :

« C’est effective-ment l’aspect scannographique à 5 moisde la pancréatite, après 4 cures de gem-citabine

(figure 5)

. Là il semble qu’ilpersiste toujours de la nécrose mais ona l’impression que cela n’évolue plus, eton décide de proposer au patient uneDPC. On avait conscience que ce ne se-rait pas une opération simple donc,pour la faire, on a invité un chirurgienqui en fait beaucoup et qui fait très biencette opération, qui est dans la salle (

doc-teur Sauvanet, NDLR

). D’emblée onconstate des lésions inflammatoires (onn’a pas regretté l’invitation…) et, aprèsla section de l’isthme du pancréas, uneplaie de la veine mésentérique supérieu-re survient par désinsertion du troncgastro-colique de Henlé

(figure 6)

. À cemoment de l’opération, la lame rétro-portale n’est pas encore sectionnée et ledécroisement n’est pas effectué, le bordgauche de la veine mésentérique supé-rieure n’est pas libre.Comment traitez-vous cette complica-tion hémorragique ? »

Docteur Dousset : « Si on résumepartiellement et il y a un certainnombre de chirurgiens qui saventfaire “un peu” ici. On n’est pas dans

Figure 6 : Temps difficile de la duodé-nopancréatectomie céphalique : plaie de la veine mésentérique supérieure.

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une DPC pour pancréatite chronique,on est dans une DPC avec pancréa-tite aiguë. La pièce est loin d’êtremobilisée et la veine porte est ouver-te en deux ; attitude pratique ? »

Docteur Kianmanesh :

« Si c’estpossible on met un clamps total sousla veine splénique et la veine portepour pouvoir préserver le flux portedans un premier temps. On fait ensui-te une libération complète de la racinedu mésentère et, si c’est possible, on faitle tour de la veine. Déjà ça peut dimi-nuer l’ensemble de l’hémorragie, donc :clampage au dessus en préservant leflux de la veine splénique et en dessouslà où on peut, même en passant en for-ce… »

Docteur Cherqui :

« On peut propo-ser de mettre une sonde de Foley danschaque extrémité, de les gonfler, ce quipermet de disséquer et de voir venir. »

Docteur Sauvanet : « Un nœud ? »

Docteur Baulieux :

« Récemment j’aiété appelé au bloc opératoire pour unesituation identique et avec deux sondesde Fogarty n

°

6, j’ai réussi à faire une hé-mostase temporaire, disséquer, contrô-ler l’amont, l’aval. J’ai mis ensuite unpetit greffon de veine fémorale superfi-cielle pour remplacer le segment quiétait complètement inutilisable. »

Docteur Dousset : « Vous avez l’ha-bitude de mettre le creux inguinaldans le champs opératoire ? »

Docteur Baulieux :

« Cela ne m’a paspris beaucoup de temps de préparer lapeau, à travers les champs, de faire uneasepsie rapide. »

Docteur Sauvanet : « C’est une op-tion de la suturer ; pour l’instant leproblème est réglé avec le doigt… »Docteur Le Treut :

« On peut tenterun petit surjet hémostatique temporai-re, tasser un peu et faire le tour parl’autre coté en attendant que cela secalme. Y a-t-il eu une avulsion complèteou c’est une plaie longitudinale commesur le dessin ? »

Docteur Sauvanet : « C’est commesur le dessin. »

Docteur Le Treut :

« Sur le dessin ondirait qu’elle est prête à être suturée,mais c’est le dessin ! »

Docteur Dousset : « Nos doigts, ungros “suceur” et 2 sutures »

Docteur Cherqui :

« La situation estvraiment comme ça ? C’est-à-dire quele pancréas est sectionné, on est d’ac-cord, (

“oui” des modérateurs

). On a unaccès visuel sur la plaie, en dehors del’hémorragie qui est massive, et effecti-vement soit on peut suturer immédiate-ment, quitte à ce que ce soit sténosant,

pour faire l’hémostase temporaire, etvoir après. Les sondes à ballonnet, c’estce que l’on connait dans la transplanta-tion, quand on veut faire des désobs-tructions portales qui sont parfois diffi-ciles, comme la Fogarty occlusive, sontdes solutions possibles. Ce qu’il fautc’est assurer l’hémostase qui permettede voir correctement la plaie et la sutu-rer. Mais il est difficile de donner uneattitude univoque, c’est vraiment trèsdépendant de la situation. »

Docteur Kianmanesh :

« Si vous vou-lez garder le flux splénique, et donc lamésentérique inférieure et qu’il n’y apas de chirurgie antérieure colique, onpeut quasiment clamper la veine juste auniveau du détroit, les 2 veines probléma-tiques seront les 2 veines pancréatico-jéjunales, qui vont à la partie latéralejuste sous la splénique donc à priori onpeut rester des heures comme ça. Onpeut mettre un nœud au dessous, dumoment qu’on a un clamp juste au des-sus de la plaie, cela ne saigne pas énor-mément. »

Docteur Dousset : « Je vous rappellequ’il y a une DPC à achever, desanastomoses à faire et je vous rap-pelle avec sagesse un célèbre adagequ’on nous a appris très tôt : “le plusdifficile quand on a fait une connerieen per-opératoire c’est de ne pas im-médiatement enchaîner sur la sui-vante”. »

Figure 7 : Schéma opératoire : contrôle de l’hémorragie par sonde de Fogarty (sv : veine splénique ; smv : veine mésentéri-que supérieure).

Figure 8 : Solution opératoire « choisie » : suture longitudinale de la plaie.

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Pancréatite grave post-sphinctérotomie

L. Dugué

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Laurent Dugué :

« Effectivement pource qui est de l’occlusion par sonde deFogarty. Il y a une publication de Fujino

et al.

[Dig Surg 2000] qui rapporte latechnique

(figure 7)

. Comme on peut levoir sur le schéma, il faut quand mêmeun contrôle en amont et en aval. Lecontrôle sur le tronc porte on l’avait, enrevanche le contrôle sur la veine mésen-térique on ne pouvait pas vraiment l’ob-tenir. On y a pensé en per opératoire,mais ce n’est pas cette technique qui aété appliquée. En fait, c’est la solutiondu surjet qui a été retenue

(figure 8)

.L’hémostase a été très satisfaisante,mais il s’est rapidement produit une is-chémie du territoire mésentérique su-périeur et la conséquence, un état dechoc sévère. Le grêle était tout bleu etle colon droit aussi… »

Docteur Dousset : « Nous sommedonc dans la phase 2, “la suivan-te”… »

Docteur Elias :

« Éventuellement cequi est faisable – je l’ai fait à 2 reprises– c’est de disséquer la veine mésentéri-que supérieure et de mettre un drainn

°

20 à 25 dans cette veine qui rejointle recessus de Rex, que l’on reperméa-bilise et qui fait un shunt, le temps detravailler dans la région et de se mettreà jour. Je le positionne et le fixe avec unlacs mouillé. »

Docteur Sauvanet : « Mais il fauttout de même faire le tour de laveine… »

Docteur Elias :

« Oui, c’est vrai… »

Laurent Dugué :

« Il y avait deux pro-blèmes. Il fallait traiter l’hypertensionportale (HTP) aiguë et puis finir l’opé-ration. Pour traiter l’HTP aiguë, c’estdécrit dans l’EMC [Jaeck et Boudjema],on peut faire une dérivation porto-systémique d’attente. Il faut avoir uneveine mésentérique mobile, c’est-à-direpouvoir la réimplanter dans la veine ca-ve. Là ce n’était pas possible. L’autrepossibilité est celle d’un shunt entre uneveine jéjunale et la veine fémorale, viala veine saphène, ce qui permet de finirla DPC dans de bonnes conditions

(figure 9)

. Le fait que la veine saphènene soit pas dans le champ nous a freinéet on a donc décidé de poursuivre laDPC.L’ischémie portale a duré environ 2 heu-res. Pour réparer la veine, un patch vei-neux a été réalisé, en utilisant la veinegonadique, qui était facile d’accès, puis-que la veine cave était disséquée

(figure 10)

. Cette plastie a eu pour effet,la disparition de la stase veineuse maisl’œdème du grêle a persisté et l’état dechoc aussi.Il fallait ensuite rétablir la continuitépancréatico-digestive. Le moignon pan-créatique était fibreux, il adhérait à laveine splénique et à chaque fois qu’onessayait de le mobiliser cela ressaignait.

L’œdème du grêle était important etl’arrière cavité des épiploons était sym-physée par la pancréatite.Comment envisagez-vous le rétablisse-ment de la continuité pancréatico-digestive ? »

Docteur Letoublon :

« Je fais ce qu’onappelle une laparotomie écourtée, cequi correspond à se “barrer”, c’est-à-dire à mettre des champs. Le malade neva pas bien, il a un œdème du grêle trèssévère, on sait que ces œdèmes en quel-ques heures peuvent s’améliorer. Si onaméliore l’état général du malade, leréanimer pendant quelques heures,peut le transformer. Il va falloir le re-prendre quelques heures plus tard, peutêtre avec une saphène préparée etd’autres aides… »

Docteur Le Treut :

« On ne peut pasbrancher le pancréas sur l’estomac ? »

Laurent Dugué :

« Non c’est techni-quement impossible. »

Docteur Gainant :

« On peut essayerde mettre un petit drain dans le canalde Wirsung et l’extérioriser à la peau defaçon à créer une fistulisation dirigée. »

Docteur Wind :

« Ce malade, vous luiavez déjà sauvé la vie. Est-il vraiment in-dispensable de s’occuper de l’anastomo-se pancréatico-jéjunale ? Et finalementne faut-il pas attendre comme cela a étéproposé précédemment et ne pas faired’anastomose et de drainer le canal deWirsung comme cela a été dit ? »

Docteur Le Treut :

« On peut imagi-ner de glisser un tuteur dans le canal deWirsung, de drainer par la gauche et defermer le côté droit pour éviter la fistulepancréatique sur le patch veineux, qui aété difficile à mettre et dont on a peurqu’il lâche. Cela résout déjà le problèmede l’écoulement pancréatique. Puis onpeut envisager le reste du rétablisse-ment qui est possible même avec unœdème du grêle, enfin sauf si le grêleest non mobilisable. »

Docteur Dousset : « Sur le plantechnique, si j’ai bien compris cedossier, le drainage par la gauche,après cette pancréatite d’une régiongauche totalement symphysée, celane va pas être évident… »

Figure 9 : Dérivation possible pour trai-ter l’hypertension portale aiguë : shunt véno-veineux porto-systémique.

Figure 10 : Solution opératoire rete-nue : patch veineux (veine gonadique).

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Docteur Le Treut :

« Oui, mais rienn’est évident dans ce dossier… »

Laurent Dugué :

« Effectivement onn’a pas fait d’anastomose. On a suturéle canal de Wirsung et suturé la tranchepancréatique.Il y a un papier publié sur le sujet, quicomporte 6 patients dont le profil res-semble vraiment au notre, en état dechoc avec un estomac et un grêle inuti-lisables [Fromm

et al.

J Am Coll Surg2003]. Aucun patient n’est décédé.Dans les suites il y a eu 2 fistules, 3 pan-créatites aiguës, dont une a nécessitéune intervention. Finalement à distan-ce, des résultats n’étaient pas si mauvaisque cela, avec un pseudokyste qui a dis-paru spontanément.En dehors de l’urgence, quand on ne faitpas d’anastomose pancréatico-jéjunale,voilà ce qui se passe : c’est une étuderandomisée publiée dans Annals of Sur-gery en 2002 [Tran

et al.

Ann Surg2002], qui compare un groupe de 83 pa-tients, qui ont eu une anastomose, à ungroupe de 86 patients, qui n’en n’ontpas eu. Les suites sont plus simplesquand on fait une anastomose ; ceux quiont eu une occlusion du canal de Wir-sung font une fistule pancréatique ex-terne dans 17 % des cas. Mais la grandedifférence est à distance de l’interven-tion, puisque quand on ne fait pasd’anastomose il y a plus de risque de dia-bète. Un tiers de ces patients ont pré-senté un diabète à distance contre 14 %seulement en cas d’anastomose.

Enfin, la continuité digestive a été rétablie.On a fait une anastomose gastro-jéjunaleet une anastomose hépatico-jéjunale. »

Docteur Sauvanet : « La plus grandedifficulté était l’accès à la face posté-

rieure de la tranche pancréatiqueavec la veine splénique. »

Laurent Dugué :

« Finalement ce pa-tient a eu des suites simples sur le plandigestif. Il a fait une fistule pancréatiqueexterne, qui n’a duré que 6 semaines. Enrevanche il a fait des complications sep-tiques au moment à un endroit où on nel’attendait pas. Il a fait une dizaine d’ab-cès au cerveau, par greffe bactérienne,attribuée à la tranlocation liée au clam-page portal

(figure 11)

. Ils ont guériaprès quelques semaines d’antibiotiques.Et je vous propose les conclusions sui-vantes : la pancréatite aigue nécrosanteest une conséquence grave de l’endo-prothèse biliaire avant DPC. La DPCaprès pancréatite aiguë est une opéra-tion difficile. Il faut avoir du temps, dumatériel humain, et même veineux…

En situation difficile, l’absence d’anas-tomose pancréatico-digestive est unealternative acceptable. »

Docteur Dousset : « Juste unequestion précise à vous poserpuisque vous avez revu la littéra-ture. Pour les rares situations oùl’on s’abstient de faire l’anasto-mose, vaut-il mieux suturer, drai-ner au contact, ou drainer et fairecomme le suggérait le docteur LeTreut un drain de Wirsungosto-mie ? »

Laurent Dugué :

« Le seul papierqui correspond vraiment à la situationdécrite dans le cas présent, proposaitla suture : ligature du canal de Wir-sung et suture. »

Figure 11 : Suites opératoires : abcès du cerveau.