14
PAROLES DE PAYSANS PAROLES DE PAYSANS PAROLES DE PAYSANS PAROLES DE PAYSANS M’Hamed Ou Bassou, M’Hamed Ou Bassou, M’Hamed Ou Bassou, M’Hamed Ou Bassou, pasteur du Haut-Atlas marocain Prawiro, Prawiro, Prawiro, Prawiro, riziculteur javanais Bert, Bert, Bert, Bert, producteur de fleurs hollandais Amidou, Amidou, Amidou, Amidou, paysan burkinabé Dale, Dale, Dale, Dale, producteur de maïs et de soja dans l’Illinois (USA) Chava Martinez, Chava Martinez, Chava Martinez, Chava Martinez, paysan mexicain Gaston Bivina, Gaston Bivina, Gaston Bivina, Gaston Bivina, planteur de cacao dans le Sud Cameroun

Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

PAROLES DE PAYSANSPAROLES DE PAYSANSPAROLES DE PAYSANSPAROLES DE PAYSANS

M’Hamed Ou Bassou, M’Hamed Ou Bassou, M’Hamed Ou Bassou, M’Hamed Ou Bassou, pasteur du Haut-Atlas marocain

Prawiro, Prawiro, Prawiro, Prawiro, riziculteur javanais

Bert, Bert, Bert, Bert, producteur de fleurs hollandais

Amidou, Amidou, Amidou, Amidou, paysan burkinabé

Dale, Dale, Dale, Dale, producteur de maïs et de soja dans l’Illinois (USA)

Chava Martinez, Chava Martinez, Chava Martinez, Chava Martinez, paysan mexicain

Gaston Bivina, Gaston Bivina, Gaston Bivina, Gaston Bivina, planteur de cacao dans le Sud Cameroun

Page 2: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

Le souk de Zaouia Ahansal, c'est au moins à 4 heures de mulet. Je suis parti ce matin en pleine nuit. C'est toujours comme ça, en juillet, il y a du monde, il faut arriver le premier. Un boucher de Beni Mellal m'a acheté mes 6 agneaux... . 3OOO dirhams ! j'ai tout dépensé. J'ai pris de la farine. C'est pour le pain. J’ai pris de l'orge. On en fait un peu mais pas assez. Il en faut pour nous, mais surtout pour le mulet. Lui, il marche à l'orge, c'est comme l’essence pour la voiture. J'ai ramené aussi du sucre, du thé, des gâteaux, de la viande de mouton, de la lessive. Et puis ça, c'est une bouta (...) oui une bouteille de gaz, et là, un harnais neuf avec le mors pour le mulet. J'ai fait recharger la batterie pour la télé. Et vous savez, mon fils Hammou, qui s'occupe des bêtes, va bientôt se marier. Alors j'ai acheté un tapis. Demain, on monte tous à l'Almou, c'est la fête au pâturage. Le soir, on enfume les moutons et les chèvres. Tout le monde fait ça. C'est bon pour leur santé, pour la baraka. Il y aura du monde, 20 tentes des Aït Atta du Sahara, plus de 30 des Aït Atta de chez nous... Et les troupeaux, 7 ou 8 000 têtes !:.. Ca va faire des histoires ! Sûrement que le caïd va monter, il va menacer de prison 2 ou 3 bergers. Bah, c'est toujours comme ça. On a toujours des problèmes avec les gens du sud. Nous, on voudrait cultiver les terres d'en bas, elles sont riches, mais eux sont pas d'accord. Il leur faut 8 jours pour venir à pied, alors ils ne peuvent pas cultiver. Eux, c'est l'herbe qui les intéresse. Enfin, on se supporte, mais il n'y a pas assez

M'hammed Ou Bassou, M'hammed Ou Bassou, M'hammed Ou Bassou, M'hammed Ou Bassou, pasteur du Hautpasteur du Hautpasteur du Hautpasteur du Haut----Atlas Atlas Atlas Atlas

marocainmarocainmarocainmarocain

De l'Afrique du Nord à l'Asie Centrale, le pastoralisme montagnard est caractérisé

par des déplacements "verticaux" de troupeaux ovins et caprins entre la plaine,

l'hiver, et la montagne, l'été. Familles et bergers vivent une partie de l'année sous

des abris légers (tentes, cabanes...), circulant ainsi entre deux zones

complémentaires. C'est la transhumance.

Page 3: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

d'herbe pour tout le monde. Moi, fin août, je redescends les troupeaux sur les chaumes à Toujjoudine, au village. C'est là qu'on habite avec toute la famille. On cultive l'orge et on garde les récoltes. C'est mon fils Moha qui s'en occupe. Avant, il y avait un grenier collectif. Maintenant, c'est chacun pour soi. En hiver, Hammou descend le troupeau à Adoumbaz. Il va avec sa mère et les filles. C'est tout en bas dans la forêt, près de la rivière. On a un "azib" de construit. Oh, c'est pas grand chose, juste 4 murs et un toit. Y a trop de neige ici pour les troupeaux... Alors juste en bas y’a du feuillage pour tout le monde. C'est le paradis des chèvres... Mais attention au forestier. Il faut vite faire disparaître la hachette quand il arrive. Mais les filles courent vite heureusement, surtout Touda.... elle est maligne. Pour le bois c'est, pareil, les femmes y vont deux fois par semaine, trois fois même l'hiver... Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la petite cuisine, 1'eau du thé, et pour l'éclairage. En mars, la neige est fondue sur l'Almou, on remonte d'abord avec les moutons, puis après avec les chèvres... Elles n'aiment pas le froid. Au 15 avril quand on ferme l'Almou, plus question de rester sur place... Y a un gardien... Et puis tout le monde se surveille. Alors on part à Erdouz en attendant l'ouverture du pâturage. Ho ho ho... Les mouches l'énervent. Bon, j'y vais, faut que je passe encore chez le forgeron récupérer le soc de l'araire. La semaine prochaine avec Moha - c'est mon aîné - on laboure près de la maison pour semer des navets. Allehenekoum!

Voix originale : Mohamed Ouhadda . Etudiant marocain au CNEARC. Montpellier

Page 4: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

L'étranger : Quel âge avezL'étranger : Quel âge avezL'étranger : Quel âge avezL'étranger : Quel âge avez----vous monsieur Prawiro ? vous monsieur Prawiro ? vous monsieur Prawiro ? vous monsieur Prawiro ?

Prawiro : J'ai une cinquantaine d'années. Je suis né pendant l'occupation japonaise... vers 1943, je crois. Vous savez, il n’y avait pas d'état civil, à l'époque. Nos parents ne notaient que le jour de la semaine. L'année n'avait aucune importance. Maintenant, c'est très différent. J'étais le plus jeune de sept frères et soeurs. Mais on était rarement plus de cinq à la maison. Quand j'étais enfant, les plus grands avaient déjà quitté le village, et ne revenaient qu'à l'occasion des fêtes. Mais là, on pouvait être plus de vingt à la maison.

On dit que c'est toujours le plus jeuOn dit que c'est toujours le plus jeuOn dit que c'est toujours le plus jeuOn dit que c'est toujours le plus jeune d'une famille qui reprend les ne d'une famille qui reprend les ne d'une famille qui reprend les ne d'une famille qui reprend les terres ?terres ?terres ?terres ?

Prawiro, Prawiro, Prawiro, Prawiro, riziculteur javanaisriziculteur javanaisriziculteur javanaisriziculteur javanais

La famille Prawiro habite Kedung, l'un des

hameaux du village de Wukirsari, situé dans la Province de Yogyakarta, en Indonésie. L'essentiel de son activité économique se

confine au hameau. Un réseau d'entraide particulièrement actif lie tous les habitants

de Kedung. Les Prawiro se rendent à

Wukirsari pour le marché (tous les cinq jours), ou pour régler des problèmes administratifs avec le chef de village. Une fois par an, à l'occasion du lebaran (fin du ramadan), toute la famille se rend à

Yogyakarta capitale culturelle de Java. Bien que de nationalité indonésienne, Monsieur Prawiro se considère

avant tout comme javanais. Avec 8 ares de pekarangan (jardin) et 50 ares de sawah (rizière) en pleine

propriété, les Prawiro bénéficient d'un statut social élevé. Ils font partie des 15 % de privilégiés tirant l'essentiel de leurs revenus de l'activité

agricole. A Kedung, seulement une famille sur deux possède un jardin et une rizière. La petitesse des surfaces en propriété oblige de nombreuses

familles à recourir au travail à l'extérieur, pour compléter leurs revenus.

Page 5: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

Souvent mais pas toujours ! Mais comme c'est celui qui doit s'occuper de ses parents quand ils sont vieux, il hérite toujours de la maison et du jardin. En 1965, mon père a décidé d'arrêter de travailler, i1 était fatigué. C'était un mois avant le coup d'Etat communiste. Il m'a marié à Sukarti, la fille d'un ami du village voisin. Et j'ai reçu la maison et le jardin environ 10 ares.

Et la rizière monsieur Prawiro ? Et la rizière monsieur Prawiro ? Et la rizière monsieur Prawiro ? Et la rizière monsieur Prawiro ?

Ah, la rizière, c'est différent ! On la partage équitablement entre tous les enfants. Mon père avait un hectare qui a été divisé en sept bandes égales. Mais c'est mon frère et moi qui l'exploitons, puisque nous ne sommes plus que deux au village. Comme mon père, j'ai cultivé du riz en saison des pluies, puis ensuite du tabac. Mais, sur un demi-hectare, les récoltes ne suffisaient plus pour manger. Quand le chef du village a essayé les nouvelles variétés de riz du gouvernement, j'ai tout de suite été intéressé. Et là, on a doublé les récoltes, et même plus... Maintenant, avec le riz et les fruits et légumes du jardin, nous avons assez pour manger. Avec le tabac, j'ai pu envoyer mes enfants à l'école. J'ai cinq enfants et ils sont tous éduqués.

Avez vous augmenté vos surfaces de rizière ? Avez vous augmenté vos surfaces de rizière ? Avez vous augmenté vos surfaces de rizière ? Avez vous augmenté vos surfaces de rizière ?

C'est bien trop cher ! Un hectare coûte 250 millions de 'roupies. C'est 50 fois ce que je gagne en un an ! Mais à la mort du père, avec mes aînés, on s'est arrangé ; par exemple, ma soeur, qui est mariée à un colonel, m'a fait cadeau de sa part. Et mon frère s'est contenté d’un million de roupies.

Ils ne se sont Ils ne se sont Ils ne se sont Ils ne se sont pas sentis léséspas sentis léséspas sentis léséspas sentis lésés ????

Dans la famille il faut s’entraider. Mon frère, autrefois je lui avait prêté de l’argent pour monter son commerce à Jakarta... et puis, tout le monde était d’accord. Si tout le monde n’est pas d’accord, on ne peut pas prendre de décision. Maintenant les 50 ares que je cultive sont à moi.

Vos cinq enfant vont hériter 10 ares chacun. Comment vontVos cinq enfant vont hériter 10 ares chacun. Comment vontVos cinq enfant vont hériter 10 ares chacun. Comment vontVos cinq enfant vont hériter 10 ares chacun. Comment vont----ils vivreils vivreils vivreils vivre ????

Aucun d’eux ne veut devenir paysan. Ils veulent tous aller vivre à la ville. Il y en a deux qui sont déjà fonctionnaires : l’aîné travaille au bureau du Camat, la deuxième est institutrice et le troisième enfant est étudiant à Yogyakarta. Il veut devenir médecin. Les deux derniers sont encore au lycée. Dans deux ou trois ans, je vais arrêter de travailler. Mon neveu manque de terre. Il prendra la rizière en métayage. Avec la moitié de la récolte, j’aurai largement de quoi vivre.

Voix originale : Agus Supangat . Association des étudiants indonésiens de Montpellier

L'étranger : Patrice Levang . Chargé de recherche à l'ORSTOM

Page 6: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

Ma famille cultivait des tomates et des concombres à côté de La Haye, dans un village, mais qui maintenant est devenu une banlieue. Nous avons déménagé à Schipluiden, au coeur du Westland, au pays des serres. Mon frère et moi, en 1979, nous avons commencé à cultiver des fleurs. Aujourd'hui, nous nous sommes spécialisés dans les chrysanthèmes, et dans cette serre que vous voyez là, elle fait près de 3 hectares, nous pouvons produire toute l'année des fleurs de grande qualité. Et c'est ça le secret de notre métier : ici, il faut que ce soit le même climat toute 1’année le climat de l'automne. On chauffe quand il fait froid, on donne du soleil quand il en manque. On dit que nous sommes des industriels de la culture. Eh bien, oui et non ! Oui, nous utilisons des techniques performantes comme dans l'industrie pour obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Beaucoup d'opérations sont automatisées. La climatisation est contrôlée par ordinateur : il calcule la température, l'humidité, les substance nutritives et l'eau qu'il faut en fonction de la croissance des fleurs. Et pourtant, moi, je me considère comme un paysan ! Et mes fleurs, elles sont produites par la nature. Elles sont plantées dans la terre et j'utilise le moins d'engrais possible. Je sais qu'en Hollande, il y a beaucoup de

Bert, producteur de fleurs Bert, producteur de fleurs Bert, producteur de fleurs Bert, producteur de fleurs hollandaishollandaishollandaishollandais

L'horticulture sous serre est tout à fait

représentative de l'agriculture hollandaise et de ses performances.

Avec les fruits et légumes, elle contribue à la production alimentaire, mais elle a conquis aussi

d'autres marchés : ceux des fleurs, des plantes ornementales et des produits de pépinières.

La culture sous serres représente la forme d'agriculture la plus artificialisée. c'est une tentative de maîtrise totale de la nature, avec des techniques telles que les plants obtenus "in vitro", la culture hors-sol, la

régulation climatique et la fertilisation par irrigation, l'automatisation générale. C'est dans ce type de production que la combinaison des activités

agricoles et industrielles est la plus forte.

Page 7: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

cultures hors sol. Mais pas ici. Comme presque partout en Hollande, toutes mes fleurs sont vendues à la vente aux enchères. Nous apportons nos chrysanthèmes au marché dans notre camion. Et là, les fleurs et les plantes changent de propriétaire en un clin d'oeil. Le marché est une coopérative qui appartient à six mille cultivateurs, presque tous de la région. On peut dire qu'à peu près 80 % de la production part à l'exportation. Il faut s'adapter en permanence aux prix et même les anticiper. Mais ce n'est pas facile. Aujourd'hui, le chrysanthème jaune vaut plus que le blanc, et demain, ce sera peut-être le contraire. Vous savez pourquoi l'horticulture, marche aussi bien en Hollande ? Et bien, il y a deux raisons. Je vous explique. D'abord, moi, mon plus grand souci, c'est d'arriver à maintenir les prix aussi bas que possible. Mais c’est évidemment le même problème pour tous les horticulteurs. Alors, nous nous réunissons une fois par semaine dans un club pour comparer ce que chacun dépense, et ce que chacun gagne, et comment on s'y est pris. Nous n'avons pas peur d'échanger nos résultats, et ça, c'est important pour réussir. Nous sommes des amis, des partenaires. C'est seulement au moment des enchères qu'on devient des concurrents. La deuxième raison de notre succès, c'est 1’innovation. Les chercheurs et les agriculteurs travaillent la main dans la main par l’intermédiaire des vulgarisateurs. Les informations circulent vite, dans les deux sens. La connaissance, c'est très important pour améliorer la qualité des produits “ made in Holland ”. Moi, j'ai suivi des cours dans une, grande école d’horticulture et je continue toujours à lire des revues spécialisés. Ma femme se plaint souvent que je lis trop !

Voix originale : Jan Van Der Burg

Responsable de la bibliothèque et de la documentation du CIRAD. Montpellier

Page 8: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

Je suis un paysan du Sahel et je viens vous parler de mon pays. Dans mon pays, l'eau est rare et la saison des pluies est courte. Les pluies sont toujours incertaines. Quand il commence à pleuvoir, il faut se dépêcher de semer le mil. Les champs sont grands et le sol est sableux. On a des outils légers pour semer et sarcler rapidement. En trois mois, le mil est mûr. Mais ici, les bonnes récoltes sont de plus en plus rares. Dans ma famille, on est plus de cinq personnes et le mil ne suffit souvent pas. On va alors cueillir des plantes sauvages, le fonio et le bulbe de nénuphar. Pendant la saison des pluies, après les semis, notre campement est éloigné des champs, pour que les troupeaux n'y causent pas de dégâts. On revient s'installer après la récolte sur les champs pour qu'ils profitent de la fumure animale. Et puis, c'est là que nous avons nos greniers. Pour cultiver nos champs, mais aussi pour conduire nos troupeaux, il nous faut bien connaître la nature. A chaque moment, il faut être capable de choisir les meilleurs pâturages et les points d'eau, connaître ce qui est bon et ce qui est mauvais pour les animaux, profiter des plantes utiles. Mes ancêtres savaient toutes ces choses, mon père me les a apprises, et je les apprends à mon tour à mes fils. Je suis responsable du troupeau de bovins, et c'est moi qui décide de sa conduite. Nous avons aussi des chèvres et des moutons, qui sont gardés par les enfants. C ‘est la vente des animaux qui

Amidou, Amidou, Amidou, Amidou, paysan burkinabépaysan burkinabépaysan burkinabépaysan burkinabé

Amidou habite la région de l'Oudalan, à l'extrême nord du Burkina-Faso. cette région est

caractéristique du milieu sahélien. Une pluviométrie moyenne annuelle de 350 à 400 mm

permet d'y pratiquer, à la fois, une culture extensive de mil et un élevage plus ou moins

mobile.

Le mil et le lait constituent les bases de l'alimentation. La vente d'animaux permet d'acheter sur les marchés les compléments céréaliers nécessaires et

les autres biens de consommation. En période difficile, des activités complémentaires, telles que la cueillette et surtout le travail des hommes

lors des migrations lointaines, peuvent être indispensables à la survie de la famille et à la reconstitution du cheptel.

Page 9: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

nous permet de gagner de l'argent. Quand notre mil ne suffit pas, il faut en acheter. Et nous avons besoin de bien d'autres choses que nous trouvons sur les marchés. Pendant les années de sécheresse, je suis souvent parti pour chercher du travail loin d'ici, en Côte d'Ivoire. Depuis mon enfance, la vie a changé. Il y a plus de gens, plus d'animaux, et on cultive plus de terre. La sécheresse a été dure, beaucoup d'arbres sont morts. Il y a moins de mil et moins d'herbe qu'avant. Mais nous avons aussi appris à nous aider. Dans la région, nous avons créé des groupements de paysans. Nous constituons des stocks de céréales en profitant de bons prix, et nous essayons de nous entendre pour mieux utiliser les pâturages. Notre espoir, finalement, c'est la solidarité.

Voix originale : Sékou Sy. Etudiant burkinabé en Sciences sociales. Lyon

Page 10: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

Le paysage ici, c’est le maïs et du soja à perte de vue. Les rendements sont très élevés, car le climat est favorable et la terre est profonde et fertile. Le plus souvent, il pleut beaucoup et les étés sont chauds. Ma ferme de 300 hectares est assez grande pour que je ne sois pas obligé de faire de l'élevage de bovins ou de porcs pour joindre les deux bouts. Heureusement pour moi car il devient vraiment dur de gagner de l'argent ici avec le bétail. Travailler la terre, c'est un bon métier. Je m'en sors à peu près tout seul. Ma femme et moi sommes allés à l'université et mes enfants y sont actuellement. Ma femme travaille dans une banque en ville. Notre problème c'est celui des intérêts et des amortissements qui mangent une trop grande part des revenus de la ferme. Qu'il y ait de la sécheresse comme cette année avec les dépenses qui continuent à courir, la situation devient vraiment difficile. Aujourd'hui, j'ai demandé à des ingénieurs de venir évaluer mes récoltes. salutations.

Voix originale : Patrick Smea - Directeur - Grennville - Montpellier

Dale, producteur de maïs Dale, producteur de maïs Dale, producteur de maïs Dale, producteur de maïs et de soja et de soja et de soja et de soja

dans l’Illinois (USA)dans l’Illinois (USA)dans l’Illinois (USA)dans l’Illinois (USA)

L'agriculture peut être extensive pour des raisons économiques. C'est ainsi que dans les pays où l'on dispose de grandes surfaces par

habitant, comme en Australie, au Canada, aux Etats-Unis, etc..., bien que l'agriculture puisse

être plus intensive, il n'est pas justifié économiquement qu'elle le soit. Les Etats-Unis sont un bon exemple d'une agriculture extensive à haute

productivité du travail.

Page 11: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

Mon père était fermier de l'hacienda de Las Fuentes. Il n'avait pas à se plaindre par rapport aux péons. Quand le général Cardenas a fait disparaître les haciendas, chaque péon a reçu quelques hectares pour vivre. Tout le monde a cru qu'on allait devenir de vrais paysans. Nos pères ont défriché la terre. Ils arrivaient tout juste à se nourrir. Paysans libres, oui, mais libres de quoi ? Le paysan manquait de tout, de maïs, de haricots, de blé ; le gouvernement à aidé les paysans. Il a ouvert des routes et les abus des caciques ont disparu. Il a prêté de l'argent et les usuriers ont disparu... Il a acheté les récoltes et la tyrannie des commerçants a disparu. Le gouvernement a donné l'irrigation aux petits paysans. Nos pères ont modernisé leur ferme. Ils y ont cru ! En fait, qu'est-ce qu'on a gagné ? On était les serfs de l’hacienda, on est devenu les péons de l’Etat. Ce qu’on veut, c'est vivre indépendants et libres comme les rancheros. Moi, je m'habille comme eux et comme eux, j'ai une camionnette, grâce

Chava Martinez, paysan Chava Martinez, paysan Chava Martinez, paysan Chava Martinez, paysan mexicainmexicainmexicainmexicain

Dans une petite vallée sèche à 1 600 mètres

d'altitude, Las Fuentes est un village des hauts plateaux tempérés. Siège d'un ejido, il

abrite également des paysans sans terre, mais aucun propriétaire privé, à la différence des

villages voisins où subsistent quelques héritiers des anciennes haciendas.

A plusieurs reprises, Chava Martinez a été élu président du Conseil de l'ejido.

Plus jeune, il partait chaque année travailler aux Etats-Unis. Aujourd'hui, les relations qu'il a tissées avec l'administration locale lui

permettent de négocier le financement d'un puits collectif pour l'irrigation, ou des arrangements concernant le remboursement des dettes de l'ejido.

Pour lui et sa famille, une mauvaise récolte serait dramatique si la banque publique se montrait trop stricte.

Page 12: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

aux dollars que j'ai gagnés quand j'étais jeune. Sur ma terre, je laboure avec le tracteur du grand propriétaire, depuis que celui du village est tombé en panne. J'ai un attelage de chevaux pour sarcler. J'achète des semences sélectionnées, j'ai de bons rendements. Mais le gouvernement a fixé les prix trop tard. J'arrive tout juste à faire vivre ma famille. Si je n'étais pas malade, je retournerais aux Etats-Unis, je gagnerais huit fois plus ! Ici, dans la vallée, on est envahi par les fonctionnaires. Le gouvernement est partout, même à la télé. Il nous a sacrifié aux villes et aux industries. On nous accuse de coûter trop cher en subventions, on nous accuse de corruption. Si on veut un puits ou une école, il faut le réclamer au gouverneur. Et les gens des villes nous reprochent de continuer à voter pour le régime. Aujourd’hui, on est en train de supprimer les aides, on privatise la terre. Mais qu’est-ce qu’on peut faire sans argent ? Nous sommes dans l’incertitude, on se demande s’il faut partir aux Etats-Unis, à moins que l’ALENA ne nous apporte quelque chose.

Voix originale : Victor Juarez Perez - Etudiant mexicain au CIRAD - Montpellier

Page 13: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

D'autres ont choisi de partir en ville. Moi, j'ai décidé de rester pour continuer ce que mon père et ma mère m'ont appris. Au village, chaque famille a un champ pour se nourrir et un autre, pour le cacao. Le champ des vivres c'est l'affaire des femmes, on juge bien la femme quand elle fait un grand champ, avec beaucoup de manioc, de banane-plantain, de l'arachide et du maïs. On a alors beaucoup à manger et on peut recevoir beaucoup de gens. Le cacao, lui, rapporte l'argent. C'est ce qui nous fait grand ou petit, c'est l'affaire de 1'homme. Il plante et entretient les cacaoyers. La terre appartient à celui qui plante les arbres. C’est pour ça qu'on interdit aux étrangers de planter des arbres : ils pourraient nous prendre le sol. Ils ne doivent cultiver que des produits vivriers.

Tous les hommes ici ont des cacaoyers, certains ne les récoltent même pas, c'est seulement pour marquer la terre. D'autres travaillent un peu, surtout au moment de la récolte. Ils peuvent avoir un sac où un sac et

Gaston, planteur de cacao Gaston, planteur de cacao Gaston, planteur de cacao Gaston, planteur de cacao dans le sud dans le sud dans le sud dans le sud

du Cameroundu Cameroundu Cameroundu Cameroun

Gaston Bivina habite Ekali, un village de la

zone forestière camerounaise, situé à environ 50 km de Yaoundé. Comme nombre de petits planteurs tropicaux, Gaston, gros travailleur,

a planté, année après année, des cacaoyers, "capital arbres" capable de donner un revenu régulier lui permettant de marquer son droit

sur le sol par rapport à ses voisins.

Sa femme se consacre aux cultures vivrières, majoritairement produites pour nourrir la famille (manioc, banane-plantain...).

Jusqu'à une date récente, Gaston a bien maîtrisé son activité agricole, en

cohérence avec sa force familiale de travail. De 1956 à 1991, la collecte du cacao était effectuée sous le contrôle de l'administration camerounaise qui

fixait un prix garanti aux producteurs. A présent, la libéralisation des échanges laisse les petits planteurs seuls face aux commerçants. En outre,

la tendance actuelle à la baisse des cours du cacao est pour eux un élément supplémentaire de fragilité.

Page 14: Paroles de paysans - AGROPOLIS-MUSEUM · Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la

demi par hectare. Moi, on dit que je suis bon planteur. Je désherbe les cacaoyers toute l'année. J'enlève les cabosses pourries ; je mets les produits contre les maladies. Je récolte quatre sacs par hectare. J’ai la plus grande plantation du village, 6 hectares. Chaque année, ça me fait plus de 20 sacs de cacao. Je continue aussi à planter pour mon héritier. Avec l'argent, on envoie les enfants à l'école, on paye les médicaments, on achète les tôles pour refaire les toits. Le cacao... longtemps j'ai cru qu'il me donnerait assez d’argent. Quand les prix du cacao étaient bons, on disait “ l'argent est dans l'arbre ”. Aujourd'hui les prix baissent. En 1983, on nous payait 7 francs par kilo. En 1993, on ne donne plus que 3 francs par kilo. Et je dois faire vivre ma femme, mes quatre enfants, les deux femmes de mon frère qui est mort et leurs quatre enfants. Je ne peux plus payer l’école. On mange moins car les femmes essaient de vendre le manioc et la banane-plantain. Certains enfants partent à la ville pour chercher l’argent là-bas. Il y avait les vulgarisateurs qui nous disaient : “ ayez confiance, le cacao, c’est bien ”. On les a écouté. Et maintenant que les prix sont bas, on a rien d’autre que le cacao. Et j’ai peur pour nos terres aussi. On dit qu’au nord de Yaoundé comme en Côte d’Ivoire, des étrangers achètent la terre pour faire de grandes plantations. Ils vont venir chez nous aussi. Dis-donc, je ne comprend pas ? Quand le prix du cacao est haut en Europe, pour nous, il monte juste un peu. Quand il baisse un peu là-bas, ici il tombe beaucoup. Mais où va donc l’argent du cacao ?

Voix originale : Dieudonné Kaldjob - Etudiant camerounais au CEMAGREF - Montpellier