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dossier | formation Biologie et métabolisme chez la femme OptionBio | lundi 9 mars 2009 | n° 414 9 L es concentrations plasmatiques de calcium et de phos- phates sont très finement régulées, principalement grâce à la parathormone (PTH) et la vitamine D et, lors de la croissance, l’hormone de croissance (GH) et l’IGF1 (insulin-like growth factor). La femme se distingue de l’homme par l’intervention d’autres hormones au cours de sa vie : – l’estradiol, qui la protège de l’ostéoporose ; – la PTH related peptide (PTHrp), plus connue comme marqueur tumoral car elle est sécrétée par les cellules cancéreuses mais dont la fonction physiologique est d’intervenir lors de la gros- sesse et de l’allaitement chez la femme ; – la prolactine ; – les hormones placentaires. Les dosages Le bilan phosphocalcique de “débrouillage” comprend : – une calcémie ; – une albuminémie ; – une phosphatémie ; – une créatininémie. Il convient de bien faire les prélèvements le matin à jeun, en raison d’un cycle nycthéméral de la phosphatémie. Les dosages urinaires viennent en seconde intention, ainsi que celui de la PTH, dont les valeurs de référence sont actuellement revues à la baisse car les populations sur lesquelles elles avaient été établies étaient souvent carencées en vitamine D (PTH intacte : 10 à 46 pg/mL). Parmi les dérivés de la vitamine D, un seul a un intérêt en première intention, pour estimer le statut vitami- nique d’une personne, la 25(OH)vitamine D. Les normales ont récemment été revues à la hausse : N > 30 ng/mL (75 mmol/L). Le dosage de la 1,25(OH) 2 D (ou calcitriol, hormone active) a des indications beaucoup plus limitées, dans l’exploration secon- daire d’anomalies du bilan phosphocalcique. Marqueurs du remodelage osseux Les principaux marqueurs du remodelage osseux sont présen- tés dans le tableau I. Homéostasie calcique chez la femme Enfance et puberté Chez l’enfant en croissance, il existe une augmentation de l’os- téoformation aux dépens de l’ostéorésorption. La formation du squelette se caractérise par une augmentation de croissance des os en longueur et un intense remaniement osseux : dans les 4 années autour de l’âge des premières règles, 50 % du capital osseux sont constitués. Ceci est permis grâce à l’augmentation de l’absorption intestinale du calcium, ce qui nécessite des apports suffisants en calcium et vitamine D. Les conséquences sur le bilan phosphocalcique sont une phosphatémie élevée jusqu’à l’âge de 12 ans et une augmentation des marqueurs du remodelage osseux, qui diminueront ensuite progressivement pour atteindre les valeurs de l’adulte à la puberté. Au cours de la grossesse L’augmentation physiologique des besoins en calcium chez la femme enceinte est comblée grâce à une absorption intestinale accrue du calcium, elle-même secondaire à une augmentation du calcitriol dont la concentration sérique est multipliée par 2 au cours du premier trimestre puis se maintient en plateau jusqu’au terme. L’augmentation du volume extracellulaire, responsable d’une hémodilution avec hypo-albuminémie, dès le début de la grossesse, entraîne une diminution de la calcé- Particularités du métabolisme phosphocalcique chez la femme Chez les femmes, en sus de la parathormone, la vitamine D, l’hormone de croissance et l’IGF1, d’autres hormones participent à la régulation des concentrations plasmatiques de calcium et de phosphates, notamment l’estradiol, la PTH related peptide, la prolactine et les hormones placentaires. Mais l’équilibre calcique peut être fragilisé chez la femme à certaines périodes de sa vie, pouvant ainsi conduire à une ostéoporose. Tableau I. Principaux marqueurs du remodelage osseux. Formation osseuse Résorption osseuse Non collagéniques Sérum Phosphatase alcaline totale (TAP) Phosphatase alcaline osseuse (bAP) Ostéocalcine (Oc) Phosphatase acide Tartrate-résistante (TRAP5b) Collagéniques Sérum Propeptide C-terminal du procollagène I (PICP) Propeptide N-terminal du procollagène I (PINP) Télopeptide N-terminal (NTX) Télopeptide C-terminal (CTX, Crosslaps) Urine Désoxypyridinoline totale (tDpd) Désoxypyridinoline libre (fDpd) Pyridinoline libre (fPyd) Télopeptide N-terminal (NTX) Télopeptide C-terminal (CTX)

Particularités du métabolisme phosphocalcique chez la femme

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dossier | formation Biologie et métabolisme chez la femme

OptionBio | lundi 9 mars 2009 | n° 414 9

Les concentrations plasmatiques de calcium et de phos-phates sont très finement régulées, principalement grâce à la parathormone (PTH) et la vitamine D et, lors de la

croissance, l’hormone de croissance (GH) et l’IGF1 (insulin-like growth factor).La femme se distingue de l’homme par l’intervention d’autres hormones au cours de sa vie :– l’estradiol, qui la protège de l’ostéoporose ;– la PTH related peptide (PTHrp), plus connue comme marqueur tumoral car elle est sécrétée par les cellules cancéreuses mais dont la fonction physiologique est d’intervenir lors de la gros-sesse et de l’allaitement chez la femme ;– la prolactine ;– les hormones placentaires.

Les dosagesLe bilan phosphocalcique de “débrouillage” comprend :– une calcémie ;– une albuminémie ;– une phosphatémie ;– une créatininémie.Il convient de bien faire les prélèvements le matin à jeun, en raison d’un cycle nycthéméral de la phosphatémie. Les dosages

urinaires viennent en seconde intention, ainsi que celui de la PTH, dont les valeurs de référence sont actuellement revues à la baisse car les populations sur lesquelles elles avaient été établies étaient souvent carencées en vitamine D (PTH intacte : 10 à 46 pg/mL). Parmi les dérivés de la vitamine D, un seul a un intérêt en première intention, pour estimer le statut vitami-nique d’une personne, la 25(OH)vitamine D. Les normales ont récemment été revues à la hausse : N > 30 ng/mL (75 mmol/L). Le dosage de la 1,25(OH)2D (ou calcitriol, hormone active) a des indications beaucoup plus limitées, dans l’exploration secon-daire d’anomalies du bilan phosphocalcique.

Marqueurs du remodelage osseuxLes principaux marqueurs du remodelage osseux sont présen-tés dans le tableau I.

Homéostasie calcique chez la femmeEnfance et pubertéChez l’enfant en croissance, il existe une augmentation de l’os-téoformation aux dépens de l’ostéorésorption. La formation du squelette se caractérise par une augmentation de croissance des os en longueur et un intense remaniement osseux : dans les 4 années autour de l’âge des premières règles, 50 % du capital osseux sont constitués. Ceci est permis grâce à l’augmentation de l’absorption intestinale du calcium, ce qui nécessite des apports suffisants en calcium et vitamine D. Les conséquences sur le bilan phosphocalcique sont une phosphatémie élevée jusqu’à l’âge de 12 ans et une augmentation des marqueurs du remodelage osseux, qui diminueront ensuite progressivement pour atteindre les valeurs de l’adulte à la puberté.

Au cours de la grossesseL’augmentation physiologique des besoins en calcium chez la femme enceinte est comblée grâce à une absorption intestinale accrue du calcium, elle-même secondaire à une augmentation du calcitriol dont la concentration sérique est multipliée par 2 au cours du premier trimestre puis se maintient en plateau jusqu’au terme. L’augmentation du volume extracellulaire, responsable d’une hémodilution avec hypo-albuminémie, dès le début de la grossesse, entraîne une diminution de la calcé-

Particularités du métabolisme phosphocalcique chez la femme

Chez les femmes, en sus de la parathormone, la vitamine D, l’hormone de croissance et l’IGF1, d’autres hormones participent à la régulation des concentrations plasmatiques de calcium et de phosphates, notamment l’estradiol, la PTH related peptide, la prolactine et les hormones placentaires. Mais l’équilibre calcique peut être fragilisé chez la femme à certaines périodes de sa vie, pouvant ainsi conduire à une ostéoporose.

Tableau I. Principaux marqueurs du remodelage osseux.

Formation osseuse Résorption osseuseNon collagéniques

SérumPhosphatase alcaline totale (TAP) Phosphatase alcaline osseuse (bAP) Ostéocalcine (Oc)

Phosphatase acide Tartrate-résistante (TRAP5b)

Collagéniques Sérum

Propeptide C-terminal du procollagène I (PICP)

Propeptide N-terminal du procollagène I (PINP)

Télopeptide N-terminal (NTX) Télopeptide C-terminal (CTX, Crosslaps)

UrineDésoxypyridinoline totale (tDpd) Désoxypyridinoline libre (fDpd) Pyridinoline libre (fPyd) Télopeptide N-terminal (NTX) Télopeptide C-terminal (CTX)

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10 OptionBio | lundi 9 mars 2009 | n° 414

mie totale d’environ 8 %. Mais le calcium ionisé (forme active) reste normal, de même que la phosphatémie, tout au long de la grossesse. Il existe une hypercalciurie physiologique pou-vant atteindre 300 mg/24 h (voire plus) au cours du troisième trimestre.La production du calcitriol par le rein maternel et par le placenta au cours de la grossesse est stimulée par plusieurs hormones, principalement la PTHrp, synthétisée par le sein et le placenta et dont la concentration circulante reste élevée tout au long de la grossesse, mais aussi l’estradiol, la prolactine ou l’hormone placentaire lactogène.À l’inverse, la concentration sérique de PTH diminue d’environ 50 % au premier trimestre et ne revient à des valeurs normales qu’au troisième trimestre.D’une manière générale, le remodelage osseux est augmenté au cours du troisième trimestre, ce que reflète l’augmentation des marqueurs sériques d’ostéoformation et d’ostéorésorption. L’homéostasie phosphocalcique est le plus souvent maintenue, mais un déséquilibre peut survenir en cas de déficit vitamino-calcique (notamment en cas de grossesses répétées) ou de dysfonctionnement parathyroïdien.

Au cours de l’allaitementLa calcémie totale et la calcémie ionisée ont tendance à s’élever légèrement (tout en restant le plus souvent dans les limites hau-tes de la normale), de même que la phosphatémie qui, quant à elle, peut dépasser l’intervalle des valeurs de référence. Les pertes en calcium dans le lait maternel sont principalement compensées par du calcium libéré de l’os.Chez la femme allaitante, la PTH reste normale, tandis que la sécrétion de PTHrp (d’origine mammaire) augmente sensible-ment. Cette hormone augmente la réabsorption intestinale du calcium et a pour fonction principale, en association avec la pro-

lactine dont la sécrétion est également augmentée, de stimuler le remodelage osseux au profit de l’ostéorésorption. De fait, les marqueurs du remodelage osseux sont augmentés et la densité osseuse diminue, principalement au niveau de l’os trabéculaire (diminution réversible dans l’année suivant le sevrage). Pour prévenir tout risque d’ostéoporose, un apport calcique suffisant doit être assuré, a fortiori s’il s’agit de grossesse(s) multiple ou répétées et si l’allaitement est prolongé.

Au cours de la ménopauseLa carence estrogénique entraîne une accélération du remo-delage osseux au profit de l’ostéorésorption prédominant au niveau de l’os trabéculaire et responsable, à terme, de l’ostéo-porose post-ménopausique se traduisant, après 65 ans, par des tassements vertébraux.Au plan biologique, on observe une augmentation des mar-queurs du remodelage osseux et une élévation modérée de la calcémie et de la phosphorémie. Il en résulte une diminution de la sécrétion de PTH et donc de la 1-alpha-hydroxylation de la vitamine D, responsable d’une réduction de l’absorption intestinale du calcium. Celle-ci, associée à une augmentation de la calciurie, concourt à la négativation du bilan calcique.Au-delà de 65 ans, l’absorption intestinale du calcium est réduite, ce phénomène étant souvent aggravé par une carence en vitamine D. La calcémie ionisée tend à diminuer entraînant une hyperparathyroïdie secondaire. La perte osseuse concerne alors surtout l’os cortical, et est à l’origine de la survenue de fractures du col du fémur vers l’âge de 80 ans.

ConclusionL’équilibre calcique est mis à mal par les événements de la vie de femme avec, dans tous les cas, une accélération du remo-delage osseux. Le plus souvent, l’homéostasie phosphocalcique est assurée grâce aux systèmes d’adaptation de l’organisme, permettant le maintien de la calcémie dans les limites de la normale. Toutefois, dans certaines situations, si les apports vitamino-calciques sont insuffisants, l’homéostasie se fait aux dépens de l’os, conduisant, particulièrement après la méno-pause, à l’ostéoporose. D’où l’intérêt d’assurer une prévention en augmentant notamment les apports calciques tout au long de la vie, chez la femme. |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

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SourceD’après une communication de J.-L. Thomas, lors du congrès Biologie pour Elle, Euro-

biologie, avril 2008, Nancy.