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326 Français 1 re – Livre du professeur Chapitre 1 – Le récit 1 – Étudier le statut du narrateur p. 431 (ES/S et Techno) p. 551 (L/ES/S) A  Le texte de Jules Vallès, écrit à la première per- sonne, mêle différents temps du passé : on peut s’intéresser à l’opposition entre passé simple de l’indicatif et passé composé de l’indicatif : le passé simple « il fut humilié », « un grand sauta sur lui et le souffleta » désigne avant tout ce qui est rejeté dans un passé révolu, sans ancrage dans le présent et qui renvoie à l’enfance du narrateur. Le passé composé évoque le moment où le narrateur-personnage revient sur les lieux de son histoire : les verbes « J’ai pu », « j’ai pris », « j’ai dû », « je n’ai pas osé » évoquent le mouvement physique et psychologique du narra- teur-personnage qui avance vers le collège : ce passé composé, est ancré dans la situation d’énon- ciation, il est presque contemporain du moment de la narration et le désigne. D’autres verbes conjugués au passé composé ont un statut intermédiaire : « je l’ai vu » « j’ai senti » indiquent une sensation, et une émotion du petit Jacques, qui réapparaissent dans le présent avec toute l’intensité du moment où elles sont nées : le passé lointain de l’histoire et le présent de la narration se rejoignent : selon la formule de Benveniste, le passé composé « établit un lien vivant entre l’événement passé et le présent où son évoca- tion trouve place ». Cette rencontre du passé simple, coupé de la situation d’énonciation, et du passé composé, ancré dans le temps de la narration, aboutit à la superposition du passé des événements racontés, et de la voix qui, au présent, les raconte. Ce procédé permet au lecteur de suivre un récit à deux niveaux : le premier niveau est celui des événe- ments remémorés, et renvoie au personnage de l’enfant ; le second niveau est celui du moment où le personnage, devenu adulte raconte ces événe- ments. B  Si le jeu temporel entretient une certaine ambi- guïté autour de l’identité de l’auteur et du narrateur, il convient de souligner le fait que l’auteur et le nar- rateur sont distincts : celui qui signe le roman, ainsi que permet de le voir le paratexte, est Jules Vallès, tandis que le narrateur est désigné comme un être de fiction, comme une créature littéraire : le narrateur abandonne la première personne brièvement et se met à distance « C’est là-dedans que mon père était maître d’études à vingt-deux ans, marié, déjà père de Jacques Vingtras. » : le mot « père », répété, est tour à tour sujet du verbe « être » et attribut du sujet « mon père » ; la première occurrence de « père » est accompagnée du déterminant possessif de pre- mière personne, tandis que la seconde est accom- pagnée d’un complément du nom, « de Jacques Vingtras » : ce procédé a pour effet de souligner l’identité entre le « je » du narrateur et le nom du per- sonnage du roman. C  Suivant les catégories déterminées par Gérard Genette, le narrateur, qui raconte sa propre histoire, doit être considéré comme « homodiégétique ». Le narrateur-personnage se livre à une sorte de pèleri- nage et avance avec peine vers ce lieu de son enfance. Aux humiliations subies par le père répond la détresse passée et présente du fils : la détresse du narrateur adulte se traduit notamment par des phé- nomènes physiques : « mon cœur battait à tout rompre », « je titubais comme un homme ivre », « j’ai dû m’appuyer », « je n’ai pas osé passer », que le texte associe à la souffrance morale du personnage de l’enfant « j’ai senti peser sur mes petites épaules le fardeau de sa grande douleur ». La synthèse du passé et du présent, des manifestations physiques et morales de la souffrance, est opérée à la fin du passage : « Il me semble que je laisserais de mon sang sur le plancher de l’étude des grands » : la poly- sémie du mot « sang » peut en effet dire la souffrance du corps, et l’hémorragie de l’hérédité humiliée. Le passage donne au souvenir un caractère doulou- reux, qui assure le lien entre les émotions passées du personnage et les émotions présentes du narra- teur. 2 – Étudier la présence du narrateur p. 431 (ES/S et Techno) p. 551 (L/ES/S) A  Les indices qui permettent de reconnaître les commentaires du narrateur sont, en premier lieu, les pronoms personnels de première et de deuxième personne, qui désignent, d’une part, un « je » qui s’apparente à la figure de l’auteur dans la narration et, d’autre part, le lecteur virtuel. On peut aussi sou- ligner l’apostrophe à ce lecteur, les questions rhéto- riques, le présent de l’indicatif, les présentatifs ou le lexique de la création littéraire (« facile », « faire des contes », « j’entame le sujet de leur voyage ») : une deuxième situation d’énonciation (celle du temps de la narration) se superpose à la première (le temps de l’histoire des amours de Jacques et de son maître). B  Ces interventions assurent une communication entre le narrateur et le lecteur imaginé par le roman. Ce lecteur fait donc partie du roman, comme les personnages de Jacques et de son maître : le narra- teur joue avec les attentes de ce lecteur, qui repré- sente le lecteur réel de roman. Ce procédé permet à Diderot de remettre en cause, sur un mode paro- dique, le fonctionnement du récit traditionnel, qui repose sur l’idée que le lecteur accepte le mensonge constitutif de la fiction. PARTIE III – Outils d’analyse

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Français 1re – Livre du professeur

Chapitre 1 – Le récit

1 – Étudier le statut du narrateur

p. 431 (ES/S et Techno) p. 551 (L/ES/S)

A  Le texte de Jules Vallès, écrit à la première per-

sonne, mêle différents temps du passé : on peut

s’intéresser à l’opposition entre passé simple de

l’indicatif et passé composé de l’indicatif : le passé

simple « il fut humilié », « un grand sauta sur lui et le

souffleta » désigne avant tout ce qui est rejeté dans

un passé révolu, sans ancrage dans le présent et qui

renvoie à l’enfance du narrateur. Le passé composé

évoque le moment où le narrateur-personnage

revient sur les lieux de son histoire : les verbes « J’ai

pu », « j’ai pris », « j’ai dû », « je n’ai pas osé » évoquent

le mouvement physique et psychologique du narra-

teur-personnage qui avance vers le collège : ce

passé composé, est ancré dans la situation d’énon-

ciation, il est presque contemporain du moment de

la narration et le désigne. D’autres verbes conjugués

au passé composé ont un statut intermédiaire : « je

l’ai vu » « j’ai senti » indiquent une sensation, et une

émotion du petit Jacques, qui réapparaissent dans

le présent avec toute l’intensité du moment où elles

sont nées : le passé lointain de l’histoire et le présent

de la narration se rejoignent : selon la formule de

Benveniste, le passé composé « établit un lien vivant

entre l’événement passé et le présent où son évoca-

tion trouve place ». Cette rencontre du passé simple,

coupé de la situation d’énonciation, et du passé

composé, ancré dans le temps de la narration,

aboutit à la superposition du passé des événements

racontés, et de la voix qui, au présent, les raconte.

Ce procédé permet au lecteur de suivre un récit à

deux niveaux : le premier niveau est celui des événe-

ments remémorés, et renvoie au personnage de

l’enfant ; le second niveau est celui du moment où le

personnage, devenu adulte raconte ces événe-

ments.

B  Si le jeu temporel entretient une certaine ambi-

guïté autour de l’identité de l’auteur et du narrateur,

il convient de souligner le fait que l’auteur et le nar-

rateur sont distincts : celui qui signe le roman, ainsi

que permet de le voir le paratexte, est Jules Vallès,

tandis que le narrateur est désigné comme un être

de fiction, comme une créature littéraire : le narrateur

abandonne la première personne brièvement et se

met à distance « C’est là-dedans que mon père était

maître d’études à vingt-deux ans, marié, déjà père

de Jacques Vingtras. » : le mot « père », répété, est

tour à tour sujet du verbe « être » et attribut du sujet

« mon père » ; la première occurrence de « père » est

accompagnée du déterminant possessif de pre-

mière personne, tandis que la seconde est accom-

pagnée d’un complément du nom, « de Jacques

Vingtras » : ce procédé a pour effet de souligner

l’identité entre le « je » du narrateur et le nom du per-

sonnage du roman.

C   Suivant les catégories déterminées par Gérard

Genette, le narrateur, qui raconte sa propre histoire,

doit être considéré comme « homodiégétique ». Le

narrateur-personnage se livre à une sorte de pèleri-

nage et avance avec peine vers ce lieu de son

enfance. Aux humiliations subies par le père répond

la détresse passée et présente du fils : la détresse du

narrateur adulte se traduit notamment par des phé-

nomènes physiques : « mon cœur battait à tout

rompre », « je titubais comme un homme ivre », « j’ai

dû m’appuyer », « je n’ai pas osé passer », que le

texte associe à la souffrance morale du personnage

de l’enfant « j’ai senti peser sur mes petites épaules

le fardeau de sa grande douleur ». La synthèse du

passé et du présent, des manifestations physiques

et morales de la souffrance, est opérée à la fin du

passage : « Il me semble que je laisserais de mon

sang sur le plancher de l’étude des grands » : la poly-

sémie du mot « sang » peut en effet dire la souffrance

du corps, et l’hémorragie de l’hérédité humiliée. Le

passage donne au souvenir un caractère doulou-

reux, qui assure le lien entre les émotions passées

du personnage et les émotions présentes du narra-

teur.

2 – Étudier la présence du narrateur

p. 431 (ES/S et Techno) p. 551 (L/ES/S)

A   Les indices qui permettent de reconnaître les

commentaires du narrateur sont, en premier lieu, les

pronoms personnels de première et de deuxième

personne, qui désignent, d’une part, un « je » qui

s’apparente à la figure de l’auteur dans la narration

et, d’autre part, le lecteur virtuel. On peut aussi sou-

ligner l’apostrophe à ce lecteur, les questions rhéto-

riques, le présent de l’indicatif, les présentatifs ou le

lexique de la création littéraire (« facile », « faire des

contes », « j’entame le sujet de leur voyage ») : une

deuxième situation d’énonciation (celle du temps de

la narration) se superpose à la première (le temps de

l’histoire des amours de Jacques et de son maître).

B  Ces interventions assurent une communication

entre le narrateur et le lecteur imaginé par le roman.

Ce lecteur fait donc partie du roman, comme les

personnages de Jacques et de son maître : le narra-

teur joue avec les attentes de ce lecteur, qui repré-

sente le lecteur réel de roman. Ce procédé permet à

Diderot de remettre en cause, sur un mode paro-

dique, le fonctionnement du récit traditionnel, qui

repose sur l’idée que le lecteur accepte le mensonge

constitutif de la fiction.

PARTIE III – Outils d’analyse

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Partie III – Outils d’analyse

nières défaites »), propositions subordonnées rela-

tives (« qui sort », « qui ôtent l’appétit », « où la pous-

sière se combine avec l’huile », « qui se déroule tou-

jours », « dont le bois se carbonise »), adjectifs épi-

thètes (« exécrables », « vert », « longue », « couverte »,

« estropiées »…) ou mis en position détachée

(« toutes encadrées ») entretiennent avec le nom un

rapport descriptif. L’accumulation des groupes

nominaux étendus donne l’impression que le lieu est

chargé d’éléments hétéroclites, dont le caractère

vétuste est signalé par une ultime accumulation

d’adjectifs et de participes attributs : « est vieux, cre-

vassé, pourri, tremblant rongé, manchot, borgne,

invalide, expirant ». L’intention qui préside à ce pas-

sage est réaliste : il s’agit de donner l’illusion de la

réalité, en évoquant les détails, techniques notam-

ment, qui la composent ; cette description prépare

l’action, et se charge également d’une fonction sym-

bolique, en indiquant le cadre misérable dans lequel

évoluent les personnages.

B   Le narrateur fait intrusion brutalement dans le

récit en s’adressant à un lecteur virtuel par le recours

à la deuxième personne du pluriel : « vous » ; il

annonce qu’il va décrire. L’infinitif révèle l’intention

du narrateur : « pour expliquer combien ». Le recours

au conditionnel souligne le caractère tout-puissant

du narrateur qui a le pouvoir de décider du rythme

du récit : « il faudrait en faire » ; par là, il brosse le por-

trait de deux types de lecteur : ce « vous », qui est le

lecteur idéal, dont l’imagination est portée par la fic-

tion (« Vous y verriez »), et un lecteur qu’il faut conten-

ter par d’autres moyens (« que les gens pressés ne

pardonneraient pas »). Le recours au conditionnel

présent, à la fin du passage, signale par ailleurs que

cette description précède la narration de l’histoire

elle-même, et qu’elle la prépare : « une description

qui retarderait ». Enfin, l’emploi d’un présent étendu

dans les relatives semble indiquer une longue fami-

liarité du narrateur avec les lieux évoqués.

5 – Déterminer la vitesse d’un récit

p. 432 (ES/S et Techno) p. 552 (L/ES/S)

A   L’imparfait de l’indicatif est ici chargé d’une

valeur itérative ; il est, par là, très proche de la des-

cription, dans la mesure où l’action qu’il raconte

constitue une toile de fond sur laquelle se construit

l’action principale. L’énoncé unique de ce voyage

qui s’est répété souligne de façon synthétique l’atta-

chement de la fille de ferme pour son enfant, qui

occupe sans cesse sa pensée et détermine chez elle

une habitude.

B  Le récit fait alterner différentes vitesses : les pre-

mières lignes du passage (« Son mari lui faisait l’ef-

fet… tout son bonheur sur la terre. ») font le portrait

moral de la fille de ferme, et constituent une pause.

On peut déceler des segments narratifs qui présen-

tent des résumés, ou des sommaires d’événements :

le paragraphe qui s’ouvre à « depuis deux ou trois

C  Critères d’évaluation possibles– Les commentaires du narrateur ont été supprimés.

– Les présentatifs, qui comportent une ambiguïté,

sont remplacés par des verbes au passé simple ou à

l’imparfait.

– Le style de Diderot est observé : laconique, il

repose sur la parataxe et la brièveté des phrases.

Les reprises nominales restituent l’écriture de Dide-

rot : un seul terme désigne « le maître » ; « Jacques »

est aussi « le valet », « le pauvre diable ».

– L’écrit s’attache à combler l’ellipse suggérée par le

commentaire du narrateur : « une mauvaise nuit ».

– Le valet semble posséder une certaine philosophie

de la résignation et des talents de narrateur, tandis

que le maître est volontiers violent, mais aussi

curieux, comme un lecteur.

3 – Confronter présence du narrateur et temps de la narration

p. 431 (ES/S et Techno) p. 551 (L/ES/S)

A  La narration est menée à la deuxième personne :

le personnage semble s’interroger sur lui-même,

tandis que le lecteur, porté à s’identifier au person-

nage, est emporté dans un même mouvement de

quête de soi.

B  Menée au futur de l’indicatif, la narration précède

les événements racontés, et prend une dimension

prophétique en donnant aux événements qu’elle

annonce un caractère inéluctable : la rupture conju-

gale à venir semble résulter d’une machination du

personnage, ou de l’action d’une force plus grande

que lui.

C  Le titre du roman suggère l’idée d’une transfor-

mation qui n’altère pas la nature de l’élément modi-

fié : le personnage se dédouble, et se voit, avec luci-

dité, dans une situation dans laquelle il n’est pas

encore : il expérimente les événements à venir sur

lui-même, il se découvre et se « modifie ».

4 – Étudier l’organisation d’une description

p. 432 (ES/S et Techno) p. 552 (L/ES/S)

A  La description se développe sous la forme d’une

liste, qui procède selon un principe spatial : le regard

semble progresser du haut (éléments suspendus)

vers le bas (éléments posés sur le sol, dont l’éléva-

tion se réduit à mesure que la description avance).

Elle procède par une énumération de détails que la

ponctuation (virgules, points-virgules) juxtapose :

« un baromètre », « des gravures », « un cartel », « un

poêle », « des quinquets », une « table », des

« chaises », des « paillassons », des « chaufferettes ».

Chaque terme de cette énumération reçoit son

expansion, sous la forme de modifieurs du nom :

compléments du nom (« à capucin », « en écaille

incrustée », « d’Argand », « en toile cirée assez

grasse », « en sparterie », « à trous cassés, à char-

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Français 1re – Livre du professeur

années » et se clôt à « avec colère » résume quelques années de la vie du couple, et peut relever aussi bien du sommaire que du « récit itératif ». Le passage est, en son milieu marqué par une ellipse qui accélère les événements : « Des années passèrent ; l’enfant gagnait six ans. » Dans les dernières lignes, la durée du récit rejoint celle de l’histoire : l’apparition sou-daine du mari et les paroles qu’il adresse à sa femme forment une scène : « Si c’était le tien, tu ne le traite-rais pas comme ça. ». L’alternance de moments où l’action sommeille, s’accélère ou ralentit permet de ménager une ascension vers un moment où l’inten-sité dramatique culmine : la crise, longuement, est restée latente, puis éclate soudainement.

6 – Étudier les relations entre organisation et fonction de la description

p. 432 (ES/S et Techno) p. 552 (L/ES/S)

A  Le passage présente la description d’une œuvre d’art dont le sujet est un paysage maritime : il s’agit d’une ekphrasis, comme le montre l’abondance des termes qui renvoient au lexique de l’art : « premier plan », « peintre », « perspective », « tableau », peut-être aussi « impression » et « marine » ; le lexique de l’univers marin s’agence dans ce cadre. L’organisa-tion de la description répond à un principe spatial : elle se concentre d’abord sur « le premier plan », et envisage, pour finir « tout le tableau » ; mais cette notation est voilée, et un deuxième principe s’im-pose, qui repose sur une série de métaphores et de comparaisons dont l’effet est de mêler les plans, le bas et le haut, l’élément terrestre et l’élément mari-time : « Des hommes […] couraient aussi bien dans les flots que sur le sable », « le sable […]réfléchissait déjà les coques comme s’il avait été de l’eau », « un navire en pleine mer […] semblait voguer au milieu de la ville », « des femmes qui ramassaient des cre-vettes dans les rochers, avaient l’air […] d’être dans une grotte marine ». La synthèse des deux éléments est opérée dans l’oxymore « la terre est déjà marine », qui souligne, in fine, la confusion des frontières spa-tiales.

B  Le tableau est décrit par un observateur qui est sensible aux effets recherchés par le peintre : après avoir analysé le talent et l’intention du peintre qui « avait su habituer les yeux à ne pas reconnaître », il décrit le tableau en montrant les effets produits par cet art poétique sur ses propres perceptions : « sem-blait », « avaient l’air », « donnait cette impression » : la confusion des éléments enveloppe d’un halo indécis les sensations de l’observateur. Par ailleurs, le lexique de l’art, l’écriture imagée qui restitue les intentions du peintre désignent au lecteur l’observa-teur comme un écrivain de talent ; dès lors, cette description se colore d’une fonction esthétique.

Chapitre 2 Le théâtre

1 – Identifier le vocabulaire de théâtre et reconnaître un genre

p. 438 (ES/S et Techno) p. 558 (L/ES/S)

A  Électre apprend au spectateur qu’elle veut ven-ger le meurtre de son père, et qu’elle a un frère, mais que celui-ci n’est pas auprès d’elle. Les paroles du chœur, qui font connaître au spectateur le nom d’Électre, rappellent qu’Agamemnon a été assas-siné par son épouse, qui est la « misérable » mère d’Électre. Le dialogue révèle l’extrême détresse de la fille d’Agamemnon, et le caractère inébranlable de sa résolution. Les didascalies, par ailleurs, nous apprennent le lieu de l’action, Mycènes, en Grèce, où règne la famille des Atrides. Ce passage instruit donc le public des principaux éléments nécessaires à la compréhension de la pièce, et répond aux exi-gences d’une exposition.

B  Les allusions à la famille des Atrides rattachent la pièce à l’un des grands cycles légendaires qui four-nissent le sujet des tragédies grecques : Électre appartient à une dynastie royale frappée par une malédiction : Atrée, le père d’Agamemnon, avait assassiné les enfants de son frère, puis les lui avait servis comme mets à l’occasion d’un festin. De plus, la réplique d’Électre est parcourue de nombreuses références à la mort, sous la forme de comparaisons (« comme le rossignol qui a tué ses petits »), ou d’évocations mythologiques (Perséphone, Hadès, les Érinyes) : ces éléments confèrent aux paroles d’Électre une noblesse tragique. Enfin, Électre est une jeune fille, dont les plaintes disent une douleur que rien ne peut atténuer, et qui la conduit à tramer un complot pour assassiner son père.

C   Le Chœur, composé de jeunes femmes de Mycènes, dialogue ici avec le personnage ; il témoigne de l’affection,  par l’apostrophe « mon enfant », et de la sympathie à celle qui est « fille de la plus misérable des mères » ; il insulte les meurtriers d’Agamemnon (« ta perfide mère », « lâche ») et mau-dit l’auteur du coup fatal (« qu’il meure »). Enfin, il entreprend de l’apaiser : « pourquoi sans cesse te répandre »

2 – Comprendre la fonction de l’exposition

p. 438 (ES/S et Techno) p. 558 (L/ES/S)

A  Le monologue d’Émilie qui ouvre la pièce évoque trois personnages : Auguste, l’empereur de Rome, qui est « au milieu de sa gloire » ; le père d’Émilie, qui a été proscrit par Auguste et mis à mort (« par sa propre main mon père massacré ») ; Cinna, qui conspire la mort d’Auguste, et dont Émilie est éprise.

B  Une vingtaine de marques de première personne apparaissent dans ce passage : les pronoms per-

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Partie III – Outils d’analyse

l’identité de celui qui lui fait cette déclaration : il s’agit

d’un quiproquo. Christian, quant à lui, révèle ses

scrupules à Cyrano dans une tournure imperson-

nelle : « mais il me semble, à présent, que c’est mal ! »

C  Critères d’évaluation possibles– Monologue lyrique dans lequel apparaissent les

sentiments contradictoires que Cyrano a éprouvés

pendant la scène du balcon : amitié pour Christian,

exaltation et douleur amoureuses évoquant le

romantisme.

– Mélange de tragique et de comique.

– Pronoms personnels de deuxième personne, et

marques du dialogue : Cyrano dialogue avec Roxane

comme si elle était présente.

– Langage poétique où abondent les métaphores ;

mais aussi langage tonitruant aux formulations

lestes.

4 – Étudier le drame romantique

p. 439 (ES/S et Techno) p. 559 (L/ES/S)

A  Les personnages de cette scène appartiennent à

l’aristocratie, à l’exception de Casilda, qui est une

servante : la reine d’Espagne, Doña Maria de Neu-

bourg est issue d’une famille de la noblesse alle-

mande et a épousé le roi d’Espagne. Comme l’in-

diquent la réplique de la duchesse, ainsi que son

titre, Don Guritan est un aristocrate.

B   Les didascalies, ainsi que la ponctuation, per-

mettent de percevoir une certaine proximité entre la

reine et sa servante Casilda : toutes deux parlent en

aparté, comme l’indiquent les didascalies ; la ponc-

tuation expressive révèle également l’intérêt que

toutes deux accordent à la lettre du roi : les excla-

mations indiquent d’abord l’impatience de la reine,

puis sa déception (« Hélas ! ») ; elles ponctuent éga-

lement trois phrases dans la réplique de Casilda.

Ces éléments isolent la reine et sa servante de la

duchesse, qui observe strictement l’étiquette de la

cour, et de Don Guritan, qui s’adresse à la duchesse.

c. Casilda emploie un niveau de langue courant, qui

n’est pas celui de la tragédie classique : « le billet

doux » est une formule qui rappelle la comédie ou le

vaudeville. Elle reprend par ailleurs, et répète, les

mots de la lettre du roi, dont elle raille le manque

d’imagination ; cette moquerie de la servante à

l’égard du roi est soulignée par la diérèse dans la

diction du mot « imagination » qui occupe tout l’hé-

mistiche et qui fait écho au premier hémistiche du

vers précédent, « il a tué six loups » : on peut en effet

constater que ces deux hémistiches sont liés par

des assonances en [i], [a], et une allitération en [s].

L’ironie de Casilda met en exergue l’indifférence du

roi pour celle qu’il a épousée : elle interroge en effet

la reine dans une question rhétorique qui énumère

les tourments auxquels le roi devrait répondre. Ces

éléments montrent l’intention d’Hugo, qui est d’ac-

cueillir, dans son drame romantique, « la comédie et

la tragédie » : une servante se moque d’un roi dans

sonnels, en particulier, ont tour à tour la fonction de

sujet et de complément d’objet direct (« je regarde »,

« je vois », « J’aime », « je hais », « je sens », « je

songe », « je m’irrite », « je m’abandonne ») ; le pro-

nom personnel tonique apparaît deux fois dans un

vers qui lui-même accumule quatre pronoms per-

sonnels de première personne : « Oui, Cinna, contre

moi, moi-même je m’irrite » : Émilie semble se

dédoubler, et souffrir d’un déchirement qui la

condamne à être victime d’elle-même : prise entre la

haine d’Auguste et le désir de vengeance, l’amour

de Cinna et la crainte de le perdre, elle exprime avec

lyrisme le désarroi qui s’est emparé de toute son

âme. Le dialogue qu’elle établit avec elle-même est

redoublé par un dialogue qu’elle entretient avec des

personnages imaginaires ou absents : elle s’adresse,

à la deuxième personne du pluriel, à ses désirs de

vengeance : cette allégorie peut faire songer aux

Érinyes, divinités de la mythologie grecque qui

poursuivent les meurtriers. Elle dialogue également

avec Cinna, désigné par le pronom personnel de

deuxième personne au singulier, qui a tour à tour la

fonction de sujet, lorsqu’Émilie évoque son courage

(« tu n’appréhendes rien »), et de complément d’ob-

jet, lorsqu’elle l’envisage comme l’instrument de sa

vengeance (« pour me servir », « Te demander »). Ce

monologue montre donc un personnage désem-

paré, qui chante à la fois sa colère et son amour.

3 – Employer le vocabulaire du théâtre

p. 438 (ES/S et Techno) p. 558 (L/ES/S)

A   Le verbe « monter » est prononcé par Roxane,

puis par Cyrano ; ces didascalies internes, aux-

quelles s’ajoutent les didascalies qui font référence

au balcon sur lequel se tient Roxane, signalent que

Cyrano et Christian sont sous le balcon. Cyrano, à

quatre reprises, répète ce verbe à l’impératif, auquel

il ajoute, à la quatrième injonction, une invective :

« monte donc, animal ! » : par là, il révèle son impa-

tience devant les hésitations de Christian, et son

émotion extrême.

B   Le pronom personnel de première personne

employé par Cyrano, s’il exprime bien le sentiment

amoureux qu’éprouve Cyrano pour Roxane, n’est en

réalité qu’un masque derrière lequel se cache Chris-

tian : Cyrano parle pour Christian et lui prête son élo-

quence. Lorsque Roxane achève sa réplique en

louant sa beauté, Cyrano semble se réveiller : la

didascalie Cyrano, à part, dégrisé, précède un aparté

qui permet au public de voir qu’il avait oublié qu’il

parlait pour Christian. Le pronom personnel de deu-

xième personne dont fait usage Roxane désigne en

réalité deux personnages, quoiqu’elle ne le sache

pas : ce « tu es/ Beau comme lui » s’adresse à Chris-

tian, mais fait écho au « je » de la réplique « Comme lui

je suis triste et fidèle… » prononcée par Cyrano :

Roxane termine les phrases de Cyrano, mais célèbre

la beauté de Christian ; elle se méprend donc sur

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330

Français 1re – Livre du professeur

une intrigue qui montre la détresse d’une reine ver-

tueuse en proie à l’ennui.

5 – Étudier la parole théâtrale et sa représen-tation dans le théâtre au XXe siècle

p. 439 (ES/S et Techno) p. 559 (L/ES/S)

A  Les didascalies font référence à un espace inté-

rieur, celui dans lequel évoluent les personnages, et

à un espace extérieur, que le jeu de Clov suggère,

sans que le spectateur puisse le voir. L’espace inté-

rieur se caractérise par le caractère sommaire du

mobilier, réduit à un escabeau et un fauteuil. L’es-

pace scénique et les mouvements des personnages

s’organisent autour de ces deux accessoires : la sta-

tion de Clov sur l’escabeau et sa descente tracent

une ligne verticale (Il descend de l’escabeau), qui

correspond à l’élévation nécessaire pour atteindre la

fenêtre ; le mouvement de Clov vers le fauteuil de

Hamm trace une ligne horizontale (Clov retourne à

sa place à côté du fauteuil.). Cet espace est très

géométrique, et réduit le mouvement à une sorte de

schéma. L’espace extérieur est exploré au moyen

de la lunette, qui suggère qu’au loin, rien ne retient la

vue, malgré le double artifice de l’instrument d’op-

tique à verre grossissant, et de l’effort de l’observa-

teur : « Il braque la lunette », « regardant toujours », « ayant cherché », « de même », « Baissant la lunette » ;

l’extérieur est vide, comme l’intérieur.

Le dialogue répond à la vacuité de ces espaces : la

répétition de la didascalie « un temps » souligne la

prédominance du silence, qui envahit la parole et la

scène. Les didascalies indiquent par ailleurs les rela-

tions qui règnent entre les personnages : Clov est

« agacé » par les apostrophes répétées de Hamm ;

les intonations des répliques de Clov signalent un

progressif mouvement d’exaspération : « plus fort »,

« Encore plus fort » ; elles sont aussi un redouble-

ment de l’espace, puisque l’intensité de l’intonation

est proportionnelle à l’espace qui sépare les person-

nages : Clov s’approche de Hamm par-derrière et lui

parle à l’oreille. Par son « Rire bref », Clov se met

encore à distance de Hamm, soit qu’il se moque de

lui, soit qu’il s’amuse de pensées qu’il garde

secrètes. Les brusques ruptures dans l’intonation,

dans l’expression et la circulation de Clov mettent

en lumière l’invalidité de Hamm, qui semble être vic-

time d’une sorte de torture morale. Les didascalies

soulignent d’ailleurs l’agitation du personnage, que

des signes visibles manifestent (sursautant), ou des

signes audibles (avec angoisse). Les relations entre

les personnages, caractérisées par des tensions,

semblent dénuées de toute trace de sympathie, et le

texte indique les moyens scéniques qui permettent

de rendre concrètes la méfiance, l’inquiétude, l’im-

patience et la violence.

B  Les répliques sont caractérisées par une extrême

brièveté : les répliques de Clov se réduisent souvent

à des monosyllabes ; elles n’expriment parfois que

l’acquiescement ou la dénégation : les adverbes

« oui » et « non » proférés par Clov isolent Hamm qui

assure la permanence d’un dialogue prêt à s’éteindre

à tout moment. Ce dernier multiplie les questions

sur ce que voit Clov (« Les flots, comment sont les

flots ? »…), sur les événements en cours (« Qu’est-ce

qui se passe ? ») et sur le sens du dialogue (« On

n’est pas en train de... de… signifier quelque

chose ? ») ; il apostrophe Clov à deux reprises ; il pro-

nonce des phrases injonctives qui expriment l’ordre

(« cherche bien ») ou la défense (« ne reste pas là ») :

Clov est un simple instrument, et non un interlocu-

teur. Couramment, Clov répond sur le mot, plutôt

que sur le sens ; il répète le mot sur lequel porte la

question ou répond à une question par une ques-

tion : « les flots ? », « Signifier ? ». Les personnages

semblent donc n’avoir rien à se dire.

C   Les noms des personnages ont des conso-

nances qui semblent indiquer une nationalité :

« Hamm » évoque le mot anglais « hammer », le mar-

teau, ou désigne l’acteur cabotin ; le nom de Clov,

par sa terminaison, évoque la Russie, mais aussi le

clou sur lequel on tape. Monosyllabiques, ils sont

intermédiaires entre des noms et des prénoms, et ne

permettent pas de situer socialement, ou historique-

ment, les personnages. Les pronoms qui désignent

les identités, le « tu », le « je », le « nous » sont parfois

anéantis dans le pronom « on », qui représente une

personne ou un ensemble de personnes indéter-

miné, et pose sur les personnages le masque de

l’anonymat : n’ayant pas de visage propre, ils

peuvent être le reflet du public, et, par suite, de cha-

cun de nous.

Les demandes de Hamm trahissent une inquiétude,

liée à son infirmité, mais aussi une demande d’atten-

tion ; le terme « bobo », enfantin, souligne sa fragilité,

mais produit aussi un contraste comique avec le

reste de son personnage. Clov semble détaché de

ces tourments, et son langage, familier (« comédie »),

voire vulgaire (« je t’en fous »), se colore d’ironie : il

tourne en dérision les actions mécaniques que tous

deux reproduisent, à l’identique « tous les jours ».

Ces personnages donnent donc une image de la fra-

gilité humaine, ou de sa condition de souffrance ;

mais ils sont aussi chargés d’une dimension

clownesque : en ce sens, ils sont à la fois tragiques

et comiques, mécaniques et dérisoires dans leurs

attitudes, humains dans leurs interrogations ou leurs

relations. Ils sont à mi-chemin entre la farce et la

métaphysique.

6 – Identifier et étudier la double énonciation

p. 440 (ES/S et Techno) p. 560 (L/ES/S)

A   Les didascalies montrent deux personnages

dont les attitudes physiques contrastent violem-

ment : Bartholo est agité « revenant », envahi par la

colère : « frappant du pied », alors que Rosine,

pâmée, « tombe sur un fauteuil », « renversée ». Le

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331

Partie III – Outils d’analyse

tions posées par H1 au début du passage répond la

succession, à la fin du passage, de deux répliques

dans lesquelles une question de H1 répond à une

question de H2 : il résulte de ce procédé une repré-

sentation du drame de l’humanité : il est impossible

de s’entendre, les mots sont impuissants à traduire

les émotions et les pensées ; les hommes sont

condamnés à se séparer, parce qu’une frontière

infranchissable sépare les consciences.

D  On peut imaginer une mise en scène soucieuse

de représenter l’univers du spectateur : les costumes

seront simples ; ils feront contraster le noir, lié aux

épreuves, au monde souterrain, mais aussi à la tem-

pérance, selon Michel Pastoureau, et le blanc qu’on

associe au manque et à l’absence. L’espace pourra

représenter un lieu familier, comme un salon, et la

présence de livres pourra symboliser le siège de ce

drame, qui se joue dans les consciences. La diction

pourra être orchestrée de telle sorte qu’on perçoive

la montée de la tension ; il faudra souligner le silence,

lui donner une présence concrète, ainsi que le sug-

gère cette critique de Michel Cournot, dans Le

Monde du 28 février 1986 : « Nathalie Sarraute […]

pétrit de la parole et du silence ». Il faudra veiller à

faire percevoir à chaque fois la puissance simultané-

ment tragique et comique du drame.

Chapitre 3 – La poésie

1. Étudier les liens entre métrique et musi-calité

p. 444 (ES/S et Techno) p. 564 (L/ES/S)

A  Ce poème est écrit en heptasyllabes. Relative-

ment bref, ce vers permet à Baudelaire de donner à

son poème un rythme preste, fait d’une alternance

entre le pair et l’impair : la coupe en effet impose

qu’on isole, à chaque vers, une cellule impaire, ce

qui engendre un balancement et des effets expres-

sifs, qui, dans les premiers vers, peuvent souligner

le mystère de la femme : « Quoique tes sourcils|

méchants/ Te donnent un air | étrange ». Si, pour

l’œil, les vers 6 et 7 paraissent plus brefs, c’est que

leur lecture impose une diérèse : il faut lire pas-si-on

et dé-vo-ti-on.

B  Les rimes de ce poème se succèdent selon le

schéma des rimes embrassées (abba, cddc…). La

rime constitue par elle-même un accent phonique,

et attire l’attention sur les mots qui la véhiculent : la

richesse des échos phoniques qui réunissent

« méchant » et « alléchant » forme une paronomase et

souligne le caractère maléfique de la figure féminine.

La diérèse signalée plus haut, en particulier, souligne

la nature de la relation amoureuse, qui se diapre de

religiosité. L’association, dans l’ensemble de l’ex-

trait, du lexique amoureux et du lexique religieux,

environne la femme du sentiment du sacré, et en fait

un être à la fois désirable et redoutable.

pouvoir semble détenu par le barbon que sa jalousie

rend furieux. La modalité des phrases traduit les

émotions ressenties par chacun des personnages :

exclamations et interrogations disent, chez Rosine,

la détresse ; chez Bartholo, les exclamations et les

injonctions disent l’impatience et la colère.

B  La première réplique de Rosine s’adresse en réa-

lité au spectateur, à l’insu de Bartholo ; il s’agit d’un

aparté, qui révèle au public la détresse du person-

nage : Pierre Larthomas définit cette forme du lan-

gage dramatique comme un « cri de l’âme ». Il consti-

tue ici comme un commentaire du stratagème ourdi

par Rosine ; l’aparté est le redoublement verbal du

geste indiqué par la didascalie.

C  Bartholo voit dans Rosine une jeune fille naïve et

sans défense, que sa colère peut impressionner, et

que sa volonté dirige. À l’inverse, le spectateur est

témoin de l’extrême habileté de Rosine, qui, durant

tout le passage, joue pour son tyran une sorte de

comédie destinée à lui faire croire qu’il a gagné la par-

tie : ses gestes, ses paroles disent sa défaite, alors

qu’elle a en réalité remporté la victoire. Les paroles de

Rosine ne prennent donc pas le même sens pour Bar-

tholo, qui est dans l’ignorance du subterfuge opéré,

et pour le public, qui, en position de voyeur idéal, sai-

sit tous les enjeux de la scène. Dès lors, les paroles

autoritaires de Bartholo prennent pour Rosine et pour

le spectateur, une dimension comique.

7 – Déduire du texte écrit une représentation

p. 440 (ES/S et Techno) p. 560 (L/ES/S)

A  Réduits à une initiale, les noms des personnages

ne véhiculent aucune détermination sociale, histo-

rique ou morale : ce sont deux hommes anonymes,

qui possèdent deux voix. Peut-être le titre suggère-

t-il que ces personnages représentent le « oui » et le

« non », ce qui serait une invitation à une lecture

métaphorique et symbolique de la pièce. Les didas-

calies nous renseignent sur les liens affectifs qui

existent entre eux : H2 « soupire », et, plus loin, il est

montré « prenant courage » : on suppose donc une

relation tourmentée, et désormais menacée.

B  Les points de suspension qui parcourent l’extrait

signalent les béances qui s’ouvrent entre les deux

personnages et qui les séparent peu à peu : toute-

fois, ce signe ne prend pas le même sens tout au

long de l’extrait : signe de la perplexité de H1, mais

aussi de son désir de comprendre ou d’encourager

H1 à s’expliquer, il fait entendre, chez H2, le silence

qui enveloppe ce qui est indicible. Enfin, ces points

de suspension apparaissent, en mention, dans une

citation : « C’est bien… ça… » et font l’objet d’un

commentaire : « Juste avec ce suspens ». H 2 fait des

points de suspension dans une phrase de H1 la

cause de son « éloignement ».

C  Élément enchaînant par excellence, l’interroga-

tion inaugure le passage, et le clôt. Aux deux ques-

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Français 1re – Livre du professeur

2. Reconnaître les formes poétiques

p. 444 (ES/S et Techno) p. 564 (L/ES/S)

A  Les quatorze vers qui composent ce sonnet sont

répartis en quatre ensembles séparés par des

blancs : deux quatrains à rimes embrassées (abba/

abba) sont suivis par deux tercets que réunissent

des rimes répondant à un ordre ccd/eed. Les vers

s’ouvrent par le pronom personnel « je », qui précède

un verbe conjugué au présent de l’indicatif ou au

passé composé. Dans le dernier vers, l’interrogation

a pour effet d’inverser l’ordre sujet-verbe.

B  Chaque vers de ce sonnet comporte un exemple

des tourments endurés par le poète. Le poème use du

rythme de l’alexandrin, qui se divise en deux hémis-

tiches de six syllabes, pour en faire l’instrument dans

lequel peut se déployer une antithèse syntaxique : les

vers 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11 reposent sur l’alternance

de la négation et de l’affirmation. Les vers juxtaposent

verbes personnels (« je n’aime ») et verbes imperson-

nels (« me faut »). L’antithèse est également notion-

nelle : on peut relever les oppositions « simplicité-

malice », « vertu-vice » par exemple, ou encore l’oppo-

sition entre l’aspiration et la déception.

C   La phrase enjambe la strophe, et les quatorze

vers ne forment qu’une seule phrase : un unique

mouvement se déploie, dans lequel le poète déplore

son sort qui le condamne à sacrifier sa liberté, son

honnêteté et ses goûts aux contraintes écono-

miques et aux règles sociales. Ce souffle unique se

déploie dans un vaste mouvement, qui fait entendre

cependant des modulations diverses : on entend

tour à tour la plainte élégiaque du poète mélanco-

lique qui désire faire le bien, mais qui ne le peut, et le

rire douloureux du poète satirique qui s’indigne

contre la fausseté de la cour romaine.

D  Le quatorzième vers du sonnet interrompt, sans

la détruire, la structure des treize premiers vers : s’il

inverse l’ordre sujet-verbe en opposant aux proposi-

tions déclaratives une proposition interrogative, la

tournure interro-négative rappelle les négations qui

l’ont préparée, et le retour du « je » fait écho à l’en-

semble du poème. Enfin, le superlatif relatif permet

de dire, dans une forme concise et concentrée toute

la souffrance accumulée dans les vers précédents.

3. Étudier la métrique, la succession des stro-phes et le rythme

p. 444 (ES/S et Techno) p. 564 (L/ES/S)

A  Ce poème est écrit en alexandrins, mètre que

Ronsard pratique, dans les Amours de Marie, pour

sa proximité paradoxale avec la prose, qui lui per-

met de traiter de petits sujets quotidiens, comme

l’amour d’une jeune paysanne. Ce style humble

imite le discours spontané inspiré par le sentiment

amoureux. Dans le premier vers du sonnet, le nom

de Marie, anagramme d’« aimer », est souligné par

la nécessité de prononcer l’e atone devant

consonne.

B   Le verbe « aimer » est sujet à de nombreuses

métamorphoses tout au long du poème : il apparaît,

dans la première strophe, sous la forme d’un infini-

tif, COD du verbe au conditionnel « trouverait » ;

repris en chiasme à l’hémistiche, il est conjugué à

l’impératif présent. L’infinitif est à nouveau employé

au début du premier tercet, comme complément

du verbe impersonnel « il faut » ; on le trouve au vers

10, où il est noyau d’une proposition subordonnée

relative périphrastique qui donne à ce présent de

l’indicatif une valeur générale, et qui, par la néga-

tion, amorce un deuxième mouvement, qui fait le

tableau de l’insensible ; ce mouvement se clôt au

dernier vers, par une ultime occurrence du verbe

« aimer » à l’indicatif futur, dans une proposition cir-

constancielle de temps de forme négative : le poète

envisage ainsi, au terme d’un détour par un cas

général, les deux versants du sentiment amoureux :

l’expérience de son intensité, puis celle de la priva-

tion.

C   La syntaxe franchit en plusieurs occasions la

limite indiquée par la fin du vers : au vers 6, le com-

plément du nom « de cette vie » précède le nom

complété, « plaisirs » qui apparaît au vers 7 ; cet

enjambement précède un contre-rejet qui isole à la

fin du vers 7 le sujet de la proposition qui se déve-

loppe au vers 8. Un enjambement disjoint encore le

verbe « se propose » et son COD, « Une vie d’un

Scythe ». Une nouvelle discordance rassemble les

deux tercets : la phrase commencée au deuxième

vers du premier tercet se termine au deuxième ter-

cet, qui se ferme lui-même par un nouveau contre-

rejet (« à l’heure /que je n’aimerai plus »). On peut lier

ces procédés à une volonté d’imiter la poésie latine

et grecque, ainsi qu’à une recherche expressive : le

souffle amoureux ne peut se contenir dans les limites

de la métrique, et son élan en franchit lestement les

bornes.

4. Étudier rythme et musicalité dans un poème en prose

p. 444 (ES/S et Techno) p. 564 (L/ES/S)

A  La préférence de Rimbaud pour la parataxe se

traduit, dans le poème, par la prédominance de

phrases simples, dont les proportions sont proches

de la longueur du vers : la première phrase est un

octosyllabe au rythme 4|4 ; la dernière, un octosyl-

labe au rythme 3|5 ; les principaux mètres appa-

raissent dans les lignes de ce poème, et sont, selon

les intentions du poète, étendus ou abrégés : la deu-

xième phrase et la pénultième reposent sur une

structure qui rappelle à la fois l’alexandrin et le vers

impair : on peut les analyser comme la succession

d’un hexasyllabe et d’un pentasyllabe, ou d’un tétra-

syllabe et d’un heptasyllabe (« Rien ne bougeait

encore| au front des palais. » ; « L’aube et l’enfant|

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333

Partie III – Outils d’analyse

rier, du « sein sombre » de la femme aimée, la nostal-

gie du « pays natal » sont chantés dans un poème

écrit en langue française.

6. Étudier formes poétiques

p. 445 (ES/S et Techno) p. 565 (L/ES/S)

A  Les quatrains qui composent ce poème sont liés

par des jeux de répétitions : le deuxième vers de

chaque strophe devient le premier vers de la strophe

suivante, tandis que le quatrième vers devient le

troisième vers de la strophe suivante : il s’agit d’un

pantoum. Le retour des mêmes vers, en des places

différentes, évoque l’idée d’un mouvement, d’une

ondulation qui peut s’apparenter au mouvement cir-

culaire de la valse.

B   La syntaxe ne franchit jamais les limites de la

strophe, qui comporte son unité et se referme sur

elle-même. Les trois premières strophes sont

construites sur deux types de phrases, dont le pan-

toum rend la place fluctuante : la phrase déclarative

et la phrase exclamative. Les jeux de répétitions

concentrent, dans le dernier quatrain, deux excla-

mations, qui portent en elles l’idée que l’émotion

parvient à son point culminant.

C  La forme même du poème a pour effet de faire

résonner les jeux de sonorité que chaque vers fait

entendre : l’allitération des fricatives [v] et [f], de l’oc-

clusive dentale [t], de la liquide [l] ainsi que les

diverses combinaisons qui les font alterner (vers 1,

4…) font entendre une suite d’accords et d’échos. Il

se dégage du poème une musique propre à restituer

l’atmosphère d’un coucher de soleil, et à souligner le

sémantisme des mots choisis pour évoquer ce cou-

cher de soleil (vibration des cordes du violon, par

exemple).

Chapitre 4 L’argumentation

1. Distinguer, convaincre et persuader

p. 450 (ES/S et Techno) p. 570 (L/ES/S)A  Les titres de ces textes et le lexique qui les irrigue

indiquent les préoccupations politiques de leurs

auteurs : Mirabeau, un des plus grands orateurs de

la Révolution française s’interroge sur la forme que

doit prendre une « Déclaration des droits de

l’homme » compréhensible pour le peuple ; dans le

second texte, l’écrivain et philosophe suisse Jean-

Jacques Rousseau fait le tableau de la société

idéale et souligne, par la majuscule, les termes qui

désignent en particulier la collectivité politique,

sociale et morale formée par les Genevois.

B  Ces deux textes constituent des discours, liés à

la situation d’énonciation : on peut y déceler des

pronoms désignant l’orateur (« je », chez Rousseau),

l’orateur et ses auditeurs (« nous », chez Mirabeau),

tombèrent au bas du bois »). D’autres phrases, au

cœur du poème, peuvent se lire comme des hendé-

casyllabes, des décasyllabes, des ennéasyllabes.

Entre ces seuils du poème, le souffle de la prose

s’élance, et fond dans de vastes phrases com-

plexes, ces mêmes rythmes selon une cadence

adaptée au sujet.

B  La prose rimbaldienne puise sa puissance poé-

tique dans un mouvement fait de la rupture qui, d’un

paragraphe à l’autre, contraint l’imagination à com-

bler ce que la page laisse en blanc : de la « fleur » au

« wasserfall », par exemple, l’imagination est saisie

d’un raccourci qui est déplacement dans l’espace,

et changement d’échelle. La ponctuation (virgules et

points) découpe la prose en moments expressifs qui

accompagnent le développement de la narration

d’une promenade, dont le mouvement commence

et s’achève dans l’immobilité.

c. Une relation se tisse tout au long du poème entre

le sujet traité, une promenade, et la forme de la

prose, dont l’étymologie latine, prorsus, signifie « en

avant, en ligne droite ». Le paragraphe, qui condense

la parole par endroits, en occupant toute la largeur

de la page, permet de dire l’essoufflement d’une

course dans le matin à travers un univers naturel et

de rendre perceptibles les sensations d’une ren-

contre allégorique : la prose donne corps à cette

rencontre physique entre le sujet poétique et une

réalité immatérielle qui s’apparente au rêve.

5. Percevoir les ruptures métriques, rythmiques et formelles dans la poésie moderne

p. 445 (ES/S et Techno) p. 565 (L/ES/S)

A  La dimension musicale du poème tient notam-

ment au caractère original de la poésie de Senghor,

qui affirme, dans le titre du recueil (Nocturnes)

comme dans l’italique liminaire (pour Khalam) le lien

indissoluble qui existe entre les deux arts : le poème

est fait pour être accompagné de musique et chanté.

B  poétique

C  La succession d’un quintil, d’une strophe monos-

tiche, puis d’un nouveau quintil souligne le mouve-

ment des pensées du poète : le passé composé

évoque, dans la première strophe, un moment passé

dont l’intensité engendre la naissance de la parole :

de part et d’autre d’un présent rattaché au moment

de l’énonciation s’exprime une double évocation de

l’avenir, au futur : dans la première strophe, la part

d’incertitude liée à l’avenir est soulignée par les

deux phrases interrogatives ; la dernière strophe,

entièrement rédigée au futur, prend une valeur pro-

phétique.

D  La forme occidentale du poème (le verset notam-

ment), se joint à l’univers de l’Afrique, qui est pré-

sent tout au long du poème : la parole poétique est

redoublée par la musique des cordes de la harpe

africaine : l’évocation de la couleur de peau du guer-

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Français 1re – Livre du professeur

ou les auditeurs uniquement (« vous » chez Rous-

seau) : Mirabeau s’adresse à des pairs, qu’il apos-

trophe (« Messieurs »), et qui œuvrent pour le même

dessein dans un comité institué par l’Assemblée ;

Rousseau s’adresse à la collectivité des citoyens de

Genève, dont il souhaite obtenir la reconnaissance

et la gratitude. Le texte de Rousseau, de plus

s’adresse à une communauté plus vaste encore,

comme l’indique la première phrase du texte, qui

évoque, à la troisième personne, les « Citoyens » de

Genève : cette lettre, envoyée à la République de

Genève, doit constituer la dédicace d’un ouvrage à

portée universelle, le Discours sur l’origine et les

fondements de l’inégalité parmi les hommes.

C  Le texte de Mirabeau porte les marques d’une

langue très écrite : la subordination est le mode de

construction privilégié : l’indicatif, dans les princi-

pales, assure la progression du discours ; il en resti-

tue les étapes (passé composé, présent). Dans le

premier paragraphe, une subordonnée consécutive

au subjonctif (introduite par « en sorte que »), dans

laquelle s’enchâsse une comparaison (plutôt… que),

indique une conséquence qui n’est pas effective,

mais souhaitée ; dans le second paragraphe, la tour-

nure impersonnelle « il s’ensuit que » introduit une

subordonnée complétive qui exprime un résultat : le

développement se veut soucieux de s’adresser à la

raison des auditeurs. Au contraire, dans le texte de

Rousseau, la langue employée emprunte les traits

de l’oral : les relatives en « qui » et « que » abondent,

et le mode privilégié est la parataxe. Les subjonctifs

de souhait, les phrases interrogatives, exclamatives,

emphatiques (« voilà… qui », « c’est… que ») sou-

tiennent le lyrisme d’un éloge qui s’adresse avant

tout aux sentiments des Genevois.

2. Étudier la délibération

p. 450 (ES/S et Techno) p. 570 (L/ES/S)

A  Les modalités interrogatives et exclamatives qui

parcourent le texte révèlent les tourments de Jean

Valjean, qui endure un supplice psychologique ; elles

ponctuent de marques de l’oralité les pensées du

personnage, qui sont rapportées au discours indi-

rect libre. Le lecteur est donc témoin de la délibéra-

tion qui se joue sous le crâne de Jean Valjean, et qui

oppose les termes selon la perspective axiologique

du bon et du mauvais (honnête/voleur), du vrai et du

faux (apparence/ réalité).

B  La délibération conduite par le personnage décrit

un mouvement qui part de considérations générales

(Jean Valjean s’interroge sur le sens de sa vie et son

« but »), puis étudie successivement les consé-

quences, néfastes ou bénéfiques, des deux attitudes

qu’il peut adopter (rester cacher/se livrer) : ce mouve-

ment est partagé par la locution adverbiale « au

contraire » ; enfin, le verbe de volition « falloir » appa-

raît à trois reprises dans la deuxième partie du texte :

Jean Valjean se rend au parti de l’honnête et du vrai.

3. Étudier l’argumentation directe

p. 451 (ES/S et Techno) p. 571 (L/ES/S)

A   La numérotation qui précède ces textes est le

signe d’une variation dans le contenu d’un ouvrage

qui a connu plusieurs éditions successives : le

nombre des maximes, d’une édition à l’autre, a évo-

lué, au gré des suppressions et des ajouts ; elle per-

met également de rapprocher des textes dont le

sujet est identique ; enfin, elle exhibe le caractère

discontinu d’une écriture qui imite les caprices d’une

conversation où les sujets ne sont ni épuisés, ni

imposés.

B   L’emploi de la parataxe confère une complète

autonomie syntaxique aux membres qu’elle unit et

fait puissamment résonner les relations sémantiques

qui s’établissent entre les propositions coordonnées

par « mais », ou « et » : la maxime 74 repose sur le

parallélisme « il y a…il y a », et sur l’opposition « une

sorte/mille copies » ; la maxime 75 repose sur une

cadence mineure ; les deux propositions qui la com-

posent mettent en relation la métaphore du feu et la

peinture de l’amour : brèves et incisives, ces for-

mules ont une puissante structure rhétorique, qui en

fait de véritables fragments argumentatifs.

C   L’extrême brièveté de ces fragments, l’usage

d’un présent permanent à valeur panchronique

confèrent à l’énoncé une valeur universelle : le mora-

liste considère qu’il énonce une vérité valable pour

tous les temps, et tous les hommes : l’amour véri-

table est souvent contrefait ou imité ; son caractère

passager est inexorable.

4. Distinguer les raisonnements logiques

p. 451 (ES/S et Techno) p. 571 (L/ES/S)

A  Tous ces extraits abordent la question de l’ami-

tié, des conditions qui sont favorables à son appari-

tion dans le texte de Diderot, des conditions qui sont

défavorables à son expression dans le texte de La

Bruyère, et de ses effets dans le texte d’Alain.

B   Les grandes articulations qui assurent la pro-

gression de la pensée dans ces textes sont d’une

grande simplicité apparente : Diderot a recours à la

parataxe ; le lien entre les propositions juxtaposées

est implicite ; plus loin, « et », redoublé par l’impératif

« concluez », peut signifier « donc » ; les deux-points,

et le connecteur temporel « alors » permettent d’in-

troduire l’exemple de l’ami sans fortune ; La Bruyère

et Alain laissent à leur lecteur le soin de percevoir les

rapports logiques ; l’exemple du « bon financier »

chez La Bruyère et celui de l’ami joyeux chez Alain

ne sont annoncés par aucun connecteur. Les textes

de Diderot et de La Bruyère soutiennent que l’état

social (« fortune », « condition ») détermine la qualité

d’une relation amicale ; le texte d’Alain montre que

l’amitié engendre la communication des émotions.

Dans tous ces textes, le recours à l’exemple accom-

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335

Partie III – Outils d’analyse

rêve politique, qui présente une sorte de collecti-

visme primitif et montre un lieu idéal et fictif, relève

du genre de l’utopie.

Chapitre 5 L’image

1. Étudier l’organisation de l’image

p. 455 (ES/S et Techno) p. 575 (L/ES/S)

A  Pieter Brueghel, La Danse des paysans (1568)L’espace est construit en trois plans principaux :

– premier plan le couple à droite le musicien et les

buveurs ;

– deuxième plan  : l’espace intermédiaire où se

situent les autres danseurs, le fond avec l’église, des

maisons et le ciel. Peter Brueghel choisit de rejeter

vers l’extérieur, c’est-à-dire les bords du tableau,

tout ce qui marque la stabilité  : les bâtiments, les

arbres, les palissades. De par leurs places, ces élé-

ments ferment l’espace représenté et empêchent

l’œil de s’évader de la scène. Par contraste aucun

corps de paysan n’est statique, ils sont tous

construits par courbe et contre courbe ou obliques,

les danseurs n’ont qu’un pied au sol ce qui suggère

l’instabilité. Le milieu paysan est évoqué par les

chaumières, les mises modestes, les postures tri-

viales des villageois et leur trogne.

B  Vassily Kandinsky, Sans titre (1910) Les lignes et les touches de couleur jouent entre

elles  : les unes montrent une certaine solidarité

d’autres sont indépendantes  : la couleur devient

ligne pour accompagner les traits sur la gauche, la

ligne entoure la tache de couleur de façon décalée,

les vides entre ligne et couleur en témoignent, la

couleur, en bas, semble s’affranchir de la ligne tan-

dis que c’est au tour de la ligne de s’affranchir dans

la partie supérieure. Dans l’art traditionnel, la ligne

construit la composition et les formes, la couleur en

est dépendante même si la ligne disparait sous la

couleur. Ici, le jeu entre ces deux éléments constitu-

tifs de la peinture et du dessin montre qu’avec l’art

abstrait ils acquièrent leur autonomie et, chez Kan-

dinsky, deviennent des constituants équivalents.

Dans Du Spirituel dans l’art, rédigé en 1910, Kan-

dinsky affirme que «Nous ne sommes pas assez

avancés en peinture pour être déjà impressionnés

profondément par une composition de formes et de

couleurs totalement émancipée». Le décalage entre

taches et lignes, les taches dans ce qu’elles ont

d’inachevé, d’imprécis et d’aléatoire, les couleurs

chatoyantes exaltées par le fond blanc, les lignes de

force courbes et obliques créent une impression de

mouvement de rythme. Cette aquarelle est à rappro-

cher de la série des « Compositions » réalisées en

1913.

C  Dans les deux œuvres nous retrouvons une com-

position similaire, le centre des tableaux donne une

impression de mouvement. Les gammes colorées

pagne la formulation de la thèse : Diderot élit, pour

son exemple, deux personnages, dont le prénom

seul est révélé ; chez Diderot et La Bruyère, l’exemple

adopté est actualisé par un article indéfini et envi-

sage donc un cas général : « un gueux », image de

cet autre « gueux » qu’est le « charbonnier », « un bon

financier » ; Alain, par le recours aux déterminants

possessifs et au pronom personnel de première per-

sonne, donne un caractère plus intime à l’exemple

employé.

C  Diderot part d’un exemple, qui est fondu dans le

récit particulier des Deux amis de Bourbonne par

l’emploi de l’imparfait ; l’extrait se clôt par l’affirma-

tion, au présent permanent, d’une vérité générale : le

raisonnement est inductif ; plaisamment, Diderot

renverse la logique en faisant de la règle générale la

conséquence du cas particulier. Les textes de La

Bruyère et d’Alain s’ouvrent par l’affirmation de la

thèse défendue au moyen d’une séquence imper-

sonnelle, « il y a… », dans laquelle le pronom person-

nel « il » est une « forme postiche référentiellement

vide » (Grammaire méthodique du Français, PUF,

2009) ; le passage s’achève par un exemple, qui est

la conséquence de la thèse affirmée : le raisonne-

ment est déductif.

5. Étudier l’argumentation indirecte

p. 451 (ES/S et Techno) p. 571 (L/ES/S)

A  Ce texte prend la forme d’un dialogue, dont le

temps de référence est le présent de l’énonciation ;

les verbes de parole, les pronoms personnels de

première et de deuxième personne correspondent

aux interlocuteurs : Glaucon, un frère de Platon, dia-

logue avec le philosophe Socrate. Le temps qui

domine dans les paroles de Socrate est le futur ; il

considère une société qu’il situe dans une époque

postérieure ; ce futur prédictif envisage la vie des

agriculteurs, dont les membres sont désignés par le

pronom personnel de troisième personne ; en les

désignant par le démonstratif composé (« ces

hommes-là »), Glaucon insiste sur l’éloignement de

ces citoyens fictifs par rapport au temps du discours

qui les évoque.

B  Le texte décrit un mode de vie simple, frugal, en

accord avec la nature et avec la cité : ces hommes

se contentent du nécessaire, et, pour leur alimenta-

tion, se satisfont de ce que la nature et leur propre

travail peuvent leur offrir. Ces hommes sont indus-

trieux ; ils connaissent la piété, et pratiquent la com-

mensalité familiale ainsi que la piété ; leur comporte-

ment est fait de retenue ; ils combattent l’égoïsme

pour perpétuer la cité en transmettant leur mode de

vie en héritage à leurs enfants.

C   Platon, dans ce texte, présente un modèle de

société favorable à l’épanouissement de chacun,

car tous peuvent vivre « agréablement », et profitable

à tous, car il garantit à tous la paix et la longévité. Ce

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Français 1re – Livre du professeur

sont très proches mais le rapport de quantité est

inversé, chez Kandinsky le blanc domine. Les taches

de couleur flottent dans un milieu indéterminé chez

Kandinsky alors qu’elles correspondent à un réfé-

rent dans le Brueghel. Sans titre est probablement

une esquisse, le format et les techniques le laissent

supposer tandis que La Danse des paysans est

d’une facture achevée. Malgré leurs différences, les

deux œuvres nous donnent une impression de fête.

2. Etudier la composition d’une œuvre et analyser son sens

p. 456 (ES/S et Techno) p. 576 (L/ES/S)

A  La miniature est divisée en deux parties : le tiers

supérieur indique le mois d’août de façon symbo-

lique. En dessous l’image illustre les occupations du

mois : la chasse au faucon pour les nobles, les tra-

vaux des champs mais aussi le bain dans la rivière.

Le Radeau de la Méduse nous donne à voir un

radeau cadré très serré et les naufragés qui luttent

pour leur survie. La différence de format, des dimen-

sions, de la gamme de couleur, de la composition

opposent ces deux œuvres et donnent des impres-

sions contraires. Composition par plans pour expri-

mer la profondeur du paysage et l’échappée vers le

ciel s’oppose à la masse des naufragés qui bouchent

l’horizon  : des bandes horizontales, symbole de

calme pour l’un, une double pyramide parcourue

d’obliques pour l’autre  ; des personnages de cour

vêtus élégamment s’opposent aux corps meurtris

enveloppés de hardes  ; des montures nobles à un

esquif de survie. Chez les frères Limbourg les cou-

leurs sont lumineuses et font référence à une réalité

sublimée, la lumière est plate et ne donne pas de

relief particulier aux formes. Chez Géricault la

gamme est sombre et restreinte, nous avons un

camaïeu de bruns, la lumière en clair-obscur, affleure

les corps au premier plan et monte vers l’horizon en

partie éclairci en signe d’espoir, mais le bateau

visible au loin s’éloigne sans les voir.

Œuvre majeure dans la peinture française du xixe

siècle, Le Radeau de la Méduse fait figure de mani-

feste du Romantisme. Géricault s’intéresse à un fait

divers : le naufrage d’une frégate en 1816 près des

côtes du Sénégal, avec à son bord plus de 150 sol-

dats.

B   Même si l’on repère certains traits réalistes,

comme en particulier le dessin des corps de person-

nages mourants, on retrouve une expression exa-

cerbée des sentiments, la peinture d’une nature

déchaînée propres au romantisme. Même si les

lignes de force dessinent une pyramide, le désordre

règne, de nombreuses lignes de force à l’intérieur du

« triangle », en dessinant des lignes courbes le sug-

gèrent aussi. Enfin, on soulignera la parfaite concor-

dance entre les émotions et l’agitation des person-

nages et le tumulte de la nature.

3. Comparer deux portraits

p. 457 (ES/S et Techno) p. 577 (L/ES/S)

A  Erró, The Background of Pollock (1966-1967) The Background of Pollock signifie « les origines de Pollock ». Le peintre américain appartient au mou-vement de l’expressionniste abstrait. Erró se plait à imaginer ses sources d’inspiration parmi les artistes clés du xixe et xxe siècle : Van Gogh, Munch, Beck-mann, Matisse, Picasso, Miro, Dali, Duchamp. L’observation de cette grande toile peut faire penser à une bande dessinée, une mosaïque ou à un col-lage. Ce dispositif propose une double mise en abyme, celle de la peinture à travers les reproduc-tions d’œuvres et celle du processus créateur, la main d’Erró, en haut à gauche épingle une image. Pollock, en noir et blanc, est présenté en penseur, mais ce portrait est projeté sur le mur de gauche et s’anamorphose. L’angle nettement marqué crée un effet perspectif. L’espace représenté suggère une pièce, la boîte noire de la mémoire. L’espace n’est pas représenté de façon réaliste. On peut faire un parallèle avec les réécritures.

B  Titien, L’Homme au gant (1523) Titien dresse le portrait d’un jeune homme élégant, à la fois énergique et mélancolique. L’attitude natu-relle pour un aristocrate, montre une certaine aisance. L’élégance se trouve autant dans la mise : chemise plissée, médaillon, gants, que dans l’atti-tude : bras gauche posé sur un bloc de marbre tan-dis que l’index pointé de la main droite laisse appa-raître une bague armoriée. Titien joue sur les contrastes pour faire émerger le portrait. Le fond, le pourpoint volontairement foncés s’opposent au blanc de la chemise qui illumine la carnation claire de la peau. En se concentrant sur le visage et les mains Titien peint un portrait qui s’attache à la per-sonnalité du modèle évacuant tous les attributs inu-tiles. Considéré comme un des grands portraitistes de la Renaissance italienne, Titien s’est révélé dans ce type de portrait concentré sur l’intensité d’ex-pression du modèle.

C  Étude comparée Deux portraits, des choix radicalement opposés :– foisonnement / sobriété ;– confusion / contraste ; – espace perspectif / fond neutre ;– portrait noyé dans un magma / présence forte par l’occupation de l’espace ;– très grand format qui englobe le spectateur / un face à face de dimension humaine ;– dimension parodique / dimension psychologique.

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337

Partie III – Outils d’analyse

On pourra signaler que ce ne sont que des hypo-

thèses de lecture, le titre convoque un horizon d’at-

tente qui peut-être parfois trompeur.

2 – Repérer et analyser les effets créés par les registres

p. 462 (ES/S et Techno) p. 582 (L/ES/S)

A   a. et b. Honoré de Balzac, Le Père Goriot (1835)Il s’agit de montrer qu’une même œuvre peut pré-

senter des registres différents : le premier extrait

est tiré de la description de la pension Vauquer,

passage célèbre du Père Goriot (1835). Il illustre les

procédés de l’écriture réaliste par son thème et les

champs lexicaux convoqués. Les notations des-

criptives sont précises et concourent à recréer

l’image d’une pension de famille dont la tenancière

est avare, comme le montre le lieu dans lequel elle

vit. Le foyer de la cheminée « toujours propre »

révèle qu’elle chauffe rarement la pièce. Quant au

décor, il est ancien et abîmé – la cheminée est

« ornée de deux vases pleins de fleurs artificielles

vieillies et encagées, qui accompagnent une pen-

dule d’un marbre bleuâtre du plus mauvais goût ».

Les détails sordides, comme les notations olfac-

tives, illustrent également parfaitement ce registre.

Le second extrait est un passage de la longue ago-

CHAPITRE 6 – Les registres et effets du texte

1 – Identifier les registres

p. 462 (ES/S et Techno) p. 582 (L/ES/S)

Œuvres Registre Indices possibles

La Farce de maître Pathelin (1465)  comique On note la présence du mot « farce ».

Défense et illustration de la langue française (Joachim du Bellay, 1549)

polémique La notion de « défense » suppose une attaque.

Les Regrets (Joachim du Bellay, 1558) élégiaque On note la présence du mot « regrets ».

La Mort de Pompée (Pierre Corneille, 1644) tragédie On note la présence du mot « mort ».

Réflexions ou Sentences et maximes morales (François de La Rochefoucauld, 1665)

didactique La maxime expose des vérités admises et délivre un enseignement.

Histoire d’une fille de ferme (Guy de Maupassant, 1875-1880) 

réaliste La date de l’œuvre, la désignation de l’héroïne par un état social qui renvoie à l’idée de pauvreté.

Apparition (Guy de Maupassant, 1883)  fantastique Le sens du titre induit un phénomène surréel.

Napoléon le Petit (Victor Hugo, 1852) polémique Le nom du personnage historique et la qualification péjorative.

Eugénie Grandet (Honoré de Balzac, 1833) réaliste Le nom de l’auteur relié au genre romanesque et le titre formé du prénom et du nom d’une inconnue.

La Bataille (Patrick Rambaud, 1997) épique Le titre évoquant la guerre.

nie du père Goriot qui attend désespérément ses

filles. Ne les voyant pas venir, celui que Balzac

appelle le « christ de la paternité » réalise que sa vie

n’a été qu’un long chemin de croix. Nous sommes

dans le registre tragique. On relèvera le champ lexi-

cal de la douleur « je n’ai plus eu que des chagrins

à dévorer, et je les ai dévorés ! », de l’humiliation

« J’ai vécu pour être humilié, insulté. » et du déses-

poir « J’ai soif, j’ai faim, le cœur me brûle, elles ne

viendront pas rafraîchir mon agonie, car je meurs,

je le sens. » Ce sentiment est renforcé par les

modalités exclamatives et la phrase au rythme

coupé.

B  a. et b. Victor Hugo, Les Misérables (1862)Le premier extrait crée un effet de pathétique : on

relèvera la situation de Fantine, bien sûr, mais aussi

ses propos (on notera les exclamatives, les répéti-

tions « six mois », « ma fille » et surtout la mise en

scène de la supplication de la mère). Le champ lexi-

cal du combat renvoie au registre épique mais on

montrera en quoi cette épopée s’achève sur une

vision fantastique. La vision de la mort est ambiguë :

est-elle réellement perçue par les soldats qui vont

mourir ? Le narrateur impose cette idée, en tout cas,

comme l’indique la formule maximale au présent de

vérité générale « la colossale tête de mort que les

héros entrevoient toujours dans la fumée au fond de

la bataille, s’avançait sur eux et les regardait ».

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338

Français 1re – Livre du professeur

c. Cet extrait est construit sur un scénario d’histoire

comique, avec une chute sur un bon mot involon-

taire. On pourra réfléchir sur l’efficacité de l’échange

pour montrer que le comique fonctionne sur un

malentendu sur le mot « question ». Pour la plus

jeune, il s’agit d’une interrogation sur un événement

historique, pour Alix, il s’agit de poser la question

telle qu’elle est formulée par le manuel.

Cette attaque est dirigée contre les hommes d’État

et s’appuie sur un renversement de point de vue. Le

procédé polémique consiste à définir les termes en

passant par le syllogisme suivant : les hommes

d’État sont habiles, or l’habileté implique la peti-

tesse, donc les hommes d’État sont petits

(médiocres).

C  a. Le passage tiré de la nouvelle de Mérimée, Il

viccolo di madama Lucrezia (1873), vise à créer un

effet de peur et de suspense. Il appartient au registre

est fantastique. Le thème est celui de la découverte

d’un lieu inconnu, seul et dans l’obscurité : « garçon

qui me précédait fit un faux pas, et la bougie qu’il

tenait à la main tomba et s’éteignit. Il me demanda

un million d’excuses, et descendit pour la rallumer. »

L’imagination du narrateur fait qu’il appréhende

d’ouvrir la porte de sa chambre. On relèvera la thé-

matique fantastique de la « nonne sanglante », un

spectre qui vient hanter le château de Lindenberg

dans la légende allemande, mais aussi les hésita-

tions marquées par les modalisations (modalité

interrogative, le verbe « sembler »).

b. Rome s’oppose au mariage de Titus, futur

empereur, et de Bérénice, reine de Palestine. Titus

est obligé de la renvoyer chez elle, malgré lui, malgré

elle. Dans l’échange de la scène 5 de l’acte IV,

Bérénice passe notamment par l’expression de la

colère, de la compassion et du désespoir. Le champ

lexical de l’amour et de la souffrance mais aussi du

temps qui passe décrit cette tragédie de la

séparation. Les modalités exclamative et

interrogative, les répétitions « Seigneur », « Titus »

« pour jamais » et la structure syntaxique en chiasme

soutenue par le rythme et les sonorités de l’alexandrin

renforcent cette évocation. Pour montrer ce chiasme,

on analysera également le changement de fonction

grammaticale des noms des personnages qui passe

du statut sujet au statut objet.

c. Dans cet extrait de « Monstres sacrés » de Roland

Dubillard, deux compères commentent les jeux de

scène d’une actrice célèbre, Sarah Bernhardt, un

« monstre sacré » selon l’expression de Cocteau. La

parodie s’appuie sur le décalage entre ce que veut

dire l’admirateur inconditionnel de l’actrice (la situa-

tion d’énonciation) et l’énoncé (ce qui est dit). On

pourra montrer comment les précisions soulignent

le ridicule du personnage (voir le costume ou la des-

cription de son avancée sur scène, ou encore les

réactions du public) et comment les brèves excla-

mations de son interlocuteur fonctionnent comme

des relances. Le comique réside encore dans les

jeux de mots « bout, pou, bout de fromage » et la

familiarité du registre utilisé qui est en décalage avec

le sujet « Elle avait une façon de s’amener, vous

savez... comme ça : pof ! C’était Bérénice. »,

« zioupe ! », « Médusé, on était. »

d. La première strophe du célèbre poème extrait de

Capitale de la douleur d’Eluard (1626) est lyrique. Il

s’agit d’un dialogue entre le poète et la femme aimée

(on relèvera les indices grammaticaux renvoyant à la

première et à la deuxième personne) ainsi que les

images qui renvoient à la forme circulaire des yeux

et à la féminité (courbe, tour, rond de danse et de

douceur, auréole, berceau) mais aussi au temps et à

la naissance.

• Le Montesquieu publie anonymement les Lettres

persanes sous la Régence. Il y critique la politique

absolutiste de Louis XIV par le biais d’une corres-

pondance entre deux persans. Ce texte est sati-

rique. La feinte admiration repérable dans la phrase

« ce roi est un grand magicien » est un moyen de se

moquer de la naïveté de son peuple mais aussi de

dévoiler l’inutilité des mesures politiques adoptées

par le roi pour tenter de trouver de l’argent. On

pourra noter la gradation : on passe de la falsifica-

tion de la valeur « il n’a qu’à leur persuader qu’un

écu en vaut deux, et ils le croient » au tour de magie

« S’il a une guerre difficile à soutenir et qu’il n’ait

point d’argent, il n’a qu’à leur mettre dans la tête

qu’un morceau de papier est de l’argent ». La lettre

s’achève par une satire de la religion puisque le

mystère de la transsubstantiation c’est-à-dire le fon-

dement de la croyance chrétienne n’est plus qu’un

tour de passe-passe.

• L’incipit du Roman comique de Scarron est une

parodie du style épique (on parle d’héroï-comique).

Pour l’apprécier il faut réactiver la culture mytholo-

gique des élèves, en présentant par exemple le

tableau de Guido Reni intitulé Apollon guidant le

char du Soleil et précédé de l’Aurore (1614). Ce char

du soleil ou du dieu Hélios a été conduit par Phaéton

qui incapable de le diriger a été foudroyé par Zeus.

Scarron joue donc avec les références mytholo-

giques pour signifier que la nuit était en train de tom-

ber. On relèvera la construction de la seconde

phrase qui multiplie les adjonctions « respirant un air

marin qui les faisait hennir et les avertissait que la

mer était proche, où l’on dit que leur maître se

couche toutes les nuits » pour ralentir le mouvement

du texte tout en évoquant la lenteur du char.

D   a. L’incipit d’« Un cœur simple » de Flaubert

appartient au registre réaliste. On peut situer

l’époque (XIXe), le lieu, les personnages et leur envi-

ronnement social « les bourgeoises de Pont-l’Evêque

envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité. ». On

relèvera la précision et la diversité des travaux de la

servante qui est exploitée comme le montrent les

imparfaits qui suggèrent un travail jamais inter-

rompu.

b. Le registre épique du « Soir d’une bataille » de

Leconte de Lisle se devine dans son titre. Les plu-

riels, le lexique du combat et de la violence sug-

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339

Partie III – Outils d’analyse

gèrent la sauvagerie de la guerre tandis que la com-

paraison initiale renvoie aux éléments et aux forces

primitives « Tels que la haute mer contre les durs

rivages ».

c. « Souvenir » de Lamartine est une méditation sur

le temps qui passe et la tristesse du souvenir qui

demeure. Le registre élégiaque de la plainte s’ap-

puie sur l’invocation « Ô dernier songe de l’amour ! »

sur le champ lexical du temps qui passe, sur les alli-

térations en [s] « En vain le jour succède au jour. /Ils

glissent sans laisser de trace », et sur l’image du

chêne auquel se compare le poète.

d. L’extrait de l’article « Torture » du Dictionnaire phi-

losophique de Voltaire est un texte polémique. On

pourra rappeler l’affaire du chevalier de La Barre,

accusé d’avoir profané une statue du Christ, bien

qu’il n’y ait aucune preuve, il est torturé et décapité

en 1766. L’organisation de l’argumentation consiste à

rendre sympathique la victime en soulignant sa jeu-

nesse « jeune homme » ; « l’étourderie d’une jeunesse

effrénée » (ce qui est déjà un moyen d’excuser le

« crime ») et à ridiculiser les bourreaux par l’ironie

d’une désignation antiphrastique « les juges d’Abbe-

ville, gens comparables aux sénateurs romains ». Vol-

taire montre ensuite l’insignifiance du délit et la déme-

sure de la punition. On relèvera pour cela le lexique

de la torture et celui désignant le crime, la construc-

tion syntaxique « non seulement...mais encore », les

répétitions « combien », le jeu de l’adverbe « précisé-

ment », qui servent à dénoncer ce scandale.

e. Phèdre réalise l’ampleur de son crime dans cet

extrait de la scène 6 de l’acte IV. Après avoir déclaré

vainement son amour à son beau-fils, se croyant

veuve de Thésée, elle apprend le retour de son mari

et comprend qu’Hippolyte a repoussé ses avances

parce qu’il en aime une autre. La jalousie la gagne et

son désir de vengeance est souligné par le lexique

de la mort et du crime. Cependant, elle prend

conscience de l’horreur de sa situation et de son

impuissance. Les modalités interrogatives, excla-

matives, les ruptures de rythme de l’alexandrin, l’op-

position entre le soleil et la nuit infernale soulignent

l’affolement et l’égarement du personnage. Sa vision

finale révèle qu’elle ne trouvera dans la mort nulle

paix mais au contraire le châtiment sous les traits de

Minos son père.

3 – Distinguer deux registres dans un même texte

p. 464 (ES/S et Techno) p. 584 (L/ES/S)

Les registres ou les effets du texte créés par des

procédés stylistiques ne sont que des outils d’ana-

lyse. Les exercices proposés ci-dessous ont pour

but de montrer aux élèves qu’une même œuvre peut

présenter plusieurs registres ; ils éviteront ainsi de

plaquer des idées reçues sur un genre ou un auteur.

Il sera donc intéressant de faire repérer aux élèves

qu’un même passage peut présenter des caractéris-

tiques qui relèvent de plusieurs registres.

a. Cet extrait d’un article du Dictionnaire philoso-

phique de Voltaire mêle le registre didactique et le

registre polémique. La disposition typographique du

titre correspond à une entrée définitionnelle, il est

écrit au présent de vérité générale, le narrateur uti-

lise le pronom personnel « on » dans son sens géné-

ral, et convoque des formules définitoires : « On peut

ranger dans la classe de la famine […] » ; « On com-

prend dans la peste toutes les maladies conta-

gieuses, qui sont au nombre de deux ou trois mille. »

Ce didactisme est bien sûr au service de la polémique.

Il s’agit de dénoncer les artisans de la guerre.

L’utilisation du pronom « nous » situe le lecteur et le

narrateur dans le camp de ceux qui s’opposent aux

responsables de la guerre, c’est-à-dire les « rois ou

quatre cents personnes répandues sur la surface de

ce globe sous le nom de princes ou de ministres ».

Le détachement marqué par l’explication pseudo

scientifique « trois ingrédients » et les précisions chif-

frées, l’ironie de l’antiphrase « ces deux présents »

qui désignent la famine et la peste, le détournement

de la formule consacrée « les images vivantes de la

divinité » pour décrire les artisans de la guerre,

relèvent de l’humour noir, un des procédés de la

polémique.

b. Cet extrait du Discours sur l’origine et les fonde-

ments de l’inégalité procède du registre didactique

et oratoire. La thèse de Rousseau s’organise selon

un mouvement binaire clairement montré par l’en-

trée en matière « Je conçois dans l’espèce humaine

deux sortes d’inégalités ». Rousseau définit la pre-

mière en passant du plus visible à ce qui l’est moins

« âges », « santé », « forces », « esprit », « âme », la

seconde par gradation allant du plus évident au plus

scandaleux. On relèvera encore les formulations

d’autorité « je conçois », « que j’appelle », « qu’on

peut appeler », et les explications « parce que », « qui

consiste ».

On mettra en lumière le registre oratoire en montrant

que les répétitions des formules vues précédem-

ment scandent le discours, et que le rythme binaire

construit le raisonnement « l’une que j’appelle […]

parce que, l’autre qu’on peut appeler […] parce

que ». Enfin, les formules d’insistance « comme

d’être plus riches, plus honorées, plus puissants

qu’eux », les accumulations « des âges, de la santé,

des forces du corps, et des qualités de l’esprit, ou

de l’âme » créent des effets de rythme qui visent à

convaincre.

c. La description de l’alambic dans L’Assommoir de

Zola est une séquence fantastique insérée dans un

passage de facture réaliste. Le pronom « çà », les

expressions « çà me fait », « avoir un trou à soi »,

« madame Gervaise » renvoient à une conversation

de registre familier, tandis que l’objet de l’échange

entre Coupeau et Gervaise « travailler, manger du

pain […] » évoque le monde ouvrier décrit par les

naturalistes. Le travail de l’alambic inspire en

revanche une vision fantastique ; celle de l’alcool

inondant Paris.

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340

Français 1re – Livre du professeur

d. Moha le fou Moha le sage de Tahar ben Jelloun est un roman construit sur la figure mythique du fou qui détient une forme de sagesse. Définir le registre de ce passage est quasi impossible, il mêle fantas-tique et réalisme, tout en ayant des accents ora-toires. Il s’agit d’en discuter avec les élèves en exa-minant les procédés. La vision intemporelle d’un bidonville surgit de la magie du discours « Je parle d’un pays […] Je chante un peuple […] Je dis un peuple […] ». Les métaphores construisent un monde fantastique dans lequel la terre est personni-fiée : elle a « respiré la mort et expulsé le jour » ; les arbres « sont suspendus au ciel » ; la mort devient « l’araignée vénéneuse » ; des cris « viennent de des-sous la terre ». L’ambigüité fantastique vient du fait que l’on ne sait si cette vision est issue de l’imagina-tion ou si elle décrit métaphoriquement un monde qui existe. La structure du passage met en évidence le passage de la vision à la réalité. Le narrateur voit « un terrain vague » pour achever sur la formule des-criptive « il y a ces terrains vagues ». Le registre réa-liste s’appuie sur le thème du passage mais sur les « petits détails vrais » comme les « bouteilles en plas-tique », les « bris de faïence » ou les « maisons en carton et en zinc » ainsi que sur les formules maxi-males « Un bidonville est une brutalité faite à des hommes séparés de la vie. Une violence qui ne pré-vient pas quand elle éclate. » qui révèlent et dénon-cent (nous sommes dans la polémique ici) la tra-gique condition de ses habitants. Le registre oratoire sera souligné par la répétition des mots « peuple », « il y a » qui tissent le texte, et sont repris dans des amplifications rythmant le mouvement des phrases. « Je dis un peuple non un rêve ou une image, un peuple vivant, qui connaît la patience et la fureur, un peuple imprévisible, il descend dans la rue avec ses gosses nus et ses arbres suspendus au ciel. »

e. Le  « Transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon » mêle registre oratoire et pathétique et vise à émouvoir. On montrera comment la structure syntaxique des paragraphes organise le mouvement oratoire : le premier est construit sur le schéma sui-vant « Chef de la résistance […] regarde […] regarde […] Pauvre roi […] regarde […] ». Le second obéit à la même logique d’amplification puisque le schéma de première phrase en conditionne tout le mouve-ment : « Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège […], entre ici, Jean Moulin, avec ton ter-rible cortège […] ». On montrera le pathétique de ce passage en s’appuyant sur les apostrophes et les formules injonctives qui créent un effet de présence, sur l’alternance des pluriels et des singuliers, sur l’antithèse « ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé […] ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé » réunissant, sur le plan de l’histoire, tous les destins dans la même tragédie, enfin sur le registre de la nuit et de l’ombre évoquant les morts et les résistants.

Rédiger un texte en créant un effet sur le lecteur

p. 465 (ES/S et Techno) p. 585 (L/ES/S)

Ces trois extraits programment respectivement une réécriture épique, fantastique et réaliste. Pour pasti-cher ces registres, on demandera aux élèves de relire la fiche 18, mais aussi des textes utilisant ces procédés.

LISTE DES RESSOURCES NUMÉRIQUES DE LA PARTIE « OUTILS D’ANALYSE »

p. 431 (ES/S et Techno) / p. 551 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Outils d’analyse – Le récitp. 438 (ES/S et Techno) / p. 558 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Outils d’analyse – Le théâtrep. 444 (ES/S et Techno) / p. 564 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Outils d’analyse – La poésiep. 450 (ES/S et Techno) / p. 570 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Outils d’analyse – L’argumen-

tationp. 455 (ES/S et Techno) / p. 575 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Outils d’analyse – L’imagep. 462 (ES/S et Techno) / p. 582 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Outils d’analyse – Les registres

et effets du texte

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