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Patrouilleur auxiliaire PARIS II Marine Nationale

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Patrouilleur auxiliaire

PARIS II

Marine Nationale

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Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS IIFiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5

Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON

Nom : PARIS IIType : Patrouilleur auxiliaire.

Chalutier de l’Armement Lobez, Poret et Cie.

Chantier : Chantiers Augustin Normand, Le Havre.Commencé : 1913.Mis à flot : 1913.Terminé : Mars 1914.

En service (MM) : 1914.Retiré (MM) : 13 décembre 1917.

En service (MN) : 23 septembre 1914.Retiré (MN) : 13 décembre 1917.

Caractéristiques :55 x 8,5 x 5,6 m. ;551 t. ;895 cv. ;1 machine alternative à vapeur ;1 hélice.

Sister-ship : N.C.

Armement :Un canon de 10 ;Trois canons de 75 ;Un canon de 47 contre avions.

Principales dates :Chalutier PARIS construit pour le compte de l’armementLobez, Poret & Cie à Boulogne.23 septembre 1914 : réquisitionné au Havre, affecté au servicede la Méditerranée Orientale.1915 : renommé PARIS II.17 décembre 1915 : combat durant deux heures contre un sous-marin dans le golfe de Sellum sous le commandement du LVCamille Paponnet. 1

13 décembre 1917 : coulé par une batterie terrestre turque dansla crique du cap Avova, les membres de l’équipage survivantssont fait prisonniers. (Commandant : Henri Rollin, Lieutenant devaisseau.)Le PARIS II est l'un des rares bâtiments à avoir reçu la Croix deguerre 1914 – 1918 et ses officiers et hommes d'équipage ont étéautorisés à porter la fourragère.

1 Dans l’ouvrage de P. Chack, la date du 18 décembre est mentionnée.

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Officiers :Camille Léopold Henri PAPONNET

Né le 7 avril 1870 à Breuil-Magné (Charente-Maritime).

1888 - Entre dans la Marine;03 octobre 1900 - promu enseigne de vaisseau ;Port de Rochefort.1er janvier 1901 - sur le croiseur Infernet, Division navale del'Océan Indien (Cdt René d' Hespel).1er janvier 1902 - port de Rochefort.1er janvier 1903 - sur l'aviso-transport Durance, Divisionnavale du Pacifique (Cdt Henri Rozier).30 mai 1908 - Lieutenant de vaisseau. Chevalier de la Légiond'Honneur.1er janvier 1910 - Commandant d’un groupe de torpilleurs,station des torpilleurs de Dunkerque.17 décembre 1915 - cet officier commandant le patrouilleurauxiliaire PARIS II dans le Golfe de Sellum, se distingue :

"A montré de remarquables qualités de décision et de courageen attaquant un sous-marin ennemi rapide et puissamment arméet en le contraignant à se retirer après un combat d'artillerie quia duré deux heures et demie."

1er janvier 1917 - port de Rochefort.

Officier de la Légion d'Honneur,Croix de guerre avec citation à l'ordre de l'Armée navale.

Equipage :Situation de l'équipage après le combat du 13 décembre1917 :

Commandant :Henri Rollin, Lieutenant de vaisseau (prisonnier blessé).

Officiers mariniers :

Maîtres :V Eugène Buino, timonier (disparu).Auguste Deschamps, mécanicien (prisonnier blessé).

Second-maîtres :V M. Fari, interprète libanais (mort d'épuisement en captivité).V Hyacinthe Guillou, manoeuvrier, Chef de quart (disparu).V Victor Heurtel, fourrier (disparu).Léon Laronde, mécanicien (prisonnier blessé).Auguste Marque, canonnier (prisonnier blessé).

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Alfred Pherivong, manoeuvrier (recueilli).

Équipage :

Quartiers-maîtres :François Brenon, mécanicien (recueilli).V Adrien Clémençon, mécanicien (disparu).Paul Jaffrezic, canonnier (prisonnier blessé).Julien Renault, canonnier (prisonnier).V Octave Lamier, électricien T.S.F. et timonier (tué).V Louis Laouenan, timonier (tué).Laurent Le Moal, fusilier (blessé, recueilli).V Albert Paulay, canonnier (disparu).Joseph Poiraud, manoeuvrier (recueilli).

Matelots :V Jules Antonini, timonier (disparu).V Eugène Bessou, gabier (disparu).V Louis Bouvier, boulanger-coq (mort à l'hôpital ottomand'Adalia).Régis Brivet, chauffeur (prisonnier).M. Castel, chauffeur (blessé recueilli).V Alain Castel, gabier (disparu).Don-Pierre Corbani, fusilier (blessé, recueilli).Pierre Dely, chauffeur (recueilli).V François Ferrard, chauffeur (disparu).V Émile Francheteau, sans spécialité (disparu).Pierre Guillerm, fusilier (blessé recueilli).Yves Guillou, chauffeur (prisonnier blessé).V Pierre Huby, sans spécialité (disparu).V Pierre Josse, canonnier (disparu).Jean Le Donge, chauffeur (prisonnier, blessé).V Robert Le Veo, cuisinier (disparu).M. Mansour, mt. libanais (prisonnier).Louis Mariage, sans spécialité (prisonnier).Roger Masson, mécanicien (prisonnier, blessé).Georges Mazoyer, mécanicien (recueilli).Victor Moro, canonnier (prisonnier blessé).M. Nemtallah, mt. libanais (prisonnier).M. Neulat, sans spécialité (blessé, recueilli).Noël Nomdedeu, canonnier (recueilli).Jean Louis Noret, timonier (prisonnier blessé).Roger Pastrie, mécanicien (prisonnier, blessé).V M. Selemen, mt. libanais (disparu).V Léon Thebaud, fusilier (disparu).

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Citations :Extrait de l’arrêté ministériel du 27 février 1918 (MédailleMilitaire) :

Second-maître de man uvre Alfred Phérivong(Havre 6342)2,

Première citation :«Le PARIS II ayant été coulé à coups de canon dans le golfed’Adalia le 13 décembre 1917, au cours d’une opération deguerre, est resté à son poste avec le plus parfait mépris dudanger, sous un feu intense. Ne s’est jeté à la mer que sur ordrede son commandant.Avec un chauffeur arabe a soutenu son camarade Castel,chauffeur breveté blessé grièvement et l’a remorqué à la nage aularge sur un panneau de cale.A rallié la baleinière et aidé à la remorquer à la nage sous un feuviolent.A ensuite parcouru 70 milles en 32 heures le long de la côteennemie et réussi à rallier Castellorizo avec son embarcation. »

Deuxième citation :Lorsque le PARIS II a coulé sur la côte Turque, il était à 400mètres de la « terre et au lieu de nager vers la côte qui luiassurait la vie sauve mais le faisait se constituer prisonnier, apréféré nager vers le large alors qu’aucun bateau n’était là pourle recueillir.Pendant 2h30 il a ainsi nagé en remorquant un camarade blesséet qui ne savait pas nager, puis a eu la chance d’apercevoir labaleinière du PARIS II, qui trouée de toutes parts par les ballesturques était remorquée par quelques hommes d’équipage quicomme lui préféraient nager vers le large pour n’être pas faitsprisonniers. A ce moment, a pris la direction de l’embarcation.A tour de rôle les uns ou les autres nageaient autour de labaleinière pour boucher avec des balles françaises, les trous faitpar les balles turques. Et malgré le froid (c’était le 13 décembre)a réussi après 32 heures à parcourir 70 milles à l’aviron et àramener son embarcation à Castellorizo. »

2 Par la suite devenu Capitaine au long cours, il s’est embarqué pour l’Afrique pour enfin diriger des portscomme Libreville, Abidjan, Pointe-Noire.

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Témoignage :Jugement - Compte-rendu du "Petit-Var" du 9 décembre1919."Après une courte délibération, le Conseil rapporte un jugementdéclarant à l'unanimité le Lieutenant de Vaisseau Rollin noncoupable sur les cinq questions posées, et M. le Capitaine deVaisseau Meleart, appelant devant le Conseil le jeune officierinvite à se ranger derrière lui, ceux de ses hommes qui ontdéposé aux débats ainsi que Madame Buino et son jeune fils, etil dit au Commandant Rollin qu'il est heureux et fier de lui fairepart de son acquittement et de le féliciter ainsi que tous ceux duPARIS II ; il adresse un souvenir ému à ceux qui sont tombésdans le combat et termine ainsi :"Honneur et gloire au PARIS II, à son vaillant Commandant, età son héroïque équipage !"La séance est levée; des mains amies se tendent vers M. Rollin,les juges serrent celles de tous les survivants et saluentrespectueusement Madame Buino."

Cartographie :

Situation de l’épave du PARIS II.

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Iconographie :

Chalutier PARIS.

L'épave du PARIS II.

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Delly (3) – Bresson (3) – Magager (4) – Poireau (3) – Guilleron (3)Carbani (3) – Nomdedeu – Le Moal.

Des rescapés du Paris II (5)

Photographie prise à bord du cuirassé Jauréguiberry à Port-Saïd.

Remerciements :A l’attention de :

Gilles Jogerst, généalogiste de marine et son minutieux travailde reconstitution,Benoît Lobez, arrière-petit-fils de Paul Lobez, armateur(Société Poret-Lobez et Cie),Philippe Phérivong, petit fils d’Alfred Phérivong, manoeuvrierdu PARIS II (recueilli),Serge Le Coustour, historien,Daniel et Marie Thérèse Botz-Francheteau, généalogistes,et tous les bénévoles du forum GENEANET qui ont participéaux recherches sur ce navire.

3 Orthographiés respectivement Dely, Brenon, Poiraud, Guillerm, Corbani dans les fiches nominatives.4 Marin non identifié dans l’équipage du PARIS II.5 Un marin n’est pas nommé (9 personnes photographiées, 8 nommées)

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Officier Turc :Mustafa ERTUGRUL

Officier turc ayant accompli de nombreux exploits militaires etcausé la perte des patrouilleurs auxiliaires PARIS II etAlexandra, et d’autres navires alliés.

Bibliographie :Le dernier combat du Paris II - 13 décembre 1917 - R. GaudinDe Villaine, édité à Toulon en 1920 - cote INV 6551 –Bibliothèque de Toulon.

Pavillon haut – Paul Chack – 1929 - Les éditions de France.

Ben Bir Türk Zabitiyim – Baktitan Cikan Kahraman – MustafaErtugrul – Belgesel.

Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française - LVJM Roche.

Internet :www.miramar.ship.index

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Annexe 1 :Extrait de « Pavillon haut » de Paul Chack :

« DEUX CHALUTIERS ET UNE ILE

I - BLOCUS ILLUSOIRE.

Secteurs de patrouille des chalutiers en Syrie en 1917

II. — A CASTELLORIZO.

Dans le secteur Aloupo-Anamour opère la section PARIS II -Alexandra.

J'ai dit déjà ce que fut le début de l'existence guerrière duPARIS II, ci-devant chalutier de la maison Porez et Lobez,armateurs à Boulogne-sur-Mer, mobilisé sous le commandementdu lieutenant de vaisseau Paponnet, et frère du Nord-Caper quise battit à la manière de Surcouf. Promu aviso de par sa grandetaille et la robustesse de ses reins, le PARIS II, sous Paponnet,conquit de haute lutte le surnom de bateau pirate, que bien despatrouilleurs eussent payé cher et qu'il dut à une longue suite decombats, coups de main et opérations spéciales dont lesmauvaises langues disent que les états-majors les approuvent...quand elles ont réussi. En 1917, le lieutenant de vaisseau Rollina remplacé Paponnet sur le PARIS II.

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Commandé par l'enseigne de vaisseau auxiliaire Doucet,l’Alexandra, simple chalutier d'un gabarit modeste, a rallié ladivision de Syrie au mois d'octobre 1916.

PARIS II et Alexandra sont des habitués de Castellorizo.

J'ai montré l'île au début de l'occupation française. Gouvernéepar le capitaine de corvette de Saint-Salvy, elle a connu une telleère de prospérité qu'en décembre 1916, au moment du guet-apens d'Athènes, auquel nous avons riposté par le blocus de laGrèce royaliste, les insulaires ont décroché les portraits deConstantin et de Sophie, tandis que le Président de laDémogérontie a affiché une proclamation d'après laquelle « lepeuple (de Castellorizo) jouit d'une pleine liberté et vit plusheureux que celui de n'importe quel endroit ».

Bonheur éphémère ! Au début de 1917, des bruits sinistres serépandent. « L'île est trop gênante, disent nos agents d'Asiemineure, et les Turcs ont résolu de s'en emparer. »

Vue sur la carte, Castellorizo a fort exactement la forme d'unepince de homard prête à se fermer sur Andiphilo, village dulittoral caramanien. Au fond de la pince ouverte se trouveMégiste, seule ville, seul port et seul mouillage praticable deCastellorizo. Les Turcs ont installé une batterie bien défilée surla haute croupe contre laquelle est adossée Andiphilo.

Le 9 janvier 1917, à deux heures après-midi, tenté par laprésence de l'Ariane, battant pavillon de l'amiral de Spitz, duporte-avions anglais Ben-My-Chree, des torpilleurs Pierrier et250, l'ennemi déclenche une canonnade nourrie qui dure jusqu'àla nuit. Négligeant les abris préparés, les Grecs, que poursuiventles obus, fuient vers la montagne et s'entassent dans les raresfermes, dans les monastères, les chapelles, les ravins et les creuxde rochers: Sous des rafales de pluie glacée, ils campent. Nosmarins sont restés à Mégiste, prêts à repousser un débarquement.

Le bombardement reprend les 13, 17 et 19 janvier. Puis, trompéspar le silence des minuscules pièces de 65 millimètres qui sontla seule défense de Castellorizo, les Turcs s'imaginent que nousavons évacué la place. Alors, le 20 janvier, dans ce canal lycientémoin de la victoire qu'en 1440 Guillaume de Lastic remportasur le renégat Serphi, commandant la flotte du soudan d'Egypte,dans ces eaux où Prigent de Bidoulx triompha des galères deSoliman, se déroule un nouvel assaut du croissant contre lacroix. Tandis qu'un avion lance des bombes qui manquent lePARIS II de Paponnet, une quinzaine de barcasses remorquées,bondées de soldats, s'élancent vers Castellorizo, que les piècesturques arrosent à plein jet. Mais nos hommes sont à leurs postes

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et, bientôt, prise sous le feu de nos petits 65, la moitié de laflottille assaillante est par le fond et le reste en fuite. Le chef del'expédition, commandant allemand Schuller, en est pour sacourte honte. Ses troupes n'ont même pas pu approcher desréseaux barbelés qui festonnent les points de débarquementpossibles...

Ile de Castellorizo

Cependant, les bombardements dépeuplent Castellorizo. Avecles goélettes de Mégiste, les insulaires recommencent, cette foisvers l'Egypte et la Crète, l'exode de leurs ancêtres, lesquels, en1480, prirent la fuite vers l'archipel et Naples en apprenant, «environ Pasques ou Penthecouste », que les Turcs faisaientgrande armée pour attaquer Rhodes. En 1917, la moitié de la

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population s'exile. Le reste s'accroche au sol et fournira, les 5 et15 avril, les bras et les voix nécessaires pour hisser en chantant,le long de la falaise presque à pic qui borde la calanque deNavlakas, quatre pièces de 120 long. La pince de homard vaenfin pouvoir tenailler l'adversaire.

Cette calanque de Navlakas est le seul point de mouillagepossible depuis que Mégiste est exposée au feu des Turcs. C'estune sorte de fiord taillé dans la côte Sud de l'île ; un ravin leprolonge, coupant en deux Castellorizo et dans lequel desoliviers et des acacias ont défié le temps, la tempête et lasécheresse. Au Sud-Ouest du ravin, règne la désolation d'undésert pétré, sauvage et lugubre, où seuls s'ébattent les scorpionset les charognards. Au Nord-Est, dominant la ville et portant lescanons, s'étend la région « des monts », fief du lieutenant devaisseau Lurin, burgrave du plateau Saint-Georges, châtelain deDiski et commandant de l'artillerie. Selon ses plans, les marinsont taillé dans le roc dur, à 200 mètres d'altitude, un blockhaus,des abris de bombardement et des soutes à munitions, le tout surle modèle de l'architecture pélasgique, réservant ainsi à nosdescendants l'occasion de controverses du genre glozélien.

De ce haut poste de défense, que les Grecs appellent «To Micro-Gibraltar », on voit, au premier plan et à gauche, la pointeDiakouris que Castellorizo projette vers le canal lycien et quifigure ce que les zoologistes nomment l'endopodite ou mâchoirefixe de la pince de homard. A l'extrême droite, la pointe Nephtiest l'extrémité de l'exopodite, laquelle, dans un vrai homard, estarticulée. Enfin, directement en dessous du blockhaus, entreNephti et l'entrée du port, s'ouvre la crique de Mandrassi, seuleplage de l'île, que domine un bastion, parcelle robuste del'antique acropole vieille de plus de deux mille ans, servant deposte de commandement au gouverneur et d'abri aux blessés. Audelà du canal de Lycie, qu'ont franchi sous Thoutmès II lesvaisseaux de cèdre des marins de Sidon, et plus tard les flottesde Servilius et de Pompée poursuivant les pirates de Mithridate,on découvre la côte sauvage de Caramanie, où les villages turcsont poussé sur le sol où sont éparses les poussières de Patara, deCorycos, de Phaselis, d'Olympos et d'autres cités fameuses. Làest Andiphilo et la batterie ennemie, Au dernier plan s'étagentles contreforts du Taurus lycien que poudrent les neiges d'hiver.

Notre Micro-Gibraltar n'est pas de force devant l'organisationterrestre, aérienne et sous-marine de l'adversaire. Pour donner dela voix, nos canons de 120 attendent d'avoir pu repérer le butqu'ils doivent battre : ces pièces turques si bien cachées.Castellorizo encaisse sans pouvoir répondre.

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D'ailleurs, après les bombardements rageurs et prolongés dudébut, l'ennemi a adopté une sorte de tableau de service qu'il suitavec une ponctualité qui révèle la main allemande. A dix heuresdu matin, un obus siffle, un seul. Aussitôt résonne le tocsin,tandis que, posté sur le quai Amiral-Moreau, au milieu d'uneplacette que bordent les bureaux et magasins de la marine,minuscule agora où sont affichés les ordres du gouverneur et lescommuniqués que peut capter le poste de T. S. F., un claironlance la générale, dont les notes, à travers l'atmosphère d'unepureté sans pareille, gagnent les plateaux et les postes les pluslointains. La ville prend alors l'aspect d'une fourmilièrebouleversée. Par les raidillons et les venelles tortes et si étroitesqu'un âne bâté frotterait les murs tribord et bâbord, lesMégistéens filent vers les abris. Ceux de nos marins quin'arment pas les pièces rallient leurs postes de combat dans laville, réduit de la défense.

Séparés par de longues accalmies, cinq ou six obus tombentalors sur l'île. Vers onze heures, la séance est terminée et leclairon sonne la retraite. Pendant tout le bombardement, au postede commandement, à la vigie et dans les batteries, les longues-vues et les jumelles braquées sur le continent tentent, toujours envain, d'apercevoir quelque lueur qui révélerait l'emplacement dela batterie.

Un jour cependant, le 10 avril 1918, on verra enfin l'éclair dudépart d'un coup, et nos canons de 120 enverront cent projectilescoup sur coup, muselant définitivement l'ennemi.

Mais il s'agit de 1917. Parfois, un avion rend visite àCastellorizo. Il choisit volontiers les périodes où le chalutierravitailleur est à Navlakas. Par bonheur, l'île possède, à la pointeNephti, des pièces anti-aériennes de 47 millimètres et unveilleur extraordinaire. C'est un roquet auprès duquel est tombéela première de toutes les bombes. Depuis lors, il aboie etdéclenche l'alerte deux minutes avant que les plus habilesguetteurs aient distingué l'ennemi volant. Au premier jappement,chacun court vers son abri. C'est dans une telle course qu'unhomme s'est un jour foulé la cheville, seul résultat dont sepuissent enorgueillir les aviateurs d'en face. Pour attirer lesbombes, les marins ont installé un faux campement sur unplateau désert. A le voir d'en haut, les Turcs ont cru d'abord que10 000 hommes étaient massés là, prêts à se ruer à l'assaut.

Ainsi se présente Castellorizo le 17 novembre 1917, au momentoù le PARIS II, avec son nouveau commandant, mouille àNavlakas. La calanque est si étriquée que l'aviso semble l'emplirtout entière. Il est entouré de barcasses que des Grecs, vociférantsur le mode aigu, chargent de sacs, couffins et colis de toutes

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sortes que le PARIS II, bondé jusqu'au bastingage, a apportésde Port-Saïd en même temps qu'une section de la Légiond'Orient, renfort pour la garnison de Castellorizo, laquellecompte 5 officiers et 150 gradés et matelots. Des marins dirigentles corvées. On les reconnaît à leur fusil que jamais ilsn'abandonnent, afin de marquer leur qualité d'hommes libres etleur préséance sur les insulaires. Cette arme est d'ailleurs leurunique signe distinctif. En tous temps et tous lieux, les marinséprouvent une aversion déterminée pour l'uniforme qui déçoitleur goût du pittoresque, Castellorizo, dont l'intendancemaritime ne s'occupe guère quant à la délivrance des vêtementsréglementaires, est un paradis pour nos hommes, que l'onrencontre chaussés de tcharouks en peau de chèvre lacés commedes cothurnes et voisinant avec des bandes molletières bleuhorizon, coiffés de casques en liège couleur khaki et vêtus dutricot rayé sur lequel ils ont capelé la chemise d'uniforme... del'armée britannique. En dépit de leur déguisements ils travaillentdur et secouent la mollesse des corvées grecques.

Le déchargement du PARIS II exige même quarante-huitheures, car le voisinage des avions nous oblige au seul travailnocturne et les barcasses sont rares pour le transit entre Mégisteet Navlakas. Le capitaine de corvette Le Camus, gouverneur del'île depuis le mois de juillet 1917, réclame en vain l'envoi deschalands indispensables. Depuis bien longtemps, le seul matérielneuf que produisent en France les arsenaux navals est réservéaux armées du front. Mieux vaut donc compter sur les prisesfaites devant la côte ennemie. Le 19 novembre, le PARIS IIappareille de Navlakas pour l'habituelle tournée. Sonprogramme doit l'amener à Rhodes vers le 10 décembre et àCastellorizo le 12. « Tâchez de ne pas rentrer les mains vides »,lui recommande Le Camus, qui pense toujours à ses barcasses.

A vrai dire, les occasions de capturer des voiliers turcs se fontrares. Sous le règne de Paponnet, c'était plus facile, et le PARISII a saisi ou coulé onze goélettes entre juillet 1916 et février1917. Mais, à présent, les Turcs se méfient et ont juré que le «chéitan guémi », le bateau - démon, ne leur jouerait plus de telstours. Le lieutenant de vaisseau Rollin fera bien d'opérerprudemment. Un récent bulletin de renseignements de ladivision de Syrie a signalé qu'une batterie de 75, commandée parun capitaine turc et basée sur Adalia, se déplace le long de lacôte et doit bientôt se poster au cap Avova.

Le 12 décembre dans la soirée, le PARIS II avise Castellorizopar sans-fil que son retour est remis au lendemain.

Le 13, à la nuit tombante, après une belle journée d'hiver claireet sèche, sous un ciel nettoyé par une jolie brise d'Est qui

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Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON

apporte le souffle des neiges de Caramanie, le gouverneur LeCamus rentre de sa tournée quotidienne d'inspection. Le voilà àla lisière du plateau Saint-Georges, dont le bord dentelé dominele port, la partie Sud de la ville et les ruines du Chastel Rougebâti, au début du XIVe siècle, par les Hospitaliers de Saint-Jeansur l'emplacement de l'antique pyrgos de Sosiklès, fils deNikagora d'Amos. L'officier suit un sentier de chèvres quebordent des roches creusées de tombes de l'époque hellénique ouplus anciennes encore, mais qui sont restées sans histoire, car leschroniqueurs n'ont daigné s'occuper de l'île minuscule qu'à partirdu IVe siècle de notre ère. Par-dessus les toits rouges tous pareilsqui ont remplacé les terrasses charmantes d'autrefois, le portdésert est maintenant visible dans toute son étendue.

Le gouverneur s'engage dans la première ruelle, lorsqu'il voitaccourir le commissaire de marine Durand, officier interprète etchargé du chiffre. Sa figure est toute chavirée. Il brandit unpapier dont l'obscurité empêche de distinguer les lignes et,haletant, s'écrie :— Commandant, le PARIS II a été coulé au canon devant lecap Avova. L'Alexandra, qui a envoyé ce T. S. F., n'a pu sauverpersonne !

III. — LA SOURICIERE.

Rallions, à la mer, la section PARIS II - Alexandra. Lors de leurprécédente patrouille, les deux navires ont passé presque toutleur temps à transporter des troupes et des réfugiés. Il importe dese montrer de nouveau dans les anses de Caramanie. Un sans-filde l'amiral Varney signale le départ imminent, pour SaTripolitaine, de goélettes ennemies escortées par des sous-marins. Il paraît aussi qu'en certains points du littoral turc, onconstruit des voiliers. Un nettoyage de la côte s'impose en laserrant de près. Le risque est faible. On n'a le plus souventaffaire qu'à des pièces isolées à tir lent, lesquelles se ramassentdès qu'on fait tête. Bien renforcé depuis l'affaire de Solloum, lePARIS II porte un canon de 10, trois de 75 et un de 47 contreavions ; l’Alexandra, un de 95 et un de 75. Ainsi armée, lasection est d'attaque, et puis, en naviguant à deux, il resteratoujours, vienne le coup dur, un bateau pour remorquer l’autre.En route donc pour fouiller toutes les cachettes, et surtout lesenvirons d'Adalia.

Le 9 décembre, la section arrive devant le cap Avova. A 3 000mètres, le PARIS II canonne une tartane ancrée sous lepromontoire. Peine perdue: la houle fausse le tir et l'avisos'éloigne. Au coucher du soleil, il revient, stoppe devant le capet met à l'eau une baleinière. En s'éloignant, les baleiniersdéroulent « à la demande » une longue aussière dont le PARIS

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II a gardé un bout et dont ils vont fixer l'autre extrémité sur latartane.

Une violente fusillade accueille l'embarcation et cesse dèsl'intervention de quelques obus français. Puis, virant l'aussièreavec son treuil à vapeur, le PARIS II amène le long de son bordla baleinière et le bateau capturé. Il est chargé de peaux etd'oranges et sa coque est en si piteux état que la houle l'envoiepar le fond sitôt que l'aviso tente de le remorquer versCastellorizo.

Décidément, la fameuse batterie turque qui doit défendre le capAvova n'est pas à son poste.

Le 10 décembre, le PARIS II va reprendre des agents à unrendez-vous fixé sur la côte. Le 12, la section pénètre dans lecoupe-gorge qu'est la baie Makry et démolit un canon turc et desbaraquements. Ce coup de main va sûrement attirer des forcesennemies, et il importe de filer à toute allure vers quelque lieuoù nul n'attend nos bâtiments. Toute la nuit durant, le PARIS IIet l'Alexandra cinglent vers l'Est. Un T. S. F. vient de signaler, àAdalia, la venue de troupes prêtes à se jeter sur Castellorizo.Une seule voie leur est ouverte : la route de mer, dont lasurveillance stricte s'impose plus que jamais. Dès lors, Rollinajourne son retour à Navlakas et, le 12, prévient Le Camus par lesans-fil dont j'ai parlé.

Et nous voici au 13 décembre.

Naviguant à toucher la côte de Caramanie, PARIS II etAlexandra se dirigent vers l'Est en ligne de file. A six heures dumatin, les voici dans le canal de Lycie. Invisible dans la nuitfinissante, Castellorizo est par le travers tribord. Le rivageennemi n'est qu'un mur noir dont la base est frangée d'une ligned'écume vaguement phosphorescente aux points où le ressacdéferle sur des hauts fonds. Pas une lumière en vue.

Quatre-vingts kilomètres plus loin, voici le cap Khelidonia, où lacôte tourne brusquement à angle droit pour courir en directionNord pendant une soixantaine de kilomètres jusqu'à Adalia. Nosdeux patrouilleurs continuent de longer la terre et passent entrel'îlot Grambousa et le continent. Rivage désert. Au flanc d'unecolline boisée, le cratère volcanique de Yanar crache uneflamme rougeâtre qui, par instants, s'avive et vire au blanc. Lesvigies et les veilleurs des passerelles fouillent de leurs jumellesle village de Deliktach, qui semble aussi abandonné que lesantiques vestiges d'Olympos tout proches. Les criques sesuccèdent, toutes vides. Voici la plage de Tekrova, où gisent lesruines de Phaselis, tout près de quoi viennent mourir dans la mer

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les dernières pentes du grand pic Takhtalou dont les 2 300mètres dominent le pays. La neige qui poudre les sommets faitparaître plus sombres que de coutume les falaises et les rocsnom du bord de A une dizaine de kilomètres dans le Nordapparaît un promontoire escarpé de marbre blanc, le cap Avova,A sa pointe Nord s'ouvre une anse bien connue des caboteursd'Adalia et dans laquelle le PARIS II a surpris la tartane 1’autrejour.

L’instant est venu de voir si la batterie mobile d'Adalia a fini parrallier le cap. D’habitude, les canonniers turcs nouvellementinstallés brulent de faire parler la poudre dès qu'un but passe àleur portée. Les deux Français défilent à 4000 mètres de terre.Silence... Ils viennent alors sur la gauche, en route sur Adalia.

Dix heures. A bord du PARIS II, les bâbords sont de quart, lestribordais à table. Sur la passerelle, le second maître deman uvre Guillou soudain s'exclame :- C'est trop fort ! Il y a encore un salopard dans le fond de labaie.- Ma foi répond le commandant, je ne m’engagerai pas dans cetrou-là aujourd'hui, on risque trop.

Mais, à ce moment, le timonier Noret, l' il vissé à sa longue-vue, rend compte :- C'est une barque pareille à celle qu'on accrochée il y a quatrejours, et elle est à la même place. Regardez, commandant, elleamène sa voile.

Quelle frousse ! Les gens se foutent à l'eau. Ils ont peur d'êtrepoissés, bien sûr.- Diable ! Voilà qui change l'aspect de la question. Si ces Turcs-là rentrent leur voile, c'est qu'ils viennent d'arriver du large. Ilfaut aller voir ce que leur bateau a dans le ventre.

« Indépendance de man uvre », signale le PARIS II àl'Alexandra, tout en venant vers la gauche, droit sur la barcasse.

Les tribordais ont lâché leur repas. Ils émergent sur le pont. Enpatrouille, les distractions sont rares et il n'en faut rien perdre.Seul le matelot-coq Bouvier, peu curieux, demeure devant sesfourneaux.- Aux postes de combat ! Les baleiniers volontaires à l'appel !

L'appel est simple formalité, car les volontaires sont déjà là,parés à sauter dans une des baleinières du PARIS II, lequel, àvitesse réduite, gouverne sur l'entrée de la crique.

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Bientôt, l'aviso stoppe. L!'Alexandra a rallié le cap et s'en tient àmoins de cent mètres, prête à canonner toute silhouette suspecte.

La baleinière est en route : le quartier-maître de man uvrePoiraud est à la barre, le quartier-maître fusilier Le Moal à lamitrailleuse, le quartier-maître timonier Laouénan emporte deuxpavillons emmanchés pour les signaux. L'embarcation n'a quedeux avirons sur quoi souquent, à couple, le chauffeur Dely, lematelot Neulat et les fusiliers Corbani et Guillerm. Deux avironssuffisent, puisque, tout à l'heure, c'est le treuil du PARIS II quidéhalera l'embarcation.

La crique où elle vient de s'engager semble une tenaille prête àmordre. Le cap Avova est une des branches. L'autre est unepetite pointe plus au Nord, d'où, le 9 décembre, des tireurscachés ont canardé la baleinière. Grimpé dans le nid de pie, lecanonnier Nomdedeu, aux yeux de fin tireur, surveille cettepointe que débordent des têtes de roches marquées d'écume enflaques. Le PARIS II est à quelque 350 mètres du cap qu'ilrelève par tribord arrière. Toute vitesse abolie, l'aviso attend.

La baleinière n'a plus que deux cents mètres à courir.

A terre, pas un bruit, pas un souffle, pas même l'aboiement d'unchien, pas même l'envol d'un oiseau. Du PARIS II, les jumellesde jour et de nuit, les longues-vues et le télémètre sont braqués.Dépointés par mouvements très lents, ils scrutent l'un aprèsl'autre les rocs, les ravins, les crêtes, les buissons et les arbres,les grands pins tout droits dont l'odeur résineuse parvient jusqu'àbord.

La baleinière avance toujours, très lentement.

Entre la pointe et le cap, les pentes moins abruptes sont biendégagées et en pleine vue. Nul ne se pourrait cacher par là àmoins de creuser des tranchées, et le travail serait ardu dans cesol tout en roches et en cailloux. Pourtant... Pourtant, regardez,juste sur l'arrière de la barcasse, à cinquante mètres du bord del'eau, cette bande brune qui semble de la terre fraîchementremuée. Sur cette trace suspecte, le second maître Guillou a,depuis un moment, rivé son attention. Noret, lui, surveille le cap.Il a cru quelque chose remuer derrière un talus... Illusion, peut-être... Inévitable quand on fixe longtemps le même point. Mais,au fait, que sont devenus les matelots turcs qui ont si viteramassé leur voile avant de sauter à la mer en apercevant lePARIS II ?

La baleinière va accoster la barcasse.

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Ce paysage mort est vraiment étrange et quelque peu angoissant.Aucune fusillade n'a salué notre embarcation. Un caracol, uncorps de garde existe pourtant au cap Avova. Serait-il évacué ?Impossible... ou bien il faudrait supposer qu'on a concentré àAdalia toutes les troupes de la région pour l'attaque annoncéesur Castellorizo... Vraiment, tout est trop calme. Ce silence finitpar peser sur les épaules, et le bruit du treuil, qui se met àtourner doucement pour réchauffer ses cylindres afin de partirtout à l'heure au commandement, est pour tous détente agréable.Allons ! Dans dix minutes, la baleinière sera rentrée; dans vingtminutes, le PARIS II sera au large.

Dans dix minutes, le PARIS II flambera de bout en bout ; dansvingt minutes, il aura vécu...

Rallions la baleinière, dont les sept hommes sont armés dumousqueton et du revolver. Tout à la joie de l'action, ilsjacassent, échangeant des paris sur le contenu de la barque qu'ilsvont amariner.

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- Fermez vos clapets et ouvrez vos oreilles, ordonne le patronPoiraud. Je vais accoster du bord opposé à l'endroit d'où on nousa poivrés l'autre fois. J'irai moi-même couper le câble et frapperla remorque. Laouénan viendra avec moi pour faire le signal. Sion nous tire dessus, couchez-vous au fond. La première tête quipasse aura affaire à moi directement. Nous y voilà…Laissezcourir... Rentrez les avirons.

La baleinière s'amarre le long de la barcasse, qu'escaladentPoiraud et Laouénan. Rien ne bouge. Pas même la fusilladeprévue. Chose étrange: ce bateau qui semblait tout juste arriverdu large lorsqu'il a amené sa voile en vitesse, nos hommes letrouvent triplement tenu : au fond par le câble de son ancre, et àla plage toute proche par deux filins de l'arrière... Ayant fixé laremorque, le patron donne trois coups de hache qui libèrent labarcasse :- Paré ! Laouénan, tu peux envoyer ton signal.

Dressé sur le bastingage, bien en vue, face au PARIS II qui déjàtourne sur place pour s'éviter cap au large, Laouénan manipuleses pavillons... et soudain s'abat dans la baleinière, atteint au

ur, tué raide. D'une tranchée invisible, une salve est partie.Maintenant, les balles pleuvent : coups secs sur le pont de labarcasse, où Poiraud s'est planqué, petites gerbes dans l'eau.Couchés dans le fond de leur embarcation que l'aussière venantdu PARIS II hale lentement vers le large, les baleiniersattendent que cesse la fusillade. Cela ne saurait tarder, car voicique résonnent des coups de canon. C'est sûrement la voix duPARIS II qui arrose les tranchées. Elles vont se taire, commel'autre jour...

IV. — MASSACRE.

Ce n'est pas le PARIS II qui tire...

C'est la batterie mobile qu'annonçaient les renseignements. Ellevient d'arriver d'Adalia. Bien dissimulée sur une des pentes ducap Avova, elle a ouvert un feu rapide et réglé dès le deuxièmecoup, lequel, à onze heures vingt-cinq, crève la coque de l'avisoà tribord, sur l'arrière de la passerelle et au-dessous de laflottaison, en plein dans une soute à charbon qui prend feu : toutensemble incendie et voie d'eau...

De la corne du PARIS II, le pavillon français, le minusculepavillon tout noirci de suie qu'on arbore à la mer, descend,aussitôt remplacé par la grande enseigne des jours de fête, lepavillon tout neuf : quatre mètres de guindant sur six de battant.Il est tout de suite troué par une nouvelle salve dont un projectileculbute notre 75 bâbord, tandis qu'au mâtereau du gaillard

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d'avant monte le guidon vert à croix rouge : croix de guerre desnavires cités à l'ordre du jour.

Sur le PARIS II immobile, les canons turcs, les fusils et lesmitrailleuses cognent.

— Machine en avant à toute vitesse ! La barre à droite toute !Virez le treuil, virez vite !

L'aviso prend de l'erre et man uvre pour contourner la pointeNord, dont la masse interposée le protégera. Et, tandis que lapièce de 10 centimètres du gaillard d'avant commence deriposter, deux nouveaux projectiles ennemis éclatent, l'undémolit le canon de 75 de l'arrière, tue ou blesse les canonnierset coupe l'aussière qui déhalait la baleinière et la barcasse, l'autreanéantit le poste de sans-fil. Écouteurs aux oreilles, le quartier-maître T. S. F. Lamier tombe mort.

A 350 mètres, l'ennemi invisible a beau jeu. Patiemment, lecapitaine turc a attendu que s'approche le bateau du diable, objetde haines féroces et dont on a juré la perte. A présent, on le tient,on ne le lâchera plus.

Trois obus de 10, bien ajustés, s'envolent encore vers le cap.L'armement va charger de nouveau la pièce, lorsque, sur legaillard, jaillit une gerbe de feu si haute que, dans le nid de pie,le canonnier Nomdedeu, les mains et la barbe brûlées, laissechoir ses jumelles. Un projectile a frappé le parc à munitions quiflambe. Un rideau incandescent, haut de plus de dix mètres,sépare le gaillard du reste du navire. A toucher cette courtine deflammes, le quartier-maître canonnier Paulay, tout seul, chargeun quatrième coup, puis essaie de pointer. Pas moyen : lafournaise est trop près. Peu à peu, l'homme recule devant elle.Ses cheveux et ses sourcils brûlent. Il s'écarte encore, la figureprotégée par sa vareuse, la vareuse prend feu... Le voici àl'extrême avant, parmi ses camarades; l'incendie les poursuit. Legaillard entier est embrasé, on respire des flammes. Ces hommesvont-ils périr, grillés vifs ? Non, la mer est là ; quatre marins ysautent. Agrippé par les mains au plat-bord, le corps pendanthors du navire, le second maître Marque arrive seul à gagner lemilieu du PARIS II et bondit sur le pont, en face de la cuisine.Le cuistot Bouvier est toujours au travail : « Tout ça n'empêchepas de manger », déclare-t-il... puis il tombe, le flanc crevé parun fragment d'un obus qui a explosé sur la claire-voie de lamachine.

Le PARIS II donne environ six n uds. Dans quelques minutes,la pointe Nord l'abritera.

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Malheur ! Pénétrant dans la machine, un pruneau tombe sur leplateau du cylindre de moyenne pression et éclate. Le collecteurprincipal est crevé. La vapeur s'en échappe en sifflementsdéchirants. Blessé, le mécanicien Pastrie s'affale. Et, comme siles articulations de métal étaient soudain gommées, les bielleshésitent, comme ataxiques, et, à chaque tour, chaque manivellesemble vouloir s'arrêter au point mort. Mais dans le tubeacoustique résonne la voix du commandant :- Que tout saute, mais donnez tout ce que vous pouvez !

Le mécanicien Brenon, par bonheur tout près du porte-voix, aentendu l'ordre, malgré les hurlements de la vapeur dont lebrouillard blanc l'aveugle. A tâtons, il ouvre en grand le registred'arrivée, puis, avec le second maître Laronde blessé à la main etPastrie qui s'est relevé, il tente d'approcher du collecteur crevé.Le jet de vapeur brûlante refoule les trois hommes sur l'avant.Les voilà dans la chaufferie. Sous leurs pieds, l'eau monte...- Charge, Guillou, charge, mon fils, pousse les feux tant que tupourras, ordonne Laronde au chauffeur de quart. Il faut que labécane nous tire de là.

Guillou, la figure fendue, en met de toutes ses forces. Brenon,couvert de sang, et Pastrie enlèvent les portes des cendriers pourfaire monter la pression.

Mais la brume torride et le nuage asphyxiant de l'incendie ontsuivi les hommes et les chassent de la chaufferie. Ils montent surle pont, où le second maître mécanicien Deschamps panse le coqBouvier dont le sang coule à flots et le quartier-maître Jaffrezicqui vient d'écoper.

Le massacre dure depuis cinq minutes à peine.

Tandis que les Turcs s'acharnent sur le PARIS II, l’Alexandras'est mise à l'abri à toucher le cap. Le devoir de l'enseigneDoucet est net : il doit sauver son chalutier. En restant aux côtésde son compagnon, il donnerait à l'ennemi l'occasion d'undouble triomphe. Alors, pendant quelques minutes, il a gagné aupied et maintenant ses deux canons pilonnent le cap Avova. Peuà peu le tir de la batterie turque mollit.

Mais déjà le PARIS II est condamné. Il agonise, et toutes sesfuites de vapeur clament sa souffrance. Son 75 tribord, seuldebout, tire encore. Le commandant est blessé à la mâchoire. Ases pieds, l'homme de barre, le matelot Huby, est couché et râle.Le timonier Noret, le bras cassé, a pris sa place. L'incendie duparc à munitions cache tout l'avant du navire et l'arrière est voilépar la fumée noire qui monte de la soute à charbon en feu. Lapointe Nord, le salut, est encore à un millier de mètres. Dès que

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l'aviso l'aura doublée, il signalera à l’Alexandra de venir luidonner la remorque. Il est temps de venir sur tribord :- La barre à droite toute, ordonne le lieutenant de vaisseauRollin.

Mais, voyons, qu'est-ce encore? Le bâtiment vient à gauche engrand... Et où est donc passé l'homme de barre ?

Noret a quitté la passerelle pour aller voir ce qui bloque legouvernail. Et le second du PARIS II, le maître timonier Buino,qui avait pris la roue à sa place, s'est abattu, le crâne ouvert.Cramponné aux rayons, mort aux trois quarts, il essaie encore degouverner...

C'est en vain, car deux obus ont éclaté dans le compartiment duservo-moteur, et la barre est enrayée. Soutenant son bras casséavec son bras valide, Noret revient et rend compte :- Commandant, j'ai voulu embrayer la barre à bras. Je n'ai pas pu: tout est en miettes par là, et ça brûle.

Gouvernail coincé, le PARIS II revient sur la gauche vers labatterie, vers la mort. Pourra-t-on au moins gréer les palansqu'on accroche, comme moyen suprême, sur la barre elle-même? Non. La soute à poudre vient de sauter, et tout l'arrière dunavire n'est plus qu'un tas de fers tordus et emmêlés quiimmobilisent le gouvernail. Inexorablement, jusqu'à la fin,l'aviso va tourner en rond...

Le feu nourri de l’Alexandra gêne les Turcs, dont la giration duPARIS II a tant soit peu déréglé le tir. Les projectiles frappentmoins dru, mais le bateau pique du nez. Rien ne peut plus lesauver. Et, tenez, comptons ses blessures :Un obus dans la soute à munitions, son explosion a démoli toutl'arrière ; deux autres dans la machine ; un dans le poste de T. S.F. ; un sur la pièce de 75 arrière ; un au pied du grand mât ; undans le youyou, qui n'existe plus ; un sur la drague à tribord ; unsur le mât de charge ; deux dans la cuisine ; un sur le treuil ; undans la soute à charbon tribord; deux dans le servo-moteur; unsur la passerelle supérieure ; un sur la boîte à cartes ; un àl'entrée de la cale; trois sur le pont avant ; un sur le 75 tribord ;un sur le 75 bâbord ; un au pied du mât de misaine ; un dans leparc à munitions de la pièce de 10 ; un ou plusieurs sur la ditepièce ; un à l'étrave et deux dans le gréement de misaine.

Au total, vingt-neuf coups reconnus, sans compter ceux qui onttapé en des endroits déjà sans formes ni contours. Le tout enquelque dix minutes... Le PARIS II bat tous les records.

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Autour des mâts, les haubans, étais et galhaubans coupéspendent comme chevelures en désordre. Mais la drisse de lagrande enseigne est en place et les couleurs flottent toujours.Criblé, le PARIS II va couler, pavillon haut. Il est tempsd'abandonner l'épave pour sauver les hommes.

Il n'y a plus de youyou. La seconde baleinière et le radeau desauvetage sont toujours là et semblent presque intacts. Malgréquoi il faut renoncer à s'en servir. Grouper les survivants sur descibles si faciles à atteindre serait les envoyer à la boucherie.Sous la passerelle, l'équipage impassible, les blessés s'appuyantsur les valides, attend l'ordre du chef.

Pourront-ils nager, ces gars magnifiques ? Par bonheur, lesprojectiles turcs sont chargés d'explosif très brisant, et, tandisque leur éclatement produit des effets de souffle terrible sur lematériel, leurs fragments, relativement petits, ne blessent pastoujours très profondément. Voyez le commandant du PARISIL, il a reçu trois éclats : à la mâchoire, dans la rotule du genougauche, et dans la jambe droite, et il est toujours debout.

Sur son ordre, on jette à la mer les madriers, les planches, lescages à poules et les avirons, puis l'équipage capèle les ceinturesde sauvetage.— Allons-y, mes garçons. Sauve qui peut !

Pendant que ses hommes sautent à la mer, le commandantdescend dans sa chambre afin de noyer les papiers secretsintroduits à l'avance dans un portefeuille de toile lesté de plomb.Hop ! à la mer ! Puis Rollin entasse tous ses livres et documentspersonnels, chavire dessus la lampe à pétrole et allume lemonceau. Tout va flamber, et la cabine avec.

Impossible d'accéder au carré pour sauver ce que contient lecoffre-fort du navire. Des tôles tordues et enchevêtrées, unebroussaille inextricable d'acier barre le passage.

Le commandant regagne alors le pont. Plus personne. L'avant dubateau brûle furieusement et s'enfonce. Le centre est embrumépar la vapeur et la fumée qui s'échappent par les trous d'obus. Atravers un chaos indescriptible, le lieutenant de vaisseau se fraieun passage, évitant de son mieux les jets brûlants. Dans la brumechaude et puante, il avance, criant tous les trois pas :« A la mer tout le monde, rondement ! »

II veut, avant de sauter à l'eau, s'assurer qu'il est bien seul.

Le voici à tribord. Soudain il disparaît à travers le pont qu'unprojectile a éventré sur l'arrière du panneau de la machine. A

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grand'peine, il arrive à se libérer d'un fouillis de fers tordus et deplaques rebroussées sous lesquels résonne le bruit de sourced'une voie d'eau et le chuintement d'une fuite de vapeur qui secondense à son contact.

A l'instant que Rollin émerge à la lumière et constate que la tôledu bastingage a été soufflée et rabattue à l'extérieur, ouvrant unepasserelle vers la noyade, un obus arrive en plein dans le grandmât, qui s'abat. Deux éclats frappent le lieutenant de vaisseau aupied et à la cuisse gauches.

La chute du mât a dû réjouir les Turcs : on entend des hourrahs.

Le poste de l'équipage et celui des chauffeurs sont déserts. Lasoute de l'avant, où sont logées des poudres, n'est qu'un brasier.Qu'attend donc le bateau pour sauter ?

A présent certain d'être demeuré le dernier à son bord, lecommandant ôte ses souliers et plonge. Trois minutes plus tard,le PARIS II chavire sur bâbord et coule par l'avant. Jusqu'à ladernière seconde, la grande enseigne reste en vue.

V. — LES NAUFRAGÉS.

Les Turcs ont cessé le feu. Déjà quelques soldats émergent destranchées, prêts à recueillir les survivants dès leur arrivée à terre.Mais le capitaine, qui, à travers sa jumelle, observait lesnaufragés, hurle soudain un ordre rageur. Le tir reprend sur lesgars du PARIS II, lesquels nagent vers la haute mer versl'Alexandra. Décidément, ces gens-là, il faut les tuer pour lesavoir.

Autour des Français l'eau gicle sous les balles. Tir inutile contreces fuyards dispersés et peu visibles. Des shrapnells arrosent leradeau dont personne n'a voulu.

L'Alexandra continue de canonner l'ennemi, pour venger lescamarades, car depuis longtemps l'enseigne Doucet est persuadéque personne n'est resté vivant de ce PARIS II qui brûlait debout en bout. Du chalutier, nul n'aperçoit les malheureux quilentement, contre le vent et la houle, viennent vers lui.

Ils nagent... L'eau froide de décembre raidit leurs bras et leursjambes; l'eau salée mord les chairs en sang. Ils étaient trente septtout à l'heure, seuls manquaient le maître timonier Buino, mortsur la passerelle de l'aviso, après avoir gouverné jusqu'au bout,et le matelot T S. F. Lamier, tué à son poste. Mais bientôtPaillay, frappé de congestion, coule et quatre mauvais nageursdisparaissent. Les autres se déhalent : trente-deux maintenant.

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Deschamps et Brivet se partagent le soutien d'une petite tablequi servait au commandant lorsqu'il mangeait sur le pont Lesyeux au ras de l'eau, les naufragés voient tout juste les mâts et lacheminée de l'Alexandra. Arrivera-t-on jamais ?

Deux heures passent, et ils ne sont plus que vingt-huit quiessaient de se reposer sur toutes les épaves passant près d'eux.Dure étape. Le courant porte à terre et il semble qu'on n'avanceplus...

Pendant deux heures encore, de toutes leurs forces quis'épuisent, ils nagent. Ces deux heures-là ont encore tué troishommes. Restent vingt-cinq.

Et bientôt vingt-quatre sans doute; écoutez ces cris : « A moi ! Al'aide ! » C'est Bouvier, le matelot-coq au flanc crevé. Larondele croche, mais le malheureux pèse lourd. Le second maître hèlealors le quartier-maître canonnier Renault et le chauffeur LeDonge, installés sur une grande épave :— Venez, second maître, il y a de la place, répondent les deuxhommes.

Bouvier mourra dans quelques semaines... à Smyrne.

— A moi ! A moi ! Ne m'abandonnez pas, les amis ! Je n'y voisplus, crie le canonnier Moro, dont un il est crevé et l'autreatteint. Deux matelots se précipitent. Le PARIS II est unfameux bloc, où l'entr'aide est admirable. Regardez cet esparqui soutient quatre hommes, dont trois blessés : le commandantRollin et le mécanicien Pastrie poussent le madrier oùs'accrochent les Libanais Farid et Ali Mansour, seul indemne etqui s’est chargé du chien. La ceinture de sauvetage de Pastrie,défaite, le gène et il ne peut travailler qu'avec ses jambes. Parmoments, pour soulager le flotteur, Farid nage sur le dos, jusqu'àl'instant où les souffrances le forcent de s'accrocher à nouveau...

Malgré ses plaies, le timonier Noret remorque son camaradeHuby qui a saisi un aviron, mais l'effort est trop dur, Hubys'enfonce...

La nuit approche. Trois hommes encore viennent de succomber.On ne voit plus l’Alexandra. Il faut gagner le rivage... ou senoyer.— Tout le monde à terre, ordonne le lieutenant de vaisseauRollin.

L'ordre est transmis. Les naufragés virent de bord. Mais, sansforces, pourront-ils se soutenir assez longtemps ? Heureusement,

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le vent et le courant sont favorables et la grande épave deRenault recueille encore quelques hommes.

Le rouge du crépuscule teinte les neiges des sommets. Le bleude la mer a viré au gris de plomb. Les falaises d'Avova toutesproches enveloppent de leur ombre les naufragés. On entend desvoix de soldats qui attendent au bord de l'eau, et le faibleclapotis des nageurs.

- Courage, camarades, j'y suis, crie le mécanicien Pessonneaux,qui vient d'aborder.

Les Français, que leurs jambes glacées ne portent plus, sesentent saisis et soutenus par les Turcs entrés dans l'eau pourvenir à leur aide. Haletants, titubants, épuisés par six heures delutte, les dix-neuf survivants, dont treize sont blessés, prennentcontact avec le sol.

Dans la nuit qui vient, surgit devant le lieutenant de vaisseauRollin une haute silhouette coiffée du casque de guerre ottoman.Des talons claquent pour le salut et une main se tend versl'officier français :-— Le c ur m'a saigné, commandant, de tirer sur vos couleurs,mais c'était mon devoir. Je l'ai fait comme vous avez fait levôtre. A présent, vous êtes mon hôte.

VI. — LES BALEINIERS.

Le lendemain 14 décembre, à dix heures du matin, l’Alexandra,tenace, revient devant le cap Avova et expédie trente obus de 95sur l’emplacement de la batterie. Personne ne riposte. Lechalutier quitte alors le golfe d'Adalia, en route vers l'Ouest.

A Castellorizo, tout est tranquille. Lumières éteintes oumasquées, la ville repose. Un vent d'Est glacé qui a nettoyé leciel a molli au coucher du soleil.

Neuf heures. Chez le gouverneur Le Camus, le téléphone de lapointe Nephti appelle :- Le canot à vapeur, venant de Navlakas, se dirige sur l'entrée duport.

Ce canot de servitude était en effet à Navlakas et devait y passerla nuit. Que signifie ce retour ? Ayant tenté sans succès detéléphoner à la calanque, — quelque Arménien de la légiond'Orient a dû couper le fil pour en faire des lacets de soulierssolides et souples, — Le Camus descend sur le quai Amiral-Moreau, où se trouve, sur l'agora, le magasin de la marine, poste

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à nouvelles et pointe aux blagueurs. Dans la nuit retentissent lesappels des factionnaires de la côte :- Ho du canot !

La réponse n'est pas encore perceptible, mais bientôt le vapeurs'engage dans le port. Sa vieille machine ferraille terriblement.

— Ho du canot ! hèle cette fois la sentinelle du quai, et voici laréponse :— Survivants du PARIS II.— D'où venez-vous ? interroge Le Camus.— De l’Alexandra : elle nous a ramassés au moment où nousentrions à Navlakas avec la baleinière. Envoyez un fanal et dumonde pour donner 1a main aux blessés.

Le vapeur accoste le long d'un escalier de marbre aux degrésaffouillés par les clapotis. Sa chaudière jette un reflet rouge surla foule entassée à l’arrière. Arrivé à la dernière marche, unporteur de fanal se penche et éclaire une forme raide enrobéed’un pavillon tricolore.- Vous avez un mort? interroge le gouverneur.- Oui, commandant, c'est le quartier-maître Laouénan, répond lesecond maître de man uvre Phérivong, qui fut chef de quart surle PARIS II.

Lentement, les survivants émergent en pleine lumière des fanauxaccourus : onze hommes, dont cinq blessés.

Une voix se lamente :— C'est trop de poisse, commandant; elle était encore à flot il ya une heure ! Il a fallu qu'elle aille au fond en accostantl’Alexandra ! Elle a coulé avec la mitrailleuse, les fusils et toutce qu'on avait eu tant de mal à ramener de là- bas !— De quoi parlez-vous, mon ami, et quel est votre nom ?demande Le Camus.— Quartier-maître Poiraud, patron de la baleinière du PARIS ;je suis déshonoré, commandant...

En quelques mots, l'officier calme le malheureux qui se croitperdu de réputation, alors qu'avec tous ses camarades il vient defaire tout ce qu'exigeait l'honneur, et même davantage.

On dépose le cadavre au magasin, où deux hommes vont leveiller. Et voici l'odyssée de la baleinière.

Rejoignons-la à l'endroit où nous l'avons laissée la veille, dansl'anse du cap Avova, attendant que le PARIS II ait réduit ausilence les tireurs invisibles qui viennent d'abattre Laouénan. Lequartier-maître Poiraud est dans la barcasse turque; les baleiniers

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sont couchés au fond de leur embarcation, côte à côte avec lemort.- Ça va se passer comme l'autre jour, dit le fusilier Corbani; nospruneaux de 10 auront vite fait de museler les salopards.- Tu as raison, répond Dely, chauffeur breveté, mais cette fois ilsnous ont eus. Laouénan est tué, et c'est déjà trop. Si on essayaitde dégoter un Turc pour lui apprendre...- Le premier qui montre son nez, je lui fais son affaire, hurlePoiraud, qui a entendu la proposition. J'ai mon revolver, voussavez.- Ça va, mon vieux, répond le quartier-maître fusilier Le Moal.T'en fais pas, je suis là pour empêcher les accidents.

Philosophiquement, les baleiniers attendent, bien aplatis dans lefond. Ils tuent le temps en bouchant avec des balles demitrailleuse les petits trous ronds que découpent les ballesturques dans la coque, dangereusement près des formesallongées. La baleinière est en tôle, mode de construction quenos marins flétrissent dans un langage énergique et d'une verteprécision. Ils préfèrent avec raison le bois qui foisonne et obturede lui-même les brèches des petits projectiles. En dépit de cettedistraction, les minutes semblent longues.- Décidément, les Turcs insistent, remarque le fusilier Guillerm.Qu'est-ce qu'ils font donc, les canonniers du PARIS ?- Ils en mettent, sûr et certain, tu les entends.

De fait, les baleiniers entendent des coups de canon et deséclatements d'obus. Mais les canons sont turcs et les obus sontceux de l'Alexandra… Soudain, un cri :- Le PARIS n'y est plus !

Étonné de constater que, depuis un bon moment, l'aviso a cesséde virer l'amarre qui doit déhaler baleinière et barcasse, le patronPoiraud a fini par lever la tête. Plus de PARIS II... A cettenouvelle, la curiosité de tous devient incoercible.

Des têtes se dressent, tout de suite saluées d'une salve. Mais lepatron est un homme de prompte décision ; il saute dans labaleinière :— Ramassez vos figures pour le moment, vous les montrerezbien assez dans une minute, D'ailleurs, on est beaucoup trop malici pour que j'y reste jusqu'à ma retraite. Nous allons rallierl’Alexandra lestement. Le Moal et Corbani, sautez à lamitrailleuse, Dely et Neulat aux avirons, Guillerm en réservedans le fond, paré à remplacer le premier arnoché. Vous y êtes?... Pousse au large ! Avant partout et souque pour ta peau !

La baleinière abandonne l'abri relatif de la barcasse. Les ballesl'accompagnent. A peine a-t-elle couru deux os sa longueur que

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des shrapnells commencent d'ajouter leur averse à la fusillade.Le Moal riposte à toute allure : six cents coups par minute. Maistrès vite la formidable crécelle se tait…- Enrayée ? interroge le patron.- Fichue, répond Le Moal. Une ferraille en plein dans la boîte deculasse. Elle m'a éclaboussé, et Corbani aussi.

Les blessures sont légères, et Corbani empoigne son fusil. Ceque voyant, Guillerm saisit le sien et reçoit incontinent un éclatd'obus.- Laissez vos flingots tranquilles, ordonne le patron, Arrimez-lesdans le fond de la baleinière, et vous avec.

Tranquillement, Le Moal démonte la mitrailleuse inutile.L'embarcation menace de tourner à l'écumoire, Les canons turcsont cessé le feu, mais les fusils continuent la danse.

On ne s'en tirera qu'en remorquant cette baille-ci par le travers,comme un crabe, proclame Poiraud, A l'eau vivement ceux quin'ont pas peur de la tasse. Un de vous restera à bord boucher lestrous.

Donnant l'exemple, le patron s'est déshabillé. Trois hommes lerejoignent à la mer. Nageant à tribord de la baleinière qui leursert de bouclier, ils la déhalent de leur mieux. Mais les bateauxne sont point taillés pour marcher le flanc le premier, et c'est àpeine si le cortège avance. !

Subitement, les Turcs cessent le feu et les Français d'en conclurequ'ils n'ont plus de munitions. En réalité, le tir de l’Alexandra,qui maintenant arrose les environs du cap Avova, a délogé lesgens des tranchées. Les baleiniers remontent à leur bord etreprennent leurs avirons. Et voici des appels :- Par ici, la baleinière !

C'est le mécanicien Mazoyer, rescapé du PARIS II. Plus loin, lesecond maître Phérivong, le canonnier Nomdedeu et lechauffeur arabe Bechir Goda remorquent, sur un panneau decale, le chauffeur Castel blessé. La baleinière les embarque etrepêche un peu plus loin le quartier-maître Brenon.- Où sont les autres ? interroge le patron.- A terre ou par le fond avec le bateau...

Avec les deux quartiers-maîtres, Phérivong tient conseil. Chypreest à quelque 225 kilomètres dans le Sud-Est. Tenter de ralliercette île serait pure folie, car la brise d'Est vient de se lever,soulevant un clapotis court et creux. Crevée en vingt endroitsqu'aveuglent tant bien que mal les cartouches-bouchons,l'embarcation est sans vivres et sans eau. Un de ses deux

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avirons, brisé par un éclat d'obus, a été rafistolé avec unerousture en filin. Le salut n'est possible qu'en longeant la coteennemie jusqu'à Castellorizo. On va piquer au Sud jusqu'au capKhelidonia, puis on filera vers l'Ouest, vent arrière, alluretoujours plaisante quand la brise demeure maniable.

Cent trente kilomètres à courir...

Les quarante premiers, jusqu'à Khelidonia, seront les plus durs.Il faudra toute la nuit pour en venir à bout. Sur chaque aviron,deux hommes appliquent tout leur poids, toute leur force pour lesalut, de tous. Sitôt à bout de souffle, on les relève. Épuisés, ilss'assoient alors au fond de la baleinière, dans l'eau jusqu'auventre, et machinalement, avec des gestes mous, ils écopent avecleurs bonnets l'eau qui embarque par bâbord, côté du vent, etcelle qui s'infiltre sans arrêt par les fissures de la tôle.

Sans mollir, il faut soutenir une nage de régates, car la mer et labrise viennent du travers et battent en côte. Par instants, lemugissement des lames déferlant sur les roches menaçantescouvre la voix du patron qui encourage ses hommes :- Tombe à cul, mes garçons !... Hardi que ça va !... A la bonneheure qu'on gagne !...

Des heures sont perdues à faire tête au vent, cap à l'Est, pourrefouler un courant violent qui dépale sur les remous d'écumedes récifs Tria Nisia, grosses flaques blanches bouillonnant dansles ténèbres. Des épis de roches noyées, où vingt fois labaleinière manque de s'éventrer, prolongent les promontoires àquatre ou cinq cents mètres au large. Quelle endurancesurhumaine faut-il à ces gars pour tenir quand même, heureaprès heure, pour souquer sans cesse, pour souquer toujours !Ah c'est qu'ils retrouvent là leur ancien métier de pêcheursbretons. Pris par le calme et drossés par des courants de foudresur les brisants de Sein ou des Trépassés, combien de fois ont-ilsdû, des journées durant, ha1er sur les énormes avirons de leursgrands lougres ?

L'aube rosé et dorée du 14 décembre éclaire les faces terreuseset défaites des baleiniers à demi morts d'épuisement et de soif.On souque, puis on écope et l'on souque encore. Ou bien,claquant des dents, les lèvres bleues de froid, se serrant contre levoisin pour lui emprunter un peu de chaleur, assis dans l'eau quiemplit à moitié l'embarcation, on sommeille face à tribord, ledos giflé par l'embrun, les reins brisés par l'effort, les mainssanglantes.

Il fait grand jour. Aucune fumée en vue au large.

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Mais, tout près, voici le cap Khelidonia, que frange un grouped'îlots. De J'abri de ce minuscule archipel, la baleinière profitepour établir une voilure étrange faite d'un caillebotis sur quoil'on tend une vareuse...

En cet équipage, le cap une fois doublé, on laisse porter jusqu'auvent arrière. La voile de fortune ne sert pas à grand'chose, et lesavirons font les trois quarts du travail, La brise ne force pas, lamer est plus maniable, on finira par atteindre le but.

Trente-six heures après avoir quitté le cap Aveva, à sept heureset demie du soir, par nuit noire, tout prés deCastellorizo, lesbaleiniers aperçoivent l'Alexandra qui, toute la journée les avainement cherchés. Hélas ! En accostant, la baleinière, prise entravers par la houle, tosse brutalement contre le chalutier. Lechoc déracine d'un coup toutes les balles qui bouchaient lesvoies d'eau… Deux minutes suffisent pour que disparaisse cetteembarcation dont l'équipage n'avait abandonné ni ses armes, nile corps du camarade tué...

Vous comprenez maintenant le désespoir du patron voyantcouler à pic tout ce qu'à si grand'-peine il avait ramené de siloin...

VII. — CIMETIERE MARIN.

15 décembre. La brise a viré à l'Ouest. Le ciel est endeuillé denuages bas couleur de cendre. Tombant des sommets deCastellorizo, des rafales lourdes balaient la ville et écaillent envaguelettes pressées l'eau du port qu'ont empourprée des pluiesrécentes entraînant l'humus rouge de l'île. Le temps est tropmauvais pour que les avions attaquent aujourd'hui.

Toute l'île est alertée. On enterre le quartier-maître Laouénan.

Portant le cercueil enveloppé des couleurs françaises, quatremarins s'engagent dans les lacets des ruelles enchevêtrées dontla pente mène aux remparts. A dix pas en avant, un claironvirtuose lance par intervalles le lamento dont les notes aiguës,traînantes et tristes rebondissent en échos bizarres sur lesfaçades et dans les culs-de-sac. Par instants, la venelle devientun âpre escalier aux marches inégales, usées, glissantes, sur quoitrébuchent les porteurs qui, plus loin, se heurtent aux murs dansun raidillon trop étroit. Le cortège s'étire à l'infini. Lessurvivants du PARIS II mènent le deuil. Viennent ensuite, aprèsl'équipage de l’Alexandra, les marins de Castellorizo, la légiond'Orient, puis les archontes et les pappas aux chignons huilés etaux barbes soyeuses. Ils précèdent toute la population mâle del'île, silencieuse et recueillie, égrenant machinalement et sans

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prier le chapelet aux grains d'ambre ou de santal. Des fenêtrespavoisées de tapis, les jeunes filles de Mégiste font pleuvoir surle convoi des gouttes d'eau parfumée à l'essence de roses dontles effluves se mêlent à l'odeur des feuilles d'olivier bénites quise consument dans les brûle-parfums. Debout sur le pas desportes, les grasses matrones aux regards bovins, aux traitsréguliers et durs, graves et raides comme des statues, sont paréesde tous leurs atours pour honorer le Français défunt. Coiffées duturban noir à plis serrés comme ceux du turban annamite, vêtuesde la camisole de soie que ferment sept broches et du pantalon àla turque, emmantelées du caftan de velours soutaché d'or oud'argent et frangé de fourrures, elles ont sorti tous leurs colliers,toutes leurs bagues, tous leurs bracelets, tous leurs pendantsd'oreilles faits de monnaies d'or.

Les matelots songent aux camarades qui sont restés là-bas, sousle cap Avova. Par les baleiniers, on sait que quelques survivantsont pu gagner la terre, mais qui ? Et combien ?

Voici les remparts dont les fondations servirent tour à tour auxByzantins, aux Turcs et aux Hospitaliers de Saint-Jean. La routes'élargit ensuite. On approche de la région « des monts »,presque inconnue de tous les Mégistéens du cortège,commerçants ou marins qui dédaignent tout ce qui n'est pas leport ou la cité, abandonnant la campagne aux bergers, auxchèvres et, en été, aux jeunes filles qui, chaque soir, l'amphore àl'épaule, vont à Aghia-Trias puiser l'eau des citernes à cielouvert que remplissent les pluies et qu'ont restaurées nos marins.

Le convoi débouche maintenant sur un large épaulementrocheux accoté au flanc de la montagne qui porte les hautsplateaux. Sur ce terrain nivelé, le chemin s'épanouit et bientôtserpente entre de petites villas clairsemées et toutes fières d'êtreenvironnées de mûriers, d'amandiers, de grenadiers, decitronniers et de figuiers centenaires que la paroi des montsprotège des grandes brises. C'est le quartier du gymnaseSantrapeia. En sortant de ce faubourg, la route longe des falaisesrougeâtres veinées de failles plus rouges encore, où s'estaccumulée la terre pourpre de l'île, comme en des entaillessanglantes que les gouverneurs Saint-Salvy et Le Camus ont parendroits pansées en y plantant des pins et des eucalyptus deChypre. Écorné par un bombardement, un moulin à vent dessinesur le pays la grande croix de ses ailes et sert d'« amer » auxnavires qui s'approchent de Castellorizo, Par une descente doucequi suit les contours de la pointe Mandraki on arrive enfin aucimetière marin.

Rocailleux, sauvage, mitraillé par les graviers que le ventsoulève, l'endroit, qu'attristé davantage encore la lumière grise

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de décembre, fait songer à quelque promontoire breton. Lapointe du Raz n'est guère plus poignante. De cette falaise dontles petites lames coupantes entament tenacement les assises, onn aperçoit que la mer, la côte turque aux sommets embrumés et,dominant la ville invisible, la carcasse patinée du Chastel-Rouge, où les Hospitaliers emprisonnaient, les chaînes aux piedset aux mains les condamnés à la grande pénitence. Sur les restesdu donjon flotte le pavillon français, aujourd'hui en berne.

Côte à côte avec d'autres marins, Laouénan va dormir au ras dusol. Le roc dur n'a pas permis de creuser plus avant.

Le Camus dit d'abord l'adieu de la France. Puis, au nom dupeuple de Castellorizo, le président de la démogérontie, hommemûr et sage, trouve sans peine dans le vieux fonds d'éloquencede sa race, où s'unissent le courant païen de l’Ionie et le fluxchrétien de Byzance, des mots d'une élévation étonnante chez cesimple maire de village. A sa voix, les Dieux et les Déesses del'Egée, de la Très-Verte s'envolent vers la mer Cimmérienne,vers cet Occident où meurt le soleil achevant d'éclairer la scène,pour y clamer la gloire des héros de France, tandis que lesarchanges de l'iconostase tendent les âmes des trépassés auxsaints protecteurs des clochers de leur pays. Cette oraisonmystique, traduite phrase par phrase par un interprète, faitmonter les larmes aux yeux des rudes gars de chez nous. YaniLakerdis parle ensuite. Chef de l'insurrection qui chassa lesTurcs en mars 1913, ancien président du Conseil de laRépublique mégistéenne, capitaine de la milice qui, le 26 janvier1916, appuyée par une section de la Jeanne-d’Arc et par noschalutiers Surmulet et Cachalot, cueillit en terre ennemie etamena à Mégiste le capitaine et les cinquante soldats turcstenant garnison à Andiphilo, Lakerdis, en un véhément appelque scandent les « Zito Gallia ! » de ses palikares, demandequ'une pyramide de têtes turques fraîchement coupées, dix pourchaque mort du PARIS II, soit dressée devant cette tombe ensigne d'expiation.

Il est d'autres moyens de venger les vingt Français disparus, etles gens de l'Alexandra brûlent de retourner là-bas et d'endécoudre...

En face de ce petit chalutier, avec son commandant et ses vingt-huit hommes, toute une côte armée est en alerte.

…..

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Annexe 2 :Article de Presse paru dans - l’Echo de Paris - 30 janvier1920

“ Nos Marins ”

Le bruit fait à la Chambre et dans certains journaux autour desincidents de la Mer Noire a donné au public l’impression que ladiscipline était moins forte parmi nos marins que parmi nossoldats. Avant de se permettre une appréciation sur la façon deservir qu’avaient nos marins six mois après l’armistice et aprèsavoir subi l’influence d’une propagande dissolvante, il seraitpeut-être simplement loyal de chercher à savoir ce qu’ils ont faitpendant quatre ans de guerre.

Ils ont vécu, à peu près tous les jours des journées comme celleque je vais vous raconter.

La scène se passe en décembre 1917, non loin d’Adalia. Danscette partie orientale de la Méditerranée, à la mission généralede nos patrouilleurs (lutte contre les sous-marins) s’ajoute cellede bloquer étroitement les côtes méridionales de l’Asie Mineure.Les bâtiments chargés de ce rôle donnent la chasse aux barquesturques, les combattent si elles résistent, tâchent de les ramener ànos points d’appui — non pas que les parts de prise vaillentcelles que touchaient jadis les corsaires dunkerquois oumalouins, mais parce que de bonnes barquasses d’une silhouettebien turque, sont quelquefois très utiles pour faire voyager desgens…qui aiment se promener pour s’instruire.

Au début de décembre, le PARIS II, commandé par lelieutenant de vaisseau Rollin, a réussi une petite affaire de cegenre : il est allé tout près de terre, à portée de fusil, amarinerune barcasse qui se croyait en sûreté dans une baie, la petite baied’Avova que limite à l’est le cap du même nom. C’est un bonpetit bateau que le PARIS II : 1.200 tonnes, une pièce de 100 àl’avant, 3 de 75 sur les bords et un canon de 47 contre les avions; dame, ce n’est pas un croiseur de bataille, mais bien descuirassés n’ont pas déjà comme lui une citation à l’ordre del’Armée gagnée le 4 février 1916 en se battant plus de deuxheures contre un sous-marin ennemi plus puissamment armé etplus rapide, qui finalement a abandonné la lutte.

Donc, le 13 décembre, le PARIS II revient à l’entrée de la baied’Avova, et y voit une barcasse à l’ancre qui amenait ses voiles.Il arme sa baleinière de sept volontaires, pour aller frapperl’amarre sur la prise. Les hommes de la barcasse se jettent àl’eau sans que la baleinière ne fasse usage contre eux de lamitrailleuse dont elle est pourvue. Trois quartiers-maîtres

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montent à bord de la barque, sans recevoir de terre un coup defeu, ils coupent l’amarre de l’ancre et signalent à bras que laremorque est parée. Le PARIS II commence à man uvrer pourentraîner sa prise.

A ce moment précis (le commandant note l’heure, 11 h 23)éclate un feu violent d’artillerie une batterie turque a été amenéeà dos de mulets et le bâtiment est tombé dans un piège. Lepremier obus pénètre à tribord ; sous la ligne de flottaison, dansla soute à charbon où il allume un incendie. Le commandantrepère aussitôt les lueurs de la batterie ennemie ; il ordonned’ouvrir le feu sur elle : hausse 1.800 mètres. Mais, dès lespremières salves turques, les deux pièces de 75 du bord engagéont été mises hors de service. La T.S.F. a été brisé, letélégraphiste tué l’écouteur aux oreilles. La pièce de 100 avantseule peut tirer : elle tire trois coups, bien dirigés, mais aumoment où l’on va charger le quatrième, un obus ennemi met lefeu aux munitions et voici l’avant séparé du reste du bâtimentpar un rideau de flammes d’une dizaine de mètres (nous avonsvu qu’il y a, depuis le premier coup, le feu à l’arrière dans lasoute à charbon). Admirable de sang-froid, le quartier-maîtrePaulay charge son quatrième coup, mais il ne peut tirer et il estobligé de se réfugier à l’extrême avant.

Du rivage, l’infanterie turque abritée dans ses tranchées, exécuteavec ses fusils et ses mitrailleuses un tir à la cible nourri quibalaye le pont et la passerelle d’une grêle de balles. Lecommandant sur sa passerelle, parfaitement calme, fumant unecigarette, ordonne de forcer la vitesse pour s’éviter derrière lecap, lorsqu’un obus éclate dans la machine, crevant le collecteurprincipal de vapeur. Les mécaniciens, pour ne pas être bouillisvivants, sont obligés de passer dans la chaufferie, où ils poussentles feux à fond.

Sur la passerelle, le commandant, qui a ordonné la barre tout àdroite s’aperçoit que le bâtiment vient à gauche. Il se retourne etil voit son second, le maître de timonerie Buino, couché etensanglanté qui lui fait signe que la barre est bloquée. (Le maîtreBuino a pris la barre pour remplacer les deux premiers timoniersfrappés par balles à leur poste.) L’arrière du bâtiment a sauté etses tôles projetées par l’explosion ont bloqué le gouvernail.

Le bâtiment ne gouverne plus et commence à tourner en rond enrevenant sous le feu de la batterie dont il voulait s’éloigner.

Les hommes sont au pied de la passerelle, immobiles, leurspièces brisées, leurs machines crevées et bloquées. Pas un nesaute à la mer. Ils regardent leur commandant et attendentl’ordre.

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Leur commandant ? Il est vrai qu’il vaut de le voir : il a lamâchoire brisée et la rotule gauche broyée par les éclats d’obus :mais il se tient droit près du tas ensanglanté que forment sestimoniers successifs et sur lequel Buino, le second, agonise. Iln’a pensé d’abord qu’à combattre, tout en man uvrant poursauver son bâtiment et sa prise.

Maintenant il ne peut plus rien. Sur un équipage de 40 hommes,il y a 18 tués et 18 blessés. Le bâtiment va sauter ou achever desombrer d’une minute à l’autre. Le commandant ordonne « toutle monde à la mer ».

Tout le monde ? Non, pas lui. Pendant que les hommes ayantmis avec calme leurs ceintures de sauvetage, quittent lebâtiment, le commandant Rollin seul, la rotule gauche brisée, lamâchoire cassée, la jambe droite touchée, les yeux brûlés par lavapeur, les poumons emplis par la fumée de l’incendie, fait letour de son bâtiment, pour détruire les papiers confidentiels,mettre le feu à ce qui ne brûle pas encore (spécialement sachambre et la soute à munitions avant) et s’assurer qu’il n’y aplus personne de vivant à bord.

Alors seulement, ayant conscience d’avoir rempli son devoir, lecommandant Rollin se jeta à la mer.

Or, parmi ces blessés, dont la mer mord les chairs saignantes,qui ont attendu l’ordre de leur commandant pour évacuer leubateau en feu, pas un n’a gagné la terre à la nage. Se soutenantles uns les autres avec la fraternité si simple de nos marins, ilsont attendu leur commandant.

A plusieurs milles au large, un patrouilleur, l’Alexandra, quiopérait de conserve avec le PARIS II, canonnait la batterieturque, peut être pourrait-il trouver un moyen de les secourir ?Mais ayant vu disparaître le glorieux bâtiment son enseignebattante dans les explosions de ses soutes et de ses chaudières,l’Alexandra vira de bord et disparut au large. Pendant cinqheures, les survivants du chalutier attendirent, et ce n’estqu’après avoir perdu tout espoir qu’ils consentirent à s’avouervaincus.

On doit reconnaître ici la haute courtoisie et l’humanité parfaiteavec lesquelles les Turcs, frappés d’admiration par l’héroïsmede nos hommes, les accueillirent.

A Adalia, la garnison entière leur rendit les honneurs sous lesordres d’un général. C’est à lui que le commandant Rollin putdire : « Chez nous, on se fait sauter, on n’amène pas. »

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Mais voici la captivité où les pouvoirs du chef, maître aprèsDieu à son bord, ne sont plus rien. Jamais les matelots duPARIS II ne furent plus déférents envers leur commandant etleur gradés qu’au moments où ceux-ci n’avaient plus le pouvoird’exiger leur obéissance, et je ne sais rien de plus touchant quece petit matelot breton, mourant, de retour au pays, des suites deses blessures, et faisant signe à son père : écrire… et trois doigtsmis sur la manche… écrire au commandant. Rien de plustouchant ? Si, peut-être, la veuve et le jeune fils du secondBuino, tué à la barre, nous l’avons vu, venant de Bretagne àToulon, assister aux débats du Conseil de guerre, où lecommandant Rollin avait à rendre compte de la perte de sonbâtiment… pour que le petit entende parler de son père et sesouvienne…

Cet enfant, cette veuve, ces quelques braves ne doivent pas êtreseuls à se souvenir. Laisserons-nous les Turcs se rappeler seulsavec eux cet exploit pour raconter comment on se bat etcomment on meurt « à la Franque » ?

Pierre DeloncleChef de service à la Section Historiquede l’État-major général de la Marine

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Annexe 3 :V BUINO Eugène Pierre Marie, Maître timonier - est né le 7octobre 1886 à MALANSAC (Morbihan). Disparu en mer avecle bâtiment. Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7mai 1819, transcrit dans cette commune le 24 mai 1919. Dernierdomicile à VANNES.

V M. Fari, interprète libanais (mort d'épuisement encaptivité).

V GUILLOU Hyacinthe François, Second Maître, Chef dequart - né le 9 juillet 1893 à PLUDUAL (Côtes d'Armor) ---disparu.--- jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7mai 1919, transcrit à PLUDUAL le 30 mai 1919 ; dernierdomicile. --- Figure sur le Monument aux Morts de lacommune.---

V HEURTEL Victor Mathurin, Second Maître fourrier - néle 6 septembre 1885 à SAINT QUAY PORTRIEUX (Côtesd'Armor) - disparu en mer - Jugement déclaratif de décès le 7mai 1919, transcrit à SAINT QUAY PORTRIEUX (dernierdomicile) le 16 mai 1919.

V CLÉMENCON Adrien Antoine, Quartier-maîtremécanicien; né le 7 mai 1891 à MARCILLY LE PAVÉ (Loire)– Disparu ; Jugement déclaratif idem -- Dernier domicile àSAINT ÉTIENNE (Loire)

V LAMIER Octave Edouard Jean, Quartier-maîtreélectricien et de timonerie - né le 3 mars 1890 à TOURS (Indre& Loire), tué à son poste. -- Jugement déclaratif de décès rendule 7 mai 1919 à BREST -- transcrit à THOUARS (Deux-Sèvres)le 9 juillet 1919, dernier domicile.

V LAOUENAN Louis, Quartier-maître de timonerie - né le 16mars 1893 à BREST (Finistère). Acte de décès transcrit àCAMARET (Finistère) le 25 février 1918 ; dernier domicile.

V PAULAY Albert François Marie, Quartier-maîtrecanonnier - né le 6 août 1890 à NOYAL MUZILLAC(Morbihan); disparu avec le bâtiment - jugement déclaratif dedécès rendu le 7 mai 1919 à BREST et transcrit dans cettecommune le 7 juin 1919. - Dernier domicile, 27 quai Rohan àLORIENT –

V ANTONINI Jules André, Matelot de 2ème classe timonier -né le 5 novembre 1898 à MARSEILLE (Bouches du Rhône).Disparu - Jugement déclaratif de décès BREST le 7 mai 1919,

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transcrit à MARSEILLE le 24 mai 1919 - Dernier domicile àMARSEILLE, 116 rue Ferrari.

V BESSOU Eugène Auguste, Matelot de 2ème classe brevetégabier - né le 6 mars 1897 à SAINT GEORGES DE DIDONNE(Charente Maritime) - disparu - Jugement à BREST le 7 mai1919; transcrit le 20 mai 1919 à SAINT GEORGES DEDIDONNE (dernier domicile).

V BOUVIER Louis Julien, Matelot boulanger, coq - né le 11janvier 1894 à LANGROLAY SUR RANCE, Côtes d'Armor ---Atteint par des éclats d'obus provoquant une gangrène despoumons, il décède à l'Hôpital militaire ottoman d'ADALIA.Déclaré mort pour la France le 13 décembre 1917 --- Acte dedécès transcrit le 11 août 1918 à LANGROLAY SUR RANCE,dernier domicile --- Figure sur le Monument aux Morts de lacommune ---

V CASTEL Alain Eugène, Matelot de 3ème classe - né le 1ermars 1895 à PLOUEZOCH (Finistère); disparu avec lebâtiment -- Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7mai 1919, transcrit à PLOUEZOCH le 29 mai 1919; dernierdomicile ---

V FERRARD Francis Louis, Matelot de 2ème classe -chauffeur né le 30 octobre 1893 à TRESSÉ (Ille & Vilaine) -jugement déclaratif rendu à BREST le 7 mai 1919, transcrit àPLERGUER (Ille & Vilaine) le 4 juillet 1919 - Dernierdomicile à LE TRONCHET (Ille & Vilaine).

V FRANCHETEAU Émile Auguste Léopold; Matelot de 3ème

classe sur le "PARIS-II" - né le 2 janvier 1892 aux SABLESD'OLONNE (Vendée), il disparaît en mer avec le bâtiment ---Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7 mai 1919 ettranscrit aux SABLES D'OLONNE le 16 mai 1919 --- Croix deguerre 1914-1918 --- Dernier domicile, 36 rue du Bastion, LESSABLES D'OLONNE (Vendée).

V HUBY Pierre Marie, Matelot de 3ème classe - né le 15 juin1895 à LANGUEUX (Côtes d'Armor), disparu avec le bâtiment- Jugement déclaratif de décès le 7 mai 1919, transcrit àLANGUEUX le 19 mai 1919, dernier domicile ---

V JOSSE Pierre Joseph Francisque, Matelot de 2ème classecanonnier - né le 19 octobre 1894 à SAINT PIERRE DEPLESGUEN (Ille & Vilaine) -- dernier domicile à CANCALE(figure sur le Monument aux Morts)...

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V LE VEO Robert François, Quartier maître de man uvre -né le 27 octobre 1896 à Sotteville-lès-Rouen (76) et disparuavec le navire le 13 décembre 1917. L'acte de décès a ététranscrit le 21 mars 1920 à Toulon.

V M. Selemen, mt. libanais (disparu).

V THEBAUD Léon Marie, Matelot de 2ème classe fusilier -embarqué sur le patrouilleur auxiliaire "PARIS-II". Disparu - néle 5 mai 1897 à NOYALO (Morbihan) - jugement déclaratif 7mai 1919 à BREST transcrit le 4 juillet 1919 à NOYALO(dernier domicile).

Liste établie d’après le travail de Gilles Jogerst.