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de l'Ancien et du Nouveau Testament )lartyrs, des Pares, des Auteurs sacres et ecclesiastiques DES ET J.UTOS PER60NHES fd:ORTE8 IW OI>ItUR DE 1lJ.INTETE . NOTICES SUR LES CONGREGATIONS ET LI;S ORDRES RELIGIEUX des Reliques, des Pelerinages, des Devotions populaires, des Monuments dus a la piele . . . depuis le commencement du monde jusqu'aujourd'hui - . D'APRES LE PERE GIRY " dont le travail, ponr les Vies qu'U a trait6es, forme le fond de cet oavrage LES QUI ONT ETE DE NOUVEAU INTEGRALEMENT A;'iALYSES SURIUS, RIBAD£ AElRA, ·BAILLET, lES .HAGIOLOGIES ET LES PROP RES DE CHAOUE OIOCtSE tant de France que de l'Etranger ' ET LES TRAVAUX, SOIT ARCllEOLOGIQUES, SOIT BAGIOGRAPH1QUES, LES PLUS RECENTS .. l'hlstoire de J6sns-Christet deja Salute Vlerge, dCIl DIseours Inr lel Myattlre. et le>! FOtes .. .. . nne Ann6e chrl!t1oDne le martyrologe romaln, les martyroJoges frangals et les mart)'rologcs de tou8 lea Ordres relfgleux . une Table alphab6tiqne de tous les Saints connns, nno autre selon l'ordre chronololliqne - uue antre de tontes les Matillres fElplllldn':ls dans l'Ouvrage. destin6e aux Cctl!chletos, aux Pn!dlcateurs. ote. Par Paul GUERIN C.Ulli;B1ER DB 1i.A. xm .SEPTlEME Ef)I'rION, UEVOE, CORRIGEE ET CONSIDERABLlmENT (Huitlllme Urage) ,TOME QUATOltZIEME DU le. AV 31 DI':CE)!nHE PARld BLOUD ET 13ARRAL, LIBRAIRES-EDITEURS 4, nUE ET RUg DE REl'NES, ::>9 ;t888

Paul Guérin-LES-ORIGINES-DE-LA-FOI-CHRETIENNE-DANS-LES-GAULES-Les-Petits-Bollandistes-tome-14-pp-655-685-Paris-1888

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de l'Ancien et du Nouveau Testament de~ )lartyrs, des Pares, des Auteurs sacres et ecclesiastiques

DES vi~-iRJ.DLES ET J.UTOS PER60NHES fd:ORTE8 IW OI>ItUR DE 1lJ.INTETE

.NOTICES SUR LES CONGREGATIONS ET LI;S ORDRES RELIGIEUX

Hi~toire des Reliques, des Pelerinages, des Devotions populaires, des Monuments dus ala piele . . . depuis le commencement du monde jusqu'aujourd'hui - .

D'APRES LE PERE GIRY " dont le travail, ponr les Vies qu'U a trait6es, forme le fond de cet oavrage

LES GaA~n; BO!~LANDlSTES QUI ONT ETE DE NOUVEAU INTEGRALEMENT A;'iALYSES

SURIUS, RIBAD£ AElRA, GODESCA~D.' ·BAILLET, lES .HAGIOLOGIES ET LES PROP RES DE CHAOUE OIOCtSE tant de France que de l'Etranger '

ET LES TRAVAUX, SOIT ARCllEOLOGIQUES, SOIT BAGIOGRAPH1QUES, LES PLUS RECENTS

.. A~ec l'hlstoire de Notre-Selgl~enrJ6sns-Christet deja Salute Vlerge, dCIl DIseours Inr lel Myattlre. et le>! FOtes .. .. . nne Ann6e chrl!t1oDne

le martyrologe romaln, les martyroJoges frangals et les mart)'rologcs de tou8 lea Ordres relfgleux . une Table alphab6tiqne de tous les Saints connns, nno autre selon l'ordre chronololliqne

- uue antre de tontes les Matillres fElplllldn':ls dans l'Ouvrage. destin6e aux Cctl!chletos, aux Pn!dlcateurs. ote.

Par M~r Paul GUERIN C.Ulli;B1ER DB 1i.A. Il.A.I~!ETi: LEO~ xm

.SEPTlEME Ef)I'rION, UEVOE, CORRIGEE ET CONSIDERABLlmENT AUG~Z.,{TEE (Huitlllme Urage)

,TOME QUATOltZIEME DU le. D~CE~I13RE AV 31 DI':CE)!nHE

PARld BLOUD ET 13ARRAL, LIBRAIRES-EDITEURS

4, nUE ~IAllA~7r:i ET RUg DE REl'NES, ::>9

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Cet Ouvrage, aussi Men pour le plan (!apt'es lequel it est confu que pour les matiere:; qu'il contient, et qui sont le resultat des recherches de l'Auteur, est la p"op1'lit(} de l'Editeur qui, ayant "empli les formalites legales, poursuivra toute contre(afon, sous quelque forme qu'elle se p,·oduise. L'Editeur se reserve igale~ent le droit de reproduction et de "·aduction.

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DISSERTATION

SU~ LES'· OltIGINES DE LA For CRRETtENNE

DANS. LEg GAULESf

.. La. data: de l'introdueuon 'de. rEvangile dans' les. Games a~ depuis. trois.

,iedes, divise les savants et les criUques; qui cnt. donne a cette.' fjuestion des: solutions diamet.raIement oppesees. Les un~ qui sa sont 8ppe1es eux.. m~mes Ecole historiquo et anti.traditionnelle, comma si la traclition, n'etai\ pas l'un des fondements de l'histoire, veuIent que l'elablissement du ChDis­tianisme. dans. les. principaux .dio.ceses des GauIes n'ait pas ell- lieu avant las· n-, ~ et IV- si.ecles: de' l'ere chretienne. Les autres, au contraire" assi­gnent.a. ceUe. introduction.de-la roi evangelique dans not.re·patrie una date plus ancienne, I~Iel' siecle de l'Egli!e,. et ils· sont·connuS' sous le i nom; d'Ecole t1'aditionneLLe. Appal'tenant a cette derniere, nous espet'Ons, en reproduisant ci·apres la savanle Dissertation de. l\~. Corblet,. sur les Origines de la foi chre­henne dans le, Gaules, faire partager a beaucoup de nos iecteW'S.la cQ.nlic­tion que- nons a procuree cette etude consciencieuse. . M. Corblet divise son travail en cinq articles, savoir·: er Rapide expose de la polemique. -Iii: Preuves generales. do la diffu­sion universelle de l'Evangile pendant-res deux premiers siecles. ­

@. Preuves indirectes de l'introduction. du Christianisme dans lea Gaules avanlle me siecle. ...-IJ!: Preuves directes de l'evangelisation des Gaules au I'll' siecle. -l[Refutation des principales. objections contra ca systeme

. historique.

IT:- RAPIDE EXPOsE DE,}A POLIDgQUE.

L'evangeliS<'1tion des Gaules au temps des ApOtres n'esi pas une de ces theories historiques qu'on puisse accuser d'innovation: ce fut, jusgu'au xvne siecle, la tradition p~petuelle et immemoriale des Eglises de France. Taus les documents historiques es temps pr cedents et les monuments de la liturgic s'accordent a nous montrer le Christianisme introduit dans les

. GauIes, des le le? siecle, par tr~ groupes de missionnaires et par un cer-A ~ tain nombre de predications individuelles. Saint Lazare, saint Maximin,

sainte Marie-Madeleine et sainte Mal'tbe, partis de l'Orient quatorze ans apres l'Ascension de Notre-Seigneur, apporterent en Provence les lumieres de la roi. Vers la m~me epoque, sept missionnaires, envoyes par saint Pierre, evangeliserent plusieurs de nos provinces: saint Trophime s'arr~ta

aArles, saint Martial aLimoges, saint Austremoine aClermoIlt, saint Paul

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606 DISSEUTATION SUI\. LES OmGINES DE LA FOI CnUETIE:."NE

a Narbonne, saint Saturnin a Toulouse, saint Gatien a Tours, saint Valere 3 ~ aTreves. Plus lard, saint Denis, envoye par le pape saint Clement, vint de

Rome a Lutece, tandis que ses compagnons et ses disciples fonderent d'autres sieges episcopaux:: saint Rieul a Senlis, saint Julien au Mans saint Lucien a Beauvais, saint Saintin aMeaux, saint Taurin a Evreux etc:

En dehors de ces trois groupes principaux, nous voyons apparaitre a' des epoques diverses, mais avant le me siecle, saint Crescent ii Vienne, saint Benigne a Dijon, saint Sabinien a Sens, saint Sixte a Reims, saint Merriiriic a Cha.lons, saint Sinice a Soissons, saint Clement a Metz,· sainl Front a Perigueux, saint Eutrope a Saintes, saint Pothin et saint Irenee aLyon, etc. On pourrait bien signaler quelques divergences d'opinions sur tel ou tel de ces pcrsonnages, mais l~ croyance ctait uniforme sur cc fait capital d·c

~ l'inlroduction du Christianisme au ler siecle. Ce fut Jean e Launoy, cc - docteurde Sorbonne qontMrien de Valois nous a trace un si triste por­

trait, qui essaya, le premier, de faire table rase des tradiqons qui pou­vaient revendiquer seize siecles de possession non interrompue; Le senti ­ment de reaction contre le moyen Age, qui dominait alors, assura le sticces des opuscules de Launoy J, et un gmnd nombre d'ecrivains catholiques, a

( l'exemple des Janscnistes, souscrivirent au systerrie cl'un ecrivain que ses ) opinions heretiques nvaient fait exclure de la Sorbonne, el qui n'eutI pas moins de vingt-neuf ouvrages condamnes par la Congregation de

l'Index. - - - _ Les reformateurs de breviaires introduisirent peu ~ pen dans -la liturgic

les innovations chronologiques qu'avaient acceptees et patronees des eru­dits de premier ordrc, lels que Tillemont, Dom Calmet, Fleury, les deux de Valois, Bllies Du Pin, Dom Ilivet, Denys de Sainte-l\'lartbe, le Pere Lon­gueval, Daillet, les Dollandistes et la plupart des Benedictins. Toutefois, il faudrait tien se gal'dcr de croire que l'ancienne opinion tradiLionnelle ne conserva point de partisans; ils furcnt bcauconp plus nombreux qu'on ne le suppose communemenL Les uns, tels que Dom Boudonnet :Il, Pierre de l\Iarca:i, Ouvrard ~, Bullet s, l\Iaceda 6, composerent des ouvrages speciaux pour combattre les doctrines historiques de Launoy; les autres, tels que Baronius, Bellarmin, Noel Alexandre, Sponde, les deux -Pagi, 1\labiUon, ­Claudc nobert, Dam Doublet, Gl'etser, le Pere Lequien, Dom Liron, A. du Saussay, etc., afflrmerent plus d'une fois dans leurs ecrits leur conviction motivee en faveur de l'evangelisalion des Gaules au let' sieele.

Les ecrivains de la province ~ont toujOlll'S restes moins aecessibIes que ceux de Paris a I'influence de la mode, dont l'empire s'etend sm' les ques­tions d'cl'udition aussi bien que sur les frivolites de la vie: nous pourrions en citeI' un gr'and nombre qui sont restes fideles a la croyanee que ~l'oc~a­maiL ainsi Bossuet dans son Dz"scours sw' tllz"stoire univel'selle : « L Egllse naissante remplissait toute la terre, et Don-seulement l'Orient, mais encore

1. Dissertatio ill qua Diollysii pm'isiellsis et Diollysii UJ'eopagit::e discrimen ostendil~: -:- llcsponsionis ad di.u/?l·tatiollem de duoblLS Dio/ll-!siis disr.ussio_ - De commentitio Lazari et "~Iaxmm,l!•.ltfaqJalcn<£ e~

, - - .' I J . t . G .- T 'onellsis vlllalcatur a mulfl.YMarth;s III Promllcwm appulsu. - Dlssert. qua oeus llS on.:e re(JorH w _. D _, clrroribus. - Dissertatio qUIl Sulpicii Sevm locus de prima martyrum epocha vmdu:atur. - e pr!1m CellI!Oma/!orlll/! prxsulis epocha, . d I

- -.-. d lJI J, I La (1'6 les tll;·s,'on5 a1JOstolll>ues om" e::­2. llirutatzo/! des trol.$ a.lssertatlOns e , cml (le IWOy con ~ .., • " '" Gault-s, 17.U la. si,Jete. 165:5,

3. De tetll})or~ pr;zdi.cat:a primum ill pallias fidei. 16;';8. ; .a" $ - d I' d - , I E I- ..' f tn:S·;OI' des prelmers

£ 'llr~v.l.Ca,e!{r4.. Defense e 'anelCl/ne (I'a· IIIOrl /ItS • {J lses u.e.J.· rance sw·.a ,u"·

lVQrl(Jl!liqul!l/. IG78.

r;. De opostolica eeclesiiJJ gall:'call:a origille. 17:3~,

G. Dc ceferi l'ropllgationc EVlll/qelii ill t'Jtivcrso mundo, 1798.

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DANS LES (tAULES. 657

rOccident; outre l'Italie, les provinces' d'Espagne, les d-iverses' nations des Gaules, la Germanie, la Grande-Bretagne 1 11.

A .cMe des ecrivains qui affirmaient nettement leur opinion, il yen eut qui hesiterent et ne franchirent point les limites du doute:' (I Quoi qu'en disent plusieurs savants modernes», ecrivent les erudits auteurs de l'Art de ver£{ier les dates, « il ya bien de l'apparence que c'est asaint Clement et non a saint Fabien qu'on doit rapporter la mission des premiers eveques

, des Gaules 11. Tillemont llli-meme, si affinnalif en certains points, se trouve oblige d'exprimer sa perplexite : (I Nous ne voyons rien », dit-il, « qui em­p~che absolument de croire que saint Luc et saint Crescent ant preche la

., ~ foi dans les Gaules ». Nous pourrions citeI' des hesitations du m~me genre, de la part du Pere Labbe, de Dom VaisseLle, d'Honore de Sainte-Marie, de. Papebrock et de bien d'autres. r-

Ce~ que~tion avail longt~~ps sommeille, quand elIe fut remise,' a ~ 0J "

l'ordre du jour par le savant ouvrage de M. l'abbe Faillon 11. ,Une forte l' 'r(action s'opera des lors en faveur des antiques traditions qu'avaltwm­haHues la critique rlgoriste du xvne siecle, et la science contemporaine s'empressa de reviser le proces que leur avai't intente Launoy. M. l'abbe Arbellot 3,M. l'abbe Darras·, M. Charles Salmon 5, M. le chanoine Robi­taille 6, M. l'abbe Richard 7, M. l'abbe Gordiere 8, etc., ant demontre l'anti-

I quite de nos origines chretiennes pal' une foule de preuves qui ant pu ~treI t.

contestees, mais non pas rMutees. Il ne suffisait point de reprendre en SOUS-ffiuvre la question generale; it ctait necessaire de concentrer les recherches sur chacun des principaux missionnail'es des temps aposloliques auxquels nos anc~Lres ont dO. les premier'es lumieres de la roi. Plllsieurs des ecrivains que nous venons de citer 9 sont enLres dans ceLle voie, qu'ont parcoul'ue egalement MilL l'abbe Maxime Lalou 10

, l'abbe de Lutho l1 , l'abbe Dion is, l'abbe Bougaud 13, l'abbe Pergot u. l'abbe Blond 11, l'abbe Roi-land 18, le Pere Gouilloud 11, eto.

(1. Bossuet dlt encore dans son IJisr.our3 sur runili de l'Eglis/!: I A la snUe de Rome, et par ol1e, tout l'Occldent est venu B Jl!;us-Chrlst, et nous y sommes venus des premiers; •. , c'est vous, SeIgneur, qUi e::rclliUcs saint Pierre et ses sucecsscurs h nous envo)"cr. des les premiers temps, leg l!veque8 qui ont fondo nos EgIiscs '. H. Tllilllar rOrigines du CILristianisme) se fclicHe • de sulne roplnion de tant 11'0­crlmlns etnrnellt~ qnl t1xellt au 111' siccle l'inlroduellon du Chrlslianlsme dans les Gllules •• Chuleull­briand s'exprime alnsl dalls ses Eludes hisloriques (I" partie, de Jules Cc,ar 11 Doeius) : I Piorre envoya des misslonnalres en Slclle. en Italic, d:lllS les Gaulcs et sur les cotes de l'Afrique. Saint Paul urivalt 11 Ephcse lorsque Claude mourut et il eatechisa lul-meme dails la Provence et les Espagnes "

2. Monume"ts inedits sur ['apostolal de sainte lI/arie-.ifadeleille en Provence et sur les autres apoll'es de celte cOlllree. saillt La;llre. sainle Marlhe, saint Maximin. etc. 2 vol. In-8°.

3. Disurtation sur faposlolat de saint Mill'lial et sur l'antiquittf des Eglises de France. - IJocume:lt" imfdils sxr ['aposlolal de sainl ,l!artial et sur I'antiquiitf des Eglises de France .

.t. Saint Denis I'Areopngile,. Elude sur les o"igilles ch"eliennes des Gaules. 6. Rechfm:hes sur l'epoque de la predicalion de l'Evangile dall3 les Gaules et im Picardie. G. Coup d'reil sur Npoque de la prlfdicat. de l'Evangile dans la Gaule-Belgique et la GraTlde-Bl'etagne. 7. Origines chrlfliell/lea de la Gaule et date de saint Firmin, contl'e Tillel1lont, MM. IJu(our, Tuilliar,

Salmoll, 06al1os. etc. 8. Recherches sur la predication de l'Evangile dans lea Gaules au Ior siecle. 9. Ch. Salmon, Histoire de saint Firmin, martyr. - Robimille, Vie de saint Paul Serge, {olldateur dd

l'E{jlise de Nal'bonne. etc. 10. Yie de saint Saturn ill, disciple de saint Pierre. Il.1'ie de saint Ursin, a1'61;'e du Berl'i. 12. Apostalat de saint Front au Io. swcle. 13, Etude hiSlol'ique et '7'ilique sur la mission. les actes et le culte de saint Benigne, apdtf'd QIJ III BOil!"

oogne. H. Histoh'e de saillt Front, a1'61re et premier eveque de perigueux. 15. Reellerches sur la dale de I'aposlolal de saint Rieul. 16. Disscrtalioll .sur I'lIpostolat de saint Gatien. 17. Saint PotMn et ses C0IJ1]JU[J71071S.

VIRS DES SAINTS. - TO~E "X}V. .;.~

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658 DISSERTATION SURLE3 OIl.IGlNES DE LA FOr CHRETIENNE

, Das et~des analogues ont et6 poursuiv~es, avee les m~mesct:mClusion~ chron~l~glque~, pa~ beaucoup de .ceux qm se sont occupes sp~cialement. des ~rlgmes. hlstorlques de nos d.IOC~ses 1, de l'hngiographie locale" de I'hnglOgraphle genernle Stet de I'hlstOlre de l'Eglise •• ',. , ,< ,

L~pillion c0!1traire compte encore~eaucoupde partisans mais il faut reeonnattre qu'elle n'a produit, pour s'al'firmer, qu'unnombre fort'res_ traint de liv.res et de bro.chures .I. Nous vo!ons bien Qa et la des assertiont trcs-calegonques ace sUJeL, fialS nous cralgnons que leurs auteurs n~aienl pas toujours approfondi la question. Une etude moins sommaire aurait peul~tre eu /pour resultat le revirement d'idees qui s'est pa'oduita eeL egard cheO!: plus d'un savant. Nous nous bomerons a citeI' M. Paulin 'PAris et M. Auguslin Th[erry. Ca dernier ecrivait a M. l'abbe Arbellot: tl J'ni Iu avec un vif interM votre Memolre sur la date de l'apostolal de saint Martial.

I., \ Je erois que vaus a,'ez pleincment raison, et qu'en ce point la tradition, \ l,oeaIe prcvaut reell~ment eonUe l'h!stoire. La meth?de que vous aPllliquez J acella' demonstration me semble lrreprocbable; Je ne doute pas qu~elle' I no ~oit appreciee par tous les Vl'ais erudits 6 »• .M. Paulin PAris qui, dans..

un celebre rapport a.I'Academie des inscriptions, avait considere le mou­vement qui se produisait des lors en faveur des origines apostoliques, comma un etrange retour auxidees du nil siecle, s'exprime ainsi dans son excellenle edition de l'Histoite litteraire de la France (t. ler, p.44f):a Nous avouons avoil' professe longtemps le sentiment de Tillemont sur les origines ) asialiques du Cbristianisme ; mais les nouveaux arguments presentes par les

\ soutiens de l'opinion conll'aire nous ont compfetement amene .AUne con­) viclion diITcrente. Rome, 011 le Chrislianisme faisait chaque jour de nou­

veaux progres depuis le regne de Neron; Rome, qui avail deja fait subir de grande~ persecutions nux chrcLiens; nome avail des rapports trop imme­diats, trop conlinuels avec la Gaulc, pour que les pl'etres et les -eonfesseurs

" 1. Dom PloUn t Histoire de Z'Eglise du Mans. - L'abb6 Barr~re, Histoire du diocese d'Agen. - L'abbf

Charbonllcl, O"igille de l'Eglise dt: Mendt:. - Le P~re Gaydoll, Etudes critiques sur Z'origillc de l'Eglis8 b Jl1entk. - Havenet, Rccherches sur les ol'ig'incs des Eglise-s de Reims. dc SOI'ssons et de ChiHoIls. ­Cotldcrt. de LIt..-t118.te, Ze Christianisme dans l'A.quitaine. - BriHoin, Notice sur l'illlrodudion dll Chris­tilJnisme C1l Sainlollge. - L'abM Do. Origilles chrtfliennes !iu pays Bessin. - L'abM Tapin, les Traditiollj cUi. diQI:~~t! de Baljl!UJ:; la 'Science et la Tradition. - De BernovIl!e, AUlanfllis concel-nunt feoi!chlf de Sai"t-PapOltl. - L'abM Cirot de 111 Vllle, Origines chrttiennes de 13ordeau:c. - Jehan de Salnt-Cltlvien. Saint Gatiell et Zes origincs tU l'Eglise de Tours,. et ~ Christianisme 'dans tes Gaules. - ChaussieT, Onyirte upo,tollque de l'Eglise de Metz. - L'llbbC Frugel'e, Apostoliciti de rEglise du. Velay. - L'abbli GUillllumc, [listoire du diocese de Toul. \·:tc.

2. De Cherg1!, Vies des Saints du Poitou, - L'llbbC Auber. \Ties du Saillis de I'Eg'tise de PoWers. -, L'ablJ6 ~adal, His to ire hagio!ogique dll. diocese de Valence. - L'abb6 Destombes, 'files MS Saints des dio~ c6ses de Cambr(u et d'Arras. - L'llbbe St\batiel', Yies des Saints !iu dioc4se de Beauvais. -L'abbC Vam Drlva.l, HU{jlologie diocesaine (Arras), Etc.

3. Les nOli veuux Bollandlstes et SIJllcllllcment Acta S. Florentii an 16 ~tQbre. - Ch. 'Barthclemy, .Allllalcs IWfji%{)iques de Prance. - Mgr Paul Gucritl, Vies des Saints. Etc.

4. L'ltblle Rohl'uachcr, His/oire universelie de l'Egllfie catholique. - L'a\)l>e Blanc, CottrS ,d'Jli..swire ltllilterselle. - L'llbl>6 Darras, Hisloire !Jell/frale de l'Egli$e. - Le baron Hem'ion. Hilitoire generale d~ I'Hr;/ise (tlernillre edition). - L'abbc Juger, Histoire d<! Z'Eglise catholique ell France. - L'lll>he .FreppeJ, Saint lrtill~e el l'do'fuence cilriJtienne pendallt las deux premiers sUcks. - Mgr Hcgnault. Histoil'e des premiers ,fieclcs de fEgll'se. - llonnetfy, (lI~er:l articles duns les AliI/ales de pMwsophie. Etc.

D. L'a'hM Pascal, G/lbalum cllt'istiallum; et lJe(ellse de l'(ll/cienne tmdltioll de l'Egll:se de Mende sur sai"t Sevtfrien, - L'ubbe Slll';'lln, Hisloire de saint Saturllill ou Rechcl'clles MsluriqlwS et cl'itiques sur fapol/o/al el le mw'tyre de ce Saint. ~- Du llcril, I1cc!<erches histor'iq1lf:6 sw' l'etalJlissemellt de la 1'elifji~11 chretle'I"1! dans le diocese de flayeux. - J. Lair, Origil;es de l'evecfllf de Ba.YCll:r:. - Dc 'nelloguet, On­gillel dijollllflisi:s. _.- Huilll.lrd-nreilolle~, les Origill!!s <la Christianisme ell G'ottle, tiI'litll(llll~Credans la. ReVIle c/}l"ell!p0l"aill~, J.,) sC]Jle01nra lS86. - \11. t\,Ozoll'Ji:Je, Origilles c!l7'Ii(1rJrlncs dele G:atdl!,- J . .D.es·· lloyen, Topo!/I"aphie ecclJ:fsiastique de la F"I1I1Ce pel1dull( le moycn age. - TaiI!la.l', Ess(t/ sw· les o7'1g!1!es ' <it IN dtfoe!o}Jpe7il'''I(/J du Cllrislianism.e darl.S les Gau!l!s. - ,AllOUyll1C, .De((?11se,d-e saint ,G1'egail'e de l'ours, pal' un 1l111IJl'l.Jro (i e la Soel6tc ~l'ch()ologlqul:l de 'I'O\lra.i:1C. - L'/1.l):;e Bou1'I1.:>$O, llts OriQim:,~ d.e fJtglisr: de TOll)".\'. '- L'uobl' .!3crnard, les Origines d.J l'Eglise GC r'aI"s.

G, Let~ ',1 citee par M. Arbeliot da.1l8 se~ DOC1N/I.'nt" iucdits sur sa·illt ,lfill·ti<tf.

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DANS LES GAULES. 650

n"eussent pas frequemment passe dans cette pepini~re de rheteurs, de phi­f losophes, de grammairiens, qui ne cessaient d'alIer ou de venir de Rome a ) Lyon, ArIes, Marseille, Toulouse, Nimes,-Narbonne. Non, cela nous put att

aujourd'hui moralement im-possible; car nos grandes cites vivaient de la vie, des sentiments, des mrnurs de la Rome imperiale. Et supposeI' que le) Christianisme, qui avait deja envahi la Germanie et I'Espagne, n'et1t pas assez de retenlissement pour que le bruit en arrivAt a la GauIe, c'est aller contre Seneque, PUne et Tacite; cOest fermer les yeux a la lumiere de l'histoire J).

Une des considerations qui ont le plus active la repudiation du systems de Launoy i, c'est l'universaIite et la constance des tradi~qui regnerent jusqu"au XVIII! siecle, dans les Eglises d~-.!'_~e, sur l'epoque on vecurent teurs premiers fondateurs.

Les inj ures ad ressees aux partisans de Gregoire de Tours, n'auraient point seulement pour inconvenient de gHer inutilement de' bonnes rai50ns, elles pourraient aussi excuser, jusqu'a un certain point, les dedains immerites que nous prodiguent quelques-uns d'entre eux. Il est un de ces repr9ches irQ.niques conJrelequeLnous epr2uvons le besqin de protester :-.£e5t le nom d'eco[e legendai"e que nous infligent nos adversaires, en se donnant la quali­fication d'ecole histor£que. On voudralt faire croire par la que nous nous appuyons uniquement sur les traditions que contiennent les legendes du moyen Age. Assurement, nous invoquons leur autorite, quand leurs recits nous paraissent digncs de foi : mais, dans la question generale qui nous 1 occupe, nous pouvons produire de nombreux temoignages d'historiens. Nous voulons m~me laisser de c6tlceux du moycn Age et ne faire parler que des ccrivains qui nesoient point posterieurs' au VIe -slacle. Par la m~me qu'ils ( sont contemporains de Gregoire de Tours on anlerlCurs a cet annaliste; ilS)1 auront plus de force pour refuter le celebre passage qui constitue le prin­cipal argument de nos contradicteurs. Qu'on ne s'attende point a trouver bcaucoup d'imprcvu dans nos citations, ni beaucoup de nouveallte dans nos arguments. Tout cn y mettant un peu du nMre, n~I!~_..v9ulons, avantJ:9-!lt, gr~per dans un ordre methodique et dans un cadre restreint, ce qu'ont dit de mieux sur celle matiere les nombreux ouvrages quenous avons indi­

. qu6s plus baut, et qu'-il d8,ient-Inulile de renommer lcCToulefois, nous devons mentionner specialemenL l\Iaceda, parce que bien peu de personnes ont pu consulter l'important ecrit de ce jesuite espagnol 2. On n'en connuit en France qu'un seul exemplaire, conserve a la riche bibliolhcque de l'ab­haye de Solesmes. Le revel'endissime abbe de ce monasLcrc, Dom Gue­l~ge.r, a bien voulu nons le confier : nous ne saurions trop llli Lcmoigner noire reconnaissance pour cette mcsure exceptionnelle, l'une des plus pre­cieuses marques de l'amitie dont il vellt hien nous honorer.

TI. - PREUVES GENERALES DE LA. DIFFUSION UNrvERSELLE DE L'tVANGILB-PEl'U)ANT LES DEUX ,PREMIERS SIECLES.

On nOlls dit 3 que « la tradition qu'on invoque, au lieu de commencer

1. La doctrino de l'ctablisscmcnt de la. foi dans lC8 Guules sux temps Ilpostollque~ t~nd del pJu~ ell plus ~ etre l'opinioD dominante dans le cleTg~ !r..Olfllls. dit ~1. Deslloyers. membro dLl ComiU lmp,hi,~l

dcs tl'3,Vl>IU hlstorlql1cs, d:ms la Revue des Socidtlis SaVGlltes, no de fevrler l8GS. (f. n", alf.M Propagatioll/! Evall{jlilii ill ulliverso mundo libri tres, a,llctOI'C Mlc!ln.elo-JoGaphQ Mu.ce<!lI,.

pres1.l. BOOUDi:ll MDCCIIC, ex typo.~ro.phja. Sl1.ncti TbOO1le Aquillatls, supcrloruul permlssu. iu·-4·.

::. E3sai sw· le., Or(qines du Chl'isticlllisme, etc" .p. 00, par ;H. Ta. illill.r, president hOllomirc il h cour 0. DOUill.

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660 . DISSERTATION SUR Lt:S OnIGINES DE LA FOI CHRETIEN1\'E

au temps des ApMres et de se derouler sans interru'ption, surgit tout ac~up aune epoqU? d~nnee, puis s'in,terrompt plus tard, d~ te!le sorte que le point de depart lUl faIt deraut et qu eIle manque de contmurte I). NOlls esperons pouvoir prouver tout le contraire. S'il est un fait hors de toute contestation :c'est que l~ tradition~onstante et uEivers~lle du f!.10y~!ge aUribue au; d~ples des ApMres la fondation d'un grand nombr'e de nos eglises, et que cetle tradition n'a cte interrompue qu'au xvn8 siecle, par 1'ecole de Launoy contre laquelle onl toujours proteste un bon nombre de savants. On n'at~ . taque celle croyance que parce qu'on ne lui croit pas de racines dans les . premiers siecles de l'Eglise, et qu'on l'accllse d'avoil' pris naissance a des .epoques de bal'barie ou les fl'audes historiques auraient eu toute chance de succes. Combien de fois n'a-t-on point repete. que c'etait la une invention des legendes duo moyen Age, que l'on ne pouvait"point considerel' comme ayant une reelle valeur historique? On sait ce que nous pensons de l'autorite :des legendes 1, et nous n'avon's plus a revenir sur ce point. Mais ce ne seront

. pas leurs seuls temoignages que nons invoquerons; nous appellel'ons a notr~r j

aide les historiens, les Peres de l' Eglise, les controversistes, ~es philosophes, les poetes, les oruleul's, les theologiens, et, p2.ur-!es~er sur_w terraiIlchoisi par nos adversaires, nous ne sortirons point des six premiers' siecles de l'E~'li~e:-- '. - - - .-- ~---_.-. 0 _., .' _ .

Avant d'aborder les preuves directes de .l'ev~ngelisationdes Gaules, au temps des Ap6tres, nous voulons montrer, dans ce chapitre; combien a ele rapide et universelIe la diffusion de 1'Ev:angile, pendant les deux premiers siec)es, et nous le ferons a l'aide des textes que nous fourniront exclusive­menl les quatre premiers siecles de l'ere chretienne. Si tout l'univers, c'est­

r a-di~ lc mond~nnu des Romains, a He e~gelise.-i..u temps des Ap_6tres ) et de lcurs succes~urs immcdi~ts, il faudra bien conclure que la Gaule a

joui de ce lJienfait ; et, si 1'on veut creer pour elIe une exception, il faudra en deduire les motifs, ce qu'on n'a pas encore tente de faire et ce qu'on1 , . . . - .n essalera JamalS. .

Lorsque le Sauveur eut enseigne a ses ApOtres la parole de vie, il lour dit : « Allcz dans tout l'univers et pr~chez l'Evangile a toutes les crea­tures 2 ». Les ApOtres, dont nous sommes loin de connaitre exactement toutes les peregrinations, se conformerent al'ordre du divin l\lallre. Saint Marc nous dit, en effet, qu'ils precherent partout 3,. saint Paul eCrlvait aux Uomains .. et nux Colossiens 11 que la foi Hait annoncee dans tout l'univers cl j usqu'aux derniers confins du monde. Sans doule, il ne faut point prendre cos paroles ala lettl'e, e't surtout dans le sens rigoureux de nos connnissances geographiqucs actuelles; mais elles s'appliquent .tout au moins a cc vas.te

\ empire 1'0 main ,qui eJai t consider:.e comme le veritable unive~s, et saint Paul se serail expose a recevoir un facile dementi, si la Gaule Hail restee.ctran­

) ge.re a~es croyances chre~iennes que saint Matthieu a:ait portces ~n Ethiopie, samt Slmon en Perse, samt Barthelemy en Armemc, et que samt Thomas avail repanduesjusque chez les Parthes et les Indiens.

Cettc rapide et universelIe-irradiation de la lumiere evangrHique n_ous es~

1. Voir llotre introduction a l'Eagiogl'aphie cl/{ diocese d'Jlmieils. t. Xt p. XXXVII.

2. EUlltea in l"lIandurn ulllvc1'511rJl. prrodicll.te E';llugeliulD o:nlli creat\-ulD. -:.r<lfc·, AVx, 1.&. 3. IIli t1utCl1J profectl prre licavcrunt ubiqne. :l:YI, 20. 4. Fides r(j~tra ;.lnnnntiatur In universo or1Jc. I, 8. -- In omnem terl'nl!l cxiv-it ~onU$ corum et in flnel)

orbis tCIT:Io' crba eonlm. x, 18. 5. C~uOti (l::vangelinHl) pt~rvll:.,it ad ','0'$ ~icut tt in lllli'lcr.'o mupllo est, et 1'n\ctificat, et Cl'CHCit ~icut 11\

olJis. I, a.

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\

)

\

, .

DANS LES ,GAULES. 661

attestee par taus les siecles : ecoutons seulement les affirmalions des quatre premiers. ,

!ar SIECLE. - Seneque nous dit Cl qu'un~ religion, qui avait naissance sous TiMre, avail deja gagne toutes les parties de l'empire sous Neron 11.

Hermas, ou dlJ mains le livre du Pasteur qu'on lui attrihue 1, reconnait, comme saint Ignace " que toutes les nations de la terre connaissent la loi de Jesus-Christ.

lIe SIECLE. - Les ecrivains de cette epoque sont plus nomhreux, et des lors les tcmoignages se multiplient. Vel's l'an 140, saint Justin defiait les Juifs ~e lui citc_r (C une seule race de morteJs, Grecs ou barbares, dequelque ~om qu'on puissc les appeler, soit parmi les peuplades scythes qui habitcnt .iurs chars errants, soit parmi les tribus nomades qui n'ont point de demeure fixe, soit parmi les peuples pasteurs qui yivent sous la tente, au sein des­queUes on elcve des prieres et des actions de graces, a_u_~om de Jes!1s' crucifie 3 n. Et, remarquons hien queI'auteur, voulant .prouver aux Juifs incredules la realisation dela prophetie de l\'1alachie·, ne se serait point expose a voir ru'incr sa these pardes adversaires qui connaissaient assure­mClltl'etat religieux des Gaules acetteepoque.

Les Constitutions apostoliques 11, Serapion, ev~que d'Antioche·, There­tique Dardesanes 7, saint Irene~ 8, Clement d'Alexandrie 11, etc., sont una­nimes a nous montrer le flambeau de la roi porte chez tous les peuples aiors connus.

Ille SIECLE. - Origcne se plait a enumerer les conquMes que la foi a remportces chez tout cs les nations, sur le juda'isme et le culte des faux dieux 10. Saint Cyprien la compare aun arbre dont les rameaux couvrent tonte la terre 11. Tertullien IS et Arnobe 13 tiennent un langage ana­logue.

1. Unl~erare nat!ones qu::o sub cmlo 5unt audierunt et <.'rediderunt, et uno nomine Filii Del vocatl sunt Llb. Ill, slmll. IX.

2. Unum baptlsma et una Ecclesia quam 5uls sudorlbus et laboribus fundarunt sanct! Apostoll a finl­bus teme usqul) In flncs, In sanguIne Christl. (Epist. ad Philadelph., c. IV.)

('8. Nullum enlm omn(no genus est, sive Grreeorum sive Bnrbarorum, sl.e qooJlbet nomine BppelJentur, .cl Hamaxloblorum quI In plaustrls habltant. vel Nomadum. qui domlbus earent, vel Scenltarum ql1l, peeora pllseenlc~, hl1bltant In lentor!ls, nullum, Inquarn, eJusmodl genus est, In quo oon, per nomen crucltlxl Jesu, prcce~ et gratiarum actiones Patri et Creatorl universorum fiant. (Dial. cum Tryphone. Patrol. grccquc, VI, 748.)

4. Ab or~u solls osque ad occasum magnum est nomen meum in gentibu.'l ... et vos polJuistis mud. 1,2, U.

5. Oclor cognltIonls evangelil In omnibus gentibus suavls factus est.

6. Omnern In ChrIslo fralcrnitateOl qU33 per unlversum orbem terrarum ditrusa est... Epist. ad Corl­eUlJ~ (ap. Euseb., !lb. v, c. IS).

7. Quid autem dicclJ1us de chrlstlanorum secta, qul In omnl parte orbis, lmo vero In oOlni dvitate, lnvenluntur. (Dt! fato dial. ad AntoHinum impcr.)

8. Unam et ellmdem fidem habet in unlverso mUlldo, quemadrnodnOl prrediximus. (Adv. HiErcs., c. t.) 9. Magls:ri nostri verbum non mansit in sola Judma, sicut philosophia in Gr<£cia, sed dlffusum est per

t<ltum or~m terrre, Gr:llcorum simul et barbn.roruOl Geutibus, et vlcis et toUs urbibus persuadens. (Stromal., lib. VI.)

10. Et 'l'ero In omnl orbe terrarum. In omnl Grmcia, atque univcrsls c~teris nationibns, Innnmeri sunt et immens[, qui, relictis pll.triL, Ic~l1>us, et his, q~os p.utabant Deos, nd observantiam HOy3C:.e legis et dlsc!plinl1rum se ChrlstJ eultuOl tradlderunt. (De Prmclplls, J. IV, c.!.)

11. Ecclesla Domini, luce periusa, per orbem totum radios suos porrigit... ramos suos In universam tar-­ram copla ubertal!s extcnlilt. (De GlSctoritat/l Ecclc:siiD.)

a. Hcsternl somus et vestra omnia implevlrnus urbes, insnlas, castella. municipia. conciliabulll, eastr Ipsfi" trihus. decurias. pslatillDl, SODatnm, forum. Soia vobis l'cllnquirnlls tcmpla (Ap%ft. ad!!. Ge'ltes. (I. :'tJ""xVII.) - AiIleur.~ Tertullien, en enumlirant les pays soumis an Christ, DOUS dit : Ht Galliarur~

clitJer:itJ nalianes (Adv. }ud., c. vu). Il ls'agit bien la des quatre grandes provinces do Narvoul1e. de Lyon, 110 Belg!qull et de I·Aqults.ine.

1:), Brevi tClU)}OIO totl!~ Uluudo.3 i5~ christit\ll~ l'cligione coropletus est. (/i..d 6'ellte4, 1. T.1,)

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662 DISSERTATION SUR LES ORIGINES DE LA For CHRETIENNE

lYO SJECT.E. - Saint Basile 1 et Eusebe de Cesaree 2 comparent .la dif­fusion de l'Evangile a la rapidite d'un eclair ou d'un rayon de soIeH. Lar; tance ll, saint Hilaire de Poitiers ., saint Ambroise 11 nous montrent toutes' les provinces de l'Empire romain evangelisees par les Ap6tres et les dis­ciples de Jesus-Christ. SaintJerOme a, commentant le chapitre XXlV8 de saint . Matthieu, ne {'.roit pas qu'aucune nation ait ignore le nom du Christ et . . ,saint Jean Chrysostome 7, en etudiant le m~me texte, se demande combien ne durent pas Mre extraordinaires les peregrinations des Ap6Lres,puisque saint Paul, a. lui seul, a seme la parole divine. depuis Jerusalem jusqu'en Espagne. .

11 I'esulte de taus ces temoignages que la propagation de l'Evangile nta pas He lenle, mais, tout au contraire, extr~mement rapide, comme DOUS'

le dit saint Hilaire de Poitiers 8; que les Ap6tres .et leurs disciples imrhe­dials ont evangelise toutes les nations, c'est-a-dire, tout au mains, les pro­vinces de L'empire romain et les contrees qui etaient frequentees par les mailres du monde. Comment admetlre un seul instant que les missionnaires de la nouvelle roi aient prive la Gaule de leurs predications, ceUe contree si romaine, si accessible par ses nombreuses voies, si lice aux inler~ts de la metro pole, et s'idenlifiant si bien a elle par ses croyances, ses mceurs, ses monuments et ses institutions? Eh quoi ! les Ap6tres et leurs disciples auraient pen6tre dans les contrees les plus barbares de l'Afrique et del'Asie, en bl'avanl les difficultes des chemins et de l'eloignement; etils auraie.nt voloulairement ferme les yeu~ sur un pays justemtmtcelebre, ou prospe­rait la civilisation, ou il Hait si facile de se rendre, soit par mer, soit par terre! Les successeurs immediats de saint Pierre auraient Dublie les pres­criplions du divin Mailre, ou, du moins, leur esprit de pt'osclylisme se serait evanoui devant les balTicr8s des Alpes et du Rhin ! Mais a-t-on fourni l'ombre d'un argument pour expliquer comment la Gauleaurait ete l'objet d'un si singuliel' mepris, la victime d'une si etrange exception ? A-t-on essaye de nous apprendre pourquoi il ne faudrait pas la compter parmi ces nations, ces provinces de l'Empire, dont l'evangelisatiun nous est affirmee par des temoignages si nombreux, si irrecusables, si voisins des evene­ments, si divers d'origine, formllles par des auteurs qui ecrivaient, les uns contre les Juifs f les autres contre les Gentils, to':l:s egalement interesses a dementir un fait qui aurait et6 controuve ou exilgere ? Puisqu'on ne nous

1. J::\'an~e1li doctrlna fu)gctra quavls pernlcior ad extremos usque limites terrre habltabiJes pertigit. (Enarr. ill [saia. c. vu.)

2. Kulla f~re mOrll interposita, tllnQuam lolls JUbe.r. salutare Dei verbum unlversum terrarom orbem suo splemtore collthtnHit. (Hist., lib. u. c. 3.) - Eu.,ebe 1I0US dit ailleurs (lib. Ill, c. 31), en llarlant does Aplltrcs:. QUi cum in loci; qUibusdlllll peregrinis (,dei dUlltaxatjeceront fuudamellta, p:utore8que alios wllstltuissent... Ipsi ad alias rcgiones gcnlCS'lue, cum gratil1 et virtute divina. se contulerWlt.

3. Onlillavlt Cbrlstus dlsci)luJos et In:>truxit ad pr;cdicationelU dogmatis ac doctrillS! llWll•••• et ~nde dlscipull. .. dispersl sunt per Oillllem terram ad EVIlngeliunl prredicalldum, sicut IlIi3 m~!ster DO::lllnut tmposuernt, et per ",noos xxv USlIUG ad prlncipium Neroniao.i imperii, per omDes provlnCll~S et clVltateS,

Eceleslre fundlllllllllta mlserunt. (De Morte per-sew!., c. n.) 4. Apostoll piu rima tabernacula (Eglises) cOlluidcruot, et per ODloes orbis terrarum partes. qurecumql1$

adiri possl.1nt, 'Juin eltam in Oceaui ilL>ulls (la Grwlde-BI'etaglle) habitationes Deo plurlmlU paraverunt. (Tract. in Psalm. XIV, n· 13.)

5. Le tralle de Rxcidio fIi'eros. (Jlv. u) attribu6 d'abord a saint llegesippe.. puis i> Sl1i~t A.mbroise, mals qu'on s'accordc i'l. placer au IV' ~iccle, s'cxprime uinsi : • El:: quo cc:epit congregatl.o Cllr!stllmor~m, in orone llomlnum pCllctravlt genus, nee ulla nutio lLomaui orbi~ rcxuansU qtl:ll culLus ejus e:zpt\rs rll1.l11­qneretul' u.

3. NOIl puto u.lIi1114m munslsslI entem qn"-J ClJrbU Domen lJPloret. 't. In Mallh .• c. X~H·.

Cl t_D~ )'D(le_f~DD :mo"ll1~te cl8..P r:etik.ui,"!is re:.:;"; Dei llOa fllit I"nt~ Draper' tio, se", In. omnem "••~ ~ ., ccJ.cri trlln~c1.lnit. {[tl. 1:'sd'iJ.. C:-Q.VIl-J

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663 DANS LES GAULES.

donne point la solution de ce pI'obleme, DOUS sommes en droit, m~me avant ) d'avoir produit des textes plus precis et plus speciaux, de conclure que la

) Gaule, aussi bien que les autres provinces romaines, a He evangelisee pen­dant les deux premiers si~cles.

Ill. - PREUVES INDIREGTES DE L'INTRODUGTION DU C!:ffilSTIANISME DANS

LES GAULES, AVANT LE mO SlECLE.

Nous voulons grouper dans ce chapitre les principales preuves de l'evan· gelisation de l'Espagne et de l'~gleterre avaot le me sieele, epoque que nos adversaires assignent a la predication des Gaules. S'il est avere que l'Iberie et.la GI'ande-Bretagne oot reQu des roissionnaires aux deux pre­miers siecles, il faudra bien admettre qu'ils ont suivi, les UDS, la voie Aure­IienDe, qui conduisait de Rome it Cadix, en longeant les c6tes maritime$ de la Gaule meridionaie; les autres, la voie militaire qui, partant de Rome, aboutissait a Gessoriaeum (Boulogne), d'ou 1'0n s'embarquait pour les iles

. Britanniques. Or, tous les monum~nts bistoriques demontI'ent que l'usage invariable des premiers predicateurs etait de semer la" parole divine partout ou ils passaient: done Us n'ont pas pu traverser une grande parlie des Gaules sans l'evangeliser, et il serait tout a fait illogique de supposeI' que le zcle des ApMrcs et de leurs disciples se mt porLe uniquement sur des points extr~mcs, en n6g1igcant comp16tement les parties intermediuires.

La tradition eSP1!gnole ne s'appuie pas uniquement sur ces legendel5 dont nos advcrsail'es dCClincnt l'autorite. Il resulte de la lettre que saint Cypl'icn adrcssa au clerge d'Espagne, au sujet de Basilide et de Martial S,

que ceLle peninsule avait, des cette epoque, des h~chcs constitues, des cimetieres speeiaux pour les chr6tiens, des reunions conciliaires, en un mot, tout ce qui denote une tres-ancieone organisation religieuse. Des le n° siecle, Terlullien affirmait que, toutes les coutrees de l'Espagne etaient soumiscs il Jesus-Christ s. Didyme d'Alexandrie 8, saint Jer6me·, Theodo· ret &, saint Isidol'e de Seville 6 DOUS disent tous qu'elles ont He evan3clisees par les ApMres.

On a dccouverl, dans les ruines de Marcussia (province de Burgos), une inscription qui felicite Neron d'avoir'purge la province des voleurs et de ceux qui prechaient au genre humain une superstition nouvelle, ce qu'il faul entendre par le Christiaoisme, que Tacite 7 etSuetone • designent sous le m~me Dom ~

NERO~'l cL(audio) c£s(ari) AVG(usto) PONT(ifici) MAx(imo)

on PltovLNc(iam) LATRON1D(US)

1. Balu!e ~tsbllt l'authentlelt6 de cet calt qU'l\vllit nUe Lauuoy. 2. llispaniarum omnes terml})!. .• Chrlsto subtliti. ~. Ad diversas pTo,"l11Cill.s p3l"rC,t!sse (Apostotos), ut l1.lius ad 1n(los, allus ea Hlspanltls•• lIus Il 1111­

rJcnID, 1\llus ad Grlllcll,lll porgel'llt. (In cap. ~=lV Isa.iilt) 4. QUi (Apostoll) de TIlerusalem usque ad Illyrlcll!1l et fIispanias evan/teliuJ3). :pr$Od!enunt, !1<'p!e tea

ill brevi tempore ip~Bm qlloqno rOIDLlllro milis potcntiL\ID. (Ill caput :x:r.1I bait:;.) 5. Ezposit, II epist. act Tima/h. " (1. iJe 'Vi/a Illq!4e oMtll lla~ll;lorwn.

7. Exitlll-lllluU! supcrstltionelD. (.Annal., _ t, ~. ~.;..)

e. Super UUOlleloU .t!(,),t\m et mall~fic..ro. (In J."ercme, c. XVI.)

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66.s. DISSEUTATION SUR LES ORIGINES DE LA FOI CHR£TIENNE

ET HIS Qvr NOVAM

GENERI HVM(anO)

SVPERSTITIONEM IN'CVLCAB(ant) PVRGATAM I,

Naus savons bien que quelq((e~ savants ont considere ceHe inscription' comme apocryphe; mais, son authenticitc a ete revendiqnee par d'autres erudiLs, et specialement par Ernest \-Valeh, professeur a l'Universile d'Iena, qui a compose deux dissertations sur ee pl'ecieux monument!, .. .,.. '

L'Espagne bonore d'un cuILe special un certain nombre de Saints qui 1'ont evangelisee au premier siecle s; pour ne point nous attardel' dans de. ~

trap longs details, no us ne voulons parler que du voyage de saint Paul~ L'ap6tre des GenLils cerH de Corinthe aux Romains : « Lorsque je ferai' le voyage d'Espagne, j'espere vous voir en passant, afin qn'apres avail' joui q.uelque peu de votre presence, YOllS me condnisiez dans cette eontree-Ia 4»; M. TaiUiar nous dit a ce sujet (page 7) : « Qnant asaint Palll, il parait avail' en l'intention de se rend re en Espagne. l\fais rien n'indiquc qu'il ait rea': lise ce projeL Se:; predicntions s'ctendirent dcpuis Jcru'salem jusqu'a l'Illy:..· rie, mais n'allerent point au dela n, Si les Livres saints ne nous parlent point de la realisation du projet bien accentue de l'Apolre, cBe nous est attcstee par tant d'ecrivains des premiers siecles qu'on ne saurait la mettre en doute. La tactique de nos adversaires consiste souvent a nier, de paHi p~is, I'aulbenlicile des textes qui le~ g~nent; mnis ils ne pousseront point assmcrrienl la tcmerite jusqu'a rejeter en bloc les temoignages de saint ­CJ(~m(>,nt G, de saint Athannsc 6, de saint Cyrille de Jerusalem 7, de saint Epiphane 8, de saint Jean Chrysostome 9, de 'l'heodoret 10, de saint Jer6me 11,

de saint Grcgoil'e le Grand 11, etc~

Ainsi done, les rensei;:;nements des principaux Peres de l'Eglise sont en harmonic avee nos legendes, aussi bien qu'avec les traditions locales qui

1. C~tte InscriptIon est reprodultc dans Gruter, p. 238; Baronlus, ad ann. 69, no 45; lIIaceda, p. 101; les Bollandlstcs, 17 oct., p. 23, etc.

2, Marmor Hispani:B elfossum. - Pe"secutionis chmtianorum Neronianz in Hispania ex antiquis mOllllmentis probanda uberior explallalio.

3. Saint M:uccl et suint Rufus, fondateurs dcs Egllscs dc Tolede et de Tortosa; saint Saturn!n, el'~qne

de Toulollse. etc. Nou; lison, au 1·5 mal dans le Mm·tyro[oge romain .. « In IIispania, SS. TorquatI, Cte,! ­phontis. Secundl, [ndaletil, Crecilli, Hr.sychil et Euphrasli, qui Romre a sanctls Apostolls cplscop! ordi­nali et ad prllldicanllulIl verbum Dei In Hispanias dircct! sunt; cumqllc varlis urblbus evangelizassent et Innumeras multitudinl~s Christ! fidei sUbjugassent, in ea provincla dil'crsis locis quleverunt.

.... 4, Quum In Hispanl:Jm proflclscl cCEpero, spero quod prreteriens vldenm vos, et a vobis deducar muc, si vobis primulll ex parte fmHus fllero, (Epist. ad Rom., xv, 24.) Plus loin (\'erset 28), 11 liJoute : Per vas protlciscar In HisjJllllillnl.

5. Epist, ad Corinth. 6. Studio fuit sane to viro (Paulo) ad IlIyricum IlIntl (cvangelium) prredicar(l; neqno segnescere, neqne

omittere, quIn HOI!l:l:n irct. ct in Hispaniam ascenueret. (Eflist. ad Drucolltium.) 7, EtTu,us c,t super fuciem uni\'ers<8 Eccleslre ut pr:l!uicarct evangelium de Rlerosolymis usque act

IllFiculll et rotlifical'ct non super alielllllll fUlldamentum. ubI J!llll fllcrat pr:.l'dicatum. sed usque ad Hispl1­ul:15 tcnueret et a mar! rUbro, imo ab oceano usque ad oecanum tcntlerct. (Ill Cclput v Amos.)

8, [heres, XX\"I!.

9. V!tleas enlll (Paulum) ab Hierosolymis usque Hispo.nias currentem : nam cum Romre lIicnnlum exe­gissct in vinculis, la!lt!em tlimissus e,t, deindc In Hispanl3m profectus. (nom~t. L 'XVI ill ,!J1atth.) Voyez, !lUSS! P,';C/' in epist. ad Ilebr~eos.

10, In Psalm. CXVl.

11. In [saia, c. H.

12, Eccc PauIns, cum nunc Jndream, nunc Corlnthiulll. nnnc EpltesiuID, nunc llOlUflIU, nnnc Hispa~

niam pctCl'ct... qUid so alincl qlHtm cs. Ilqnil!1m demollstr;>bM? (In ,lob, '. xxx:r.) Voye? allssi lib. IU, Moral,., e. ~,l(Il.

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DANS LES GAULES. GG5

signalent la pr~sence de saint Paul aArIes et aNarbonne, et on devra nous expliquer comment l'ApMre aurait ete atteint de mutisme en traversant la Gaule meridionale, et comment il aurait dedaigne d'y laisser quelques-uns de ses compagnons J.

Nous ferons la m~me observation pour les missionnaires qui traverse­rent diagonalement la Gaule pour se rendre en Angleterre. Laissons de - .<, cOte, si ('on veut, l'identite de Claudia Ruffina, !HIe d'un roi breton, avec la femme chretienne du senateur Pudens,ainsi que les U~gendes qui con­cernent saint Joseph d'Arimathie, l'apotre saint Simon, saint Polycarpe, Aristobule, etc., et continuons a. n'appeler anotre aide que les,Peres de l'Eglise et les historiens des premiers siecles.

Pomponia Grrecina, femme du proconsul Aulus Plautius, le premier qui, sous l'empire de Claude, fit en Angleterre des conqlletes durables, «( fut acrusce )), dit Tacite, (I d'avoir embrasse une superstition bizarre et etrangere », c'est-a.-dire la religion chretienne '.

Le venerable BMe nous apprend que, \'ers le milieu du second siecle, Lueius, roi des BI'etons, ecrivit au pape Elellthere pour solliciter des mis­sionnaires, que c'est ainsi que l'Angleterre fut convertie a la foi, et qu'elle en gofHa IC$ bienfaits en toute quietnde jusqu'au regne de DioclHien 3. Ne· nous €lonnons done pas que TertuIlien 4 et saint Gildas 5 nous parlent de catte conversion precoce de la Bretagne, qui avait He ebauchce antel'ieu­rament par les disciples des ApOtI'es, d'apres les temoignages de Theodoret, de saint Hilaire e, d'Origcne 7 et d'Eusebe de Ccsaree 8•.

Si nous avons pu conclure, des textes genel'aux reunis dans le chapitre precedent, que la Gaule a du ~tre evangelisee des le premier siecle, nous sommcs mainlenant bien plus en droit d'affirmer notre opinion, et nous pouvons dire qu'en face de l'Angleterre et de l'Espagno, visitces pendant

f les deux premiers siecles par les ouvriers apostoliques, le deIaissement de \ la GauIe serait un fait inadmissible, et que l~systeme de nos contradicteurs I est marque du cachet de la plus complete invraisemblance• .,..

/

1. Sur le \'O)'lIgo de saint Paul en Espa~nc, vo)"ez un llrt[ele de M. Latou dans la Revue des Science. ecclCsiastiques, t, IV, p. 47, ct un travail de ~L Donnetty dllns 103· Annales de philosophie chritienne, v· serlc, t. v, p. 275.

2. C'est l'al"ls unanimo de tOilS ceux qui se sont oecupes de Pomponla Grreeina, entre autres do Jnste Llpse, Eroestl, BU<Jnius, Tillemont, 1\1. 1'llbb6 Greppo, M. de Champagny, M. do Rossi, Dom Gn\!­ranger, etc.

3.• Anno ab Incarnatlone Domini 156, ~rarcns Antonlnus Yerus rcgnuln cum Aurello Commodo fratre IU3eepit. Quorum temporibus, cum Eleuthcrll1J vir slIoelt15 Pontificatul rOlDnnre Ecele~ire pr:cesset, misit ad oum Luclus, I3rltannorum rc.x, eplstolas, ob~erllos ut per ejus mandatum chrlstlanus efficerelor, et mox effeetum pire pos(ulationls consccutus est: susceptamque tl<lem Britannl usque In tempore Dloele­tlani plinelpls Inviolatam lnlegramque qUieta pace scrnbant •. (Hist. angl., I. I. e, 4,) II )' ll. dllns ee texte quelques confusions de noms et de dates, qni ne portent d'~lI1eurs aucun prejndice e. notre these. Itrarc-Aurcle nc prit Lucius Commodus Verus pour collCgue qu'cn 161. Mare-Aurele etait perc et non PiS fils dc Commode.

4. Brltaonorum Inaecessa RomanIs loea Christ! vero subdita fuisse. (Ad Scaplll., c. VIl.)

5. Iotere" glaelali frigore rigente insula ... Verus ille sol, universo orbl pru;fulgidum sui eorUSCUID ostendell3, tempore, ut seimus, summo Tiberii C:.esaris, radios suos prlmum Indulget, Id est sua prre­ceptll, Chrlslus. Qum lIeet ab 10eolls tepide suscepta sunt, apud quosdam tamen integro. et alios minus? osque lid persecutlonem Diocletlanl. (De Excidio Brilanlli;e)

G. TCxla cite plus haut, 11 la note 4 de b pa"e 662.

1. Romel. VI in Lucam. et Homel. IV in E::ech. a. Alios porro tr~IJ3 OCe:lllUUl CVD.sisso ad e!\>O insul:l3 qu:s Britanlll~ voormtnr. (Dem07Istr. elJang ••

5. m, 0.5.)

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666 DISSERTATION SUP \ES ORIGINES DE LA. FOI CHRETIENNE

IV. - PREUVES DI~ECTES DE LtiVANGELISATION DES GAULES

AU P~EMIER. SIECLE.

Nous grouperons SOUS trois chefs principaux les preuves directes de revangelisation des Gaules au premier siecle : to textes eJIlprunt~s aux six premiers sjecles; (;traditions des Eglises de Fr~e;~autoritelit~rgique•.. Nous reserverons quelques arguments d'autre nature pour repondre aux objections des partisans de saint Gregoire de Tours. .

§ I. - Textcs empruntes aux six p':!miers siecles. .'

. 1\1. rfailliar invoquo contre l'evangelisation de la GauIe, au premier siecle, non-seulement le temoignage de Gregoirede Tours, mais « le silence des ecrivains des IVe et VB siecles ».H est vraique quelques auteul's celebres de cette epoque, tels que saint Prosper dtAquitaine, saint Sidoine Apollinaire; saint Paulin de Nole n'ont rien dit sur le sujet qui nous oc­cupe. Mais, n'est-ce pas violer une des regles les plus incontestees. de' la critique bistoriqll.,e, que d'invoquer l'affirmation isolee d'un ecrivain, q'ui souvent s'est contl'edit lui-m~me, et d'opposer le silence de quelques autres qui n'etaient pas obliges d'aborder cette question, a des temoignages tres-nombreux et tres·varies, les uns datant de la m~me epoque et les autres plus rapproches des cvenements qu'ils racontent? Ce sont'ces attes­tations que DOUS allons produire, en nous renfermant dans les limites des six premiers siecles : ellos montr'eront, tout aussi bien que celles qui con­cement t'Angleterre et l'Espagne, que lorsque les ~crivains que nous avons cites dans notre deuxieme chapitre, proclamaient la diffusion apostolique ' de l'Evangile dans toute l'etendue de l'empire romain, ils ne se sont point laisse entrainer, comme on les en accuse, a des exagerations oratoires, mais qu'ils ont bas~ leurs general,it~s sur des faits precis et positifs.

Jar SU~CLE. - Saint Paul, dans sa seconde epUre aTimothee, le prie de venil' le re]oindre au plus t6t, paree que ses disciples etaient alors disperses de tous cOtes. Cl Demas », dit-il, (C s'en est alle a Thessaloniqne, Crescent en Galatie, Tite en Dalmatie 1 ); par ra),cr.'t't~, raut-il entendre la GaJatie, province de l'Asie-l'rIineul'e, ou bien la GauIe? 11 est certain que ces deux pays ont ete designes par le m~me nom. Diodorede Sicile a pris soin de nous appl'endre que no us devons notre origine aGalatus, fils d'Hercule. A;u me siecle, Philostrate, dans sa Vie des Philosophes, s'etonne que Pha~oM" nus, natif d'Arles, dans la Galatie occidentale, parlclt si bien la lan~~e grecque. Strabon et Arnmien Marcellin nous disent que les Grecs des1­gnaient les Gaulois sous le nom de Galates 2. Le doute pourrait d.onc Mre permis SUI' la veritable signification geographique du passage de s~mt Pa~ll, si les anciens commentateurs nc nODS av~ient ec.lail,es a ce sUJet. Samt Epi hane 3 et Th6odoret " ont fait remarquer qu'il s'agit i6 de la Gau.1e et

1. Dl,m&5.. , abiit Tlle8~Hllollicam! Cl'cscen:i in Gn.)"tl~m, Titll, ill Dalm~tiJm, c•• '. l)I et lO. 2. Plutnnluc. uull(! sa Vie de CC9ar. nUll1U1:i1 toujOtHS 1: <taul:!, I'&(),>4Tie<.

a. Adll, hlt:1'eS" 1. 1l t C. ~,!.

·1, fn Jr., ist. Ill1d Tin:Mh.. U'"

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I

667

~ r

DANS LES GAmES.

non point de la Galatie t. Eusebe de Cesaree s, Sophronius 3 et la Chro­nique d'Alexandrie nous disent egalement que Crescent, disciple de saint Paul, vcent dans les Gaules. Ainsi donc, la tradition de l'Eglise de Vienna est en parfaile harmonie avec les historiens grees, et assurement on ne les souPlionnera point, comme on l'a fait injustement pour nos legendaires, d'avoir voulu, par inlerM local, grandir l'antiquite d'une Eglise particu­li~re. Sans vouloir donner a eeHe premiere preuve une valeur absolue, nous ferons remarquer qu'elle tire surtout sa force de la concordance des textes que nous ayons invoques avec la tradition '\'iennoise 4.

lIe SIl~CLE. - L'hertHique Bardesanes, qui florissait sous Marc-Aurele, loue a purele du mariage chez les ehretiens, quel que soit le pays qu'ils habitenl, la Parlhie, la Bactriane ou la Gaule 6.

Vers l'an no, saint Irenee, ev~que de Lyon, pour montrer l'uniformite de la foi, no us dit que (lIes Eglises qui ont Cte fondces en Germanie n'ont. pas une croyance ni une tradition' differentes de celles qui existent chez les lberes, de celles qui existent chez les Celtes, ni de celles qui existent en Orient'n.'

Si on nOlls objecte qu'il ne s'agit ici que de la province de Lyon, parce que Cesar, dans ses Commentaires, la rlesigne seule sous le nom de Celtique, nous repondrons que les Grecs donnaient ce nom a touts la Gaulc, et, de plus, que saint Irenee aurait commis une grave inexactitude en parlant au pluriel des Eglises de la Celtique - RaJ qUaJ in eellis, _. s'il n'y avail eu alors dans la Ganlo que l'Eglise de Lyon dont il Hait ev~ql1e, et cclles de Valence et de Bcsanc:;.on, qu'i] fit gouverner par deux de ses disciples: car, au point de vile ou il se plaliait, c'eLait la un seul et unique temoignagc.

VCl'S ran i88, saint Irenee presida a Lyon deux Conciles : l'UD qui con­damna les heresies de Valentin et de Marcion, i'autre qui proscrivit l'usago des Quartodecimans. CeLle derniere assemblee comptait treize cv~ques.

Eusebe de Cesaree mentionne la ]ettre synodale adressee au pape Victor sur le Concile qu'avait preside saint It'cnee '. M. 'railliar comprend autre­ment que tout le monde le texte d'Eusebe, et il ajollte: « On in,oque, it est vrai, un synodique dans lequel on fait figurer treizc cv~ques qui se seraient reunis a eeHe epoque ; mnis eeUe piece, evidemment contrOllYCe, est postericure a la reorganisation des provinces, operee par Const.antin. Elle contient, en effet, l'indicalion des treize cites que renferme la pro­vince viennoise et que mentionne la Notice des Gaules. C'est un acte apo­cryphe qui ne merite aueune confiance H. I.!.Jaudrait autre chose qu'une

1. Si d'sutrcs eommentataurs ont crn qu'jj s'/lglssalt de la Gallltie, c'est que eette pro\'lll~ c~t dl!sl· rnl!e plusieurs (ois dans les Actes et lea Epitres.

2. Hist. eccl" I, IU, C. IV, iltl 'TO(. l'7.),),i:l).

3. In Script. ecclesiast. 4, Le Martyrologe romain concilie fort bien I'oplnlon quiT fait mourlr saint CreaoeBt en Gallltle aTe.

(leBe qui InterprCte, comme nOlls I'avons (ait, le texte de .alnt Paul: III Gallltla, S. Crescentis dlsclpuH B. Pnuli npostoli, qui in GaJlias transitnm {aelens, Tcrbo prredlcatlonls multos ad lldem Cbrbtl eonverut : rediens vero ad gcuroID, cui specialiter datu.s erat cplscopns, cum Gfllstu Ipsos Ilsqno tld finert:l "ltoo $u:e In opere Domini contlrmasset, dcmum sub Trajano lIlarlyrium consummavit. 27 jUll,

5. quid autem diceI1lU$ de christlll.lIorum secta qUi in oroni pnrte orbla, imo vero in omni ciyit::lto tn­Teninntur? Nee multlls P:l.rlhi christianl dllcunt uxorcs ... Nee Bactrillni et Gtllli mlltrimoul~ corrumpunt. - Cite par lhronlus, all ann. 175 et le P. Villi Ileckc, t. "IU 0 1;.., p. 2 •

6. Jtdv, HIJr., I. I, C. ,., Patrol. grecqllc, VIII, 632.

1. Eplslola qlioque EccIoslll7um (SCll, parochffll'1111l, Id e!1t dIO!:ce~eon) Gall /:3. vxtat, qnl111SM prreerat Iren~ug. Ensebe, Y. 29. - Le commentatcur Heur! de Yalois lljoutc en note : FuJt ig'lrur III cpistol

n 'lien, ut G~'J nominCl eeelcslarum, CR personll frl1tl'um, 1d est eplscoporum Gnli! • - };t1,sebe Ilvait tl"t dnllS un llllpitrc precl$dOllt (23) : " Irc;rls"u; in epi~t'Jlll quam :;cl'lpsit nomine tratl'lllll quibIls pr erllt ~ll G~l1ic.... f

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, ..

668 DISSERTATION SUR LES OnIGINES DE LA For CUnETIENNE

teJle allegation pour faire rejeter l'existence, d'~ Concile qui a ete admis par Baluze, Baronius, ~ini, Bosqu~t, Cossart, Hardouin, Labbe, LOn-. gu~!al, Sirmond, Henri de Valois, etc. Till~ontlui-m~me, dont ceCon­cile deran_ge le systeme, ne peut s'ernp~cher d'en reconnaitre l'aulhenticite et laisse ec_happer a regret cet aveu: « Ce qui donne lieu d~ croire qu'il y avait des ev~ques Hablis en plusieurs Heux 1 ». -. ­

I~ srECLE. - Saint Cyprien, ev~que de Carthage, adressa,en 254, au pape saint Elienne, une lettre pressante pour rengager a faire deposer Maxime, ev~que d'Arles, qui propageait les erreurs de Novatien. 11 'y dit. que Fauslin, ev~que de Lyon, lui avait ecrit deux (ois ace sujel. «( Marcien», ajouta-l-il, «( se vante depuis longtemps de son adhesion a la secte de Novalien et de sa rupture avec notre communion..... C'est deja trop que, dans les annees qui viennent de s'ecouler, un si grand nombre de nos freres soient morls sans avail' rel{tl la paix de l'Eglise t ». '

Il est impossible de concilier ce texte avec l'opinion qui fait fonder 'nos Eglises, et specialement cene d'Arles, en 250. Supposons un instant, avec 1\1. Tai'lliar, que l'ev~que de cette cite, saint Trophime, ait pu ~tre depose· en 252 el rem place alors par Marcien. La denonciation de ses erreurs par Cyprien ayant eu lieu en 254, comment faire co~corder ce rapide espace

. de deux annees avec le temps qu'ont dil exiger les deux communications de Faustin, ev~que de Lyon; avec les defections des fideles, qui. ant eu· lieu annis istis superioribus; avec le schisme de Marcien, qui date de long-:- . temps, qui jampridem jactat et prcedicat? Aussi, M. Tailliar commence-t-il par dire que « celte leLtre est apocryphe ». C'est, assurement, un argument' commode pour se debarrasser des textes g~nants, et on abuse trop contre. DOUS de cc facile procede. Baluzeet es autres editeurs de saint Cyprien ant prouv que cette lettre elaU authentique et qu'elle avail ele ecrite· avanll'an 254.

Des 101'5, nous n'avons plus a nous occuper de toutes les hypotheses' qu'accumule M. Tailliar, en disanl «( qu'il se peut que cette letLre ait ete ~maniee dans l'inlerlH de la mHropole d'Arles »; qu'en changeant Adru­metis en A1'elatis, on a pu metamorphoser un ~v~que d'Afrique en un· ev~que d'Arles j et ennn, qu' (I en admeLtant que la lettre en question soit de saint Cypl'ien ..... , elle a pu, cl la 'l'igueur, ~lre ecrile en 257 I).

II esl un ouvrage bie~ plus ancien dont on n'a pas encore essaye de nier­l'aulhenlicite : C'C$t le traitc de Tel'tullien contre les Juifs, ecrit vel'S' l'an 200. Nous y lisons que les diverses nations des Gaules et que des con­trees de la Grande-Bretagne, reslees inacccssibles aux Romains, etaient soumiscs a l'empire du Christ 3. Nos adl'ersaires DOUS repondent que, par

} ces diverses provinces des Gaules, on peut entendre seulement la province. cisalpine et la province lyonnaise. Ou'on nous explique alors comment les

) missionnair'cs du In siecle ant pu enjamber la Gaule Belgique pour se ren­dre en Anglelerre. . . '

IVo SlECLE. - Saint Epipbane nOllS dit que saint Luc exerQa le mlm~tere de la paroie sainte en divers pays et surlout dans les Gaules \ ce qm est conforme aux traditions de l'Eglise .de Rennes &. Plusieurs de nos adver­

1. lhst. eec!. des six premiers siee/es, IV, p ..(41. 2. Patrol. !.at.. t. m, col. 9ao. ~ :1 Et Gulli!\!'um dlvcrs:J'l uationcs at Br1tannorum iIl3ccessI.\ RomaniJlloes. C rl~to vero subdit&. (A 11.

Jur[;J::Os, c. 'Vu.) d 11. 1ps~ prlreulll in Dalmatia. Gu!i1, et Itali (10 Jl{acedonla. prm. nUt, sed la Gallia prm creterls, (A v,,

B~"el .• c. Li.) 1:. D?m LDblllc u, Hist. de Ere/agIle, I. r, n. "

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669DANS LES GAULES.

~aires,. entre autres Tillemont et Fleury, ont admiscette pr~dication de saint Luc dans nos contrees.

Saint Jerome, ecrivant a une dame espagnole, nommee Tbeodora, stexprime en ces termes : Ct Saint Irence, ev~que de Lyon, homme des temps apostoliques et disciple de Papias, auditeur de Jean l'Evangeliste, rapporte qu'un certain :Marc, issu de la race de Basilide le Gnostique, vint • d'abord dans la Gauie et infesta de sa doctrine les pays arroses par le Rbtme et la Garonne; puis, passant par les Pyrenees, penHra jusqu'en Espagne 1 )).

11 importe peu a nolre question, comme l'a fait remarquer M. Arbellot I, que cette citation soit incompletement exacte et que saint Jerome ait con­

~ fondu ou non ~Marc l'Egyptien avec Marc le Gnostique. 11 nten reste pas ) moins acquis que ce Pel'e de l'Eglise latine a eru qu'il y a eu des Eglises

chretiennes, des fe Ire siecle, dans les contrees OU coule la Garonne. ye SrECLE. - Une epitre adressee a saint Jacques, qu'on a longtemps

attribuce a ~aint Clement, parle des missionnaires envoyes, des le I er siecle, dans les Gaules et en Espagne 8. Nous convenons, avec la critique moderne, que ce document est apocryphe ; mais, comme il a He produit au eoncile de.Yaison (442), qui l'a cru authentique, nous avons le droit de le men­tionner parmi les temoignages du ve siecle.

e'est aussi a celle epoque qu'il faut faire remonler les Actes de saint ( Denis 4, OU nOlls lisons cc qu'ayant reGu de saint Clement, successeur de ) l'ap6lre Pierre, l'ordre de distribuer aux Gentils les semences de la parole

divine, il pal'Vint jusqu'a Paris ll. Les Aetes de sainte Genevieve 5, datant } de la m~me cp"qne, prccisent le m8me fait. Les Actes de saint Paul de

Narbonne attribucnt sa mission asaint Pierre. Paul Orose, qui composa son lIistoil'e au commencement du VO siecle,

nous dit que 1\1arc Aurele fit persecuteI' les chretiens dans l'Asie et dans les Gaules, et que ceLle persecution fut la quatrieme que ces contrees subirent depuis celle de Nel'On S. - ­

En 450, dix-sept ev~ques de la province d'Arles, reunis en Concile, adresserent une lettre synodale au pape saint Leon pour lui exposer les droits de leur Eglise. « C'est un fait de not.-.oriete publique, dans toutes les provinces des Gaules ll, disent-ils, cc et qui n'est point ignore par l'auguste et sainte Eglise romaine que, la premiere sur le sol gaulois, la cite d'Arles a eu l'honneur de rccevoir dans ses murs le pr~lre saint 'l'rophime, envoyc

j.P;g' l~...Qi~nhEill.Le~x apotre Pie£!'e '-;:-On a dTr;en c-ette occasion, comme

en plusieurs autres, que saint Pierre devaiL s'entendre ici par le Saint­Siege: c'est pl'eler une absurdiLe aux Pores du Concile, qui ont pour but

\ de baser les pl'ivilcges de l'Eglise d'Arles sur l'anliquite de sa fondaLion : ils l'etablissent en rappelant que saint Trophime etait disciple de saint

) Pierre; iIs n'auraienL rien prouve en disant qu'il fut envoye par le Saint­, Siege.

« Ce qui reste constant, dit 1\1. Tailliar (p. 72), c'est que l'Eglise d'Ades

1. Patrol. lat.• t. XXII, col. 689. ,. Dissertation, etc., p. 2-i2.

3. Aliljuos lid Gllllias Hispllniasqne mil timus.

4. Bo11and.,:) oct. 6. Sllrius, 9 JanV'.

6. Eo (Llle.io Voro) de(unclo, Mllfeus Antoninns (MaT'C AurC1o) soins rOipnbHcre pr:cfuH; sod In c11ebn2 P'll'thicl belli crsecutiones chrislinnorllJn, qnnrta jam post Ncronem vit.:o, in Asi~ ct Gallill, graves nr:\; ­ccpte ejus citllterunt, Jnultiquo sanctorum In:J.l'tyrlo coronatl stint. (Hi:,,!., 1. VII, c. :xv, p. 603 do 1'ti<ll·t. do Colo~ne, 1582.) l':.Inl Warnefri lc, au VIll' si;,c!e, !'c:prutluit 11 pc" l,re, les mcmes tcnncs.

7, 1U1s~um ('. bc~~tissiUlO 1'<)(1"0 apu~tule. S. Leo, E{)ist. LXV; Pall'ol. lal" t. !.};!X, col. P'RO.

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670 DISSERTATION Sull LEg ORIGINES DE LA FOI CHRETIENNE;

a, en,4.49, ~negue, d,ans une requ~te, qu'ell? avai~ pour. fondat~ur un~nv~y~ de samt Pierre. Mals ce ne sont pas les artIculatIons d un pliudeur qui pro~ duisent l'autorite de la chose jugee: cet erret ne resultc que de la decision du Pape. C~est la un principe elementaire en droit ll. Nous sera-t-il permls de nolre cMe d'invoquer un p~incipe eIementaire de morale: c~esl qU1lD.e fautpas accuser sans preuves. Voici dix-sept ev~ques qui constalent Pi.ire­)

, ment et simplement que toutes les Gaules, ainsi que Rome, reeonnaissent I que I'Eglise d~Arles a ete fondee par un disciple de saint Pierre, et on ~ repond qu'ils ont menti. l\Iais Q'aurait ete tout ala fois une coupable impu­

dence et une insigne maladresse : car l'Eglise de Vienne, engagee dans le debut, aurait eu beau jeu pour dementir une grossiere invention. Remar­quons d'ailleurs que le proces portait uniquement sur la primaute de rEglise d'ArIes et non point sur son antiquite. C'etait la un fait hors de contestation et qu'avait reconnu le pape Zozime, en 4f7 : « On ne doit ll, disait-il, « sous aucun pretexte, deroger a rantique privilege de la ville mHropolitaine d'Arles. Par notre siege fut envoye, en premIer lieu, ce grand ponlife Trophime; et, de sa source, toute la Gaule vit couler dans ' son sein les ruisseaux de la foi t ».

Un manuscrit du IX8 siecle, conserve a la bibliotheque de la Minerve, contient, entre autres opuscules, un traite anonyme contre les Ariens, que les meilleurs critiques italiens aUribuent au v8 ou au VIe siecle. L'auteur s'exprime ainsi dans un passage OU ila pour but de prouver que les Eglises d'Orient et d'Occident conservent invariablement les memes doctrines qui. ont ele prClchces par les Apotres et leurs disciples immediats : In Galliis etiam civitas Al'clatensis discipulurn aposto[orum S. Trophimum habuit fundatorem; Narbonensis, S. Paulum,. Tolosana, S. Satw-ninum,. Vassensis, S . .Daphnum. Per istos enirn quatWJr apostolorum discipulos in universa Gallia ita sunt ecclesi;e ~oTlstitut;e, ut eas per tot aTlnorum spatia nunquam permiserit Christus ab adver'· sal'iis occupari 2.

M. Tailliar essaie d'invalider l'autorite de cc texte, en faisant remarquer (page 73) que saint Daphnus a signe les Actas du concile d'Arles, tenu en

( 3t4, e't que, par consequent, il exislait, non point du temps des douze \ Ap6tres, mais seulement au IV! sieclc. Est-il done si rare de voir' deux p~-I " __ __

\ sonnagcs pOl'ter le _m~me_ nom a trois siecles de distance, et ne trouvons­I nous pas, dans un grand nombre de nos listes episcopales, ces repetitions de

noms, dont le choix a eLe inspire par une pieuse venet'ation? ' . VIe SlECLE. - Saint Isidore de Seville nous apprend que l'apMre saint

Philippe annonQa l'Evangile aux Gaulois s. Venance Forlunat, dans son hymne sur saint Denis, rappelle que ca

pontife fut envoye par saint Clement·. Dans l'hymne_ qu'il composa en l'honn_cur de saint Martial, il s'ecrie : « Vaus que Rome et la Gallle bonorent, tantOt apl'cs Pierre, comme etant son infcrieur et plus jeune que llli, tant6t avec Pierre, comme Hant son egal dans la prerogativo de l'apostolat; la

1. Sa.ne quouiam metropolHanre Arclatcn~iulU uroi vetu3 priVllcgium milli1l10 derogandum est, ad quam primulU, CJ( hac sede, Trophilllus, S!llllll1\lS antIstes, ex cuJus fonte totlC GallL:e fidei ri.nuos /l.Cce­

porunt, dil'ccrus est. Sirmond , C01Zcil. ant. Ca!lix, I, 42. N. ~.fltmu.ehi, Ol'iq. christ., 1. H, C. ~2. - ~iaceL1!l., p. 14.

3. 1'lliliPlllIS Galliis pr.cc iont CiJristtlm. De o/'Iu et ohilu patrum, c. r.::.xa.l. ~s. Patrol. lat, t. r...x.s::':"llI, col. as :

Clcr:t/!'lttl1 Roma priDsu[()

Ab Urb~ mi3SUS (uJ.(lLit Y~.,.bi sltpcrni I07l inis. Ut r,.l1.i;t;,~ 'ssct (Ja.m•.

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DAJ.~S ·LES GAULE~. 671'-.�

tribu de Benjamin vou~ vit naitre d'un sang illustre; la. ville de Limoges� ( conserve maintenant votre corps sacre 1 ». On conviendra .que cet eloge ) n'aurait aucun sens, si saint Martial, ev~que de Limoges, n'avait pas He ) compagnon de saint Pierre et l'un des soixante-douze disciples de Notre-

Seigneur. Les vel'S de FOI'tunat paraissent modeles sur la legende de saint Martial;

r.omposee sous le nom d'Aurelien. M. Arbellot reconnait, comma tous les critiques, que ce document est rempli de details apocryphes ; mais il n'admet point que le fait principal de la mission de Martial, du temps de saint Pierre, puisse ~tre une invention de l'auteur, contraire a la croyance publique et aux lraditions du Llmousin. D'ailleurs, la m~me assertion se relrouve dans 1d'aulres Actes inedits, r.emonLant au VIe siecle, que M. Arbellot a decouverts ala Bibliotheque imperiale t.

Gregoire de Tours cite une lett1'e adressee asainte Radegonde par sept 'Iev~ques, on nous lisons que: « Des la naissance de la religion calholique,�

on commen<;a arespirer la foi dans les Gaules :I l •• Ailleurs, il nous dit que� « saint Eutrope, martyrise aSaintes, fut envoye dans les Gaules par le.pape� Clement, qui le sacra pontife·»; et que saint Ursin fl!t ordonne par les� disciples des Apotres et envoye dans les GUllIes, on il fonda l'Egliso de� Bourges 8 ~

Un manuscrit syriaque du VIe OU VUe siecle, apporte du monastere de� Sc6t6 aLondres, en 1830, et editc depuis par le cardinal Mai, cantient le� passage suivant : « Rome et toule l'Italie. l'Espagne, la Grande-Bretagne et� la. GauIe, avec les autres conLrees voisines, virent s'etendre sur clles la main� sacerdolale des Ap6tres, sous la direction de Simon Cephas qui, en quittant� Antioche, alla instruire et diriger l'Eglise qu'il fonda a Rome et chez leg� pcuples voisins 6 ».�

M. l'abbe FailloD a trouve le passage suivant dans un manuscril de la� ~ibliolheque imperiale (n° 5537), qui date du ne siecle, mais dont il attribue� le texte au VI' : «( Sous Claude, l'ap6tre saint Pierre envoya dans les GauIes,� pour pr~cher la roi de la Trinite aux Gerilils, quelques disciples auxquels il� assignades villes particulieres: ce furent Trophime, Paul, Martial, Austre­�moine, Gatien, Saturnin -et Valerc, et plusieur:s autres que -le bienb.eureux� Ap61re leur avail dcsigncs comme compagnons 7 ll.�

r-ios conlradicteurs rejeLtent comme apocryphes quelques-uns des textes que nOllS venons de citeI', mais presque toujours par celLe seule raison qu'ils

( contrcdisent leurs opinions preconQues. Quand bien mOme nous serions ) oblige de renoncer aquelques-=uDS deces temoignages, il en restcrait tou­

jours un nombre plus que suffisant pour prouver que les premiers siecles� l de noLI'S ere ont cru que la GauIe a ete evangelisee pal' les dist;iplcs de saint� Pierre et de saint Clement.�

1. Tenn ts Romtma, qulbus te Galllea tellus post Petrum roeola·nt junlorem parte lreCunda, CULU� P.otro r<'COlunt lPqualom sorte priori. Bonjamita trlbus te gesslt sanguine claro. Urbs to I,unc rdineL Lemo­�"iea corpore -SIlnclo. Ibid., col. 115. Sur l"autbent1clt« de celta piece, voir ArlJeillot, DissertaliolC 4:ur l'a.­�postolat de sUint Martial, p. 72.�

Z. Turn 8. Pclrus Marcllllem cpiSCojll1m dignnm Domino et verum qui ad hoc lldsci tile fU81'at ut tIlt� prredican1.lm lI;en~bt1s mltterctur, ad se vocavit cui nit. •. : Est llr.rnqllo civits.s in (ltD.i.UI0446 a"UiQHlllltl�

)Jrof~no "'~n. crror.i, nomlnc Lcmovl:t. Docum. 'inedits SUi" l'allost. de sa41,t 1!lal'lial.� a. llut. f'.-aflc., l. oX, c, 32•�

.... D~ (;lor. confess., 1. I, C. 50.�

'. Ibid., c. 8u•� • ~[ltl, S~·ipr.. vet., • , 7. - Pa{rDI. gl'tee!!; XXIv, col, mu.

1. Atr,\llulI • imxlite. n,:}7 4,

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'.612 . .' DISSERTATION SUR LES' ORlGlNES DE LA l'DI CHRÉTIEJ.\ü,'{I!:

.. , "

~ - Tmditions des Eglises de France.

Le révérend Père Picardat, dans une dissertation manuscrite qu'il à bien . ~ voulu DOUS communiquer, a réuni tous les passages des écrivains du moyen ) âge qui attestent la prédication dans les Gaules au 1er siècle. L'espace ne .. L nous permet point d'aborder ces longues énumérations, et d'ailleurs nos

adversaires conviennent que les auteurs du moyen âge, à très-peu d'excep- .. tions près 1, sont favorables au système que nous défendons. On peut signaler " .

.quelques divergences sur tel ou tel Saint, mais il ya unifol'mité de croyance sur la question générale. Nous ne reproduirons donc pas ici les témoignages de Paul \Val'llefride, Paschase Radbert, Raban-Maur, Hincmar, saint Adon, Usuard, Flodoard, Abbon, Yves de Chartres, Anselme de Laon, Pierre le Vénérable, Ordéric Vital, Innocent III, Albert le Grand, Vincent de Beau­vais, saint Tpomas d'Aquin, saint Bonaventure, etc~, ni les assertions des

.martyrologes et des légendaires. Nous nous bornerons à constater que, jus­J qu'a'u XVIIIO siècle, une quarantaine des Eglises de France se sont glorifiées ) d'avo'ir été évangélisée's par des disCiples 'de Notre-Seigneur ou par ceux des

Apôtres '. . M. Tailliar voudrait ruiner l'autorité de la tradition en disant (page 54)

que, «( lorsqu'elle est dépourvue de ses trois conditions, d'ancienneté, de peI'pétuité, d'universalité, eUe est insuffisante; on peut 'même: dire qu'elle " n'existe pas Il. Ne demandons pas à la tradition historique les caractères que l'Eglise réclame pour la tradition dogmatique. Certaines traditions locales sont parfaitement incontestables ct ne sauraient, en raison même de leur intérêt restreint, devenir universelles. Nous convenons que, en ce qui con­cerne tel ou tel Saint, on ne pourrait point toujours, faute de documents, prouver que la tradition qui le place au 1er siècle est ancienne el perpé­tuelle. Mais, quant à la tradition générale de l'évangélisation des Gaules aux temps apostoliques, nous pouvons affirmer qu'elle a pour elle l'ancien­neté : qu'on relise nos textes; la pe.!.pétuilé : elle n'a été interromp~qu'au Xvne siècle; J'universalité: toutes nos provinces se sont monlr es unanimes.

( Il ne fau t pas oublier que la tradition est un des éléments dola science ) historique: on doit la discuter quand elle est en désaccord avec d'autres

renseignements: mais 0..!L!!.e saurait lui op oser purement et simI?lem~nt) une injustefin de non-recevoir. Qu'on agisse ainsi vis-à-vis des traditions populaires, on ne s'expose qu'~ rejeter parfois un certain fonds de vérités mêlées à des fables; mais qu'on tienne la même rigueur à des traditions qui se retrouvent sur tous les points de la France et du monde catholiq~,

1. Le moine LéthJllde. éeri'l'Il.ln du x· slèelo. dans sa Vie de saint Julien du Mans, reproduit l'opinion blstorlque de saint Grégoire de Tours, mais en reconnaissant qu'elle est opposée il la tradition. M. Tail­liaI' Illvoqu~ quelques plissages des martyrologes de Bède et de RaLan-:llaur; mals on salt combien ils ont éto interpolés. Les martyrologes de saint Adon et d'Usuard, qui sont considérés corr.me llutbentiques par les critiques les plus compétents, constatent les origines apostoliques des Eglises d'Arlea, Vienne, Périgueux, Saintes. Trèves, Narbonne. etc.

2. Arles (saint Trophlme). A1J: (saint Ma:dmln). Apt (saint Ausplec), Bayeux (saint EXllphe), Beau­vais (slIlnt Lucien). Béziers (saint Aphrodisc), 130nrges (saint Ursin). Chàlons-sur-)!llrJlO (sillnl Melllmie), Chartl'cs (saint Aventin), ClerlUont-Ferri nù (saint "\ustrcmoillc), EYrcu:t (saint TIIlIl'ln). Le Mans (saint .Julien). li'> Linlrgllll (suint Nectaire). Limoges (saint Martial), Lodè\'c (saint FJour).lr!llrseill!l (wint Lo.­2arc), J\1Citlllt (:"lint SI!!ldin), ~Ietz (8,1int CIt~l1Jent.). ~ente3 (saint Clair). l'arbonflo (Slllnl PIIU] Serge), Orange (s.~lnt Eutrope), P:Hla ( Il nt Denis). Périglle!L'l: (saint front), J:eims ct Sulssons (saint SI:;:te et SlIint Siuico), ltollen (saint Nicaise). Suintes (saint Eutrope), Séez (saint Lutnlll), SCIlJiS (saint Rieul),. Sen.. (.'):lio! S:winien), Toul (~lllJ1t ~[L1n3"et), Toujouse (snLut &;1 lll'lliu). TOUl'3 (s'llnt G.HÎ'.lJ.1), 'r.rbYl:S (ellllJ:l$ Vu.lùre), le Y(,l:.Iy (';;Ullt Goorgo~), Vcrdll. (slÙU~ SIlUCtlll), Vlcune (,;u."ut CrCSl;OJ,lt), cte"

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DANS LES GAULES. -673

(dans tous les siècles de l'Eglise; dont l'origine' se perd dans la nuit des j temps; qui concordent entre elles malgré l'éloignementdes lieux; qui sont

en harmonie avec l'enseignement général de l'histoire; qui sont consignées ) dans les plus vénérables monuments de la liturgie; c'est vouloir renverser

les lois de la critique et supprimer l'une des sources de la vérité.'

§ II . - Autorité liturgique.- ,

Toutes les liturgies qui se sont succédé jusqu'au XVIIe siècle sont una­'nimes dans leur croyance à l'évangélisation des Gaules aux temps aposto- _ liques. Nous savons bien que ce n'est point là une autorité irréfragable en ~ matière d'histoire: mais on conviendra que ces traditions, auxquelles on . inflige-.I..épithète méprisante de p~pulaires, sont élev~es parles antiques liturgies à-- un rang très-officiel et qu'elles peuvent répondr~ à leurs détrac­teurs q~ possession yaut ti!Fe. --- ­

Tandis que les réformateurs des bréviaires françâis, souvent suspects de jansénisme, se laissèrent gagner par les innovations de Launoy, le bréviaire romain resta fidèle aux ancienn~s tré!ditioIis. Quand la liturgie universelle fut introduite en -France, chaque diocèse s~umit son Propre des Saints à l'approbation du Saint-Siége, et la Congl'égation des Rites, après mÜr exa­men, sanctionna beaucoup de légendes qui font remonter au premier siècle

\ l'origine de nos Eglise:; t, alors même que le Martyrologe romain avait donné des indications contraires. ­

Ces décisions n'ont assurément aucune autorité doctrinale, milis on ne1saurait leur contester une haute valeur, au point de vue de la critique his­torique.

..-,- Au sujet du célèbre dccret concernant saint Martial, rendu par Pie IX, le :18 mai :1854, 1\1. Tailliar p. 49) «( bénit la haute sagesse u souverain Pontife Pie IX et l'intelligence pénétrante du cardinal AntonelIi, dont on ne saurait trop louer la sollicitude et la circonspection dans ces matières délicates ), et il ajoute en note: «( Ce décret relatif à saint Martial se borne à déclarer, ce qui nons semble parfaitement juste, que l'éloge et le culte de ce Saint sont établis de temps immémorial: constare ab ùnmemoriali de elogio et cultu de quo agitw'. Mais il ne décide pas, comme l'articulait la requête de Mgr l'Evêque de Limoges, que saint l\1artial étaitTenvoyé de saint Pierre et l'un des soixante-douze disciples du Christ 1).

1\1. Tailliar reconnaîtra facilement qu'il est dans une complète erreur, cE. parcourant le document officiel qüi concerne celle cause S. ~

Quand Mgr de Buissas, évêque de Limoges, soumit à l'approbation du\ Saint-Siége le !?ropre des Saints de son diocèse, il conserva à saint Martial

) le titre et le culte d'Apôtre, que lui donna toujours la tradition. Le secré­taire de la Congrégation des Rites proposa de remplacer le culte d'apôtre par celui de confesseur pontife, en partant de ~e principe )p.~ontesté que c'est seulement à ceux qui ont fait partie des disciples de Notre-Seigneur

\ q~'on. pe2~, pa~ privilége, étendre le cul1e _décer~é aux Ap~es. bette ca?se hlstOrICo-l1turglque fut débattue devant les cardmaux de la COI.grégatlOu des Hites qui, le 8 avril 1854, l'~con~urent à l'liJglise de Limoge!.. 'e droit

1. Propres dc~ ùioc1l5cs de Limoge~. Aix, Sens, Cllll.rtrcs, A lch, lle:lUva!ll. te Puy, 13o.-YCllJ:, An1!l1J, Tulle, etc.

~. 1Amzovicen. COlljirmfltiollis elo!/ii ct cultus lit apostoli quo S..Martialis p,·in!ll.~ Lemovici!nsium i']liscu uS ha 'tell liS r;rlvisus est ab ÙiWlC 111 01 "bili ((?/Il}Jore ct etc constitutionit1lls fljJC!stolil:is. r..C:JHUl'ici;;, lS55.

\'Jl;~ UE::: ~.\l~;l;;. _.- To:ur~ XIV. tJ

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,,' .,·r .',1

674 DISSERTATION sun LES ORIGlNES~ DE LA 'FOI CHRÉTIENNE'

d'honorer so~_ premifilr évêque du' culte et' du titre d'Apôtre et d'insérer dans sa 'liturgie qu'il avait été l'un des soixante-douze' disciples du Christ.: C'est ce décret qu'approuve le Saint-Père, en constatant l'antiquité du culte ,

" ,spécial d'Apôtre, qui avait ét mIS en question, cultu de quo agitur. Ainsi" : J- donc M. Tailliar doit nous permettre d'inscrire au profit de notre opinion ~ et non de la sienne, « la haute sagesse du souverain Pontife Pie IX et l'in.. ( telligence pénétrante du cardinal AntoneHi ). ' ,

f ' .'V. - RÉFUTATION DES PRL."iCIPAtES OBJECTIONS CONTRE L'ÉVANGÉUSA.TION

DÈS GAULES AU 1er SIÈCLE.

Quand de solides arguments établissent un fait, il ne' sa'urait être mis en doute par quelques objections dont on ne trouverait point la solution. S'il n'en était pas ainsi, que d'événements ne pourrait-on pas exclure du domaine de la certitude, sous prétexte que tel chroniqueur njen a point. parlé, que' tel autre paraît avoir rendu un témoignage contraire, que cetix·ci sont en, ' .contradiction sur certains détails, que ceux-là laissent dans l'ombre une,' partie de la question. Appuyé sur ce principe de critique, nous pourrions dire que nous croyons avoir prouvé l'évangélisation des Gaules, au 1er siècle, d'une manière assez pél'emptoire, pour que ce système historique ne puisse' être battu en brèChe, même par des objections que nous ne pourrions' , résoudre. Mais toutl3S celles qu'on a accumulées' sont loin d'être-'irréfu: tables et peuvent même nous fournir de nouveaux arguments, Nous allons les grouper dans un ordre méthodique, pour maintenir la clarté dans nos débats, et nous examinerons suc<..:cssivcment les objections tirées ®de saint Suipice Sévèl:e et de saintGrégoire de rrours;W de certain~_données h~stor~ques;~ de la philolog~; ~ de l'archéologi~ ;gde la vraisemb ance ­hlstorlgu~. _ \ , " ,

,

I!§"t - Objections tirées de saint S~lpiqE_.§..é!!È:.e et de sain't '- " , ~ G.!igoire de Tours.

Sulpice Sévère, en parlant de la cinquième persécution qui eut lieu ~~ 4.77, sous Marc-Aurèle, nous dit que « c'est alors qu'on vit pourla première fois des martyrs dans les Gaules, la religion chrétienne ayant été embrassée tardivement au-delà des Alpes 1 l),

Nos adversaires qui n'ont que deux textes dans leur arsenal, celui-ci et celui de Grégoire de Tours, s'y cramponnent d'au tant plus, et font valoir la qualité des témoignages il défaut de la quantité. De celui que nous venons de citer, ils concluent: 10 qu'il n'y eut point de mal'tyrs dans les Gaules, avant ceux qu'immola à Lyon la persécution de Marc-Aurèle; 20 que le Christianisme ne pénétra chez nous que peu de temps avant le règne des Antonins.

t1 - Sulpice Sévère, dans un court abrégé d'histoire, où il résume en vingt lignes ce t soixante-cinq a nées des an ales de l'Egl~e, n'a dû. ,se pl' o~cu­pel' que des faits généraux et a pu TI g1l3er e parler des rares m(l.l'tyrs ISO­

lés des e "premiers siecles, comme il a om.is ph s tard de mentionner la.

1. Suh "\Ill'o!io clnile,. Iltonlül f1.110. pCl'SOt:utio qlllnl.\ Ilgll:'lt;;, .Ac tnlll prlmUll1, intI':), GIl1lias, mar..' tyria visa, ~cl'iu~ te Ils .\I.l1es Dei rell.qiou' SU'H:;!pt . 11(s(. llacra, 1. II, c. az, PRtI'OI.. l,!t., AS, col. 147'

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· nANS LES GAULES. - 6"ti>

destruction de la légion thébéeime. Rien'n'empêche ,de croire que, par 1~ mot martyria, il ait entendu des massacres-collectifs el no~des èxécutions

_isolées, bien que nous devions loyalement reconnaitre que è'esl dans èe dernier sens que ce même mot est employé parfois par,l'auteUl'i. Mais nous -__ préférons dire que, dans" ce chapitre, l'ann~.liste se Contenté d~ résUmer' Eusèbe qui, écrivant en Orient, n'a pas eu connaissancé des martyrs p~i­mitifs des Gaules et n'a eu sous les yeux que des doCuments relatifs aux célèbres massacres de Lyon. Sulpice Sévère aeu tort sans douté de ne point rectifier sur ce point l'auteur qu'il analysait, mais il il pli né voir là. qu'un détail secondaire dans le r..,api<!.e coup~d'œil d'ensemble quin jetait sur les persécutions générales. _ _ __ ­

f

Mais, dira-t-on, l'historien ne nous livre-t-il pas sa prôpre pensée, en ajoutant que la foi ne s'est introduite que tardivement dans-les Gaules? Ici, on interprète abusivement le texte que nous avons éité. Il Yest dit que la religion chrétienne "fut embrassée ($uscepta) , et non point trtêchée, fort tard dans les Gaules, ce qui est tout différent. Nous ne sommes pas en con­

, 'tradiction avec l'évêque de' Bourges, quand 'p.oUs di,sons qUé, ~~ Chr,istia­Disme, importé dans les Gaules au 1er siècle, n'y re~port~_ql1é des succès

--"",partiels, que les persécution~ 'arrêtèrent si bien, ses dévelOppements que les 'missionnaires du me siècle et du suivant trouvèrent presque partout le paga­nisme en vigueur, et que leurs efforts auraient peut-être échoué de nouveau sans la convc~sion de Constantil~. Les légendes de ~aint Martin, de sa,int Amand, de samt Valery et de samt Berchond, de samt Honoré et de blen

) d'autres nous prouvent que les croyances païennes avaient,encore de pro­fondes racines du IVe au vuo siècle '. 11 suffisait qu'il y eM dans la Gaule des doux premiers siècles un certain nombre de chrétiens,' pour que les nombreux écrivains que nous avons cités dans le chapitre précédent aient parlé de la prédication de l'Evangil~ dans nos contl'écs; mais Sulpice Sévère, se plaçant à un point de vue différent, et considérant la masse res­tée païemïe jusqu'au IVO siècle, a dit avec raison que a foi avait trlOmphé tardivement dans les Gaules.

M. Paulin Pâris, dans sa nouvelle édition de rlIistoire littéraire de la France (t.'~r, p. 44i), propose une autre interprétation, en croyant que le passage en question a été obscurci par le mauvais placement d'une vir­gule: « J'irai même», dit-il, « au-delà. de MM. Darras, Arbellot, de Baus­set, Roquefort, en proposant de rapporter le sel'ius de Sulpice aux persé­cutions qui auraient frappé assez tard sur la Gaule déjà convertie au Christianisme. C'est ainsi, je le pense, que l'eftt entendu Dom Hivet lui­même, s'il n'eût pas écouté, dans la discussion des faits de cet ordre, une passion regrettable. Chose singulière! le savant bénédictin veut que l'édit de Domitien, rendu en 9,1 contre les pllilosophes, ait fait reIluer aussitôt dans la Gaule les études philosophiques, et il n'admet pas que les nom­breuses persécutions faites contre les chrétiens, durant les deux premiers siècles, aient fait refluer dans les Gaules les chrétiens chassés de Rome et les prédications éYangéliques )).

A l'appui de cette interprétation, nous ferons remarquer que parmi les évangélisateurs des Gaules, que nous plaçons au premier siècle, il en est

1. Lib. II, c. 47. 2. A l~OIDC mùmr!, 11dolf\trio n'tHult pus détruitll;'I b fln tilt IV' sIècle, t61l1t1ill Iii t Utatl10 d'nne !'ùttie

du sénat, .;OUS 10 l'è{;ll() de 1'!:l"ollosc, pou,' !;, l'Csbul'at-ion ot.'clella du clIlle pl'.len. Le polythtibme aVait cuc,orc, à cette époque; une ccrt:liDll vItalité, comilla le prou';'<J III paUme anonyme, oomrO$O en :.lG4, 'Ill. M. 110re1 ;, publié dfln la Revlja al'cMolü:lique (juiz;t ct Juillet !8G J.

,-- ...'

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'.676 DISSERTATION SUIt LES ORIGINE5 DE LA FOI CllltBTIENNE

fort peu qui aient subi le martyre; presque tous son t honorés du culte de confesseurs pontifes. . .

Si nos contradicteurs ne _veulent point admettre ces explications, ils seront toujours obligés de convenir que Sulpice Sévère et Grégoire de Tours.: émettent une opinion contraire à celle d'une foule d'écrivains qui leur sQnt . contemporains ou antérieurs, et que dès lors nous avons le droit de 'n'en-, pas tenir compte. Et qu'on veuille bien se rappeler que, parmi les témoi~

gnages que nous avons cités, il en est peu qui soient empruntés à'des légendes, parce que nous n'avons pas voulu nous exposer à une fin de ·non­recevoir, basée sur les erreurs que peuvent contenir ces documents. Il n."e faudrait pourtant point abuser de nos eoncessions, en exaltant l'infaillibi-. ~ lité de Sulpice Sévère: car'nous pourrions rappeler que ses assertions sont loin d'être incontestables, comme lorsqu'il prétend que Néron~ réalisation de l'Antechrist, était ên~o.!'~~n vie au Vil si~le; lorsqu'il nous dit que Titus,

. en baine des juifs et des chrétiens, fit mettre le feu au temple de Jé,rusa-' } lem; lorsqu'il raconte que Trajan défendit de' persécuter les chrétiens, ce qui est formellement contraire à la teneur de sa lettre à Pline. Aussi Mama­chi a-t-il porté ce sévère juge~nt : (e Je crois peu à Sulpice Sévère qUI se trompe souvent et semontre peu habile en histoire '1 ». . '. . ~.'

2 - Grégoire de Tours, auquel on peut. reprocher d'aussi nombreuses ~ erreurs t, sans que sa sincerité soit mise en cause, a fourni à l'école de Lau:. . noy son principal argument. (e Du temps de Dèce», nous dit-il 3, (e sept· évêques furent envoyés pour prêcher la foi dans les Gaules, comme l'atteste l'histoire de la passion du martyr saint Saturnin )l. Elle s'exprime en ces termes: (e Sous le consulat de Dèce et de Gratus, comme on s'en souvient " par une tradition fidèle, la ville de Toulouse reçut son premier évêque, saint Saturnin ». Voici donc les évêques qui furent envoyés: cc Gatien, à 1

'l'ours; Trophime, à Arles; Paul, à Narbonne; Saturnin, à Toulouse; Denis, à Paris; Austremoine, chez les Arvernes; Martial, à Limoges n. -.-, M. l'abbé FaiIlon (Ajon. inéd., II, 370) a parfaitement expliqué la méprise

de Grégoire de Tours. Nous possédons les Actes de saint Saturnin, où il est dit qu'il vint à Toulouse sons le consulat de Dèce (erreur que nous expli-' qucroDs plus tard), mais où il n'est fait aucune mention de ses compa­gnons. D'un autre côté, nous coimaissons les Actes de saint Ursin qui énù­mèrenlles sept évêques, parmi lesquels il place saint Denis, e!Lattribuant l~ m~sioI!J.~aLntPierre. GrégoIre de Tours, ~ac ant fort bien que saint Denis n'avait pas été envoyé par le Prince des Apôtres, a reconnu là une faute chronologique; en voulant la corriger, il est tombé dans une bien plus grave erreur, et il a appliqué aux sept évêques l'attribution du règne de Dèce qu'il avait trouvée dans les Actes de saint Saturnin. Quand nos adversaires nous reprochent _d~n~)Us « crampon!1er à des légendes qu'ont

1. Sulpitio non credam crrllnti s:cpe et minus perito historillrum. Orig. et alltiq. christian" II, 270.

2. C'est précisément clans le cilapitre qu'on iuvoque contro nous que se trouvent des erreurs de chro­nologie incontestées relativement il saint Sixie, saint Laurellt, saint Hippolyte, Valentin, Novatien, etc. ' )[, Jehan do Saint-CJaviell ct M, J'abbé r.ollnnd ont fort bien démontré que Grégoire de Tours ne con­lHlj;;~ait quo fort impal'f~itoDlent l'hhtoiro de ses propres prédécessèurs. SIl\' la vàlellr historique do cet Donn,\listc, \'oir ctans Je~ Annales d~ Philosoplâe, fél'ricr 1862, !tn article de ;\L Lccoy de la Marelle; :.r. 1Sri~B, de Vila et scriptis Gi'c!/orii,o!ln rtlcle àc )1. Ch. Salmon dr~us lu. Revue de l'Art ch,"étien, SCll­

tcm1Jre et novembre 186:). '

a. Hl1jll~ telupOI·C. supte , "nt; c;li.;copi ol'Llin:lli ut! nr,T~l1k"ndllm lu GlllliaS mi,si sunt, sicut historia l):l.sslolll~J :;:mc!i mar1yris S'lllll":;/ii enal'mt. Ait eui ;" Sllb Decio ct Grato cousulibus, ,;lèut lîdo]i rceol' aliono r tiuc! ur, pr! U!!Lm • sn mUllm Tolossn:.!. civita, s uctnfi1 Satlll'lliuLtlll h:~llcl'e cœper:lt sacer­c10lt.!lll tl, Jfj c:rgo lllissi u~t:'· nnjcls 1 Gr';ltlllnus c.pf 'copns; ..: r(;l;l:L_'jl":ÎJt1~. 'fropi1iI1111S èpi-5COpuS; I\Tal'­bou:.'C l f'i~lill1s t.~pi:-'(,~OrHl~; TO;fi:j :"lÎll'lIjO!1S .!Jj~cOp\J~; l->;~l'i~ils: l)inny:-jii::; cjiLcOIJU:; ~ Ar\-tfnis l StrenJ.O"':­ll.iu~ opi:;C011US, l..cmovicii, r .Ll. Ii:, Ibt d';;;'illlltU.:l Cl':SC"llLl:; •. (Ilist, FI'(W<è., l. 1, c, 28.)

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1.

DANS LES GAULES. 677

rejetées nos savants les plus oI'thodo~es 1 il, il.Ldevl'aient biên, se rappeler� , que Grégoire de Togrs n'a basé son opinion que sur une lége~Q.e, et, qu~ pis�

est, sur une légende dont nous démontrerons le peu de valeur. _ " .' ,� L'évêque de Tours s'est donné d'ailleurs de fréquents' démentis. Il a�

( inséré, dans son Histoire des Francs, la lettre ·adressée par sept évêques à� ) sainte Radegonde, où il est dit que « dès la naissance, de la religion catho­�

. -Î lique, on commença à r~spirer l'air de la foi dans les Gaules»; nous' avons l vu. plus h.aut qu'il ~lace _au_ premier siècle l'apostolat de saint Eutrope, de

samt Ursm et de samt Saturmn. , '.' Que faut-il conclure de ces contradictions? qùe saint Grégoire de Tours,

à une époque où manqùaient les moyens de communications pour s'enqué-: rir des traditions locales, a pu rester dans le doute sur la véritable date de l'évangélisation des Gaules; sans se prononcer sur ce point, il aura . tantôt J

exprimé les traditions qui parvenaient jusqu~à lui et tantôt accueilli l'opi- , nion contraire consignée dans une légende fàutive qu'il avait sous les yeux. On s'expliquerait ainsi ses p'récautioni de' citation t et le vague de certains renseignements '. Ou bien encore, comme l'a cru Tillemont, on pourrait

) en induire qu'il y a eu au VIe siècle" deux traditions contradictoires sur l'époque de l'introduction du Christianisme. Mais nous ajouterons qu'il ne peut y avoir parité de valeur entre deux traditions, dont l'une n'a trouvé d'écho que dans Grégoire de Tours et peut-être dans Sulpice Sévère, tandis que l'autre a été acceptée par un si grand nombre d'écrivains contempo­rains ou antérieurs.

Nous ne voulons point prolonger la discussion sur un texte qui a été tant de fois élucidé·; nons nous bornerons à rappeler qu'il est invraisem­blable que sept évêques aient été enyoyés de Rome dans les Gaules, en 250, alors que sévissait le plus énergiquement la persécution do Dèce, etque le clergé romait.:! ép.9uv-.?n!é laissait vacant, pendant seize mois,' le siég~apos­t..olique; que l'autorité de Grégoire de Tours est SI peu sl11'e, que ses plus chauds partisans, tels que "l'illemont, Longueval, Denis de Sainte-Marthe,

( se sont trouvés obligés de la dél~issll!: su!:...divers pol!!.ts, notam~enL en ~la­) çant saint Trophime au prernïer s~cle; que le texte qu·on nous oppose est

démenti, non-seulement par une foule de traditions locales, mais par tous les historiens que nous' avons cités; enfin, que jusqu'au xvn8 siècle, l'opi­nion isolée de saint Grégoire de Tours, bien qu'elle flit connue, est restée sans influence et sans écho.

@. - Qbjections tirées de certaines données historiql!!l.s.

M. Tailliar (p. f23).,pour expliquer comment la Gaule ne fut évangélisée que sous le pontificat'de Saint Fabien (236-250), partage la papauté primi- ,­tivement en trois phases: la phase Juive, qui comprendrait les cinq pre­miers papes; la phase grecque (109-192) et la phase latine. La première ne se serait nullement occupée des Gaules; la seconde aurait fondé les siéges gallo-grecs des bords du RhÔne; à la troisième serait due l'érection des sept

1. ~1!tnry, Bapport li; ,'Institut SIli" le conCours de 1862. 2. Ut fert' :- - famil fefente. 3. A!n~l, pour saint Austremoine, il se contente do nous dire qu'Il fllt em'oycl par les évêqul',T de Rome.�

(Glor. COTlj"., c. :JO.)�

G V Je:: sp~ci(lleU1~nt les Q vfuges déjà dtés llo Maceùa, Ou.vranl, Fnlllol1, Adlrlllot, Salmon, Dan', c.� GorJii;re, FreJJpoJ, etc.�

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1

"

f '

·6'18 . DISSERTATION' SUR LES ORIGINES' DE LA.' FOI CHRtTIENNE

, première~ Egiises ',gallo-latines! au~idi, à l'es~ ~t au ~o'rd '~e la Fra~c~:'~ Quand bien même cette elasslficatlOn ne seraIt pas complétement arbi-' traire 1, nous pourrions toujours dire qu'elle ne prouve absolument rien, ' Les successeurs des Apôtres, quelle que mt leur nationalité, n'en héritaiént 'pas moins de leurs droits et de leurs devoirs, et ils ne pouvaient oublier que c'est à eux, comme au Co116ge apostolique, que le divin Sauveur aV31it intimé cet Ordre: Docete omnes gentes. '

Notre savant collègue insiste beaucoup sur un autre argument qui lui paraît décisif: «( L'état social au milieu duquel vivent ces Saints», nous dit-il (p. 197), «( l'administration r0II?-aine organisée de leur temps, les insti-' , tutions judiciaires alors en vigueur, les lois qui leur sont appliquées sont du mG et non du 1er siècle ». Sur quoi s'appuie-t-on pour produire 'une affir-­niation si positive? sur quelques détails des légendes écrites du yB al} 'f'

x' siècle. Est-ce que leurs auteurs, peu versés dans la se.ience de l'ant~quité.... 'ne se souciant guère de faire de la couleur locale, n'ont pas dO.· sQuvent <

confondre les temps et les lieux, donner aux localités les noms qu'elles por.. · " taient de leurs temps, et rajeunir les mœurs et les institutions dont ils -.. ' avaient à parler? Nous irons plus loin que M. Tailliar, et nous dirons que certains détails historiques de ces légendes ont une physionomie. toute' mé­rovingienne. On n'en conclura pas assurément que les Saints dont elles racontent la vie n'ont vécu qu'au VIO ou vnO siècle, mais que leurs biogra­phes ont agi souvent comme ces peintres du XVIO siècle, qui donl!ai~nt aux Apôtres l'allure et les costumes des cours de François 1er ou de Charles-Quint. ' .

C'est précisément l'état de la Gaule au 1er siècle qui nous démontre l'in- " vraisemblance de l'oubli qu'en auraient fait les missionnaires chréti~ns.

C'Clt de_ ran 5~ à l'an 52, avant Jésus-Christ, que César soumit notre pays à la puiss,!nce romaTne; c'est Auguste qui ftt ouvrIr lés quatre voies qûi, partant de Lyon, coupaient en quatre parties le territoire conquis. Les commerçants, comme nous l'apprend Strabon, s'étaient empressés d'établir .les relations d'échange entre Rome et la partie la plus occidentale de la Celtique; de nombreuses familles italiennes étaient venues se fixer dans nos , provinces, pour y exploiter les terres qu'on leur donnait ou qu'ils ache- '

( taient à bas prix. Et il faudrait admettre qu~, parmi tous_ ces négocianJLet~' \ ce~olons, il...!!'y i!-pas eu de ces chrétiens qui remplissaient pourtant déjà i la capitale du peuple-roi, ou que, s'il y en a eu, ils n'ont pas cherché à Î propager leur doctrine, à attirer ces missionnaires qui n'auraient eu de j zèle à dépenser que pour l'Afrique et l'Asie! Et cct état de choses aurait

duré deux siècles et demi! Et la Gaule, cette province qui vivait de la vie de Rome, aurait encore ignoré le grand événement qui agitait la société romaine, à l'époque même où Tertullien disait aux magistrats de l'empire: (( Nous remplissons tout ce qui est à vous, vos villes, vos îles, vos forteresses, vos colonies, vos bourgades, vos assemblées, vos camps, vos tribus, vos décuries, le palais, le sénat, le forum; nous ne vous laissons que vos temples! ))

1. Dans 111 pr tendue phaMl jnlye da M. T lUia.l." cOlIlposée tte elnQ 11 pcs, $6 tl'ôuvcnt : saInt Lin, Ita­tien rl'orir;ine, né 'L Vol errll; sll'nt Clément l ", né il. nome. Saint Clet, omis cll11lS cette nornellelatnre, )llH)"it il He;ne, Ainsi llone, sur si..; papes. en yoll" trois lu.tïns, Nou~' )lourrions ajouter qne saint Eva­riste fi'l nit en Gri2.cc cl'u; père juif, Je !;l citlÎ [le BotJü(:utll, tnnclh fLlle :,r. T;lillial' le fait IHlitI'(' à Detll­léc.lll (l'. ) G). Snl' je, luit pape (le la pr6'Ier\()llc phàSC grecque, nou;; lI'rn 'oyons quc trois qui soicllt l~' ri;;iIHl g ~ qu~. S~int Ale:c,ndrp. 'or et ~f111l Sixt r naquirc:"t: ':Olll';.' tut P'e 1er, ~n tali.e; s:;.int . nicet, en ,·:yri(} ; ~!llm Soit!', Il l IncH en C. In '~Ili", La pl 3.se latine ~ Irait ~h: Inn gun' 'at' s~iu(: Vic­tor, \l\1i nn.Juil n AlTi Il'', ct dunt 111. '1" nrlll' f .. it m:nenl:er le pOllUllC:lt DU l'au Hl::, tn.àis que Ica IIIrcillcurs 'l'itil1l1CS ]'('1" !'tc'ut :;l'l:1 rl::l:'IIo' J' n IGiJ,

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DANS LES GAULES.

Si, 'de~ temps gallo-romains, nos adversaires portent ·;les yeux sur le moyen âge, ils y trouvent un autre genre d'argument. Ne pouvant nier les affirmations des légendes sur l'origine apostolique de nombreuses Eglises des Gaules, ils expliquent ces asser~ions par de prétendues' rivalités de siéges épiscopaux et de monastères. Tous les monuments historiques que nous invoquons ne sont, d'après M. Tailliar, que «( des plaidoyers en fa~eur de telle ou telle Eglise et décident dans, leur propre cause». Cette généralisa­tion n'est nullement motivée: nous ne voyons, au moyen âge, què trois grands procès sur la matière qui nous occupe: ils sont relatifs à saint .

.Trophime, à saint Martial, à saint Denis; et ne justifient nullement les con­clusions de M. Tailliar. Si l'Eglise de Vienne/a contesté à celle d'Arles sa su­prématie, elle n'a jamais nié que saint Trophime ftit un disciple, des. Apôtres. En ce qui concerne saint, Martial, la discussion roula, non point sur la date de sa mission, mais sur son titre d'apôtre..Pour saint Denis, on . ne met pas' en doute l'éDoQue de s'oh 1W0stolat~ mais son identité avec l'aréopagite 1.. . . .

. Si les traditions en faveur du premier siècle 'étaient le' fruit d'amours­

fpropres locaux, comment n'auraient-elles pas été énergique.ment démenties par les Eglises rivales? Comment des siéges importants, comme Lyon, Bor·

\: deaux, Cambrai, n'auraient-ils pas ambitionné la gloire d'une antiquité . l reculée que s'arrogeaient des Eglises bien inférieures, comme Apt, Séez et .

i' Béziers? Comment ces tradit.ions auraient-elles été adoptées par les autres diocèses et soutenues par des savants étrangcl's, tels que ceux d'Italie, ~i

( n'avaient à défendre aucûn in_térêt <IëClocher ? (c Singuher con raste » t

) s'é~riait le Journal de Trévoux en 1725 s! «( qu~ s'.accorde peu avec la jalousie réCiproque des peuples sur tout ce q'fl les dlstmgue! Ce sont les étr~nge!s

qui persistent à r~culer jusqu'aux temps apostoliques lé!- mission de nos .) prcmiersévê ues, pendant que nous renonçons dédaigneusement à l'anti­quité de cette origine, pour nous en donner une beaucoup plus récente! »

Insislerait-on en disant que les Eglises, comme les villes, ont toujours eu une tendance à vieillir leur berceau, et qu'on s'explique les prétentions des siéges épiscopaux, en voyant celles de certaines cités qui ont jadis réclamé pour fondateur, soit un prince aventurier, exilé de Rome, soit quelque héros échappé d'Ilion! Nous répondrons que ces imaginations ro~a­nesques ne datent ni des temps mérovingiens, ni du moyen âge. C'est seule­ment aux xve et XVIe siècles qu'on voulut rattacher l'histoire des Gaules à celle de l'antique Troie et parfois même à Noé et à ses enfants. Ce fut le dominicain Annius de Viterbe qui donna, le premier, en 1498, la série des prétendus rois primitifs des Gaules, qu'il attribua à Bérose. D'autres écrivains brodèrent bientôt sur ce thème des fictions aventureuses, et l'on inventa des biographies détaillées des vingt-quatre souverains qui se seraient suc­cédé dans les Gaules, depuis le déluge jusqu'à la guerre de Troie. On voit qu'aucune assimilation ne saurait être établie entre les rêveries du XVIe siècle et les traditions religieu,ses dont l'origine remonte à la naissance du Christianisme.

1. Voit l'c~c(lllc)1t ouvrage OC M. l 'nbbé Dnrras, Saint Denis l'ai'éopa[!itf!, premÎ<?r évt1lJlIe <ill Paris; dll Y trouvera Ull" l'éfutation il1:lttnquaulc rIe l'opinion qui nccusu Hildl1ln (rxo dècle) <l'Iwoil' ln,l'nt:i l'identité ,le flint DenIs, é"'~CJ.uo ùe Paris, [A,CC s:::.!nt DeDis l'àréop,:git\:, I:~ntclll' Il. !ljo\lt6 do nouveau argumllnts ?J. caux qU'a.vaient üéJlIlll'O(lnit:;, en faveu)' du 1"" siècle ~tlllJillon, l'iJ[~I, Notil AlcXlklld c. Rou. CflJUa, Cblffiet, llall(li:l:. etc.

ll. Numdro da 'IlDvIllr, p. 93.

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1

DISSERTATION .sun LESORIGINÉS DE LA FOI CIIHÉTIENNE' '

@. - ~bjections irées de la phjJologf!. '

On s'est demandé dans quelle langue auraient prêché les missionn'aires du premier siècle. En celtique? ils ne le connaissaient pas; eri latin? les ~'

Ir auditeurs n'auraient point compris. « Si ces prédications retentissent à là' fin du troisième siècle», dit M. Dufour, « les difficultés doivent être de '

l

f 1 ( beaucoup moins grandes; le penple celtique est entièrement romanisé t j).-_>,"" \ Nous croyons que les difficultés sont restées à peu pi'ès les mêmes; d~s le " ' premier siècle, comme an troisième, on parlait latin dans les villes'peuprée,s

de colons romains; au troisième siècle, comme au premier, la plupart des ) campagnes avaient encore conservé leur idiome primitif. Aux deux époques," \ les missionnaires romains se trouvaient donc en face de deux langues'Ibieu_, ,

diverses, et nous savons qu'ils ont prêché dans les petites bourgades, aussi, , bien que dans les grandes cités. Avaient-ils reçu, comme les Apôtres, le don. ' .~ des langues? Apprirent-ils la langue du' pays, comme font aujourd 'hu~

ceux de nos missionnaires qui évangélisent la Chine, ou la Tarté,l.rie? Nous . ,~

n'en savons rien, et la solution de cette question n'apporterait aucun jour' , sur l'époque où la foi s'introduisit dans nos contrées. -, " ,,', .

Il est une question que nos contradicteurs "oudi'aient détou'rner de -son' , sens réel, pour nous ôter un point d'appui: c'est celle de disciple 'des ApM1'es,: disciple de saint Pierre. Cl N'est-ce pas prendre trop à la lettre», dit M. D~roùr (p. i4.), cc une expression figurée, qui est même entrée dans notre langue? Et à qui ferait-oIl croire que qualifier aujourd'hui un médecin de disciple d'Hippocrate, cela voudrait dire qu'il aura été formé par le savant grec,' dans l'art de guérir? Il S'il s'agissait d'une locution honorifique, on aurait, .

r désigné nos missionnaires sous le nom de disciples de Jésus-Christ et non- " point de disciples des AptJtres, puisqll'ils enseignaient la religion du Sauveur; . s'il s'agissait d'une expression figurée, pourquoi ne la voyons-nous pas, appliquée aux missionnaires des IVe et oye sièeles, qui y auraient eu les , mêmes droits? Il suffit d'être quelque peu familiel' avec leîangage des Pères et des Martyrologes, pour voir que' cette qualificatibll doit toujours être prise dans son sens littéral, parfaitement déterminé d'ailleurs par les

1textes nombreux où il est dit que saint Pierre ou saint Clément envoya tel~

ou tels de ses disciples dans les Gaules.

@. - Qbjections tirées d~ l'archéolog!!.

Les légendes qui racontent la vie de nos premiers apôtres parlent par­fois d'érections d'églises: on en conclut qu'ils n'ont pu vivre qu'au me siècle, parce qu'il n'y eut point d'églises bâties avant cette époque. (c Jusqu'au règne de Constantin», dit M. de Caumont', il n'y eut point en Gaules d'église proprement dite; on célébrait les mystères dans des maisons des nouveaux convertis, dans les cryptes ou les lieux retirés». Si ce n'a été qu'au IVe siècle que furent construits les pr-emîcI's temples, nos légendaires se sont trompés sur ce point; mais lems assertions erronées ne peuvent

1. L'aposto!at d _ ,-ail1! Pirmil, p, .,

~, Histail'/! de 1'({rcMleclw'~ reliqie/is'> ch. lU.

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, , . . " GR!. nANS LES GAULES.

'devenir un argument en raVeUl' du me siècle; puisqu'iniurait' été dépourvu de monuments religieux,' tout aussi bien que le premier.. , '

, '~Nous ,devons dire, toutefois, que nous ne partageons point l'avis de )1. de Caumont sur cette absence prolongée d'églises. Des textes formels nous montrent que le premier soin des Apôtres et de leurs disciples était de bâtir des sanctuaires dans les lieux qu'ils évangélisaient 1. Lactance nous apprend que Dioclétien ordonna de démolir les églises élevées dans les Gaules 1. On peut, à ce sujet, consulter Ciampini 3, qui cite un grand nombre de temples chrétiens, modestes constructions en bois, qui furent érigés dans les Gaules pendant les trois premiers siècles.

Une autre objection archéologique a été formulée contre le 1er siècle . par M.,de Caumont, au Congrès scientifique qui eut lieu à Amiens en juin

1867 • : c'est l'absence d'inscriptions chrétiennes remontant à cette époqu,e. Un argument qui prouve trop perd toute sa valeur. M. Le Blant, dans sa savante préface des Inscriptions chrétiennes de la Gaule, a constaté qu'il n'existe jusqu'ici que quatre inscriptions chrétiennes datées, trouvées dans

',les Gaules, qui soient antérieures au ve siècle, et que la plus ancienne est de l'an 334. Il faudrait donc en conclure que le Christianisme ne pénétra chez nous qu'au IVe siècle. 1\'1. Le Blant, qui est pourtant partisan de l'évangélisa­tion au IJIe siècle, a très-Ioya~ement reconnu que l'absence d 'inscriptions chré­tiennes ne prouve absolument rien: « Lorsqu'il s'agit des premiers siècles Il, nous dit-il Il, «( chercher dans les marbres d'une contrée des monuments contemporains de l'âge où y parut le Christianisme, c'est, le plus souvent, s'exposer à des mécomptes. Par nécessité absolue, aussi bien que par goüt du mystère, les fidèles ont longtemps caché leurs croyances. On le voit pour Rome, où, sur 1400 inscriptions datées, trente et une seulement sont antérieuL'es à Constantin Il. M. Huillard-BréhoU,cs 8, de son côté, fait cette remarque: «( L'extrêmè rareté de la mention du marlyre, sur les monu­ments, s'explique par le caractère officiel des persécutions, el par la vigi­lance des autorités romaines qui n'auraient point souffert celle espèce de protestation publique Il. Nous souscrifons volontiers à celle explication; mais, si elle est vraie pOUl' le me siècle, à plus forte raison doit-on l'ad­mettre pour les temps antérieurs; et, par conséquent, l'absence d'indica­tions chrétiennes sur nos anciens marbres funéraires ne peut nullement infirmer notre thèse.

Puisque nous parlons d'inscriptions, c'est ici le cas de rappeler celles qui ont été découvertes à Arensberg, en 1.842, dans le duché de Hesse, el dont le savant Bollandiste, le révérend Père Van Hecke, a tiré un nouvel argu­ment dans la dissertation qui précède les Acte5 de saint Florentin 7; il s'agit de deux terres cuites: la première, en forme de poisson, symbole des pre­miers chrétiens, porte ces mots:

LEG. XXII PRI (legio XXIJ, p7'imitiva, fidelis)

l, i-l1yez Bona, de lIeb. lilurg., lib. I, c. 19. - L'abbé Do, Origines c!lrét. du pays Bessin, p. 156. 2. De morte iJersecut., c. AV.

S. '·ete/'. IIlOII., 1. c. 18. 4. Nous avons été ~nr]lris de lire dans le Bulletin monumental de lIL de Caumont, que le Congrès

scicn!iliql1e J'Amiens s'était p:'olloncé cn fa,'eur da HI" 6iècle. Dans llne séance dé la Sect-ion d'Archéo­logie, I1JlI'ès UllO lecture de 11. Tllilli3.I', Mi\!, do Caumont et l'abbé Cochet ont abondé dans sou sens; M. J'lIl.!i;(j DUI',l! a \'';pliqu6. Les autres membres n'ont point pris part à la dist:u;;S!OI1. Il n'y avait a)or~

que li:::: l \Cll1tJl'CS présents. Ce n'est pas assurément une lltll'ei1le Cl.Iu:icl'ie .1nt!r..le qu'on peut. quuli!i~l' (ta li6 'i31'>1) (ln COllgTI'S.

5. l'n;luce dos IIl$cl'i'ltioJ1$ chdii~;j1 ~s cll? la Da:lle, p. LVI.

6. Revu::: cOlltemporain , 15 scpt~U;l:ll'G i866. 7. Acta SanClorll171, 10 octobre.

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. 682 DISSERTATION SUR. LES ORIGINES DE LA. FOI CHRÉTIENNE . . \ ' . )

L'autre, cn forme de croix, porte ,la mOrne inscription avec l'addition' SEMPER ON. -,

. '\ Or, cette vingt-deuIième légion, qui se recrutait en Italie, était sur Ie~ . ~ , bords du Rhin du te!1?ps de Caracalla et de Septime Sévère (214-235). On • voit, par la forme des objets découverts, qu'elle comptait des chrétiens· ' dans son sein, tout aussi bien que cette légion fulminante qui, sous Antonin," . ­campait sur les bords du Danube, et à qui Dieu donna la victoire, nous dit

1Tertullien, à cause des prières de ceux d'entre eux qui étaient chrétiens. J

.. De ces faits, nous tirerons cette conclusion. que les légions romaines qui séjournèrent dans les Gaules, pendant les deux premiers siècles, 'devaient· aussi renfermer, un certain nombre de soldats chrétiens; qu'ils o~t d'O,_ • dans la ferveur de leur prosélytisme, faire connaître les croyances qui les., .

~ animaient, et que, par là, nous sommes reportés bien en-deçà de ce,tte date ,','l de l'an 250, où l'on voudrait que les papes et les missionnaires se fq.ssent. ..

enfin aperçus qu'il existât de par le monde un pays qui s~appelait la Gaule l '7 ?:,., . 1

. r

~. - ObJections tz'l'é~s de la vraisemOlance h~·st01'iqt!!.

Il n'est point v;aise~blable, a-t-on dit, que saint Pie~re,et saint cié- . ment aient envoyé des missionnaires dans des villcsaussi pe~ importantes. ~." que l'étaient alors Lutèce, Limoges, Lodève, Saintes, :Périgu'e"ux~ et qu'ils .' .' aicnt oublié d'autres cités bien plus considérables, où tout lé' monde .con,'; . vient que des siéges épiscopaux ne furent constitués qu'au 111° ou au IVII siècle.. Sans essayer d'établir ici une comparaison sur l'importance relative des ­cités des Gaules, étude pour laquelle les renseignements feraient souvent défaut, nous dirons qu'il n'est nullement démontré que saint Pierre et saint

\, Clément aient spécialement désigné telle ou telle ville aux disciples qu'ils ~ 1

envoyaient dans les Gaules. Nous croyons que presque tous furent des.

1b'~ques régionnaires; après de nombreuses courses apostoliques, ilss'arrê-:! tèrent là où les fixa leur inspiration personnelle, ou plutôt l'influence de la g~:!_ç.e. Un certain nombre d'entre eux ont été considérés comme fondateurs de siéges épiscopaux, uniquement parce que leurs courses apostoliques ont été interrompues par le martyre: ainsi donc, l'importance respective des. cités est une considération qui doit rester complétement étrangère à nos' . ï'

débats. Mais cependant, insistera-t-on, n'est-il pas singulier que la "Gaule-Bel­

gique ait été évangélisée au 1er siècle, alors que des provinces bien plus romaines, Lyon et Vienne 1, n'ont reçu les lumières de la foi que vers l'an 160? Cette dernière assertion est une hypothèse toute gratuite: on a beau répéter que saint Potbin fut le fondateur de l'Eglise lyonnaise, on ne

( le prouvera jamais. La lettre que les Eglises de Vienne et de Lyon adres­J sèrent il celles d'Asie, se borne à dire que « le ministère de l'épiscopat de

Lyon fut confié à s&int Pothin li Il : ce qui ne démontre nullement qu'il n'a

1pas eu de prédécesseu~~9ans cette cité, et surtout qu'lrn'y eut pas là de chrétiens avant lui; car de vastes assemblées de fidèles ont d'Il se former dans bien des lieux où ne résidaient point de pontife, et ce qui s'est passé en Amérique, au XVII) siècle, nous explique ce qui dut avoir lieu dans nos contré s.

L Kou devon m peler que l'Eglise ùe Vienne fait remant, blan plu Mut son orIgine, pnisqu'e'lo cous!dhro corn e ~\()n prem~er llp3fi:ù saint Crosee t, !1lseiplo es, int PaoL

2. Qui epi~copnt llU LugJu ,en h' E 'clcSi,' ,minlstraùû.t. Ruin r 1 Acta $illCara, p. 2.

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DANS LES' GAULES. ". '. u~3 r ,

, Nosadversiires compre~nentque""cett~i~trodüctiondu ch~istianisme à Lyon, au milieu du n° siècle, 'peut rajr~~:sèmbler étrange le retard dJun siècle qu'ils exigent pour les autres contrées des Gaules. Aussi, 'pour établir'

, entre' ces deux périodp.$ une difJérence radicale, ils font de Lyon et des " , siéges qui en dépendaient une Eglise -gallo-grecque. On 'rappelIe.que saint Pothin .est né en Asie; mais par quel' document prouverait-on qu'il vint ' chez nous directement de rOrient, et -qu'il ne fut point envoyé par le Saint~

( Siége? Nous diro~s Ja même chose de saiJ?t Irénée quj fut sacré en Dcci· :_ dent. « Il est manifeste », a dit I~pap~ saint Innocent, « qu'aucune Eglise n'~ ,

, , été fondée en Italie et dans les Gaules que p'ar l'autorité (le sarnt Pierre ,et ) de ses successeurs i ). L'Eglise de Lyon est ~ssèniiellement latine pàr $OP

origine et sa constitution, et nous ne voyons pas plùs, de raison de la qua .) lifier de gallo':grecque qu'on n'en aurait à dire ~ue ~'E~lise d'Amiens ~st

gallo-espagnole, parce qu'elle a été fondé~ par samt Flrmm de Pampelune. Une autre prétendue invrai~emblancéqu'onne çesse de nous opposer,'

, ,ce sont les lacunes qui apparaissent entre le 1er et le m' siècle, dans la plu. part de nos listes épiscopales. On voit que ,c'est encore là une de cè$preuv~s n~gatives dont. la valeur doit s'éclipser devant le~ argumenl! P9sitifs qua nous avons produits. Pour qu'elle conservât quelque apparence de force, il raudr it d'ailleurs, établir :tê)que toutes les Egli~s que nous proclamons aVOIr ét fondées au 1er siècle sontdépourvues d'une liste complète i~ ~ c s lacunes ne se remarquent point dans les Eglises i>!iiennes qui, de l'aveu de nos adversaires, datent des temps apostoliques;~que de semblables lacunes n'apparaissent point dans les catal~ues du moyen-J-ge ;~ que n~ssions impuissants à ëxpllquer ces mterruptions de siég~s. Or, nous, allons démontrer tout le contraire. ,

, ®L'Eglise de Trèves compte vingt-cinq éVêq~ngés au nombre ~s "Saints, depuis sa ion ahon Ju§.qu'en l'an 3i4, Ce qui suffit largement pour exclure tout interrègne. Les listes épiscopale's sont complètes, ou peu s'en faut, du 1er au mO siède, à Metz, à Reims, à Chartres, à Narbonne, etc. Nous devons en conclure que la brièveté des autres listes doit s'expliquer par un autre système que celui de nos adversaires, p'uisqu'une seule excoption avérée renverse leur hypothèse. ' œQue peuvent prouver ces interruption3 contre l'apostolicité des Eglises des Gaules, lorsque nous en.trouvons de semblables pour des siéges d'lB!!e et d'Orient, dont nos contradicteurs ne sauraient nier l'existenêëQès le 1er siècle? M. l'abbé Richard a constaté! que Corintbe ne nous-offre que $ix noms d'évêques pour les trois premiers siècles; Epbèse, trois noros pour les deux premiers; Philippes, huit noms jusqu'au XIIe siècle; Athènes, quinze noms jusqu'au XIIe; Aquilée, cinq noms jusqu'à la paix: de Cons­tantin; Marsi, trois noms jusqu'au VIC siècle; Ravenne, treize noms jus­qu'au xve siècle; Spolète, neuf noms jusqu'en 350; Lucques, trois nom$ jusqu'à Constantin. 'fout au contraire, Alexandrie, Antioche, Jérl,l~

salem, elc., nous présentent de trente-cinq à quarante éYêques pour l'ère des perséeutions qui dévorait si vite les chrétiens. Des savants ont expliqué ces difi'érences incontestables de trois façons: :i 0 par le peu de soin qu'on mit à rédiger les premiers catalognes; 20 par la destruction des monu­m nts primitif où auraient pu figurer ces listes; 30 par les persécution;] q 'i, on certai s lieux, interrompirent réellement les successions épiscOM

1. Manliostum est, in omncm Ilalilllll et Galli~,s, 11ll1111ltl imtituio:iB /JCCI1l5i~s, niai eo~ quos vcnor3­biiis Pètrll~ But ('J\l~ S l:('e~~orC3 constilllcmut SllCOl'dotos. Epist. :lt.):".

M' Ol'f(ji1je~ chr ;{i6111L$ de l Gatti, p. 6Z.

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( pales. QU'o~' nous dise c'oniment ce~ e~plicatiohs; r~connues' valables pour ~ l'Orient et rltalie', ne seraient plus de mise quand il 's'agit des Gaules et de ( rEspagne? , . '" "

3° Sans sortir de la France, ne voyons-nous pas de longues lacunes dans' les catalogues épiscopaux du moyen âge, notamment à Toulouse, à Bor­

rdeaux, à Marseille, à Toulon, à Aire, etc. Dans d'autres cités, on remarque ) des interruption~ au IX· siècle: on les exp!ique par les invasions desl!Qr- ' 1mands; est~ce que les p~écutions d~s premiers siècles n'ont pas ~1!YQir

la même influence sur la succession régulière des siéges?, , ., -~ La brièveté des listes épiscopales peut s'expliquer, selon l,es localités, '

1 • de deux manières. Ce n'est point dans les temps de persécution qu'on songe" ~ 1\ -- à créer des archives. Tout'nous démontre que c'est vers le VIllG siècle qu'on

inséra dans les diptyques les noms des évêques. Faut-il s'étonner qu'en l'absence de documents on ait commis des oublis inévitables: on se rappe-:. lait bien le nom du fondateur, qui d'ailleurs était presque toujours inscrit dans la liturgie des Saints, mais il n'en était pas de m~mc pour tous ceux de ses successeurs don!. la mémoire n'avait ~is été perp-étuée par la popu­

--oÔ ----. -- -. -'. - - ~ -.- -')arltédu culte. Supposons un mstant ces dIptyques bIen complets aJ! Ville siècle; combien yen a-t-il eu qui aient survécu aux invasions des Nor­mands? Il a fallu les restituer de mémoire au x.e siècle, à raide des légendes de Saints, des actes des conciles et des r{lres ~hroniques qui avaient échappé .,

~ à la destruction. Comment pourrait-on exiger pour nos successions d'évê- ~" , ques une intégralité qu'on se garderait bien de réclamer dans l'ordre civil . ~ ~ uu militaire? «( Que diraient nos adversaires», s'écrie fort bien M. Sal­

mon l, «( si, leur ayant demandé la liste des gouverneurs romains des pro­�) vinees des Gaules, de César à Constantin, et n'ayant pu l'obtenir, pour�

cause, nous venions gravement leur soutenir que les Gaules n'ont pas ~u de�) gouverneurs pendant cet espace de temps ?,I>

L'explication que nous venons de donner peut s'appliquer à un .certain nombre de diocèses; dans beaucoup d'autres, les lacunes des listes épisco­

l ' 2... /'� pales témoignent tout si~plcment d'une longue vacance des siéges. L'atta­chement des campagnes au culte druidique, l'intolérance des magistrats romains, auxquels appartenait le patronage officiel du polythéisme, arrêtèrent en bien des endroits l'essor de la religion nouvelle i; ici, les premières étincelles de la foi furent complétement étouffées; là, le culte du vrai Dieu se maintint dans quelques groupes, mais sans organisation, ou peut-être avec une organisation tout autre que celle de nos jours. Le P. Perrone, s'inspirant d'un passage de saint Jérôme li, croit que beaucoup d'Eglises, après la mort de leur fondateur, furent longtemps régies par un conseil d'anciens, et que plus tard, les inconvénients deee système olIgar­chique firent élire un des prêtres pour gouverner toute la commu,nauté chr'~tienne. C'est là un mode d'administration qui a été en vigueur dans diyerses contrées de l'Amérique et de l'Océanie, avant que la Papauté ait multiplié les siéges et délimité les diocèses •• .

1. RecJlI?rci~es. etc., p. 202. 2. Ce n'est point là Ulle simple hypothèse, ct nOU3 ne faisons Que générallser cc 'lu,) Grégoire de Tours

dit dn slégc qu'il occupait: u Quod si quis requirit car, post tmnsitum Gatillnl cpiscopi, Ul1113 tantnm uoiQue ad S. Mllrtlnulll fnisset episcopU8, novcl'it (lula, paganis obsislcnt1\.llI;;, dill cil'Has Turonieu. sille bcné'dlctlOllo ~!\cerdotall fuit Il.

3. Idem est prtlsbyter Qui et epi Clopns, et... commulJi pre'bytel'Ol'UlU con:;iIlo C(~cJc>iœ guùcrn~l)alltur;

post ( n.) vero ln toto orbe dccretum c t ut UI!US dll pres!> 'tcris electll~ sl>j1o!rpt!l\cl'ctUl' c:I;tCl'is, ail '1Utllll omni~ ccclcdœ ClU'a- pertlneret et schi l tum ·cminu. toilcrCl):Ul". ln 2'il., f, v, 5.

•• Poil' à ca sujet un OJl:ceUent chapltro de~ Origlnl's dmi,:eIiI1I;'S di; la Clw!e, p. li!.

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Quoi qu'il en soit, il fautr'e'connaîlre que' ce fut 1'avénement de Cons- ~ tantin qui ouvrit une ère nouve)le au' Christianisme dans toutes les pro- , vinees de l'empire, en permettant à la hiérarchie religieuse de s'affermir et de se développer. C'est alors que dans beaucoup de cités, évangélisées deux siècles auparavant par un évêque régionnaire, on vit s'établir une véritable organisation épiscopale, qui avait été essayée de nouveau, mais souvent sans succès, au milieu du me siècle. P(lr un juste sentiment de piété et de recon­naissance, on dut considérer comme premier évêque de chaque diocèse celui qui, du temps des Apôtres, était venu y apporter le témoignage de sa parole ou de son sang. '. '.

Voici donc trois solutions différentes, mais dont chacune est applicable à tout diocèse dont la liste épiscopale e'st incomplète, et dont aucune n'est exclusive des autres, puisque nous admettons que, dans certains diocèses, il yeut interruption ge siéges, ct que, dans d'autres, il n'y èn eut point. Que devicn Ldès IOl'S la prétendue invraisemblance que nous all~guent no~ contradicteurs? . ..

"'IN DU TOME QUATOR'lIè.lIR.

) 1 J~ che- t..: ~ , J da .... .e- -LS f~ t.~ ~ ~ ,.v.-. ,.LA--- . .-, IC­

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